14/06/2012
KR'TNT ! ¤ 102. CULTURE ROCKABILLY / EDDIE COCHRAN
KR'TNT ! ¤ 102
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
14 / 06 / 2012
CULTURE ROCKABILLY
1970 -2010
VINCENT GIORDANO
( 2 Impasse de la Cascade / Hameau du Coteau Sud )
( 13 770 VENELLES )
160 pages, format A4, avec photos couleur pratiquement à chaque page, Vincent Giordano frappe un grand coup. En auto-production – customisation intégrale – 37 euros à l'achat, faut bien que l'auteur retombe sur ses pneus – le genre de bouquins qui devient culte dès qu'il est épuisé, et que l'on regrette de n'avoir pas pris quand il était encore temps.
Je ne connais pas Vincent Giordano, mais si je ne m'abuse j'ai déjà vu son pseudo ( g-vincent56 ) traîner dans des blogues de discussions. En tout cas, c'est un malin. L'on ne compte plus les livres sur le rockabilly, oui mais ( vingt-six mille sept cent quarante deux fois hélas ! ) ils sont écrits en américain. Donc peu accessibles. Si la sécurité sociale devait me rembourser tous les cachets d'aspirine que j'ai avalés après m'être crevé les yeux sur Google Books à tenter de décoder ces bibles du rock que les amerloques débitent au kilomètre, il y en aurait assez pour multiplier par deux le PIB de notre pays.
En France à part l'Encyclopédie de la Country et du Rockabilly de Michel Rose, vous avez à votre disposition... l'Encyclopédie de la Country et du Rockabilly de Michel Rose. C'est ce que l'on appelle l'embarras du choix. Très bien écrit, bourré de renseignements et de qualité, mais sorti chez Best en 1986, il commence un tout petit peu à dater... Pour résumer vous pourrez trouver tous les défauts du monde à ce bouquin de Vincent Giordano, mais de par son unicité il est appelé à devenir un ouvrage de référence.
AVANT 70
N'y va pas de main morte Vincent Giordano ! Alors que Michel Rose commençait dans les Appalaches au temps reculé des immigrants irlandais, lui d'un coup de ciseaux il coupe sec pour débuter son récit en 1970. Pour ceux qui ne connaissent pas, charitable comme pas deux, il résume l'histoire de la naissance et de la mort du rock'n'roll en trois pages. Difficile d'établir une synthèse d'un phénomène si complexe plus succincte, même si le premier enfant de la bête ne survit pas longtemps : entre le Rocket 88 de Jackie Brenston en 1951 et la première venue de Gene Vincent en Angleterre en 1959, il ne s'écoule même pas une décennie.
En fait le rock n'est jamais mort. Il a subi une éclipse. Totale, mais le croyait-on définitivement enterré sous les décibels des groupes anglais que déjà il renaissait de ses cendres. Discrètement certes, mais sûrement. Les amateurs de Rockabilly ont besoin de la mort du rock'n'roll pour asseoir la naissance du Rockabilly. Réécrivent la légende en expliquant que le rock'n'roll lui-même est né du rockabilly, cette musique instinctivement mise au point par Presley, Perkins, Vincent et Johnny Burnette entre 1954 et 1958.
Ce qui est certainement vrai, mais beaucoup moins que ce que l'on veut en tirer comme conséquence. Le rockabilly reste la forme rurale du rock'n'roll, il est au rock citadin, électrifié et porteur de la violence urbaine, ce que le blues du Delta est au Chicago blues. L'un plus poignant, l'autre plus puissant, mais tous deux indépassables en leur idiosyncrasie constitutive. Vincent ne parlait jamais de rockabilly mais de rock'n'roll, et ne se gênait pas pour donner cette même appellation au rhythmn and blues d'Otis Redding comme à la pop-music des Beatles. Vaste appellation, mais il ne faut pas oublier que jusqu'au début des années 70, l'amateur de rock de base, assez curieux et ouvert, était à même de connaître les développements encore embryonnaires des futures ramification de ce qui allait devenir un genre musical – au sens biologique du terme - à part entière. C'est que les mutations de cette musique étaient encore imprégnées de leurs racines originelles... et que le cat y retrouvait toujours ses petits.
En les années 65-66, les rockers se la jouaient profil bas. Certes les Stones et les Animals avaient remis au goût du jour les musiques d'un Chuck Berry et de Bo Diddley, mais la plupart des fans préféraient la copie à l'original. Il y eut bien le Bird Doggin' de Gene Vincent en 1966, sublime morceau qui se permettait de faire la nique au rock anglais tout en en transcendant l'architecture mélodique. Mais il y avait peu de monde capable de comprendre cela et de toutes les manières Vincent n'avait plus la surface médiatique nécessaire pour se faire entendre d'un vaste public. C'est Elvis qui à la fin de l'année 67, avec son Big Boss Man qui secoua le cocotier. Le titre fut assez diffusé pour que l'idée d'un retour possible des pionniers fît son apparition.
Ce fut ce que l'on appelle aujourd'hui le premier revival : il débuta aux Etats-Unis par le NBC show de Presley, auquel succéda la prise de conscience par un grand nombre d'auditeurs radio naïvement ignorants que la mise en épingle médiatico-politique du folk de Dylan avait occulté toute la partie immergée de l'iceberg country de la musique populaire américaine. L'aérolithe que fut le Folson Prison Blues de Johnny Cash fut responsable de cette redécouverte hallucinante des fondements oubliés du rock'n'roll. Ce premier revival finit en apothéose en 1972 par le festival de Wembley, où Little Richard en grande forme consterna par ses frasques exhibitoires la vieille garde des teddy boys, gardienne de l'orthodoxie rock'n'roll.
Il faut visionner le film de la télé britanique : The rock'n'roll Singer où l'on suit la chaotique tournée de Gene Vincent en Angleterre en l'an de disgrâce 1969. Hallucinantes séquences de répétitions avec les Wild Angels à qui Vincent apprend les subtilités de l'instrumentation rock. C'est à un véritable passage de témoin symbolique que l'on assiste, Vincent disparaît fin 71, et le mouvement Ted anglais qui sera en grande partie à l'origine du renouveau rockabilly européen, se bâtira musicalement sur cet héritage que très vite, par un respect mal compris et une grande maladresse conservatrice ils ossifieront, oubliant que si Gene parvenait à tirer le meilleur de ses accompagnateurs de rencontre ou de fortune, il ne dispensait pas un enseignement codifié destiné à rester figé jusqu'à la fin des temps.
Vérité en deçà de l'Atlantique, erreur au-delà. Ce n'est pas un hasard si au début des seventies toute une partie du public va s'intéresser à de vieux rockers américains oubliés. L'on redécouvre Charlie Feathers, Ray Campi, Gene Summers et bien d'autres, un autre sentier se dessine, qui essaie de remonter le fleuve dans l'espoir de retrouver l'universelle légende de l'authenticité première. C'est cet Eldorado mythique – ce pays où l'on n'arrive jamais – qui peu à peu sera dénommé Rockabilly.
APRES 1970
Comme toujours dans l'histoire du rock, l'Angleterre s'emparera du ballon la première. C'est au moment même où le british blues écrase tout sur son passage que des groupes inconnus retournent au bon vieux rock'n'roll d'antan, Wild Angels dès 1967, Houseshaker en 1969, Crazy Cavan and the Rhythm Rockers en 1970, Matchbox en 1971, Flying Saucers en 1972, groupes mythiques propulsés par les séminales personnalités de Cravan Grogan, de Graham Fenton, et Sandy Ford. Ces groupes ne commenceront à avoir une véritable notoriété qu'à partir des années 76-77, qui sont aussi celles de l'explosion punk, un groupe comme Whirlwind assurant les accointances entre les deux mouvements qui coexistent mais qui ne s'entendent guère.
Comme toujours dans l'histoire du rock, l'Amérique se débrouille pour produire la même chose, en plus grand, en plus vrai, en plus authentique, avec en prime ce petit grain de démesure qui fait toute la différence. En 1981 sort le premier album des Stray Cats qui donne, ou redonne – c'est selon votre philosophie ou votre vision du rock'n'roll – ses lettres de noblesses au rockabilly.
