24/01/2013
KR'TNT ! ¤ 128. ROCK & FOLK HISTORY
KR'TNT ! ¤ 102
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
24/ 01 / 2013
ROCK & FOLK HISTORY |
ROCK & FOLK
HISTORY / 1966 – 2012
ALBIN MICHEL / ROCK & FOLK / Octobre 2012
Rock & Folk est sans contexte la revue de rock la plus haïe de France. C'est aussi la plus lue. L'un n'empêche pas l'autre, toute réussite entraîne au choix, reconnaissance, flagornerie et jalousie. Il est certain qu'en notre hexagonale patrie l'on aime et les perdants magnifiques et les seconds couteaux dont le nom n'apparaît qu'en tout petit dans les génériques. Alors un mensuel dédié à une musique aussi fluctuante que le rock'n'roll qui dure depuis plus de quarante ans et qui en est à l'heure où j'écris ces mots à son cinq cent quarante cinquième numéros vous reconnaîtrez qu'il y a de quoi susciter bien des envies et des rancoeurs... On lui plante d'autant plus de couteaux dans le dos qu'elle n'est plus ce qu'elle a été. Ayez un moment de faiblesse, soyez sûr que l'on ne vous le pardonnera pas. L'on ne respecte que les forts. Evidemment l'on tape sur le symptôme pour mieux fermer les yeux sur la maladie qu'il dénonce. Inutile d'accabler la revue de tous les mots, c'est le public rock français qui s'est désagrégé ces dernières décennies, mais cela beaucoup refuseront de l'admettre, car il est des problématiques idéologiques qu'il vaut mieux ne point soulever...
IMAGES 66 – 12
Ne se sont pas fatigués pour le texte. Devrais plutôt dire, ne s'est pas crevé pour les commentaires, car c'est Philippe qui est à la Manoeuvre. Tout seul comme un grand. Quatre pages en gros caractères à l'orée de chaque nouvelle décennie, plus un éphéméride récapitulatif des évènements politiques et culturels de toute nouvelle année. Ce n'est pas un livre à lire mais à regarder. Toutes les couves – attention, elles ne sont pas toutes là - de Rock & Folk répertoriées une à une, certaines en pleine feuille mais la plupart à quatre par pages. Pour les hors-séries en fin de volume, il en manque encore une dizaine, tout cela fait un peu économie de bouts de chandelles, l'on a l'impression que l'on a enlevé la couche de sucre glace sur notre millefeuille préféré.
Je vous laisse libre de vos jugements esthétiques ou à l'emporte-pièce. Evitez de vous écrier que plus les années passent plus David Bowie ressemble à une drag-queen brésilienne, et qu'Amy Winehouse toute maigrelette a le charme d'une pendule à roulettes, car vous risquez de choquer votre entourage de moins en moins rock'n'roll et plus en plus à cheval sur les règles des déclamations politiquement correctes. Si vous voulez mon avis personnel, je n'ai jamais été un grand fan des grandes gueules d'artistes placardées en une des revues de rock'n'roll. Cela me semble facile. J'ai lu des centaines de numéros de Rock'n'Folk, mais je ne me suis jamais attardé plus de cinq secondes sur la couve. Certes l'intention peut être hommagiale et respectueuse mais je perçois trop les stratégies d'appel et de captation financière du public... Je reconnais toutefois que certaines couvertures peuvent être des provocations et des risques. Nous en reparlerons. Préfèrerais des images plus symboliques, des oeuvres imaginatives de graphistes et de peintres, tout ce que vous ne retrouvez pas dans KR'TNT !
SIXTIES
Philippe Manoeuvre a beau se vanter que Rock'n'Folk ait paru un an avant la prestigieuse et américain Rolling Stone, la revue arrive un peu tard. Rappelons que Gene Vincent passe à l'Olympia en décembre 1959 et quand le numéro spécial de Jazz Hot déboule dans les kiosques en aôut 66 dans les kiosques, c'est un peu après la première bataille.
C'est un jeune nancéen Jean-Claude Berthon qui allumera la mèche avec son mythique Disco Revue en septembre 1961. Gloire lui soit rendue. Lorsque sa revue meurt en 1967, Disco Revue a plus que largement ouvert la route, elle a permis l'émergence d'un premier public indispensable à l'éclosion du rock en France, mais elle a surtout défini les cadres conceptuels d'une certaine réception très intellectuelle du rock en notre gaullienne nation. D'une manière d'autant plus surprenante que les articles de la revue sont souvent au ras des pâquerettes. De très jeunes gens qui ne possèdent aucune sensibilité littéraire et qui n'ont pas compris que pour écrire sur le rock l'on se doit de se forger une écriture rock. C'est grâce à Disco Revue et Jean-Claude Berthon que l'on révèrera particulièrement les pionniers en France. Et la revue, encline à aucun passéisme, accueillera très naturellement Beatles et Rolling Stones.
Moins d'un an après son lancement, Disco Revue se voit doubler sur sa droite par Salut les Copains. Nous ne sommes plus dans la même dimension. Au niveau économique Salut les Copains bénéficie des appuis d'Europe 1 et Frank Ténot, un de ses fondateurs venu des milieux de l'édition, apporte une expérience familiale qui n'a rien à voir avec l'amateurisme d'un Jean-Claude Berthon. Mais en privilégiant le Yé-Yé français Salut Les Copains ouvre un boulevard rock'n'roll au futur Rock'n'Folk.
L'ostracisme de Boris Vian vis-à-vis du rock'n'roll pèsera tellement lourd sur les esprits de la rédaction de Jazz Hot qu'il faudra attendre sept longues années après sa mort pour qu'une équipe de jeunes loups menés par Philippe Koeklin ose sortir un numéro spécial enfin favorable à cette « nouvelle » musique qui emporte l'adhésion d'un public pas obligatoirement stupide malgré sa jeunesse. Rock & Folk en titre et en gros et en haut, mais la mention Numéro Spécial Jazz Hot est en bas à droite, en un fin lettrage très discret... il n'est jamais bon de mélanger les serviettes avec les chaussettes ( noires ).
Une revue rock qui s'intitule rock, cela coule de source. Pour le folk, c'est moins évident. La loupe de l'actualité n'est guère prophétique, mais nous sommes en 1966 et Dylan est en pleine ascension, il vient d'électrifier son folk, le rock et la folk-music semblent s'engager à partager une longue vie commune. Il n'en sera rien. Mister Rock s'acoquinera à de nombreuses autres maîtresses dans les années qui suivront, mais qui peut connaître l'avenir ? Dylan se retrouve en couverture du numéro 0 de Rock'n'Folk. L'on allait tout de même pas miser sur ce pantin d'Elvis en perte de vitesse, ou les Beatles connu de tous, ou les Stones encore un peu trop voyous ! Et puis Dylan c'est tout de même le porte drapeau d'une écriture rock de qualité. Un véritable chanteur à textes. Quelqu'un que l'on peut opposer à la grande chanson française si près de la poésie !
Le virage anglo-saxon ne sera pris que dans les seventies. Sur les trente cinq premiers numéros les frenchies occupent la couve une fois sur deux, quatre fois Hallyday, trois fois Eddy Mitchell, Dick Rivers apparaît sur une couverture partagée avec des anglo-saxons, deux fois Dutronc, deux fois Polnareff ( dès le numéro 1 ), une fois Hughes Aufray, une fois Sylvie Vartan... L'on ne s'en vante guère dans les colonnes actuelles de R &F, sauf pour Johnny qui a toujours bénéficié d'un traitement de faveur jusqu'à la dernière livraison... Par contre l'on se gargarise encore du malheureux numéro 20 avec Brel, Brassens et Ferré et la fameuse photo historique... Plus qu'un crime es rock'n'roll, une erreur. Une faute de goût. Une horreur anti-rock'n'roll ! Pour mieux signer le crime, ils ont encore refourgué la mine du vieux-anarcho-con-servateur de Brassens sur le 34. Remarquez celle de Gainsbourg n'avait rien à faire par là, non plus. Me feront jamais avaler qu'il n'y avait pas une photo des Yardbirds qui traînait sur la table à maquette.
Côté anglais les Stones et les Beatles dominent. Dylan chez les Amerloques. Otis Redding reçoit en cadeau de consolation une couve six mois après sa mort, Hendrix qui est encore vivant décroche la sienne, c'est la moindre des choses, félicitations pour Julie Driscoll, tout le monde l'a oubliée, mais cette nana reste une de mes rockeuses préférées.
De tous les pionniers seul Elvis – mais le King n'est-il pas hors-catégorie ? - a droit à sa couverture. Pour les autres on met leur nom sur la couve mais ils n'émargent pas au suprême honneur. Le nom de Vince Taylor apparaît sur le numéro 1, suivis dans l'ordre de Jerry Lee Lewis, Little Richard, Buddy Holly, Carl Perkins, Chuck Berry, Lary Williams, Screamin Jay Hawkins, Gene Vincent, Eddie Cochran ( deux fois de suite ), Fats Domino, Chuck Berry. Ray Charles est lui aussi gratifié d'une couverture, on l'a manifestement préféré à Bo Diddley plus rugueux et moins consensuel.
La réussite de Rock & Folk créera des émules. EN 1968 naissent deux grandes revues appelées à jouer en nos franchouillardes frontières un grand rôle dans la diffusion du rock'n'roll et de la musique noire : Best et Soulbag. Cette dernière toujours en activité.
SEVENTIES
Rock'n'Folk aborde sa décennie magnifique. Le tirage finira par tourner autour de cent trente mille exemplaires. Le rock explose et se démultiplie. Tous les six mois une nouvelle tendance. Mais le magazine a réponse à tout. Il s'éloigne des rivages étriqués des pionniers – et ce partant il fera l'impasse sur le blues, le country et le rockabilly – pour aborder les rives nouvelles. A babord l'on suit in vivo les fondations du hard-rock Who, Deep Purple, Led Zeppelin, à tribord l'on commente les dérives progressives, Pink Floyd, King Crimson, Genesis, Emerson, Lake and Palmer, Yes. Le gros du public suit d'ailleurs cette dernière pente.
