14/02/2013
KR'TNT ! ¤ 131. JALLIES / BLACK PRINTS / HOOP'S 45 / TONY MARLOW/ GHOST HIGHWAY
KR'TNT ! ¤ 131
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
14 / 02 / 2013
JALLIES / BLACK PRINTS / HOOP'S 45 / TONY MARLOW GHOST HIGHWAY |
Pour les photos, on a piqué sur les Facebooks des artistes, souvent sur des concerts que l'on a déjà chroniqués notamment pour les Jallies et les Ghost Highway au Saint Maximin, les photos du final sont de la soirée même... merci aux photographes, notamment Jacques Fatras.
08 / 02 / 2013 / BALLAINVILLIERS
SAINT SAUVEUR
THE JALLIES
Quand ils ont su que j'allais aux Jallies les copains ont voulu que j'installe un tourniquet à numéros comme à la Sécurité Sociale avec liste d'attente, tout cela pour être sûr de squatter un quart de banquette de la teuf-teuf mobile. Pas fou, j'ai fait semblant d'acquiescer mais au dernier moment me suis barré en douce. Il est des combats que le héros se doit de livrer seul. Bye bye les demi-sels.
Me suis retrouvé sur les bords de l'Orge – un sacré nid de bandes à rockers dans les années soixante – sans trop de problèmes. C'est pour situer Ballainvilliers que ça été plus dur. Une douce princesse africaine à la peau pulpeuse plus ombreuse que la nuit – j'ai toujours été pour le rapprochement des peuples – vint à mon secours. Elle m'indique un raccourci que sur la foi de son sourire j'emprunte sans hésiter. Breuh ! Un paysage de cauchemar, le décor idéal pour Le Retour des Morts-vivants, me serais-je fait avoir par une prêtresse vaudou ? Mais non dans la brume fantomatique se détache le panneau de Ballainvilliers. Aurais bien fait un brin de conversation ( et plus si affinités ) mais le devoir m'appelle.
Pour une meilleure compréhension du paragraphe suivant le lecteur sérieux aura soin de se rapporter à notre 129 ° livraison du 31 / 01 / 2013.
Suis un peu perdu dans le dédale des rues, m'arrête pour farfouiller dans mes papiers qui ne m'apportent guère de lumière. Pas une âme vivante aux alentours, alors plutôt qu'à Dieu j'adresse une prière mentale aux seins des Jallies. Incroyable mais ça marche ! Lorsque je relève les yeux j'aperçois sur un mur à vingt mètres une belle inscription en céramique : Rue Saint Sauveur ! Je suis sauvé, le bar Le Saint Sauveur ( faut bien que quelqu'un s'occupe des ivrognes ) est sis au numéro quatre.
LE SAINT SAUVEUR
J'y pénètre en vieux habitué. N'y suis-je pas déjà venu le 05 novembre 2010 à l'un des tout premiers concert de Ghost Highway ? Me fait délester incontinent de sept euros. Au Saint Maximin c'était gratuit. Je ne suis pas contre le fait de payer une somme modique pour un concert, c'est juste une remarque d'ordre théologique sur les mérites comparés des divers saints catholiques. Les Jallies sont attablées sur ma droite. Je fais semblant de ne pas les voir - c'est un truc qui marche toujours avec les filles – et m'en vais à la recherche de je ne sais plus qui, puisque j'ai oublié son nom, un mec hyper-passionnant qui m'avait branché sur l'agriculture raisonnée, mais non il n'est pas là. D'ailleurs il n'y a personne. N'ayez crainte, je parle des aficionados rockab homologués que l'on retrouve de lonely week end en lonely week end, comme disait Eddie Cochran. Sinon c'est rempli. Des locaux, toute la jeunesse du coin et les habitués du bar qui soutiennent systématiquement toutes les soirées organisées par le patron. Et ils n'ont pas tort car l'ambiance est chaleureuse et accueillante.
Dans la salle du fond, à ciel ouvert – ce doit être super au printemps, zut nous sommes en hiver - l'on sert un chili sin carne pero con arroz ( oui, oui les rockers ne baragouinent pas que l'amerloque ) brûlant. Très bon, mais il est temps de se rapprocher de la scène car du côté des Jallies l'on commence à s'agiter comme des guêpes.
THE JALLIES
Sont pas difficiles. Se jugent à l'aise dans leur réduit même si elles doivent se mettre de trois-quart pour ne pas se gêner. Mais c'est la loi du genre, les cafés ne sont pas des lieux modulables et se révèlent vite exigus pour un concert. Mais tout revers possède aussi sa médaille, le contact avec le public est des plus faciles.
Derrière sa caisse claire Vanessa est toute pâlotte. Inutile de vous précipiter pour la réconforter dans vos bras puissants même si vous en brûlez d'envie. La pauvrette se débat contre une vilaine bébête, le microbe de la grippe qui s'agrippe. Mais elle sourit et en brave petit soldat du swing rockabilly elle va se battre jusqu'au bout contre l'ennemi intérieur. Montera pas au plus haut des aigus mais se défendra plus que bien sur le reste de la gamme.
Dans sa robe rouge, ce soir Céline est moins lointaine. Elle sourit et rit volontiers. A l'air moins tendue que les premières fois. Prend vraisemblablement de plus en plus goût à cette excitation si particulière de la scène. Plus proche de nous en quelque sorte. Mais toujours cette pointe de distinction naturelle.
Ah le décolleté d'Ady, vous aimeriez que je vous en décrive les profondeurs interdites, mais non je ne m'y risquerai pas. Les cats-rockers ne sont pas de vulgaires matous-vus, et puis je me méfie, le vieux sang des premières blues women coule dans ses veines, n'a pas l'air d'avoir froid aux yeux, ni l'habitude de se laisser mener par le bout du nez.
J'allais oublié l'autre, l'intrus. Les Jallies en ont tellement honte qu'elles le cachent derrière une grosse contrebasse. N'a même pas de nom proprement défini : tantôt elles l'appellent Julien, tantôt Jules, ou Julos ou Julios, sans doute une pièce rapportée qui a échoué là par hasard et dont elles devraient se séparer au plus vite. Je ne voudrais pas être méchant mais un mec dans un groupe de nénettes, ça fait un peu tache.
Faut être juste autant je suis prêt à voter son exclusion immédiate et définitive, autant je dois reconnaître que c'est un gars qui balance pas mal. Il assure par derrière. Les tient au bout de ses cordes comme des marionnettes. Peuvent faire les malines devant. N'importe quoi pour se faire remarquer, changent de place et d'instrument, genre c'est à mon tour de chanter et à vous deux de vous charger des choeurs. En plus malgré tout ce qu'elles en disent, elles l'aiment bien leur souffre-douleur, sous prétexte qu'il est par ailleurs bassiste dans un groupe de steady-funk les Smokin'Fuzz, elles ont même mis un titre de jump-ska, Boogie in my Bones, dans leur répertoire.
PREMIER SET
Je les dévore des oreilles les Jallies, et commence à comprendre comment ça fonctionne. D'un côté la musique, de l'autre les voix. Pratiquement chantées a capella, mais comme elles jouent de leurs instruments dans le même temps l'on ne s'en aperçoit pas. D'habitude c'est la voix qui s'appuie sur la musique, c'est d'ailleurs ce qui se passe lorsque Ady se chargent des blues rock'n'hurlés, mais chez les Jallies en règle générale c'est la musique qui repose sur les voix.
Au début l'on n'y voit que du rose. L'on se dit que c'est leur charme qui opère, que tout cela c'est aussi frais que leur jeunesse et autres fariboles du même tonneau. C'est la voix qui swingue d'abord et la musique qui suit. D'ailleurs à entendre de plus près l'on réalise que la musique est des plus ténues, pas question de noyer les cantatrices sous un déluge wagnérien. D'où ce besoin du bourdon continu de la contrebasse au swing acrobatique pour étoffer le fond musical.
Suis désolé mesdemoiselles mais ce n'est pas votre beauté – même si elle est un atout des plus indubitables - qui arrache l'assentiment des spectateurs, mais le dialogue emmêlé de vos voix et contre-voix, qui emporte l'adhésion du public. Charme charnel de l'organe vocal, de l'orgasme focal de cette union vocalique et volcanique de vos souffles entremêlés. Le résultat de tout cela c'est le plaisir des auditeurs qui se sentent entraînés dans un boogie-swing des plus délicieux sans opposer de résistance.
L'espace est si riquiqui que l'on peut se rendre compte de phénomènes plus diffus en de plus vastes surfaces. Certes les Jallies drainent sans surprise tout un pôle de garçons, mais aussi un pôle féminin – c'est aussi un combo électrique - qui vu l'exiguïté des lieux se retrouve quasi-automatiquement regroupé. Phénomène qui n'est pas pour me déplaire, mais qui prouve avant tout que la formation fonctionne au mieux et porte en elle la possibilité d'atteindre une notoriété bien plus grande que celle de ces débuts actuels.
DEUXIEME SET
Beaucoup plus de monde qu'au premier acte. Ceci n'est pas dû à l'arrivée inopinée de nouveaux clients mais au fait que durant l'entracte les conversations sont allées bon train dans les deux pièces excentrées du bar. Désormais tout le monde veut voir de près de quoi il en retourne. Et dès que le groupe reprend sa place les interjections de contentement fusent. En trente secondes se crée un réseau de complicité entre les Jallies et l'assistance
Vanessa se sent mieux. De chanter lui a permis d'éliminer les toxines du virus qui agonise. Céline est déchaînée et Ady ne se retient plus. L'on n'écoute plus, l'on danse. Ou plutôt vu l'étroitesse de la piste l'on se balance sur place, même si certains n'hésitent pas à se lancer dans des passes plus audacieuses.
Entre chaque morceau le dialogue s'engage. Suis toujours étonné par le respect qui leur est témoigné. Des sous-entendus malicieux, voire des sur-entendus canailles, mais rien de sale et de vulgaire. L'on joue, des deux côtés - car Ady ne se prive pas de réparties ou de réflexions lestement envoyées - mais en respectant les règles d'une bienséance bon enfant.
Ca rocke and roule sans problème jusqu'à la fin de la soirée. Malgré les voisins qui n'aimeraient point que le bruit se propageât au-delà de la demi de minuit, les Jallies se verront obligées devant la volonté populaire unanime de nous octroyer deux rappels.
ROCKABILLY
Sur la route du retour je repense au concert. Les Jallies se distinguent de la plupart des groupes de rockabilly non pas vraiment par leur répertoire - Presley, Vincent, l'on est en plein dans sujet - mais par leur manière d'aborder le problème. Ne donnent pas dans le mimétisme. Elles retaillent à leur mesure. Comme elles sont plutôt douées nos petites mains, ce n'est jamais cousu de fil blanc et elles surprennent par leur démarche de fait très originale.
Les puristes pourraient trouver qu'elles s'aventurent un peu trop loin dans les marges, mais les favorables réactions des publics très variés qui les congratulent à chaque fois pour leur prestation démontrent à l'envi que leur mode opératoire est compris et accepté. Faut qu'elles parviennent maintenant à capter leurs joyeuses trépidations sur un disque qui leur permettra d'avancer plus vite. Je ne doute pas de leur réussite, d'autant plus que Julios n'a pas l'air manchot quand il cause technique. Un avenir prometteur se profile pour le groupe. Déjà ce dimanche 17 février elles tournent sur Paris. Vous refile l'adresse, je suis vraiment sympa, ferais mieux de la garder rien que pour moi, Espace Vintage Swing 9-11 rue Debille, elles passent à 17 heures lors de la Broc'n'Roll. Métro Voltaire.