Mais les choses vont évoluer vitesse grand V, l'on peut dire que malgré tout leur modernisme les Stray Cats – s'inscrivent en gros dans la lignée des roots originelles. Certes ils ont un son beaucoup plus puissant qui nettoie la poussière des étagères, mais ils ne s'éloignent point trop des pères fondateurs. Ne font pas tous les jours leur salutation au soleil, mais indubitablement ils se dorent aux rayons Sun. Très judicieusement, Vincent Giordano leur impose l'appellation néo-rockabilly.
Le coup de balai viendra des deux côtés, de l'Angleterre avec les Meteors qui dès 1981 acoquinent franchement le rockabilly avec le punk pour créer le psychobilly – traduisez par rockabilly psychosé et vous aurez une idée de l'hybride monstrueuse obtenue, mais aussi de des USA avec les Cramps qui ajoutent au mélange punk-rockab des éclats de garage et de psychadelic. Boisson forte. Seront mêlés aux aventures du punk new yorkais.
Me demande pourquoi je vous raconte tout cela, puisque Vincent Giordano, ne suit pas cette voie ( de garage ). Il n'ignore rien de l'histoire, et cite les principaux acteurs que je viens de nommer, mais il tourne un peu avant, sur la droite, pour emprunter une autre route. Celle qui vous ramène au pays natal.
REDOUTABLE CATALOGUE
Pour la suite je vous laisse vous aventurer dans les sentiers tracés au coupe dans la jungle foisonnantes des groupes existants. Ce qui me dérange ce n'est pas le choix effectué par notre auteur. L'on ne peut citer tout le monde et certains heureux nominés me sont totalement inconnus. Autant faire confiance, Vincent Giordano s'y connaît plus qu'un brin. Je peux très bien comprendre qu'il ait classé Annita & the Starbombers et Charlie Thompson dans le courant Hillbilly Rock, Western Swing, Cajun, les prestations de ces artistes que nous avons vus à Villeneuve Saint George ( voir notre centième livraison du 31 / 05 / 12 ) correspondent plutôt bien à cet essai de classement. De même la dérivation Jumpin'Jive, Rockin'Blues, Boogie avec Mike Sanchez – avec qui Imelda May travailla durant plusieurs années – m'agrée.
Tique beaucoup plus sur le gros chapitre intitulé le Rock'n'Roll Authentique qui me semble un peu fourre-tout. Faire voisiner Freddie Fingers Lee avec Jesse Garon me semble osé. Ce n'est pas Garon qui me gêne, l'ayant entendu à plusieurs reprises dernièrement sur France Inter, le gars me semble intéressant, sensible, ouvert et intelligent, mais ce n'est pas d'après moi un véritable chanteur de rock. De rythme oui, qu'il ait été traumatisé par Elvis, d'accord, mais sa carrière parle pour lui : le rock a été un moment crucial de son existence, mais sa vie et sa discographie ne sont pas rock. Manque une certaine démesure. Quant à un Jimmy Ellis je vois avant tout un faiseur qui surfe sur la mort d'Elvis. Le fait que Shelby Singleton soit à l'origine de cette manipulation commerciale n'est pas à son honneur, même si du reste il sut mettre en valeur le catalogue Sun racheté à Sam Phillips. Nul n'est parfait. Même dans le monde du rock.
De même je ne mettrai jamais sur le même plan, Robert Gordon et Darrel Higham. Vincent Giordano nous explique que sont les disques de Robert Gordon qui l'ont emmené au rockabilly, il a donc une prédilection sentimentale envers lui, ce qui est son droit absolu. Toutefois le parcours d'un Darrel Higham me paraît beaucoup plus authentique. Même si ce qu'il accomplit actuellement en tant que musicien de scène d'Imelda May me paraitrait beaucoup plus rockabilly que rock'n'roll. Encore qu'Imelda est avant tout une chanteuse qui ne s'embarrasse point de frontière musicale : du blues au jazz, de la country au rock...
D'ailleurs cette dichotomie rock'n'roll / rockabilly opérée par Vincent Giordano ressemble à s'y méprendre au serpent de mer à deux têtes qui finit par se mordre la queue quelle que soit la gueule qu'en fin de compte il ouvre pour attraper son appendice caudal. A lire attentivement son livre on a l'impression que le rock'n'roll se détache du rockabilly au milieu des années cinquante pour que le rockabilly retourne au rock'n'roll dans les nineties !
Rock'n'Roll / Rockabilly, les deux faces de la même guitare. Le livre possède le défaut de ses qualités. Vous y puiserez mille renseignements, mais il fonctionne un peu trop comme un dictionnaire. Il manque une mise en perspective dialectique des combos les uns par rapport aux autres et l'on accepterait avec plaisir une réflexion plus affinée sur les interconnexions des principaux courants. Mais rien ne vous empêche de vous livrer à des recherches complémentaires. Vincent Giordano vous ouvre la porte, à vous de savoir vous amuser.
CULTURE ROCKABILLY
La deuxième moitié du livre est consacrée à la Culture Rockabilly. L'on commence par se vêtir, attention le perfecto ne fait pas plus le rocker que le rockabiller. Le look n'est souvent qu'une façade. Me méfie toujours des comportements de groupe. Le rocker de base n'échappe pas au fétichisme de la marchandise qui est d'autant plus gênant que derrière tous ces vêtements et ustensiles divers je n'entrevois que trop bien les enjeux commerciaux qui tentent de me manipuler à l'excès. Les profilers du marketing ont tôt fait de métamorphoser l'esprit de rébellion qui vous anime en objets de mode. L'on vous tend un miroir payant pour que vous puissiez vous ressembler. L'on remplace le désir par le besoin. C'est à peu-près la même chose, avec un tiroir caisse au milieu. Certains rockers sont aussi à leur insu des fashion victims.
La frontière entre un volontaire marquage personnel d'appartenance à un groupe social déterminé et l'enfermement de l'individu dans le rite symbolique de sa propre reproduction recouvre exactement cette inter-zone mouvante où se se rencontrent, se côtoient et s'opposent l'authenticité et la parodie. L'on n'en parle peu, mais la dimension burlesque – Edgar Poe aurait employé le terme de grotesque - est historiquement constitutive de la formation du blues et du rock'n'roll. La naïveté du rockabiller est de se croire semblable à sa propre image, sa grande force un léger décalage par rapport à celle-ci. Comme pour tout, le secret de l'affaire réside en le fait de ne pas être dupe de soi-même.
Il ne faut pas nier que le look rockab en jette. Descendre en blouson léopard d'une Cadillac rose ( qui coûte ) bonbon vous classe tout de suite un homme. Mais méfions-nous. Cela peut être aussi le signe d'un embourgeoisement rampant qui ne dit pas son nom. Ne nous laissons pas éblouir par la première calandre qui passe. Certains choisissent la bagnole, mais oublient la rue. D'où ils sortent. Ou ne sortent pas. Car c'est une constante du Système capitaliste, il récupère toutes les situations originelles et authentiques de révolte pour les transformer en produits de semi-luxe pour les enfants perdus de la petite-bourgeoisie montante.
Aujourd'hui vont au rockab toutes sortes de personnes qui ne sont pas obligatoirement attirées par la musique. Parfois l'on entrevoit le milieu rockab comme une niche écologique de survie. Toute ruche attire les riches. Les abeilles produisent du miel et les bourdons du fiel. Toutes ces contradictions ont tendance à ossifier le milieu, à le refermer sur lui-même, à en exaspérer les aspects nostalgiques, ce qui traditionnellement se traduit par un conservatisme politique en totale opposition avec la révolte initiale individuelle sur laquelle le mouvement se construit et essaime. Ainsi pour certains la bannière sudiste souvent brandie dans les concerts rockabilly – on la retrouve sur la quatrième de couverture du bouquin – est une manière de se revendiquer d'une idéologie profondément réactionnaire et suprématiste, pour d'autres elle ne saurait traduire que le rappel d'une naissance géographique et historiale particulière. Les esclaves noirs et leurs descendants ont autant participé à la richesse économique, musicale et culturelle du Sud que les colons blancs. Encore ne faudrait-il pas oublier le premier peuplement rouge.
La longue séquence dédiée aux films « rock » est la plus intéressante de cette seconde moitié du book. Les pellicules présentées ne sont certainement pas des chefs d'oeuvre du septième art, mais malgré toutes leurs conventions et leurs simplifications, les bobines qui racontent la vie des stars du rock'n'roll ou qui mettent en scène les fans et les différents milieux du rock, obligent à réfléchir sur de vastes et inquiétants sujets : violence, racisme, perte de l'innocence, récupération et commercialisation... nous recommandons la très belle analyse de Violents Days ( 2004 ) de Lucie Chaufour ( voir notre sixième livraison du 10 / 11 / 09 ), enfin disponible en DVD, longtemps programmé seulement dans les festivals de cinéma.
