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19/09/2012

KR'TNT ! ¤ 110. RANKKEN. CAT'S EYES. PAPY'S BLUES.

 

KR'TNT ! ¤ 110

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

20 / 09 / 2012

 

 

 

01 / 09 / 2012

 

 

 

PREMIER FESTIVAL ROCK'N'SOL

 

 

 

DE LA SAULSOTTE

 

 

Dix-huit kilomètres. Une paille pour la teuf-teuf mobile lancée à fond sur les petites routes de campagne. Fallait changer de département et de région, mais qui refuserait de parcourir les dix-huit kilomètres qui séparent son domicile personnel d'un festival de rock. Pas moi. Je devais être le seul car une fois sur les lieux j'ai été incapable de dégoter ne serait qu'une demie-âme de Provins.

 

 

Suis arrivé sur les chapeaux de roue, je ne l'imaginais pas si près à l'entrée du village le festival. J'ai même trouvé une place où me garer juste devant la salle des fêtes communales. Vingt bagnoles au maximum, sont tous venus à pieds. Sympa tout de suite, apéritif gratos et amuse-gueules à gogo sitôt acquittés les huit euros de l'entrée.

 

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L'on entendait de la musique, suis arrivé pour un pré-boeuf inaugural, une scène bourrée de guitares à se croire devant un magasin d'exposition de Pigalle, avec entre une dizaine de musiciens qui se la donnaient. Sweet home Chicago et Be Bop a Lula pour commencer. Que désirer de mieux, même si la version du classique de Gene est un peu trop confuse et jazzy.

 

 

Un deuxième apéro pour se mettre en bouche et les festivités commencent. Programme simple et égalitaire. Chaque participant aura droit à quarante cinq minutes, pas de rappel.

 

 

HOLOCENE

 

 

Sont deux sur scène. Un couple. Fille et garçon. Dans la vie aussi. Sont juchés sur des tabourets de comptoirs et n'ont qu'une guitare pour s'accompagner. Se la refileront à tour de rôle. Mais pas à tour de rock. Vous les voyez venir, avec leurs gros sabots folks. Tout juste bons à écraser les escargots. Chantent en anglais. Difficile de reconnaître les morceaux : incriminez mon manque de culture. Un peu ennuyeux. Je remarque que certains sortent se ravitailler en kir. Je les imite par deux fois. Mais ce n'est pas encore terminé quand je reviens. Le gars m'endort, la gerce possède une voix aux inflexions moins monotones, mais vous savez le folk et moi...

 

 

T & S

 

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Sont deux sur scène. Un couple. Fille et garçon. Dans la vie aussi. Non je n'ai pas fait un papier-collé. C'est pas les mêmes. Sont plus âgés. Plus du double. Tempes et mèches grises. Heureusement qu'ils ne sont pas les géniteurs des précédents car les mauvais esprits auraient pu parler de décadence de la race blanche. Sont meilleurs tout simplement. Ont un répertoire seventies, bonjour passez-moi le joint. Commence par le California Dreamin des Mama's and Papa's à la gratte sèche avec Simone qui nous fait le pont à la flûte à bec en plastique. Recommencera sur Gerry Rafferty. Entre nous Baker Street sans sax c'est pas sensas, mais ils s'en sortent tout de même sans ridicule. Sur le Can't Catch me de Chuck Berry, je me suis dit que cette manière d'introduire le riff était stonienne en diable. M'étais pas trompé puisque le titre suivant sort tout droit de l'Honky tonk des Stones. Jouent pour le plaisir, s'y croient pas. Genre, soirée chez les copains, l'on sort la gratte devant la cheminée.

 

 

KENAVO

 

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Kenavo ? Kesako ? Chut, soyez sérieux. Ce sont des têtes d'affiche. Ils auront le droit de rejouer en tout dernier. Finis les gratouilleurs du dimanche sous la couette. L'on passe aux choses palpitantes. A eux seuls ils sont aussi nombreux que les deux groupes précédents et pendant que l'on déroule les dernières bobines de fil le guitariste fait péter des débuts de riff à arrêter un char d'assaut en plein élan. Attention le peuple, les musicos sont là ! Mais que va donc nous sortir de sa grande boîte plate là-bas tout devant le jeune homme tressé ? Pas du tout stressé. Frime tout ce qu'il peut. Fait son important. L'on dirait un gosse en train de monter la surprise de son oeuf kinder. Pour l'instant ça ne ressemble à rien, mais dix minutes plus tard, mais oui ben Dieu ! Quelle divine surprise ! Qui l'eût cru ! C'est une cornemuse ! Livrée non pas en kilt mais en kit. Rock celtique à l'horizon.

 

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Finies les échappées rock de notre apprenti hard-rockeur, vous avez droit à une bouillie de seigle ( bio ), servie chaude, ça brûle la gueule et ça fait mal dans les oreilles. Surtout que le highlander de service nous la serine dans les aigus avec un biniou à trois sous. Recommence toujours les trois mêmes notes. Catastrophe cacatoès. Un truc infâme. A déprogrammer d'urgence vos prochaines vacances en Bretagne. Beaucoup de bruit et d'énergie, mais l'ensemble sonne faux. Du factice rock. Ont tout ce qu'il faut pour plaire, des compos personnelles hurlées en français, une zique bonne enfant aussi lourdaude qu'un menhir de granit rose. Rock celtique avec grosse touche de mauvais goût franchouillard.

 

 

RANKKEN

 

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Festival de rock ? Fichtrement folk plutôt. Rankken va nous réconcilier avec le sens de l'existence. Rien qu'à voir le logo menaçant qu'ils affichent derrière eux sur le fond de la scène l'on sent que l'on change de dimension. Galaxie hard rock. Du métal. Du lourd. Mais jamais statique. En fusion et en mouvement. Trois guitare devant. Trois grands escogriffes qui battent du pied et accélèrent le rythme. Derrière au centre, Jordane qui alimente la forge et l'enclume, un déluge de battements et d'étincelles de feu.

 

 

Plus sombre à gauche, légèrement en retrait Ugo, c'est lui qui lamine les solos, gerbes trash et coqueluches d'escarbilles. David s'occupe du chant. Bellement. Sépulckralement. Chapeau pour la balance, avec un plafond si bas, ça n'a pas dû être facile d'équilibrer cette voix, la rendre audible, l'extraire des roulements métalliques et nous la restituer dans son intégralité inquiétante. Le mur de pierre qui court sur toute la longueur de la construction a conduit le son sans l'écraser.

 

 

Quarante-cinq minutes d'extase pourpre. Un ruban de flamme qui vous enveloppe dans une fournaise de béatitude. Le sourire de Damien derrière son bouc méphistophèlesque s'étire en une grimace diabolique. Bienvenue en enfer. Personne ne ressortira de ce set indemne.

 

 

C'est le clou de la soirée. Un passage maîtrisé de bout en bout. Un son, une image, une attitude. Tout ce qu'il faut pour passer à l'étape suivante. Celle du disque. L'on attend. Avec impatience.

 

 

CAT'S EYES

 

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Pas des vieux matous. Presque des chatons. Sont tout jeunes. Pas pour autant nés de la dernière pluie. Encore en gestation. Le set zigzaguera entre divers styles. Leurs trois compos personnelles ressemblent à des explorations de tout ce qui s'est fait avant eux. Plutôt dans les années soixante. Pop anglaise et british boom. Débutent par un Wid Thing pas très sauvage, mais le chanteur s'en tire plutôt bien. Ne cherche pas redonner une mouture à l'identique. L'a compris que seul le sauvera la volonté de s'en tirer par ses propres moyens. L'élégance du geste et du style. Le guitariste est sur la même longueur d'ondes, a médité son habillement. Echarpe rose et veste anglaise.

