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05/09/2012

KR'TNT ! ¤ 108. NUMBER 9 / JUKE JOINTS BLUES

 

KR'TNT ! ¤ 108

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

06 / 09 / 2012

 

 

ROCK EN ARIEGE ( II )

 

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MIREPOIX / LA CARDAMONE - 08 / O8 / 12

 

 

NUMBER NINE

 

 

MUMBER ONE

 

 

Un KR’TNTwriter n’est jamais en vacances. Le troisième œil est toujours en éveil, même au mois d’août, même quand il fait quarante degrés à l’ombre, même lorsque confortablement vautré sur les coussins d’une terrasse venteuse l’on trempe ses lèvres desséchées dans une boisson réconfortante, même lorsque l’on fait semblant de s’intéresser à l’éventaire du potier d’en face qui s’efforce de refourguer ses pichets de terre émaillées aux cruches touristiques qui passent.

 

 

Bref il n’avait pas tracé trois pas dans mon dos que je l’avais déjà repéré. Remarquez pour une arrivée discrète, c’était raté. Difficile de passer incognito, au milieu de la foule l’air de rien, en transportant une grosse caisse de batterie jaune canari. En plus de l’autre côté ils ont commencé à décharger des amplis d’une camionnette bringuebalante. J’ai rien dit, mais plus ils s’affairaient, moins ça ressemblait à un groupe de balloche sponsorisé par un conseil municipal.

 

 

Lorsqu’ils ont eu fini je me suis enquis du style de musique qu’ils allaient nous offrir. Réponse cinglante et un peu provocatrice du genre tenez-le vous pour dit, surtout si vous n‘aimez pas : «  Du rock and roll. Nous, on ne joue que du rock and roll de toutes les façons. Ce soir à huit heures et demie. »

 

 

NUMBER TWO

 

 

Les KR’TNTreaders n’ont pas à s’en faire. Connaissent déjà Number Nine. J’avais dégoté une de leurs affiches lors de mon dernier séjour ariégeois au pays natal. L’avais trouvée tellement sympa que l’avais mise dans les documents de la livraison N° 95 du 28 / 04 / 12

 

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Mais les voici donc en chair et en os. Sont trois qui vrombissent autour de la quarantaine. Sympas, le groupe de copains qui répètent le samedi soir et qui trouvent qu’un concert à plus de quarante kilomètres de Mirepoix, c’est beaucoup trop loin.

 

 

Ce soir ils viennent jouer pour les quarante ans de Rachid le patron de la Cardamone, resto-bar-bio-végétarien - vous savez moi aux salades de feuilles de nénuphar je préfère les frites dégoulinantes d’huite de vidange - le rendez-vous de tous les gens un peu différents du patelin. Déjà avec la belle gueule de pirate à la Keith Richards du tenancier le tri de la clientèle doit se faire tout seul.

 

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NUMBER THREE

 

 

Ne s’appellent pas Number Nine par hasard. Ils ouvrent le set avec deux morceaux des Beatles. Nous en interprèteront plusieurs tout au long de la soirée. Jeff à la guitare, Christophe à la basse qui introduit les morceaux et Fredo à la batterie qui assure le vocal. Se débrouille bien. Une voix qui lui permet de se ballader dans tous les styles. Enfin pas vraiment de la balade, l’ensemble pulse dur, en place, sans originalité, mais efficace. Ces trois lascars aiment le rock’roll et ça s’entend. Que des reprises, mais le choix est souvent bon : un Jailhouse Rock d’Elvis avec solo de basse à déguster sur place. Une bonne version - très longue - de Message in the bottle, je dois le reconnaître, même si je me méfie de toutes les polices.

 

 

NUMBER FOUR

 

 

Trois petits quart d’heure qu’ils jouent et aux cris qui saluent la fin des morceaux, l’on peut en déduire que l’assistance aime ça. Et c’est ici que nous eûmes la preuve de l’inexistence de dieu. Rachid le patron s’empare du micro et annonce que le show doit s’interrompre puisque les édiles municipaux ont invité une cantatrice à venir s’égosiller sur la place centrale ! Connaissance culturelle et musicale des fameux couverts de Mirepoix, les touristes en procession s’éclairant à l’aide des flambeaux. Je commence à comprendre pourquoi aux Etats-Unis il y a de temps en temps des gars qui tirent dans la foule sans sommation.