Par la qualité de ses rédacteurs Rock'n'Folk draine des cohortes de gentils étudiants séduits par le vernis culturel sécurisant – et peut-être même sécuritaire – de cette écriture qui ne se contente pas de rapporter les évènements mais qui essaie de réfléchir sur leur signification. Une fêlure invisible se dessine dans le public. Chacun trouve encore à boire et à manger. Chaque courant bénéficie de son petit espace privilégié où les amateurs dénichent les informations les plus pointues. Plus que dans ses articles la force de la revue réside en ses chroniques de disques. Suffit de regarder la signature en fin de colonne pour ré-interpréter la critique selon vos propres goûts. Exemple : un disque descendu plus bas que terre par Vassal est susceptible de faire le bonheur du fan de rock.
Rock'n'Folk ne prend pas parti. Elle devient une revue généraliste. Les yeux sans cesse tournés vers l'horizon à la recherche du nouveau. Tout en perdant conscience de ce qui se passe tout près d'elle. Dire qu'elle n'a pas vu venir le punk serait une erreur. Yves Adrien l'a pressenti en toutes lettres dès 1973, mais quand la tornade Sex Pistols s'abat sur le monde du rock pachydermique comme la petite vérole sur le bas-clergé, le magazine n'a pas la prescience de l'importance du phénomène. Quoique trépassé depuis plus de quinze ans c'est le concurrent Best qui aujourd'hui encore se prévaut, avec raison, de sa propre réactivité.
Les médias ont inventé un nouveau mot. Rock'n'roll est encore connoté trop négativement. Désormais nous écouterons de la pop music. Se dépêchent d'éclore toute une série de magazines porteurs de la nouvelle estampille : Pop Music, Spécial Pop, Le Pop... Sur Rock & Folk invasion anglo-américaine : Who, Zappa, Creedence Clearwater Revival, Stones, Led Zeppe, Jimi, Roxy Music, Neil Young, Doors, Grateful Dead, Johnny Winter, Alice Cooper, Rod Stewart, Santana, Lou Reed, Bob Marley, Iggy, Queens, Sex Pistols, Patti Smith, Eric Clapton, Debbie Harris... le gotha du meilleur et du pire.
Rock'n'Folk tire un trait sur la vieille chanson française, Moustaki, Ferré qui s'est pourtant acoquiné avec Zoo, Charlebois qui sent le brûlé, apparaissent en début de décennie. Seront remplacés par Jo Lebb des Variations le premier grand groupe de rock hexagonal, Ange aux ailes brisées qui passe, Téléphone qui ne parviendront jamais à tenir leur promesse de devenir les Stones français, et Bijou le groupe le plus intelligent.
Trois couvertures spéciales : honteuse celle de décembre 71 qui offre un atroce dessein de Joe Cocker bien oublié depuis, alors que la disparition de Gene Vincent est un des articles phares du numéro, l'irremplaçable ( la seule que j'ai regardée plus de cinq secondes ), une belle image sortie tout droit des Rock Dreams de Guy Pellaert, la merveilleuse, cette photo croquis flouté d'Elvis en rockabilly cat qui vient de quitter le siècle qu'il aura marqué à jamais de son feulement de cougar des rocky mountains famélique... 59, 82, 129, numéros loto gagnant pour tous les beautifull loosers.
EIGHTIES
Le punk a filé un grand coup de balai. Après lui ce ne sera plus jamais pareil. Le public a pris un sacré coup de vieux. L'on préfère fermer les yeux et faire comme si cela n'avait jamais existé. Les vieux groupes ronronnent bien au chaud dans leurs panières à côté des radiateurs à royalties. Les jeunes qui voudraient lever leur tête ne sont pas écoutés. Prudentes les maisons de disques préfèrent les gosses bien élevés propres sur eux. A grands coups de synthétiseurs le rock est châtré, par mesure de prudence car l'on sait que le ventre de la bête est encore fécond.
Hivernage et pantouflage. Les fans s'occupent du bébé, les ventes s'amenuisent selon une régularité des plus inquiétantes, les journalistes quittent le navire sans bruit. Ceux de Best émargent désormais chez Rock'n'Folk et ceux de Rock'n'Folk frappent à la porte des magazines sérieux : Nouvel Obs, Télérama, Libération... Sauve qui peut généralisé. A tel point qu'il ne restera plus qu'à mettre la clef sous le paillasson. En 1990, Rock'n'Folk est cédé aux Editions Larivière. Un peu comme on se jette à l'eau.
Le bébé du rock, longtemps qu'il est parti. Ne restent plus que les derniers de la classe. Renaud, Daho, Lio, Mitsouko, Niagaro, Charlelo Couturo, Noiro Désiro et tous les zéros que vous voulez. L'est sûr qu'au niveau international c'est aussi la dèche, Sting, Collins, Boy George, Madona, Depeche Mode, George Mikael, U2, pas très bono tout ça ! C'est à la même époque que les politiques ont inventé l'expression je vois le bout du tunnel. Z'avaient de la chance, car du côté du rock l'on ne voyait rien venir in the main stream. C'était même la mouise noire. Le cambouis qui tue.
Dans sa préface Philippe Manoeuvre tisse des couronnes de lauriers à cette nouvelle revue « indépendante » qui pendant une dizaine d'années siphonnera le lectorat de Rock'n'Folk. M'en suis toujours méfiée. Font semblant d'aimer le rock pour pousser à petites saccades insensibles le lecteur vers la pop. L'alibi culturel sentait la récupération social-démocrate à plein nez. Dès les premiers numéros. Aujourd'hui les Inrock sont clairement devenus ce pourquoi ils étaient nés : une succursale du Parti Socialiste néo-libéral. De toutes les manières le rock n'était pas plus dans les resucées abâtardies de Rock'n'Folk que dans la soi-disante intransigeance des Inrocks.
En ces temps-là le rock était ailleurs. Dans les garages survit un punk underground destroy qui se politisera de plus en plus à la fin de la décennie. L'on assiste à une alliance improbable entre les résidus idéologiques du gauchisme des années 70 et les volitions anarchisantes d'autonomes en pleine déroute politique qui se rattraperont aux petites branches de la subversion culturelle du rock'n'roll. C'est de ce milieu disparate que naîtra dans les années quatre-vingt dix le rock français alternatif. Avec le temps la hargne revendicative laissera place à un vouloir vivre beaucoup plus festif.
L'émotion suscitée par la mort d'Elvis, l'incroyable et inespéré succès international des Stray Cats, le travail obstiné des vieux fans clubs de rock'n'roll, tout se conjugue pour favoriser dans l'ensemble des pays occidentaux un mouvement rockabilly qui renaît de ses cendres. Mythiques. Donc d'autant plus opératives. Ce phénomène s'articule aussi sur le renouveau Ted made in england.
Aiguillonné par le succès d' AC/DC, de nombreux adolescents se transforment en hordes infatigables de bulldoggers. Les assises du continent hard rock sont encore sous-marine, mais rien n'enrayera cette lente mais entêtante levée de légions de l'ombre... Rock'n'Folk ignore tout cela. Les Inrockruptibles aussi.
NINETIES
Le retour. Philippe Manoeuvre se retrouve bombardé conseiller spécial de la nouvelle équipe concoctée par les Editions Larivière. Son influence occulte se manifestera pleinement lorsque en juin 1993 il en devient le rédacteur en chef. L'a du flair. A souvent un coup d'avance sur l'attente du lecteur. Sa devise est simple : mieux vaut précéder le mouvement que le suivre. A ce petit jeu il pourra se prévaloir de bons scoops populaires.
A souvent plusieurs fers au feu. Z'avaient pas vu le punk en 77, ne laisseront pas passer le grunge. Hélas le leader de Nirvana ne supportant pas la pression tire sa révérence alors que la vague n'avait pas encore atteint son niveau culminant. Qu'à cela ne tienne Rock'n'Folk a son produit de remplacement Noir Désir. Le côté désirant de la force obscure. Sympathique, mais ne me serait jamais venu à l'esprit l'idée de les ranger dans le rayon rock. Plus grave l'on accueille à bras ouvert les premiers groupes électro. De grosses promesses pour finir par de la musique d'ambiance à la Michel Jarre...
Sur les couves Daho, Miossec, Manu Chao, Daft Punk, Air, M, avec en cadeau Bonux le désir toujours aussi noirâtre... je tais quelques noms, par pitié. Plus les héros bien-aimés des sixties, Bowie qui vieillit mal, Keith de plus en plus beau, Robert Plant toujours en expérimentation. La revue s'est remise sur roue. Mais ses hot rails ne mènent plus to hell. Elle redevient un magazine de qualité mais d'un rock ignorant de ses racines.
2000-2012
Je n'en ai pas parlé mais durant les vingt dernières années évoquées le rock a changé. Musicalement il s'est éventé. Le crotale que l'on avait enfermé dans le flacon de bourbon a profité que la bouteille soit restée ouverte trop longtemps pour prendre la poudre d'escampette. S'est réfugié où il a pu. Au fin fond des garages, chez les adorateurs des grosses ondes satanistes et ophidiques qui l'ont accueilli comme le nouveau messie, niche aussi dans le creux des contrebasse, l'adore entendre chanter Mystery Train, se croit déjà de retour au pays.
Mais de tout cela Rock'n'Folk n'en parle que par la bande. Pas celle des anciens revox en tout cas. Tout a changé, le matos et les manières de faire. Le rock est une industrie. Tous comme les petits commerçants des années cinquante n'ont pas vu arriver les hypermarchés des années 70, les majors sont à la traîne, l'informatique et le net les ont dépossédées de leur pouvoir. Tout un chacun peut jouer à l'apprenti-sorcier du Do It Yourself.
Philippe Manoeuvre est devenu un personnage médiatique. Parade dans des émissions de télé très variétoc... Beaucoup le lui reprochent. Moi je leur reprocherai surtout d'avoir une télé. Si encore ils ne la regardaient pas ! Bronca terrible lors de l'affaire des baby-rockers. Désolé, ce n'est pas un scandale pédophilique caractérisée. De simples soirées hebdomadaires organisées au Gibus pour permettre à de jeunes groupes parisiens de rencontrer leur public. Naast, BB Brunes, Plasticines en couve ! Un scandale ! C'est à ce moment-là que j'ai recommencé à lire la revue. Enfin un truc qui dérangeait ! Oui ils n'étaient pas au niveau des Stones en 63 et sonnaient aussi aigrelets que nos Pirates ( pas ceux de Johnny Kidd, mais de Danny Logan) de l'époque, mais qu'est-ce qu'ils ont secoué les certitudes ouatées d'un public rock assoupi depuis trop longtemps ! L'on ne remerciera jamais assez Manoeuvre pour cette bouffée d'air frais.