Mais entre nous, ce mec tout seul avec ces trois nanas, n'y aurait-il pas un additif à la Déclaration des Droits de l'Homme qui stipule que c'est interdit ?
Damie Chad.
09 / 02 / 2013 / FONTENAY-SUR-LOING
BLACK PRINTS / HOOP'S 45 / TONY MARLOW
GHOST HIGHWAY
DEHORS
Fontenay-sur-Loing à une heure de Paris qu'ils ont marqué sur le flyer. Le problème c'est que nous ne venons pas de Paris et que l'agglomération de Fontenay est loin derrière nous. « Tournez à droite » c'est la voix impérative du GPS qui ne pipait mot depuis un quart d'heure qui nous intime cet ordre sans préavis. La teuf-teuf-mobile vire aussitôt à quatre-vingt dix degrés à tribord toute, toute fière de nous montrer qu'elle est capable de faire aussi bien qu'à Indianapolis. Noir absolu autour de nous. Plus nous avançons, plus la perspective de toucher au but s'éloigne. Le doute s'insinue en nos esprits encore plus fortement que dans le Discours de la Méthode de Descartes. Je ne suis pas superstitieux mais à à courir après des groupes aux noms aussi évocateurs que le Fantôme de l'Autoroute ou les Empreintes Noires, la malédiction des chacals de Béthune va nous tomber dessus plus vite que prévu...
Sans doute errerions-nous encore dans la rase campagne Montargitoise si dans un dernier réflexe de survie je n'avais freiné à mort devant la crêpière. Je ne parle pas de l'appareil à faire les crêpes mais de la gente dame qui verse la pâte sur la plaque ronde et brûlante. Le temps de reprendre nos esprits nous nous apercevons que nous n'avons point stoppé devant une crêperie ambulante mais devant un camion à pizza tout éclairé arrêté au milieu de nulle part dans un no man's land improbable. Mais qui peut bien avoir l'idée de venir se chercher une Quatre-Saisons au chorizo en pleine campagne dans cette froidure à décourager un ours polaire ?
Pizza-woman est jolie, aimable, agréable et accueillante. Pour un peu l'on serait restée près d'elle et de la douce chaleur du four toute la soirée... après ses explications elle nous propose de nous faire un plan. Nous prendrait-elle pour des demeurés ? Nous ne sommes pas n'importe qui, mais des rockers, le summum de l'évolution humaine, nous avons donc obligatoirement compris. Clair comme de l'eau de roc. N'empêche que dix kilomètres plus loin Mister B se demande si l'on n'aurait pas dû accepter le petit croquis charitable. En désespoir de cause j'effectue un demi-tour acrobatique lorsque Mister B se met à hurler « Sur le panneau, là ! Théatro ! » Moi je ne vois que SETRACO écrit en grosses lettres rouges sur le fronton d'un bâtiment d'entreprise, mais il insiste tant que faute de mieux on traverse la voie rapide pour nous retrouver sur une petite route qui serpente paresseusement entre des nids de poules ( géantes ). Deuxième mini écriteau, Théatro. Approcherions-nous ?
Nous voici sur un immense parking. Pas un cat à l'horizon. Il est 19 heurs 50 et le flyer indique que les festivités débutent à vingt heures. Mais quelle est cette dame manifestement frigorifiée qui semble attendre toute seule dans le noir l'ouverture d'une porte vitrée derrière laquelle ne brille aucune lumière ? Renseignement pris, elle est venue pour le concert, non il n'y a personne d'autre, mais elle a vu le camion des Ghost Highway de l'autre côté de cette espèce de hangar géant. Ouf ! Sauvés !
DEDANS
Retrouvailles et rigolades autour des camionnettes. Ont eu autant de mal que nous à dénicher el Théâtro. Mais eux en plein jour ! Retour devant l'entrée, une quinzaine de personnes se les gèlent en tapant des pieds. Une à une des voitures arrivent. Les moins courageux retournent s'enfermer dans leur véhicule. Il est près de vingt et une heure lorsque les portes s'ouvrent...
Ce n'est pas une salle mais un véritable à hangar à Boeings. Une allée centrale aussi large qu'un champ de course pour quinze sulkies de front, à droite des rangées de table où vous installez à l'aise un mariage de trois cents couverts, idem sur la gauche pour la communion du petit dernier. Mais c'est aux extrémités que ça devient intéressant, au sud, un bar surélevé aussi mastoc qu'un porte-avions, et enfin au nord une scène assez vaste pour recevoir les huit éléphants du cirque Pinder. Quatre groupes y ont entreposé leur matos et il reste encore par devant assez de place pour garer deux semi-remorques.
L'on se sent minuscule là-dedans, heureusement que ça se remplit peu à peu. Enfin Thierry Credaro, l'organisateur s'approche du micro pour annoncer deux bonnes nouvelles. Prévoit quatre concerts par an dans le hall. Vu la grandeur du site nous subodorons quelques festivités énormes. L'on sera là ( maintenant qu'on connaît le chemin ).Mais tout cela c'est dans un futur pas si proche alors que dans les secondes qui suivent il hurle le nom des Black Prints qui sont juste derrière lui, le médiator en position d'attaque sur la guitare.
THE BLACK PRINTS
J'ai râlé comme un putois au mois de janvier lorsque la neige verglacée nous a interdit de tracer vers Roissy où ils étaient programmés. Pas question de les rater à Fontenay-sur-Loing ! Et les voici tous les quatre déjà en route pour une ballade à tout berzingue sur la rock'n'roll Highway.
Pas tout à fait des nouveaux venus, les deux frères Clément, Olivier et Thierry, sévissaient déjà dans les années 80 dans la région de Versailles avec les Dixie Stompers qui ont laissé de mémorables souvenirs de super concerts si l'on suit les blogues de discussion sur le net. Je n'y étais pas, mais je peux certifier que ce soir-ci les Black Prints n'auront pas démérité de la flatteuse réputation de leurs débuts. N'y a qu'à voir le sourire de Thierry sous son chapeau blanc de cow-boy pour comprendre qu'ils sont heureux d'être là.
Attention les Black Prints portent bien leur nom. N'allez pas penser qu'avec eux c'est cui-cui les petits oiseaux et la vie en rose. Sont plutôt noirs. Comme le cuir de Vince Taylor et de Gene Vincent. Sont ancrés dans le triangle fondateur – ajoutez Eddie Cochran aux deux précédents - de la mythologie des froggies rockers.
Au coeur du rock'n'roll et pas question d'en sortir. Les Black Prints c'est avant tout une émulation entre basse et guitare. Attirent le regard, Olivier dans son futal de cuir à lacets qui grandit encore sa silhouette et Jean-François, trois pas en arrière mais pas du tout le rôle de second couteau. Au phrasé très rythmique d'Olivier, accentué par la netteté tranchante de son vocal – c'est lui qui trace et ouvre la route – Jean-François ajoute la violence de ses à-coups de basse qui s'insinuent dans les contre-temps et s'en viennent mordre la ligne mélodique comme des mambas affamés. Quel que soit le tempo, vous êtes emporté dans une hypnose infernale. Accoutumance assurée. Au bout du troisième morceaux vous êtes accros et dépendants pour la vie.
J'ai toujours aimé la frappe de Yann, pour une fois que la scène est assez large pour permettre de le voir en pleine action, je ne m'en prive pas. Pas vraiment rockab, plutôt rock'n'roll. Moins de saccades, mais davantage de brisures ce qui n'exclut nullement la rapidité et l'ouverture. Les Black Prints c'est tout le monde droit devant tous ensemble mais chacun se réserve ses chemins personnels. L'important c'est d'être exact au rendez-vous au bon moment. Et ils y sont.
Seulement entre temps Yann vous a foutus de ces dérapées de breaks à vous chavirer le coeur avec toujours ce balancement incessant du tom écrasé qui rebondit et retentit comme le souffle d'une explosion qui emporte tout sur son passage. Un style qui n'est pas sans me rappeler Jojo Dumoutier qui accompagna Gégêne en France, plus rapide que Yann sur les tempos, mais beaucoup moins puissant quant à la lourdeur. Tout l'apport du british psyko blues entre ces deux générations de batteurs.
M'étais toujours demandé pourquoi les premiers guitaristes électrifiés de jazz s'inspiraient des interventions des sax pour trouver leur place dans le groupe. J'ai compris ce soir en entendant Jean-François reproduire sur sa basse l'aboiement rauque du saxophone. La colère et la hargne transforment la rondeur métallique des cordes en cuivre criard. S'imposer pour survivre. En voici un qui ne joue pas pour produire des notes. Joue sa peau à chaque accord. Le rock est une chose trop importante pour être laissé aux seuls musiciens. Le rock est une mise en danger permanente. Un duel avec soi-même, pour apprendre à grandir. C'est parce que l'homme est toujours seul avec lui-même que Jean-François joue de la basse en soliste.
Avec ces deux mord-la-mort à ses côtés Olivier a les coudées franches et l'esprit libre. Chant et guitare. Se débrouille plus que bien sur les deux. Ai causé de rythmique tout à l'heure mais c'est aussi un satané envoyeur de riffs. Les peaufine à la dentelle et les chauffe au chalumeau. N'hésite pas à s'attaquer aux chef d'oeuvres du répertoire, n'y est jamais ridicule et se sort de l'exercice avec une aisance qui en dit long sur son talent. Bluffe la salle par son interprétation de Up a Lazy River de Mister Craddock. L'on ne pose pas une voix sur une telle mélodie sans danger. Y-a là-dedans des coupures et des reprises à vous désarticuler les cordes vocales.
Thierry Credaro les rejoint sur scène avec sa guitare, restera durant le dernier tiers du set. Excelle dans le phrasé de précision. Trop discret dans son attitude, pourrait se mettre en avant sans que personne n'y trouve à redire. Little Nico - voir plus loin - est invité à rejoindre les Empreintes Noires. Restera un peu trop tétanisé, la main collée sur le manche, un rien de trop statique pour du Cochran.
Font un tabac. Pour moi je retiendrai ce Baby Let's Play House – un de mes morceaux préférés, version Holly que je trouve mile fois supérieure à celle de Presley – une interprétation d'anthologie. Dans la foule beaucoup se demandent pourquoi un aussi bon combo est passé en première position. Notez que la réponse est dans la question. En fait ce soir, l'on est gâtés. Faut écouter chaque groupe sans se préoccuper de qui vient après ou avant. Que du premier choix.
HOOP'S 45
C'est comme quand on avale un cachet trop gros. Ca reste bloqué dans la trachée artère. Hoop's – dites 45, docteur – mais c'est trop tard. Vous ne reprendrez plus jamais votre respiration. Vous êtes déjà mort. Please don't touch. Pas de souci à se faire. La force impétueuse avec laquelle Stéphane se jette sur le micro, est assez éloquente, on n'y touchera pas une seule seconde. D'ailleurs il ne nous en laisse pas le temps, est déjà parti en courant dans les escaliers du Twenty Flight Rock d'Eddie et à la vitesse à laquelle il les escalade, on ne va pas le suivre longtemps.
