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23/05/2012

KR'TNT ! ¤ 99. ROCKXERRE GOMINA / JOHNNY FAY

 

KR'TNT ! ¤ 99

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

21 / 05 / 2012

 

 

 

Pour Jull,

Non Mister Jull n'était pas à Auxerre, mais nous tenons à lui témoigner toute notre sympathie et tous nos encouragements. Nous sommes surtout heureux de le savoir encore avec nous, et déjà de nouveau sur scène, après le lâche attentat dont il vient d'être victime.

Non Jull, la gig là-haut avec Cochran, ce n'est pas pour tout de suite, c'est une très bonne idée que d'être resté avec nous. Rockabilly will never dye, yes mais il a encore sacrément besoin de toi par ici !

 

 

 

 

 

APPOIGNY / 11 / 05 / 2012

 

 

ROCKXERRE GOMINA 2

 

 

BLACK PRINCE / MEGATONS

 

 

SPUNYBOYS / CARL & THE RHYTHM ALL STARS

 

 

JOHNNY FAY

 

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Dure vie de rocker ! Pas plus tôt rentré du concert d'Imelda May que le lendemain matin je prépare la teuf-teuf mobile pour une deuxième randonnée. Campagnarde cette fois. Aucun blafard immeuble pour me barrer la vue. A perte de vue s'étendent les pentes herbeuses de l'Yonne, un vert émeraude à vous faire regretter de ne pas être un placide ruminant encorné lâché en toute liberté au flanc des coteaux... je vous en prie, gardez vos moqueries, ne soyez point trop vachards avec moi, d'autant plus qu'en un temps record, sans carte et sans erreur d'itinéraire je me gare juste en face du Centre Culturel d'Appoigny où les festivités sont censées se passer.

 

 

Un lieu agreste bien plus agréable que la première dans un centre commercial d' Auxerre, en plein centre ville. Le lecteur studieux se rapportera à la cinquante-troisième livraison du 18 mai 2011 afin de se prévaloir d'une parfaite connaissance du dossier. Toujours aussi bien organisé, même pas cinq minutes d'attente pour une grosse assiette de frites avec hamburger géant posé dessus, voici ce qui mérite son appellation de restauration rapide. Plus le sourire des serveuses.

 

 

Pas le temps de s'ennuyer, dix mètres de linéaire de disques. Les 45 Tours de Cochran de chez Rockstar, désolé ! ils sont chez moi maintenant. Fallait venir avant. L'on retrouve de vieille connaissances, Phil des Ghost Highway, Billy toujours stylé et Mumu la Mammy du rockabilly. L'a plus de souvenirs de concerts rockab à vous raconter que si vous aviez mille ans, plus une adorable chowchow blanche qui ferait de vous un voleur de chien si votre sens moral ne vous empêchait de commettre le mal dans cette vallée de larmes qu'est notre résidence terrestre.

 

 

BLACK PRINCE

 

 

Pas l'opportunité de dire bonjour à toutes les connaissances – et de s'en faire d'autres – que la fête commence. Black Prince est sur la scène, vaste et visible de tous. On n'aura pas vraiment le temps de les apprécier que déjà ils s'en vont. A part le jeune batteur qui avec ses cheveux bouclés n'a pas vraiment la dégaine rockab, sont plutôt du mauvais côté de la quarantaine, ce qui ne les empêche pas de produire un beat des plus agréables. Manque un peu de folie mais l'ensemble est bien balancé. Trouveront tout de même le moyen de casser une corde, preuve qu'ils n'ont pas hésité à mouiller la chemise. Partent sous les applaudissements.

 

 

MEGATONS

 

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Cinq sur scène, de noirs vêtus avec le T-shirt Megatons, tout de suite l'on sent le parti-pris sixties, rehaussé par le choix des guitares, des Goya, deux blanches à liseré latéral noir – qui sur le fond charbonneux des rideaux ne donnent pas tout ce qu'elles devraient, et une rouge qui tout de suite flashe beaucoup plus. Mais le nec le plus ultra revient au saxophone de Jerry. Instrument rarement utilisé dans les groupes rockabilly de notre époque. Idem dans les années cinquante d'ailleurs.

 

 

C'est que les Megatons ne sont pas un groupe de rockabilly à proprement parler. Se définissent eux-mêmes comme des adeptes du White Rock. Les choses sont toujours plus compliquées qu'elles ne le paraissent, White Rock avec cet instrument - qui plonge les racines de son utilisation dans le jazz – devenu typique des groupes de Rhythm'n'Blues noirs, il y a de quoi y perdre le sens des nuances.

 

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Mais White Rock en le sens de musique des adolescents blancs du nord urbanisé de l'Amérique. L'ancêtre du garage en quelque sorte, bien que cela que l'on appela aussi le surfin' apparaisse surtout aujourd'hui comme le trait d'union invisible de la renaissance du rock blanc américain sous son appellation de Surf rock à la Beach Boys. D'ailleurs celui qui a écouté avec attention le jeu des guitares des premiers disques des Byrds comprend le chemin qui a ramené cette formation à remonter à son origine en aidant à l'accouchement du country-rock. Mais les Megatons n'empruntent pas cette route, se cantonnent dans les années 60-62 où le rock s'électrifie en tournant le dos à ses rurales racines, non sans avoir au passage emprunté aux groupes de Doo – Wop noirs, une accélération rythmique qu'ils se garderont bien de ne pas syncoper par des effets de voix. C'est la guitare qui donne le la et la voix se contente de suivre les harmonies. L'on n'est pas loin non plus de certaines orchestrations de Gene Vincent, plus près de Johnny Meeks que de Cliff Gallopin' Gallup, d'ailleurs le saxo de Jerry prend toute sa démesure sur un instrumental comme Summertime...

 

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Le White Rock oscille toujours entre une suavité harmonique certaine et le sentiment diffus, plus ou moins accentué d'une certaine urgence. C'est ce dernier rôle qui chez les Mégatons est dévolu au saxophone. Le groupe filoche à toute vitesse, les guitares de Charlie et de Didier cavalent en toute liberté, pour la section rythmique vaudrait mieux parler de propulseur ou d' aéroglisseur, ils emportent le tout en avant. Pas de boogie-woogie martelé pour la motrice électrique.

 

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Le groupe cartonne fort. Emporte tout sur son passage. Semble ne vouloir jamais s'arrêter. Et Jerry qui entraîne le tout avec son saxophone jamais aphone s'apparente à la cheville ouvrière du moteur. Les titres s'enchaînent les uns aux autres, très rapidement. Ce qui ne signifie pas qu'ils soient très brefs, au contraire pour que le cuivre puisse prendre ses chorus à l'aise, ils ont tendance à s'allonger, à durer, le temps de mettre en place une ambiance, de raconter une longue embrouille d'ados ou d'évoquer les différentes péripéties qui peuvent survenir en zone urbaine et pavillonnaire...

 

 

On est un peu déçus quand ça s'arrête, l'on aurait aimé que trame hypnotique dure un peu plus longtemps.

 

 

SPUNYBOYS

 

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Heureux de retrouver nos trois lascars. N'y a pas si longtemps que cela qu'ils nous avaient subjugué – voir notre quatre-vingt cinquième livraison du 15 février 2012 – à Roissy pour être précis. Oui, mais c'était sur une scène pas plus grande qu'une cuisine d'HLM un peu basse de plafond. Mais ici la basse – pourtant double - a tout l'espace qu'il lui faut, un podium presque aussi long qu'un porte-avions et une toiture juchée au milieu des nuages. Autant dire que Rémi va nous sortir le grand jeu.

 

 

Un véritable numéro de cirque. Monte sur les hanches rebondies de sa contrebasse comme s'il gravissait les escaliers de la Tour Eiffel, s'accroche au manche pour prendre la pose de l'alpiniste au haut de l'Anapurna, en dégringole en courant, la fait tournoyer comme des pâles d'hélicoptère, et s'enfuit faire un numéro d'équilibriste sur le comptoir de la buvette. Les consommateurs n'ont pas moufté, ont dû pensé qu'ils avaient un peu trop éclusé et qu'ils avaient des visions, pire que des éléphants roses, un sorcier rockab qui chevauche une contrebasse blanche à deux mètres trente au-dessus de leur demi. Attention pas demi fou, complètement maboul.