C'est que le rock est revenu. Libertines et White Stripes ont permis à toute une nouvelle génération de sortir de la voie sans issue du rap commercial ou spasmodique des cités, de s'échapper des envolées électroniques petites-bourgeoises des romantismes de pacotille et avant tout de recoller les morceaux d'une filiation perdue. Pas toute la jeunesse, ce qui est mieux. Le rock se doit de rester une musique minoritaire. C'est sa seule chance de survie. Ce qui ne le tuera pas, le rendra plus fort. Le mouve rockab et la wawe hard qui ont pratiqué des formes de d'auto-productions autarciques et, vis-à-vis du monde extérieur hostile la politique de la terre brûlée, sont devenus des citadelles inexpugnables qui se sont développées et affirmées en marge des médias.
LA CHEVRE ET LE CHOU
L'on ne survit pas cinquante ans dans le monde de la presse sans ménager la chèvre folle du rock'n'roll et la soupe au chou du business. Rock'n'Folk c'est un peu l'Histoire officielle du rock'n'roll. Toute légende y trouve un jour ou l'autre son conte. Mais toute bénéfique réussite y possède son compte. Faut la prendre comme elle est. Souvent un train de retard et parfois une locomotive d'avance.
Cet amoncellement de couvertures fera office de Radio-Nostalgie pour les vieilles générations. L'on râle mais faute de mieux on y revient. Les nouveaux arrivants en tireront de multiples enseignements. De belles surprises aussi. Risquent de voir se modifier les perspectives. De toutes les manières les choses ne signifient que ce que l'on veut qu'elles signifient.
Soyez comme Damie Chad. Sectaire, injuste, menteur, de mauvaise foi, calomniateur, vindicatif, péremptoire et dénonciateur. C'est encore la meilleure façon de se sentir vivant. Bouffez le chou et sodomisez la chèvre. C'est alors que vous serez rock'n'roll !
Damie Chad.
ROCK'N'FOLK.
METAL. Hors Série. N° 28.
Décembre 2012.
Cadeau de Noël de l'année. Non ce n'est pas donné. Ou alors contre 7,50 euros au point presse du coin de la rue. Pour le Hors-série de l'année R & F a sorti la grosse artillerie. Blindage épais. Spécial Métal. Attention tout le monde n'est pas invité. Huit élus plus deux medleys pour le Hair et le Black métaux. Lot de consolation pour tous les autres en fin de revue, dans la discographie sélective.
On ne s'aventure pas dans les groupes inconnus, l'on ne cherche pas à rivaliser avec Metallian qui peut vous sortir de son armure trente groupes plus destroy les uns que les autres dont vous n'aviez jamais entendu parler auparavant. Valeurs sûres. Par ordre chronologique, enfin presque, d'apparition publique.
Black Sabbath donne le la, funèbre. Cheveux longs et idées noires. A l'époque tout le monde rigole. Rock un peu primate. A fond la caisse. Et quand le morceau est fini, l'on en recommence un autre. Similaire. N'y a que des gamins de treize ans sans culture qui peuvent aimer cela. Les grands-frères sont barrés plus loin. Tripent encore sur les Beatles, ou autres chansonnettes. Vous pouvez ne pas aimer le sabbat noir – Ah ! Ah ! Ce satanisme de pacotille – n'empêche que l'Histoire du rock leur ont donné raison. Ils ont défini les codes.
L'on a déjà tout dit sur Led Zeppelin, alors Denis Parent nous raconte l'effet dévastateur des deux premiers opus du Dirigeable sur son cerveau de gaminos de quinze ans qui attend que le monde se révèle à lui et qui connaît l'illumination lorsque déboule sur son tourne-disque le riff incandescent de Whole Lotta Love. S'en est jamais remis. En bafouille encore quarante ans plus tard. Lui ce n'est pas grave. Mais Led Zeppe non plus. La fêlure au coeur du fan. Certes Led Zeppe a commis nombre de monstruosités merveilleuses conne cet Achille Last Stand, par exemple, mais ce n'était plus pareil. Des artistes. Des ciseleurs de riffs. Mais ne bétonnent pas assez. L'on regrette les grosses pelletées de ciment qui vous arrivent sur la gueule et vous l'arrachent en moins de deux. Le Zeppelin nous a joué de bien sales tours, le plus grand groupe de hard. On applaudit. Mais le plus grand combo progressive de la planète aussi. Meilleur en tout. Blessure secrète. L'on reste radical dans ses choix. Pas radicool.
Deep Purple. N'ont pas su s'arrêter comme le précédent. Changement de personnel incessant. L'arbre généalogique est aussi compliqué que celui des Valois. Eux aussi ils ont oscillé, se sont chauffés au tout électrique. Mais comme radiateurs ils se sont servi d'un réacteur nucléaire. Avec explosions en chaîne. Et en même temps jouaient aux écolos avec des orchestres classiques. J'avais un copain qui trichait: il copiait ces disques en ne gardant que les parties électrifiées. N'empêche que des galettes comme Machine Head, In Rock et le riff ( beethovenien ) de Smoke on the water en ont amoché plus d'un d'une sale manière.
Blue Öyster Cult. Le plus grand groupe de hard de tous les temps. A part qu'ils se sont lamentablement cassé la gueule à leur quatrième album. Agents of fortune avec son succès the Reaper qui leur a fauché toute l'énergie. C'était leur premier tube. Une douceur pralinée, un truc mentholé entre les Beach Boys, les Byrds et le Summertime de Gene Vincent. N'auraient jamais dû le sortir. Auraient dû détruire la bande. D'un coup ils ont balayé leur trois premiers albums. Tyranny and Mutation, c'était le titre du second. Tout un programme. Des idées en avance sur leur temps. Avaient pigé que tout est une question de son. Et de guitares. Par la suite ils ont tenté de recoller les morceaux. Mais ce ne fut plus jamais pareil. Ne sont plus qu'un bon groupe de scène. Sympathiques mais un tantinet has been. Quand on voit tout ce que Kiss mille fois moins doués ont réussi à tromper le public pendant quarante ans, l'on se dit qu'ils ont raté le coche.
Je passe rapidement sur AC / DC, les copains les ont tellement écoutés que je n'ai jamais éprouvé le besoin de posséder un seul de leurs disques. Motörhead. Pas vraiment du métal, mais un combo rock comme on les aime. Avec Lemmy qui joue son rôle de rocker, bête et méchant, cradingue et violent, tellement à la perfection qu'il ne sait plus quand il est lui-même ou quand il est son propre reflet. Avev Lemmy, vous doutez de tout sauf du rock'n'roll et de l'authenticité de son attitude.
Je vous laisse découvrir le reste du numéro par vous-même. Après tout vous êtes assez grands pour vous dépatouiller tout seuls. Un conseil méfiez-vous de Metallica et de Pantera. Portent bien leurs noms.
Damie Chad.
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17/01/2013
KR'TNT ! ¤ 127. BB KING
KR'TNT ! ¤ 127
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
17 / 01 / 2013
KING OF THE BLUES
B.B. KING / SEBASTIAN DANCHIN
( Editions du LIMON / 1993 )
Fallait pas hésiter, c'était écrit en gros : Eddy Mitchell présente Les Rois du Rock, y avait déjà eu Chuck Berry et Bo Diddley dans la série, j'étais mineau mais dans le dictionnaire du jazz que je possédais B.B. King était bien répertorié parmi les neuf grands rockers du siècle avec Bill Haley, Elvis, Gene, Buddy, Eddie, les deux susnommés et cette grande folle de petit Richard. Mes économies du trimestre y passèrent mais ce n'était rien à côté de ce qui m'attendait.
B. B. King, je ne connaissais que de nom. A l'époque pouvais pas confondre avec Albert King ou Freddie King, le blues était un continent noir où je n'avais guère eu l'occasion de traîner les pieds. Un tout petit peu dans le Delta avec la séquence blues du Pop Club de José Arthur, mais Pierre Lattès qui présentait ne montait jamais jusqu'à Chicago. Bref j'étais aussi innocent que l'enfant qui vient de naître et que Seigneur s'apprête à plonger dans notre monde de turpitudes.
Méfiant, j'avais attendu d'être seul avant de poser la chère galette sur le pick up. Rien de plus malvenu que des commentaires parentaux et insidieux sur la musique de sauvages que je me mettais à écouter. Surtout que, à franchement parler, le sourire en coin de l'artiste sur la pochette n'était pas des plus honnêtes, vous regardait un peu trop par en dessous. Photo en noir et blanc des plus classiques, rien de délirant, col de chemise et veste de velours côtelé des plus insignifiants, mais comme disent les grand-mères, à mauvais chic, mauvais genre. Ce qui n'était pas du tout pour me déplaire.
J'avais fait coup double, deux disques pour le prix d'un. M'a fallu réécouter plusieurs fois pour entendre la version subliminale. Enregistrement public, je supposai au pire des claquements de mains polis à la fin des morceaux ou au mieux un frénétique bruit de fond tout le long de la prestation. Je n'y étais pas. Un truc hallucinant. Le disque était monophonique mais me sauta aux oreilles l'évidence de deux enregistrements concomitants. Au fond il y avait bien un gars qui chantait et qui jouait de la guitare, plutôt bien d'ailleurs, mais ce n'était pas cela le plus important.
Devant il y avait le blues. Je ne l'ai compris qu'après. Ce n'est que quelques jours plus tard que j'ai mentalement enlevé la mention rock et apposé l'étiquette Blues sur B. B. King. Incroyable, B. B. jouait et chantait et le public donnait l'impression de n'en avoir rien à foutre. Semblait se passionner pour autre chose. Gueulait, hurlait, criaillait, applaudissait de manière fort impromptue sans compter les vociférations de trois ou quatre femelles en rut qui s'égosillaient sans fin. Avec en plus cette évidente certitude, cette foule n'était nullement hostile ou vindicative, mais y prenait au contraire un plaisir jubilatoire pour ne pas dire éjaculatoire, et idolâtrait le chanteur dont elle semblait ne pas faire fi. Un comportement déstabilisant. C'était le blues. Aujourd'hui quand quelqu'un me parle des racines noires du rock'n'roll, je sais ce que l'expression signifie.
Différente, une musique différente, à part, le blues. Quelque part il existait une réalité objectivement séparée de mon vécu de petit blanc européen, une culture hors de moi, mais une frontière ouverte qu'il suffisait de vouloir franchir pour se retrouver aussitôt dans un ailleurs aussi accueillant que chaleureux.