 

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Parlerai pas du bassiste qui a assuré au pied levé la relève du membre original retenu ailleurs pour je ne sais quelle raison. M'attarderai davantage sur le batteur. Un minaud. Encore plus jeune que les autres. Une application un peu scolaire, l'on sent qu'il réfléchit à comment il va procéder à la prochaine séquence. N'en perd pas pour autant les pédales. Lorsqu'ils ont annoncé qu'ils allaient entamer – aussitôt et sans sitar - le Paint it Black des Stones – crédités de la nationalité américaine avant tardive rectification – j'ai eu peur pour lui. Pour les autres aussi. M'a sidéré. S'en est sorti comme un chef. Jamais en défaut et une compréhension rythmique du morceau étonnante. La guitare est restée propre et la voix n'est pas allée brouter là où il ne fallait pas.

 

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Ils ont le style anglais. Typically british. Je n'en veux pour preuve que cette version de New York avec toi, en même temps décalée et boursoufflée. Ne sais pas ce qu'ils deviendront. S'ils deviennent quelque chose. Mais quand on compare à Kenavo, l'on se dit que l'inexpérience de l'adolescence est mille fois plus préférable que la fatuité des adultes. Méfions-nous des petits chats qui se font les griffes sur les pieds de la table du rock. Peut-être qu'un jour l'on s'apercevra que c'était des tigrons. Nous leur souhaitons des dents de tigres mangeurs d'hommes.

 

 

TRIVENI

 

 

Ca faisait un moment qu'ils trépignaient d'impatience. Genre étudiants conscients de leur valeur. Deux filles, trois garçons. Pour avoir entendu l'une des deux fredonner une chanson d'Holocène à côté de moi en début de soirée, suis sûr que Lena a une belle voix. Simon le batteur la ramène un peu trop et Simon le guitariste se la pète à la David Lee Roth dans son pantalon en peau de panthère. Manque les rayures, et l'esprit. Du rock. Logique car ce sont des folkleux persuadés qu'ils en connaissent plus que le plus avancé des rockers et qu'ils délivrent une musique de très haute qualité. La deuxième blondinette, Marieke, est au violon. En joue sans imagination. N' y a que Charles le bassiste très classe qui semble là davantage pour la musique que pour affirmer son égo.

 

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A l'applaudimètre c'est eux qui ont remporté la soirée. C'est frais, c'est propre, c'est gentil. Gentillet même. Ont un minimum d'expérience, de la répartie et de l'humour. Celui que l'on attend et qui ne fait de mal à personne. La rurale population villageoise se ruera sur leur CD. Prix bas, cinq euros, retour aux racines idylliques de la douce France mythique. Ont leur propres compos ce qui est toujours un avantage. Tout ce que ne doit pas devenir le folk s'il ne veut pas être cantonné dans les bacs de zique d'ambiance.

 

 

PAPY'S BLUES

 

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Il est est minuit, la salle se vide après Triveni. Pierre Agutte et son band de vieux briscards montent sur scène. Un gars qui vous avoue en une petite conversation privée entre deux sets toute son admiration pour Dan de Burning Dust bénéficie d'emblée d'un capital se sympathie. Encore faut-il la mériter. Z'étaient dans le boeuf dubitatif du début mais maintenant ils vont nous montrer de ce dont ils sont capables. Le premier morceau Rocking Chair ( rien à voir avec le fauteuil d'Higelin ) est un peu longuet, Pierrot parle beaucoup et sa guitare n'a pas le temps de s'exprimer. C'est juste après que les Athéniens s'atteignirent. Et ça fit mal. Super guitariste. Le plus jeune de la bande mais un son à vous bouffer votre acte de décès dans le cercueil.

 

 

Du rock blues, du rhythm and blues, tout ce que vous voulez. L'on s'en fout, pourrait nous jouer la quarantième de Mozart ou le répertoire de Triveni en entier que l'on trouverait cela beau comme un lever de soleil sur les pics enneigés de l'Himalaya. Le genre de déferlante qui rentre par une oreille et que vous ne laissez jamais ressortir. Sucre candy au piment. J'en oublie de parler de la section rythmique, un bassiste qui aurait pu de temps en temps sortir du bois pour nous montrer de quel châtaigner il se chauffe car il s'est contenté de servir son soliste en fidèle deuxième couteau, alors que l'on devine qu'il en a aussi sous le capot. Et le batteur, tranquille qui assure sans chercher à mouiller sa chemise.

 

 

Pierrot s'en donne à coeur joie. N'est pas non plus manchot de ses dix doigts. En plus il interprète la reprise de Saint James Infirmary de Mitchell, l'hommage à Buddy Holly et Eddie Cochran. Emotion. De temps en temps Pierrot batifole sur son orgue. Ce qui nous privera de la reprise de Rock'n'roll de Led Zeppe. A la place l'on aura le Wither Shade of Pale de Procol Harum. C'est beau à pleurer, encore mieux que l'original ( sans mentir ), mais un peu funèbre pour un final, et puis nous priver du dirigeable à une heure du matin, c'est un peu dur. Devrait même exister une loi qui interdise ce genre de cruauté mentale.

 

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N'ont pas révolutionné le rock, sont branchés directement sur l'âge mythique du genre, mais au moins ils savent de quoi ils causent.

 

 

FIN DE PARTIE

 

 

Au secours Kenavo revient. C'est terrible comme les gens tiennent toujours leurs plus mauvaises promesses. Oh, non ! Tout mais pas ça ! Comme je ne veux pas cauchemarder le reste de la nuit, je me jette dans la teuf-teuf mobile et m'enfuis en roulant.

 

 

A la réflexion, le festival aurait dû s'appeler Folk and Sol. Ne dites pas que je suis sectaire, c'est totalement faux, c'est juste que je n'aime que le rock. Bien organisé, bonne ambiance. Groupes du coin. Du pire, du prometteur, et du meilleur. L'on espère qu'ils recommenceront. Un bon point à l'adjointe au maire qui se débarrasse de son discours en moins de quarante neuf secondes, chrono en main. On pourra pas accuser la municipalité de récupération politique. Plus que rare par ces temps qui courent ( vers la catastrophe ).

 

 

En plus, à la Saulsotte, ça saute et ça bouge. Le festival était à peine annoncé que déjà l'association fondatrice – on y retrouve Pierrot de Papy's Blues à l'intérieur - prévoyait de le continuer dans les années futures. Pourvu que ça dure !

 

 

Damie Chad.

 

 

FILMS

 

 

BUS PALLADIUM. CHISTOPHER THOMPSON.

 

2009.

 

 

J'ai trouvé le DVD sur le marché, le samedi matin. Bus Palladium, un club mythique pour les rockers. J'ai pris en croyant que c'était un vieux truc. Pas du tout, le film est sorti en 2009 et a reçu tout un tas de récompenses. Etre le petit-fils d'un cinéaste connu ( Gérard Oury ) doit aider à se faufiler dans le milieu.

 

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C'est l'histoire d'un groupe des années 80. Lust, un beau nom. Un groupe de copains qui veulent retourner au rock des Stones, en finir avec le déluge des synthés et des boîtes à rythmes fort à la mode en ces funestes années. Mais ce n'est pas un film musical. Plutôt un film à la française sur le passage initiatique de l'adolescence à lâge adulte, et le vieux fond gaulois égrillard qui remonte très vite, la jolie fille qui se glisse entre deux amis...

 

 

Attention c'est dramatique, le chanteur Manu à qui l'on a fait la coupe à la Jim Morrison terminera, plus tôt que prévu, comme ce dernier au cimetière pour avoir trop abusé de substances illicites. Pour traîner aussi une inquiétude métaphysique au-dessus de la moyenne qui le ronge de l'intérieur. Prenez mon mouchoir si vous sentez que les larmes vous montent aux yeux. Ce n'est pas la peine de me le rendre, je m'y suis déjà mouché dedans.

 

 

Christopher Thompson reste fidèle à son milieu d'origine. Lust ce n'est pas Little Bob Story dans les fumées poisseuses du Havre. Nous sommes à Paris, dans les milieux de la bourgeoisie libérée, ambiances maternelles qui n'est pas s'en rappeler celle qui présida à la formation d'Indochine, même si la référence première reste Téléphone.