 

 

Entre les lumières incertaines des torches l’on entre-apercevra bien la castafiore à très forte poitrine déambuler entre les piliers vermoulus de la célèbre place, mais on ne l’entendra pas. Rachid qui a dû voir très rouge fait tourner le Rock’n’Roll Animal de Lou Reed sur la sono du café, et les guitares de Steve Hunter et Dick Wagner couvrent le bruit de fond.

 

 

NUMBER FIVE

 

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L’intermède terminé, Number Nine reprend son set. Nous font vite oublier la vilaine coupure. Un Sweet Little Sixteen un peu mou à mon goût mais une séquence Hendrix, plus que bien maîtrisée. L’ambiance monte d’un ton. L’on se trémousse dur devant l’orchestre. Avec sa guitare Jeff interpelle Hey Joe avec suffisamment de hargne pour nous faire croire qu’il est très méchant.

 

 

Mais le meilleur est à venir. Un Black Dog enragé qui sort tout droit de la niche de Led Zeppelin et qui nous saute à la gorge sans rémission. C’est comme sur le disque. D’ailleurs sans coup férir ils enchaînent sur Rock’n’roll sans nous laisser souffler une seconde. Fredo cogne comme un sours sur sa collection de canaris tout en montant très haut sa voix, sans se planter. Ovation justifiée.

 

 

NUMBER SIX

 

 

Suit une petite séquence soul. Sympa, mais sans les cuivres il manque tout de même une dimension. Et puis le cœur n’y est plus. Il est vingt trois heures passées et il ne faut pas oublier d’aller se coucher. La municipalité veille sur le sommeil de la population travailleuse.

 

 

L’on terminera en resquillant sur l’horaire par une séquence Stones, un bon Honky Tonk Woman, suivi d’un splendide Brown Sugar. Bonne nuit les petits et dormez bien.

 

 

NUMBER SEVEN, EIGHT AND NINE

 

 

Une superbe soirée, remplie d’énergie et de joie de vivre. Tant qu’il y aura des groupes comme Number Nine qui joue pour le plaisir de jouer. Pas de souci à se faire. Le rock and roll survivra.

 

 

 

Damie Chad.

 

 

MIREPOIX / 16 / O8 / 2012

 

 

JUKE JOINTS BAND

 

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On ne prend pas les mêmes et on recommence. Cette fois les cafés s’y sont mis à deux ; Le Castignole et l’Atmospher ( qui est juste à côté de la Cardamone, pour que vous ne soyez pas tout à fait perdu ). Z’ont pas coupé l’orchestre en deux, l’ont installé sur la rue, de toutes les manières interdite à la circulation, qui sépare nos deux abreuvoirs à touriste. Il y a du monde mais je subodore que beaucoup sont venus pour profiter de la fraîcheur de la nuit tombante que poussés par un amour immodéré du blues…

 

 

De loin, ça ne paye pas de mine, deux micros, une guitare sèche, deux petits amplis - de ceux que l’on branche dans sa salle à manger quand on veut embêter les voisins. Sont toute une tribu juste à côté à se restaurer. L’attente ne sera pas bien longue. Voici que tout le monde se lève et que l’on commence à brancher les fils électriques.

 

 

Première surprise, comme par miracle surgit - jusqu’alors invisible - une grosse contrebasse de derrière un pilier où elle se tenait cachée. Deuxième miracle, avec le gars perché à moitié sur le tabouret, la gratte sur les genoux, et l’autre qui trifouille dans ses poches à la recherche de ses harmonicas, il faut se rendre à l’évidence, le quatrième pistoléros de la bande ne fait que chanter ! Enfin un groupe avec un véritable chanteur !

 

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Juke Joints Band, un nom qui pue le blues rural à plein nez, ben non, fatale erreur. Ce n’est pas non plus de l’english blues boom électrifié à outrance. N’y a qu’à entendre les premières mesures du premier morceau et la voix de velours éraillé de Chris Papin pour comprendre. Sittin’ on the dock of the bay, d’Otis Redding, nous sommes sur le versant rhythm’n’blues de la musique noire américaine. Quelque part entre Muddy Waters et les studios Stax.

 

 

Ca fait un peu penser au traitement survitaminé qu’Eric Burdon fit subir au vieux blues traditionnel dans les années soixante. En moins électrique, même si la guitare de Ben Jacobacci ( quel nom prédestiné ! ) à fond de caisse mène un train d’enfer. Etrangement c’est l’harmonica de Thierry Kraft - mériterait un papier à lui tout seul - qui sonne hyper électrique. Mais ce n’est pas si surprenant que cela quand on se rappelle Sony Boy Williamson. Le deuxième. Quoique le premier soit du même tonneau.