 

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Pas croyable, sans s'arrêter de jouer. Parfois on a même l'impression que pour faire plaisir à son maître – pincez-moi si je me trompe – l'instrument plein de bonne volonté continue à jouer tout seul, remarquez qu'avec les grandes claques qu'il lui colle sur les cordes l'a intérêt à marcher droit. Disons à voler haut. Doit s'entraîner pour le lancer de contrebasse aux prochains jeux olympiques, car il vous l'envoie au pays des hirondelles et vous la rattrape – l'on ne sait par quel hasard – juste avant qu'elle ne se fracasse à terre. M'étonnerait qu'il ait trouvé une compagnie qui ait accepté de l'assurer... On dit que certains bassistes font l'amour avec leur contrebasse, pour Rémi ce serait plutôt la guerre.

 

 

Evidemment c'est lui qui jouit, n'arrête pas de chanter pour nous faire part de son bonheur. Car pourquoi faire peu quand on est capable de faire deux fois mieux, gratte les cordes, vocal assuré. Dans les deux cas s'en tire bien, même couché au sol sur le dos, Rémi facile domine son sujet et nous subjugue.

 

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Etrangement après le set, c'est le guitar man qui remporte le prix de la chemise mouillée. N' a pas bougé de quinze centimètres, planté à la même place d'un bout à l'autre du set, lui il ne remue que les doigts. Sur la guitare. Et ça s'entend, quel boulot ! Stress et adrénaline à volonté, n'a que six cordes à baldinguer, mais ses mains cavalent dessus comme si elles étaient posées sur le brasier de l'enfer. Peut partir se promener l'esprit tranquille le Rémi, son acolyte garde la maison et fait feu sur tout ce qui passe à sa portée. L'on n'a d'oeil que pour le contrebassiste, mais le soliste a planté son jack dans votre oreille. Vous rentre dans le cerveau et n'en ressort pas. Sera particulièrement applaudi lors des présentations.

 

 

Je pressens que certains lecteurs aimeraient quelques précisions musicales, que je leur recopie la set-list en trois exemplaires avec commentaires doctoraux à l'appui. Tant pis pour eux, je n'en ferai rien. N'avaient qu'à venir, la jeunesse et la folie, ça ne se dissèque pas, ça se vit. Toutefois un dernier conseil, très mauvaise idée d'embaucher les Spunyboys pour l'anniversaire des soixante-cinq ans de mariage de Tante Adèle, il risquerait d'y avoir des traces de contrebasse dans les assiettes de morte Adèle !

 

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Esprits chagrins j'ai occulté le batteur, ne vous inquiétez point, l'on n'hésitera pas à les rejoindre à un prochain concert et je vous promets que je m'occuperai de lui, l'aura intérêt de marcher à la baguette.

 

 

 

CARL & THE RHYTHM ALL STARS

 

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Moi qui suis un être extraordinaire je n'aime guère avouer mes faiblesses. Je suis pourtant à ma grande honte obligé à me livrer à d'humiliants aveux. Oui il est vrai que ma discothèque ne possède aucun disque de Carl & The Rhythm All Stars, n'essayez pas de me consoler en me disant qu'ils n'en ont pas sorti des dizaines, car mon cas est plus grave que vous ne le pensiez. Savais même pas qu'ils existaient ! Bien sûr j'avais dû bien rencontrer leur nom ici ou là au détour d'un magazine, mais je n'ai jamais tilté.

 

 

Aussi quand ils sont montés sur scène pour installer leur matos m'en suis allé me commander une platée de frites, car le rock ça creuse. Z'ont pas sorti six notes que je me suis dépêché d'avaler la barquette en douze secondes, le contenu et le contenant, d'un seul coup, car non de Zeus ! Quel son ! Quelle beauté !

 

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En suis resté comme deux ronds de frites ! Peux pas vous dire ce qu'ils ont joué, sachez simplement que c'était superbe, une musique en équilibre, parfaite. N'ont pas l'air d'y toucher. Un contrebassiste long comme un jour sans pain – celui-la quand on l'enterrera dans sa contrebasse l'aura les pieds qui dépasseront - enveloppé dans un costume de croque-mort, un air triste d'intellectuel qui n'a pas encore trouvé l'idée qui le rendra milliardaire, mais ce n'est pas la peine qu'il cherche, l'a déjà le secret de l'univers au bout de ses doigts, dans la finesse de son phrasé, la pulsation du souffle primordial de la vie.

 

 

Tout comme Carl, un air vachement sérieux, vous lui confierez les clefs de votre bécane sans problème, mais faut d'abord que vous ne l'ayez pas vu piquer sa crise, se roule brusquement par terre, sans prévenir, puis se relève comme si de rien n'était et se met à peloter les cordes de sa rythmique comme vous caressez la chatte de votre voisine. S'en échappe un doux ron-ron qui vous prend aux tripes et vous conduit sur les chemins du bonheur.

 

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Vous parle même pas de Pedro derrière sa batterie Gretsch et de Claudio le lead-guitariste. Vous en deviendrez jaloux. Le style ? J'appellerai cela du surfin'roots, authentique, très près des origines – n'ont pas donné un morceau de Charlie Feathers au hasard – et en même temps très loin de tout collage à l'original. Sont pas des musiciens de papier calque.

 

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Pour moi la révélation de la soirée.

 

 

JOHNNY FAY

 

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Ce ne sont plus des lacunes, mais des lagunes. J'avais tout de même pris le temps d'éplucher la question et de fouiner sur internet. Suis pas le seul, c'est en surfant sur le web que Johnny Fay s'est aperçu qu'un groupe français venait de reprendre un de ses morceaux. Ca l'a un peu étonné, alors que ses congénères ricains ne s'étaient jamais souciés de ces vieilles cires enregistrées aux confins des années cinquante / soixante, voici qu'un groupe issu d'un minuscule pays à l'autre bout du monde se souvenait de lui.

 

 

Cette introduction explique la présence de Johnny Fay en Appoigny avec comme backing-groupe responsable de sa venue : les Megatons ! Sont sur scène, ont changé de tenues, arborent des costumes rouges et blancs de belle apparence. L'on n'attend plus que Johnny Fay !

 

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Le voici. N'est plus de première jeunesse. C'est qu'il en est passé de l'eau sous les ponts de Cleveland depuis le tout début des sixties ! Grand, baraqué, banane blanche sur le sommet du crâne, Johnny Fay en impose malgré qu'il tourne autour de soixante-dix piges.

 

 

Accrochez-vous, c'est parti, un véritable rock-shouter, passe en force et emporte tout. Pas du genre à se ménager, derrière les Megatons bétonnent un son au bulldozer, un mur compact qui avance comme un méchant tsunami décidé à ne rien laisser debout. Tout le monde est devant la scène à taper sur les planches comme des évadés de l'asile. «  Merci beaucoup ! » ce sont apparemment les seuls mots de français qu'il sache, les répète à plusieurs fois, question de reprendre souffle, mais très vite se retourne vers les musicos et relance la valse. Urgence rock'n'roll ! C'est qu'il a à faire, ses morceaux personnels comme Charlotte, Cindy, Crazy love – l'on devine facilement les centres d'intérêt de sa jeunesse – plus les reprises de Little Richard, Lucille, The girl can't help it, Long tall Sally, Keep a knockin, rajoutez-y quelques torchères de Jerry Lee Lewis, j'en passe et des meilleures, et vous obtenez un profil assez fidèle de la bête.

 

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L'excitation est à son comble, les couche-tôt sont déjà partis au dodo mais il reste les inconditionnels qui n'auraient pour rien au monde raté cette apothéose rock. Etonnant et percutant, d'où Johnny Fay puise-til toute cette énergie ? Ce qui est flagrant c'est qu'il y prend encore plus de plaisir que les spectateurs. N'en croit pas ses yeux ni ses oreilles – car question acclamation, ça fuse de tous les côtés – quand il reviendra chez lui, soyez sûr qu'il va faire une superbe réputation aux étranges frenchies. Sûr qu'il déclarera que nous sommes le pays le plus rock'n'roll du monde. Vingt ans qu'il tournait en rond dans sa piaule comme un lion dans sa cage, et le voici qu'ici il est le roi lion, le King qui rugit et affole les gazelles. Du coup il nous assène un Heartbreak Hotel à vous casser non seulement le coeur mais tous les os et en prime l'âme qu'il vous hache si menu qu'il vous faudra trois jours pour en récupérer tous les morceaux.