Mais sur le deuxième sillon de cette fausse stéréo il y avait du monde aussi. Une guitare qui prenait toute la place, à tel point que d'abord j'ai pensé que B. B. King chantait mal. A ma décharge il est important de préciser que la voix n'est que le contrepoint de la note délivrée par les cordes, chant et guitare sont à écouter ensemble, comme un binôme inexpugnable. L'atome originel que personne ne parviendra à couper. L'une parle et l'autre répond, l'une dit et l'autre souligne. Chacune comme le contrefort arc-bouté sur la paroi de l'autre. Toute l'énergie contenue dans ce duo intarissable. Avec ce mystère tremblé qui fait que quand l'une prend la parole, l'autre ne se tait pas, même si elle laisse tout l'espace à l'autre, on ne l'entend plus mais toute sa présence réside en son attente, en notre attente. Car c'est nous qui sommes le manque et puis le réceptacle de cette absence qui se solidifie dans le cocon de notre désespoir, car toute attente est par essence désespérée, même si l'on est sûr qu'elle sera, l'espace d'une seconde séculaire, comblée. C'est ainsi que le blues nous parle, que nous entrons en communication avec lui et que nous nous posons en plein milieu de la conversation.
Passionnante. Tellement pris par le feu roulant des réponses sans questions que l'on en oublie, tout le reste. L'orchestre, la batterie, la basse, les deux saxophones, sont là, font partie du paysage, le ponctuent et le délimitent mais se fondent tellement en lui qu'on ne les perçoit pas. L'on en revient toujours sur le timbre du B.B., il crie, notre blues-shouter, mais la voix ne force jamais, elle est comme étranglée, porteuse et porte d'angoisse et en même temps soupape de sécurité. Qui laisse échapper le trop plein d'énergie mais qui détient et retient l'incertitude avérante de l'explosion, pour mieux la guider vers sa concentration maximale.
Alors que le jazz s'applique à maintenir celle-ci en une sempiternelle instabilité, le rock'n'roll s'empresse d'allumer la mèche pour en hâter la libération. C'est en cela que le rock procède du blues. Alors que le jazz qui fait son malin y remonte. N'avaient pas tout à fait tort Barclay and Eddy de classer B.B. King parmi les rois du rock. Ces deux musiques, la brune et la blonde, la bleue et la blanche, sont des soeurs incestueuses.
SEBASTIEN DANCHIN
Après cette petite intro, il serait peut-être temps de passer au bouquin de Sébastian Danchin. N'ai que l'édition originale de 1993, l'a retiré en 2003 en version augmentée. C'est que B. B. King est carrément increvable, aujourd'hui âgé de quatre-vingt sept ans il parcourt le monde en donnant des dizaines de concerts, peut-être que l'année prochaine en 2013 Sébastian Danchin nous offrira une deuxième réactualisation.
Question blues Sébastian Danchin n'est pas – si j'ose employer cette expression – un bleu. Passionné de musique noire, il a vécu à Chicago, guitare à la main, réussissant à jouer avec Son Seals dont le père fut musicien de Bessie Smith. Façon transmission et compagnonnage vous trouverez difficilement mieux. A commis plusieurs livres sur des musiciens noirs, d'Earl Hooker – guitariste slide hors-pair, cousin de John Lee, copain de Bo Diddley – dont on ne parle jamais assez, à Prince dont on cause trop. Son Encyclopédie du Rythm & Blues et de la Soul parue chez Fayard reste un must. Pas monomaniaque pour deux ronds de frites il a aussi consacré deux livres à Elvis Presley.
LES DEUX ROIS
C'est l'autre roi. Car il y en a deux. Celui du rock'n'roll et celui du blues. Ce qui tombe bien, puisque c'est le premier qui écouta le second sur la radio. Retraçant les racines noires du rock'n'roll blanc nous en avons déjà parlé, le jeune Elvis écoutant à la radio le disc-jockey noir sur WDIA. Le livre révèle la face cachée de l'iceberg.
L'iddée était venue à B. B. King en entendant Sony Boy Williamson sur KKFA. Un malin ce Rice Miller, l'avait volé son appellation incontrôlée à... Sonny Boy Williamson, harmoniciste du delta qui l'aurait volontiers trucidé pour ce vol de propriété intellectuelle et de célébrité musicale... Mais surtout bien avant les agences modernes de publicité il avait tout compris de la future société de consommation et de communication. Avait réussi dès 1941 à entrer dans les émissions sponsorisées par le fabricant de farine King Biscuit. B.B. qui criait alors famine dans les rues de Memphis en discuta avec Sonny l'embrouille et pigea très vite la combine. Jouer en direct live sur l'antenne ou présenter quelques disques, c'était l'occasion inespérée d'annoncer jour après jour ses propres concerts et ses propres engagements. Ce qui ne pouvait que l'aider à toucher un large public et surtout ce qui assurait aux bars ou aux salles qui le programmaient une publicité gratuite...
Nous sommes en 1948 et B. B. King travaillera jusqu'en 1953 sur WDIA. C'est ainsi qu'apparaît notre deuxième monarque : Elvis qui a pris l'habitude d'écouter un certain disc-jockey surnommé Beale Street Blues Boy qu'il ne tardera pas à rencontrer dans les clubs de l'artère maudite de Memphis City. B.B. fréquente aussi les studios d'un certain Sam Phillips qui sur sa marque Sun n'enregistre que des artistes de couleur.
Magnifiques symboles, alors qu'Elvis travaille déjà sans en être conscient à la future éclosion du rock'n'roll, son chemin croise celui qui apportera le blues à un large public, et qui comme en une ultime révérence aux lointains débuts du blues se fait sponsoriser par Peptikon une sorte de fortifian miracle qui n'est pas s'en rappeler les voitures itinérantes des medecine shows...
MAUVAIS DEPARTS
B.B. a désormais les deux pieds dans les starting blocs du succès. Mais ne croyez pas pas que ce fut une partie de plaisir pour en arriver là. Né en 1925, Riley B King élevé par sa grand-mère, orphelin à neuf ans, la vie de celui que l'on appellera B et plus tard B. B. n'a pas été facile. L'a tout de même pu apprendre à lire et à écrire, écoutera les disques de sa tante, de Blind Lemon Jefferson à Robert Johnson, et sera initié au blues par son oncle, ouvrier agricole qui n'arrête pas d'en chantonner. Ajoutez à cela le gospel à l'église pentecôtiste du coin et le travail dans les champs pour le compte d'Henderson, un propriétaire blanc comme il se doit, et vous aurez la panoplie parfaite de l'enfance d'un roi du blues dans le Mississippi profond.
A la mort de sa grand-mère – il a quatorze ans – il ira travailler chez Flake Cartledge, petit fermier, un oncle des Henderson, qui le traitera avec humanité. Le travail est dur, mais relativement bien payé... B.B. peut s'acheter une guitare, et superbe promotion sociale, à dix-huit ans son nouveau patron chez qui il effectue un service civil – nous sommes en 1943 - lui confie la conduite d'un tracteur... C'est là aussi qu'il entendra pour sur KFFA l'émission King Biscuit Time avec Sony Boy Williamson et Robert Junior, le beau-fils de Robert Johnson...
B. B. a trouvé sa vocation, commence à courir les Juke Joints du coin pour entendre ses idoles radiophoniques mais aussi Muddy Waters et bien d'autres... En 1945, n'y tenant plus c'est la première anabase du King sur Memphis. Trouvera refuge chez Bukka White, un lointain cousin, surtout connu pour être aussi – comme le grand monde du blues est petit ! - le cousin de John Lee Hooker. BB a beaucoup joué dans les rues, y a appris des dizaines et des dizaines de morceaux – du blues le plus noir à la chansonnette de variété la plus pâlichonne, mais la fortune n'a pas été au rendez-vous. En 1947, il rentre à la maison, et passe l'été à ramasser du coton. Economies en poche, il repart à Memphis, nous sommes en 1948...
LA MONTEE EN FLECHE
Ce coup-ci sera le bon. Doucement mais sûrement... dès 1950 il enregistre au studio Sun son premier single pour RPM des frères Bihari... Three O'Clock Blues entre au Billboard dans les derniers jours de l'année 1951. En quelques mois B.B. King devient la grande vedette du blues. Et l'âge d'or durera dix ans.
Mais B. B. King est-il un véritable bluesman ? L'histoire officielle affirme qu'il en est le plus talentueux et le plus digne de ses représentants. Ce qui est indiscutable. Mais monté à Memphis, B.B. King n'est plus un coureur de route. Avant de s'électrocuter à Chicago le blues du delta va connaître à Memphis, big city d'étape, sous l'impulsion de B. B. une première transformation. Très modestement notre guitar-hero ne la revendique pas. L'argent qui vient lui permet de recruter et de payer quelques musiciens d'accompagnement. Ce n'est plus B.B. et sa guitare mais B. B. et son orchestre, jusqu'à onze personnes !
L'a pu le faire car il en a eu les moyens financiers. Si tous les premiers bluesmen se sont contentés d'un ou deux accompagnateurs la plupart du temps, ce n'est pas de leur faute. Auraient bien eu envie de s'adjoindre eux aussi une section de cuivre. Z'ont fait ce qu'ils ont pu avec leurs petites mains et leurs vilaines guitares. L'occasion fait le larron. L'on a des témoignages oraux et incertains qui affirment que dans les derniers mois de se vie Robert Johnson avait un backin'group de six musicos...
B. B. King n'est-il pas de fait un des promoteurs du rhythm'n'blues ? N'est-il pas de fait l'inspirateur de Bobby Blue Band qui débuta dans le métier comme son homme à tout faire et son chauffeur. ? Joue sur tous les tableaux, du blues le plus pur à des thèmes beaucoup plus populaireS, ce qui lui permet aussi de mordre peu à peu sur une petite frange du public blanc. Mais aussi de perdre de vue son public de couleur.
BLUES EN BERNE
Les noirs ne se reconnaissent plus dans les orchestration jazzizantes de B.B. King. A priori ce serait une bonne nouvelle. N'aurait plus qu'à revenir au bon vieux blues d'antan. Mais le problème c'est que justement les noirs qui luttent pour les droits civiques entendent renvoyer aux oubliettes le souvenir des temps maudits et honteux de l'esclavage. Phénomène qui s'accroîtra avec le temps. Aujourd'hui le public du blues est plutôt blanc et européen...