Le livre se termine sur d'inappréciables listes d'albums, de revues, de livres, de boutiques, et d'adresses incontournables. Indispensable. D'autant que comme se plaît à le répéter Vincent Giordano, les grands médias boudent la diffusion du rockabilly. Ce qui n'est pas un fait nouveau en soi, et peut-être pas un mal. Tant qu'il errera dans les marges, le rockabilly restera une musique dérangeante. La chose la plus horrible qu'il pourrait lui arriver serait d'acquérir cette respectabilité nauséabonde octroyée par le label consensuel du « politiquement écoutable ».
Damie Chad.
PS : pour la prochaine édition penser à rajouter un index des noms et groupes cités avec renvoi aux pages appropriées ; en attendant, ne pas rater la photo de Billy ( tendance Elvis in Hawaï ), nous évoquions sa légendaire figure dans notre 101° livraison...
LOOK BOOKS !
LES LIEUX SOMBRES. GILLIAN FLYNN.
Sonatine. 480 pp. 2010.
J'ai pour règle de prendre chez mon libraire d'occase tout livre qui sort des Editions Sonatine. Je sais que je ne devrais pas, que leurs bouquins me font autant de mal que l'alcool, la cigarette, la cocke et les carottes râpées, mais je ne peux pas résister. C'est mon addiction préférée, mon moyen personnel de walker on the wild side of the USA. Car, je vous l'accorde, se dilatent pas la rate, ils ont la combine chez Sonatine, ils donnent à traduire ce qui se fait de mieux de l'autre côté de l'Atlantique.
Vous fiez pas au revers de la couverture, elle est mignonne comme tout Gillian Flynn, mais vu ce qu'elle écrit, c'est dans sa tête que l'on trouve les abysses. Chez Sonatine ils ont tout fait pour nous mettre en garde, leur couverture est mille fois plus belle que l'originale des ricains. Pas vraiment envie de mettre le pied dans cette ferme paumée au bout du monde. Ca pue l'angoisse et ça suinte de mélancolie. Une invitation au suicide.
Un truc à désespérer de l'humanité. Libby Day a connu son jour de gloire a sept ans lorsque son frère a buté sa mère et liquidé ses jeunes soeurs. Un handicap légèrement traumatisant pour commencer sa vie. D'ailleurs elle se traîne comme une ombre sans peine. Elle essaie de survivre sa mauvaise conscience, celle d'avoir été épargnée par le destin, celle d'avoir été manipulée pour répondre à la justice, bref elle en veut à la terre entière. Tout en oubliant de se faire des cadeaux.
A court d'argent, elle est contactée par une association de passionnés des tueurs en série et des crimes étranges... La voici donc obligée – pour satisfaire cette clientèle avide de sensations fraîches – de remonter la piste sanglante. Ne va pas y trouver que son bonheur. C'est réglé comme du papier à musique, un chapitre sur l'enquête à rebours de Libby qui remonte vers l'enfance et vers l'horreur - à moins que ce ne soit l'horreur de l'enfance – et un chapitre du jour du crime qui suit de près, minute par minute, les fatidiques agissements de Ben... Un mec sympa qui écoute Slayer, Venon et autres groupes de hardrock satanistes. Que voulez-vous tout le monde ne peut pas apprécier le rockabilly ?
Vous ai résumé les trente premières pages. A vous de jouer. La face sombre de l'Amérique vous saute très vite à la gueule. Attention, elle mord.
Damie Chad.
MAUVAISES INTENTIONS 3.
Autour du procès antiterroriste pour 6 camarades en mai 2012.
Antirépression & Luttes / Police & Justice.
HTTP://INFOKIOSQUE.NET/MAUVAISES_INTENTIONS
Faut pas croire qu'il n'y a que dans les thrillers des amerloques que le monde n'est pas beau. En notre douce France, ce n'est pas mieux. En plus on n'est pas dans un roman, mais dans la vraie vie. Tout de suite, ça fait très mal.
Ne voilà-t-il pas que la police – censée protéger la veuve et l'orphelin – s'amuse à peaufiner dans l'ombre des dossiers compromettants sur les citoyens au-dessus de tout soupçon. Nous admettons qu'ils sont jeunes, qu'ils portent un regard critique sur notre société si égalitaire, qu'ils dénoncent les camps de rétention ( à ne pas confondre avec les camps de concentration et ne faites pas les mauvais esprits en insinuant qu'il faut un début à tout ), qu'ils manifestent leur mauvaise humeur au nom du droit imprescriptible des individus à vivre librement leur vie du mieux possible là où ils le peuvent, bref ils ne correspondent pas au portrait robot du mouton docile auquel l'on voudrait en haut-lieu que ressemble le consommateur de base.
Donc voici nos jeunes gens déférés devant la justice afin de répondre de faire partie de la nouvelle arlésienne, la terrible mouvance anarcho-autonome, cette organisation fantôme à visée terroriste dont aucun de nos prévenus ne s'est jamais déclaré. Personne d'autre non plus. Mais il est bien connu qu'il n'y a que l'intention qui compte. Elle peut être bonne, mais dans le cas qui nous préoccupe, selon la police et la justice ( ces deux institutions d'élite qui se sont faites admirablement remarquer par leur courage et leur acuité politique durant la sombre période de l'Occupation ) elle serait très mauvaise.
D'ailleurs à toutes fins utiles on a pris garde de les jeter quelques mois en prison, mais le dossier se dégonflant au fur et à mesure que les trois ans d'instruction peinaient à rassembler des éléments compromettants il a fallu les relâcher, la mort dans l'âme. Le procès s'est déroulé fin mai. A l'heure actuelle où nous écrivons l'on attend... le jugement.
La brochure est parue avant le procès. Nous ne saurions que vous en recommander la lecture. Il est important de connaître la réalité sociale et politique dans laquelle l'on vit. Notre démocratie s'empare de tous les attributs des sociétés de contrôle et de surveillance. L'état n'est plus le garant des libertés, se pose de plus en plus en monstre froid, cynique et manipulateur. Le Léviathan de Hobbes jette son masque protecteur. Il aiguise ses dents et a besoin de faire quelques exemples. On le comprend : depuis quelque temps dans toute l'Europe la colère sourd, les citoyens se réveillent peu à peu de l''asthénie généralisée qui prévalait jusqu'ici.
Question subsidiaire : l'esprit rebel-rock est-il une mauvaise intention ?
Damie Chad.
DIRECTLY FROM ALBERT LEA
19° AFFICHE EDDIE COCHRAN
PAR ELOÏSE ADAMS
00:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
07/06/2012
KR'TNT ! ¤ 101. BURNING DUST. LITTLE LOOLIE. HOWLIN JAWS. JULL. ROCKIN' MALEK
KR'TNT ! ¤ 101
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
07 / 06 / 2012
I
burning dust
longjumeau / 25 / 05 / 12
On a toujours une excuse pour sortir, ou un bar pour rencontrer les copains, magnifique ce soir on a les deux en même temps, Burning Dust au bar « L'Excuse » de Longjumeau. Jour décidément faste puisque en plus l'on transporte un invité, Mister Jull en personne, totalement remis de ses précédentes aventures et qui venu voir de la famille dans le coin, demande s'il resterait une place dans la teuf-teuf mobile.
Oubliez tout ce que l'on vous a raconté sur les talents de guitariste de Mister Jull, ce n'est apparemment que son hobby numéro deux. L'est beaucoup plus fort en course d'orientation. Un pro de chez pro. A peine assis dans la voiture qu'il connaît déjà la route : « C'est simple, toujours tout droit, tu prends la cinquième sortie à droite ! » Le pire c'est que l'on est tombé pile-poil sur le bar, en avance d'une heure et demie. Les Burning finissaient la balance et n'avaient pas encore entamé le petit fricot mitonné spécialement pour eux et avec amour par Fred le patron.
Ca sentait délicieusement bon, mais comme tout vrai rocker qui se respecte on a été bouffé des frites ruisselantes de graisse au grec d'à côté. C'était tellement bon que l'on est arrivé lorsque Burning Dust terminait ( n'ayez pas peur ) leur premier morceau.