 

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Triomphe absolu. Merci Johnny et les Megatones. Nous avons foi en Johnny Fay.

 

 

END OF THE NIGHT

 

 

C'est fini. Difficile de se quitter ainsi. Pour les acharnés le lendemain sur les coups de onze heures apéro-moules-frites avec un boeuf géant des musiciens qui resteront... dans la froidure du petit matin, discussion avec Mumu, on épilogue sur ces jeunes spectateurs venus de tout autres milieux que le rockab – suffit de regarder l'habillement pour s'en apercevoir – qui sont restés du début à la fin visiblement heureux de la musique qu'ils ont reçue en partage. Et ces pionniers délaissés en leur pays natal qui retrouvent une terre d'asile par chez nous. L'on évoque ces minuscules petits clubs d'amateurs du milieu des années 60 qui ont continué à porter la flamme envers et contre tout, avec leurs minces revues tapées à la machine et ronéotypées sur des machines d'emprunt... que de chemin parcouru depuis...

 

 

Avec des orgas, comme Rockxerre Gomina, la relève est assurée...

 

 

Damie Chad.

 

 

KROCKROCKDISK

 

 

THE MEGATONS. HYDROGEN BOMB.

 

Rock Paradise Records.

 

 

JELLY ROLL ROCK. FLYING FISH. NOT FOR LOVE OR MEMORY. DATELESS NIGTH. SABOTAGE. LONG PONYTAIL. 50 MEGATONS. LOU ANN. SWEEL LINDA BROWN. SPARK PLUG. BABY BE GOOD. YOU'RE LATE MISS KATE.

 

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Vinyl, bien sûr. Vingt-cinq centimètres qui manque à votre collection. Pas le temps de s'amuser, à peine l'avez-vous posé sur la platine que ça vous file à toute vitesse entre les doigts. Forte envie de danser et de vous remuer, les Megatons ne vous laissent pas tranquilles sur le bord de la piste. La voix de Charlie vous invite à aller caresser les filles d'un plus près. L'on n'avait pas tellement besoin de ses conseils mais faut avouer qu'il vous les refile à la grande vitesse appropriée. Avec les guitares qui hachent des oignons métalliques par derrière et le sax de Jerry qui vous pousse dans le dos, plus rien ne vous arrêtera. Sabotage ! Un instrumental qui vous perce l'ouïe et qui vous vrille les oreilles, le sax vous désaxe le cerveau, mais ce n'est pas vraiment grave. A peine terminé que vous repartez dans la ronde, accrochez-vous aux queues de cheval qui tournoient dans ce carrousel démoniaque si vous ne voulez pas perdre votre souffle.

 

 

Si vous pensiez vous reposer sur la deuxième face, tant pis pour vous, Fifty Megatons vous scratche le cerveau définitivement. Et la voix de Charlie, teigneuse à souhait qui vient vous chercher pour la bagarre. La petite Lou Ann ne calme pas vos ardeurs, avec ce vocal mutin qui vous relance dans vos derniers retranchements et les guitares qui sonnent comme du Buddy Holly électrifié, si vous entendez ce que je veux dire, sans parler ce sax qui vient vous faire la nique ! Troisième titre, des perfides, c'est là qu'ils ont glissé leur reprise de Sweet Linda Brown de Johnny Fay, histoire de vous arracher la cervelle pour mieux ensuite vous récurer les os du crâne à la petite cuillère. Spark plug, se foutent carrément de votre gueule, Yeah ! Yeah ! Yeah ! Vous voici branché sur des étincelles. Baby be good, ce pourrait être une prière bluesy, mais non c'est un rock'n'roll à l'arrache avec des guitares qui sonnent votre mort et les effronteries moqueuses du vocal. La petite Kate qui est en retard – normal qu'elle arrive sur le dernier morceau - en prend pour son grade. Nous aussi d'ailleurs mais ce saxo qui vous ramone les esgourdes est un véritable plaisir.

 

 

Ouf ! C'est fini. Vous en ressortez brisés et pantelants. Une aspirine et dodo pour vous remettre ? Quoi ! vous vous voulez le réécouter depuis le début, mais vous êtes aussi increvables que les Megatons.

 

 

Attention, cette écoute est strictement interdite aux cardiaques.

 

 

Damie Chad.

 

 

THE MEGATONS

 

WILD WILD PARTY / LIVE IT UP

 

White Lightning Records.

 

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Portez vos chaussures de sécurité lorsque vous sortez le disque de sa pochette, si par maladresse il vous échappait et tombait sur vos petits pétons adorés, à plat ce serait les orteils écrasés, sur le listel amputation immédiate de votre pied, tant ils ont forcé sur la dose de vinyl. En contre partie vous bénéficiez d'un super son. Le même que celui que l'on trouve sur les premiers singles des Flamin' Groovies, pour les connaisseurs et vous donner une idée.

 

 

Difficile de choisir entre les deux morceaux, the A-side plus dansant et le B plus destroy, mais cela les couves l'ont déjà suggéré. C'est cela l'avantage de posséder son propre label, premièrement la philosophie du do it yourself est encore la meilleure de toutes, deuxièmement vous vous offrez tous les caprices que vous voulez, ici deux pochettes en une.

 

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En bref et en gros, c'est un véritable plaisir, le genre de truc qui colle à l'aiguille du pick up comme la crèpe à la poêle, impossible de vous en détacher alors que depuis deux heures vous sautez comme un cabri sur les sofas du salon.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

JOHNNY FAY and THE BLAZZERS. Mr «  SWEET LINDA BROWN »

 

White Lightning Records. / Rock Paradise /Rockers Kulture.

 

4 Fantastic unissued tracks :

 

CINDY. CRAZY LOVE. CHARLOTTE. TRUE LOVING.

 

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45 tours Extented Play. Belle pochette avec photos d'époque, un objet de collection paru sur le label White Lightning Records des Megatons. Avec protection papier blanc intérieure et une épaisseur de vinyl qui pèse autant qu'un boeuf farci. Reprise du simple paru sur le Dani Records le label de Cleveland, sous le nom de John Furino and the Bel-Aires jugé plus commercial par la maison de disques, mais attention ici nous bénéficions d'une prise alternative de Cindy, c'est que Johnny est venu en France en emportant avec lui quelques démos et bandes inédites dans l'espoir de nous en faire profiter.

 

 

Ensuite il ne reste plus que le plaisir d'écouter. Tranchante voix de Johnny en avant. Un peu à la Esquerita. Bonne guitare et sax par derrière qui se disputent, la petite Cindy se barre trop vite. Surprise sur Crazy Love un accordéon qui a plutôt tendance à accélérer ce pseudo-slow qu'à le ralentir, très beau duo de sax et d'accordéon peu banal.

 

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Charlotte nous accueille sur l'autre face, l'organe de Johnny ne doit pas lui laisser beaucouop de place, guitares et batterie s'en donnent à coeur joie, ça remue sec. L'est tout fier de balancer qu'il a a girl, Johnny . Pour le deuxième titre cherche à nous convaincre que c'est du true loving, pourquoi pas puisqu'il le dit, en tout cas c'est du véritable surfin'rock. Savage rock.

 

Damie Chad.

 

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17/05/2012

KR'TNT ! ¤ 98. IMELDA MAY / HOWLIN JAWS

 

KR'TNT ! ¤ 98

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

17 / 05 / 2012

 

 

 

EN MAI, FAIS CE QU'IL TE PLAÎT

 

 

CONCERT OLYMPIA / 11 / 05 / 2012

 

 

HOWLIN JAWS / IMELDA MAY

 

 

 

Plus d'un mois que la teuf-teuf mobile n'était pas sortie du garage pour assister à un concert, alors ce coup-ci l'on a frappé un grand coup, finies les banlieues pourraves et perdues au fin-fond de la brousse seine-et-marnaise, l'on a astiqué le cuir des dimanches et l'on a foncé droit vers the great Paris comme si l'on n'attendait que nous dans la Maison du Soleil Levant de la Nouvelle Orléans pour commencer les amusements. Faut dire que l'on avait un rendez-vous. Et pas avec n'importe qui.

