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14/07/2011

KR'TNT ! ¤ 61. EASY LAZY/HOOP'S/BURNING DUST

 

KR'TNT ! ¤ 61

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

14 / 07 / 2010

 

 

LA SEMAINE DES TROIS CONCERTS

 

I

EASY LAZY « C « AND HIS SILVER SLIPPERS

 

à L'EXCUSE / LONGJUMEAU / 08 / 07 / 11

 

L'été sera rock ou ne sera pas. Vendredi, samedi, dimanche. Carton plein. Chez KR'TNT on a la mémoire longue. Dans notre kronikrock du 04 / 11 / 10, l'on avait noté Easy Lazy ''C'' and his Silver Slippers dans le quintet gagnant des vingt-cinq participants au volume 1 de Rockers Kulture de Rock Paradise patronné par Tony Marlow, on s'était promis de voir cela de plus près à la première occasion.

 

Concert annoncé de cette foutue bande de glisseurs à Longjumeau. D'une traite pied au plancher, on the road again, on a vite trouvé l'Excuse de se radiner au bar. Chez Fred, il est en train de bichonner les musicos d'un poulet basquaise agrémenté d'un petit picrate dont le niveau baisse à la vitesse d'une nappe phréatique en plein Sahara, mais pour nous il nous recommande les friteries voisines, c'est qu'à l'Excuse on écluse exclusivement !

 

Le public arrive, lentement mais sûrement. Beaucoup de nostalgiques du Longjumeau d'avant, une sacrée pépinière de rockers à les écouter. N'ont pas tort, il y avait même dans les années soixante un des tous premiers fanzines rock, tout à côté à Savigny-Les-Orges. Chacun y va de son souvenir, mais bon le rock a aussi un futur et ce soir il se nomme Easy Lazy ''C'' and his Silver Slippers !

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PREMIER SET

 

L'arrière-salle n'est pas immense mais une fois le combo installé toute une partie du public peut se glisser le long des murs, le reste bouchonne à l'entrée contre le bar. Maintenant les gars, faut suivre car les Silver Slippers ils filochent à grande vitesse. Commencent par surprise alors que presque tout le monde grille ses clopes sur le trottoir. Deux premiers morceaux, que je qualifierai de western swing, mais je ne le maintiendrai pas sous la torture, le temps de me faufiler au premier rang, et de prendre mes repères...

 

Cinq. Au fond le batteur, Nico Teen – un nom de guerre qui rappelle les grandes heures du punk – avec cette curieuse manière de frapper, rond de bras et je ramène tout à moi, pas très catholique peut-être, mais comme on n'est pas là pour écouter la messe et que le beat est terriblement efficace, l'on ne se plaindra pas.

 

A la contrebasse Manu, domine son instrument, la mama a intérêt à filer droit et juste, tire sur les cordes comme un repris de justice, et tranche du plat de la main. L'on a parfois l'impression qu'il fait jeu égal avec le soliste. Mais est-ce une impression ? Le voici notre guitariste, Chris, à la gauche de l'autre Chris le chanteur, qui s'applique sur sa Fender. L'en tire des sons de haut désastre. Fabuleux, une sonorité à vous rendre jaloux, ça sonne comme l'intro de Shahin'All Over, mais sans arrêt. N'a pas le temps de chômer, c'est que le lead-singer presse les wagons. Vous présente les titres en deux syllabes et demie, et hop c'est parti fond de train. L'on ne saura jamais ce qu'il y avait après Be Bop quelque chose, mais il se jette dans le morceau comme au saut à l'élastique. Ultra rapide. Même la fin, vous n'entendez pas venir. Ca casse net comme un éclat de verre. Vous n'avez pas le temps de reprendre souffle que c'est déjà reparti dans un truc hyper speed.

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Epoustouflant. Ces mec-là, il faut leur confier la direction de la SNCF, plus jamais un train en retard et les TGV en avance sur l'horaire. Sur le côté, le pianiste, manie son Roland comme l'autre son cor à Ronceveau, sonne la charge plutôt que la retraite. S'amuse comme un grand fou, j'en ai oublié son prénom, à la Jerry Lee comme il se doit. Sur Roll Over Beethoven, Ludwig en personne s'arracherait les cheveux, comment oser maltraiter si méchamment un clavier qui a dû lui faire quelque chose si l'on s'en rapporte à la magistrale avoinée qu'il lui assène. Les touche blanches hissent le drapeau de la reddition et les noires battent de l'oeil cocard au beurre. A l'entracte l'on me dira qu'il est là ce soir au pied levé et qu'il joue habituellement dans une formation rock-blues. Pour le blues je ne sais pas, mais à la manière dont il essuie le dentier, je ne me fais pas trop de souci pour l'aspect boogie-woogie de son band.

 

Pas eu le temps de faire ouf. Que c'est déjà fini. Une heure de jeu, passée en une minute de jus. Interset. Tout le monde descend. Il y a du monde au buffet, ça discute dur, les mines sont réjouies, et l'on se pressera aux portières lorsque retentira le sifflet du départ.

 

DEUXIEME SET

 

L'on ne ne le savait pas. L'on venait juste de faire une petite ballade sympa dans les roots. Rockabilly mon amour. Un peu survitalisé certes, mais ce n'était rien, juste un hors d'oeuvre. L'on s'est traîné en chariot de bois le long des plates plaines de l'ouest, un peu poursuivi par des Sioux au galop d' appaloosa, mais maintenant l'on va descendre les chutes du Niagara sur un radeau, rien de mieux qu'un combo-rock directement branché sur l'hydroélectricité d'un barrage qui vient de céder.

 

Les grosses fesses de la Mama sont remisées sur son porte-bagage, Manu a sorti son laser électrique. Les Silver Slippers nous refond le coup des Blue Caps qui troquent la contrebasse contre la basse électrique. La mort du rockabilly pour les puristes, l'archétypale naissance du groupe rock pour les éclectiques. Vous voulez du rock'n'roll, vous allez en avoir.

 

Fulgurant. Trait de feu. Métal liquide en fusion. Rien ne les arrêtera plus. Vitesse en augmentation constante. La guitare de Chris Almodoa crisse comme une formule 1 dans un virage en épingle à cheveu. Faut dire que Manu ne lui laisse pas la bourre. Se glisse partout dans les interstices et l'autre qui se dépêche de colmater. Un super instrumental confirme le talent de Chris. Ah ! Ces notes qui s'envolent, résonnent et éclatent de partout dans votre pauvre boîte crânienne.

N'oubliez pas de rajouter les poignées de poudre que le pianiste lance dans la marmite dès que l'occasion se présente, la rythmique de Chris, le chanteur qui éructent ses lyrics comme des ricanements de hyène en folie. Et Nico Teen qui vous enfourne avec méthode et vélocité d'énormes pelletées de bâton de dynamite dans le fourneau. Apparemment à la fête, dans un moment d'enthousiasme typiquement tex-mex il s'empare de deux maracas au bout rouge-bite et vous embarque dans un beat de grande branlante qui tangue et chaloupe à mort.

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Qui a dit que le rock'n'roll était mort ? Avec lesEasy Lazy '' C '' and his Silver Slippers il n'est pas près de s'arrêter. Turbine comme un avion de chasse. Font pas dans la maintenance des vieux rafiots et la reconstitution en maquette au 1 / 43. Sont plutôt dans l'expérimentation des prototypes révolutionnaires. Le rock offre deux versants, celui qui balance comme un air de jazz, et celui qui roule droit devant lui sans regarder derrière. La ligne de partage, tradition / innovation. Easy Lazy a opté pour les descentes vertigineuses du grand huit ( pistes ) en construction.

 

Pas à la Brian Setzer qui a surtout retravaillé le son d'origine en lui insufflant du sang neuf. Mais un peu comme s'ils reprenaient les morceaux ultra-rapides de Gene Vincent en essayant de voir ce que cela peut donner, cinquante ans d'innovations et d'errements rock plus tard. Moins de syncope, davantage de glisse. Mais là où Gene Vincent s'était appuyé sur les choeurs pour assurer une plus grande vélocité rythmique et vocale, les Silver Slippers misent avant tout sur l'instrumentalisation de l'instrumentation rock typique. Les guitares ne sont plus accompagnatrices du rythme – même si elles pouvaient en être ordonnatrices - ce sont elles qui mènent la danse. Plus early sixties que cinquante quelque part.

 

AFTER SET

 

Trois rappels et c'est fini. Public heureux. Musicos crevés mais contents de l'accueil. Des gars très simples. Dès qu'ils ont quitté leur instrument, ils redeviennent ce que nous sommes, de simples fans, Manu me fait écouter sur son portable ses dernières découvertes, un tuyau pour nos lecteurs, Wolfmother sur You Tube. Plus triste, c'était un concert historique, le dernier avec Manu, muté dans le sud... Connaît déjà quelques copains du côté de Montpellier qui font du rockab, sera pas perdu pour le rock'n'roll. Ce serait trop dommage.