BURNING DUST
Ca fait toujours plaisir de revoir Burning Dust, quand l'on pense que notre première livraison, sur papier, voici trois ans a été motivée par le compte-rendu de leur concert à Mouy ( reportez-vous à la toute première page du blog ), et que de fil en aiguille nous entamons notre deuxième centaine de rendez-vous hebdomadaires, l'on se dit que l'on est en présence d'un groupe qui insuffle de la bonne énergie.
L'Excuse n'est pas un palais, le combo se trouve relégué dans l'arrière salle habituellement dévolue à la pratique scarfastique du billard. Ce qui n'empêche pas Fred d'y organiser depuis plusieurs années mille et une glorieuses et délicieuses nuitées dédiées au rock sous tous ses aspects, courues par un public local d'habitués. Cette fois beaucoup d'entre eux sont partis en week end ( merci bon dieu, pour ces trois jours ), mais c'est tout de même plein comme un oeuf.
Superbe concert. Deux sets uniquement, alors que l'année dernière pour Easy Lazy, , voir notre 61° livraison du 14 / 07 / 11, l'on avait eu droit à trois prestations. Mais dans notre douce France, ce fier pays des emmerdeurs en tout genre, et de la Liberté, avec un L majuscule, mais en cure drastique d'amaigrissement, le voisinage s'est plaint de la gêne occasionnée par ces manifestations culturelles qui ne correspondent pas à l'insensibilité dominante de la majorité silencieuse des imbéciles toujours prêts à ouvrir leur gueule pour que le monde ressemble chaque jour davantage à leur tristesse existentielle et à leur bêtise congénitale.
Un Dan en grande forme. Il exulte. Dans un espace aussi réduit, il se permet de gambader comme un cabri et s'amuse de temps en temps, comme pour relancer la sauce, à cogner sur la cymbale de Phil avec le manche de sa guitare – une folk électrifiée – une sèche avec laquelle il nous arrose d'un rythmique impeccable et enjôleuse. Assume aussi la plupart des vocaux, la voix en avant gorgée d'urgence et de speed.
Admirablement soutenu par Earl sur sa Fender qui passe ses riffs avec assurance et aisance. La moindre des choses pour un guitariste solo, objecterez-vous, oui mais toute la différence se joue dans la façon d'introduire et d'emporter le morceau, de lui imprimer une marque personnelle et d'en faire une chose à soi. Earl donne au groupe un son moins roots et plus country, mais très électrique. Nous chante un superbe Johnny Cash, et la partie de guitare qui gronde comme une menace nous laisse de cul.
L'exiguïté du local a ses bons côtés. L'on peut se remplir les yeux de Phil. L'on commence par admirer les somptueux tatouages de son bras gauche mais l'on pige vite qu'il vaut mieux prêter attention à ses baguettes magiques. Cogne fort mais surtout frappe juste. Ne nous la fait pas à l'à peu près. En voilà un qui ne joue pas à l'arrache, du genre ça casse ou ça passe. Non, son jeu procède d'une science subtile. D'une longue expérience sans aucun doute, mais surtout d'une connaissance exacte du rythme. Pourrait filer des cours en fac sur la mystique du contretemps, le Phil. Ses trois acolytes empruntent tous les chemins de traverse qu'ils veulent, savent que le berger du beat les rattrapera au dernier moment et les ramènera sains et saufs à la maison.
Une fois n'est pas coutume l'on finit par la contrebasse. Vince – se rapporter à notre 90° livraison du 22 / 03 / 12 sur le concert des Hoochie Coochies – a la niaque. N'essaie même pas de se faire tout petit dans le mètre carré qui lui est alloué. Le sourire aux lèvres et le geste ample. Maltraite sa turbine à gros sons qui en ronronne de plaisir. Nous offre des notes rondes, chargées de miel et de sucre. Des fondants qui percutent votre estomacs et vous embaument de rurales saveurs résinées.
Personne ne saurait résister à un tel régal. Les jeunes femmes qui composent la majorité du public font des yeux de velours. Le groupe dégage une superbe énergie et emporte la mise haut la main. Les Burning démontrent une fois de plus qu'ils sont le groupe angulaire du rockab français. Beaucoup de choses procèdent d'eux. Dan et Phil sont aux fondements de cette exigence qui a permis de hausser la qualité des bands hexagonaux à un niveau de qualité internationale. Aujourd'hui Gene Vincent ne pourrait plus déclarer que ce qu'il hait le plus au monde, ce sont les groupes français.
Longue conversation amicale avec les Burning après le concert. Ont du mal à s'extirper de cette sympathie qui a accompagné leur show. Dan raconte les tournées incessantes aux six coins de l'hexagone, les nouvelles affiches à l'imprimerie et le nouveau disque en préparation, de Fred qui accueille les groupes de son propre chef, en cafetier indépendant et autonome qui a compris qu'il n'est pas utile de passer par les fourches caudines d'un tourneur pour embaucher un combo. Suffit d'un téléphone. Directement du musicien au consommateur. Pas d'intermédiaire superfétatoire ! Nous apprend aussi que Easy Lazy s'est séparé après les départs successifs de Chris Almoada et de Manu. Il se fait plus que tard, si ce n'était si loin, on suivrait les Burning Dust le lendemain jusqu'à leur prochain concert à Nantes, les voir se confronter à des groupes anglais, suis sûr qu'ils ont marqué des points.
Damie Chad.
II
ROCK AND SWING CIRCUS PARTY
PARIS / CIRQUE ELECTRIQUE / 27 – 05 – 12
LITTLE LOOLIE AND THE SURFING ROGERS
HOWLIN JAWS + JULL + ROCKIN MALEK
Excusez-nous, mais l'on a remis cela le surlendemain. Puisque l'on n'a pas pu aller à Nantes, l'on ira à Paris. Teuf-teuf mobile cap sur la capitale, l'on s'est débrouillé comme des chefs et pourtant Mister Jull n'était plus avec nous, l'on est sorti Porte des Lilas – juste à l'endroit où tu vois la grue – et l'on s'est stationné comme une fleur. Une place, dans une rue tout à côté, où l'on aurait pu garer un porte-avions, rien que pour nous. C'est avec allégresse que nous avons escaladé les marches qui donnent sur la Tiger Place où Le Cirque Electrique a monté son chapiteau.
Deux euros l'entrée pour deux groupes ! Fifties Sound l'Association qui manigance la manifestation devrait être inscrite au répertoire des sauveurs de l'humanité de l'Unesco, plus une mention particulière à Turquy qui a assuré l'organisation de main de maître. Bien sûr, ce ne sont pas des philanthropes, ils se rattrapent sur la buvette, mais avec des consos à deux euros cinquante au maximum, l'on ne pas les accuser d'exploiter le peuple du rock.
Qui est venu en nombre. Deux générations s'y croisent et y coexistent des plus convivialement. Les dinosaures – loin d'être disparus et en pleine forme – de l'époque du Golf-Drouot, et toute une jeunesse entre vingt et trente piges qui afflue en nombre, des garçons qui dansent comme des Dieux et des filles à vous faire pâlir d'envie. Avant les groupes et après, la piste est ouvert aux danseurs, et tout le monde remue salement sur le choix du Disc Jockey qui enchaîne les rocks les plus torrides aux jumps les plus endiablés.
Pour vous distraire et passer le temps, vous avez aussi la brocante. Imitez-moi, venez sans votre baby préférée, sinon vos économies s'envoleront à tire d'ailes en chiffons vintage, authentiques fripes ou créations par de jeunes stylistes autonomes. Production artisanale garantie. Un seul stand avec des disques et de superbes affiches de Gene Vincent, hélas des repros !
Du coup m'en vais sous le vaste marabout mater la balance orchestrée par Mister Jull. Les Howlin Jaws d'abord. Un coup de batterie, trois gratouilles de contrebasse, un semi-riff à la guitare, et c'est terminé. J'ai oublié Djivan, qui tel un berger tyrolien appelant ses pastorales brebis s'amuse à yodeliser dans le micro, et qui sans préavis en plein milieu de ses agrestes roucoulements vous pousse soudain des ricanements sinistres de vampires à vous coaguler le sang. Mais Mister Jull ne se laisse pas distraire par ces puériles facéties, il désire entendre les trois énergumènes ensemble. Nous sortent une intro et un premier couplet si bien en place que tout le monde applaudit. Djivan est obligé de rappeler que ce n'est pas le concert qui commence, juste la roberval de précision.