Au début des années 60, B.B. entame une longue traversée du désert. Comme par hasard les meilleurs disques de cette époque furent les lives At the Regal et The Blues is King, il suffit que vous relisiez ci-dessus l'évocation du trésor présenté par le grand Schmall pour comprendre. Le Live At The Regal est considéré par beaucoup comme le plus grand disque de blues jamais enregistré. Ce genre de titre un peu pompeux ne veut peut-être rien dire, mais il faut avouer que le 33 Tour est un chef d'oeuvre absolu. Mais qui vient trop tard, qui ne peut plaire qu'au noyau dur des fans les plus intransigeants de la musique bleue. Pour la petite histoire B.B. King ne partagea jamais l'enthousiasme de ses fans quant à cet enregistrement.
La galette du roi, si succulente fût-elle ne lui permit pas de rebondir...
LE BLUES DES BLANCS
Comme toujours le succès vint d'où B. B. ne l'attendait pas. Avant de casser sa pipe en 1965, Sonny Boy Williamson avait trouvé la solution. S'en était allé chez les rosbeefs qui avec les premiers disques des Stones découvraient le blues. Avait tourné avec comme orchestre d'accompagnement les Animals et les Yardbirds. Mais la mort lui avait interdit de capitaliser son succès.
B.B. King mit plus de temps pour comprendre. Ce n'est qu'en 1970 qu'il se risque sur la scène du Fillmore West à San Francisco, en quelques accords notre bluesman est adopté comme leur père spirituel par des milliers de jeunes blancs qui lui font un triomphe. B. B. King devient une icône de la génération rock des années 70. Il jouera avec Jimi Hendrix et se voit offrir la première partie de la prochaine tournée des Rolling Stones... C'est parti, et quarante ans après la pression n'est pas retombée.
LE ROI DU BLUES
B.B. King n'est ni un guitariste, ni un chanteur de blues. Il est devenu une légende vivante, l'ambassadeur du blues aux quatre coins de la planète du Canada au Japon, sur tous les continents. Des centaines de concerts, tous les ans sans s'arrêter. A reçu les plus grands honneurs, professeur émérite de plusieurs universités, Dieu en personne, Eric Clapton, l'a reconnu comme son maître, et plus personne n'ose dire du mal de lui...
Du haut de ses quatre-vingt sept ans il assure comme une bête, faut voir comment chaque soir il astique la petite Lucille, sa guitare lui arrachant des miaulements de chatte en chaleur. Son public de rocker a vieilli, s'est fatigué – alors que lui pète une forme d'enfer – mais se renouvelle sans cesse. Aujourd'hui l'on y trouve l'arrière-garde des cultureux qui arrivent longtemps après la bataille, faire amende honorable et s'agenouiller béatement devant le maître. N'écoutent pas le blues, révèrent l'institution.
Mais tout cela n'est que de la foutaise. Seuls les imbéciles se laissent prendre au piège de la renommée. Il suffit de l'écouter jouer, chanter ou même parler trois minutes pour s'apercevoir que chaque matin, lorsqu'il se lève B. B. King, infiniment simple, infiniment modeste, à près de quatre-vingt dix ans, a encore le blues.
Damie Chad.
URGENT, CA PRESSE !
ROLLING STONE N° 50.
Janvier 2013.
Aux USA ce n'est plus un magazine mais une institution. Presque aussi vieille que les Rolling Stones. A ses débuts en 1967, la revue tente de courir après le mouvement hippie. Elle en propose une version acceptable par le grand public progressiste. Cocktail-molotov pour les tièdes, pétard mouillé pour les militants. S'est constituée à l'ombre du rock des seventies. A toujours soutenu les aspirations les plus libérables de la petite-bourgeoisie américaine. Comprenez qu'elle s'inscrit plutôt dans le camp démocrate que républicain.
Dans ses heures de gloire elle accueilli la crème des journalistes rock comme Lester Bang ou Greil Marcus. Par la suite son premier lectorat vieillissant lui faisant quelques infidélités, elle a tenté de séduire les nouvelles couches de la jeunesse beaucoup plus intéressée par les acteurs des séries télés et du cinéma... Vivant sur son prestige la revue a essaimé, en Europe et notamment en France.
Le concept est simple : la version indigène repose sur les archives de la maison mère tout en collant le plus possible à la réalité sociologique et la mentalité culturelle du pays colonisé, ce qui se traduit par un mix plus ou moins réussi d'articles traduits ou écrits par des locaux. Comme un fait exprès alors que je m'apprêtais à mettre en ligne l'article sur BB King, Rolling Stone, version française nous offre la traduction d'un papier paru dans the Guardian le six novembre 2012 d'Ed Vulliamy honorable correspondant de The Observer et de The Guardian dans la bonne pomme de New York.
Ed Vulliamy rend compte d'une entrevue avec BB King en des circonstances présentées comme exceptionnelles, chez lui – enfin presque – à Indianapolis où il passa son enfance et sa jeunesse à ramasser du coton. A quatre-vingt six ans l'on pardonnera à BB King de ne pas se répandre durant des heures. Mises bout à bout ses réponses ne forment pas un texte bien long, mais Ed Vulliamy les englobe si bien à un article de fonds sur toute sa vie, les consolidant de citations d'autres interviewes ou de livres consacrées à notre héros royal que nous avons l'impression qu'il a causé durant des heures.
Ne dit pas beaucoup. Mais chaque mot porte. Pas du tout la grosse tête. Reconnaît sans numéro de pseudo-fausse modestie que beaucoup de guitaristes sont meilleurs que lui, surtout chez les blancs. Lui, il se contente de jouer comme BB King. Ne sait pas faire plus, mais c'est ce qu'il fait de mieux que tous les autres. Ne détient pas le savoir universel du blues, un gars comme Clapton lui en a remontré sur certains points. Le blues est un idiome universel à la portée de tous. Mais pas de n'importe qui.
Le chemin du blues n'est pas terminé indique-t-il. Obama n'est pas le bout de la piste. Une étape. Au milieu du trajet. Reste autant de miles à parcourir que tout ce qui a été déjà effectué. Point trop d'illusion, Mister BB. Si les noirs ne se font plus traiter de sales négros à chaque coin de rue, les mentalités et les progrès sociaux n'évoluent que très lentement. N'en dira pas plus mais n'en pense pas moins. Les honneurs et la gloire ne l'ont pas perverti. BB King n'est pas dupe : les fumées d'encens dont on le recouvre sont aussi un moyen de cacher bien d'autres misères.
C'est tout de même Jimmy Page qui est en couverture. Une photo du bon vieux temps de Led Zeppelin. Faut reconnaître qu'une photo de hard rocker blanc en pleine jeunesse est est un argument de vente beaucoup plus porteur que le portrait d'un bluesman octogénaire... Jamais vu un titre si menteur : Jimmy Page dit tout ! N'en croyez pas un traître mot. Jimmy Page ne dit rien. Garde son droit de retrait. Devant la connerie ambiante. Sait qu'il est inutile de convaincre les imbéciles. Aussi préfère-t-il se taire que tenter de se justifier. Ne donne pas dans la palinodie. Ne regrette rien. Refuse de présenter ses excuses.
A fait ce qu'il a fait. Point. Barre. Impossible d'y revenir. La vie n'est pas réversible. Inutile de pleurer sur le Dirigeable. L'on aurait pu rajouter quelques légendes à la saga, mais les évènements et les hommes ne l'ont pas voulu. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Led Zeppelin était au-delà de si puériles notions. Vous pouvez toujours rêver d'y rajouter l'épisode manquant, ce qui compte c'est que l'on ne peut rien en retrancher. Il n'aborde même pas le sujet, mais l'on ne peut s'empêcher de penser avec lui que notre époque est bien trop étriquée pour autoriser trop longtemps le stationnement du Dirigeable dans les parc-mètres du sociologiquement correct.
Connaît l'art de renvoyer les tartes à la crème. Lorsque l'interviewer se laisse aller à une évocation d'Aleister Crowley, rétorque qu'on ne l'interroge jamais sur Dante-Gabriel Rossetti qu'il vénère tout autant que la Bête Magick. La perche est tendue, mais David Frike ne sait pas la saisir. Sans doute ne la voit-il pas. Mais Rossetti ne serait-il pas une figure identificatrice de Robert Plant ? En un sourire Page nous dévoile des abysses de songeries réflexives.
Côté Frenchies, deux doubles page de Pierre Mikaïloff – voir notre Livraison 121 du 08 / 12 /12 Sur sa belle radiographie du punk – sur les vingt ans de Tostaky l'emblématique album de Noir Désir qu'il n'hésite à qualifier de meilleur disque de rock français. L'erreur est humaine. N'est même pas crédité dans les cents premiers de ma liste perso. Elle n'est pas encore établie, mais c'est tout comme.
Philippe Barbot nous régale d'un article sur Christophe. Nous joue sempiternellement son même numéro depuis vingt ans, le père Christophe : dandy de la nuit, beau bizarre et mots bleus. Sait soigner son look – admirables photographies de Claude Gassian – et sa prose. A tel point qu'on en oublie de poser les questions les plus intéressantes, celle sur sa deuxième période que tout le monde occulte, l'on se demande pourquoi ( mais je l'imagine très bien ), celle de son premier come back au début des seventies en chanteur minet, moustaches blondes et slows romantiques... le décadentisme en personne.
Plein d'autres choses : n'ai pas lu l'article sur Lou Reed qui me désole depuis qu'il n'est plus accompagné par Steve Hunter et Dick Wagner. Vous recommande celui sur Creedence Clearwater Revival dans lequel John Fogerty n'est pas présenté comme la sympathique victime du méchant P.D.G. de sa maison de disques...
Damie Chad.
BLUES MAGAZINE. N° 67.
Janvier. Février. Mars. 2013
Mini-format mais panorama complet du trimestre blues. Le précédent. Comme les vacances sont terminées depuis longtemps c'est un peu fatigant de se replonger dans la kyrielle des festivals blues de l'été, oublié depuis longtemps sur l'étagère aux accessoires dépassés. Tout le monde est trop bon, trop top, trop trop... Même les Blues Caravan, trois filles, trop jolies, trop classe, top guitare, les ai jamais entendues mais nos trois demoiselles venues d'Angleterre et du Missouri paraissent surtout le produit « More girls with guitars » sorti tout droit de la tête de leur promoteur Thomas Ruf. Je dis ces méchancetés parce que je n'étais pas au Billy Bob's voici presque un an, sans quoi comme je me connais suis sûr que j'aurais succombé sous les arguments de ce trio de choc.