 

Quant à Easy Lazy, faudra se restructurer. Accordons-leur notre confiance. Leur vision du rockabilly est trop marquée pour qu'elle soit due à une conjonction hasardeuse. Sauront creuser et perpétuer le sillon. D'ailleurs question sillons, vous avez la chronique de leur disque dans la rubrique suivante. Un mauvais point pour Chris Almoada, a discuté une demi-heure avec Alain sans avoir mentionné qu'il a sorti l'année dernière sous son propre nom, un CD, Come to New Orleans, sur Ryddel's Records distribué par Rock Paradise. Nous vous en reparlerons, nos plus fins limiers sont sur la piste et nous en avons déjà capté quelques extraits prometteur. Quel cachotier ! Pour dire vrai, j'avais vu la chronique sur Jukebox mais je n'avais pas tilté. Shame on me !

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Quatre heure du matin. Enfin dodo. Pas encore la paix, le chien qui est resté enfermé depuis six heures du soir, vient chercher sa demi-heure de caresses ! Croyez-moi, vie de rocker, vie de chien !

 

 

 

II

LES HOOP'S

LE LION D'OR / TOUCY / 09 / 07 / 11

 

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Ce coup-ci, c'est de l'addiction pure et simple. Trois fois les Hoop's en un mois. C'est grave mais je me soigne. Non, I don't need a doctor, juste d'une rock'n'roll thérapie. Le chien est monté de lui-même dans la voiture et l'on a pris la 6 ( non pas la 66 ) vers Auxerre. On the road again, on n'a pas foncé comme des fous car c'était départ de vacances et derrière chaque pilier d'autoroute se profilait un képi de pandore veillant sur notre sécurité. Bref comme disent les autonomes, police partout, justice nulle part. En plus ils auraient mieux fait d'être à Toucy parce que avec tout ça qui s'est passé...

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Au Lion d'Or quand ils invitent un groupe, ils ne font pas dans la dentelle. Ils ont carrément barré la rue. Double estrade en barricade au débouché sur le boulevard. Plus aucune voiture ne passe, Rock'n'roll is here to stay. Profusion de chaises sur les trottoirs, myriade de tables pour huit personnes sur la chaussée. Quand je suis arrivé à part une équipe de volontaires qui roulaient les tonnelets de bière et les Hoop's qui s'affairaient après leur matos, il n'y avait pas un chat ( à se mettre sous la dent, dixit meus black dogus ).

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Je n'avais jusques alors de toute ma très longue existence jamais entendu parler de Toucy, je reconnais que la cité toucyenne m'a touché, coulé. A six heures tapantes la moitié de la population a envahi le lieu, tout le monde, sans exception, les hommes, les femmes, les enfants, les ados, les jeunes et les vieux, des bancs entiers de français moyens, des strates épaisses de majorité silencieuse, un échantillonnage grandeur nature de la France profonde... C'est à peine si l'on entrevoyait dans cette foule moutonnante deux ou trois blousons de rockers perdus dans la marée humaine... Le seul aspect positif de la chose, c'est qu'après le concert les Hoop's ne pourraient pas se plaindre qu'il n'y avait que des convertis !

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SANS CONCESSION

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Dernier froti-frota sur les cordes, petit boum-boum ponctué sur la grosse claire, Richard vérifie que son cigare n'a pas quitté son oreille, Steph s'avance vers le micro. Réalise-t-il la situation ? Toujours est-il qu'après le bonsoir traditionnel et les remerciements au public d'être venus si nombreux, il prévient les masses ignorante au cas où elles n'auraient pas compris : «  Nous sommes un orchestre de rock'n'roll et nous jouons du rock'n'roll ». Applaudissements polis.

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Et puis... Ce sont des secondes magiques, ou ça passe, ou ça casse. Pas de juste milieu. Le combo est à l'arrache, ça shake, ça rattle et ça rolle de tous les côtés. Dès la première moitié du premier morceau, c'est gagné. Les têtes se mettent à balancer et les pieds à taper du rythme. Attention il faut battre le fer tant qu'il est chaud et ne point le laisser refroidir. D'instinct les Hoop's ont compris l'enjeu. Il leur faudra être encore plus rock'n'roll que d'habitude.

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Derrière ses futs Kevin envoie la sauce, n'a pas intérêt à laisser roupiller la machine. En veux-tu, en voilà, c'est que devant ils en redemandent, dans sa redingote noire à parement rouge Jean-Eric adopte l'attitude bestiale du joueur de Gretsch à qui l'ange exterminateur du rock'n'roll vient d'apparaître. Sourire béat et hurlements de terreurs se succèdent à vitesse grand V. Ses doigts courent sur le manche comme des araignées en folie.

 

La basse de Richard explose, il envoie des vibrations rayonnantes qui s'emmêlent à vos boyaux et précipitent les montées de Kundalini, reptilienne libération de l'énergie sexuelle contenue dans le corps de chacun. Les Hoop's sont servis par une sono qui capte et répercute le moindre tressaillement des doigts sur les cordes. Si le public s'est laissé apprivoisé si rapidement c'est aussi grâce à l'équilibre de la balance, le son vous percute tout en vous caressant. Insidieuse volupté du rock'n'roll.

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Steph est porté par l'engouement de la foule. Vers la fin du show une corde de sa rythmique cassera. Inutile d'opérer un changement en catastrophe. Que l'instrument aille se faire pendre ! Débarrassé de son appareil, il est à cent pour cent concentré sur son chant et emporté par les lyrics. Presley a fait scandale quand il a avoué que souvent sa guitare n'était pas toujours branchée. Elle était dans ses bras pour la rock'n'roll attitude. Et pas pour la musique ! Dans les derniers rappels Steph se livrera à fond, modulant de la voix les énergies de la foule qui tangue et danse devant l'orchestre.

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J'ai toujours eu un faible pour le King Creole d'Elvis. Pas le meilleur morceau du King, mais un truc à part qui fonctionne plus que bien. Les Hoop's en sont à la moitié de leur set quand ils en entonnent l'intro. Pour fonctionner, ça a fonctionné à merveille. Déclenchement d'une hystérie collective, chez les petites filles pour commencer. Les petiotes se lancent sur la piste et vous enchaînent grand écart sur écart, pirouette, retombé, de face, de profil, de trois-quart, d'autres grimpent le long des poteaux indicateurs comme des colonies de ouistitis en goguette. Richard qui essaie de se cacher derrière sa basse est arraisonné par une grand-mère qui ne veut plus le lâcher. Les Hoop's ont été à deux doigts de finir en trio. Au milieu de la piste, de jeunes mamans se tapent des jerks incroyables, et dans tout ce joyeux foutoir, se faufilent les garçons de café qui portent à bout de bras des plateaux surchargés de demis.

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Les Hoop's sont cernés. Jusqu'à lors ils ont joué face au public, mais maintenant il y plus de deux cents personnes derrière eux qui ne perdent pas une miette du festin sonore. C'est le délire. Richard se vautre sur le dos de Jean-Eric qui découpe les riffs à la faucille, Steph aboie dans son micro, seul Kevin emmuré dans sa tour sonore de l'espace architectural qu'il construit de ses baguettes se contente de sourire.

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Lorsque Steph annonce le dernier morceau, il doit se rendre à l'évidence. Vont pas s'en tirer comme cela. A part un vieux grand-père tout perclus de rhumatisme qui est arrivé avec difficulté sur ses deux béquilles, personne ne bouge. Je le vois repartir tout guilleret les cannes à la main ! Quand je parlais de rock'n'roll thérapie...

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Devront nous bazarder quelques reprises saignantes à la Tutti Frutti pour qu'on accepte de les laisser partir une demi-heure plus tard. Richard descend de scène pour gratter parmi les danseurs, Steph se démène autour de son micro, quelle classe ! Les yeux bleus de Jean-Eric sont trempés de sueur mais ils pétillent d'une énergie débordante... Des spectateurs viennent demander des titres que les Hoop's ont déjà interprétés, mais dans la liesse et la furia ambiante, ils ne s'en sont même pas aperçus !

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POPULAIRE

 

Quel concert ! Et vous n'y étiez pas. Tant pis pour vous ! Ce n'est pas que les Hoop's survoltés ont encore mieux joué que les fois précédentes, c'est que pour une fois le rock'n'roll a été ce qu'il devrait toujours être, une musique populaire, un début de folie collective, une transe rythmique partagée entre tous.

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Cinq cents spectateurs enflammés par la flamme ardente du rockabilly. Une ville qui entre en communion avec les mânes d'Eddie Cochran et d'Elvis Presley. Le feu couve sous la cendre. Les Hoop's ont de la ressource. Rien qu'à voir le nombre de personnes qui vient les remercier, les toucher, échanger quelques mots avec eux pour plus tard se vanter de leur avoir parlé, l'on comprend que le rock'n'roll est une musique vivante. Qui transcende tous les clivages organisationnels et ségrégationnels de notre société.

 

Merci au Hoop's de nous avoir pour deux heures libéré de nos prisons. Vive le rock'n'roll !

 

PS : un énorme merci et un coup de chapeau à la très jeune photographe qui m'a fait parvenir toutes les photos qui illustrent ce compte-rendu.