 

 

Question musique Christopher Thompson a fait appel à Yarol Poupaud car un film sur un groupe de rock qui ne donne pas de concert ce n'est pas évident. N'y a que Daniel Cordier qui s'est permis cette incongruité avec Injun Fender dans les années 70. On ne présente plus Yarol Poupaud depuis qu'il a travaillé avec Johnny et M sur son soi-disant disque de blues, qui n'est qu'une galette de chansons tristes.

 

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Ce sont les acteurs qui jouent. Soyons clair : la musique. Sur scène et en studio. Yarol s'est inspiré du groupe Gush spécialisé dans les ambiances sixties-seventies qui tourne pas mal sur Paris. Le problème c'est le chanteur : ne possède pas une voix puissante à la Jim Morrison, taperait plutôt dans la catégorie sous-Jean-Louis Aubert. Sur les premiers morceaux, l'arrive à donner l'illusion de maquettes bien dans le ton au niveau des paroles mais qui balancent trop gentiment. Vers la fin l'on glisse insensiblement vers la variété de qualité, la tare indélébile du rock français... Voyez ce qui est en train de se passer avec BB Brunes. D'ailleurs comme par hasard l'on y retrouve Philippe Friday Manoeuvre qui joue son personnage avec ce zeste de distanciation ironique qui fait toute la différence.

 

 

A regarder un soir de grande fatigue. Sympa, mais rédhibitoirement petit-bourgeois. Manque la hargne.

 

 

Damie Chad

 

 

LOOK BOOKS !

 

 

TRUE GRIT. CHARLES PORTIS.

 

Traduit de l'américain par John Doucette.

 

Le Serpent à Plumes. 2011.

 

 

Belle couverture avec le Logo Nova aime, en bas à gauche. Avec en plus sous le nom de l'auteur mentionné en grosses lettres «  maintenant un film de Joël & Ethan Coen ». Le western – un univers assez proche du rock'n'roll tout de même - que j'ai raté à sa sortie ! Ca tombe bien ! Pas vu la pellicule, lirai le bouquin ! Faute de grives l'on se contente de merles !

 

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Me suis jeté tout droit dans le texte sans jeter un seul coup d'oeil à la quatrième de couverture, ni aux revers de la jaquette, encore moins à la postface de Donna Tartt. Pour le coup c'est l'éditeur qui est plutôt tarte, car proposer au lecteur français un article qui présente et résume le roman en en citant des pages entières alors qu'il vient juste de le terminer, c'est un peu cavalier tout de même ! Quand Donna Tartt qui est un auteur à succès made in USA nous dit que True Crit est à sa sortie devenu un classique de la littérature américaine, on peut la croire, n'a-t-elle pas elle-même intitulé une de ses nouvelles True Crime ?

 

 

Tout le monde ne parlant pas anglais, ils auraient pu tout de même proposer un titre en français. Nous traduisons, très platement, un véritable courage. L'histoire en elle-même n'est en rien extraordinaire. Deux marschals qui tentent d'arrêter un criminel. Dans le genre poursuite impitoyable, l'on fait mieux. L'astuce du scénario consiste en une gamine de quatorze ans qui se joint à nos deux pisteurs pour retrouver l'assassin de son père.

 

 

Si vous imaginez un truc sulfureux vous êtes sur la mauvaise piste. Rien de moins affriolant que ce récit. De l'anti-romantisme pur jus. Le premier rôle – vieux cheval borgne sur le retour – est un ancien de la bande de Quantrill – un épisode de Blue Berry est consacré à ce personnage, plus que controversé de l'autre côté de l'Atlantique, qui mena durant la guerre de Sécession un genre de colonne infernale oeuvrant en franc-tireur du côté des sudistes... Notre héros ne vaut certainement pas mieux que les bandits qu'il pourchasse. A part qu'au moment crucial, il saura faire preuve d'une grande témérité.

 

 

Le livre tient avant tout par la sècheté de son style. Au papier de verre. Sans fioritures. Aucun sentimentalisme. Des personnages qui ne savent pas ce que c'est qu'un rêve mais qui vont jusqu'au bout de leur volonté. Pas de regret. Les choses sont ce qu'elles sont. Point à la ligne. Inutile de s'en plaindre.

 

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C'est lorsque je suis arrivé à la fin que le déclic a eu lieu, déjà vu la scène du trou aux serpents. Quelques clics sur le net ont confirmé ma mémoire : avec John Wayne dans le rôle principal ! Tourné en 1969, tout de suite après la parution du bouquin en 1968. Me suis livré à un petit comparatif entre les deux westerns celui des Coen et celui avec Wayne. N'ai vu que de courts extraits. Fidèles au livre, l'on reconnaîtrait les scènes les yeux fermés et sur le peu entrevu, le film le plus récent n'apporte pas grand-chose de nouveau à l'ancien.

 

 

 

Portis est né en 1933 – même génération que Gene Vincent et Elvis Presley – il met en scène un monde en train de disparaître. Comme le dit si bien Donna Tartt «  True Grit commence au moment où le Vieux Sud et ses valeurs chevaleresque se diluent dans l'univers de la « frontière »... et se termine à Memphis, au début des années 1900, au milieu des wagons d'un show de l'Ouest sauvage. Le XX° siècle débute, et avec lui la mythification des légendes d'un monde disparu. »

 

 

 

En d'autres termes, True Grit, c'est Johnny Cash avant Johnny Cash. Western sans Country.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

13/09/2012

KR'TNT ! ¤ 109. GHOST HIGWAY / JAKE CALYPSO / CHARLIE HIGHTONE

 

KR'TNT ! ¤ 109

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

13 / 09 / 2012

 

 

 

7 / 8 / 9 SEPTEMBRE / DISNEY VILLAGE

 

FESTIVAL ROCK 'N' ROLL

 

 

GHOST HIGHWAY / JAKE CALYPSO

 

CHARLIE HIGHTONE AND THE ROCK-IT'S

 

 

Pour Alain, en lui souhaitant un prompt rétablissement,

 

 

A l'heure où en Russie l'on envoie les Pussy Riots en camp de travail pour avoir osé chanter une chanson anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, au volant de la teuf-teuf mobile je fonce tout heureux et comme un dératé vers les Parcs Disney symbole de la la consommation capitalistique et de l'abrutissement culturel des foules. Le rock a du mal à échapper aux tentatives de mastication du Système, il devient à son corps défendant, et parfois très consentant, une musique en marge... de récupération. Prenons ce qu'il y a prendre, glissons-nous dans les contradictions encore non résolue de l'hégémonie libérale sans être dupes de l'avenir des grains de sables qui sont voués à finir écrasés dans les rouages qu'ils étaient censés arrêter.

 

 

Me voici à pieds d'oeuvre. Beaucoup de monde. Énormément d'espagnols. Préfèrent apparemment de plus en plus la gentille et factice petite souris Mickey au sang des taureaux qui gicle dans l'arène. C'est les taureaux qui doivent être contents. Quant au peuple ibérique qui vient gaspiller ses derniers euros dans le portemonnaie sans fond de la multinationale Disney je me demande s'il ne ferait pas mieux de s'attarder chez lui para hacer la revolucion ! Mais chassons toutes ces pensées, ô combien opportunes, pour profiter du spectacle.

 

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RODS AND CARS

 

 

Beaucoup plus de voitures exposées que l'année dernière, de très beaux modèles, notamment des vieilles Ford montées en Hot Rod ( gang ) rutilantes, carrosserie noire avec moteurs surmultipliés sur fond rouge. Dommage qu'elles restent immobiles sagement entourées de leurs barrières. Je ne crois pas que leurs propriétaires s'aventureraient à lancer leur superbe camelote customisée dans une véritable course... Ce n'est pas un hasard si le festival est sponsorisé par les magazines Nitro et Rod Custom et l'Association Arizona US 66. Si vous pensez vous inscrire pour la grande virée aux USA, c'est râpé. Par contre pour exposer votre merveille au festival de Blues de Cahors, dépêchez-vous, pas plus de trente véhicules. L'est sûr que nombre de joueurs de blues dans les années cinquante ( et avant ) étaient incapables de s'acheter de tels paquebots, mais c'est ainsi le monde est tissé d'anachronismes.

