19/01/2012
KR'TNT ! ¤ 81. DAN GIRAUD.RAFAEL PRADAL.
KR'TNT ! ¤ 81
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
19 / 01 / 2012
LE BLUES DU POËTE
DAN GIRAUD
Ah ! Vous croyiez que je ne vous avais pas vu venir dans vos creepers mauves ! Vous pensiez être en pays conquis ! Vous auriez pu rajouter au minimum vingt-sept mille deux cent quatre-vingt trois détails de plus à la dernière chronique sur Elvis Presley. Mais là, motus et bouche cousue ! Vous ne soufflez pas un mot sur Dan Giraud ! Inconnu au bataillon des rockers certifiés ! Pourtant, moi déjà en 1972, il m'enjoignait par lettre de monter avec lui à Paris pour assister à un concert de Jerry Lee Lewis...
Bon, je reconnais qu'il faut le classer dans la catégorie des bluesmen, mais enfin le lecteur assidu de KR'TNT devrait se souvenir qu'il n'est pas un parfait inconnu puisqu'il est un auteur maison vu qu'il a signé dans notre troisième livraison du 05 novembre 2009 l'article souvenir souvenir dans lequel il relatait un des tout premiers concerts de Johnny Hallyday, à l'Alcazar de Marseille... L'avait douze ans à l'époque et depuis le bonhomme a fait du chemin...
Du chemin j'en avais arpenté quelque peu moi aussi pour le rencontrer in person – je parle de Dan Giraud, pas de Johnny – y avait un moment que j'avais abandonné la voiture au bout de la piste – comme dit Giraud, non pas Dan, mais l'autre, Jean l'immortel créateur de Blueberry – sur les derniers mètres carrés goudronnés du Saintgironnais. Comme tout bon rocker français qui se respecte, la géographie et vous ça fait deux, alors je vous explique.
Le Saintgironnais, c'est loin, très loin. Au fond de l'Ariège. Regardez sur une carte et ne m'interrompez pas. Hippieland ou Babaland, quand vous trouvez ces deux appellations incontrôlées, vous y êtes. Bref, c'est paumé, perdu, au bout de la France, et en 1970 avec la mise à mort des l'industrie de l'habillement et la désertification des campagne, c'était peuplé de fermes abandonnées qui menaçaient de tomber en ruines. C'était l'époque des routards, de la manche à t'as-pas-cent-balle, des french freaks rejetés de partout pour leurs cheveux longs et le manche de guitare qui dépassait de leur sac-à-dos. Comme on ne les voulait nulle-part z'ont bien fini par s'arrêter aux pieds des montagnes pyrénéennes, dans les dernières vallées habitables. De toutes les manières c'était le point non-retour du cul du monde. Se sont installés comme ils ont pu, ont loué ou squatté des granges dont personne ne voulaient plus, ont planté des tomates, vendu du fromage de chèvres sur les marchés, se sont lancés dans la production biologique mais intensive d'herbe à Mari-Jeanne, ont élevé des teepees et construit des yourtes. Bref ces satanés suceurs d'aides sociales et de shillums, ont fini par survivre... Z'ont fait des fêtes monstrueuses, copulé comme des fous à tel point que leur progéniture a empêché la fermeture des collèges locaux, bref à eux tout seuls ils ont redynamisé le tissu économique et social... Aujourd'hui ils font partie du paysage, et puisque nous sommes dans un blogue rock'n'roll qui se veut politiquement correct vous perdrez l'habitude de les désigner par les gentilles épithètes du début qui leur furent allouées par les autochtones, du genre « ramassis de l'humanité » ou « dégénérés de leur race » pour les qualifier uniquement par l'AOC sociologique de « néo-ruraux » nouvellement en vigueur...
Mais revenons à nos moutons. C'est le cas de dire puisque faute de routes et de chemins nous traversions les herbeuses prairies de moyenne Ariège pour nous rendre chez Dan Giraud. Une herbe grasse , pas bleue comme celle que broutent les long-horns du Kentucky, mais verte comme celle que paissait en paix le troupeau que manifestement nous dérangions. La copine n'appréciait pas, mais alors pas du tout, la pression constante des trente béliers sur le galbe parfaitement rebondi – je le confesse - de son postérieur. Avec les deux cents bêtes derrière qui poussaient, la situation devenait, sinon critique, du moins inquiétante.