III

BURNING DUST ON THE HIGHSTONES

 

CONVENTION TATOO / APPOIGNY / 10 / 07 / 11

 

Toujours on the road again. Tout ce chemin depuis Provins pour se retrouver à l'entée d'Auxerre à dix kilomètres de Toucy, et tout ça pour du rock'n'roll ! Oui mais pas n'importe lequel ! Burning Dust ! C'est en écoutant pour la première fois Burning Dust en concert, que l'idée de KR'TNT a germé dans notre cerveau enfumé. C'était il y a deux ans au mois d'avril. Oui, mais en deux ans il en est passé de l'eau sous les ponts du rockabilly, et nous avions envie de refaire le point.

 

Auxerre, ce sont les spécialistes du fléchage, vous tombez pile-poil à l'endroit désiré. Bravo et merci les gars. Troisième sens. Je me suis méfié tout de suite. Toute la panoplie était là : voitures américaines au paddock, escouade de Harley Davidson ( je ne reconnais plus personne ) au repos sur le bitume, cinq sur cinq pour le décor, mais l'âme du rock'n'roll ne planait pas dans le paysage.

 

Après tout c'est écrit en gros sur le panneau : Convention Tatoo, rien à voir avec Convention rock'n'roll. Pour sûr, mais je suis de ceux qui pensent que les univers parallèles, tout comme les rails du chemin de fer finissent toujours par trouver un horizon où se rencontrer. D'ailleurs sur l'affiche, ils ont bien posé des noms de groupes de rock, si je m'abuse, non d'une poussière brûlante !

 

Galerie marchande, pas dégoté un seul disque, l'on ne vend que des encres de couleur et des aiguilles. Deux vastes salles découpées en une quarantaine de box. A ma grande surprise ils sont pratiquement tous occupés par des pro en plein travail. Que de patients, et l'appellation est des plus pertinentes, car imaginez le nombre d'heures nécessaires pour votre tatoueur préféré peinturlure sur votre dos la porte de l'entrée des Enfers de Rodin, ou si vous êtes davantage ami des bêtes un aigle aux ailes éployées sur vos omoplates !

 

Un quarteron de gugus qui le même jour à la même heure se font piquer la peau pour être encore plus beau, je n'y crois guère. Nous sommes sur un effet de mode. Certes le tatouage décore au choix votre postérieur ou votre avant-bras, mais il ne signifie plus rien, il n'est plus qu'une image vide de sens. Son implication est des plus superficielles. L'on ne se tatoue plus pour se démarquer de la société mais pour appartenir à la tribu du plus grand nombre. Il fut un temps où ne se tatouaient que les marins, les prisonniers, et les rockers...

 

A la sono l'on annonce les Libertines. Etrange le groupe briton a splitté voici plusieurs années et que viendrait faire Carl Barât par ici, ce doit être une attraction homonyme. Les faits me donnent tristement raison, nos Libertines sont deux jeunes femmes en tenue légère, qui enchaînent les poses lascives en feignant de laver une Buick des années 50, s'aspergeant de mousse pseudo-spermatique de liquide vaisselle, pour finir par enlever leurs soutien-gorges. Un public très nombreux se presse et en fait des gorges chaudes...

 

Depuis un moment ça remue du côté de Burning Dust. Les musiciens sont sur le plateau d'un gros machin routier – a real american truck - à l'autre bout de l'esplanade, et discutent avec le responsable sono... Nous avons droit au check sound en direct. L'affaire est réglée en dix minutes, très pro.

 

Premier morceau : je me retourne, mais où est passé le gros des troupes qui miraient les mirabelles dénudées ? Disparues ! Ce n'est qu'après le concert que l'on connaîtra le mot de la fin, durant le set de Burning Dust, les organisateurs n'ont rien trouvé de mieux que d'offrir à chacun des visiteurs, à l'intérieur des locaux, un énorme part de gâteau d'anniversaire afin de fêter leur dixième convention Tatoo... Procédé qui frise l'indélicatesse...

 

Je l'avais pressenti, l'on n'était pas dans un milieu vraiment rock'n'roll, l'on veut bien arborer le tatouage rock, mais quant à écouter cette musique de sauvages, il ne faut pas exagérer... Ce n'est pas si grave : mieux vaut se retrouver en petit comité que mal accompagné ! Un concert pour aficionados ce n'est pas mal non plus, le rock'n'roll est aussi une denrée rare qui se mérite... Un démarquage individuel en quelque sorte, difficile à concevoir pour ceux qui viennent en troupeau se faire marquer la peau.

 

BRÛLANT

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S'il y en a qui ont pas démérité dans l'affaire, ce sont les Burning Dust, le combo a eu la hargne fataliste. Nous ont servi une prestation irréprochable. De l'impec jusqu'au bout des ongles. A gauche, légèrement en retrait, mais pour une fois pas derrière les autres, Phil Baston membre originel et cheville ouvrière du groupe. Ne cogne pas fort, mais sec et avec une précision inouïe, ne laisse jamais passer son tour, jamais en retard, jamais en avance, toujours à l'heure. Pardon, au huitième de seconde près. Le pire, c'est qu'il vous métronomise n'importe quel rythme avec une placidité d'enfer. Ne le regardez pas, car vous allez en retirer l'impression que la batterie est un truc d'une facilité extrême, et qu'en trois leçons vous en ferez autant. Je ne doute pas de vos capacités cher lecteurs, mais ne confondez point facilité et simplicité. Celle-ci n'est que la résultante d'une somme incalculable de difficultés vaincues, et surmontées une à une.

 

A l'autre bout Dazzle Dave, enfin l'on remarque surtout sa contrebasse – parfois il la remorque de l'autre côté de la scène pour faire les choeurs dans le micro - si sombre qu'elle ressemble à l'horloge que ma grand-mère astiquait au brou de châtaigner. Lorsqu'il est penché sur son engin vous êtes prié de ne pas déranger Mister Razzle Dave, l'a trop à faire avec sa dame, lui gratouille les cordes avec ses doigts, comme un petit garçon qui joue au docteur avec sa grosse voisine. Et elle doit bien aimer cela, puisqu'elle chantonne tout bas, tout profond entre ses lèvres. Slip, slap, un jeu sexuel, juteux à souhait. Peut aussi être un peu sado, la taper et lui tirer les poils, mais ce faisant il apporte à Burning Dust le parfum entêtant des lourdes chaleurs poisseuses des agoniques après-midi du Sud profond. Et même parfois la fragrance vaseuse des bayous de la New-Orleans...

 

J'ai dû m'écarter un moment pour laisser passer un véhicule de l'organisation, durant une vingtaine de secondes j'ai tourné le dos à l'orchestre, putain ils en ont profité pour sortir un fiddle et jouer un contre-rythme, me suis retourné dare-dare pour mater le violoneux, cruche stupide que je suis, c'était Earl qui miaulait en slide son bottleneck au doigt. Earl le soliste, pour lui le monde n'existe que dans le prochain accord qu'il propulsera. Un jeu spécial, on dirait qu'il a toujours un temps d'avance l'index sur la corde comme sur la gâchette d'un pistolet, comme s'il attendait l'instant T et crucial pour lancer la note. Ce n'est pas le gars que vous prendrez par surprise, est sempiternellement devant vous en embuscade et il envoie les pruneaux à la seconde exacte, juste entre les deux yeux.

 

Enfin Dan, impérial. Guitare rythmique, semi-électrique, et le chant. L'art et la maîtrise. Dashing Dan. Ce qu'il y a d'exceptionnel chez Dan, c'est qu'il ne fait pas du rockabilly, du rock'n'roll, ou du western swing, il est naturellement le représentant de toutes ces musiques. Au moindre de ses phrasés l'on comprend qu'il a assimilé toutes les subtilités de cet art majeur que fut la musique populaire aux USA dans les années cinquante. C'est un Artiste au sens réel du terme, quelqu'un qui ne joue pas sa vie, mais quelqu'un qui habite de l'intérieur sa propre vie. Life like poetry comme disait Lefty Frizzel.

 

Vous les avez eus un par un et vous voudriez les voir tous ensemble maintenant. Méchamment en place. Ce ne sont pas quatre musicos réunis, mais un seul et unique combo. Le mot qui vient à la bouche, c'est celui d'authenticité. Attention, rien à voir avec la reproduction à l'authentique. L'écoute de Pink Thunderbird de Vincent et des trois Cochran est flagrante. Les morceaux sont adaptés aux possibilités vocales et musicales du groupe, l'on ne cherche pas à singer, l'on songe à ce que chaque titre aurait donné en des circonstances différentes. Burning Dust restitue l'esprit, ne duplique pas en monochrome grisâtre.

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Mais là où Burning Dust dépasse la plupart des autres groupes ce n'est pas par l'intelligence de ces reprises. Burning Dust n'est jamais autant authentique lorsqu'il joue ses propres morceaux. Si Dan ne les annonçait pas en tant que tels, vous seriez en train de vous demander «  Mais qui a écrit ce truc ? Mais où l'ai-je déjà entendu ? Ah oui sur le deuxième CD des Burning Dust ! Sur quelle compilation Sun l'ont-ils dénichée ? ». Et entre nous soit dit beaucoup de groupes néo-rockab anglais ou américains ne sont pas capables d'écrire de telles pépites.