Les Hoop's démarrent en trombe. 45 en force. N'oubliez pas que nous sommes dans le Loiret. Faut vous y faire. Hoop's Rockabilly, ce n'est pas du hillbilly swing nasillard, plutôt de l'électric cat en rut qui saute sur tout ce qui bouge. Ne sont pas depuis dix sept secondes sur scène qu'ils abordent les vitesses de pointe. Ne redescendront jamais en dessous. Intervention commando.
Suffit de regarder Jean Eric pour comprendre. Joue deux fois chaque titre. Avec les doigts sur la guitare, et c'est vif, tranchant et saignant. Découpé à même la chair. Puis avec son corps qui se plie à chaque cassure du morceau dont il mime et redessine chaque contour. Appuie surtout là où ça fait mal. Mais n'oublie pas les mimiques expressives, parfois il semble que ses yeux – très bleus - vont sortir de sa tête, mais non il les range dans son regard, et il profite de votre surprise pour vous asséner quelques notes en uppercut sur la carotide. Faut saisir au vol, sur King Creole, l'espace de trois secondes il adopte la pause du batracien repu sur sa feuille de nénuphar dans le bayou. Puis il vous décroche un riff alligator qui vous cisaille le cerveau en deux coups de mâchoires redoutables.
La semaine dernière à Rocker Kulture Richard était resté fair-play. Placide. Puis l'air de rien il vous plantait quelques coups de poignard dans le dos. Ce coup-ci, il adopte une tout autre tactique. Méchant dès la première épreuve. Vous fixe bien en face et ne vous promet aucun cadeau, si ce n'est ces coups de boutoirs ultra rapides, recommencés avant qu'ils ne soient terminés.
Le groupe tourne à fond. C'est Kevin qui se charge de la soudure des trois excités de devant. Vous recolle les morceaux à coups de caisse claire. Cloue et agrafe en même temps. Sacré boulot. Tient le rôle du berger qui ramène les brebis égarées sur le bon chemin du rythme carré. Mais les trois ostrogoths n'en font qu'à leur tête. Presque, parce que dans ce joyeux désordre, mine de rien les morceaux gardent leur singularité. Sont déployés sur un mode ultra-rapide mais terriblement efficace.
Ont leurs compos à eux que l'on retrouve sur le disque. Tiennent la route. Memory - une sombre histoire de morts-vivants – bénéficie d'un éclairage verdâtre à vous faire regretter de n'être pas resté tout le week end chez belle-maman, s'affirme comme un futur classique. Kevin claque le rythme à la perfection. Le groupe est lancé comme un obus téléguidé qui cherche sa victime. Eclate au beau milieu du public qui ne s'en plaint pas. Serait même plutôt satisfait du résultat.
Terminent aussi brutalement qu'ils ont commencé. C'est que l'on y prend vite guHoop's à ces fulgurances trépidantes. Ils ont tout donné mais l'on a tout pris. Et on n'est pas prêts à le leur rendre. N'ont qu'à recommencer. Pour le plaisir de tous.
TONY MARLOW
L'on ne présente plus Tony Marlow. Dans les années 80 il officiait chez les Rockin' Rebels. Beaucoup d'aventures par la suite. Nous retiendrons qu'il accompagna Vince Taylor à la batterie. Aujourd'hui il est le créateur du concept Rockers Kulture, nous en parlions la semaine précédente. Si ses premières amours furent dévolues au druming, il est peu à peu devenu avant tout un guitariste renommé et c'est derrière sa Gretsch métallisée qui projette des reflets blancs de ventre de requin affamé que nous le retrouvons sur scène.
Formation minimaliste. Contrebasse et batterie. Point à la ligne. Mais d'abord la guitare. Il a le son Marlow. L'on dirait qu'ils sont trois à jouer ensemble tellement il possède d'épaisseur. Et tout en finesse avec cela. Un son clair à la Shadows mais Tony soit qui mal y pense, survitaminé et surtout pas estampillé vieux style. Vole et plane haut. Vous emporte, et ne vous laisse plus tomber. L'on sent que le gars ne joue pas au hasard. L'a beaucoup écouté et intégré. N'y a pas que du Marvin là-dedans, du Burton, du Berry, du Link Wray, du Grady Martin et bien d'autres encore mais le mélange obtenu c'est du cent pour cent Marlow. L'a su créer sa propre pâte. Son propre style.
Maîtrise au millimètre près. Arrête son envolée en plein délire pour reprendre trente secondes plus tard à l'endroit exact où il avait mis sur pause. Une horloge. De précision. Doit être un bon prof. Ou plutôt un bon coach. La preuve lorsqu'il appelle le petit Nicolas sur scène, la jeune pousse est beaucoup plus détendue. Faut dire qu'il vient d'enregistrer un disque avec Tony Marlow ( à la batterie ) : Jamy and The Rockin' Trio ( en fait come les tris mousquetaires ils sont quatre ) chez Paradise. Little Nico est cette fois beaucoup plus crédible sur les standards de Cochran. Fine moustache blanche mon voisin me tape sur l'épaule pour me dire que du haut de ses quatre-vingt ans il apprécie cette transmission in vivo à la jeunesse. Me dit qu'il s'appelle Jacques et s'en va se trémousser sur la piste comme un adolescent.
Marlow chante aussi en anglais et en français, ces titres-là me semblent sonner un peu moins bien. Nous sert un fastueux Raw Hide mais depuis un moment je n'ai d'yeux que pour le contrebassiste. Une dégaine incroyable. Le rock'n'roll personnifié. Gilles Tournon himself. Il suffit de citer son nom pour mettre tout le monde d'accord, a fait partie des Virginians d'Ervin Travis et on retrouve son crédit sur beaucoup d'enregistrements de french rockabilly ( souvent les meilleurs ). Je ne peux plus détacher mes yeux de sa personne. L'est dans son monde. N'y a plus que sa contrebasse et lui. Et encore je me demande si dans ces moments de turpitudes rock il arrive à penser à autre chose qu'à la musique qu'il slappe comme dans un état second. Rock'n'roll tour d'ivoire. Quelle leçon ! Quelle grandeur ! Solitude de grand seigneur.
Je reviens à moi, juste pour me rendre compte que Jacques s'est lancé dans une espèce de quadrille enflammé en compagnie de trois jolies filles. L'a de la ressource le frère Jacques !
GHOST HIGWAY
( L'ordi refuse de prendre les photos des Ghost, désolé )
Il se fait tard. Ne restent plus que la dernière cohorte des passionnés. Les femmes et les enfants sont partis. C'est le moment de tous les dangers, les Ghost entrent en scène. Ne vont pas donner un concert, ils survolent. Sont tout sourire et de bonne humeur. N'ont pas joué trois mesures de Snatch it & Grab il que l'on sent qu'il va falloir s'accrocher car ils sont en pleine forme.
Déconcertants de facilité. La dimension au-dessus. D'emblée dans la stratosphère de l'aisance. Zio ne zieute même pas sa contrebasse, beaucoup plus intéressé par le public que par son instrument. A croire que c'est nous qui faisons le spectacle. Ne la regarde pas mais lui allonge de ses paires de claques à vous dévisser la tête et à vous faire sortir la cervelle par les oreilles. L'on dirait qu'elle est en pilotage automatique et qu'il se contente, sourire goguenard aux lèvres, de corriger sa trajectoire à coups de battoirs homériques dès qu'elle fait mine de vouloir baisser la cadence.
De l'autre côté Mister Jull agit de même avec sa Gretsch. Ne la frappe pas, mais l'air de ne pas y faire gaffe il en extirpe des notes à vous faire pâlir de jalousie. Trois gratouillous de rien du tout, en passant, et le riff vous encercle de sa ceinture de fer. Résonne dans toute la salle et vous revient en pleine gueule pour vous laminer le coeur. Géant.
Arno se marre – mais sans canards – littéralement. Grande forme. En verve. Sur Country Heroes, bye bye la nostalgie. N'a pas l'alcool triste comme Hank Williams III. Plutôt excessivement gai. Se lance dans une longue intro à l'espagnole. Arno à l'harmo se sent lâme flamenco, nous offre un festival fandango à mourir de rire. N'ai jamais vu les Ghost aussi heureux. Aussi rigolards.
Et ces sacrés cats retombent toujours sur leurs pattes. Sont comme ces garçons de café qui jouent au freezbee avec leur plateau mais sans jamais perdre la note. Ne vous inquiétez pas pour Phil, l'est en grande forme aussi. Tape comme un madurle sur ses caisses mais de temps en temps il se permet de petites fantaisies. Fait le cake pour se faire remarquer, et s'en vient en rampant siffler le verre de bière qu'Arno gardait au pied de son micro.
Autant dire que ça délire sec, Mister Jull nous chante – avec la salle qui reprend en choeur – l'hymne international de la quéquète qui colle, Zio nous prend en photo tout en baffant à mort son instrument qui n'y est pour rien, Arno imite Earl à la soirée de Rockers Kulture en sortant sa fausse set-list ( voir KRTNT 130 ), et Phil écrase ses caisses comme on bat sa femme sans haine mais méthodiquement.
Le grand cirque rock'n'roll et le groupe se paie le luxe de sonner comme jamais. Pas un pain, pas un imper, l'on baigne dans une euphorie musicale et lorsque ça se termine l'on devine que l'on ne se trempera pas deux fois dans un tel fleuve de jouissance pure. Jubilation impériale.
FINAL
Terminent sur un Johnny Law d'anthologie qui met le feu aux poudres. N'ont pas eu le temps de débrancher les jacks que la scène est envahie par une nuée de musiciens. Y a neuf guitares sur scène, plus Zio qui tient sa contrebasse comme une gratte... chacun a droit à deux petits solos. Just for fun... Merci à Thierry Credaro pour une soirée de telle qualité, dire que l'on va recommencer quatre fois par an !
Cinq heures du matin, je gare la teuf-teuf mobile devant la maison, pas de concert en vue pour ce dimanche. La vie qui sait être douce aux rockers peut aussi se montrer cruelle.
Damie Chad.
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07/02/2013
KR'TNT ! ¤ 130. ROCKERS KULTURE # 5
KR'TNT ! ¤ 130
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
07 / 02 / 2013
rockers kulture
FRENCH ROCKABILLY SCENE # 5
NEW MORNING / 02 / 02 / 13
PERFECTO / SEVRIAN VETS / ANGRY CATS /
EARL AND THE HIGHTONES / MEGATONS /
GUN SALOON ESPECIAL / HOOP'S 45 / OL BRY / ATOMICS / WILD BOOGIE COMBO / ATOMIC CATS
Grande honte. C'est le cinquième French Rockabilly Scene et nous n'en avons pratiquement jamais parlé. A peine avons-nous chroniqué la première compilation ( voir KR'TNT 25 du 04 / 11 / 10 ), en tout cas nous n'avions jamais assisté à une des soirées organisées par Tony Marlow. Aussi ce soir pas de tergiversations. Malgré l'averse de grêle l'on s'entasse dans la teuf-teuf mobile direction Paris. Un petit tas tout de même, car je me retrouve tout seul. Même le chien a refusé de descendre du canapé après avoir jeté un coup d'oeil dégoûté au jardin devenu tout blanc. Je ne voudrais pas être méchant mais la semaine dernière avec un temps aussi pourri, il y avait davantage de monde pour les Jallies. Serait-ce que le charme de nos trois demoiselles serait particulièrement attirant ? Pas du tout, chez KR'TNT on est insensibles aux privilèges extra-musicaux. La preuve : le concert des Jallies fut un régal. Pour nos oreilles. Les yeux aussi d'ailleurs.