Si vous caressez tous les soirs votre guitare en rêvant d'être la future étoile de la six cordes, ne lisez pas l'article Guitaristes de Blues : la relève. Y en a au moins cent cinquante meilleurs que vous déjà nominés dans Blues Magazine. Le truc à vous filer le bourdon pour trois semaines. Faudrait la moitié de l'existence pour parvenir à se faire une idée si l'on voulait les écouter un par un. A croire que le monde est peuplé de guitaristes de blues. Ca pousse comme la chienlit en Mai 68.
N'essayez pas de m'accuser de tirer la couverture de laine bleue du blues à moi pour mieux vanter le couvre-lit de soie rouge du rock'n'roll mais le meilleur article du zine, le plus fouillé, le plus précis c'est encore celui consacré à un des pionniers du rock'n'roll Billy Lee Riley. Une carrière en demi-teinte. Partie sous les meilleurs auspices. Puisqu'il fait partie de la mythique écurie Sun. Juste un petit problème. Sam Phillips ne l'aime guère. Caractère peut-être un peu inconstant. Et forte tête en même temps. Carrière en quart de teinte. Jusques à sa redécouverte en Europe par les fans de rockabilly. Flying Saucers Rock'n'roll repris par tous les combos rockab de la planète lui donne l'immortalité que la vie lui a refusé le 2 août 2009... Un pionnier. Un vrai. Un grand.
Damie Chad.
01:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/01/2013
KR'TNT ! ¤ 126. ROCK FRANCAIS 1960 - 1985.
KR'TNT ! ¤ 126
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
10 / 01 / 2013
ROCK FRANCAIS 1960-1985 |
ROCK'O'RICO
25 ANS DE CULTURE ROCK EN FRANCE
CHRISTIAN-LOUIS ECLIMONT
( Novembre 2012 / Editions GRÜND )
Ne faites pas comme moi. D'abord je suis inimitable, ensuite c'était une erreur. Lorsque je l'ai entrouvert et feuilleté rapidement, je n'ai vu que les photos. Il y en a un max. J'éprouve toutefois un faible pour le texte. Alors je l'ai reposé sur le présentoir et suis sorti du magasin. Deux heures plus tard, poussé par l'instinct bestial du rocker en manque d'information, tout comme l'assassin qui retourne sur les lieux de son crime, suis revenu le chercher en maugréant. Somme toute je verrai bien à l'usage.
A ROCKIN'DATE
Un truc me chiffonnait. Surtout qu'il n'est pas annoncé de tome 2. Que le bouquin commençât en 1960 pour faire un compte rond je l'admettais, mais qu'il finît en 1985, tout juste quelques années après Vingt Ans de Rock Français de Christian Victor et Julien Regoli paru en 1978 – le KR'TNTreader impénitent ne manquera pas de se rapporter à notre cinquante-huitième livraison du 23 / 06 / 2011 – je n'en voyais pas l'utilité.
Question dates, y avait encore le découpage qui me tarabustait. 1960-1966, me semble une erreur. J'aurais arrêté en 1964 et rajouté un interrègne 65-69 en lieu et place du 1967-1976 choisi par Christian-Louis Eclimont. Pour la troisième section 1976-1985 je serais plus coulant. Enfin nous en reparlerons.
Faut dire que Christian-Louis Eclimont procède d'une logique qui n'est pas dépourvue de raison. Le coeur a ses raisons que le rock ignore. Connaît tout de même son sujet et il ne s'est pas contenté de recopier les bios qui traînent sur internet. Certes il n'est pas parfait. N'a-t-il pas commis dans un passé proche ( 2011 ) un livre laudatif sur Georges Brassens ? Ce n'est pas un monomaniaque du rock, possède même un autre hobby qui roule : le cyclisme. On fermera les yeux sur tous ces défauts congénitaux en se remémorant son Swinging Sixties en 2009. Comme disait Keith Moon, un individu qui aime les Who ne peut pas être entièrement mauvais.
1960-1966 : L'EXPLOSION JEUNE
Passons sur l'introduction de Jean-Bernard Hebey, présentateur de Salut Les Copains, et soi-disant, selon sa biographie officieuse, introducteur de la Pop-Music sur RTL. Je voudrais pas cafter mais à l'époque il y avait un bon moment que le Président Rosko sévissait sur ces mêmes ondes avant qu'il ne débarquât devant le micro luxembourgeois. L'idée du rock, musique miroir du vingtième siècle ne tient que lorsque l'on a le courage de briser la glace ( tiens, voici Pete Tonwshend et son mongolito de Tommy qui passent en arrière-plan ) réfléchissante. Car seuls certains fragments sont indispensables. Ceux qui vous transportent hors de vous-mêmes.
Un bon point pour Christian-Louis Eclimont, n'a pas épuisé le bla-bla sociologique convenu – société de consommation et baby boom – qu'il tape à coups de chaînes de vélo sur Boris Vian, l'imbécile prétentieux, le jazzeux culculturel, qui ne supporte pas le rock, le décrie, le vilipendie, l'escamote et l'utilise sans oublier de se servir au passage dans le tiroir-caisse. Au moins nous sommes deux à jouer aux fléchettes sur cette baudruche puante de suffisance égrillarde.
Puisque nous sommes partis pour dire du mal enchaînons sur Albert Raisner – un célèbre harmoniciste des années cinquante – pseudo-country imitateur des génériques western - qui n'a jamais réussi à filer le blues à quiconque, ce qui entre parenthèses est un comble quand on joue du même instrument que Sonny Boy Williamson, et qui se la pétait grave en présentant sa célèbre émission, Âge Tendre et Tête de Bois. Un galimatias innommable, qui mélangeait tout, le rock le plus pur à la variété la plus cloche. Même proportion que le pâté d'alouette : un oiseau rock pour un cheval de bêtise. Une entreprise de châtrage domestique. Le rock aux angles arrondis. Des commentaires de bonimenteur. Salissait tout ce qu'il touchait. Rapetissait tout. Si les yé-yé ont fini par détrôner le rock en France, Raisner y fut pour beaucoup. En lui confiant la seule émission télé qui passait régulièrement du rock, le pouvoir médiatique avait bien choisi son homme. Eteignoir professionnel.
Car c'était cela le rock en France dans les années soixante. Le papillon est sorti de son cocon mais il n'a jamais pu déployer ses ailes. On s'est dépêché de les lui brûler avant qu'il ne se précipitât de lui-même sur la flamme rougeoyante des révoltes aurorales. L'explosion jeune ! C'est vrai que l'on vous en a vendu de la jeunesse à en voilà en voici, même si vous n'en voulez plus. Overdose de jeunisme. Un marché intérieur captif en pleine expansion. Soyez sûrs que l'on n'allait pas laisser s'envoler le fromage, quitte à tuer dans l'oeuf le corbeau noir du rock'n'roll qui le tenait dans son bec.
Dès les premières heures le rock a dû apprendre à louvoyer. Avec le marché et les médias. Rien à redire, z'ont sacrément bien fait leur boulot. Ont désamorcé les grenades une par une. Ont remplacé l'explosif par du plâtre. Qui lave plus blanc. Maintenant faut être juste. Les jeunes étaient jeunes, et surtout très bêtes. Chantaient plutôt mal et jouaient de leur instrument pas très bien du tout. Mais ce n'était pas grave. C'est du côté de la cervelle qu'il y avait comme un vide. Un trou béant. Se sont engouffrés dans les années soixante sans savoir où ils allaient. Ne pensaient qu'à s'amuser. Les générations précédentes qui s'étaient reçues la première et puis la deuxième mondiale sur le coin du museau avaient tendance à voir le mauvais côté des choses. Alors ces galapiats qui exigeaient de l'argent de poche pour acheter des disques de bruits inécoutables... Vous parle même pas des filles qui se dévergondaient. En public, comme si elles ne pouvaient le faire discrètement. Comme leurs mères.
Le rock en France a toujours été un bâton merdeux. Vous ne pouvez le prendre par aucun de ses bouts. Mais le génie national possédait son arme secrète. Même pas atomique. Mais grande pourfendeuse des groupes – on les a estimés à plus de six mille – et des carrières. Personne ne vous empêchait de faire deux ou trois 45 tours de vinyl, mais très vite l'armée vous appelait. Avec la guerre d'Algérie en prime certains se sont payés jusqu'à trois ans de vacance gratuite.
Johnny, Eddy - y a laissé jusqu'à ses dernières chaussettes - et Dick ont pu négocier le virage. Mais pour la plupart des combos ce fut la Bérézina. Pas le pont, l'eau glacée. L'on reste atterré lorsque l'on étudie la discographie des groupes les plus connus. Trois, quatre disques, et puis bye, bye les amis. Heureux ceux qui décrochèrent un trente-trois tours ! L'on s'est souvent gaussé des prouesses vocales et instrumentales de ces pionniers. Mais on ne leur a pas laissé le temps. Ont découvert la guitare le jour où ils l'ont achetée. N'étaient pas à de rares exceptions – qui d'ailleurs ne provenaient pas en droite ligne musicale du rock – des virtuoses. Quant aux chanteurs qui essayaient de reproduire le haché biseauté de l'englishe sur la ligne mélodique du français ils ne sont jamais parvenus au bout de leur peine. C'est que là tout était à inventer et rien à imiter.
Aujourd'hui, cinquante ans après, il ne reste plus – dans l'inconscient collectif - que des noms. Qui écoute encore Danny Logan et les Pirates, Danny Boy et les Pénitents, les Missiles, El Toro et ses Cyclones, les Aiglons, les Panthères, les Mustangs, les Vautours, les Pingouins et toute la ménagerie... hormis les rescapés de l'époque, plus près du cimetière que du berceau, qui se rappellent une larme à l'oeil leur folle jeunesse ? Les collectionneurs de disques et quelques fans de rockabilly encyclopédistes qui veulent absolument tout connaître de l' époque légendaire. Oui.
Et non. Car les disques circulent. Les rééditions CD, même quand elles finissent dans les bacs des soldeurs s'écoulent doucement. Il existe un véritable revival qui va de la pire exploitation commerciale style les Vinyls à la recréation révérente des Socquettes blanches. Tout cela se déroule encore dans l'impasse des nostalgies périmées. Mais l'essai malheureux ( et pas du tout transformé ) d'un groupe comme Mustang en 2006 qui s'en est allé fouiller dans les premières poubelles de l'histoire du rock français afin de peaufiner leur son en gestation nous incline à penser que tout un travail de réévaluation de cette époque reste à faire. Mustang s'est seulement trompé sur toute la ligne en interprétant cet héritage selon une dérive pop-mode à l'opposé de l'ancrage initial 100 % Rock comme l'affirmaient Les Chaussettes Noires sur leur premier 25 centimètres.