 

Nous fûmes particulièrement gâtés. Trois fabuleux morceaux – je n'ai pas retenu les titres – du prochain disque, un mystérieux «  projet important » mais Dan n'en dira rien d'autre nous laissant sur notre faim. Je peux toutefois affirmer la qualité supérieure de la marchandise. Cette voix bondissante, sur le Diddley beat, nectar suprême !

 

Mais lorsque je parle d'authenticité, je veux signifier que les Burning Dust sont en train de trouver la pierre philosophale de tout groupe de rock'n'roll digne de ce nom : un son. Ce truc en plus qui fait que personne ne sonne comme vous. De plus en plus difficile et délicat à mettre au point – car les groupes sont légions et se marquent de près niveau matos, répertoire et interchangeabilité des musicos. A tel point que beaucoup de bands n'y pensent même plus, se contentant de stationner dans une honnête et qualitative moyenne.

 

HOT DUST

 

Pour les rappels, faudra s'en passer. L'heure du grand concours est arrivée : élection du plus beau tatouage. Par catégories, s'il vous plaît, c'est du sérieux. Dan et Phil préfèrent en rire. Depuis plus de dix ans qu'ils sont sur la route ils en ont vu d'autres... L'on prend rendez-vous pour une autre fois, keep rockin' till next time !

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Sur le chemin du retour mon chien me pose la question piège, des trois concerts de ce week end, lequel as-tu préféré ? Je vous laisse lui répondre.

 

Damie Chad.

 

KRONIKROCK

 

MINUS BLAST OFF. EASY LAZY ''C'' AND HIS SILVER SLIPPERS.

ROCK PARADISE. PRRLP 101.

Bip bop boom. Curfew. I had a dream last night. Hole in my heart. Froggie went a courting. Ich-I-Bon. I'm in love. That's all right. Minus blast off. My little Jewel. My car's father. My mind's made up.

 

''C'' hristophe Lazy : vocal / electric rhythm guitar

Chris Almoada : lead guitar / backing vocal

Manu Tikimalo upright bass / electric bass guitar

Nico Teen : drums

Guest : Jean Pierre Cardot : piano / organ

 

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Très bel objet ! Magnifique pièce de collection, un vinyl 25 cm – douze titres tout de même comme un véritable 30 cm - avec pochette intérieure cartonnée remplie de superbes photos, plus un petit laïus de Christophe Lazy expliquant l'origine et la formation du groupe, en anglais s'il vous plaît, chez Rock Paradise on est sans concession !

 

On commence plein pot avec Bip Bop Boom un morceau de 1958 de Mickey Hawks, définitivement rockab avec un piano qui appuie sur les touches, là où ça fait mal. Ambiance plus sombre sur le Curfew de Steve Carl, une espèce de rockab-garage qui sonne mid-fifties mid-sixties, très beau travail de guitare de Chris Almoada. Urgence dans la voix de Lazy C, tout ce que nous aimons. Un blues de Lonesome Sundown traité en mode mid-rockab, mine de rien Easy Lazy explore le spectre de l'originel rock'n'roll en le métissant des sonorités post-cinquante. Hole in my heart d'Esquerita, voix à la Little Richard, piano à la Little Richard, rythmique à la Little Richard mais une intro et un solo à la guitare trop sales pour être d'époque. Petite histoire de la grenouille, retour aux sources avec un traditionnel qui fut entre autres interprété par Dylan et Springsteen. La voix est compressée comme sur le Down the line de Buddy Holly Le groupe touche à tout, il ne dépoussière pas, il recrée le rock d'avant-hier à la sauce rockab. Ich-I-Bon, il s'agit d'un vieil instrumental de Johnny Ferro jamais sorti sur Motown ! A la guitare Chris s'en donne à coeur joie, imaginez Hank Marvin qui aurait surélectrifié sa guitare.

 

Face B, ils ont changé la couleur et le motif de l'étiquette, le premier morceau déboule à toute vitesse et ne vous laisse pas respirer. That's all right en 2, de Mickie Most, tout un programme, le producteur des Animals et des premières faces des Yardbirds, le rockab parfumé au british sound quel délice, mais est-ce encore du rockab ? de toutes les manières on s'en fout car c'est super bon et Manu vous offre de ces régals de descente de basse à vous damner. Minus blast off, le titre des Sonics, an american garage qui donne son titre à l'album, Maximus blast off vaudrait mieux dire. Ensuite un petit bijou de Tommy Jean Bean, de 58 si je ne me trompe guère, taisez-vous et écoutez le travail des cordes, Chris C se déchaîne et emporte le morceau au vocal alors que la guitare de Chris Almoada ponctue toutes ses inflexions. La voiture de Don Agee est-elle plus rapide que celle des Silver Slippers, ça se discute surtout avec le piano honky tonk de Jeann-Pierre qui accélère dans les courbes. Honneur aux dames, une reprise de Iona Margaret Vake, classique, bien envoyée, on finit en beauté, chacun y donne du sien.

 

Petite remarque personnelle, c'est le premier disque que j'écoute sur un nouvel appareil tout neuf. Difficile à partir de cette prime expérience d'établir des comparaisons. Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier, très fort. Risque de désarçonner les puristes purs et durs, mais ce mélange reprise rockab et american sound à la Flamin' Groovies, me parle. Un disque qui ouvre.

 

N'ont rien à envier à beaucoup de groupes anglais et américains.

Damie Chad.

 

 

07/07/2011

KR'TNT ! ¤ 60. SPECIAL POP / ROBERT JOHNSON

 

KR'TNT ! ¤ 60

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

07 / 07 / 2010

 

 

LES MEANDRES DU ROCK FRANCAIS

 

SPECIAL POP

 

N° 1. NUMERO SPECIAL

 

Voici quinze jours que je vous avais promis d'en parler, la maison KR'TNT ne reculant devant aucun sacrifice, penchons-nous sur le bébé d'un peu plus près. Un gros joufflu qui pèse ses mille grammes bien tassées, format A4 et 360 pages. Le premier né d'une famille qui ces dernières années a bien proliféré, du genre je ferai ta bibliothèque aussi nombreuse que les Stars. Mais à l'automne 1967, lorsque vous le découvrez sur les rayonnages de votre kiosque à journaux, vous n'en revenez pas. Ce n'est pas un livre sur le rock, c'est la bible du rock, écrite en français rien que pour vous.

 

Pour citer une anecdote personnelle, courant 72, alors que je visite les locaux de Sud-Radio à Toulouse, et que je zieutais avec intérêt l'animatrice faire son boulot ( elle était à elle seule plus belle que les cinq Rolling Stones réunis ), je m'aperçois que sur la grande table du studio, d'une propreté méticuleuse, à côté du micro et à droite de la play-list dactylographiée de l'émission en cours, est posé un exemplaire de Special Pop, la référence encyclopédique ultime.

 

Si Lénine s'est longtemps demandé en un ouvrage célèbre «  Que faire ? », il me semble plus judicieux de savoir qui a fait quoi. Et pourquoi ? Pas besoin de mener une longue enquête. Il suffit d'interroger en page trois l'ours qui nous délivre avec placidité, tous les renseignements nécessaires. Philippe Rault, Jean Tronchot, Pierre Koechlin, nous ne citerons que ces trois-là, l'ancienne jeune garde de Jazz Hot, fatigués du ron-ron des jazzophiles vieillissants et un peu trop coincés de l'arrière-train, qui sont entrés en dissidence et s'en sont allés l'année précédente fonder Rock'n'Folk. Comme pour confirmer l'on relèvera aussi les noms d'Alain Dister ( voir notre Trente huitième livraison du 04 / 02 / 11 ) et de Jean-Noël Coghe transfuge de Disco-Revue qui avait prêté main-forte à l'équipe du nouveau mensuel rock naissant, Jean-Claude Berthon ayant sabordé la première revue française dédiée au rock'n'roll, le 15 octobre 66... Le numéro 1 de Rock'n'Folk – précédé en juillet d'un item zéro présenté comme un Special Jazz Hot – sera daté de novembre 66... Passation de pouvoir des plus chronologiques.

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Editée par Albin Michel – quelques années plus tard la collection Rock'&'Folk sera aussi cantonnée chez Albin Michel – sous le haut-patronage publicitaire de Radio-Télé-Luxembourg, le président Rosko en première page, en train de manger du riz avec des baguettes - La Chinoise de Jean-Luc Godard est, en cette veille de mai 68, furieusement à la mode – Spécial Pop avait de sérieux atouts pour persister dans le paysage rock national. Il n'en fut rien. Personne n'a jamais vu le numéro deux, et le temps aidant, la revue a disparu de la mémoire collective.