 

 

Vous parle pas des motos, ça se déguste avec les yeux. Ni d'autres exhibitions style rock'n'roll acrobatique. Il y a en plus des trucs pas possibles, l'on annonce au micro que les garçons vont faire tournoyer les filles autour de leurs corps sans les toucher. Genre de sport qui me paraît relativement idiot, avoir une super meuf auprès de soi sans pouvoir la caresser je ne parviens pas à entrevoir l'intérêt de la chose.

 

 

Je décide d'y réfléchir plus tard car voici que je discerne de loin derrière un cercle de badauds un empilement d'amplis posés à même le béton de l'esplanade, avec quatre mecs qui discutent autour d'une guitare. Croyez-en ma longue expérience de limier es rock'n'roll, je subodore un groupe de rockabilly.

 

 

JAKE CALYPSO AND HIS RED HOT

 

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Encore une fois, je suis tombé juste. Inutile de ricaner en faisant remarquer deux cartons portant au feutre l'inscription Jake Calypso, et la valise grand-ouverte débordant de cd arborant les mêmes vocables. De près, ça n'a pas l'air formidable, deux guitares fatiguées trois gars qui approchent la cinquantaine, heureusement que le quatrième, le bassiste jette une note de jeunesse. Mais attention, il y a des indices comme ces petits amplis Gretsch qui rectifient le jugement. Vigilance, ces gars-là ne sont pas tombés de la dernière pluie. Et puis attention, un groupe peut en cacher un autre. Jake Calypso c'est d'abord le chanteur enveloppé dans son épaisse veste trois-quart marron qui doit lui tenir chaud, c'est aussi plus ou moins par extension le nom de l'ensemble, et si l'on farfouille un peu dans sa mémoire ni plus ni moins que Hot Chiken, un des légendaires combos français de rockab qui ont écumé la province durant près de quinze ans en servant à chaque fois un wild show de derrière les fagots, z'ont même un autre avatar le Wild Boogie... de quoi s'y perdre, mais suffit qu'ils démarrent pour qu'on comprenne.

 

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Vont nous jouer deux sets d'une demi-heure. En ont déjà accompli trois autres pendant l'après midi, mais on n'y était pas. Ca ne leur pas coupé les jambes. Sont en forme. Ne perdent pas de temps entre les morceaux. Sont du genre d'abord ont lance les scuds, ensuite on passe à la moulinette. Les titres s'enchaînent, Al ferrier, Charlie Feathers, Jerry Lee et des compos originales comme Indian Boppin'. Beau spectacle, se donnent à fond. Je ne comprends pas comment Jake garde sa lavalière impeccablement nouée autour de son cou. Saute comme un cabri en rut, court dans tous les coins, se roule par terre tout en chantant et en gardant une rythmique d'enfer sur sa gratte en simili isorel. La malmène salement, se fout royalement de la corde qui a craqué, ce zigue quand il joue du rock'n'roll faudrait plus qu'un tremblement de terre pour l'arrêter. L'énergie avant tout. Une voix puissante, imperturbable qui mène le rythme et récite le texte avec un accent américain à tromper un yankee. N'est même pas essoufflé quand il s'arrête. Les autres sont plus discrets mais du genre pistoleros en goguette toujours prêts à vous mitrailler dès que l'occasion se présente. Derrière le batteur s'amuse à passer sa jambe à la vitesse d'une pâle d'hélicoptère par dessus sa caisse claire. Ca balance comme les Crickets de Buddy Holly, un soir de grande forme en plus. Ces mecs-là ne sont pas des manchots. Vous feraient fondre la calotte glacière en deux heures.

 

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Bien sûr devant il y a une cinquantaine de passionnés, mais à voir le cercle qui s'agrandit et qui s'épaissit au fur et à mesure faut reconnaître que le grand public s'arrête et ne décampe pas. Durant l'inter-set les CD s'envolent à rendre fous de jalousie les pros du marketing. Carton plein et valise vide. Bientôt neuf heures et demie, Jake Calypso écourte sa performance pour permettre à l'assistance de gagner le Billy Bob's pour ne pas rater les Ghost Highway. Fair play.

 

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Un bémol. J'ai regardé sur leur site car j'aimerais les revoir en salle. Ces enfants de salauds n'ont pas une date dans les environs, se baladent en Angleterre, cavalcadent en Tchéquie, mais ignorent la Seine-et-Marne. Sont vraiment aussi mal élevés que la musique de sauvage qu'ils jouent.

 

 

GHOST HIGHWAY

 

 

Billy Bob's, c'est la foule des grands jours. Use du sourire et des épaules pour me frayer un chemin juste au-devant de la scène. Pas question de rester au fond lorsque passent les Ghosts. On les avait quittés à Corrobert lors de la dernière semaine du mois de juin – voir notre livraison 104 du 28 / 06 / 12 – avant qu'ils n'abordent leur périple espagnol comme backing group de Wanda Jakson. Faudra qu'on les interviewe pour qu'ils racontent l'épopée... en attendant tout le monde est là, ce n'est plus un fan-club qui les suit, c'est une tribu. Rançon de la gloire, ne reste pas beaucoup de place pour les simples curieux qui voudraient se faire une idée sur le phénomène. Z'ont beau dire sur le prospectus que le Billy Bob' est construit à l'identique sur le modèle d'un saloon d'Austin de la grande Amérique, l'on s'y sent à l'étroit lorsque les Ghost sont là.

 

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Pour le moment, n'y a que les instruments posés à terre. Et la batterie dans son habitacle de verre... Je zieute l'affiche de Wild in the country le septième film d'Elvis Presley que j'ai visionné hier soir, mais vous en foutez ce que vous voulez c'est les Ghost Highway. Ca tombe bien, justement ils arrivent.

 

 

Arnaud tout d'abord. Tout de noir vêtu. De profil, avec sa guitare noire il offre la silhouette austère du man in black. Réincarnation de Johnny Cash. De face, sous la veste cintrée une chemise rouge comme un champ de coquelicots. Ou les flammes de l'enfer, là où brûle l'âme des rockers. Jull est resté discret. Tout de gris vêtu. Un truc de guitariste pour faire ressortir l'orange cochranesque de sa Gretch dont il tire, en attendant que les hostilités commencent, comme s'il n'y prenait pas garde, du revers de la main, des paillettes de feu.

 

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Zio, le regard placide et en même temps aussi sombre que sa chemise noire, qui lui dessine un galbe de toréador, avec des a-plats écarlates, et une goutte de sang côté coeur. Comme s'il y avait essuyé un couteau ensanglanté. Jouera tout le set, collé à sa contrebasse, comme un fille que l'on serre de près pour ne pas la laisser échapper dans les série des slows, lorsque l'on est ado. Ce soir ce n'est pas la mama bonasse qui peut tout se permettre. Pas de joviale claque sur ses rotondités, Miss double bass a intérêt à filer doux. Ou dur. Zieutez Zio, l'a quelques explications à lui demander, lui arracherait presque les cordes, les tamponne comme un bûcheron à grands coups de paluches cascadeuses. Si j'étais elle je me plaindrais à la SPA, mais elle a l'air d'aimer ça puisqu'elle ronronne comme une chatte en chaleur.

 

 

Faudrait pas oublier Phil, retranché dans sa tour d'ivoire. Certes l'on n'arrête plus le progrès les sonotones dans les oreilles pour les retours, les écrans de plexiglass pour empêcher le son de la batterie de s'en aller folâtrer sur la structure en bois du bâtiment, mais l'on a tendance à perdre le Phil, à ne regarder que les trois autres en première ligne et à le laisser se débattre dans sa boîte à sons, comme le chauffeur de la loco qui alimente la fournaise depuis le fond du tender sans que personne ne le voie. De la pure injustice !

 

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Commençons par râler, chez Disney les concerts sont gratis ( merci, oncle Picsou ) mais il ne faut pas que les clients manquent de consommer. Ne doivent donc pas trop durer. Faut ménager des pauses. Ce qui est un peu rédhibitoire pour les Ghost. Ne resteront qu'une heure et quart sur scène. Ce qui est trop peu pour eux. Pour les autres aussi, mais pour le moment l'on ne parle pas d'eux.