Traversée sans histoire, me voici devant le New Morning. Un lieu culte. Non, le lieu culte. Même si je n'y ai encore jamais mis les pieds. Depuis trente ans tous les grands du jazz sont passés en cet endroit. Plus les musiques annexes, soul, funk, reggae. Je ne citerai pas de nom si ce n'est celui de Rufus Thomas, que j'adore. Le site a ouvert le 16 avril 1980 – l'on voit bien que sont des fans de jazz, les rockers auraient attendu le 17 – et depuis la programmation est des plus méritoires.
J'arrive un peu en avance. Personne. Pas un chat. Mais au café d'en face quelques cats se pourlèchent les babines devant le comptoir. La porte s'ouvre, surprise c'est Richard des Hoop's en conversation avec Hugo des Atomics Cats qu'il me présente. Mais il est temps de rentrer dans le saint des saints. Long et large couloir qui débouche sur une grande salle encadrée de piliers, des ailes surélevées sur le côté, et la scène tout au fond.
AVANT L'ORAGE
Reste une vingtaine de minutes avant le début des festivités. Le temps de dire bonjour à toutes les connaissances. Surtout Dan, des Burning Dust. Rappelons que la première livraison de KR'TNT du 01 / 05 / 08, alors sur papier, était un compte-rendu d'un concert de Burning Dust. Mais depuis Dan a jeté l'éponge. Vingt ans sur les routes vous usent facilement. Les Burning se sont transformés en Earl And The High Tones, mais Dan n'a pas lâché le morceau. Les manage toujours, mais il a aussi pris plusieurs autres groupes sous son aile comme les Angry Cats, et il continue à composer. Bref, un Dan en pleine forme débordant de projets et qui n'a pas fini de nous surprendre.
Taisons-nous, Tony Marlow a pris le micro, pour son petit speech d'accueil, ne dit que l'essentiel, remercie Rock Paradise, Guitare Extrême, New Morning, et en quarante deux secondes ( chrono en main ) il laisse la place au premier groupe.
LES PERFECTOS
Sont deux. Non sont trois. En fait deux. M'explique – n'accusez pas les mojitos du bar - deux en perfecto et un bassiste sur la gauche, très discret. Mais c'est un duo. P'tit Rockeur à la guitare, et Doc Lou à la classe claire et à l'harmonica. Parti pris minimaliste. Comme si ça ne suffisait pas, se sont encore imposés une contrainte. Chantent – chacun son tour - en notre douce langue, de fait le seul groupe 100 % cent français de la soirée.
Très chouette, en trois titres n'ont pu donner que quelques facettes de leur talent. Des textes originaux qui racontent une histoire, retrouvant ainsi la veine de la chanson réaliste française, tout en flirtant avec la naïve stupidity des lyrics de nos premiers groupes : « Josette , qu'est ce que t'en jettes ! ».
Peu d'instruments, du coup la voix prend davantage d'importance et ce sont les césures du texte qui découpent l'instrumentation des morceaux. L'ont compris puisqu'ils se présentent comme un groupe de rock'n'blues. Rock pour la mythologie blouson noir revisitée, et blues pour cette façon de conter la déprime moderne de notre jeunesse. Beaucoup de dérision et refus de trop se prendre au sérieux. Mais attention le Blues qui rit est aussi triste que celui qui pleure. Entre les mots et les rimes court le constat amer d'une existence pas toujours rigolote. Contrairement aux idées véhiculées par le rockabilly américain les rockers ne culbutent pas tous les jours des super poupées sur les sièges arrière de la première cadillac qu'ils croisent. D'abord dans les rues de Paris, il n'en passe pas tant que cela et les rockers prennent plutôt le métro. Mais gardons l'optique Cadillac Rock dans le coeur, car le plus gros défaut des rockers français c'est de s'abaisser à rouler en Renaud.
Caisse claire mais guitare très électrique. Un son inauthentiquement rockabilly. Mais il est bon de secouer les cocotiers. On peut s'en tirer en leur collant l'étiquette néo-rockabilly qui ne mange pas de pain. Définirai plutôt cela comme imaginative and experimental french rockabilly. A suivre.
THE SEVRIAN VETS
Après la jeunesse, les vétérans. Après l'innovation, la tradition. Tony Marlow s'installe à la batterie, les frères Lherm au vocal et Mimi King à la basse. Ballade plein sud. Pas la Provence et les cigales, le delta avec ses bayous et ses alligators endormis. Aucune surprise l'auto-radio diffuse de la bonne musique. Belle voix légèrement nasillée de Bruno, preste silhouette longiligne en jeans usés, l'on ira ainsi jusqu'à la Nouvelle Orleans. Rien à reprocher. Le rêve américain par des petits frenchies qui au bout de cinquante années de poursuite, pas obligatoirement vaine, ne sont pas encore prêts à le renier. Applaudissements nourris, mais le genre de musique bien envoyée qui met tout le monde d'accord. Moi le premier.
ANGRY CATS
Petit avertissement de Tony Marlow. Angry Cats est un groupe à conviction. Je précise anarchisantes pour ceux qui ne lisent pas entre les lignes. L'on prononce ce genre de phrase lorsque l'on s'attend à quelques remous dépréciateurs. Mais tout le monde avait compris avant que le trio ne se lançât à jouer, la courte balance pour régler les retours nous en avaient déjà mis plein les oreilles. Avant ce soir les Angry cats ont traversé bien des paysages musicaux différents comme le punk par exemple.
Angry Cats se contrefout de la réverb estampillée Sun. Fred Alpi qui mène le combo ne cherche pas à reproduire le phrasé perdu de Grady Martin. La guitare pour lui, c'est gros son et tout électrique. De quoi électrocuter un puriste au deuxième accord. Ou ça passe, ou ça casse, a semblé dire Tony Marlow, les Angry Cats cassent la baraque et passent la ligne d'arrivée en vainqueur.
Le rockabilly ce n'est ni le son ni l'authenticité, mais l'énergie et la volupté. Les chats en colère ne se contentent pas de ronronner, chassent l'aventure sur les gouttières. Ca sent le baston et la rébellion. Explorent l'autre côté du rock'n'roll, pas l'instant festif, mais la face révoltée. A peine trois groupes de passé et les lignes de force de ce cinquième Rockers Kulture se dessinent. Le programme très intelligemment concocté oscille entre fidélité et modernité. La majorité du public rockab censée être très passéiste par essence commence à perdre ses oeillères. Le débat ne se situe plus entre cats et teddies, ni entre fifty-rockab et Stray cats dont l'apparition date de plus de trente ans. L'audience qui est en train de se renouveler pousse à la roue d'une redéfinition des tables de la loi. Les nouveaux groupes qui apparaissent n'éprouvent pas envers le son des années post-soixante le rejet générationnel des premiers combos issus de la renaissance des années quatre-vingt. Les choses bougent beaucoup plus vite qu'on ne le pense.
EARL AND THE HIGH TONES
Quatuor de choc. M'ont impressionné par leur facilité et leur aisance. Pure rockabilly, surtout si on les compare à Angry Cats. Dominent leur sujet. Earl mène son monde à tout berzingue. Phil qui bastonne sur sa batterie et Vince qui cartonne sur sa basse assurent une rythmique d'une précision absolue. Les deux guitares peuvent s'en donner à coeur joie. Andras s'amuse comme un fou. Vous prend toutes les six secondes une pose de guitar-hero à étonner les appareils photos. Earl le rejoint parfois, et ils vous font alors des voltes-faces d'une précision parfaite, dignes des cadres noirs de Saumur.
Earl est en verve. Nous sort trois fois le coup de la fausse set-list, puis arrête tout à coup pour se livrer à une confession publique. Avec un tel énergumène l'on s'attend au pire, il a dû pousser trois mémés ( au minimum ) sous le métro en venant au concert. Hélas non, il a commis un crime bien plus horrible. Pendant vingt ans il a craché sur... son propriétaire ? Son percepteur ? Son directeur de conscience ? Vas-y, avoue Earl, on te pardonne ! Non, on ne peut pas ! sur Ricky Nelson ! On aurait dû l'abattre sur place mais il joue trop bien pour que l'on se prive d'une des meilleures prestations de la soirée.
Comme quoi il est encore possible de mijoter les meilleures soupes dans les vieilles marmites du fifty sound. Authenticité et énergie se marient très bien ensemble. Les High Tones en apportent une preuve irréfutable.
MEGATONS
N'étaient pas prévus sur l'affiche. Petite douceur glissée dans la pochette surprise. Costumes de scène blancs et noirs amidonnés de près. A mon avis, seront un peu desservis par le son, ou de mixage car l'on n'entend pas assez le sax. Devrait être devant, en première ligne, en tête de la cavalcade, mais là il est noyé parmi les guitares. On les a assez souvent présentés chez KRTNT pour que le lecteur ne soit pas déçu, mais c'est d'autant plus regrettable qu'ils étaient en forme. Vous promets qu'à la première occasion on les ressortira de leur rock garage des toute premières années des sixties.
GUN SALOON ESPECIAL
Tony Marlow nous prévient. Malgré le nom ce n'est pas un groupe country. L'on aime bien Tony et l'on ne voudrait pas le contrarier, nos trois pistoleros sont tout de même engagés dans un sacré tumulte dans les grandes plaines de l'Ouest. Ca pue le western, crottin de cheval et odeur de poudre, à plein nez. Pas les scènes du début, quand les charriots cheminent avec une lenteur d'escargots asthmatiques sur les premiers contreforts des Rocheuses. Plus tard quand les Apaches attaquent. Pas la cavalerie légère menée par Hank Marvin, une autre tribu montée sur des apaloosas à huit pattes qui galopent en laissant des traînées de feu derrière eux. La contrebasse de Dan Deluxe en est toute noire, des flammes femmes y dessinent de leurs silhouettes claires et graciles les mouvements d'une ghost-dance gorgée de menaces.
Chantent un peu, mais on ne les écoute pas. Seule résonne dans notre tête la guitare d'El Babuino qui ronfle, rumble et rugit à tous crins. Sauvage et lyrique, grandiloquente et épique. L'ouest défile sous nos tympans, c'est extraordinaire tout le bruit que l'on peut tirer d'une guitare. Espécial ce parti-pris instrumental, ce dernier saloon où l'on tire à vue est des plus convaincants. Conseil n'allez pas défier El Babuino sur son terrain, ce mec-là gratte plus vite que son ombre. Rockab-spaghetti, un plat qui se mange froid. Comme la vengeance d'un psychorider maniaque qui a juré de vous pendre aux six cordes de sa guitare. Haut et court, bel et bon.