 

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Avec la Reine du Rockabilly. Ni plus, ni moins. On est comme ça, nous ! On ne se déplace pas pour rien. N'y a que sur le boulevard des Capucines que l'on s'est un peu plantés, on l'a remonté à l'envers, mais une charitable jeune fille de cinquante balais nous a fait remarquer le grand panneau rouge, juste derrière nous, marqué du nom du célèbre music-hall : Olympia. Pas très glorieux, un petit air les Charlots en vadrouille dans la capitale, nous le reconnaissons, mais vérité historique oblige.

 

 

L'a tout de suite fallu déchanter. L'on n'était pas les seuls à désirer l'Imelda, des connaisseurs en plus, des prévoyants qui s'étaient tous munis du sésame nécessaire à tel point qu'il nous a été impossible de refiler ( nous ne disons pas revendre ) un billet que l'on avait en trop, tout le monde possédait le sien, cela nous apprendra à vouloir faire le bien de l'Humanité sans son accord.

 

 

L'on s'est faufilé jusque devant. Pas facile de traverser l'aggloméré. Des fois que l'on bousculerait un confrère rocker ! C'est que nous sommes une race susceptible, qui n'aimons pas que l'on nous marche sur nos petits petons chaussés de daim bleu, mais c'est comme cela que nous avons survécu à six décennies d'horreur musicales. De toutes les manières les rockers n'avaient pas l'avantage du nombre, pressés, entourés, assiégés de toute une jeunesse venue d'on ne sait où. Nouvelle donnée de base : de plus en plus de monde aux concerts rockabilly, cette musique est en train d'être rattrapée par le public. C'est un constat général, depuis quelques mois, que ce soit la prestation d'un obscur combo de débutants ou une star internationale, de toute évidence, il y a de plus en plus de peuple...

 

 

HOWLIN JAWS

 

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Maintenant comme nous ne pouvons rien vous cacher, nous reste à avouer que nous n'étions pas là seulement pour la belle branche du mois de May, nous étions en service commandé. D'observation. Pour les Howlin Jaws, aussi. Mais n'en disons pas plus pour le moment. Vous ne les connaissez peut-être pas encore, mais dépêchez vous, c'est le groupe qui monte. Le french young band 2012 qui se détache du lot. Des petits nouveaux. Sortent pas de la cuisse de Jupiter, mais ils ont suscité l'attention du milieu, et plus que tout son aide. Tony Marlow et tout le staff de Rokers Kulture, un appui irremplaçable. Et puis Mister Jull de Ghost Highway qui les a assistés de toute sa science musicale et qui est passé derrière les consoles pour leur premier CD.

 

 

Pour Mister Jull si vous avez oublié, reportez-vous à notre première livraison du 01 / 05 / 09, déjà trois ans, l'on parlait déjà de lui, après vous n'avez qu'à remonter les numéros pour suivre les épisodes... Mais pour le moment, les Howlin Jaws déboulent sur scène, doivent avoir les foies, si jeunes sur la scène de L'Olympia, et en première partie d'Imelda May, vaut mieux ne pas rater le tournant. Plus dure serait la chute !

 

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Attaquent billes en tête, n'ont même pas dix morceaux pour se montrer dignes de la confiance ! Djivan commande l'assaut, n'a pas effleuré sa slap bass qu'il entonne les paroles du premier titre. Derrière à la batterie Crash Boom Bang donne la gomme. Reste plus que Lucky pour assurer les arrières. Et l'avant-garde. C'est la règle du trio rock, la formation minimale. Faites ce que vous pouvez, mais personne ne viendra à votre rescousse. Facile de se planter. Mais Lucky le chanceux a préparé les plans de survie. A chaque morceau, son riff, ciselé au nickel chrome. S'applique salement pour ses ciselures. Pas le temps de s'ennuyer, ne repasse pas les mêmes plats.

 

 

Au début ils sont portés par l'enthousiasme et les encouragements du milieu rockab, pourront jamais dire qu'ils auront été accueillis par un silence glacé, mais après ce sont eux qui ont fait le boulot. Très vite ils ont dégelé les trois mille personnes restantes. Jusqu'aux balcons truffés de bobos smart. Z'ont du charisme et dégagent de la sympathie. Sans parler de leur musique, un peu à l'arrache, un peu volontariste, mais qui emporte l'assentiment. Ne s'adonnent pas aux seules joies de l'anthologie des reprises obligatoires. Jouent avant tout leur propres compos. Ont su être ce qu'ils sont, cette fraîcheur et cette prétention les a délivrés de toute inhibition.

 

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Ne sont pas non plus des ingrats. Pour les deux derniers morceaux, ils ont invité Mister Jull, in person, sur scène. Manière de tricoter et de fricoter les cordes à plus grande échelle. Ca c'est fini sur une reprise d'anthologie de Johnny Burnette. Ovation de la foule qui aurait bien ingurgité deux ou trois cacahuètes de plus, mais non la lumière se rallume et c'est déjà l'entracte. Sortent de scène le sourire aux lèvres. Se sont montrés à la hauteur de l'enjeu. Le french rockab vient de marquer un point. Un de plus. Plus tard – information KR'TNT exclusive mais de bonne source - dans les coulisses, ce sera la fête avec bière et champagne offert par Imelda.

 

 

On est content pour eux. Pour nous aussi. Il est temps de vous révéler la raison secrète de notre présence. C'est Alain, notre technicien Kr'tnt, qui a stratégé l'ampli à lampes sur lequel se sont branchés Lucky et Mister Jull. Question son, ça bourdonnait comme une escouade de Spitfires en plein vol. Puissance et beauté. Rondeur et volupté. Même qu'au début alors que l'on attendait les Howlin, une oreille exercée pouvait discernée dans le brouhaha de la salle, le bruit de fond des lampes sous pression qui se chargeaient d'énergie... Inutile, messieurs, de nous proposer des valises remplies de dollars pour nous acheter la recette. Toutefois nous restons ouverts à toute proposition féminine qui se révèlerait particulièrement suggestive.

 

 

IMELDA MAY

 

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Chanterait-elle déjà depuis les coulisses ? Mais non ce n'est qu'un disque, alors que les musicos prennent place derrière leurs instruments, elle arrive la dernière. Elle survient moulée dans une robe dont l'orange sera accentuée par les projecteurs. Tout de suite la voix. Identiquement la même que sur les vidéos et les enregistrements. Surprise d'Alain, pas pour moi, j'étais personnellement au courant. Dès la fin du premier morceau elle dissipera les malentendus. Oui elle attend un bébé. Pouvait difficilement le cacher avec sa bosse pastèque sur le devant. Elle désigne même le coupable, de la voix et du doigt. Darrell Higham son mari. Accessoirement guitariste.

 

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Mettons les choses au point. Tout le monde dit : Imelda May, Imelda May. Mais que serait-elle sans ses musiciens ? Commençons par Darrell. Apparemment elle n'a pas choisi le plus manchot. Même Brian Setzer le reconnaît comme un maître. Déjà qu'Alice Cochran, la mère d'Eddie lui a permis de jouer sur la guitare de son fils et qu'il a enregistré avec les Kelly Four, le groupe d'accompagnement de l'immortel créateur de Summertimes Blues ! Ce mec, il ne joue pas sur sa Gibson, il crée. Chaque note est une merveille. Une sculpture vivante. De la magie pure.

 

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Steve Rushton : c'est le batteur. Se contente pas d'une caisse claire. Tout un attirail devant lui. L'en a besoin, car il frappe fort et roule dur. De la puissance et de la violence. L'élément moteur du groupe. Les débuts des morceaux sont proprement hallucinants. Quant au raffut des fûts se mêlent les étincelles de Darrell Higham, l'on croirait à un départ de Led Zeppelin, mais tout de suite l'on repart vers quelque chose de beaucoup rythmique, beaucoup moins décomposé que les orchestrations du Dirigeable, mais tout aussi efficace.

 

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Al Gore : bassiste. Peut aussi bien travailler à l'huile de coude qu'à l'électricité. Camion tout terrain. Creuse la route et les écarts. Métronomie et swing. Peut tout faire. Inutile de le lui demander. Adopte et propose tout de suite la meilleure des solutions. Toujours plus surprenante et imaginative que celle que vous auriez envisagée. Minimum d'efforts et maximum de rendements.

 

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Avec ces trois-là, il y en déjà bien assez. Mais non, ils ont encore un joker. Totalement inutile mais sacrément indispensable. Dave Priseman : multi-instrumentiste. Cordes, percussions et vents. Apporte la couleur et la surprise. Le trublion jazz de service, la note bleue dans le rouge brûlant du rock'n'roll.