 

 

Pas de batterie donc. Mais elle ne manque pas. Le grondement de basse de Damien Papin y supplée magnifiquement. Son jeu très swing entre en résonnance avec les cordes de Ben, lui offrant une profondeur de son sur lequel ce dernier peut s’amuser à confectionner de délicieuses broderies. A l’emporte pièce, travail de précision mais pas dans la dentelle, balance du jus au grand galop.

 

 

Et puis au milieu il y a Chris Papin. Vous déchire les tympans de bonheur. Bonimenteur aussi, donne le nom des morceaux, évoque le chanteur original, explique et traduit les paroles, prend le temps d’éduquer le public. Après il balance the voice : coulis de framboise mijoté dans le Southern Comfort. S’arrache les amygdales sur chaque note, souffle dans le même temps qu’il vous époustoufle. Joe Tex, Tony Joe White, Aretha Franklin ( très belle version du Proud Mary du Credence Clearwater Revival ).

 

 

Que des reprises, mais l’ensemble est original. Un son, une approche, une idée. Un esprit surtout. Celui du vieux blues, joie de jouer et chaque morceau comme un coup de poing à la bêtise du vieux monde. Ne parlent pas de le refaire, mais essaient d’y survivre sans se renier. Le blues est un combat qui se livre chaque jour dans les arrières cours de la révolte à l’abandon.

 

 

Ne faut pas dépasser la fatidique limite des onze heures mirapiciennes. Le concert n’est pas passé comme une lettre à la poste mais comme un boulet de canon. Trop vite, trop beau, trop fort. En reste des images incrustées dans la rétine et les oreilles, le foulard rockabilly peau de panthère de Thierry Kraft cramponné à ses harmos comme le diable à ses trousses. L’âme du vent et de la tempête. La brillance qui s’allume dans les yeux de Chris Papin chaque fois qu’il cause du blues. Encore un possédé, qui n’est pas près de quitter les fourneaux de l’enfer.

 

 

Le Juke Joints Band est un peu à géométrie variable. Se débrouillent pas mal puisque j’ai vu des affiches de concert un peu partout sur le département. Chris Papin habite dans la camionnette qui transporte le matos. Ensuite tout est question de rencontres, d’occasions, d’amitiés et de feeling. A voir le nombre de CD ( emballage des plus simples et pochette sans affectation ) qui se sont vendus après le set, le groupe a fait mouche. Mouche Blues.

 

 

 

 

 

JJB. JUKE JOINTS BAND. LIVE IN MONBEL.

 

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DUST MY BROOM. SAN FRANCISCO BAY BLUES. ONE MEAT BALL. HEY HEY. STEAMY WINDOWS. GUARD MY HEART. UNDERCOVER AGENT FOR THE BLUES. HELP ME. ROLLIN’AND TUMBLIN’. HOOCHIE COOCHIE MAN. START IT UP. COME ON MY KITCHEN. I GOT MY MOJO WORKING.

 

 

Ben Jacobacci : guitare acoustique. Chris Papin : chant. Thierry Kraft : harmonicas. Jeff Benabdelkader : guitare acoustique. Damien Papin : harpo-basse. Special Guest : Uncle Steff : dobro.

 

 

Contacts : Ben : 06 22 76 11 28 / Chris : 06 82 33 16 55 / Mail : jjb.blues@gmail.com / http : jjb.music.com

 

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C'est un live, enregistré à Montbel, au bar-bouffe de L'Ecume des Jours. Y passent tous les groupes et gratouilleux du coin. Une adresse irremplaçable dans le 09, question musique vivante.

 

 

L'on y retrouve Juke Joints Band, tel qu'en lui-même ou du moins tel qu'il fut à Mirepoix. Passez les deux premiers titres, un San Francisco Bay Blues un peu trop folk à notre goût et un Dust my Broom qui oublie de balayer dans les coins. Morceau d'ouverture et l'on ne sait pas trop pour quoi l'on s'embarque. Ensuite, dès One Meat ball ce n'est que régal sur régal, Thierry Kraft s' attelle à l'harmo et le miel lui coule de la bouche. Vous pouvez y aller les frelons, c'est du super choix, sans compter que Chris se livre à un petit festival sur la fin, du genre attendez, on peut en rajouter encore.

 

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Hey Hey de Big Bill Bronzy, aux racines country-folk du blues et les acoustiques se déchaînent avec un contrepoint de basse à mourir de plaisir. Chris nous termine aux petits oignons. Puis il enchaîne sur Steamy Window de Tony Joe White, une de ses gâteries préférées vu le soin qu'il se donne à introduire le morceau.