Puisque nous venons de hisser le drapeau noir autant en profiter pour évoquer la geste des Blousons Noirs. Christian-Louis Eclimont l'aborde par son côté le moins rugueux. Lorsque l'herpès social vous démange sortez vite votre tube de pommade sociologique. Ce qu'il y a de bien avec les Blousons Noirs c'est qu'ils ont très vite disparu des écrans radars de la société médiatique. Se sont rangés des voitures. Ont été bouffés par la société de consommation. Ont vu leur prestigieuse aura très vite annexée par les Rockers anglais. Ont adopté le look hippie. Sont rentrés dans le Milieu. Ont cédé la place aux petits loubards. Se sont retrouvés chez les Rockies, chez les Cats et même chez les Teds. Mais l'appellation contrôlée, plus personne ne la revendique depuis belle lurette. L'on oublie le principal : c'est que les Blousons Noirs furent les premiers porteurs du rock en France. Pas les introducteurs. Mais les passeurs. Les stalkers pour employer une image filmique. Ces fils de rien, issus du lumpen, ont tout de suite compris la colère, la hargne et la violence anti-sociétale véhiculée par le rock'n'roll. Se sont drapés de ses oripeaux flamboyants et l'ont transformé en culture. Plus tard la petite-bourgeoisie parlera de culture-underground. L'on y adjoindra le retour à la nature, la bouffe végétarienne et les énergies cristalliques. L'on étirera le concept jusqu'à sa propre parodie : ouvrez un poste de télé ou de radio, vous êtes sûr de tomber sur un spécialiste qui vous tartine des trémolos de bio-diversité et de développement durable. De l'anarchie la plus noire l'on s'est laissé glisser dans le gris pathos des discours lénifiants les plus libéralement catastrophiques. Les Blousons Noirs n'avaient qu'un seul défaut : ils n'étaient pas sociaux-démocrates. Point du tout compatibles. On les a éradiqués. Comme les tribus apaches. Dommage qu'ils n'aient pas su générer un Géronimo pour mener une résistance désespérée mais symbolique. Les bandes se sont éteintes d'elles-mêmes. Ne restent plus que le souvenir de leurs dieux tutélaires, Gene Vincent et Vince Taylor. Mythologie.
LE STYLE ANGLAIS
Après 1964 tout change. Les anglais débarquent. En fait il y a déjà longtemps qu'ils squattent le paysage. Passer sous silence l'influence des Shadows sur le rock français relèverait de la désinformation. Me souviens encore des tours d'échauffement et de stade durant les cours de gymnastique. Nous sommes déjà en 1965, mais dès que nous arrivons derrière les vestiaires nous devenons invisibles aux yeux du prof. Arrêt guitare. L'on caresse un instrument imaginaire et chacun se met à imiter le vrombissement d'une Eko en pleine cavalcade. Itou, Marsat, Derlon, bientôt rejoints par la moitié de nos congénères. A la fin n'y a plus que trois imbéciles de sportifs qui courent comme des dératés. C'est toujours le prof furax qui vient interrompre nos arpèges souverains.
Bref quand Beatles, Stones, Yardbirds et Animals ramassent la mise, le terrain a été salement préparé par les accompagnateurs de Cliff Richard. Deux pages sur Ronnie Bird, nous ronronnons de bonheur. Une page dithyrambique ( et amplement méritée ) sur Vigon nous exultons. Une colonne sur Noël Deschamps nous faisons la gueule. Surtout qu'après Polnareff et Antoine... il est temps que cela se termine. Ca finit à la page suivante sur Emmanuel Booz, vous en dirai rien, je connais le nom, j'ai entendu mais aucun souvenir dans mon cerveau clafoutis.
1967-1976 : LE TEMPS DES UTOPIES
Le plus gros morceau du bouquin. Pas un hasard. En 1970 – l'est né en 1954 – l'auteur jouait de la batterie au Lycée Paul Valéry de Paris. En quelles circonstances précises la légende de la photo de présentation page 6 ne le dit pas. Mais vous aurez compris que Jean-Luc Eclimont aura vécu durant sa jeunesse bénie l'efflorescence post-soixante-huitarde des seventies. Parle en quelque sorte de l'intérieur.
Période faste. D'une richesse incalculable. A tous les points de vue : sociaux, philosophiques, et économiques. Ere de grande permissivité. Libération sexuelle, expérimentations psychotropiques et déluges fenderiens. Même si le film tirait sur sa fin pas très happy. Au niveau rock, vous ne saviez plus où donner de l'oreille. Ce fut l'apothéose. Mondiale. Pour le rock français un bémol s'impose. C'est que voyez-vous quand on fait le bilan de tout ce qui a précédé il est facile de percevoir qu'un Led Zeppelin ou un Jimmy Hendrix ne pouvaient surgir des cendres froides des Chats Sauvages ou des Champions.
Naquit cependant très vite une seconde génération de groupes nationaux. Remarquons qu'en épluchant d'un peu plus près les effectifs de ces nouvelles générations il saute aux yeux qu'une partie non négligeable des musicos ont fait leurs armes dans les formations des années soixante. Avec le temps, ils ont fini par apprendre et savoir jouer de leurs instruments. Et souvent mieux que bien. Paradoxalement cette amélioration générale du niveau musical fut l'une des deux causes principales de l'échec de ces nouveaux groupes aux dents aussi longues que leurs talents.
Un mal bien français. Maintenant que l'on n'était plus des nazes l'on allait passer aux étages supérieurs. Certains accuseront une ingurgitation désordonnée de pétards aux effets trop planants, pour notre part nous mettrions plutôt l'index sur cet intellectualisme pseudo-élitiste spécifiquement franchouillard rebuté par la force primaire du beat de base rock'n'rollien. Trop simpliste. L'on brûla les étapes. Les folies électriques des Yardbirds étaient trop grossières. Inutile de s'attarder. L'on prit pour modèle le roi en personne, King Crimson ! Pas moins et même plus. Derrière cette arrogance certains voyaient déjà plus loin que le rock et louchaient vers le jazz.
ALAN JACK CIVILIZATION
Le rock se devait d'être progressif. Ou de ne pas être. Deux groupes tirèrent leur épingle du jeu. Souverainement. Mais de manière antithétique. L'Alan Jack Civilization formé autour d'Alan Jack qui resta au plus près des racines du blues. Dans toutes ses extravagances, même les plus folles, l'on retrouve toujours le rythme primordial du Delta, sursaturé, électrifié à outrance, torturé mais intangible. En osmose parfaite avec ce que l'Angleterre produisait de meilleur. Fut reconnu à sa juste et haute valeur par ses pairs de l'United Kingdom. Considéré comme un groupe de deuxième catégorie par le public français, persuadé que tout ce qui ne venait pas de la perfide Albion était rédhibitoirement mauvais, l'Alan Jack Civilization ne connut qu'un succès d'estime. Lorsque en 1970 l'Alan Jack se dissout en une communauté « hippie », les médias préférèrent faire l'impasse sur ce groupe un peu trop anarchisant dans ses pratiques quotidiennes... Gageons que les quatre pages de Rock'O'Rico consacrées à Alan Jack ranimeront l'intérêt autour de ce groupe mythique.
MAGMA
A l'autre bout du spectre musical nous trouvons Magma. Longtemps que Christian Vander a quitté le marécage pré-chicagoïen. Tout petit Elvin Jones le prenait sur ses genoux pour lui refiler des plans de batterie ultra-secrets. Mais le jazz s'est tès vite avérée une musique trop facile pour notre surdoué. A fini par s'intéresser au classique, Stravinsky par exemple. Magma c'est un peu comme un quatuor de Bartok joué par des violonistes fous enchaînées sur des chaises électriques branchées sur du 25 000 volts.
J'ai vu Magma en 73. A Toulouse. Lugubre. Une section de cuivres et de bois wagnérienne emmenée par la voix sépulchrale de Klaus Basquiz. Un lamento que même Wagner n'aurait pas osé user pour la mort d'Ysolde. Pour dire comme c'était morbide. Un truc à trucider des cadavres. Avec en contrepoint Vander encastré dans sa batterie se débattant comme un diable en enfer. Mais ce n'était rien comparé à leur prestation de juin 75. Silence glacial quand dans leur longues robes noires, ils se sont inclinés, tout en haut de l'estrade surélevée, quasi religieusement, non pas devant nous pauvre petit public de pacotille, mais devant leur propre grandeur intérieure. Se sont installés et Vander a pris la parole. Non pas en kobaïen, mais en pur français bien de chez nous. N'a pas été prolixe, s'est contenté d'une toute petite phrase. Très lourde de sens. « Nous, nous construisons des pyramides ». Et puis ce fut l'apocalypse. Un roulement de panzer division a déferlé sur la foule. Je ne sais comment nous en sommes ressortis tous vivants. Fallait voir cette puissance, cette pulsation, et Didier Lockwood accroché à son violon parti dans un solo de vingt minutes à crever le fond de l'enfer. Quand je pense qu'il existe encore des imbéciles qui s'interrogent sur la signification de Mekhanik Destructiw Kommandöh !
CRIUM DELIRIUM
Ne croyez pas qu'entre Alan Jack Civilization et Magma, il n'y avait rien. Il y eut Crium Delirium. Rien que le nom, déjà on comprend qu'ils furent de sacrés allumés. Des allumeurs plutôt. De l'Alan Jack ils partagent la même philosophie communautaire d'une autre manière de vie. Avec un côté plus activiste, plus militant. Souvenez-vous que 1968 à 1974, le gauchisme triomphait. En apparence, très loin de Magma dont la seule attitude hiératique était une condamnation sans appel de toute cette chienlit hippisante envasée dans une promicuité douteuse avec marmaille pagailleuse et chiens puceux mal élevés. Z'étaient libres dans leurs existences et dans leurs têtes les Crium Delirium, groupe à géométrie variable, mais aussi dans leur musique. Branchés plutôt free jazz que rock. Produisaient une musique adjacente à celle de Magma, mais sans la grosse tête. Magma c'était les extra-terrestres et Crium Delirium les terrestres extras.