Forte impression, le groupe qui suivra aura intérêt à faire parler la poudre s'il veut éclipser le souvenir du passage de la horde sauvage. Cinq étoiles. De shérif.
HOOP'S 45
Ce sont les Hoop'45 – désormais managés, par Dan ce qui nous permettra de les voir plus souvent sur scène. Le 45, c'est parce qu'ils viennent du Loiret, ce n'est pas le colt. N'en ont pas besoin. En quatre ou cinq morceaux – pas eu le temps de les compter, ils vont nous faire le coup de la tornade. Après leur passage l'on entendra partout la même réflexion : « Je ne les avais jamais vus sur scène, qu'est-ce que c'est bien ! Qu'est-ce que c'est fort ! ».
Steph au centre, guitare rythmique en transe, n'a pas chanté, l'a craché du feu tout le long du set. L'a tout sorti, les tripes, les nerfs, et le rock'n'roll, transporté, hors de lui même, la voix n'est plus qu'un rugissement, une transe communicative qui s'est répandue dans le public. Nous sert un Gene and Eddie des Stray Cats à remuer les deux grands ancêtres dans leur tombe.
Faut dire qu'à l'autre bout de la scène Jean Eric l'a poussé dans ses retranchements, riff sur riff, une trouvaille toutes les quinze secondes, la fièvre des grands soirs, un corps à corps avec l'instrument, violent, incessant, leçon de guitare gratuite pour tout le monde, nous a cisaillé le coeur et transpercé le corps de ses notes, tellement dans son jeu qu'il nous a donné l'impression d'avoir ourlé tout le long du set un solo ininterrompu de vingt minutes. L'a smashé tout le monde. Moment d'extase endiablée où tout bascule dans une autre dimension.
Richard, derrière son électrique, un sourire goguenard aux lèvres du genre vous voulez du Hoop's, l'on va vous en envoyer une charretée rien que pour vous, tissait des lignes de basse plus noires que l'enfer, un canevas volcanique sur lequel ses deux acolytes tissaient leurs téméraires embardées. Ne me demandez pas ce que trafiquait Kevin sur sa batterie, il y avait trop à regarder avec les trois mousquetaires de la première ligne. Mais vu la rapidité avec laquelle ça filochait, n'a pas dû avoir le temps de compter les mouches au plafond.
Fallait entendre l'ovation quand ils ont arrêté, avec en même temps ce silence, le calme après la tempête, et le brouhaha de contentement qui est monté de la salle. Un grand moment.
OL BRY
Le groupe le plus surprenant. Les lecteurs de KR'TNT connaissent un peu puisque Eddie le chanteur était monté sur scène avec les Atomics ( livraison 122 du vingt décembre dernier ). Un mec gentil, sympathique, simple avec qui l'on avait discuté assez longtemps. Nous avait rencardé pour cette soirée, presque en s'excusant du manque de maturité de son groupe.
Oui mais maintenant qu'ils sont sur scène les Ol Bry, faut changer de braquet. D'abord Eddie, impérial, au centre de la scène, visiblement le boss, sûr de lui et de sa musique. Je n'ai pas dit un tyran, non quelqu'un d'habité, qui ne se contente pas de reproduire à l'identique le répertoire rockabilly, que manifestement il connaît par coeur.
Sacré mélange ce combo, Rémy, un sax qui vient du jazz, Marcelo, un batteur qui sort du Brésil, Thierry un contrebassiste amoureux des fifties, and Eddie issu de la même famille de rockers... Un soupçon de brocante quand on y songe, mais une sacrée cohésion à l'arrivée. Peuvent pas jouer comme tout le monde. Recréent les morceaux à leur image, un patchwork rythmique de toute beauté. De l'invention à chaque titre, de l'originalité à revendre, sans tomber dans la gratuité, sans aucune faute de goût. De la perspicacité et de l'intelligence.
Ah, cette adaptation d'Unchain My Heart de Ray Charles, le titre totalement recréé, revu et corrigé, fidèle à l'esprit du Genius, mais si différent ! L'on aurait bien fini la soirée avec eux. Même que Tony Marlow n'a pu résister et leur a demandé une petite faveur - alors qu'ils avaient déjà débranché les guitares et dévissé les cymbales – My Girl de Smokey Robinson qu'Eddie nous a interprété avec un soupçon de nostalgie parodique inimitable. Quel talent !
THE ATOMICS
Vous ne confondrez pas pas Atomic Cats. L'on vient de parler d'eux, les voici donc. Durant son set Earl des High Tones avait précisé qu'ils étaient son groupe préféré. L'on comprend pourquoi. Du sur mesure. Du rockabilly pur jus. Un peu trop attendu à mon goût. Après la fougue des Hoop's 45 et l'inventivité des Ol Bry, l'ensemble sonne un peu vieux jeu. De la belle ouvrage certes. Les avais beaucoup mieux appréciés au concert précédent, ce soir ils méritent le respect mais pas l'enthousiasme.
WILD BOOGIE COMBO
La seule prestation qui m'ait vraiment déplu. J'avais pourtant aimé Hervé Loison en tant que Jake Calypso au dernier Festival Rock Disney, mais là le guitariste des Hot Chiken m'a déçu. Surfait, de la frime. De l'esbroufe, rien d'authentique. Trop facile. Quatre morceaux identiques avec Loison assis dans son fauteuil à ras de scène pour marquer le rythme qu'il tape avec le pied sur une cagette en bois. Quatre variations sur le Shake It Baby de John Lee Hocker. Sans le phrasé et la pulsation originelle. Heureusement qu'il y avait l'harmoniciste qui couvrait un peu les dégâts. Soulagé quand il a quitté la scène. Sitôt disparu personne n'y a plus fait cas, comme la pierre que l'on oublie une fois les ronds dans l'eau évanouis.
THE ATOMIC CATS
Vous ne confondrez pas avec les Atomics. Viennent de Dijon. Dernier groupe à passer. Il est à peine minuit passé mais il faut se dépêcher. Une jeune fille qui s'occupe de la sono m'explique que le New Morning c'est avant tout un club de jazz et que ce n'est pas trop l'habitude de la maison de se lancer dans des marathons de dix groupes rock'n'roll... On en conclura que les jazzmen se couchent plus tôt que les rockers... pourtant à la belle époque dans les bouges de la Nouvelle Orleans... mais Tony Marlow laisse la place aux Atomics Cats.
Tout à l'heure devant la porte Bruno se demandait pour quelle raison ils passaient en dernier. Vous me direz qu'il en faut bien un. Ne joueront que trois morceaux mais la démonstration est éloquente. Dur de passer après eux.
Sont trois mais dégagent de l'énergie pour douze. D'abord ils ont un batteur. Attention j'ai dit un batteur. Pas un marqueur de rythme qui indique la mesure sur sa caisse claire. Non un cogneur fou qui déménage sur tous les toms. Une turbine insatiable qui ne s'arrête jamais. Plus près de Keith Moon que de Slim Jim Phantom si vous voyez ce que je sous-entends.
Ensuite un guitariste. Jean-Michel, un méchant, un teigneux. Superbe Gretsch rouge de collection entre les mains, en voilà une qui n'est pas tombée entre les doigts d'un sous-doué, vous aligne de ces phrasés à vous rendre malade de jalousie. Riffs d'acier. Et généreux avec cela, distribue un déluge apocalyptique de stridences comme d'autres l'absolution dans les cimetières.
Enfin Hugo. Cuir noir, tête de mort en bout du manche de la double bass. Pas le genre à presser amoureusement contre son corps les formes arrondies de sa contrebasse. Ne joue pas. Distribue de façon méthodique de grandes baffes sur le cordage, la tape à outrance, la slappe à coups de monstrueuses gifles rapides comme la foudre. Doit être un peu maso car elle a l'air d'aimer ce traitement de défaveur à l'entendre ronronner comme un quadrimoteur qui s'arrache du sol.
Un gang de destroy rockabilly boys. Hugo jette son instrument par terre, va-t-il le piétiner ? Se contente de sortir un harmonica de sa bouche et c'est parti pour un solo à la Sony Boy Williamson II, d'une main, parce que de l'autre il a récupéré sa basse qu'il se remet à frapper comme un forcené.
Non de Zeus ! Le rockabilly comme je l'adore, brûlant comme de la braise ardente, droit devant et sans concession avec la tradition. Seulement un petit quart d'heure et il a fallu arrêter alors qu'ils venaient juste de se mettre en train. Ces Cats méritent leur appellation Atomic.
RETOUR A LA CASE DEPART
L'est temps de retrouver la teuf-teuf mobile qui attend sagement sur son parking. Bonne soirée, cette nuitée est la preuve que le rockabilly a encore de beaux jours devant lui.
Damie Chad.
PS : l'on a volé les photos sur les Facebook des groupes, sur You tube ( dixiefred ) pour les vues du New Morning, sur vimeo pour les Hoop's 45. Merci à tous.
Je ne suis pas revenu les mains vides. Quelques galettes au stand de Rock Paradise, que je m'empresse d'écouter...
THE ANGRY CATS.
FAN THE FLAMES OF DISCONTENTS. OLVIDADO. I WILL NOT TOUCH YOU. TRAIN KEPT A ROLLIN.
Nidstang.
Elégant CD quatre titres. Le logo du chat colérique au recto, le band au verso. Surprise, pas très bonne. Le disque ne vaut pas le live. Son trop léché, la voix trop en avant. Etrangement c'est le vieux Train Kept a Rollin de Burnette qui sonne le plus moderne. Quoique à la réécoute Fan the Flames of Discontents avec ses échelles de basse et ses choeurs noyés dans la trame sonore n'est pas mal du tout. L'a tout de même un bel et grave organe Fred Alpy, un peu à la Johnny Cash, sur un son résolument électrique assez Flamin' Groovies.
Damie Chad.
HOOP'S 45.
BLESSING IN DISGUISE. NO MORE Mr NICE GUY. BLUE MOON NIGHTS. KING CREOLE. ORDINARY MAN. YOUR KISS. MEMORY. MEMPHIS FREEZE. WROTE A LITTLE SONG. IGNITION. WHY DON'T YOU. DON'T GO. LONESOME TEARS IN MY EYES. RECLESS.
Rock Paradise Records. Jull Records.
On l'attendait depuis longtemps, un groupe sans disque c'est un peu comme un tigre sans rayures. Ne déçoivent pas. Quatorze titres dont cinq originaux signés de Stéphane Coignoux qui nous paraissent les plus intéressants. Surtout qu'ils n'ont pas hésité à les mettre en compétition avec des morceaux de roi comme le King Creole du King himself avec ce passage yoddlé et cette fin si différente de toutes les versions déjà existantes.
De toutes les manières le disque présente une sacrée unité. Les Hoop's ne se contentent pas d'emprunter, ils refondent les morceaux dans leur propre alchimie. Superbe travail de guitare. De la broderie pur sucre. Une évidence s'impose, ça ne sonne pas groupe français, qualité américaine. Deux jours que ça tourne et je n'arrête pas de m'étonner. Un véritable Hoop'sni venu d'une autre planète. Une mise en place au millimètre près. Horlogerie de précision.