Pour les Surfin Rogers, c'est un peu plus long. Certes ils sont deux fois plus nombreux que le trio, mais l'ensemble est un peu fastidieux. A première ouïe la chanteuse ne me paraît pas convaincante, mais comme il est dangereux d'augurer du résultat final d'un tableau d'après une esquisse initiale je préfère sortir discuter le coup que de rester sur une mauvaise appréhension...
LITTLE LOOLIE AND THE SURFING ROGERS
La vie est une longue patience. Alors que le flyer indiquait que le concert débuterait à 16 heures, c'est à plus de vingt heures chrono que Little Loolie et ses Surfing Rogers montent sur scène. Voudrais pas passer pour un adepte de la discrimination sexuelle mais il n'y a pas photo. D'ailleurs les Surfing Rogers sont les premiers à la pratiquer, ils ont caché les cinq mâles – certains ne sont plus de première jeunesse, l'on reconnaît même Tony Marlow le vétéran du rockab à la guitare - de l'équipe sur l'estrade où ils sont serrés comme des sardines dans leur boite – et ont poussé la diva Little Loolie, tout à fait devant face au public.
Ils n'ont pas tort. Plus que jolie la petite Loolie, pour le moment elle ne fait rien, se contente de sourire derrière le micro en agitant imperceptiblement le reste de son corps sur l'instrumental de ses accompagnateurs. Un super surfin' – n'ont pas volé leur surnom les Rogers – un saxo voluptueux – celui de Mathias Luszpinski sur un coulis de guitare paradisiaque. L'intro est terminée c'est à Loolie de se charger du gros du turbin. Se contenteront d'assurer l'accompagnement, a priori un peu macho comme démarche, mais notre fillette – merci les talons hauts – a de quoi se défendre. Et puis il y a tous ces regards échangés, qui quêtent approbation et encouragement, mais qui trahissent tendresse et complicité.
Le public s'est massé devant la scène, Little Loolie commence par la figure imposée lorsque l'on prétend être chanteuse de rockabilly – Dynamite de Brenda Lee. S'en tire plus que mieux. Pour le rappel et clore la boucle elle nous offrira un fort beau I'm Sorry toujours de Brenda. Entre temps elle aura décliné tout son talent. Une belle voix capable de se plier à toutes les exigences des flexibilités requises par les nécessités de l'interprétation. Mutine comme une petite fille qui quémande un bonbon, rauque et sauvage comme un bon bout de femme qui n'a pas l'intention de se laisser mener par le bout du nez. N'hésite pas à s'attaquer à My baby left me de Presley sans avoir à rougir comme à My babe de Willie Dixon sans devenir bleue de peur.
Une présence magnifique. N'en fait pas trop. N'en fait même pas assez. Se concentre, chante et sourit. C'est suffisant pour enchanter l'auditoire. Comme par hasard à la fin du set les trois premiers rangs ne présenteront que deux jeunes femmes, l'une maquée à mort par son mec qui la tient de près et une photographe qui fait son boulot. Tout le reste ne sont que des garçons. Je suppute un fond de jalousie chez la gent féminine qui s'est reculée. Certes elle est mignonne, mais c'est surtout sa simplicité, son humilité, et sa fragilité qui la rendent émouvante. Doute encore d'elle, alors qu'en dix minutes elle a mis le public dans sa poche.
Vous ai pas parlé de son tatouage sur le bras. Une belle fleur rouge dont la tige se métamorphose en un dragon d'émeraude. A son image. Elle détient l'éclat des corolles épanouies et le tranchant des pierres précieuses. Sort sous les applaudissements de la foule et les félicitations du public comblé. Heureuse de l'accueil prodigué et comme intimidée de son succès. Rockabilly de charme. Encore jeune. Prometteuse. Faudra pas la quitter de l'oeil, mais pour cela je vous fais confiance.
HOWLIN JAWS
Les dents de la mer II. Le retour. Les concerts se suivent et ne se ressemblent pas. Après le paquebot de l'Olympia – voir notre livraison 98 du 17/ 05 / 12 – le chalutier du Cirque Electrique. Ici pas de fosse et de no man's land protecteur pour les séparer du public. Sont collés à lui comme la sueur sur la peau. Je n'ai qu'à tendre la main pour toucher la contrebasse de Djivan. Plus de deux cents personnes agglutinées en face d'eux. Sont pratiquement cernés. Ca tombe plutôt bien, n'ont pas l'intention de faire de prisonniers. Fondent sur vous comme des oiseaux de proie. Vous emportent dans les airs pour le plaisir de vous relâcher de tout en haut et vous voir rebondir avec allégresse. Car masos comme vous l'êtes, vous en redemandez. Livraison immédiate. Les Hawlin Jaws ne vous laissent pas souffler. Sont des corsaires qui montent à l'abordage, le couteau entre les dents. Pas de quartier.
Situations rock par excellence. Un combo et un public. N'ajoutez rien, ne retranchez rien. Laissez rouler. Laissez rocker. Dès la première note ça s'est mis à tanguer, escadron de demoiselles en avant, ne cesseront pas une seconde de danser de tout le set. Les Howlin confirment la balance de l'après-midi. Font baisser le plateau de leur côté. Déchaînent l'enthousiasme. L'en est un qui fait un sacré boulot, c'est Crash Boom Bang, ne se contente pas de faire boum-boum dans son coin, il contresigne tout ce que font les autres. Il ne les guide pas mais souligne leurs efforts en improvisant de sérieux roulements. Trouve le temps et le tempo, en dernière extrémité, d'appuyer là où ça aurait pu faire mal.
Heureusement qu'il n'y a pas de rideaux car l'on y serait monté. Durant quarante minutes les Howlin se débrouillent comme des chefs. Mais ne voila-t-il pas qu'ils appellent Mister Jull sur scène. C'était prévu, il délaisse sa console et branche sa Gretsch. Nous sommes partis pour un tourbillon. Les Hawlin ont laissé à Jull le rôle d'assurer la partie vocale mais n'entendent pas rester en retrait. Au contraire, leur manière plus moderne pour ne pas dire post-punk de tisser une avalanche sonore derrière le lead guitarist qu'est Jull, oblige celui-ci à radicaliser son jeu. Fout le feu à l'électricité. C'est parti pour une galopade infinie. Le I'm gonna set my foot down de Buddy Holly prend un coup de pied quelque part qui le bouste loin d'un accompagnement Crickets pré-Beatles. Tout de même un des morceaux de Buddy qui ( déjà dès 1956 ! ) tourne le dos au style rockabilly pour s'engager au travers de réminiscences minutieuses de Bo Diddley vers tous ces morceaux comme Down the line qui préfigurent la redéfinition rock'n'rollisée du blues par les Rolling Stones.
J'explicite maintenant à la maison sur l'ordinateur, mais sur l'instant je suis comme tout le monde emporté par le traitement de choc mitonné par Jull et les Howlin. Charivari indescriptible dans l'assistance. Ca bat tellement des pieds sur le parquet qu'il devient dangereux de chanter face au micro, se balance tellement fort, trépide si rapidement qu'il menace à tout instant de venir cogner les dents du chanteur. Un grand, un pur moment de rock'n'roll.
ROCKIN MALECK
D'où sort-il celui-là ?Inconnu au bataillon. Et voilà que Jull pose sa guitare avec toute la délicatesse requise que l'on se doit d'employer pour la conservation des objets vénérables et annonce qu'il laisse sa place et son instrument à Malek.
Le dénommé Malek monte sur scène s'empare de l'engin avec une telle maladresse que la moitié de la salle pense à un gag et l'autre que le caillou tombé sur Jull l'a rendu totalement idiot-céphale puisqu'il prête sa Gretsch à n'importe qui. Malek me tourne le dos, je l'entends avertir les Howlin qu'ils vont jouer My Way, version de Cochran bien sûr. Dès que retentissent les premières notes je pense que c'est Lucky qui joue, mais dans les secondes qui suivent j'opère mon mea culpa. Du haut de quelques décennies accumulées, ce Malek nous traumatise. L'on croirait Eddie ressuscité, en plus méchant et plus électrique avec la voix qui crache et les cordes qui claquent.