 

Spécial, je vous laisse l'os. Mais Pop, c'est une magnifique trouvaille. Nous sommes en 1967, le terme pop music apparaîtra au plus tôt en 69 et ne s'imposera qu'en 1970. En 67 Pop sonne comme pop art et fait référence pour le jeune public rock ignorant dont je fais partie à un seul artiste tant soit peu connu, Andy Warhol. Ce qui ne tombe pas à côté de la plaque lorsque l'on songe au Velvet Underground. Ne roulons pas les mécaniques, en 67 j'ignore encore tout du Velvet, mais Special Pop aussi. Par contre je connais déjà les Doors – non pas The End mais Break on Trough – et Special Pop n'entrouvre même pas la porte sur le sujet.

 

Il reste donc à comprendre le terme pop selon sa plus simple acception américaine et anglaise. Pop en tant que formule abréviative de popular. La pop music n'est que de la musique populaire. Spécial Populaire, c'est nettement moins classe. L'on pige vite pourquoi les rédacteurs ont opté pour la langue de Shakespeare. Pop, c'est frais et léger comme un bouchon de champagne qui prend son envol, nettement pas populo !

 

Encore faut-il s'entendre sur ce qui est populaire ou pas ! Vous risquez d'avoir des surprises si vous ouvrez le bouquin au hasard. Vous avez toutes les chances de tomber sur l'abécédaire des artistes qui couvre plus de la moitié de la pagination. Vous êtes alors dans le cas de l'affamé qui se jette avec tant d'avidité sur la tranche graisseuse de mortadelle emplie de colorants de son sandwich qu'il dédaignera croquer les deux épaisses tranches de pain de seigle roboratives qui enserre la charcutaille.

 

La métaphore précédente pour vous laisser le temps de vous attendre au pire. Nous débuterons par les deux premières pages de l'aleph initial. The Action, très bien, très fort, qui connaît encore aujourd'hui ce groupe ? Personne, à part les lecteurs de la livraison 52 du 12 / 05 / 11 de KR'TNT consacrée au mouvement Mod. Un bon point pour Special Pop. C'est après que ca se gâte, non ce n'est pas Tante Agathe, c'est Patrick Abrial, passons sur la notule de 10 mini-lignes. Gardez votre indignation pour la page en vis-à-vis, Salvatore Adamo, grande photo et discours de catéchisme à côté «  il a su par sa gentillesse, et sa simplicité, conquérir le public le plus large qui va, comme celui de Tintin de 7 à 77 ans. »

 

Oui, c'est un peu les montagnes russes, deux pages avec trois photographies pour Sheila, et un timbre-poste pour Armstrong. Pages 220 / 221 Pierre Perret occupe un espace supérieur à celui alloué à Carl Perkins. Dans un endroit aussi exigu, il risque de se faire marcher sur ses pieds de daim bleu ! Franchouilard de chez franchouillard, les nationaux jouissent de droits supérieurs à ceux réservés aux étrangers. Ne vous inquiétez pas les Beatles, les Rolling Stones, et Elvis Presley ont leur suite réservée, mais pour les autres c'est souvent galetas et chambres de bonne sans ascenseur.

 

Z'ont vite tranché dans le vif à Special Pop, z'ont pris tout ce que l'on entendait sur les ondes de nos radios nationales. Z'ont pas voulu perdre le grand public. Initiation au rock pour tout le monde, mais à doses homéopathiques. Un cheval de Charles Aznavour et une alouette de Screamin Jay Hawkins, mais qui en 1967 peut se permettre de fredonner I put a spell on you ? L' on trouve Dalida, mais l'on présente aussi Johnny Burnette. Et c'est là tout l'intérêt de Special Pop, c'est comme à la Samaritaine, il y a de tout, mais vous avez intérêt à fouiller dans les bacs. Exemple page 197 : Frankie Jordan, Keith ( rien à voir avec le guitariste des Stones ), Chantal Kelly, les Keltons et Johnny Kidd.

 

Vous l'avez remarqué, les pionniers du rock ne sont pas oubliés. Sont même très présents. Avec en règle générale de bonnes critiques. C'était la première fois que l'en trouvait autant dans une publication qui n'était pas ultra-spécialisée. Parallèlement, nos french sixties à nous, si abominablement craquantes, ne sont pas passées sous silence. L'on pourrait même dire que Special Pop sonne un peu l'adieu aux armes au good old rock'n'roll. L'on dresse un peu le bilan de la décennie écoulée même si l'on prépare avant tout le futur.

 

Mais nous n'avons pas encore mangé notre pain blanc. L'histoire du rock américain, du rock anglais et du rock hexagonal. Chacun saisi en un moment crucial. A tous seigneurs, tous honneurs, commençons par les Amerloques. Je ne vais pas vous refaire le coup des pionniers. C'est la suite qui est le plus intéressant. Pardon le plus inintéressant. Car une fois les grands rockers muselés, le rock américain s'essouffle et se tarit. Faudra attendre les Beach Boys et Dylan pour que tout recommence, sur d'autres bases. Le récit décrit parfaitement bien ce long passage à vide entre 1958 et 1963, durant lequel l'establishment réussit à poser l'éteignoir sur la révolte rock.

 

Pour les englishes, certes l'on est en retard mais chacun de son côté travaille à poser des fondations. Les Beatles ne partiront pas de rien. Ils bénéficieront de rampes de lancement en béton. Le mouvement Trad – qui correspond peu ou prou à nos revival New Orleans – permet une pratique instrumentale qui comparée à par chez nous serait à grande échelle, mais c'est le mouvement skiffle qui fomentera l'explosion rock, le skiffle c'est un mélange de folk, de jazz, de rock, de blues, une musique rythmée qui se pratique en groupe. C'est un mouvement spécifiquement anglais mais en fait il reproduit dans ses strictes dimensions insulaires le creuset américain qui donna naissance aux différentes accentuations ethniques et culturelles de l'american pop music. L'apport noir essentiel au mélange des genres se fera par importation... de disques. Les Rolling Stones restent le groupe emblématique de cette insémination artificielle à hautes doses de blues dans la musique anglaise.

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Les Beatles aux racines plus blanches resteront redevables au mouvement Ted d'avoir permis en le Royaume-Uni l'implantation de l'esprit de rébellion rock. Notons que les auteurs différencient les Teds des Rockers apparus plus tard entre 1961-1962 qui luttent pour garder le souvenir et la prééminence des pionniers sur l'évolution ( irréversible ) de la musique. Même si une partie des Teds adopta la tenue blouson de cuir imitée des groupes de Rockers motocyclistes américains.

 

De toutes les manières en 1967, en Angleterre l'heure n'est plus aux Rockers ou aux Ted's mais aux groupes, Kinks, Anmals, Yardbirds, Pink Floyd, Who, Pretty Things, Procol Harum, et Special Pop les intègre très facilement comme il n'a pas négligé pour les américains la Tamla Motown et l'écurie Stax.

 

Ce n'est pas pour rien que l'on retrouve le nom d'Henri Leproux dans les collaborateurs de Special Pop, de nouveau l'histoire du Golf-Drouot et de la nuit de la Nation... En 67, le rock français est dans l'impasse et l'on se demande s'il n'en est pas encore sorti aujourd'hui.

 

Special Pop c'était encore une série de photos couleurs pleine pages, je vous recommande celle de Nancy Sinatra entièrement nue derrière sa guitare espagnole – envie furieuse d'abandonner le rock pour le flamenco, quelques images psychedelic qui préfigurent ce que sera trois années plus tard la revue Actuel, un grand article sur la West-coast avec notamment toute une réflexion sur le festival de Monterey qui annonce – avec les illusions en moins – Woodstock, une longue interview de Paul Mc Cartney, des fiches techniques sur les disc-jokeys, l'enregistrement et la fabrication d'un disque, etc... Pour boucler la boucle une interview de Sam Bernett qui voici à peine quelques mois, plus de quarante ans après Special Pop a pondu une biographie sur Jim Morisson que nous chroniquerons bientôt et qui froissa bien des susceptibilités...

 

Et puis les fameuses pages jaunes. Un peu bistres en vérité, mais ô combien précieuse avec ce qui était introuvable à l'époque : les discographies de nos héros favoris. Singles, EP's and LP's, certes sans leur numéro de série et réduits le plus souvent à leur seul ou à un unique titre, une mine dans laquelle nous avons beaucoup puisé.

 

Pour les amateurs de pseudo-nostalgie Special Pop s'achète pour une dizaine d'euros sur le Net sans trop de mal. Par contre peu de monde en parle vraiment. A notre connaissance, si longuement, nous sommes les seuls. Un exemple parfait de ce rock français qui a toujours tant de mal à s'extirper de la gangue variétoche qui l'emprisonne.

 

Damie Chad.

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

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SOUL BAG. N° 203.

JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE.

 

Quelle couverture ! Une des plus belles de toute la presse rock française depuis cinquante ans ! Vous pouvez enfiler les pièces jaunes dans votre petit cochon rose pour la fin de l'année. Un must à passer en pré-commande à votre libraire favori. Le dossier d'une quinzaine de pages ( + la couve ) est illustré d'une BD à venir de Mezzo et J.M. Goum, intitulée Love in Vain et consacrée à Robert Johnson. Félicitations à Mezzo pour ses noirs et blancs. Nous n'en dirons pas plus car nous chroniquerons dans KR'TNT l'album dès sa sortie.