C'est mon chien, minuscule coton de Tuléar et ronfleur patenté de canapés, qui contre toute attente sauva la situation. Pris d'une inspiration subite, avec trois jappements et un subtil mouvement tournant des mieux étudiés, il regroupa en un cercle parfait et en trente secondes la horde vindicative des animaux en colère à l'autre bout du champ comme s'il avait été un Birdy Colley au travail depuis vingt ans sur les alpages ! Ô mon Zeus sauveur, encore merci et que la terre qui te recouvre te demeure éternellement légère !
Quelques instants plus tard nous débarquions chez Daniel Giraud.
DAN GIRAUD
Ceci passait il y a une petite quinzaine d'années. Daniel Giraud était déjà bien connu, des Renseignements Généraux comme des cercles très fermés de la littérature underground. Avait commencé par une revue au titre qui fleurait bon son Mai 68, Révolution Intérieure. Le premier terme explique pourquoi l'on tenait à l'oeil ce ferment d'anarchie...
Un inclassable ce Daniel Giraud, passait son temps à arpenter la montagne avec son ampli et sa guitare. Trouvait toujours une prise compatissante où se brancher pour bazarder des textes bizarres. Un philosophe, qui se réclamait du non-être à tout bout de champ, tout en assurant une forte présence dans l'ici et maintenant de l'actualité la plus brûlante. Un infatigable marcheur, dans le monde et dans sa tête. Un adepte du là où il y a du zen, il y a du plaisir. Toujours prêt à critiquer et jamais pris à marcher dans la combine des coups fourrés des systèmes. Qu'ils soient philosophiques ou politiques.
Spécialiste des sciences douteuses. Un champion de l'astrologie. Inutile de lui écrire pour qu'il vous prédise votre avenir. Il est l'amant de Lilith, celle qui miaule sur les toits brûlants de pleine lune noire, et non un quelconque traceur d'horoscopes. Si vous ne voyez pas ce que je veux dire, n'insistez pas, vous n'êtes pas taillés pour vous battre avec le grand scorpion sacré. Ou alors procurez-vous quelques ouvrages d'astronomie, manière de réviser les bases mathématiques du symbolisme du néant.
Si vous ne le sentez pas, vous trouverez plus simple dans l'oeuvre écrite de Dan ( près de deux cents brochures et livres divers ). Prenez par exemple le sinologue qui dort en vous. Giraud a sacrément réveillé le sien. S'est acheté trois dictionnaires et a commencé à traduire toute une kyrielle de poètes chinois des siècles précédents. Pour un gars qui n'avait jusqu'alors vu des caractères chinois que sur les paquets de thé qu'il récupérait dans les grandes surfaces, l'est devenu l'un des traducteurs les plus estimés de notre douce France.
De la Révolution Intérieure dans les années 90, il est passé au Millefeuille, déjà plus appétissant. Non ce n'est pas un livre de cuisine mais une revue à feuillets multiples qui faisaient le point sur tous les évènements culturels – mais de cette culture non officielle qui fait si peur à nos dirigeants ( droit dans le mur ) - du Saintgironnais. Un truc qui avait plus d'affinité avec le Never Mind The Bollocks des Pistols qu'avec l'agenda autorisé du ministère de l'Education Nationale livré sans ajout d'OGM rock'n'roll.
Mais du penseur breveté du vide conceptuel de toute matière, passons au poëte. On ne le classe pas avec Pélieu dans la beat-generation française, on ne sait pourquoi. Peut-être parce qu'il est inclassable. Perpétuellement on the road, et ses ouvrages qui racontent ses errances et ses voyages – même si l'oeuvre forme un tout organique difficilement tronçonnable – sont ceux qui permettent une approche des plus aisées. La joie du chemin qui fuit devant, empli de mille promesses, et les surprises de chaque étape baignées de désespoir.