Les ai vus en concert ( vaudrait mieux dire en action ) et tiens à préciser pour la suite du récit que je n'en rajoute pas. C'était encore en Toulouse et mais en 1973. Nous occupions la faculté de Lettres. Des temps heureux ( qui devraient se dépêcher de revenir ), nous avions voté la grève illimitée jusqu'à la fin de l'université bourgeoise. Crium Delirium a débarqué en tout début d'après midi. Leur a fallu près de trois heures pour installer un matos qu'un groupe de rockabilly vous déballe en vingt minutes. Faut reconnaître qu'à quinze heures quand ils ont commencé à jouer ne se sont pas arrêter une seconde jusques à dix huit heures.
Pour la musique, hypnotique. Un serpent chatoyant qui vous entre dans le cerveau et qui refuse d'en sortir. Syncopé mais n'éclatant jamais. Une interminable phrase musicale aussi ondoyante que la syntaxe de Proust. Un buisson de flammèches dont on ne sort jamais. Davantage doux délire que cri aigu. Envoutant et nonchalant. Massage génital. Un peu comme si l'on vous faisait une fellation refoulante - cunninlictus pour les demoiselles - pour vous remplir d'un savant mélange survitaminé de sperme et de foutre. Lorsque au bout de trois heures ils ont arrêté, il y eut un silence total. L'on entendait la brise printanière qui jouait dans les feuilles des arbres de la cour.
Sans s'être concertées cinq cents personnes sont entrées comme des zombies téléguidés dans le plus proche amphithéâtre et chacun s'est assis sans mots dire sur les gradins de bois, face au tableau et au bureau vide. Et brusquement la poche a crevé. L'énergie accumulée s'est libérée. Vision d'asiles. Tout le monde hurlant, gesticulant, frappant des poings sur les pupitres, une énorme clameur qui n'a fait que croître, enfler et enfin exploser en un brouhaha charivarique indescriptible. Je préfère ne pas vous parler des dégâts, l'amphi détruit, les rangées de bureaux arrachées de leur travées, les solives du plancher à l'air nu...
Rien à redire, Crium Delirium n'avait pas volé son nom.
OTHER VOICES
Evidemment le grand public rock regardait ailleurs que vers ces trois démiurges ! Triangle, Martin Circus et Ange. Tiercé gagnant dans l'ordre. Les ai vus eux aussi. Voudrais pas être méchant mais Triangle, hormis la fameuse pochette au piano en feu, n'a jamais résolu la quadrature du cercle. Réputation surfaite. Un bon groupe de répétition qui cherchait encore sa voie. Laborieux en live. Le seul truc intéressant à visualiser c'était le grand gong blanc derrière le batteur. Je tiens à vous confirmer qu'au bout d'une heure la vision de cet instrument de percussion sur lequel Prévotat s'est contenté d'appliquer trois coups de maillets mollassons engendre une certaine lassitude. Ont quitté la scène sous les applaudissements polis.
On aurait mieux fait de les retenir. Si l'on avait su ce qui allait suivre je crois que l'on se serait tous cotisé pour qu'ils refassent le même set. A l'identique. Car la prestation de Martin Circus fut consternante. Inférieur à un mauvais groupe de balloche. Même pas catastrophique. Une médiocrité navrante. Comme l'on était assis dans l'herbe chaude et appaméenne de ce beau mois d'août 1970 chacun a entrepris de discuter avec son voisin, même que certains se sont intéressés à leur voisine. L'on a réalisé que c'était fini quand on n'a plus rien entendu. On ne s'est même pas rendu compte qu'ils étaient sortis du plateau.
Serai plus respectueux envers Ange. En 1972, salle du Taur à Toulouse. Ne cherchez pas, elle a été détruite depuis. Peut-être parce qu'elle possédait, grâce à ces panneaux de teck qui recouvraient les murs, une merveilleuse acoustique. Ne suis pas un grand amateur du groupe. Le rock médiéval qui privilégie les clairs de lunes sur les toits ardoisés au détriment du fracas métallique des épées qui s'entrechoquent sur des armures, ça me laisse froid. Dois tout de même reconnaître qu'en leur genre ils furent plutôt bons. J'ai surtout apprécié le ligth-show final, un jeu de lumières ultra rapides qui permettait de voir le groupe là où il n'était pas.
Christian-Louis Eclimont aborde encore d'une quantité de groupes comme Etron Fou Leloublan, Variations ( la seule formation résolument rock ) ou Au Bonheur des Dames, et autres sujets annexes, mais essentiels, comme la presse rock. Le début des années soixante-dix fut encore plus riche que je ne l'imaginais. Le destin de toutes ces formations se ressemblent un peu. Une montée en flèche quasi-fulgurante dès leur formation - si leur nom a survécu c'est bien parce qu'ils ont circulé à l'époque – suivie d'une désagrégation tout aussi rapide. Bizarrement les groupes splittent d'eux-mêmes. Ce sont les musicos qui se décident pour de nouvelles aventures souvent obscures. J'analyserai cela comme le mal idéologie de l'époque, si tu réussis c'est que quelque part tu es un pourri et un vendu. Les vrais artistes crèvent de faim et ne sont reconnus qu'après leur mort. Van Gogh ou le Suicidé de la Société d'Antonin Artaud est en ces temps d'efflorescences révolutionnaires le livre de chevet de bien des jeunes gens qui se cherchent...
1976-1985 : LES ANNEES DE PLOMB
Ferai comme l'auteur, m'y attarderai point trop. Mais pour des raisons différentes. Les temps changent et l'on sent que Christian-Louis Eclimont le regrette. A du mal à s'habituer. Johnny avait tort : quand les cheveux perdent de leur longueur les idées deviennent encore plus courtes. Mais je ne jetterai pas comme lui le bébé du punk avec l'eau du bain du rock banalisé. Toutefois je ne m'attarderai pas sur la french wawe punk pour la simple raison que cela créerait un double-emploi avec notre récente cent vingt-troisième livraison du 19 / 12 / 12 consacrée à L'Histoire du Punk en 45 Tours du Géant Vert.
Lorsque le punk s'éteint ne surnage plus grand chose. Un rock surfait, sympathique ( pour certains ) mais qui flirte tant avec la variété qu'il finit par y perdre son âme, Suicide Romeo ( heureusement qu'il ne s'est pas raté ), Mathématiques Modernes ( ouf ! On est revenu aux anciennes ) et quelques autres que nous avons déjà oubliés...
Les dernières pages présentent Bashung, Indochine, Téléphone et Trust. Des réussites médiatiques. Mais chacune demanderait à être analysée un peu plus profondément. L'on sent que Christian-Louis Eclimont est pressé d'en finir. L'aurait tout de même pu évoquer le mouvement rockabilly qui émerge en France en ces mêmes années, au moins mentionner les TeenKats et les Sprites... De même impasse complète sur les fanzines des fan-club pure rock'n'roll des années 60, la constitution de la Farc et le label Big Beat...
Quoi qu'il en soit, à ma connaissance, il n'existe pas de livre consacré au rock français qui présente un tel panorama sur ces années 1960-1985. Je n'ai, pour ma modeste part, en fait couvert à ma manière qu'une trentaine de pages sur les deux cents quarante présentées. Vous reste de la marge !
Damie Chad.
VINTAGE GUITAR N° 10.
Janvier – Mars 2013
Va bientôt falloir un 38 tonnes pour ramener Vintage Guitar à la maison. Au tout début vous achetiez un numéro et vous repartiez chez vous. Plus tard vous déboursâtes la somme idoine mais pour le prix d'un l'on vous en donnait deux. Parfois un précédent Vintage que vous offriez à un ami, ou une autre revue spécialisée guitare. Par la suite l'on a ajouté un magazine avec disque de démonstration. Et cette fois-ci deux revues avec deux CD de démo. Je ne sais pas ce que ça va devenir lorsqu'ils en seront à leur cent quarantième livraison. En attendant c'est bien sympa.
Hendrix en couverture. Photo d'appel car l'on n'en parle point mucho-mucho dans le numéro. Petit topo sur le hard pour débuter. Très classique, de Led Zeppe à Metallica. Ca fait toujours du bien aux oreilles intérieures de se remémorer ces grandes sagas sonores. Mais l'on revient vite à l'analyse biométrique des guitares de légende. Gibson ES-335, 345, 355. Du classique. De la valeur sûre.
Pages suivantes l'on passe – comme il se doit car il ne faut faire de jalousie – chez le frère ennemi. Fender. Mais le Fender d'après, après la revente à CBS. Christian Séguret nous supplie de ne pas sortir nos mouchoirs. La baisse de qualité, la Fender Stratocaster à l'économie, a bien été imposée par les contraintes du merchandising, mais doucement, en 1965 et 1966 l'on créait encore de bien belles moulinettes...
Visite chez Larry Wexer à New York. Un genre de gars qui vous reçoit chez lui à domicile. Jusque là c'est sympa. Pour la suite vous n'oubliez pas votre carnet de chèques car le monsieur donne dans la guitare Vintage haut de gamme. Beaucoup trop d'acoustiques à mon humble goût de rocker bruiteux. Vous m'en emballerez cinq dans un carton, j'enverrai le chauffeur les chercher avec la rolls.
Beaucoup plus sympa lorsque l'on tourne la page : les guitares Burns. Celles qu'Hank Marvin a fait créer après Apache, qui fut gratouillée, comme chacun sait, sur une Fender. Simplement pour le plaisir de changer. Genre de caprice qui rend le bonhomme encore plus sympathique. Le problème c'est que des Burns Marvin, il n'en fut fabriqué que 315 exemplaires. J'ai vérifié dans mes placards. Même pas l'ombre d'une.
Toujours dans les regrets éternels, grand étalage de guitares Dan Armstrong. Un sorcier du micro. Construisait ses prototypes en plexiglas et recouvrait le manche avec du formica. Quand on vous disait que le buffet léguée par Tante Adèle vous servirait un jour ! Sonnaient d'enfer. Keith Richards à qui l'on a chouravé ses deux spécimens en 1972, les pleure tous les jours. Si vous ne voulez pas dire l'article, personne ne vous y oblige. Mais regardez toutefois la photo de tête avec Cyril Jordan et les Flamin Groovies.
Le numéro 10 s'achève, je passe sur le coin du bricolo et les posters double-pages sur les demoiselles aux hanches parfaitement galbées... Dave Matchette exerce un drôle de métier, photographieur de guitares. Souriez jaune, cinq pages sur le vintage japonais. Plus les petites annonces des lecteurs... qui recherchent déjà les premiers numéros. Ils ont raison.
Damie Chad.
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