 

Robert Johnson est mort à 27 ans, comme Jim Morrison – mais s'il y en a un qui a imité l'autre, c'est le second – le deuxième il y a à peine quarante ans alors que le premier naquit, voici cent ans tout rond. Il eût été plus judicieux dans notre comparaison d'évoquer Jimi Hendrix et de montrer tout le chemin parcouru dans la reconnaissance de la musique noire aux USA entre par exemple 1937 et 1967. Hendrix est une star invitée dans les plus grands festivals, Johnson une espèce de clandestin qui passe son temps à ne pas se faire remarquer par les pigs ( ceux-là ne sont pas du tout roses ) lorsqu'il pérégrine de ville en ville, de quartier noir en quartier noir...

 

Mais si Hendrix est une légende vivante, il ne participe pas du fond de sa tombe de ce à quoi touchent Morrison et Robert Johnson. Au mythe. Comme toujours Patrick Eudeline dans le dernier numéro de Rock'n'Folk se charge de jouer l'iconoclaste. Morrison, un bon chanteur de rock oui, mais bouffi d'alcool et bouffé par sa poésie. La prétention de James Douglas Morrison à vouloir être poète, Eudeline s'en torche le cul. N'est pas Shelley qui veut. Entre les ais pourris de son cercueil Morrison se prend une de ces volées de bois vert sur sa gueule de petit con et de grand enculé comme jamais... Ce qui n'empêche pas que le soir même un ami lycéen en train de passer son bac – ce doit être sur le Mississippi - m'emprunte une biographie du Roi Lézard que son œil de lynx a aperçue dans ma bibliothèque...

 

Ne sont pas aussi virulents que la rock star de nos critiques chez Soul Bag, Gérard Herzhaft, Nicolas Teurnier, Daniel Léon, c'est de la belle ouvrage, du solide, du documenté, n'écrivent pas au lance-roquette, vont même rechercher aux States le petit-fils du grand Robert, n'empêche que c'est un peu la même entreprise de déboulonnage qui prévaut. Certes Robert Johnson est un admirable bluesman mais n'est-il pas la vague bleue qui cache l'océan du blues ?

 

L'on commence par sortir le diabolus ex machina de son carrefour. Robert a appris la guitare comme tout le monde en regardant comment se débrouillaient les autres et en astiquant son manche durant des heures et des heures. Un peu plus facilement que vos stériles tâtonnements, vu la longueur de ses doigts sur la photographie. Entre nous soit dit à part votre petite soeur qui vient de faire sa communion, je vois pas qui en notre France si déchristianisée serait encore capable de prêter foi à cette johnsonienne vantardise !

 

L'on a jeté le grand Satan par la porte, cela n'empêche pas le mystère de rentrer par la fenêtre. Une fois que vous aurez expliqué pourquoi et comment un Son House est peut-être, mais aussi et sûrement plus important que Robert Johnson dans l'histoire du blues et qu'il mériterait autant de gloire que celui-ci, vous ne supprimerez pas le fait entêtant que les Stones, Clapton et quelques autres dans les sixties se sont davantage entichés de Robert Johnson que de Tampa Red par exemple.

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Pour ma part et pour Tampa Red je dirais que le hasard ou le Diable s'en sont mêlés car les enregistrements du maître de la bootleneck sont avant tout de simples repiquages alors que les rééditions de Johnson me paraissent avoir bénéficié de beaucoup plus de soin. Surtout lorsque Larry Cohn dans les années 80-90 s'en est occupé pour le compte de la multinationale Sony qui n'y croyait guère...

 

Il ne suffit pas de produire de la bonne musique. Encore faut-il savoir la vendre. Robert Johnson qui ne parvint jamais à mettre un dollar et demi de côté de toute sa vie, fut un formidable communicant. Campagne de pub porteuse, mais hélas pour lui pour les temps futurs. Le romantisme de la misère noire. Ce dernier adjectif pas nécessairement métaphorique. Famille éclatée, dès l'adolescence refus anarchisant du travail ( Marx appelait celui-ci exploitation ), une première épouse qui meurt à temps pour le laisser épanouir une sexualité que nos chiennes de garde modernes se hâteront de qualifier de machiste, sans cesse sur la route à courir de juke joint en juke joint, l'alcool, les excitants, et cette mort en apothéose que Sylvester Hoover le diacre actuel de Greenwood, la cité terminale, attribue à la vengeance empoisonnée d'une femme trompée...

 

Oui mais une fois que vous avez passé toute la donne en revue, il n'y a pas à tortiller du cul pour chier droit, Robert Johnson est un grand. Incomparable. Une rock'n'roll star sans le côté star. De son temps déjà, il y en avait une centaine qui jouait aussi bien, sinon mieux que lui, mais c'est lui qui a su sortir son médiator de la botte de foin de l'anonymat collectif. Sans lever le petit doigt, depuis ses trois hypothétiques sépultures revendiquées, car la légende du rock'n'roll s'est arrêtée sur lui et l'a choisi. A croire que c'est l'ange de la petite prairie qui s'est penché sur lui !

 

Mais à y regarder de plus près, Robert Jonhson avant que son image fût récupérée par la petite-bourgeoisie européenne, commença d'abord par être reconnu par sa propre communauté. Au moment de sa mort il est déjà un nom qui attire – pas encore les foules, mais déjà les poules – sur sa seule réputation un public qui se reconnaît en son image de rebelle déglingué qu'il véhicule de par sa prestance physique et son talent musical. Johnson c'était le blues de la campagne en fuite qui est parti trop tôt pour le blues des villes. A défaut d'électricité, à la fin de sa si courte existence il étoffera sur scène son blues d'un accompagnement orchestral dont il ne reste que quelques rares témoignages oraux.

 

Plein d'autres bonnes choses sur ce numéro de Soul Bag, ne serait-ce que l'article suivant sur John Lee Hooker, non pas l'immortel créateur de Boom Boom mais son fils John Lee Hooker Junior. Dynastie et héritage. A vous de lire, je vous laisse : j'ai l'intégrale de Robert Johnson à réécouter. Pour la dix-sept millième six cent trente troisième fois. La force du mythe.

 

Damie Chad.

 

 

 

30/06/2011

KR'TNT ! ¤ 59. LES HOOP'S / DECHEZLOUIS

 

KR'TNT ! ¤ 59

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

30 / 06 / 2010

 

PRIX DU LIVRE ROCK

 

Le troisième prix du livre rock a été décerné à Pattie Smith pour la première partie de son autobiographie Just Kids ce 25 juin 2011. Retrouvez la chronique de la recension de bel ouvrage dans notre trente et unième livraison de KR'TNT du 16 décembre 2010 !

 

 

HOOP's LÀ HOOP'S !

 

LE RETOUR DES HOOP'S

 

21 juin 2011 / VULAINES-SUR-SEINE

 

 

 

Je ne sais pas si les Hoop's aiment leurs mamans – vous savez avec les méchants rockers il faut s'attendre à tout - mais pour leur papa il n'y a pas de problème. Etaient déjà Chez Papa, le 4 juin dernier à Vulaines-sur-Seine, et les y revoici pour la Fête à la zizique ce 21 du même mois. Chez KR'TNT, on s'était précipité sur l'évènement, voir notre comte-rendu dans notre livraison 56 ( un très bon millésime ! ), et au souvenir de la qualité de la prestation l'on n'a pas hésité une demi-seconde pour remettre le couvert. L'on a sorti la teuf-teuf mobile du garage et l'on a roulé droit vers le tripot maudit du centre commercial de Vulaines, près Fontainebleau. On the road again !

 

Ca vous avait un petit côté de déjà vu - surtout que lorsque l'on a déboulé sur le parking on les a retrouvés, comme la dernière fois, à table en train de déchirer à belles dents des steaks aussi larges qu'un trente centimètres – mais le rock'n'roll c'est comme les pills de Johnny Cash, une fois que vous en avez avalé une vous ne pouvez plus vous en passer.

 

Mais non, l'on n'avait pas été catapultés par mégarde dans un trou de l'espace-temps, non, ce n'était pas le même film qui se répétait à l'infini. Comme on nous l'a fait remarquer perfidement, l'on arrivait après la bataille, ils avaient déjà joué tout un set avant le repas. Oui, mais les concerts qui débutent à 18 heures un mardi soir, c'est pas vraiment la fête ! Z'ont avalé rondement leur dessert et retour on stage illico.

 

CHANGEMENTS

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S'ils avaient été sympas nos Hoops, ils auraient pu rejouer le scénario de la dernière fois à l'identique, pas besoin d'écrire un article, un copier / coller discret à l'ordinateur et le boulot était dans la poche. Personne ne s'en serait aperçu. Pas de chance, ce fut plutôt le jeu des dix erreurs qu'il faut rechercher sur deux dessins semblables. Avec des trucs gros comme des éléphants qui vous sautent aux yeux comme la misère sur les pauvres, mais aussi des détails insignifiants et pervers qui demandent de réels talents d'observations et d'analyses, mais le lecteur sait qu'il peut compter sur l'esprit critique et sans faille des envoyés de KR'TNT ! Recomptez donc avec nous.