 

 

Mettons les choses au point : mais que serait ce groupe sans sa chanteuse ? Simplement des musiciens, bons, très bons, excellents. Mais des musiciens tout court. Ce n'est pas un hasard si à peine le premier morceau terminé Imelda May tape de son escarpin léopard le plancher de la scène en déclarant «  This is the side of Gene Vincent ! ». Rappel des fabuleux concerts de 59 ET 63, mais surtout en voici une qui a tout compris, que le chanteur transcende le groupe, que les Blue Caps sans Vincent n'ont jamais rien fait, que Darell Higham sans Imelda May ne serait qu'un guitariste pour une poignée de puristes en voie de disparition.

 

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Imelda chante. Et tout est dit. Inutile de rajouter. Ne chante pas que du rock. Ce qu'elle veut. Donne de l'âme à tout ce qu'elle touche. Donnez-lui une chansonnette d'amour et elle vous la transforme en drame shakespearien. Vous n'avez pas le temps de reprendre qu'elle se lance dans un rockab d'enfer à faire péter tous les potards de la création. Se fout à hurler comme une louve qui a perdu son petit, mais non Imelda, arrête de nous arracher le choeur et de nous dévider les tripes une par une, on te jure que le baby, il est encore dans ton ventre arrondi comme la coupole du Panthéon, et qu'il ne s'est pas échappé.

 

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Je ne sais pas ce qu'il va donner cet enfant mais avec toutes les vibrations qui l'assaillent – les instruments qui turbinent, la foule qui s'époumone, la voix de feu et de soie de sa mère qui doit l'envelopper comme un velours extatique – plus tard, une fois dehors il risque de trouver la vie un peu triste et monotone. C'est peut-être pour se rassurer qu'elle finira sur le That's allright Mama de Presley !

 

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Imelda n'est pas qu'une chanteuse. Elle est un être humain qui partage et qui donne. L'on ne sent en elle aucune de ces minauderies d'artiste cabotinard qui aime à se faire prier, elle est une diva sans caprice. Elle sème et elle prend. Du plaisir et de l'énergie. Griserie et jouissance. Et tout le monde en redemande. Elle comme nous.

 

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Et puis ce moment inoubliable. Avant les rappels. Sont tous sortis de scène, revient d'abord Al Gore qui couche sa contrebasse sur le côté, s'empare d'un ukulélé et s'assoit en attendant qu'elle revienne. Applaudissements et puis silence. Elle a pris le micro et tout le monde veut entendre. C'est fou comme les Irlandais ont un accent aussi incompréhensibles que les Anglais quand ils s'expriment. Mais là ce ne sera que quelques mots tout simples : «  This song is for Gene Vincent. » Ce sera tout. Pratiquement a capella car le moutonnement cristallin et quasi robotique du crincrin hawaïen ne peut être qualifié d'accompagnement, elle entonne Important Words. Le morceau préféré de Gene. Elle chante de l'intérieur d'elle-même, du plus profond de son coeur en communion totale avec l'angoisse qui a souvent ravagé la vie de Vincent. Parfois elle descend si bas qu'elle retrouve la tonalité même, si pure et si fluide, du Screamin' Kid. J'avoue que mes yeux se sont mouillés. L'atmosphère est si tendue qu'une spectatrice ne peut s'empêcher de rassurer son idole qu'elle sent si loin d'elle en criant : «  Imelda, we love you too ! » Un imperceptible sourire effleure le visage d'Imelda. Le problème est ailleurs.

 

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L'a fait tous ses classiques plus un vieux titre de Darrel, peut-être pour rappeler d'une manière un peu plus discrète, par l'entremise de son compagnon qui en fut aussi le biographe, le fantôme d'Eddie Cochran, comme une convocation des fondateurs tutélaires et en même temps l'affirmation péremptoire que la relève est assurée et que le rockabilly doit aller de l'avant, moderne, psycho ( ah ! la version du titre éponyme ! ), électrique, revitalisé aux racines du jazz, du blues, du country, dynamitant la variété et le middle of the road, renversant les barrières, bravant tous les interdits afin de retrouver son originelle rébellion iconoclaste.

 

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Grande est Imelda. N'est pas une artiste sans mémoire. Elle est le passé du rock'n'roll mais aussi son futur. Une remarquable passeuse. N'y avait qu'à regarder les visages illuminés des spectateurs dont le flot s'écoulait lentement dans le goulot d'étranglement de la sortie pour comprendre que nous sommes en présence d'une chanteuse qui ne tardera pas à parvenir de son vivant, à une stature et à une dimension mythique, que seuls les plus grands pionniers ont pu acquérir.

 

 

Imelda, le renouveau du rock'n'roll.

 

 

Damie Chad.

 

 

PS : pour ceux qui voudraient avoir une autre vision de ce concert, se reporter à rollcallblog.blogspot.com vous aurez le plaisir de lire un compte-rendu de Didier Delcour agrémenté de photos.

 

 

KROCKROCKDISCK

 

 

HOWLIN JAWS.

 

RPR CD17. 2012.

 

Get the thrill. Electric Mind. Dirty Joe. ( Ol' man blues ). Babylon baby. Dollar Bill. Shake your hips. What's that thing. No more bullshit. Danger. Why are you being so cruel . Walk by my side. Sixtee tons. Lovin' Man.

 

 

Jull Records / Rockers Kulture / Jull Records.

 

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Que des morceaux à eux. Seulement deux reprises. L'est toujours bon de marquer son Appellation d'Origine Contrôlée, mais pas question d'être un clone sous le chapiteau protecteur des reprises. Ne doutent de rien, ont les dents longues et les mâchoires hurlantes. C'est bourré de références, de Vince Taylor au son des Chaussettes en passant par Joe Moretti, mais ils ont tout concassé et tout assimilé. Sont pas rentrés dans le salon du rockab sur la pointe des pieds. Sont arrivés avec leurs anciennes mauvaises manières punk, dégueulent tout ce qu'ils ont ingurgité sur le tapis et ont secoué les peaux de léopard parfois poussiéreuses sur le sofa. Ils ont foutu un joyeux bordel. L'incroyable c'est que ce mélange de juvénile intransigeance et de vieilles recettes a fait bon ménage.

 

 

Ne respectent pas les règles. Rallongent les morceaux de ponts aussi longs que celui de Tancarville, baragouinent des lyrics de faux anglais avec un aplomb si extraordinaire que vous pensez qu'ils ont l'accent américain, vous pètent un disque en studio aussi fougueux qu'une fin de concert, ne prennent jamais le temps de réfléchir et d'intuiter mais y vont d'instinct, sans se tromper.

 

 

Ne jouent pas, ils expérimentent, chacun essaie de bouffer l'autre, en toute sympathie. Une autre manière de soigner le collectif. Ne pas se faire de cadeaux mais laisser ouvertes toutes les opportunités. La voix en avant qui couvre tout, la batterie en arrière qui écrase tout, et la guitare qui dégage la chienlit et colorie le tout à coups d'éclairs électriques. Laissent tous des brèches pour que les copains s'embarquent dedans, un CD dynamite.

 

 

 

Une belle pochette qui n'est pas s'en rappeler le L.A.M.F. des Heartbreakers, peut-être un coup du hasard objectif, mais en tout cas du tonnerre. Passe mon temps depuis deux jours à la maison à me faire engueuler sous prétexte que je fais trop de bruit avec ma musique de sauvage. Croyez-m'en, c'est un très bon signe. Tiens, je vais me le remettre une dix-septième fois de suite, manière d'apprendre à l'épouse ( in)soumise, aux amis en visite, aux voisins atterrés et à la terre entière ce que c'est que le rock'n'roll.

 

 

Howlin Jaws, le disque qui mord. Et ne lâche pas les morceaux !

 

 

Damie Chad

 

 

 

REVUE DES REVUES

 

 

JUKEBOX MAGAZINE. N° 305.

 

Mai 2012.

 

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La couverture laisse rêveur... Imelda May et Françoise Hardy sur le même plan ! Le filet de voix de la seconde – si judicieusement l'employa-t-elle – ne saurait en rien se comparer avec la sonore cascade diluvienne qui s'écoule de la bouche de la première. Mais il est vrai que Jukebox draine aussi un fort lectorat nostalgique de l'époque Yé-yé même si les amateurs de rock lui restent tributaires de nombreux articles, dévolus à leurs idoles, d'une très grande fiabilité quant aux renseignements, dates et précisions diverses apportés.