 

 

Superbe Hoochie Coochie Man, les guitares s'en donnent à coeur joie et le morceau s'étire comme les boucles du Mississipi. L'harmo de Kraft paresse voluptueusement comme un steamboat à aubes, n'y a qu'à fermer les yeux pour partir en croisière. Star it up de Robin Ford pour nous réveiller. Mais l'on termine en beauté Come on in my Kitchen de Robert Johson et I got my mojo working. Quoi que vous fassiez l'on revient toujours dans les eaux boueuses du blues. Et croyez-moi, c'est une bande d'alligators aux dents aiguisées qui nagent de concert et de conserve dans ce satané bocal de Juke Joints Band.

 

 

Z'avez intérêt à en avoir un flacon planqué sur vos étagères pour régaler les amis.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

BLUES IN SEM

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Me faisait une joie de participer à Blues in Sem, le festival de blues niché dans le dernier village au fin fond de l'Ariège, juste avant la haute montagne, me suis donc radiné en début d'après-midi. Interdit d'entrer qu'ont dit les organisateurs, on ouvrira les portes à 18 heures trente. Pas avant. Le hic c'est qu' à Sem, il n'y a fichtrement rien à faire, même pas un café où tuer le temps. On aurait pu écouter la balance en dégustant quelques fraîches boissons, mais non, il paraît que l'on aurait triché, et que l'on serait entré sans payer. Apparemment l'invention du bracelet ou même du tampon encreur n'est pas encore arrivé en ces lieux reculés. Je me suis souvenu de Paul Valéry qui disait que la bêtise n'était pas son fort. Alors pour ne pas frayer davantage avec l'imbecillité humaine, on a été quelques uns à reprendre notre teuf-teuf mobile et je suis rentré chez moi, cinquante kilomètres plus loin. C'est ainsi que l'on attrape le blues me direz-vous. Le problème, c'est que certains essaient de le mettre en cage.

 

 

LA REVUE DES REVUES

 

 

BLUES MAGAZINE. N° 65.b10.jpg

 

Juillet-Août-Septembre.

 

 

Trimestriel méchamment bien fait. L'on s'embarque immédiatement pour le Mississipi Blues Trail – deuxième étape – une manière de partir sur les traces évanescentes du vieux blues, de la tombe de Robert Johnson à celle de Charley Patton, en passant par le musée à la gloire de B. B. King. Un seul problème mais de taille, celle des photographies pas plus grosses qu'un timbre-poste, l'est vrai que la revue est au format mini et qu'avec sa parution trimestrielle elle a intérêt à privillégier le texte.

 

 

Le cocorico blues est à l'honneur, un grand article sur Fred Chapelier et une méga interview de Paul Personne. Ne dit pas grand chose, n'a pas l'air de courir après les contrats, a compris l'indolence native du vieux Sud. Beaucoup plus d'électricité chez Little Bob qui fait le point sur sa story personnelle. Un monument, qui pète le feu de partout, sur la brèche, prêt à en découdre et à se lancer dans de nouvelles aventures. Quand on y réfléchit, il est la figure la plus authentique du rock'n'roll français et on ne lui a même pas consacré une chronique dans KR'TNT !

 

 

Ensuite les chroniques habituelles, livres, CD, festivals, mais n'oubliez ni l'interview de Walter Trout qui fut avec Joe Tex – un chanteur à la discographie surprenante – et une dernière danse avec Lavern Baker qui travailla entre autres Ahmet Ertegun, le fondateur d'Atlantic, mais aussi avec King Curtiss et Mickey Baker ( on ne soulignera jamais assez l'apport de ce dernier au rock français dans les années 60 ). On a tellement parlé d'Etta James ces derniers temps qu'il est plus que bien venu d'évoquer la trépidante personnalité de Lavern Baker.

 

 

Un numéro à garder précieusement et à consulter durant les longues soirées d'hiver futures.

 

 

Pour Etta, lisez la chronique suivante.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOK

 

 

LA VIE BLUES. HAN NOLAN.

 

Traduit par Laetitia Devaux.

 

Editions Gallimard. Collection Scripto. 2003.

 

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Premier – et unique, à ma connaissance – livre de Han Nolan traduit en Français. Née en 1956 en ( Sweet Home ) Alabama. L'état le plus raciste des States. Puis elle a émigré à New York – niveau culturel plus ouvert – a rêvé de devenir danseuse, s'est aperçue qu'elle était plus douée à la plume qu'à la barre, s'est mariée, a pondu trois moutards et s'est spécialisée dans la littérature pour gamins. Pour jeunes adultes plutôt car elle n'utilise pas de l'encre à l'essence de rose. J'ai oublié de préciser que physiquement elle ressemble à son héroïne, très blanche, très blonde.