 

Well it's ONE for the money

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C'est gros comme une maison, mais il y a beaucoup plus de monde que la dernière fois. Comme quoi le bouche à oreilles fonctionne même dans les petits patelins perdus. Nous n'avons pas été les seuls à apprécier la précédente prestation, l'on a manifestement prévenu les amis et les copains qu'il ne fallait pas rater le spectacle.

 

TWO for the show

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C'est petit comme ces cabines de bain que l'on trouve sur les plages du nord de la France. Avec les mêmes rayures. Ne cherchez pas partout, nous parlons de la scène, plus grande qu'un timbre-poste mais plus étroite que le canapé-niche où dort mon chien ( qui n'est pourtant pas un hound dog ). Cette fois ce n'est pas à l'intérieur du café, mais dehors sur une estrade couverte. Comment les quatre Hoop's parviennent-ils à contenir en cette maigre guérite je ne saurais l'expliquer. Un mystère de la mécanique quantique. En imaginant qu'une baigneuse sortie de la Seine voisine, un peu étourdie, s'immisce entre les musicos, elle n'aurait même pas l'espace de faire glisser son maillot de bain sur sa peau nue. Ce qui serait dommage pour tout le monde. Mais ne nous laissons pas aller à de graveleuses supputations délirantes.

 

THREE to get ready

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Un, deux, trois, il en manque un. Ne vous inquiétez pas, c'est Kevin, c'est le batteur, il est caché par les trois guitares que ses trois camarades sont obligés de tenir de biais, on ne le voit pas mais il est là. Perdu ! C'est le batteur, mais ce n'est pas Kevin. C'est Fred. Kevin avait pris depuis longtemps un engagement pour la fête de la musique. L'a tenu sa parole de rocker. Mais pas de panique ses camarades ont dégoté un remplaçant. Pas un débutant, la fine drum gachette de Frankie Combo, le band de Franck le chanteur guitariste des Capitol's ( encore une fois KR'TNT 56 ! ). Il a eu deux jours pour se fader trente morceaux qui ne font pas partie de son répertoire habituel. Pas particulièrement inquiet. Assurera comme une bête. De scène.

 

FOUR

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Deux, trois, quatre, il en manque un deuxième. Incompréhensible. C'est Richard, celui qui bosse sa basse. Il est là mais ce n'est pas lui. Rappelez-vous, le dernier concert. Le mec impassible qui n'a pas desserré ses dents. Le visage fermé, sombre et clos sur lui-même comme Dracula. Quand enfermé dans ses ailes de chauve-souris il est en train de mijoter un sale coup. Le rock dans la tempête. Et le voici tout heureux de vivre. Sourire et yeux malicieux. Tout à l'heure il ira même faire un câlin au guitariste pour le féliciter d'un solo saignant. Transformé, métamorphosé.

 

FIVE

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Pour le troisième homme pas de problème. A gauche, avec une Gretch dans les mains il est toujours difficile de passer inaperçu. Cet instrument focalise l'oeil des rockers comme les riches l'argent des pauvres. Jean Eric, dans son demi-mètre carré, il aurait mieux fait d'imiter Elvis dans HawaIan Paradise et de roucouler sur un ukulélé riquiqui. Mais il préfère comme Eddie Cochran pousser des rugissements sur sa grosse gratte rougeoyante. Pour les jeux de scène à la Pete Tonwshend, ce sera une autre fois.

 

SIX

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Temps légèrement humide, mais gratte sèche à la main. Stéphane se charge de la rythmique. Mais dans les derniers morceaux il posera sa guitare et ne la reprendra plus. Macro chant dans le micro. La voix en verve. Qui slappe sur les arrangements et domine l'ossature musicale. La dernière fois ma copine avait décrété qu'il avait de la présence et du charisme. ( Mais de quoi elle se mêle ! ). Ce coup-ci il a du feu et du sang. ( Pas fou, je suis venu sans elle ).

 

SEVEN FLIGHT

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Cela fait quatre temps que nous avons quitté Perkins pour Cochran ! Les présentations étant terminées, il serait temps d'écouter la musique. Ne quittons pas Cochran pour autant. Car chez les Hoops il y a l'esprit de Cochran qui plane. Entendez la chose comme il se doit, nous sommes loin de tout revival compassé et revanchard. L'on ne refait pas à l'identique. Outre quelques titres ultra-rebattus considérés comme des classiques des plus essentiels du rock'n'roll que les Hoops ont inclus dans leur répertoire, comme Summertime Blues et Twenty Fligth rock, Eddie dans le temps même qu'il en était un des fondateurs, fut le premier de ce que nous nommerons les « évoluateurs » du rock'n'roll. Son travail de guitariste studio parle pour lui. Il était toujours aux limites du genre fouinant dans les marges du country, du rhytm'n'blues et du jazz. Non pas pour s'écarter du rock mais pour y ramener tout ce qui pouvait l'étoffer et l'enrichir.

 

De nos jours pour un groupe de rockabilly comme les Hoop's, la donne a changé. Entre 1960 et 2010, la guitare rock s'est métamorphosée. Certes l'on peut s'adonner au vintage, rechercher les amplis à lampes et reproduire au plus près le frisson d'une corde sur un manche de Gretch, mais c'est oublier qu'Hendrix et quelques autres sont passés par là. Révérer Paul Burlison en faisant l'impasse sur un Jeff Beck, est une gageure difficile à tenir. Comment sonner moderne sans se renier ? Comment s'inspirer de Cliff Gallup sans oublier l'orage électrique du British Boom ?

 

Avec cette difficulté majeure : le rock anglais et le hard proviennent en droite ligne du blues, le rockabilly américain aussi, mais par ricochet, y prédominent les influences country; si l'on gratte beaucoup l'on retrouve bien un premier enduit de blues mais il faut tendre l'oreille. C'est par le jazz que le blues a été réintroduit dans le rockab, non par importation directe, mais par l'écoute des dérivés pianistiques ragtime et boogie, et les grandes sections de cuivre à la choo-choo-boogie.

 

Est-ce un hasard si Brian Setzer a délaissé les Stray Cats pour son big orchestra ? La démarche est beaucoup moins surprenante qu'il n'y paraît. Elle est même d'une extrême cohérence. Stray Cat Strut, Restless, Rock this town, Ignition, Rumble in Brighton, sont repris par les Hoop's. Là encore il s'agit pour les Hoop's de chercher un son qui ne soit plus en retard sur son époque. De même ils reprennent I fought the law non d'après la version culte ( mais non originale ) de Bobby Fuller mais d'après les Clash. Notez que l'influence revendiquée ne me saute pas aux conduits auditifs. J'aurais plutôt tendance à y déceler un son spécifiquement Hoop's.

 

Car c'est cela qui compte. Si nous sommes revenus les voir quinze jours après leur première audition, ce n'est pas parce que ce sont des gars sympathiques – ce qui ne gâte rien – mais parce que l'on a senti un vent de nouveauté des plus séduisants. Les Hoop's sont des explorateurs. Ils avancent, pas à pas, mais ils avancent. Sur son électrique Richard envoie ses gammes. C'est sur le damier entrecroisé sans faille de la rythmique que Jean Eric et Stéphane érigent leur jeu. Balance parfaite entre les deux guitares, la rythmique de Stéphane qui ne quitte pas les roots des yeux, et la solo de Jean-Eric, beaucoup plus aventureuse. Brutale, ponctuante. Jean Eric procède du hard et ça s'entend dans sa manière de jouer, d'abord l'électricité, ensuite la maîtrise. Prenons un exemple : la Bamba de Ritchie Valens vous a de ces côtés hispaniolades à deux pesetas peu rock'n'roll quand on y pense. Attention j'adore le jeu de guitare de Ritchie sur Malaguena par exemple, mais yo no soy marinero, dégage qu'on le veuille ou non, un petit parfum de soirée de Club Méditerranée. Les Hoop's vous le dynamisent et vous le dynamitent salement. Idem pour le What'd I say surconcentré et survitaminé.

 

Chaque morceau des Hoop's est envoyé comme un c'hoop's de poing. Précis, direct, efficace. Beauc'hoop's de Presley mais chaque version est magnifiée. Reconstruite, ré-architecturée, pensée et repensée, et envoyée à la volée. C'est même plus intelligent – car beaucoup plus créatif – que ce que le King a lui-même produit dans son NBC show. Elvis s'y plagie, génialement, certes il sculpte dans le marbre, mais son rock ne va plus de l'avant.

 

Il faut revenir à Stéphane qui module et profile de sa voix chaque morceau. Grande forme ce soir, un phrasé très très légèrement grasseyant qui assoit les intonations et colorise le chant à l'américaine, ce dont personne ne se plaindra. Une très belle performance vocale. Les deux sets auxquels nous assistons sont particulièrement bien enlevés. Ne s'en tireront pas aussi vite qu'ils l'auraient espéré, le public insatiable exigeant rappel sur rappel.