 

 

Un numéro d'anthologie pour les amateurs de rock : le reprint de Disco-Revue avec photos couleur et blanc et noir pour illustrer l'article La revanche de Vince Taylor, la suite de Rock'n'Roll à Cleveland featuring Eddie Cochran, Gene Vincent et Charlie Gracie, et enfin deux énormes parts de gâteaux Imelda May et Bobby Cochran.

 

 

French galanterie, commençons par les Dames. Un article de fond pour comprendre que la reine du rockabilly n'a pas surgi de nulle part, d'un coup de baguette magique. Est née en Irlande, en 1974, mais la famille importe peut-être beaucoup plus que le pays, toute gamine elle commence par faucher les disques de ses grands frères qui ont du goût – Presley, Vincent, Burnette, Cochran – découvre le blues toute seule comme une grande, grandit et enregistre près de trente titres avec le groupe Blue Harlem, rencontre Darrel Higgham, enregistre sous son véritable nom d'Imelda Clabby l'album No Turning Back.

 

 

C'est en 2007 qu'elle enregistre Love Tatoo, un album qui démarre sa véritable carrière. Il y a de tout sur Love Tatoo, du jazz, de la ballade, du blues, du rock, mais quoiqu'elle touche, elle atteint la perfection. Dès lors les choses vont s'accélérer, le coup de pouce qui la propulse sur le devant de la scène internationale sera apporté par Jeff Beck – un amoureux fou des Blue Caps de Gene Vincent – qui lui demande de l'accompagner avec Darrel Higham, à la cérémonie des Grammy Howards. En 2010 sort Mayhem son deuxième album sous le nom d'Imelda May, mais vous connaissez déjà.

 

 

Pour ceux qui auraient des doutes, suffit d'aller sur You Tube, prévoyez toutefois quelques sandwiches et un thermos de café, car vous trouverez des dizaines et des dizaines de titres. Notamment le concert de l'Olympia chroniqué ci-dessus.

 

 

Mais les fans d'Eddie Cochran se précipiteront d'abord sur l'interview de Bobby Cochran, le neveu d'Eddie qui parle longuement de son oncle disparu alors qu'il avait à peine dix ans. Un demi-siècle plus tard, Bobby Cochran se souvient et raconte. Nos kr'tntreaders se reporteront à notre quarante et unième livraison du 23 / 02 / 2011 consacrée à la lecture de la biographie que Bobby a consacrée à la figure mythique d'Eddie. Un livre envoûtant, empli de synchronicités et de concordances si étranges qu'il vous fait froid dans le dos.

 

 

L'article est à lire, ne serait-ce que pour les dures paroles de Bobby sur sa grand-mère Alice, mère d'Eddie et de son père Bob, qu'il accuse d'avoir un peu trop aimé l'argent... Remet aussi les pendules à l'heure côté Sharon Sheeley qui n'aurait proposé que l'idée de Somethin'Else, le morceau aurait été composé par Eddie et son frère Bob et... Jerry Capehart dont oui Eddie était décidé à se séparer... mais vous ne m'écoutez plus et vous partez déjà vous procurer ce Jukebox 305 pour votre collection... Intelligente résolution !

 

 

Damie Chad.

FLYERS

 

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10/05/2012

KR'TNT ! ¤ 97. RHYTHM & BLUES AVANT ELVIS

 

KR'TNT ! ¤ 97

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

10 / 05 / 2012

 

 

 

RYHTHM & BLUES / COUNTRY / ROCK & ROLL

 

 

LA MUSIQUE QUI VIT GRANDIR ELVIS

 

 

JEAN-CHRISTOPHE BERTIN

 

 

( Editions Didier Carpentier / Mars 2012 )

 

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Grand format, la taille idéale de vos vingt-cinq centimètres, superbes photos à toutes les pages, plus un disque ( ne rêvez pas : un CD, pas un vinyl ) de vingt titres ! Que voulez-vous de plus ! Elvisnolâtres je vous vois déjà saliver, prêts à acheter les yeux fermés puisque le nom de votre idole figure dans le titre. L'arrive à la fin, page 122, certes il y a eu quelques petites apparitions de ci, de là, au détour d'un commentaire, vient d'avoir trois ans, passe le cap de ses treize printemps, sa baraque à Tupelo, son sweet home à Memphis, rien que vous ne connaissiez déjà... mais l'on s'en fout, Presley n'est que la dernière perle du collier, celle qui brille le plus je vous l'accorde, mais que serait-elle sans toutes les autres qui la mettent en valeur ?

 

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Le rock'n'roll est un mot magique. Il suffit de le prononcer entre amis pour que chacun se sente obligé de réciter la discographie de ses idoles préférées avec les numéros de série et les dates de sortie. C'est le coup de l'iceberg. Tout blanc, celui qui coule le Titanic et que l'on applaudit. Ce qui est au-dessous de la mer, l'on oublie d'y penser, ça descend si profond que l'on n'y voit plus rien, que du noir.

 

 

UNE HISTOIRE QUI NOUS RESSEMBLE

 

 

Jean-Christophe Bertin n'est pas homme à se laisser subjuguer par les feux de la rampe, passe son temps dans les coulisses. Nous raconte donc la préhistoire du rock'n'roll. Côté musique, ne craignez rien, vous en aurez pour votre argent, mais la face B d'un disque n'est pas obligatoirement de l'autre côté de la galette. L'est tout autour. Le serpent est comme la poule, il sort de l'oeuf. Parfois de son plein gré, souvent de force. Le malheur c'est que si l'omelette du capitalisme épouse la même recette que celle de la révolution, celui qui sert d'ingrédient ogival ne participe que très rarement au festin de la mixture qui procède de lui.

 

 

Certains se disputent à n'en plus finir : le rock'n'roll vient du blues, que nenni il sort de la country, pas du tout il provient du jazz, vous êtes fous il tire son origine du rhythm'n'blues, Bertin met tout le monde d'accord : autant des Appalaches que de la New Orleans, et de partout d'où vous voulez, mais avant tout il est né de la misère des hommes. Des esclaves noirs et des pauvres blancs. Ce qui ne veut pas dire que des plus riches n'y ont pas investi quelques dollars lucratifs et quelques idéalistes généreux englouti leurs économies.

 

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1920 – 1929, dix ans d'histoire d'Amérique, de la prohibition à la grande crise. Le baromètre n'est pas au beau fixe. Surtout que les années suivantes qui se profilèrent n'apportèrent guère de lots de consolation, de la Dépression à la fin de la Guerre, les basses classes ne sont pas à la fête. Certes le New Deal de Roosevelt et sa politique de grands travaux ajoutés à la mise en marche de l'industrie de l'armement aidèrent à remonter la pente, à donner un peu de travail à des millions de chômeurs qui crevaient littéralement de faim, mais la machine économique ne se remit en route que lentement et les temps furent d'une dureté extrême.

 

 

Jean-Christophe Bertin pose les cadres nécessaire à la compréhension de l'émergence de la musique populaire américaine. A proprement parler c'est un peu flippant. Ce n'est pas un leader d'extrême-gauche qui essaie de vous enturlubiner, se contente de résumer à grands traits la situation économique du moment et ça nous fait froid dans le dos. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'on ne tremble pas pour les pauvres américains de la première moitié du siècle dernier mais pour nous. Très égoïstement. Les phénomènes qu'il décrit ressemblent un peu trop aux craquements actuels de notre vieille Europe pour que l'idée prémonitoire d'un destin identique ne vienne à notre esprit.

 

 

En plus, ce qu'il y a de terrible, nous avons beau nous enfoncer dans une récession interminable, nous avons beau ajouter chaque jour quelques milliers de chômeurs aux millions déjà existants, fermer les usines, voir la bourse dégringoler, ce n'est pas pour cela que la qualité de notre rock'n'roll hexagonal s'améliore ! C'est à n'y rien comprendre !