Rien à voir avec une collection de standards. Faut parler d'album en donnant au mot sa signifiante acception. Un son à part, une création pensée et réfléchie. Un tout indissociable. Plus de deux ans qu'ils le couvaient. L'ont soigné et peaufiné. Ont bien eu raison de ne pas se précipiter, ont laissé le temps faire son oeuvre de maturation. Le résultat est là. Une sacrée pierre dans le jardin du rockabilly national. Va falloir se lever tôt pour relever le défi.
DAMIE CHAD.
THE OL' BRY.
WE DON'T CARE.
CRY TO ME. LET ME DANCE. MY GIRL. CAROLINA. REEL PETITE. SHE DON'T CARE. CUTE &PRETTY. NUMBER NINE TRAIN. GHOST HIGHWAY. RAMBLIN' IN MY HEART. BIM BAM. NORTH SIDE GAL. TAKE MY SHOES.
Rock Paradise Records. Jull Records.
CD à pochette cartonnée, plus classe que les boîtiers plastique qui s'abîment trop vite. Treize morceaux dont six tout droit sortis de l'inspiration d'Eddie et Thierry Gazel. Comme par hasard ce sont les titres les plus rockabilly avec ajout d'un parfum country très prononcé. Ceux empruntés aux ricains sonnent beaucoup plus rhythm'n'blues. Dans tous les cas les morceaux sont portés par la voix d'Eddie qui s'affirme d'ores et déjà comme un chanteur des plus doués de sa génération. Aborde tous les styles avec une facilité déconcertante. A l'aise partout, dans le swing comme dans le doo wop. Un gang d'accompagnateurs – ses alter ego – qui ne le laissent jamais en repos. Particulièrement le saxophone de Rémy. Ambiance festive assurée.
Un disque qui a toutes les chances de ne pas passer inaperçu, pas nécessairement dans le public rockabilly. A suivre.
Damie Chad.
ROCKERS KULTURE
THE FRENCH ROCKABILLY SCENE # 4.
THE CAPITOLS. THE SLACKJAWS. ATOMIC CATS. DREW DAVIES RHYTHM COMBO. THE WILD GONERS. MARILYN AND THE ROCKIN'BOMBS. DUCKY JIM TRIO. HOT GANG. GUN SALOON ESPECIAL. HOOP'S 45. ANGRY CATS. THE MID QUAKERS. LITTLE LOU. MOSCATS. WILD BOOGIE COMBO. SIX-FIVE SPECIAL. LOS PERFECTOS. MILWAUKEE. RED HOT NIPPLES. THE SEVRIAN VETS. EDDY RAY COOPE. KAD AND THE 55. THE ALLEY CATS. THE FLYIN'CATS. STEPHANE HERMLYN. THE RED CABS.
Rock Paradise Records.
L'on ne se quittera pas sans quelques mots sur notre précieux, l'objet qui fut la raison et le prétexte de cette cinquième édition de Rockers Culture. Si vous n'étiez pas à cette chaude soirée, sachez que les groupes qui nous ont régalés sont sur ce CD.
L'on sait l'importance de la série Nuggets dans l'éclosion du punk. Ce n'était qu'une compilation de garage américain mais toute une génération s'est branchée là-dessus et le rock n'a plus été pareil depuis les années qui suivirent. Tony Marlow est en train de réaliser une même onde de choc dans le milieu rockabilly. A L'échelle française, juste un pavé dans la petite mare du pays des mangeurs de grenouilles, mais la vague de front fait son chemin. En à peine deux ans c'est près de cent groupes qui ont accédé à une certaine notoriété. Des têtes d'affiche, des moins connus, mais l'un poussant l'autre, tout le monde y gagne.
Certes beaucoup y verrront à boire et à manger. Tony Marlow n'a pas privilégié un style. A misé sur une certaine qualité de base mais n'a fermé la porte à aucun des genres assez disparate en leur forme et parfois antagonistes quant à leur esprit. Mais le choix est fait avec assez d'intelligence pour que chacun y retrouve ses petits ( chéris ). Pour reprendre ses propres mots : « Hepcats, teddy boys, rockers or neo-rockabilly » la table est ouverte à tout. Ces quatre premiers CD forment une belle vitrine.
Il est bon de les avoir à portée de la main pour nourrir les conversations ( et pourquoi pas les prises de bec ) d'exemples précis et concrets. Vais pas m'amuser à distribuer les légions d'honneur, voire le mérite agricole pour les plus countrysant, et à vous passer la liste un par un. Les kr'tnt readers sont assez grands pour n'écouter que leurs propres ( ou sales ) oreilles. Petit livret à l'intérieur avec photo des artistes, leurs noms et leurs instruments. Parfois l'on aimerait en savoir plus, mais il y a aussi le site ou le contact possibles.
Damie Chad.
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31/01/2013
KR'TNT ! ¤ 129. JALLIES / POSTERS ROCK / JOSE MARTINEZ
KR'TNT ! ¤ 129
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
31 / 01 / 2013
THE JALLIES / POSTERS ROCK / JOSE MARTINEZ |
ON THE ROAD AGAIN !
Quel est donc cet éclair vif-argent qui fonce sur la chaussée neigeuse parmi l'écume tourbillonnante des flocons et les plaines ombreuses de la Brie profonde ? Le lecteur attentionné aura reconnu la teuf-teuf mobile lancée à toute vitesse sur les routes gelées pour emmener l'équipe de choc de Keep Rockin' Till Next Time vers son premier concert de l'année, très loin, là-bas, à l'autre bout de la nuit.
Mais pourquoi tant de hâte et d'imprudence à chevaucher la tempête hivernale déchaînée ? Volent-ils vers Paris assister aux prestation des Ghost Highway, des Spunyboys et de Yan The corrupted ? Au Rock'n'Boat, au pied du zouave du Pont de l'Alma ? Que nenni, braves kr'tntreaders, ils délaissent les lumières de la ville capitale pour s'aventurer, sans une nano-seconde d'hésitation, dans les confins de l'Oise sauvage, sous les frondaisons de la froide forêt de Chantilly.
C'est que nos intrépides chevaliers-servant du rock accomplissent une mission sacrée. Tiennent une promesse solennelle, gravée en lettres de sang mémoriel sur le marbre noir de la nuit du premier décembre 2012, sur la terrasse du pub Le Be Bop, à Montereau sur Yonne... que les mécréants incrédules se rapportent à notre livraison KR'TNT 121 du 08 / 12 / 12. Bref, ils courent à leur rendez-vous, avec trois beaux brins de filles. Mesdames, Messieurs, nous avons nommé,
THE JALLIES
26 / 01 / 13 / BAR ST VINCENT /
60 740 / SAINT MAXIMIN
Faut se rendre à l'évidence. La file de voitures stationnées le long de la rue nous indique que l'on ne sera pas les seuls à êtres venus malgré les frimas de l'hiver entendre les Jallies. La curiosité et la rumeur ont emmené la foule des grands soirs. Le bar n'arrête pas d'accueillir de nouveaux arrivants. Bikers, cats, amateurs, gens du coin, enfants qui courent partout, rires, discussions, retrouvailles, alcools, chili con carne, petits prix, concert gratuit, staff plein d'humour, règne une joyeuse ambiance sympathique, un lieu que l'on retrouve avec plaisir.
Les Jallies montent sur scène. Hellboy le discjockey arrête sa musique. Le public se pousse vers l'estrade. Elles ont casé le garçon derrière elles. Dans le coin, sa contrebasse le cache déjà à moitié. L'on ne voit de lui que sa figure et sa casquette qui lui mange le visage qu'il appuie contre la tête joliment sculpté de son instrument. Ne le prenez pas pour un meuble de famille dont on aurait un peu honte et dont on n'oserait se débarrasser pour ne pas peiner Tante Edwige. Il est un peu le pilier central, la poutre maîtresse, supprimez-la et tout s'écroule. C'est qu'avec les trois sauvageonnes devant, Julios a un sacré boulot. Faudrait pas que les oiselles s'envolent trop haut. Faut de temps en temps leur tenir le caquet et leur fournir l'assise mouvante du swing. Le mouvement si perpétuel qu'il se confond avec le moteur immobile d'Aristote.
Devant on en prend plein les mirettes. Savons plus où donner des yeux. Céline, silhouette gracile toute longue dans sa robe rouge, princesse énigmatique échappée d'une toile de Bernard Buffet, ses boucles qui retombent comme deux ailes de papillon énervé. Vanessa, cheveux blonds de petite fille au regard mutin, feu d'artifice de vivacité, tambour major qui tape sans faillir sur sa caisse claire, donne le rythme, l'envol et la fantaisie. Ady, lionne au sein généreux, voix rauque et griffes acérées de velours, panthère sur Gretsch aux yeux aigus comme des flèches. Si Vanessa est la fauvette joyeuse, Ady est le fauve hiératique au coup de patte mortel. Toutes trois se savent belles et fascinantes. En jouent. Juste pour s'amuser. Sans ostentation ou orgueil déplacé. Simples, naturelles. Tout au service de leur chant.
Car elles chantent, et c'est pour cela qu'on les regarde. Rockabilly, mais avec touches de jump, relents de boogie, éclats de swing. Trois voix distinctes mais qui se mélangent avec une telle souplesse que la soliste devient choriste et que celle-ci prend la place de la lead-voice si adroitement que vous vous en apercevez avec un temps de retard. Plus des morceaux qu'Ady présente comme étant davantage rock'n'roll.
De toutes les manières, les deux sets seront menés à train d'enfer. Et le public ne se fait pas prier pour monter dans les wagons. Applaudissements nourris à la fin de chaque morceau, participation collective aux refrains. Des reprises, mais aussi leurs propres compos. Ce sont ces dernières qui – nous donnons notre avis – doivent se retrouver sur le mini CD de présentation qu'elles comptent enregistrer dans les semaines qui viennent. D'abord parce que ces titres comme Shave your pussy – dédié aux Spunyboys, il y a des garçons qui ont de la chance – passent très bien la rampe, ensuite et surtout parce qu'autant une reprise permet d'étoffer un répertoire live, autant elle devient vite un piège une fois figée dans un disque. Trop proche de l'original, elle n'apporte rien de nouveau, trop éloignée elle attire les critiques des puristes à cheval sur les tables de la loi.
Leurs versions de Be Bop a Lula et de Money Honey, un savant conglomérat ni jazz ni rock ( mais beaucoup des deux ) foutrement balancé qui emportera l'adhésion de la salle – pas étonnant que nos Jallies les reprennent puisque la première rock song est un savant démarquage de la seconde – seront-elles aussi efficaces sur un CD ? C'est que les Jallies bousculent les genres et les époques, l'on saute d'un morceau Chalerston Swing très années 20 à une adaptation de Rehab d'Amy Winehouse sans prévenir.
S'installent en filles dans une musique que l'on dit taillée pour les mecs. Bousculent un peu les genres de l'intérieur. Opèrent de savants mélanges. Transgression assurée. Mais avec la grâce et la légèreté. Si intelligemment présentés que vous ne pouvez pas dire non. Il y a de la finesse dans leur façon de doser les ingrédients. Peuvent reprendre du Presley comme des Stray Cats, dans les deux cas elles essaient de garder l'esprit du morceau sans se demander si elles sont les héritières d'une pureté originelle à conserver dans le formol des traditions ou les adeptes forcenées d'une modernité destructrice. Se contentent d'être hommagiales sans se poser trop de questions. Des fonceuses qui tirent toujours leur épingle du jeu. Qu'elles vous plantent dans votre coeur de rocker comme s'il était un vulgaire coussinet.