L'on a eu l'ouragan, voici la tornade, un Dance to the Bop de Gene Vincent qui nous pulvérise. En trois minutes l'on est scotché, collé et décalqué contre les murs, un déluge électrique s'abat sur nous. Comment nous en sommes ressortis vivants, je ne le sais pas. La salle croule sous les hurlements de joie. Malek fait mine de quitter la scène mais Turky intervient et exige un rappel. Commence par nous faire la nique Malek, en nous faisant répéter la-la-la sur un air de comptine d'enfant, genre le petit chaperon rouge qui batifole parmi les coquelicots, les boutons d'or, les escargots et les papillons. C'est après que le mur de son s'effondre sur nous. Nous gisons inertes tandis que les Howlin nous bombardent sans désemparer. Encore un coup de la-la-la et c'est reparti comme en 14-18. L'on ne s'en relèvera pas.
Les Howlin se chargent d'un dernier morceau. Turky interviendra pour couper court au rappel que désire, en plus et en prime, le public fanatisé. Sûr que les jeunes pousses du french rockabilly se souviendront de leur concert. C'est comme s'ils avaient donné trois sets à la suite sans un interlude de répit. Se sont battus comme des requins affamés prêts à déchirer leurs flancs pour se nourrir de leur propre sang. Une question me turlupine tout de même : pourquoi n'y a t-il pas eu une seconde guitare de rabe sur laquelle Mister Jull aurait pu soutenir Malek, avec un peu de chance l'apothéose se serait terminée en complète destruction du monde !
FIN DE SOIREE
L'on discute avec Malek qui se révèle être un ami de Mumu et Billy qui le connaissent depuis toujours. Mais ce n'est pas un super indice : Billy et Mumu connaissent tout le monde ! Malek nous apprend qu'à la maison il n'a qu'une acoustique qu'il caresse pour son plaisir. On ne le lui dit pas mais l'on comprend que sa famille l'encourage à poursuivre dans cette voie de douceur. Sont quand même pas fous ces braves gens, tiennent pas à être expulsés de chez eux pour tapage nocturne en plein jour.
Encore plein de monde sur le dance-floor, les vendeurs remballent leurs effets. Intenses discussions, l'on s'aperçoit que l'assistance est extrêmement variée et provient d'horizons multiples. Le rockabilly est en train de devenir un point de convergence festif qui attire de plus en plus de monde.
L'on rentre la tête explosée dans les nuages. A l'embranchement du périph, dur retour à la réalité : deux voitures de flics encadrent une automobile. Le conducteur tient les mains levées sur sa carrosserie comme en Amérique, ce doit être au moins un dangereux terroriste qui a mordu ( à pleines dents ) la bande blanche. Quand nous passons à côté, nous sommes rassurés. Tout à fait normal, c'est un noir. Paraît qu'au siècle dernier, dans le démocratique pays de l'Oncle Sam, ces sauvages polymorphes ont inventé le rock'n'roll. Faudrait quand même pas que ça déteigne de par chez nous, dans la patrie des Droits de l'Homme. Peut-être est-il déjà trop tard !
Damie Chad.
P.S. : Y avait aussi une autre journée la veille mais l'on n'y était pas.
CROCKROCKDISKROCK
SEE YOU AT THE ACE ! TONY MARLOW.
Rockers Culture. Jull Records. Rock Paradise Records.
See you at the Ace ! Gimme your love. Already gone. My littles sister's gotta motorbike. Miss Brighton. Searchin' For you. Madeira Drive.
Petit plaisir de rocker. Tony Marlow nous donne rendez-vous at the Ace Cafe, si vous n'avez pas la bécane idoine pour votre course à la mort, empruntez-en une dessinée sur la couverture par Bernard Soufflet. Pour le reste Tony Marlow se charge de tout, il assure le chant, la guitare et la batterie à lui tout seul. Pas fou n'hésite pas à demander de l'aide à Mister Jull pour l'enregistrement, plus le petit solo de Gretsch qui fait la différence. La belle C. Cil pousse sa voix sur Gimme Your Love ( comment lui résister ? ) et Gilles Ferré laisse aboyer son saxophone sur Madeira Drive, une autre compo de Tony. Car attention Marlow nous donne de l'original, six morceaux sur huit.
Un instrumental pour commencer, sonne très anglais - un peu Marvin, un peu Moretti – il est à l'image du reste du disque, pas mal du tout, mais il manque un petit quelque chose qui propulserait l'opus loin devant. My Little Sister's Gotta Motorbike n'apporte rien ni à la petite soeur ni à Cavan Grogan son créateur. De même L'homme à la moto, même rehaussé d'un riff Taylorien en diable – décidément l'on penche pour Joe Moretti – ne tient pas la route, cela est dû à la voix somme toute trop française. Conserver les paroles d'Edith Piaf était-il une bonne option ? De toutes les manières l'on est loin de la susurrante et inquiétante version de Vince.
Les trois derniers morceaux de la face B sont les meilleurs, même si le dernier, encore un instrumental, sonne un peu trop loop de loop. Notre préférence ira à Miss Brighton, toutefois Searchin' For You nous agréée un max avec son arrière fond de ballade western enlevée dont on a perdu le secret de fabrication depuis la fin des années soixante.
Le vinyl n'est pas incontournable mais une petite virée sur les chapeaux de roue ne se refuse pas.
Damie Chad.
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31/05/2012
KR'TNT ! ¤ 100. ROCK THE JOINT
KR'TNT ! ¤ 100
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
31 / 05 / 2012
EDITO Pas peu fiers d'être parvenus en trois ans d'existence à notre centième livraison pratiquement hebdomadaire depuis que nous avons quitté le papier pour le net. Si les dieux du rock le permettent nous espérons continuer encore pendant au moins une centaine de semaines de plus. Avec toujours la même ligne de front : essayer de se démarquer de ce que l'on peut trouver ailleurs – pas que nous n'aimerions pas, au contraire nous sommes sans cesse à fouiner sur Google Blog – mais dans le but de proposer notre petite musique bien à nous. Nous privilégions le texte au détriment du document sonore et photographique. De même nous ne suivons l'actualité rock'n'roll que d'autant qu'elle nous convienne. Nous ne sommes inféodés à aucune maison de disques, et n'acceptons aucune publicité payante à l'intérieur du blog. De même nous ne demandons aucun service de presse et payons de nos propres poches les disques, les livres, et les entrées de concerts que nous chroniquons. L'indépendance n'a pas de prix, même si elle coûte cher. Nous ne parlons que de ceux que nous préférons. Sans exclusive. Même si nous sommes plutôt branchés, pionniers, électricité, rock français, et rockabilly. Mais vous devez vous en être aperçus, et si vous êtes chaque mois quelques centaines à nous visiter, c'est que cela ne doit pas tout à fait vous déplaire. Nous nous excusons de vous rabattre les oreilles avec Gene Vincent et Eddie Cochran, mais soyez sûrs que nous recommencerons. C'est ainsi. Nous leur devons trop personnellement pour ne pas leur renvoyer la balle maintenant qu'ils ne sont plus là. Simple question de la seule fidélité qui compte, celle avec soi-même. Ce qui ne nous empêche pas d'être attentifs à la jeune génération qui monte, Burnin' Dust, Ghost Highway, Hoops, Megatons, Spunyboys, Howlin Jaws et tous les autres. Merci à eux de continuer le combat. KR'TNT Keep rockin' til next time |
ROCK THIS JOINT / 19 mai 2012
VILLENEUVE ST GEORGES
BACKDRAFT / CHARLIE THOMPSON
ROY THOMPSON & THE MELLOW KINGS
ANNITA & THE STARBOMBERS
Dans la teuf-teuf mobile c'était l'accord parfait, Villeneuve Saint Georges, les doigts dans le nez, je pouvais conduire les yeux fermés, y avait même Jean-Luc qui avait assisté à l'édition de l'an passé et qui connaissait l'endroit, et c'est vrai que jusqu'à l'entrée de la ville, ce fut en pilotage automatique. C'est juste après que c'est devenu sacrément rock'n'roll, un mineau nous avait prévenu : « C'est bouché ! Il y a un accident ! On ne peu plus passer ! ». L'on s'est engouffré dans un labyrinthe de ruelles insensées, avec les sens interdits, les interdictions de tourner à droite et celles de tourner à gauche, l'on n'en menait plus large, une véritable attraction touristique, devrait la notifier dans le Livre des Records, l'on s'en est sorti par le plus pur des hasards pour tomber sur une compagnie de CRS de renfort complètement perdus qui faisaient la circulation... L'on a entrevu la scène durant une fraction de seconde, la municipalité avait offert un superbe feu d'artifice pour la soirée rock'n'roll, un gros camion rendu à l'état de figue molle, écrasé au milieu de la chaussée, une façade de maison totalement éventrée, des employés du gaz qui couraient partout... L'on s'est tiré du piège sans encombre – rockabilly vill never dye ! - l'on a croisé une noria de camion de pompiers, d'ambulances et de voitures de la protection civile, mais l'on ne savait plus on était, lorsque Jean-Luc a gueulé : « Je reconnais, c'est par ici ! » juste en face de la flèche géante, d'un jaune incandescent, marqué Rock'n'Roll.