 

 

SEGREGATION

 

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C'est une réalité dont nous avons eu du mal à embrasser l'amplitude. Lorsque en 1968 Martin Luther King s'effondre sous les balles de ses assassins l'on a pensé à un combat d'arrière-garde, des nostalgiques du Klu Klux Klan qui faisaient leur baroud d'honneur. Leur dernier tour de piste. Nous partagions les colères des jeunes étudiants de Berkeley contre la guerre du Viet-Nam, mais l'engagement pour les droits et les libertés civiques nous semblaient des batailles obsolètes gagnées d'avance. Dylan, Joan Baez, ne nous déplaisaient point mais nous l'on révérait tellement les chanteurs et les musiciens noirs, d'Armstrong à Little Richard, d'Howlin'Woolf à Chuck Berry, que nous les imaginions en leur pays comme ici on les voyait : des stars qui n'avaient qu'à lever le petit doigt pour que le moindre de leurs caprice soit exaucé séance tenante. Stupidement l'on pensait que les Américains étaient racistes comme les Espagnols mangent de la paella. Une image d'Epinal, avec un fond de vérité, mais rien de bien méchant et de bien grave.

 

 

Bien sûr au fur et à mesure que les années se sont écoulées, que des livres ont été traduits et que des témoignages ont afflué, tous concordants et homogènes, il a fallu se rendre à l'évidence. Avec l'âge nos yeux ont perdu de leur naïveté. Cette histoire des racines du rock'n'roll de Jean-Christophe Bertin est décapante à souhait. Elle remet les les pendules à l'heure. Around the Clock ! Pour ceux qui ne connaissent de la musique afro-américaine que les frasques de Mickael Jackson ou la poignée de main, gantée et dédaigneuse, de Prince au président, la surprise risque d'être grande.

 

 

LA GRANDE DISSOLUTION MORALE

 

 

Entre 1945 et 1956 – les années que couvrent principalement le livre - les noirs vont livrer un combat de longue haleine. Jamais frontal. Mais finiront par contourner l'obstacle. L'on peut dire qu'ils vont gagner la guerre idéologique car leurs ennemis seront trahis par leurs propres enfants. C'est la jeunesse blanche du pays qui va emporter la mise. Au grand dam de leurs parents de nombreux adolescents de la petite-bourgeoisie blanche vont contracter de mauvaises habitudes, celle de se brancher sur les radios noires du pays et de ressentir au travers de ces flots rythmiques et joyeux qu'elles déversent qu'un autre mode de vie était possible.

 

 

Retournement ironique des choses, cette musique black qui est en grande partie née dans les Eglises chrétiennes des communautés noires va agir à l'encontre du christianisme puritain des blancs comme le plus puissant des dissolvants. L'expression musique du diable employée pour qualifier le rock'n'roll ne sera pas lancée au hasard. Elle s'inscrit dans une logique critique des plus pertinentes et repose sur une analyse des plus justes. En sapant les bases de la morale religieuse, la nouvelle musique remet en cause la cohésion sociale de toute une nation.

 

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Les jeunes blancs ne vont pas chercher si loin. Ils admirent cette façon si rutilante de s'habiller des artistes noirs, cette décontraction souveraine des corps, cette prégnance sexuelle de toutes leurs danses, et peut-être plus que tout – car c'est ce qui leur est le plus directement accessible - ces paroles à double-sens d'une naïveté si salace qu'il faut vraiment être stupide pour ne pas en saisir la véritable signification.

 

 

CRITIQUE SOCIALE

 

 

A chacun son combat. Que les noirs insinuent leurs délétères valeurs dans la société est difficilement supportable, toutefois l'on veut bien faire semblant de fermer les yeux à condition de ne pas se boucher le nez. C'est que l'argent n'a pas d'odeur et les droits générés par l'édition des titres et les ventes des disques ne sont pas à dédaigner. Les capitalistes blancs ne sont peut-être pas assez bête pour vendre la corde avec laquelle ils seront pendus mais ils vont vous inonder le marché de centaines de milliers de disques qui véhiculent une musique contraire à leur idéologie. Ce qui ne tue pas définitivement le système, le conforte.

 

 

Evidemment, même si Bo Diddley n'a pas encore inventé le jungle sound, l'on en applique pas moins les fameuses lois de la végétation tropicale : les gros mangent les petits. Petits labels seront avalés par les majors. Les uns défrichent, les autres s'engraissent. Mais dans le pays de la libre entreprise l'on ne se formalise pas de la problématique. Les nouvelles étiquettes poussent comme des champignons à la première occasion. L'industrie discographique américaine avait horreur du vide.

 

 

Les noirs américains n'avaient pas le monopole du malheur. Les petits blancs n'étaient guère mieux lotis. Le racisme n'est qu'un des camouflages habituels de la lutte de classe. Diviser pour mieux régner, l'adage est bien connu. Mais il ne correspond pas toujours à la réalité. Dans les grandes plantations du Sud, sur les chantiers d'endiguement du Mississipi et de terrassement des infrastructures de communications, ouvriers blancs et travailleurs noirs travaillent coude à coude. Si aujourd'hui la country music souffre de sa mauvaise réputation de musique populaire des milieux blancs et réactionnaires de l'Amérique profonde, il n'en a pas toujours été ainsi.

 

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En ses débuts la proximité transcapillaire des musiques blanches et noires est patente. Le va-et-vient organique entre les musiques folkloriques européennes véhiculées par les populations fermières des Appalaches et les formes primales du blues apportées par la main-d'oeuvre noire d'origine servile est encore audible de nos jours pour celui qui veut bien y prêter une oreille attentive.

 

 

L'existence des petits blancs n'est guère plus enviable que celle des noirs. Jean-Christophe Bertin s'attarde sur le sort de ces mineurs attachés pieds et poings liés à leur mine. Ce n'est qu'une métaphore, mais nos gueules noires sont dans l'impossibilité d'échapper à leurs employeurs : ils sont les débiteurs de la Compagnie qui les emploie, c'est elle qui leur loue leur maison et c'est elle qui possède l'unique magasin d'approvisionnement, le fameux Company Store de la chanson de Merle Travis si bellement interprétée par Tennessee Ernie Ford. A la fin du mois, le mineur doit plus qu'il ne touche à extraire ses seize tonnes de charbon quotidien. Sixteen Tons !

 

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Toute une page de l'histoire de l'Amérique que l'on a oubliée. Celle d'une Amérique anarchiste, dotée d'un mouvement ouvrier fort et vindicatif dont on a réussi à effacer la mémoire. Là, encore toute ressemblance avec notre pays qui ne se souvient plus de son passé de luttes prolétariennes et de tradition révolutionnaire est des plus instructives. Sixteen Tons fut interdite d'antenne, ce cris de révolte et de haine rappelait par trop les grèves violentes qui dès la fin du dix-neuvième siècle accompagnèrent l'exploitation des mines ( et des travailleurs ) durant plus de soixante ans.

 

 

Composée en 1945, Sixteen Tons ne connut le succès qu'en 1955. Nous sommes à un an du rachat d'Elvis par RCA Victor, en dix ans la situation a changé.

 

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RHYTHM'N'BLUES

 

 

De fait ce que le système politique américain a parfaitement réussi à opérer c'est que les colères sociales noires et blanches ne parviennent jamais à s'associer sur un plan politique. Un exemple parmi tant d'autres : au milieu des années soixante Les Black Panthers ne recueillirent que l'appui de groupes blancs des plus marginaux. Quand les sonorités cuivrées du rhythm'n'blues des disques Stax envahit les antennes l'on assiste une fois de plus à ce que l'on pourrait appeler une jonction musicale qui n'atteindra jamais une pleine dimension politique.

 

 

Entre 1945 et 1956, le rhythm'n'blues noir est une véritable révolution culturelle qui prépare les grands bouleversements sociétaux des années soixante. L'explosion rock a occulté toute cette phrase préparatoire. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la redécouverte de ce continent englouti de la musique noire a été souvent initiée par les amateurs de rock'n'roll à la recherche des origines de leur musique.

 

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Le livre de Jean-Christophe Bertin – qui vient après un premier volume intitulé Les Racines De La Musique Noire Américaine : Gospel, Blues, Jazz dont nous parlerons bientôt – fourmille de renseignements. Ah ! Ce merveilleux premier chapitre sur Miss Caldonia

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au bal des Indépendants : A good rockin' Tonight, ce n'est pas un roman, mais un poème à la gloire de la créativité des artistes noirs. A lire, non résumable, chaque page fourmille de renseignements essentiels. Et puis vous avez le disque qui suit le parcours du bouquin et qui sera pour les néophytes un précieux aide-mémoire qui permettra de clarifier les idées.