Leurs interprétations sont à l'image de leur pratique instrumentale. Chacune a sa préférence. Mais elles sont sans cesse dans le don et l'échange. Guitares et baguettes passent de main en main, à tous les morceaux l'on assiste à une redistribution des rôles. Pas de pose machiste à la guitar hero qui s'accroche solitairement à son manche. Elles ne jouent pas, elles s'amusent. Que dis-je ? Elles musent. Et nous inspirent.
Un petit défaut. Qui est passé inaperçu dans la fièvre du set. Vu les progrès qu'elles ont fait en moins de deux mois, suis sûr qu'elles vont le corriger en vitesse. Et puis si on ne dit que des compliments aux filles, elles deviennent vite insupportables. Les guitares sont utilisées comme des rythmiques. Jeu pas assez marqué. Les riffs mériteraient davantage d'ampleur. S'il existe une continuité rock entre le rockabilly et le hard rock elle réside dans la distinction du riff. Est mis en avant. Se découpe selon le pointillé des notes. C'est que les voix de nos trois coccinelles montent haut. Comme un filet aérien, sensible à la moindre brise, c'est en ces moments somptueux et harmoniques que Julios les ramène sur le plancher instable du rythme dont elles ne doivent point se départir. C'est en ces instants que devrait intervenir le riff salutaire qui ponctue et distribue en sectionnant le territoire musical.
Mais voici que Vanessa, tout sourire enjôleur, tout fou rire and rolleur, vous découpe au chalumeau de sa voix rauque, de sa voix rock, et Céline qui renvoie comme giclée de balles sur blindage d'échos, ou alors c'est Ady qui nous rajoute un shoot de blues hurlé, rentre dedans et en avant la musique, poussée d'adrénaline et la salle qui chavire de bonheur. L'on batifole sec avec ces babies folles.
Tout le monde était sous le charme. Le charisme mais pas l'esbroufe. Il y a le talent, mais aussi l'envie, l'entrain et le plaisir de partager. On n'a pas voulu les laisser partir. C'était trop bien. Hot and cool, in the same time. Nous ont tout de même quittés sur un dernier cadeau, le Jump, Giggles and shout, de Gene Vincent. Se sont éclatées sur les cassures rythmiques, et envolées sur les reprises survitaminées. Un gâteau fondant avec un coulis de lames de rasoir à vous rendre maboul boy. Suis sûr que si Gégêne les avait vues il les aurait embauchées comme clapper girls.
Bref après un tel délice on a bien été obligé de les voir s'éloigner dans la nuit froide et inhospitalière. On aurait mieux fait de les kidnapper et de les garder rien que pour nous, mais on n'est pas comme ça, nous les rockers. On sait se tenir avec les demoiselles. De toutes les manières on a décroché un rendez-vous. Le huit février, au Saint Sauveur ( 4, rue Saint Sauveur ) à Ballainvilliers dans le 91. Ne le dites à personne. Il risque d'y avoir trop de monde.
Damie Chad.
P.S. : Saint Vincent, Saint Maximin, Saint Sauveur, comme quoi pour écouter du bon rock'n'roll il vaut mieux se fier aux seins des Jallies qu'au Dieu de la Bible ! Tudieu, encore un blasphaime !
P.S. : pour les images on a fauché des photographies des anciens concerts des Jallies que l'on a fauchées sur leur facebook.
Attention jeunes gens. L'article qui suit n'est pas illustré par des posters sortis tout droit du bouquin lui-même. Avons pris la décision, dans le seul but d'accroître votre culture graphique, de vous donner à voir quelques encres de chine réalisées par un ami, le peintre JOSE MARTINEZ. Une infime partie de son travail, mais qui nous semble teintée d'un esprit rock-psychédélique en accord avec l'esprit de bien des oeuvres présentées dans son livre par Mick Farren et Dennis Loren. Nous vous parlerons une autre fois de JOSE MARTINEZ. ( Certaines images seront peut-être coupées au montage, mais nous vous les redonnerons in extenso dans un prochain article si nécessaire ) |
CLASSIC ROCK POSTERS
1952 – 2012
60 ANS D'AFFICHES ROCK
MICK FARREN and DENNIS LOREN
( Editions Stéphane Bachès / Octobre 2012 )
Ne circulez pas, il y a à voir. C'est du lourd. D'ailleurs pour le tirer en notre noble langue françoise les Editions Stéphane Bachès sont allés à Londres chasser l'Eléphant. Ne croyez surtout pas que la fumée dans les yeux un plantigrade me regarde. Quoique avec les effets secondaires... C'est que les Editions Elephant sises à Londres semblent s'intéresser de très près aux inhalations bienfaisantes, si je m'en réfère au titre évocateur d'une de leur collection Majijuana & Medical Majijuana – mais oui doctor, je me soigne – et pour les non-fumeurs dans le rayon Pop Culture ils offrent aussi The incredibily strange history of Ectasis.
C'est un peu la jungle en folie chez Elephant avec des zèbres comme les Beatles et Jimmy Hendrix qui se promènent sur les rayons. L'on ne s'étonnera donc pas d'y retrouver Mick Faren – pour les amnésiques se reporter à notre livraison 122 du 13 / 12 / 13 – l'activiste rock par excellence que l'on aperçoit depuis quarante ans dans tous les mauvais coups concoctées au sein de ces engeances malsaines engendrées par l'apparition de cette musique diabolique.
Chez Stéphane Bachès l'on s'est amusé à refaire la couverture. Z'ont aussi dû embaucher Stan Cuestas pour les traductions. Pas un inconnu ce Stan Cuestas, auteur, chanteur, traducteur... spécialiste de la chanson française et s'intéressant à des tas d'artistes « rock » dont on ne parle jamais dans KR'TNT. Premièrement parce que l'on ne peut pas causer de tout, deuxièmement, et surtout, parce que l'on ne les aime pas. Du tout.
STORY OF THE ROCKERS
Pendant longtemps le rock a été une affaire terriblement simple. Tout le monde s'en foutait. Lorsque vous aviez réussi à réunir dix quarante-cinq tours et trois articles découpés dans la presse, vous étiez le roi de la ville. Mais cinquante ans plus tard les choses ont bien changé. Le paysage hillbillique originel et paradisiaque s'est transformé en zone industrielle. Les révolutions technologiques se sont succédées. L'électrification à outrance des années soixante, puis la frappe à grande échelle des métaux lourds dans les seventies ont donné naissance à des milliers de petites entreprises individuelles dont certaines sont devenues des trusts conglomériques. Diversifications et multiplication par 10 000 de la production... Le rock est partout, il est enseigné dans les universités et les artistes de toutes tendances s'en sont emparé... Ont été précédés et suivis par les marchands du temple...
Aujourd'hui les fameux serpents de Jim Morrison se mordent la queue. Sucent aussi la vôtre. Sont trop gras, trop gros, pour être encore méchants. A plus de soixante balais, sponsorisé par la génération des baby-boomers qui l'ont reçu dans leurs premiers biberons, le rock, tel un vieux combattant rescapé de la dernière guerre indienne, n'en finit plus de raconter sa légende. L'on enchaîne les rééditions de disques – quand elles ne sont pas jubilatoires toute leur qualité documentaire réside en leur historicité. C'est bien connu, le client qui passe à la caisse enregistreuse finit par l'avoir dans le cul.
Faut pas rigoler. Faut transmettre l'héritage aux jeunes. Et chacun de taper sur son ordinateur ses souvenirs pieux. L'on racle les fonds de tiroirs et l'on révise, une dernière fois, les généalogies. Travail de tricheur. Ou d'orpailleur. Les choses ne se sont jamais passées exactement comme on vous le jure. C'était beaucoup plus chaud que les repros sur papier glacé. L'on essaie de faire cadrer notre reflet distordu dans le miroir. Qui réfléchit de son côté. Toujours se méfier des intellectuels. Sont moins bêtes que la moyenne. Plus vicieux, si vous préférez.
AFFICHES
Donc une nouvelle histoire du rock'n'roll. Mais sans rentrer dans le saint des saints de la salle de concert. L'on reste devant à bader les affiches. Un beau découpage en huit parties. Tous styles appréhendés. N'aurais pas fait mieux. Signe d'intelligence et de grande réflexion avec en plus une grande adéquation entre le titre et les images choisies. J'aurais bien aimé me transformer en petite souris d'ordinateur pour assister aux discussions et aux échanges d'e-mails entre Mick Faren et Dennis Loren qui fut et qui reste le chef de file du poster psychédélique dans les années soixante à San Francisco.
LES DEBUTS DU R&B, DU ROCK'N'ROLL,
ET DE LA SOUL
Peu de pages. Les affiches des pionniers et ceux qui les précédèrent ont leur charme. Rustique dirons-nous. Ce sont de simples affiches informatives. Pas des oeuvres d'art. Du lettrage avant tout. Sans fioritures. Le jaune et le rouge – couleurs voyantes par excellence dominent. Fonds blancs ou noirs. Photos d'identité des artistes format timbre-poste, parfois l'on se contente de la tête seule découpée, décapitée. Seul Elvis a droit à son entière silhouette, mais il est vrai qu'il est le roi.
Dès 1956 les Anglais emboîtent le pas avec Tommy Steele et toute l'écurie Parnes. Imitation des américains. Mais avec une touche de légèreté et de fluidité que l'on ne remarque pas chez les Amerloques. L'on s'apitoiera sur l'affiche du concert de Jerry Lee Lewis. La plus laide de toutes. Mais Jerry Lee ne sera pas sur la scène de Doncaster ce 17 juin 1958, obligé de rentrer chez lui lorsque les rosbeefs indignés auront appris qu'il était marié avec sa jeune cousine de treize ans.
BRITISH BEAT, SURF, BLUES & FOLK
Ca ne change guère au début de la suprématie anglaise. Les Beatles aère leur rock'n'roll, le rendant plus policé, plus festif, mais faudra attendre la vague Mods et les Who pour bousculer les habitudes. Pour le moment le seul changement provient du nom de certains groupes qui à lui tout seul mange le tiers de l'affiche. C'est que l'organisation des concerts est en train de se modifier. Ce n'est plus jusqu'à une douzaine d'artistes qui se suivent à la queue leu leu après avoir entonné une à six chansons. Les groupes ont désormais assez de matériel et d'expériences pour tenir plus longtemps. Les affiches vont s'individualiser et très logiquement leurs concepteurs vont s'essayer à traduire graphiquement l'identité musicale de la formation à présenter. La photographie prend de plus en plus d'espace mais c'est surtout toute l'histoire de la peinture moderne de Toulouse-Lautrec à Vasarely qui pointe le bout de son nez. De l'affiche on passe à l'image rétinienne.
ROCK PSYCHEDELIQUE
Mais l'on a encore rien vu. Brusquement, entre 1965 et 1972, l'affiche rock cesse d'être une affiche. Elle devient une oeuvre d'art. A part entière. La plus belle partie du livre. San Francisco. L'été de l'amour. Les psychotropes. La révolution hippie. Soudainement un élan de créativité emporte tout sur son passage. Temps utopiques. Chacun est un artiste qui a le devoir de ne pas s'ignorer. Des inconnus pondent des images sublimes. Chacun veut faire mieux.