 

EIGHT FLIGHT

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Les Hoop's sont crevés mais heureux. A peine sont-ils descendus de leur estrade que la question d'un futur enregistrement revient. Alain – l'éminence grise de KR'TNT – prévient que le CD – des plus théoriques - devra contenir avant tout trop les rares compos originales que le combo nous a livrées ce soir. Il insiste en précisant que c'étaient les moments les plus excitants du concert. Et l'on est obligé d'en convenir.

 

Il est sûr que si l'on était en Angleterre les Hoop's auraient déjà été contactés par un label, mais en France l'on possède une centaine de trains ( pas du tout mystery ) de retard... Les Hoop's ont la classe et le punch. Parvenir à donner une prestation si enthousiasmante en des conditions si minimalistes laissent entrevoir de belles promesses. Un groupe d'avenir.

 

UP ON THE TWELFTH

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Une belle discussion s'engage avec Fred - qui a tenu sa place avec brio – sur les incertaines origines du rock'n'roll. En connaît plusieurs bouts ! Toute cette précision rythmique, quelle leçon d'écriture ! Ne se cache pas derrière le nuage métaphorique des mots Fred, ses explications sonnent caisse claire. N'extrapole pas non plus, ne cause que de ce qu'il sait, mais il connaît beaucoup.

 

Stéphane se joint à la discussion. Les musiciens qui flirtent avec le rockab sont des passionnés. Ils ne se contentent pas de jouer leur musique, ils cherchent à la comprendre et si l'on assiste à un retour du rockabilly ces derniers temps auprès des jeunes, c'est aussi ce tâtonnement expérimental et théorique qui les attire. Etrangement le rockab qui est le plus vieux mouvement de la musique rock est en pleine -non pas renaissance – mais naissance. Nous sommes en train de vivre des moments importants. Pour la énième fois, le rock qui s'est non pas abâtardi mais dégradé en pop-musak est en train de renaître de ses cendres. Et les Hoop's y apportent leur contribution.

 

 

FIFTEENTH FLOOR

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Il se fait tard. On est plus malin qu'Eddie qui s'écroule sur le palier incapable de sauter sa little quennie. Nous, on va se la faire la belle. Mais avant on porte les amplis dans la camionnette. On the roadies again ! Dernière explications ( très techniques ) entre Alain et Jean Eric sur les micros de guitare Gretch...

 

Les portières des voitures claquent. Pas de panique, les Hoop's seront en concert le 9 juillet pas très loin, dans l'Yonne, à Toucy. Richard est impératif, il faut y être. Si les Dieux du rock ne s'interposent pas nous y serons !

 

Damie Chad.

 

PS : les photos sont un peu sombres, à l'image de la noirceur de votre âme, chers lecteurs, ou du cuir de Gene Vincent. A vous de choisir.

 

 

D'AILLEURS ET... DECHEZLOUIS

 

VOYAGES EN SOLITUDE

 

Le nom peut sembler étrange, De Chez Louis, et demande quelques explications. C'est un peu comme la recherche de l'existence perdue, nous sommes tout juste au début de l'histoire du côté de chez Louis... Bertignac. Le patronyme sonne comme le rappel d'une jeunesse parisienne agitée dans la mouvance sécrétée par la folie Téléphone... Par la suite Bertignac a toujours eu sa ligne occupée et Fabien s'est replié en banlieue lointaine pour ne pas dire en province.

 

Mais après dix ans de semi-léthargie Fabien s'est réveillé et sa gratte a commencé à le démanger furieusement. Pour notre part nous avions déjà évoqué sa silhouette dans un précédent article sur le Net lorsqu'il cornaquait quelque peu, voici trois ans de cela, Les Ephémères un groupe de lycéens dont nous reparlerons plus tard du guitariste actuellement en studio.

 

Mais voici Fabien et Les Voyages en Solitude, pas encore tout à fait un disque mais cinq titres déjà en vente dans les sites de chargement actuels. Si vous voulez vous faire une idée allez sur www.noomiz.com/dechezlouis, six morceaux à écouter plus photos et présentation et renvoi sur le clip dechezlouis sur YouTube.

 

Un beau clip. De Samantha Medjani. Petits moyens et grands résultats. Nous sommes tous des individus formidables. Anonymes certes, mais dans nos têtes nous arpentons les décombres du quotidien. Raid sur Paris mais vu de l'intérieur. Scénario de la solitude humaine, même si l'on perçoit des éclats de colère qui trainent sur les trottoirs comme des morceaux de vitre brisées. Distanciation, Fabien n'apparaît qu'en filigrane de second couteau. Un jeune premier jouant le rôle du héros fatigué.

 

Agréablement surpris par la musique. D'autant plus que nous avions eu l'occasion d'écouter les maquettes. Qui ne nous avaient guère convaincu. L'enregistrement final est bien au-dessus, avec cet orgue entêtant qui emporte tout – l'on imagine sur scène avec un véritable piano sauvage, ça devrait faire très mal – et la voix de Fabien qui pousse et entraîne le rythme.

 

La suite est plus douce. Cent heures... Beaucoup plus chanson française de qualité. Pas tout à fait le style de KR'TNT, même si l'ensemble est agréable à écouter. De la belle écriture, tige de rancoeur dans le coeur. Evasion Matinale, davantage balancée, un peu désabusée, mais vous avez intuité que Fabien n'est pas un grand optimiste. La peur du dehors est aussi grande que la frousse du dedans.

 

Un peu de rythmique jazzy sur Bouée de sauvetage. Chronique annoncée du désastre. Texte plutôt noir, nos lâchetés nous rattraperont toujours au moment où nous décidions de nous en affranchir. Hommage aux... les soldats inconnus des vies gâchées montent à l'assaut de leurs vies tronquées, une fille qui part et le monde en est dépeuplé. Belle orchestration rudimentaire.

 

J'ai quitté Paris, c'est un peu pour filer une métaphore téléphonique New York sans moi, beaucoup plus désespéré, l'on aurait préféré l'omniprésence électrique, encore un morceau qui pourra être transformé en live. Odieux mon père : Fabien règle ses comptes et appuie là où ça fait mal. Mise à mal du catéchisme paternel.

 

De Chez Louis, un projet qui se concrétise. Le nom est un peu comme un masque dont Fabien aurait encore besoin pour cacher ses blessures – trop de timidité, trop de manque de confiance en soi – mais le taureau est pris par les cornes et l'ensemble sonne juste. Le sphinx à tête de mort sort enfin de sa chrysalide. Nous ne serions pas étonnés si une frange du public se brûlait à la lumière noire de ses ailes.

 

Pour la suite du voyage, tout dépendra de Fabien, s'il sait s'entourer d'une équipe de choc qui lui arrachera toute l'énergie qu'il cache dans ses entrailles, dans ses entailles, il peut les années venant nous surprendre. Une évolution, vers une reconnaissance à la Bashung. Sans vouloir l'enfermer dans une ressemblance artificielle.

 

Damie Chad.

 

 

URGENT ! CA PRESSE !

 

 

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Juillet 2011.

 

Achetez-le uniquement pour la couverture. Brian Setzer avec sa superbe Gretsch jaune. Se marie parfaitement avec le fond gris de vert. Chapeau au maquettiste ! Et puis la bouille du premier des gouttières, genre vieux matou revenu de toutes les souris et de tous les rats musqués ! Ce n'est pas la peine de lire, vous connaissez déjà par coeur. Attention à l'embrouille, c'est sous-titré Guitar Hero Interview. Sur les six pages, the legendary star n'a accordé que deux colonnes de blabla. Le résumé de la carrière du prince du rockabilly par Tony Marlow est des plus instructifs et des mieux documentés mais l'on aurait aimé que le maître accordât davantage de place à ses premiers supporters. Des interviewes de Setzer promotionnant sa nouvelle tournée vous en trouvez une bonne dizaine sur le net sans rechercher comme un forcené. Comme KR'TNT est toujours à la pointe de l'actualité, l'article cite évidemment les Hoop's !

 

Jacques Barsamian nous fait le coup des tables tournantes pour convoquer le cadavre de Jim Morrison. Une collection de reproduction de pochettes, 45 tours simples, d'Aretha Franklin, des années 70. Cerise sur le gâteau la reproduction du N° 22 de Disco Revue – La revue des amateurs de rock'n'roll – du 22 décembre 1963. Un article sur Little Stevie Wonder, le génie enfant. C'est après qu'il a mal tourné. Le premier noir à faire de la soul blanche ! A l'autre bout du numéro l'on termine par Trini Lopez qui est au Tex-Mex ce que la saucisse de Strasbourg est aux empenadas. Heureusement qu'au beau milieu l'on trouve de superbes photos de Moustique, avec à la question «  Que ferais-tu si tu ne chantais pas ? » cette si anarchisante et savoureuse réponse : « Rien » ! Que voulez-vous, un moustique, ça pique !

 

Damie Chad.

 

QUE FAITES-VOUS CE SOIR MADEMOISELLE ?

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