L'on a stationné la teuf-teuf mobile sur le parking du Leader Price. Normal, y avait juste en face une cité, vous ne voudriez pas aussi que l'on installe un Fauchon chez les pauvres, d'abord ils n'auraient pas assez de leur RSA pour payer un se payer un camembert certifié de luxe trois étoiles, ensuite ils risqueraient de prendre la célèbre marque pour l'impératif du verbe faucher. Trois minutes après l'on était devant les locaux communaux, bibliothèque et salle polyvalente avec écrit au-dessus des entrées, en grosses lettres bleu-républicain, Liberté, Egalité, Fraternité, car il faut, dans notre pays démocratique, que chacun de nous sache qu'il est libre d'être pauvre et qu'il doit se comporter comme un frère avec les plus riches que lui. Pour l'égalité c'est comme le mystère de la sainte trinité, il est aussi difficile de croire que 3 = 1 que de comprendre qu'un pauvre est égal à un riche.
INTRO
Passage obligé à la caisse. Quatre groupes vingt euros, l'on a vu moins cher. C'est vrai que certains groupes venaient de l'étranger. Mais à voir comment les disques, les posters et les bouquins se sont envolés des étalages toute la soirée, l'on a l'impression que tout un chacun se défait de ses économies avant le prochain effondrement des banques européennes. N'y a que les vendeuses de fringues qui ont plié boutique bien avant la fin : « Tu sais chérie, ton sac à main à fausse peau authentique de léopard, il attendra que j'ai complété ma collection de Crazy Cavan ! ». Pour ceux qui n'avaient pas un flèche, pouvaient repartir avec deux valises pleines de flyers, de quoi remplir trois album de collections.
ANNITA & THE STARBOMBERS
Les Barnstompers sont sur scène, quand ils font office de support-band d'Annita, ils prennent le nom de Starbombers. Ils viennent du pays de l'autre côté du Rhin donc de Germany, comme Annita mais qui a séjourné, tourné, et enregistré aux USA, à Austin notamment, où elle a été adoubée, voici plus de dix ans par Brenda Lee. Difficile d'avoir une meilleure caution.
Elle a une belle voix Annita, dans sa jupe à larges plis, avec ses yeux bleus et sa lourde chevelure brune – dans la salle plusieurs nanas abordent le même look un peu rétro dépassé avec la fleur rouge plantée sur le côté dans les cheveux – mais l'orchestre derrière me fatigue. Eux par contre ils ne risquent pas la rupture d'anévrisme, ça swingue mollement, sur le mode western, stetsons à l'appui et contrebasse attifée de peaux de vache – voudrais pas être méchant mais je vais me conduire comme la vache du rodéo qui vire ses cavaliers en deux tours de reins.
L'on se croirait cinquante ans en arrière dans un bal perdu au fond de l'Oklahoma avant la guerre ( la seconde ), ça jerke doucement, et cette pulsation insipide héritée du jazz blanc, chtatc à chtatc, chtatc-chtatc-chtatc, m'horripile souverainement. Suis rebelle à ce beat qui bande mou. Vous me direz que les musicos ne sont pas en cause – sont même plutôt bons – qu'ils sont dans les canons idoines du style western-swing, qu'ils font preuve d'authenticité, et j'acquiescerai à toute votre argumentation, sauf qu'un western sans fureurs Apache, sans règlement de compte à OK Corral et sans horde sauvage de pistoleros déjantés me semble un mauvais film. Si la scène d'action flirte avec la danse de saloon, j'ai tendance à pousser mon cheval sur une piste solitaire et à m'éloigner en douce... Je n'étais pas le seul puisque devant la porte j'ai retrouvé une armée d'outlaws en rupture de banc qui étaient en train d'en griller une – entre Lucky Luke et Lucky Strike le choix parfois s'impose de lui-même - en attendant que la caravane des lourds charriots s'éloignent doucement dans l'horizon...
Remarquez tout le monde n'était pas de mon avis, même Jean-Luc qui s'est offert le CD de la dame...
ROY THOMPSON & THE MELLOW KINGS
Sont nombreux puisqu'ils possèdent un clavier, ce qui ne les empêchera d'être traités comme les autres. Un son pourri, de chez pourriture du diable. Malheur à ceux qui se plantaient vers les baffles de droite, à gauche c'était un tantinet mieux mais n'espérez pas un miracle. Je conviens qu'avec un plafond si bas ( de gamme ), garanti stratifié poreux, et les grilles d'ouverture pour les néons, ce ne devait pas être facile d'établir une juste balance. Juste retour des choses, les musicos ont passé la soirée à faire des signes de sourds-muets désespérés pour signaler qu'ils ne s'entendaient pas sur scène.
Pas vraiment rockabilly. S'inscrivent plutôt dans les racines noires. Rhythm and blues pour lâcher le mot qui ne fâche pas. Cependant sur leurs disques vous le trouverez sur Sleazy Records, la pochette n'est pas des plus parlantes - ils ont écrit Rockin' Rhythm And Blues. Et plus ils avanceront dans le show, mieux on l'entendra.
Olivier Laporte autrement dit Roy Thompson qui a fondé le groupe en 2010 après un long périple au Canada tient le micro et la guitare, n'est pas mauvais, tout comme Gaël Pelletin, sa barbiche carré qui pointe sur sa contrebasse, mais moi je n'ai d'oreilles que pour le guitariste solo, un jeune à la dégaine décalée, visage en lame de couteau, un anneau à chaque esgourde et des doigts en or. Connaît son Freddie King et son T Bone Walker – l'on a tendance à oublier qu'il a influencé la majorité des guitaristes du siècle dernier – par coeur. Pour moi il sera la révélation de la soirée, tout électrique, assurant comme une bête, ne se mettant jamais en avant. Vous refile son nom Jean-Pierre Gardin, mais gardez l'oeil sur lui, suppose qu'il poursuivra son chemin en faisant parler de lui.
Un bon set dont tout le monde demandera quelques tranches de rappel supplémentaires.
CHARLIE THOMPSON
Comme quoi un Thompson peut en cacher un autre. D'autant plus traître qu'en lisant le flyer l'on pensait que c'était le groupe de fin de soirée. La face noire de la force des Thompson c'était Roy, le côté visage pâle c'est indéniablement Charlie, beaucoup plus racines country du rockabilly. Sans surprise au niveau du répertoire, beaucoup de reprises notamment un très bel Johnny Horton. De toutes les manières tout ce à quoi Charlie Thompson touche il vous le restitue en force avec en plus la touche personnelle, jamais iconoclaste, qui fonde toute la différence.
L'on aurait pu s'attendre au pire avec le batteur dans sa chemise bleu-roi soutenu de mauve impactée de grosses roses mi-country mi-clown, le guitariste solo dans sa cow-boy shirt jaune et verte. Nul n'ignore que l'esthétique rockabilly flirte avec le mauvais goût des couleurs criardes mais là, ils ressemblent aux figurines Starlux de mon enfance. Surtout le guitariste rythmique, longiligne, drapé dans une interminable tunique bleue ciel, à laquelle il a ajouté un stetson blanc pour paraître encore plus grand et accentuer la pâleur peu catholique de son teint translucide.