 

 

C'est qu'un concert des Ghost Highway, c'est une dramaturgie implacable. Le principe est d'une simplicité absolue. Le set n'est qu'un long crescendo. Ne commencent pas du deuxième sous-sol. Méprisent ce genre de facilités. Les deux premiers morceaux débutent là où beaucoup de groupes terminent. Par la suite à chaque titre ils haussent non pas le ton, mais l'intensité. J'ignore comment ils se débrouillent. Ne sortent pas à chaque coup un morceau plus violent que le précédent, le tempo n'est pas en accéléré continu, ne cherchent pas l'épate, à inventer le truc que personne n'a jamais fait, non se contentent de leur répertoire habituel – je ne le reprends pas, on leur a consacré déjà pas mal d'articles – mais il y a une évidence qui s'impose. Ce ne sont pas quatre musicos plutôt doués en leur domaine qui font leur boulot, mais un ensemble, un véritable groupe qui possède un son. L'on a un peu perdu cette notion de son depuis les années 80, dans le rock. Parce que les protocoles d'enregistrement dans les studios informatisés ont eu tendance à formater des produits similaires, parce que les musiciens égotistes par nature jouent un peu trop perso et visent davantage la virtuosité que l'accompagnement, et vraisemblablement aussi parce que le rock a perdu de vue ses racines. Il vise le high tech, il a perdu la notion de fidélité à soi-même.

 

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Les Ghost Highway refont la route à l'envers. Se sont réappropriés l'héritage des pionniers ( au sens large du terme ). Mettent du temps à sortir leurs compos originales. Ne veulent pas faire d'imper. Si facile d'emprunter une mauvaise – et même une fausse bonne – direction. Il est sûr que depuis quelques années le rockabilly tourne en rond. Bien sûr il sort chaque mois quelques bons disques que l'on écoute avec plaisir et aussi sans nostalgie, mais rien de décisif.

 

 

Les Ghost ont atteint le niveau qui les a portés à la croisée des chemins. Fallait voir la frustration du public quand ils ont terminé le rappel. Nous ont amplement prouvé qu'ils ont la capacité d'aller encore plus loin. Non pas de progresser comme tout un chacun, mais d'apporter du nouveau, d'ouvrir une route...

 

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Pour vous faire patienter jusqu'au prochain concert je vous file une photo du concert que j'ai repiquée sur le site de rollcallblog.blogspot.com...

 

 

CHARLIE HIGHTONE AND THE ROCK - IT'S

 

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Ont la difficile mission de passer après les Ghosts. Malgré la demi-heure de battement, faudra la moitié de leur set pour encaisser la baisse de niveau. Y mettront du leur, sont de bonne volonté, et en fin de compte le public leur sera reconnaissant de leur envie de bien faire. C'est un peu l'exemple par la négation. Tout ce qu'il ne faut pas faire pour rester dans la cour des répétiteurs.

 

 

Viennent d'Espagne, tout comme le groupe de la veille, les Sun Rockets, qui passaient après Roy Thompson and The Mellow Kings ( voir KR'TNT N° 100 du 31 mai 2012 ). Pas pu avoir un avis généralisé sur les deux prestations, les quelques participants auprès desquels je me suis enquis de leur témoignage ne m'ont pas vraiment convaincu par la diversité de leurs jugements contradictoires, je m'abstiendrai donc de tout commentaire irresponsable. Pourquoi des groupes d'outre-Pyrénées, la réponse serait-elle parmi la liste des sponsors dans le logo du Rock'n'Race Jamboree qui se déroule dans le pays de Don Quichotte ?

 

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C'est un vieux groupe formé en 2002 avec des musiciens, cinq en tout, venus d'autres bands, les deux guitaristes ont tout de même l'air un peu intimidés. Ont pourtant réalisé une flopée de disques, notamment sur Sleazy, une référence européenne question label rockabilly. Ce n'est que dans le dernier tiers du set qu'ils se lâcheront un peu. A deux puis à trois sur la contrebasse ( bonjour Bill Haley ), commencent à sourire et à se dégeler. Encore un groupe maltraité par le gong. Parvenaient à prendre leur bonne vitesse de croisière, mais point trop n'en faut. Au bout d'une heure, il est temps de dégager la piste pour les danseurs de country !

 

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Trop court pour apprécier, surtout qu'au début ils débitent les titres, version vite expédié, je me suis même demandé même si ce n'était pas un groupe de teds, mais non sont bien branchés american rockab, nous fourguent un Kinda lovin' d'Hank Williams, un Blues around my door de Ceci Bowman -on affirme que mister Carl Blue Suede Shoes Perkins en personne se tapait la gratte sur l'original de 58, un Train with the Rhumba Beat de Johnny Horton, et délicate cerise sur le cake, le Heart of a fool de Cochran chanté par Jerry Capehart. Beau choix.

 

 

Au total, pas mécontent de les avoir vus. Je pense qu'ils doivent pouvoir faire mieux. N'étaient pas dans leur meilleur jours d'après moi. Charlie Hightone reste le plus charismatique. Parviendra à faire décoller le reste de la bande, sera d'ailleurs très applaudi au moment des adieux. Nos espagnols sont parvenus à tuer le taureau mais ils n'ont remporté ni la queue, ni les oreilles.

 

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Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOKS !

 

 

UN PUR MOMENT DE ROCK'N'ROLL. VINCENT RAVALEC.

 

Le Dilletante. 1994.

 

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Pouvais pas rester insensible à un tel titre, ni à une telle couverture – petits anges blonds sur fond bleu – en si désaccord complet avec le menu proposé. Paru à l'origine en 1992, et premier livre de Vincent Ravalec à qui les nineties ouvrirent les portes du succès. Est même devenu réalisateur de cinéma dans la foulée.

 

 

Un pur moment de rock'n'roll est le titre de la première des huit nouvelles du mince volume de 120 pages. Rock'n'roll certes puisque le héros cite Eddie Cochran et Gene Vincent. Mais le rock n'est que la musique de fond, en sourdine, que l'on entend à peine. La grosse attraction tourne autour de la dope, héro, cocaïne, éther et autres joyeusetés. Un peu de sexe parfois pour exciter le lecteur. Mais point trop. Mode comique plutôt.

 

 

Une histoire de manque. Les marioles du faubourg qui n'ont pas leur dose. Style à l'emporte pièce, qui caresse le lecteur dans le sens du poil. Ecriture facile qui vous lance des oeillades à tous les coins de paragraphes. Ce que les paumés peuvent être sympathiques ! On s'encanaille le sourire aux lèvres. Complètement givrés mais tout de même si pathétiques. De la tendresse, bordel ! Littérature un peu pute mais au grand coeur. Condescendance complice. Evitez les bouquins où l'auteur essaie de faire ami-ami avec vous.

 

 

Damie Chad.

 

 

LE LYCEEN. BAYON.

 

Le Livre de Poche.

 

 

L'ai pris uniquement parce qu'il était de Bayon. Né en 1951, un ancien de Rock & Folk, mais surtout le responsable des pages rock de Libération, dans les années 80. C'est déjà beaucoup. Si je compte pour rien ses amitiés avec Gainsbourg ( beurk ! ) et Bashung ( miam ! ) j'ai une haute estime pour son style. Méchant, incisif, cruel, libre. Se permet ce qu'il veut, de mauvaise foi parfois, mais a toujours des billes dans son lance-pierre, sait de quoi il parle, et vise bien.

 

 

Au demeurant ne cherche pas à se faire passer pour quelqu'un de bien. Fils de bonne famille. Qui voudrait nous faire croire qu'il a mal tourné. Mais a su négocier ses virages. Le Lycéen est présenté comme une bio. Pas mal corrigée. A grands coups d'encre noire empruntée à l'encrier de Céline. Mais Bayon, en rajoute trop. Ne sait pas s'arrêter. D'où quelques longueurs répétitives. L'aurait pu élaguer de cent cinquante pages, n'en aurait été que plus percutant.