 

 

C'est justement le problème de Janie. Elle, elle préfèrerait être noire. Pas vraiment courant in the South. Ce n'est pas de sa faute, mais depuis qu'elle est toute petite, elle se console de la vie comme elle peut, en écoutant des cassettes d'Aretha Franklin, d'Ella Fitzgerald, d'Odetta, de Sarah Vaughan, j'arrête la disco, mais sa préférée c'est Etta James. Elle est née dedans. Le titre original aide à comprendre : Born Blue. Née dans la mouise. De père inconnu, cela s'impose comme une évidence. N'a pas choisi sa maman toxico, ni sa famille d'accueil – plus près du pognon que de l'affection, mais pas des ogres non plus – puis sa famille d'adoption. C'est sa maman qui l'a vendue à un dealer noir dont la copine blanche a perdu sa gamine...

 

 

Oui mais Janie, elle a fait d'autres choix. C'est le sang noir de son père inconnu qui parle en elle. Le monde peut s'écrouler autour d'elle, elle est portée par une fois inébranlable, un jour, quand elle sera grande, elle deviendra une grande chanteuse de blues, comme Etta James. Les puristes diront qu'Etta James est plus proche du rhythm'n'blues que du blues, ça tombe bien parce que Leshaya elle fonce en avant comme une rythmique de James Brown. Ecrase tout, sur les côtés et au milieu. En route vers la succès story. Mais ce n'est pas le sujet du bouquin. S'appelle Leshaya parce qu'elle a récupéré le nom d'une petite fille morte. Elle ne l'a jamais vue, mais elle était noire. Cela lui a suffi.

 

 

Et le miracle survient. Rencontre par hasard Harmon, le petit noir qui la protégeait lorsqu'elle était en famille d'accueil et qui lui avait fait écouter les cassettes d'Etta James. N'était pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche, mais il a été adopté par une famille noire, friquée, bourgeoise. Des gens gentils, qui vont l'accueillir chez eux, la scolariser, la soigner, la gâter.

 

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Worry End. C'est là que très vite tout déraille. Elle n'a même pas treize ans, mais elle se sent à l'étroit, dans son corps réglé qui veut saisir la vie à pleine chair et son esprit qui comprend qu'elle n'est pas du même bord, non elle n'ira pas chanter du gospel à l'Eglise, elle sera la female singer du groupe de jazz formé par les ados des basses classes... C'est la fugue, la dérive, l'alcool, la drogue, la vraie vie qui commence...

 

 

Réalise dès le début une partie de son rêve. Comme Eddy Mitchell en 1967, elle se rend en pélerinage à Muscle Shoals, les studios mythiques ( et miteux ) où ont enregistré les Reines de la Soul. En repartira avec un paquet cadeau. Pas un disque. Un bébé – père indéterminé – dans le ventre. Fuite en avant, des mains se tendent pour l'aider, elle sait les saisir, mais ignore comment on dit merci. Pour la bébelle, elle la portera à Harmon, qui n'y est pour rien, la lui file dans les bras et repart en courant dans un taxi...

 

 

Vais pas vous résumer la suite. De toutes les manières le livre n'a pas de fin. A réussi après maintes pérégrinations par enregistrer deux morceaux, dont un qui commence à passer en radio. Mais là n'est pas la question. Elle a son rêve dans les mains mais elle a tourné le dos à combien de gens pour en arriver là ? Trop, puisqu'elle se retrouve, toute seule, à son point de départ. Chez sa mère en train de crever. Qui en une ultime confidence lui assure que son père était... blanc. Baudruche des phantasmes. Elle n'est plus qu'une pierre roulante qui poursuit sa course solitaire.

 

 

Dans la plus grande tradition du blues. La vie l'a amochée. Elle s'est rebellée. Mais elle n'a su que reproduire le scénario. A tout cassé autour d'elle, et s'est encore plus abîmée elle-même. Révolte nécessaire et stérile. Born blues. Qui est né dans la mouise, continuera à marcher dans la merde jusqu'à la fin de sa vie. Bleu, blanc, noir, les couleurs s'équivalent. Qui a dit que c'étaient les couleurs de l'espoir ?

 

 

Des rigolos qui ignorent que ça ne sert à rien de pleurer.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

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