BLUES NEVER DIES
Du désespoir au blues, la route est toute tracée. Entre septembre et décembre 2000 Dan Giraud enregistre deux CD, intitulés « Le Cri du Chant » pour le premier et capté « Live » à l'Alto Café pour le second. Attention dans les deux cas, le Studio Mobile des Rolling Stones n'avait pu se libérer. C'est du brut, sans décoffrage. C'est enregistré dans les hauteurs pyrénéennes mais la qualité vaut celle des premiers disques du Delta. Avec en prime des accents cajuns sur quelques titres.
Pas de prod, de l'authenticité rude, sans écho ou traficage, on the roots again. La voix, l'harmonica, et la guitare. Plus le pied qui tape en guise de contre-point. Beaucoup de classiques sur le Live, en langue originale, mais l'accent de Giraud vous dispense de toute licence d'anglais. Ne souffle pas non plus comme Sonny Boy et ne gratte pas comme Robert Johnson. Mais on s'en fout. Quelques solos sont à réécouter et l'esprit du blues est là. Se débrouille plutôt bien, emporte le morceau. Pas de sucre. Plutôt du cyanure en poudre, car flirte pas avec la naïveté Dan lorsqu'il nous donne sa vision du monde. Ca ne nous empêche pas de rire souvent, mais de l'humour noir. Pardon de l'humeur blues.
« Le temps qui ne passe pas nous reste en travers »
C'est la voix qui emporte tout. Elle colle au texte, comme la mort à la vie. Giraud n'interprète pas. Il est le tourment et la tourmente de ce qu'il profère. Pas même l'épaisseur d'un feuillet de cigarette entre le souffle de l'harmonica et les paroles qui se posent entre les notes. Il ne chante pas, il dit, il dicte, il raconte, il explique et explicite, mais le rythme est sempiternel, comme un toucher de tambourin qui refuserait de s'arrêter, comme le coeur qui joue avec nous à la systole terminus.
Le Cri du Chant serait plus poétique. C'est le genre d'exercice auquel s'amuse Giraud lorsqu'il est invité dans les rencontres de poètes. Arrive dans ses jeans et ses bottes, la guitare à la main. Ne lit pas ses textes. Fini le ron-ron des mots qui se ressemblent comme des cadavres jetés par les croque-morts de service de la poésie officielle à un public coincé du cul. Avec Dan, ça swingue méchant. Me souviendrai toujours de ce bar de Lodève où Giraud devait donner une lecture ses poèmes dans le cadre du Festival des Voix de la Méditerranée. De bon matin, peu après neuf heures, tout le monde barbotait dans son chocolat entre deux croissants, et le grand Dan qui commence à psalmodier son Ode à l'être. Un truc cynique à foutre le cafard à Heidegger en personne.
Les vers coup de poing ça vous réveille encore plus que le verre à café du condamné à vivre une longue journée de plus. Même les touristes anglaises qui n'entravaient que couic sont restées jusqu'à la fin subjuguées par le rythme lancinant de la mélopée et les démarrages en côte de la voix qui s'envolait en des retombées sardoniques. J'y suis, j'y crève, j'y reste, qu'il avait l'air de vouloir dire et tout le monde scotché comme des bouteilles de whisky sur leur étagère.
Un blues français. A peine croyable. Déjà que notre rock kitch est un équilibre instable, voici que Dan Giraud nous montre le chemin. Celui de l'impasse à éviter. Car l'imiter c'est limité. Casse-gueule et casse-pipe. En plus sur son second disque plus de la moitié des titres sont des reprises. Du lourd. Good Morning Little schoolgirl, Hootchie Cootchie Man, Baby please don't go, par exemple. En plein dans les racines. Connaît ses classiques. L'a même fricoté avec Mickey Baker – les photos sont sur Roll Call, pour les curieux. Oui au fin-fond de l'Ariège. Preuve qu'entre notre livraison sur Ronnie Bird et cette évocation de Dan, il y aurait comme un fil rouge de la note bleue, de la note rock.