 

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Pourtant a bien repeint son portrait, à la Reiser, con, dégueulasse, bête. Haine de soi. Avec rassurez-vous la happy end, la famille recomposée à la fin qui accueille l'enfant prodigue. Maintenant pour les amateurs de rock c'est une adolescence des années soixante : avec Vince Taylor, Johnny Hallyday et Ronnie Bird en toile de fond. Rock français, même si le début du livre se passe dans les colonies, au Togo.

 

 

Sortie de l'enfance et adolescence. La crise de la puberté puissance 1000. D'Henri IV à Michelet, jusqu'aux évènements de 68. Frustrations et colères rentrées. Carcan sexuel, mère idiote et père veule. Adultes lâches et mentalités de kapo. Tous les poncifs de l'adolescent en lutte contre la cellule familiale, l'école et le monde. Détruire dit-il. Ne pense qu'à foutre le bordel. Partout, dans la rue, dans le métro, au bahut. Révolte froide et sans but. Gratuite. Pas du tout anarchiste altruiste. Ne croit en rien et casse tout. Agit par devoir social. N'y prend même pas de plaisir. Faudra qu'il se fasse tatouer par les CRS ( SS ) pour qu'il comprenne que l'on doit un jour ou l'autre arrêter les conneries. De toutes les manières lorsque l'on veut jouer les hell angels métaphysiques et que l'on s'écrase la tête contre le trottoir en pilotant sa propre Norton...

 

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C'est écrit en trompe l'oeil. Joue à l'enfant de salaud. Cherche à se faire détester par le lecteur. Le problème c'est que l'on ne peut pas vraiment en vouloir à quelqu'un qui en 65-66 revendique Ronnie Bird ( Voir KR'TNT 47 du 08 / 04 / 11 ) comme idole. N'en parle pas beaucoup – à part une dizaine de pages sur Les rocks les plus terribles de Johnny – mais a compris la philosophie première du rock'n'roll. Ce qui n'est pas mal. Mais a su la mettre en pratique. Ce qui est déjà mieux. Foutrement bien.

 

Damie Chad.

 

 

 

 

05/09/2012

KR'TNT ! ¤ 108. NUMBER 9 / JUKE JOINTS BLUES

 

KR'TNT ! ¤ 108

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

06 / 09 / 2012

 

 

ROCK EN ARIEGE ( II )

 

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MIREPOIX / LA CARDAMONE - 08 / O8 / 12

 

 

NUMBER NINE

 

 

MUMBER ONE

 

 

Un KR’TNTwriter n’est jamais en vacances. Le troisième œil est toujours en éveil, même au mois d’août, même quand il fait quarante degrés à l’ombre, même lorsque confortablement vautré sur les coussins d’une terrasse venteuse l’on trempe ses lèvres desséchées dans une boisson réconfortante, même lorsque l’on fait semblant de s’intéresser à l’éventaire du potier d’en face qui s’efforce de refourguer ses pichets de terre émaillées aux cruches touristiques qui passent.

 

 

Bref il n’avait pas tracé trois pas dans mon dos que je l’avais déjà repéré. Remarquez pour une arrivée discrète, c’était raté. Difficile de passer incognito, au milieu de la foule l’air de rien, en transportant une grosse caisse de batterie jaune canari. En plus de l’autre côté ils ont commencé à décharger des amplis d’une camionnette bringuebalante. J’ai rien dit, mais plus ils s’affairaient, moins ça ressemblait à un groupe de balloche sponsorisé par un conseil municipal.

 

 

Lorsqu’ils ont eu fini je me suis enquis du style de musique qu’ils allaient nous offrir. Réponse cinglante et un peu provocatrice du genre tenez-le vous pour dit, surtout si vous n‘aimez pas : «  Du rock and roll. Nous, on ne joue que du rock and roll de toutes les façons. Ce soir à huit heures et demie. »

 

 

NUMBER TWO

 

 

Les KR’TNTreaders n’ont pas à s’en faire. Connaissent déjà Number Nine. J’avais dégoté une de leurs affiches lors de mon dernier séjour ariégeois au pays natal. L’avais trouvée tellement sympa que l’avais mise dans les documents de la livraison N° 95 du 28 / 04 / 12

 

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Mais les voici donc en chair et en os. Sont trois qui vrombissent autour de la quarantaine. Sympas, le groupe de copains qui répètent le samedi soir et qui trouvent qu’un concert à plus de quarante kilomètres de Mirepoix, c’est beaucoup trop loin.

 

 

Ce soir ils viennent jouer pour les quarante ans de Rachid le patron de la Cardamone, resto-bar-bio-végétarien - vous savez moi aux salades de feuilles de nénuphar je préfère les frites dégoulinantes d’huite de vidange - le rendez-vous de tous les gens un peu différents du patelin. Déjà avec la belle gueule de pirate à la Keith Richards du tenancier le tri de la clientèle doit se faire tout seul.

 

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NUMBER THREE

 

 

Ne s’appellent pas Number Nine par hasard. Ils ouvrent le set avec deux morceaux des Beatles. Nous en interprèteront plusieurs tout au long de la soirée. Jeff à la guitare, Christophe à la basse qui introduit les morceaux et Fredo à la batterie qui assure le vocal. Se débrouille bien. Une voix qui lui permet de se ballader dans tous les styles. Enfin pas vraiment de la balade, l’ensemble pulse dur, en place, sans originalité, mais efficace. Ces trois lascars aiment le rock’roll et ça s’entend. Que des reprises, mais le choix est souvent bon : un Jailhouse Rock d’Elvis avec solo de basse à déguster sur place. Une bonne version - très longue - de Message in the bottle, je dois le reconnaître, même si je me méfie de toutes les polices.

 

 

NUMBER FOUR

 

 

Trois petits quart d’heure qu’ils jouent et aux cris qui saluent la fin des morceaux, l’on peut en déduire que l’assistance aime ça. Et c’est ici que nous eûmes la preuve de l’inexistence de dieu. Rachid le patron s’empare du micro et annonce que le show doit s’interrompre puisque les édiles municipaux ont invité une cantatrice à venir s’égosiller sur la place centrale ! Connaissance culturelle et musicale des fameux couverts de Mirepoix, les touristes en procession s’éclairant à l’aide des flambeaux. Je commence à comprendre pourquoi aux Etats-Unis il y a de temps en temps des gars qui tirent dans la foule sans sommation.

 

 

Entre les lumières incertaines des torches l’on entre-apercevra bien la castafiore à très forte poitrine déambuler entre les piliers vermoulus de la célèbre place, mais on ne l’entendra pas. Rachid qui a dû voir très rouge fait tourner le Rock’n’Roll Animal de Lou Reed sur la sono du café, et les guitares de Steve Hunter et Dick Wagner couvrent le bruit de fond.

 

 

NUMBER FIVE

 

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L’intermède terminé, Number Nine reprend son set. Nous font vite oublier la vilaine coupure. Un Sweet Little Sixteen un peu mou à mon goût mais une séquence Hendrix, plus que bien maîtrisée. L’ambiance monte d’un ton. L’on se trémousse dur devant l’orchestre. Avec sa guitare Jeff interpelle Hey Joe avec suffisamment de hargne pour nous faire croire qu’il est très méchant.

 

 

Mais le meilleur est à venir. Un Black Dog enragé qui sort tout droit de la niche de Led Zeppelin et qui nous saute à la gorge sans rémission. C’est comme sur le disque. D’ailleurs sans coup férir ils enchaînent sur Rock’n’roll sans nous laisser souffler une seconde. Fredo cogne comme un sours sur sa collection de canaris tout en montant très haut sa voix, sans se planter. Ovation justifiée.

 

 

NUMBER SIX

 

 

Suit une petite séquence soul. Sympa, mais sans les cuivres il manque tout de même une dimension. Et puis le cœur n’y est plus. Il est vingt trois heures passées et il ne faut pas oublier d’aller se coucher. La municipalité veille sur le sommeil de la population travailleuse.

 

 

L’on terminera en resquillant sur l’horaire par une séquence Stones, un bon Honky Tonk Woman, suivi d’un splendide Brown Sugar. Bonne nuit les petits et dormez bien.