La musique n'est plus un alignement de sons. Elle est sagesse et philosophie. Elle conduit votre âme, votre crayon et votre pinceau là où ils auraient cru ne jamais pouvoir aller. Les lettres enflent et se gondolent. Elles ne veulent plus rien dire. Elles se contentent d'étaler les méplats esthétiques de leurs contours opulents. Dessinées pour être vues et non pour être lues. La forme prend le pas sur le sens. American Beauty se confond avec American Reality. La beauté du monde l'emporte sur sa triste réalité. Les bulles du rêve englobent l'existence toute entière.
Certains n'en perdent pas pour autant le sens des réalités. Un homme comme Bill Graham qui manage la célèbre salle de concert du Filmore East a compris qu'une superbe affiche attire le public. Il saura laisser venir à lui de jeunes artistes prometteurs. Si certains désirent agir en lonesome cow-boy beaucoup se regroupent en collectif comme la fameuse Family Dog qui leur apporte réconfort et émulation. C'est l'âge d'or de l'affiche rock.
ROCK GRAND PUBLIC, PROGRESSIF,
ET METAL
Les riches heures de la musique rock. Efflorescence de groupes. Le rock se distille. Il devient précieux. Satisfait il se regarde le nombril. Il progresse clament les uns. En fait il s'éloigne de lui-même, mais il ne s'en aperçoit pas. Une aubaine pour les concepteurs d'affiches. Chaque groupe possède son univers. Pratiquement son peintre préféré. Relève anglaise. L'on ne rejette pas l'apport californien mais on l'humanise en y intégrant collection d'objets concrets. Ou de personnages aussi délicieusement pervers que les ombres chinoises d'un conte de Lewis Carroll, mais toujours un pied dans l'opacité terne des existences terrestres. Les ailes multicolores du papillon si vous voulez. Mais le corps noirâtre de l'insecte aussi. Comme la prémonition futuriste de lendemains inquiétants qui ne chanteront pas. Plus on avance vers la seconde moitié de la décennie les nuances du songe s'évaporent. Arêtes froides et métalliques d'architectures futures inquiétantes et menaçantes.
PUNK ET NEW WAWE
Le rêve s'est évanoui. La crise est là. Souterraine pour beaucoup. Le côté arty est délibérément jeté aux poubelles. Retour infantile à la bande dessinée. Régression esthétique. Mieux vaut se taire que proférer des mensonges mielleux. L'on bâillonne la reine et on lui bande la vue. Plus personne ne veut voir la réalité par ses yeux. Les punks ne mettent pas d'adoucissants dans la machine à rendre les mensonges plus blancs. Retour à l'enfance du rock. Les grosses lettres que l'on découpe dans les journaux. Car l'on ne chante plus, on exerce l'art du chantage. La grande escroquerie du rock'n'roll. Tout est dit. Visages de goules agressives sur les affiches placardées sur les murs ont l'air de vous attendre pour vous mordre. Sinon au mieux silhouettes fantomatiques qui se dressent toutes pâles comme déjà grignotées par le néant.
HIP-HOP & DANCE
Des débuts difficiles. Des affiches noires et blanches. Peu de dessin. Puis les couleurs noires, marron et brunes qui prédominent comme s'il fallait revendiquer une identité tribale dans les quartiers pauvres de Londres. Dans un deuxième temps le hip-hop ramène les couleurs de l'arc-en-ciel. Joie de vivre, exubérance de certains dessins et emprunts à tous les mouvements qui ont précédé. Le grand mix.
ROCK ALTERNATIF, HEAVY METAL,
TRASH, GRUNGE, GOTH, & INDé
1980 – 2000. Tout se mêle et s'entremêle. Les mouvements se suivent et ne cherchent pas à se doter d'un code graphique. L'habitude est prise de se servir dans les placards des prédécesseurs. Chacun prend ce qui lui plait. Point de galvaudage. L'on refait. L'on tient compte des leçons. L'on refuse la parodie. Du sérieux. L'on cherche l'inspiration mais l'on ne copie pas. L'on ne triche pas, l'on ne pille pas. L'on puise des éléments de langage un peu partout mais l'on essaie de parler sa propre langue. Faren et Loren n'hésitent pas à parler d'un second âge d'or. Nous n'irons pas plus loin que le vermeil.
L'ERE CONTEMPORAINE
Retour à la pleine réalité de notre monde. Retour à l'objet. Travesti. Etiqueté et momifié lorsque la pub impose ses représentations. Sinon l'on emprunte à la bande dessinée. L'on ne cherche pas le scénario signifiant mais l'image seule. Comique ou énigmatique. Et puis retour à un certain classicisme. L'image représente l'objet dessiné. Tout simplement. Mais avec expressivité. L'on recherche l'effet. Surprise et approbation. L'artiste veut qu'on le remarque. Clin d'oeil appuyé.
ET LE ROCK DANS TOUT CELA ?
Force du merchandising oblige. Les annonces de concert sur le net. L'affiche est inutile. On ne la colle plus sur les murs comme oiseau d'annonce nouvelle. On vous la vend à la fin du concert. L'habitude de consommer est si forte que la musique ressentie ne suffit plus. Faut encore un objet contondant pour se raccrocher à la fugacité des deux heures du spectacle déjà passées. Vous pouvez aussi commander en cliquant directement sur les sites adéquats. Source de revenus pour les plasticiens de tous styles... Ce qui m'a le plus étonné en feuilletant ce très beau livre c'est que plus les années passent plus il apparaît clairement que le rock n'est qu'un prétexte au talent des artistes.
Faut passer par la médiation du chanteur pour retrouver la dimension rock de toutes ces affiches que l'on ne perçoit plus comme des affiches qu'elles ne sont plus mais comme des oeuvres d'art, voire des reproduction de tableaux, qu'elles sont devenues. Comme si le rock n'était pas encore muséifiable. S'arrête à la porte, mais il s'interdit d'entrer. Preuve qu'il garde encore de sa puissance et qu'il n'est pas tout à fait prêt à se couler sagement dans les petites cases colorées.
Repart dans la rue. C'est seulement du rock'n'roll. Mais c'est pour cela que nous l'aimons.
Damie Chad.
45 TOURS ROCK
HERVE BOURHIS
( Dargaud / Novembre 2012 )
Hervé Bourhis, le nom ne me disait rien. J'ai ouvert l'album au hasard, en plein milieu. Après l'éblouissance des Classic Posters Rock que je venais de feuilleter, ces petits croquis rapidement exécutés aux coloriages hâtifs paraissaient pour le moins rudimentaires. J'allais reposer, quand en soulevant la couverture, j'ai aperçu en première page la bouille de jeune Gene Vincent en coin de pochette. Pouvais plus ne pas prendre. Un individu qui pose le Screamin Kid en début de son bouquin mérite respect et intérêt. L'ai acheté sur le champ. Entre parenthèses, pas vraiment cher, onze euros.
Plus tard quand j'ai commencé à lire, ça m'est revenu. Le dessin me rappelait quelque chose. Mais oui bouffi, j'ai déjà un truc de ce mec, le gros livre rouge et carré qui raconte l'histoire du rock en bande dessinée – ça s'appelle Le Petit Livre Rock - que l'on m'avait offert – il existe encore des bienfaiteurs de l'Humanité – et que je n'ai jamais eu l'idée de chroniquer. Pas mal fait du tout. Tout comme ce dernier. Et qui trahit une bonne connaissance du rock. Assez étonnante d'ailleurs pour un gars qui est nés en 1974. L'on jugerait qu'il a vécu les successives métamorphoses du monstre en direct depuis le début des années soixante.
Un passionné. Sur son site perso, l'espace réservé à l'exposition des 500 pochettes des plus prestigieuses galettes de rock est plus important que celui dans lequel il présente ses propres oeuvres ! Oui, mais sur le net il ne met que la photo de la pochette et n'en dit pas un mot de plus. Alors que là, il s'est fait plaisir.
D'abord il recrée les pochettes, à l'identique mais avec son cachet à lui. Y met sa patte, un peu tremblée et pseudo-maladroite car il ne copie pas il restitue un équivalent bouhrisien, sa vision intérieure. Puis il se laisse emporter par sa fougue. Un petit texte explicatif rempli d'humour incisif ou de sous-entendus mastodontes. Une bande-dessinée en bas de page, manière de jeter un clin d'oeil imagé à la vie de l'idole susnommée, une petite séquence C'est quoi le rapport ? destinée à nous en apprendre plus, exemple quand c'est autour de Wanda Jackson il en profite pour remémorer la lointaine figure de Lavern Baker. Excellente façon d'ouvrir une deuxième porte dans le labyrinthe rock.
Parfaite introduction pour les néophytes qui s'aventureraient dans le continent rock. Un hit en cache toujours un autre. Cascade de découvertes garanties. Même que parfois il triche un peu. Selon le titre il ne devrait parler que de singles, mais il déborde souvent sur les grands formats. Personne ne s'en plaint. Véritable histoire du rock. Dans le désordre avec des retours vers le futur et des prospections dans le passé. L'ordre chronologique n'est pas son fort. A privilégié l'alphabet. Pas celui des chanteurs. Ce serait trop facile. Celui des titres. Une super idée.
D'abord cela vous fait tourner les pages à toute vitesse pour retrouver l'idole éternelle de votre coeur, ensuite c'est plus que bien vu. Un grand morceau de rock n'appartient pas par essence à son créateur. Le titre transcende l'interprète. Même si celui-ci se l'est approprié pour l'éternité. Qui pourrait chanter Like a Rolling Stone, mieux que Dylan ? En ai écouté des dizaines de versions, aucune n'égale celle de Bobby, mais le morceau a traversé tant de milliers de coeurs et de cerveau qu'elle ne lui appartient plus. Un bon titre de rock est une entité à part entière.
Très bon choix. Hervé Bourhis a créé un fabuleux jukebox. L'on en oublierait presque qu'il manque la bande son. Indéniablement souveraine. Nécessairement obligatoire. Mais l'on parvient à s'en passer. Ca chante déjà dans notre tête et l'on est vite pris par le jeu des vignettes biscornues qui nous emportent dans un jeu de piste très rock'n'roll. Pouvez chipoter, Big Star méritait-il sa place ? Plus que Neil Young certainement, mais moins qu'Eddie Cochran. L'est vrai que le premier guitar héros de notre favorite musique est cité sur la page Elvis, mais enfin n'est-ce pas une hérésie ?
Les pionniers, le garage, le punk, l'essentiel du glam et du mod forment l'ossature de la sélection. N'y a pas qu'eux, mais Bourhis a su avantager les virus toxiques par rapport aux brontosaures les plus massifs. Impertinence kamikase et espièglerie suicidaire, l'esprit du rock est respecté. En plus il a – comme nous, voir notre livraison 63 du 08 / 09 / 11 – flashé sur le Do the Bop-Bop de Maynard Horlick présenté par Baru dans son livre CD Rock'n'Roll antédiluvien, un signe qui ne trompe pas.
Damie Chad.
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