 

 

BORDERLINE ET CROSSOVER

 

 

Pour les patrons des maisons de disques le rêve était d'enregistrer des titres capables d'effectuer le crossover, autrement dit de s'installer dans le peloton de tête des classements blancs et noirs. Double jackpot en perspective. Mais le rock'n'roll est davantage borderline que cross over. Très symboliquement lorsque les parents d'Elvis viennent s'installer à Memphis ils logent à la limite des quartiers noirs. Il suffit de traverser la rue pour changer de monde et de musique.

 

 

Elvis n'est pas le seul à se risquer à de telles virées. Sam Philips qui ouvre son studio d'enregistrement et qui n'enregistre que des artistes noirs rêve de tomber un jour sur l'oiseau rare : un blanc qui chante comme un noir. Le dénichera un peu par hasard. En fin de session, car Elvis n'a pas encore compris qu'il doit opérer le saut qualitatif qui sépare la ballade européenne de cow-boy de la rythmique primaire du rockabilly. Rufus Thomas et Ike Turner ont déjà dans le même studio réussi la métamorphose mais du côté obscur de la force.

 

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Un Philips peut en cacher un autre. Dewey, moins créatif mais encore plus courageux. Le disc-jojey qui passe des disques de nègres sur les ondes d'une radio blanche de Memphis. Un scandale ! C'est lui qui emportera les deux acétates de Presley sur ses consoles et qui mettra le feu aux poudres. Le rock'n'roll est né ! La musique noire vient de trouver son pasteur blanc. Ne mourra pas sous les balles du Klu Klux Klan, mais sous les pilules du star-system. Le système du crossover a tout de même fini par le dévoyer.

 

 

QUELQUES FIGURES

 

 

Le livre se clôt hâtivement ( hélas ) sur les grands noms du rock'n'roll : Jerry Lee Lewis, une merveilleuse photo de Myra au passage – celle par qui le scandale arriva – délicieuse vraiment, Gene Vincent, Little Richard, Johnny Cash... Notons que plus tard Cash ajoutera une couleur primaire de plus au mélange explosif – rouge sang - en déclarant qu'il est l'Indien dans le camp des Blancs et peut-être même le Blanc dans le camp des Indiens... enfin Carl Perkins dont le titre Boppin' the Blues - qui clôt la sélection du CD - résume parfaitement la métamorphose de la musique du diable...

 

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Un livre qui s'écoute avec les yeux de l'intelligence.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

REVUE DES REVUES

 

 

LONGUEUR D'ONDES. N° 63.BERT15.jpg

 

Printemps 2012.

 

 

Une belle couverture. Lève le poing. Sont fiers. N'ont pas tort, fêtent leur trentième anniversaire. Du coup ils ont tiré à 100 000 exemplaires. Pas de souci à se faire pour la vente. C'est un gratuit, je le trouve toujours sur les présentoirs des Centres Culturels Leclerc. Entre parenthèse la culture et Leclerc c'est un peu comme l'alliance du tigre avec la coccinelle. La dernière fois que j'y ai mis les pieds, j'y ai pas trouvé un seul malheureux CD d'Imelda May. Par contre si vous êtes gaga de la Lady ( sans marmelade ) ils vous en débitent au mètre cube.

 

 

Des pleines pages de pub pour tous les festivals de l'Hexagone. Ca limite un peu la crédibilité de l'indépendance éditoriale mais chez Longueur d'Ondes ça ne se voit pas trop car ils sont dans le mainstream variété rock de qualité française un super arc-en-ciel qui s'étend de Noir Désir aux derniers gadgets de l'électro-zique. S'ils étaient anglais seraient les affidés de l'insupportable britt-pop. Juste – soyons gentil - à côté du rock, mais pas dedans. Sont du genre à défendre Thiéfaine et Dominique A ( AH ! Ah ! ). Intello-bobo.

 

Bien foutu tout de même. Bien écrit. Des tas de chroniques de disques – mais rien sur la réédition des années Barclay de Vince Taylor, quel hasard ! Le morceau de roi est une présentation de tous les anciens numéros, un particulièrement mis en exergue pour chaque année. J'ai cherché dans les sommaires, rien de bien excitant. Comme dit ma concierge, il en faut pour tous les goûts. Même pour ceux qui en manquent tant.

 

 

Alors comme toujours chaque fois que je feuillette Longueur d'Ondes je me suis rabattu sur la dernière page. Celle de Jean Luc Eluard qui trempe sa plume dans le vitriol étoilé. Bilan oblige il a dressé le hit-parade de ses haines passées. Très éloquent. Déteste tout ce que je n'aime pas. Mitterand, BHL, Kouchner, Sarkozy dans l'ordre à l'arrivée. N'a pas l'habitude d'épiler les poils qui dépassent au rasoir électrique, préfère les arracher à coups de fourche. C'est plus marrant, et ça saigne davantage. Pas de doute, ce gars-là c'est un méchant, un teigneux, qui ne respecte rien ni la droite choucroute, ni la gôche caviar, re-situe les gens à l'endroit qui leur convient le mieux. Le trou des chiottes. De toutes les manières un homme qui déteste ses contemporains ne peut pas être tout à fait mauvais !

 

 

Damie Chad.

 

 

 

KROCKROCKDISK

 

 

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IL Y A LONGTEMPS.

 

Auto-production. Avril 2012.

 

 

JE NE VOUS DIS QUE CA. MESSIEURS LES PREMIERS. IL Y A LONGTEMPS. TAMBOUR DU ROI. TROIS MILLE ANS. J'AI VU MA DOULEUR. LA DIABLESSE. CHANTE LA VIE. CA SERAIT BIEN. PARLE-MOI ENCORE. RITOURNELLE DE LA TERRE. LA CELINE. EUROPA BLUES. ATHEE GRÂCE A DIEU. BABY PLEASE, UN BAISER. TE QUIERO MI AMOR. FILLES. BOOGIE LOUP.

 

 

 

J'avais pas chroniqué le premier disque de Lito – voir KR'TNT 94 du 19 avril 2012 – qu'il en mettait un second sur le marché. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas le produit d'une multinationale, c'est Lito qui a soixante balais nous refait le coup des sixties. De l'auto-production avec l'appui de la famille des copains et des copines. Se fout pas de votre gueule, pour dix euros livret couleur, dix-huit morceaux, une heure de musique.

 

 

A passé la barrière qui sépare le rêve de la réalité, dans la série mieux vaut tard que jamais, Lito commet les disques qui n'ont fait que tourner dans sa tête. En plus il s'améliore. Son premier opus – nous l'avions noté - était un peu monotone du côté de l'instrumentation, pour ce deuxième l'a intégré deux guitaristes qui ne sont pas spécialement manchots du manche.

 

 

A aussi joué la carte de la diversification des rôles. Avec le défaut qui marche avec : quelques relents variétés à la Schmoll sur quelques titres. Mais l'ensemble se tient et ne manque pas de cohérence. Les paroles ne sont pas sur les feuillets intérieurs, dommage car certaines valent le détour comme cet Europa Blues sur les roms et les sans-papiers pourchassés sans relâche dans notre si bel espace de Shengen si démocratique.

 

 

Evidemment les morceaux sont connotés, blues, boogie, rockabilly, slows, ballades, chanson, pop hispanique, de Ray Charles aux Chats Sauvages les réminiscences et les clin d'oeil se bousculent dans cette joie de vivre qui furent la marque des années frenchy soixante. L'ensemble sonne country rock avec un petit côté outlaw qui n'y croit plus, dans le genre j'ai beaucoup vécu et on ne me la fait plus. Lucide mais pas extrémiste.

 

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Lito ne cherche pas à révolutionner la musique. Rien à voir avec le renouveau rockabilly actuel, ni psycho, ni racine, se contente d'être ce qu'il est, un fan transi des années de la grande époque du rock, qui n'achète pas les compilations de sa jeunesse, préfère mettre en boîte son petit jukebox personnel. Ne cherche à rivaliser avec personne, se contente de coller à sa propre authenticité, et c'est cette démarche, cette course après le temps perdu, dont il est entendu, qu'il ne reviendra plus, qui rend ce disque émouvant.

 

 

Rétro-devant. Lito-graphies d'une vie projetée dans le futur de son propre passé.

 

 

Damie Chad.