 

 

NUMBER SEVEN, EIGHT AND NINE

 

 

Une superbe soirée, remplie d’énergie et de joie de vivre. Tant qu’il y aura des groupes comme Number Nine qui joue pour le plaisir de jouer. Pas de souci à se faire. Le rock and roll survivra.

 

 

 

Damie Chad.

 

 

MIREPOIX / 16 / O8 / 2012

 

 

JUKE JOINTS BAND

 

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On ne prend pas les mêmes et on recommence. Cette fois les cafés s’y sont mis à deux ; Le Castignole et l’Atmospher ( qui est juste à côté de la Cardamone, pour que vous ne soyez pas tout à fait perdu ). Z’ont pas coupé l’orchestre en deux, l’ont installé sur la rue, de toutes les manières interdite à la circulation, qui sépare nos deux abreuvoirs à touriste. Il y a du monde mais je subodore que beaucoup sont venus pour profiter de la fraîcheur de la nuit tombante que poussés par un amour immodéré du blues…

 

 

De loin, ça ne paye pas de mine, deux micros, une guitare sèche, deux petits amplis - de ceux que l’on branche dans sa salle à manger quand on veut embêter les voisins. Sont toute une tribu juste à côté à se restaurer. L’attente ne sera pas bien longue. Voici que tout le monde se lève et que l’on commence à brancher les fils électriques.

 

 

Première surprise, comme par miracle surgit - jusqu’alors invisible - une grosse contrebasse de derrière un pilier où elle se tenait cachée. Deuxième miracle, avec le gars perché à moitié sur le tabouret, la gratte sur les genoux, et l’autre qui trifouille dans ses poches à la recherche de ses harmonicas, il faut se rendre à l’évidence, le quatrième pistoléros de la bande ne fait que chanter ! Enfin un groupe avec un véritable chanteur !

 

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Juke Joints Band, un nom qui pue le blues rural à plein nez, ben non, fatale erreur. Ce n’est pas non plus de l’english blues boom électrifié à outrance. N’y a qu’à entendre les premières mesures du premier morceau et la voix de velours éraillé de Chris Papin pour comprendre. Sittin’ on the dock of the bay, d’Otis Redding, nous sommes sur le versant rhythm’n’blues de la musique noire américaine. Quelque part entre Muddy Waters et les studios Stax.

 

 

Ca fait un peu penser au traitement survitaminé qu’Eric Burdon fit subir au vieux blues traditionnel dans les années soixante. En moins électrique, même si la guitare de Ben Jacobacci ( quel nom prédestiné ! ) à fond de caisse mène un train d’enfer. Etrangement c’est l’harmonica de Thierry Kraft - mériterait un papier à lui tout seul - qui sonne hyper électrique. Mais ce n’est pas si surprenant que cela quand on se rappelle Sony Boy Williamson. Le deuxième. Quoique le premier soit du même tonneau.

 

 

Pas de batterie donc. Mais elle ne manque pas. Le grondement de basse de Damien Papin y supplée magnifiquement. Son jeu très swing entre en résonnance avec les cordes de Ben, lui offrant une profondeur de son sur lequel ce dernier peut s’amuser à confectionner de délicieuses broderies. A l’emporte pièce, travail de précision mais pas dans la dentelle, balance du jus au grand galop.

 

 

Et puis au milieu il y a Chris Papin. Vous déchire les tympans de bonheur. Bonimenteur aussi, donne le nom des morceaux, évoque le chanteur original, explique et traduit les paroles, prend le temps d’éduquer le public. Après il balance the voice : coulis de framboise mijoté dans le Southern Comfort. S’arrache les amygdales sur chaque note, souffle dans le même temps qu’il vous époustoufle. Joe Tex, Tony Joe White, Aretha Franklin ( très belle version du Proud Mary du Credence Clearwater Revival ).

 

 

Que des reprises, mais l’ensemble est original. Un son, une approche, une idée. Un esprit surtout. Celui du vieux blues, joie de jouer et chaque morceau comme un coup de poing à la bêtise du vieux monde. Ne parlent pas de le refaire, mais essaient d’y survivre sans se renier. Le blues est un combat qui se livre chaque jour dans les arrières cours de la révolte à l’abandon.

 

 

Ne faut pas dépasser la fatidique limite des onze heures mirapiciennes. Le concert n’est pas passé comme une lettre à la poste mais comme un boulet de canon. Trop vite, trop beau, trop fort. En reste des images incrustées dans la rétine et les oreilles, le foulard rockabilly peau de panthère de Thierry Kraft cramponné à ses harmos comme le diable à ses trousses. L’âme du vent et de la tempête. La brillance qui s’allume dans les yeux de Chris Papin chaque fois qu’il cause du blues. Encore un possédé, qui n’est pas près de quitter les fourneaux de l’enfer.

 

 

Le Juke Joints Band est un peu à géométrie variable. Se débrouillent pas mal puisque j’ai vu des affiches de concert un peu partout sur le département. Chris Papin habite dans la camionnette qui transporte le matos. Ensuite tout est question de rencontres, d’occasions, d’amitiés et de feeling. A voir le nombre de CD ( emballage des plus simples et pochette sans affectation ) qui se sont vendus après le set, le groupe a fait mouche. Mouche Blues.

 

 

 

 

 

JJB. JUKE JOINTS BAND. LIVE IN MONBEL.

 

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DUST MY BROOM. SAN FRANCISCO BAY BLUES. ONE MEAT BALL. HEY HEY. STEAMY WINDOWS. GUARD MY HEART. UNDERCOVER AGENT FOR THE BLUES. HELP ME. ROLLIN’AND TUMBLIN’. HOOCHIE COOCHIE MAN. START IT UP. COME ON MY KITCHEN. I GOT MY MOJO WORKING.

 

 

Ben Jacobacci : guitare acoustique. Chris Papin : chant. Thierry Kraft : harmonicas. Jeff Benabdelkader : guitare acoustique. Damien Papin : harpo-basse. Special Guest : Uncle Steff : dobro.

 

 

Contacts : Ben : 06 22 76 11 28 / Chris : 06 82 33 16 55 / Mail : jjb.blues@gmail.com / http : jjb.music.com

 

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C'est un live, enregistré à Montbel, au bar-bouffe de L'Ecume des Jours. Y passent tous les groupes et gratouilleux du coin. Une adresse irremplaçable dans le 09, question musique vivante.

 

 

L'on y retrouve Juke Joints Band, tel qu'en lui-même ou du moins tel qu'il fut à Mirepoix. Passez les deux premiers titres, un San Francisco Bay Blues un peu trop folk à notre goût et un Dust my Broom qui oublie de balayer dans les coins. Morceau d'ouverture et l'on ne sait pas trop pour quoi l'on s'embarque. Ensuite, dès One Meat ball ce n'est que régal sur régal, Thierry Kraft s' attelle à l'harmo et le miel lui coule de la bouche. Vous pouvez y aller les frelons, c'est du super choix, sans compter que Chris se livre à un petit festival sur la fin, du genre attendez, on peut en rajouter encore.

 

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Hey Hey de Big Bill Bronzy, aux racines country-folk du blues et les acoustiques se déchaînent avec un contrepoint de basse à mourir de plaisir. Chris nous termine aux petits oignons. Puis il enchaîne sur Steamy Window de Tony Joe White, une de ses gâteries préférées vu le soin qu'il se donne à introduire le morceau.

 

 

Superbe Hoochie Coochie Man, les guitares s'en donnent à coeur joie et le morceau s'étire comme les boucles du Mississipi. L'harmo de Kraft paresse voluptueusement comme un steamboat à aubes, n'y a qu'à fermer les yeux pour partir en croisière. Star it up de Robin Ford pour nous réveiller. Mais l'on termine en beauté Come on in my Kitchen de Robert Johson et I got my mojo working. Quoi que vous fassiez l'on revient toujours dans les eaux boueuses du blues. Et croyez-moi, c'est une bande d'alligators aux dents aiguisées qui nagent de concert et de conserve dans ce satané bocal de Juke Joints Band.