J'admire son jeu de main. N'est pas un adepte du plus court chemin pour retomber droit sur ses cordes. Enchaîne moulinets sur moulinets. Semble chercher la rosace partout où elle n'est pas. Pourquoi faire simple tant qu'il nous reste assez de force pour nous compliquer la vie. En fait ces tourniquets tourbillonnants ne sont pas dus à un parkinson galopant. Simplement l'effet recherché, le retard calculé d'un quart de seconde pour que le rythme binaire de base ne marche pas au pas, comme une indécision qui fait que le un, deux de base n'est jamais suivi d'un second un, deux de base, mais d'un soupçon de rythme ternaire. Plus tard Alain – qui cumule chez KR'TNT les emplois de technicien de théoricien et d'historien – rappellera la valse originelle du blues, en remontant jusqu'à la rythmique primordiale de la washboard, l'instrumentation la plus rudimentaire de la musique noire.
C'est comme une recette de cuisine, la rythmique pour épaissir le roux de la sonorité de la basse, manière de donner à celle-ci, par la seule existence de ce battement régulier dans son irrégularité, comme une ligne mélodie, le serpent qui s'enroule autour de la ponctuation de la batterie qui découpe à sa guise le tissu ininterrompu que lui fabriquent ses deux acolytes. Le drum découpe à coups de pilon. C'est à la guitare rythmique de poser et de fignoler les fronces finales. Après cela vous êtes habillé pour l'hiver. Le chanteur – véritable machine singer qui doit tomber à point et à plates coutures - n'a plus qu'à ajouter la soupline de la voix. Du cousu main.
Autant dire que Charlie Thompson taille un costard à chacun des participants. Nous fagote pas mal du tout, car l'on en redemande. L'on ne lui coupera le fil à la patte qu'au bout de trois rappels et c'est bien parce que l'on sent qu'il a tout donné et quelques miettes de plus qu'on le laissera repartir sous les vivats enthousiastes. Vers sa terre natale. M'est avis que de nombreuses stations doivent l'attendre en Angleterre. Et ailleurs. En attendant il signe des rondelles de vinyl de son dernier single à la pelle.
BACKDRAFT
Les Backdraft sont sur scène. Chemise noires à rayures oranges, deux guitares, une basse, derrière un batteur que ses trois camarades s'obstinent à cacher, peut-être parce qu'il a oublié de rajouter les bandes mandarines à sa couvrante. De toutes les manières z'auraient pu se zébrer comme des tigres, que ça n'aurait rien changer au résultat.
Un flop monumental. Avec tout le monde qui se tire en douce au fur et à mesure qu'ils alignent leurs morceaux comme des cadavres dans une fosse commune. Ne restera plus que trente pèlerins effondrés à la fin du set. Faudra que le gentil organisateur se dévoue monte sur scène pour un rappel que l'on supportera stoïquement comme la Garde qui meurt sur place à Waterloo. Ouf de soulagement général lorsque l'on arrive au bout de l'enterrement de première classe.
Doivent tout de même avoir un peu plus d'énergie d'habitude, nos musicos venus d'Allemagne, vingt ans qu'ils tournent dans le métier et ils nous ont délivré une infâme purée, d'une extrême platitude et d'une inconsolable pauvreté. Je ne suis pas un grand fan du renouveau Ted des années soixante et dix et quatre-vingt. Des groupes comme Crazy Cavan ont eu le mérite de réveiller et de redonner vie au milieu rock qui était en train de s'étioler. Un sacré coup de fouet même. Ils ont rallumé la flamme et l'intérêt. A leur suite se sont engouffrés tous les groupes cats et fifties qui se sont penchés sur les racines de leur musique.
Me situerait plutôt dans le camp des rockers – plus on est petit, plus on se divise – reprochant à la musique des teds une certaine monotonie, son manque de curiosité et son refus de sortir de ses propres canons élaborés à l'aube des années soixante-dix sur les productions de groupes anglais comme les Wild Angels, qui certes ont bien accompagné Gene Vincent sur scène mais qui d'après moi ne sont pour cela aucunement dépositaire d'une quelconque orthodoxie rock'n'rollienne. Vincent qui ne possédait plus de groupe personnel depuis longtemps avait l'obligation de s'adapter aux bonnes – mais aussi aux mauvaises – volontés qui lui servaient, avec plus ou moins de bonheur ou de savoir-faire, de backing group.
Notons que cette antinomie rockers / teds a de toujours travaillé le milieu rock. Avant l'éclosion Ted, il existait une fracture invisible mais bien réelle, entre ceux qui préféraient Eddie Cochran et les supporters de Gene Vincent... Nous reparlerons prochainement un peu plus en profondeur des luttes et des glissements de ces plaques tectoniques qui agitent le mouvement rockabilly dans son ensemble. Comme pour mettre tout le monde d'accord, l'on nous apprend à la sono que le trente septembre prochain Rock This Joint offrira pour remercier l'assistance de s'être déplacé en nombre un concert gratuit.
Sera-ce un groupe ted ou fifty ? L'on s'en fout l'on sera là dans les deux cas. Nous préférons juger sur pièce que sur des a priori théoriques que trois accords de guitare pulvériseront en trente secondes.
Damie Chad.
KROCKROCKDISCK
THE OBSCURITONES
ANGEL EYES / ROCKABILLY BOOGIE
Rockbilly Queens serie : Volume 1.
RYDELL RECORDS
L'avantage de participer à des concerts rockab c'est que souvent l'on peut établir une ligne de consommation directe : du producteur à l'écouteur. Ne dites pas que vous ne connaissez pas les Ryddel Records alors qu'il y a cinq minutes encore vous étiez en train de prendre votre pied sur le Come to New Orleans de Chris Almoada, eh oui c'est la même crèmerie avec ce son si onctueux !
Deux jeunes femmes Joey et Gabriella ( Gaby pour les intimes ) sur la pochette, plutôt réussie, rejettent un peu dans l'obscurité le reste du groupe qui doit être adepte de la mixité car l'on retrouve encore une female guitar hero Samantha Kidman et trois messieurs à savoir Phil Casey à la batterie, Andy Brighton à la contrebasse et Hugh Byrne à la guitare. Notons qu'à eux trois, ils auraient pu former un trio rockabilly des plus respectables mais non, ils ont tenu à s'encombrer d'une triple gent féminine. Ce que nous comprenons tout à fait.
Le disque est surprenant, bâti sur l'opposition instrumentation pur rockabilly bien électrifié et le duo de voix qui tire un peu sur un phrasé à la Andrews Sisters avec des inflexions jazz boogie woogie qui ne passent pas inaperçues. L'ensemble risque de choquer les puristes mais n'est pas du tout désagréable.
Ca n'a pas du être facile de percher ces voix qui ont tendance à prendre de l'altitude sur ces guitares qui foncent droit devant à ras de terre, tout en mettant en évidence le travail de la batterie qui effectue un remarquable travail de jointure entre ces deux postulations musicales antithétiques. Conclusion, derrière ses consoles Steve Ryddel a dû se prendre la tête. Bien sûr c'est son boulot mais il n'était pas écrit à l'avance qu'il réussirait son pari. Travail de précision et d'orfèvre pour un disque rockab qui sort un peu des sentiers battus. Et il n'y a pas à dire tout ce qui est borderline est follement attirant.
Chez Ryddel Records l'on aime la précision du son et l'on vise à une restitution haute fidélité. Des monomaniaques de la qualité super sonique en quelque sorte.
Damie Chad.
AVIS AUX COLLECTIONNEURS
Une nouvelle série SUN originale made in France. Ce n'est pas la première, mais celle-ci est toute nouvelle. Disponible chez LENOX RECORDS ( 138 rue Legendre / 75 017 PARIS ). La licence vient de chez Charly Records ( qui avait hérité de Singleton qui l'avait racheté à Sam Philips ).
L'on soigne les bébés : tirage limité de 500 exemplaires / pochette cartonnée bien plus belle que les pochettes papier blanc à rayures jaunes des Sun originaux / des titres jamais sortis en single ou encore mieux des alternate takes.
J'ai gardé le meilleur pour la fin : deux disques tous les trimestres : un qui reprendra le catalogue rockabilly de Sun, et l'autre – c'est ici la cerise sur le gâteau – qui explorera tous ces chanteurs noirs que Sam Philips avait d'abord systématiquement enregistrés, avant de les laisser tomber comme de vieille chaussettes ( noires ) dès qu'il eut mis la main sur la perle rare l'hillbilly cat préféré des adolescentes de l'époque beaucoup mieux connu sous son nom d'Elvis Presley.
Donc pour votre collection : JIMMY HAGGET SP-100 et JUNIOR PARKER SP-101
Damie Chad.
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