 

 

Z'avez intérêt à en avoir un flacon planqué sur vos étagères pour régaler les amis.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

BLUES IN SEM

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Me faisait une joie de participer à Blues in Sem, le festival de blues niché dans le dernier village au fin fond de l'Ariège, juste avant la haute montagne, me suis donc radiné en début d'après-midi. Interdit d'entrer qu'ont dit les organisateurs, on ouvrira les portes à 18 heures trente. Pas avant. Le hic c'est qu' à Sem, il n'y a fichtrement rien à faire, même pas un café où tuer le temps. On aurait pu écouter la balance en dégustant quelques fraîches boissons, mais non, il paraît que l'on aurait triché, et que l'on serait entré sans payer. Apparemment l'invention du bracelet ou même du tampon encreur n'est pas encore arrivé en ces lieux reculés. Je me suis souvenu de Paul Valéry qui disait que la bêtise n'était pas son fort. Alors pour ne pas frayer davantage avec l'imbecillité humaine, on a été quelques uns à reprendre notre teuf-teuf mobile et je suis rentré chez moi, cinquante kilomètres plus loin. C'est ainsi que l'on attrape le blues me direz-vous. Le problème, c'est que certains essaient de le mettre en cage.

 

 

LA REVUE DES REVUES

 

 

BLUES MAGAZINE. N° 65.b10.jpg

 

Juillet-Août-Septembre.

 

 

Trimestriel méchamment bien fait. L'on s'embarque immédiatement pour le Mississipi Blues Trail – deuxième étape – une manière de partir sur les traces évanescentes du vieux blues, de la tombe de Robert Johnson à celle de Charley Patton, en passant par le musée à la gloire de B. B. King. Un seul problème mais de taille, celle des photographies pas plus grosses qu'un timbre-poste, l'est vrai que la revue est au format mini et qu'avec sa parution trimestrielle elle a intérêt à privillégier le texte.

 

 

Le cocorico blues est à l'honneur, un grand article sur Fred Chapelier et une méga interview de Paul Personne. Ne dit pas grand chose, n'a pas l'air de courir après les contrats, a compris l'indolence native du vieux Sud. Beaucoup plus d'électricité chez Little Bob qui fait le point sur sa story personnelle. Un monument, qui pète le feu de partout, sur la brèche, prêt à en découdre et à se lancer dans de nouvelles aventures. Quand on y réfléchit, il est la figure la plus authentique du rock'n'roll français et on ne lui a même pas consacré une chronique dans KR'TNT !

 

 

Ensuite les chroniques habituelles, livres, CD, festivals, mais n'oubliez ni l'interview de Walter Trout qui fut avec Joe Tex – un chanteur à la discographie surprenante – et une dernière danse avec Lavern Baker qui travailla entre autres Ahmet Ertegun, le fondateur d'Atlantic, mais aussi avec King Curtiss et Mickey Baker ( on ne soulignera jamais assez l'apport de ce dernier au rock français dans les années 60 ). On a tellement parlé d'Etta James ces derniers temps qu'il est plus que bien venu d'évoquer la trépidante personnalité de Lavern Baker.

 

 

Un numéro à garder précieusement et à consulter durant les longues soirées d'hiver futures.

 

 

Pour Etta, lisez la chronique suivante.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOK

 

 

LA VIE BLUES. HAN NOLAN.

 

Traduit par Laetitia Devaux.

 

Editions Gallimard. Collection Scripto. 2003.

 

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Premier – et unique, à ma connaissance – livre de Han Nolan traduit en Français. Née en 1956 en ( Sweet Home ) Alabama. L'état le plus raciste des States. Puis elle a émigré à New York – niveau culturel plus ouvert – a rêvé de devenir danseuse, s'est aperçue qu'elle était plus douée à la plume qu'à la barre, s'est mariée, a pondu trois moutards et s'est spécialisée dans la littérature pour gamins. Pour jeunes adultes plutôt car elle n'utilise pas de l'encre à l'essence de rose. J'ai oublié de préciser que physiquement elle ressemble à son héroïne, très blanche, très blonde.

 

 

C'est justement le problème de Janie. Elle, elle préfèrerait être noire. Pas vraiment courant in the South. Ce n'est pas de sa faute, mais depuis qu'elle est toute petite, elle se console de la vie comme elle peut, en écoutant des cassettes d'Aretha Franklin, d'Ella Fitzgerald, d'Odetta, de Sarah Vaughan, j'arrête la disco, mais sa préférée c'est Etta James. Elle est née dedans. Le titre original aide à comprendre : Born Blue. Née dans la mouise. De père inconnu, cela s'impose comme une évidence. N'a pas choisi sa maman toxico, ni sa famille d'accueil – plus près du pognon que de l'affection, mais pas des ogres non plus – puis sa famille d'adoption. C'est sa maman qui l'a vendue à un dealer noir dont la copine blanche a perdu sa gamine...

 

 

Oui mais Janie, elle a fait d'autres choix. C'est le sang noir de son père inconnu qui parle en elle. Le monde peut s'écrouler autour d'elle, elle est portée par une fois inébranlable, un jour, quand elle sera grande, elle deviendra une grande chanteuse de blues, comme Etta James. Les puristes diront qu'Etta James est plus proche du rhythm'n'blues que du blues, ça tombe bien parce que Leshaya elle fonce en avant comme une rythmique de James Brown. Ecrase tout, sur les côtés et au milieu. En route vers la succès story. Mais ce n'est pas le sujet du bouquin. S'appelle Leshaya parce qu'elle a récupéré le nom d'une petite fille morte. Elle ne l'a jamais vue, mais elle était noire. Cela lui a suffi.

 

 

Et le miracle survient. Rencontre par hasard Harmon, le petit noir qui la protégeait lorsqu'elle était en famille d'accueil et qui lui avait fait écouter les cassettes d'Etta James. N'était pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche, mais il a été adopté par une famille noire, friquée, bourgeoise. Des gens gentils, qui vont l'accueillir chez eux, la scolariser, la soigner, la gâter.

 

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Worry End. C'est là que très vite tout déraille. Elle n'a même pas treize ans, mais elle se sent à l'étroit, dans son corps réglé qui veut saisir la vie à pleine chair et son esprit qui comprend qu'elle n'est pas du même bord, non elle n'ira pas chanter du gospel à l'Eglise, elle sera la female singer du groupe de jazz formé par les ados des basses classes... C'est la fugue, la dérive, l'alcool, la drogue, la vraie vie qui commence...

 

 

Réalise dès le début une partie de son rêve. Comme Eddy Mitchell en 1967, elle se rend en pélerinage à Muscle Shoals, les studios mythiques ( et miteux ) où ont enregistré les Reines de la Soul. En repartira avec un paquet cadeau. Pas un disque. Un bébé – père indéterminé – dans le ventre. Fuite en avant, des mains se tendent pour l'aider, elle sait les saisir, mais ignore comment on dit merci. Pour la bébelle, elle la portera à Harmon, qui n'y est pour rien, la lui file dans les bras et repart en courant dans un taxi...

 

 

Vais pas vous résumer la suite. De toutes les manières le livre n'a pas de fin. A réussi après maintes pérégrinations par enregistrer deux morceaux, dont un qui commence à passer en radio. Mais là n'est pas la question. Elle a son rêve dans les mains mais elle a tourné le dos à combien de gens pour en arriver là ? Trop, puisqu'elle se retrouve, toute seule, à son point de départ. Chez sa mère en train de crever. Qui en une ultime confidence lui assure que son père était... blanc. Baudruche des phantasmes. Elle n'est plus qu'une pierre roulante qui poursuit sa course solitaire.

 

 

Dans la plus grande tradition du blues. La vie l'a amochée. Elle s'est rebellée. Mais elle n'a su que reproduire le scénario. A tout cassé autour d'elle, et s'est encore plus abîmée elle-même. Révolte nécessaire et stérile. Born blues. Qui est né dans la mouise, continuera à marcher dans la merde jusqu'à la fin de sa vie. Bleu, blanc, noir, les couleurs s'équivalent. Qui a dit que c'étaient les couleurs de l'espoir ?

 

 

Des rigolos qui ignorent que ça ne sert à rien de pleurer.

 

 

Damie Chad.