N'en tire aucune gloire le Dan. Si vous voulez ses disques, vous aurez du mal dans le commerce. N'est pas un fana de la distribution capitalistique. Faudra faire l'effort d'écrire. Je suis sympa, je refile l'adresse : Daniel Giraud / La Ruère / 09 140 Sentenac d'Oust. Allez, ouste à vos commandes ! A moins que vous n'ayez la chance de tomber sur lui au détour d'un chemin agreste. Encore qu'il n'est pas du genre à se trimballer avec trente CD dans son étui. Par contre vous volera pas sur le contenu, près d'une heure de musique. Un packaging qui fleure bon l'artisanat. Un disque de résistance, que l'on se passe de main à la main. Du politique-blues en quelque sorte. Le contraire d'un produit calibré. Ce que devrait être le rock s'il n'avait pas perdu son âme chez les majors et les faux indépendants. Chante de la musique du pays des cow-boys, Dan, mais il pratique la guerre indienne.
AUTRES MUSIQUES
Ca vient de sortir. Tout chaud des presses de l'Imprimerie du 34 – très liée dans les années 70 à la mouvance antifranquiste du Mil - pour le compte des Editions Libertaires. Le premier roman de Daniel Giraud. « Les Buveurs de sang ». Du bleu du blues l'on repasse au rouge hémoglobinique. Roman historique, sous-titré « Les Insoumis en Ariège sous Napoléon Ier ». Je ne vais pas vous dire que c'est très bon, reçu de ce matin pas encore eu le temps de me le mettre sous l'oeil. Mais si vous êtes un tant soit peu finaud vous saisissez pourquoi notre natif de Marseille s'en est venu vivre en Ariège.
Un département d'insoumis. Surtout dans le Couserans - autre nom du Saintgironnais – première république de France aux alentours de l'an mille. A deux pas de Montségur, le dernier nid d'aigle de la résistance cathare. C'est une terre d'hérésiarques. De fortes têtes. Toute similitude avec les gratteurs du delta - qui préféraient échapper au ramassage faiblement rémunéré du coton et traîner de juke-joint en juke-joint, à boire de l'alcool, à fricoter avec les femmes des autres, et à chanter le blues toute la nuit - ne sera pas due à un hasard indépendant de notre volonté.
A lire la quatrième de couverture, quatre-vingt dix-huit pour cent d'insoumis en Ariège qui refusent de participer à la conscription et aux guerres napoléoniennes. Fallait sûrement un certain courage, le même que celui des noirs essayant d'échapper au filet des policiers qui détestaient cette hémorragie des travailleurs des plantations vers les lieux de la perdition blues. Le même esprit de révolte. De désir d'indépendance et de lucidité fractale que l'on retrouve chez Dan Giraud.
Un homme debout. Chanteur de blues ariégeois. Qui a compris que l'important c'est de passer entre les barreaux de la cage de l'existence volée et de vivre en insoumis de la vie. Un roc(k) qui ne roule que pour lui-même.
Tant pis pour vous. Tant mieux pour lui.
Damie Chad.
CONCERT RAFAEL PRADAL.
13 / 01 / 2012 . LE TRITON. PARIS.
Es un amigo. Depuis deux ans lui répète qu'il devrait écouter Jerry Lee Lewis... Remarquez, l'en n'a pas besoin. Est déjà virtuose à vingt-trois ans. Autant le dire pour les aficionados de KR'TNT, Rafael Pradal, son truc ce n'est pas le rockabilly, mais le flamenco. Ce qui change tout.
Ce n'est pas tout à fait de sa faute. Une mère gitane, un père musicien, compositeur et chanteur, l'est tombé dedans tout petit, avant de savoir lire. D'ailleurs il joue d'instinct, suffit de le poser devant un clavier et tout de suite c'est la cavalcade. C'est simple il n'arrive pas à rattraper ses doigts qui cavalent sur les touches. Comme du classique, mais sans le frein, les poses et le retour.
L'a déjà beaucoup joué sur scène, avec son père et diverses figures du flamenc nationales et ibériques, mais en accompagnateur. Ce soir, c'est son premier concert, en vedette. N'ayez pas peur, n'a pas la grosse tête, n'accapare tous les instants. N'est pas venu tout seul, mais avec un batteur, un guitariste et un danseur. Plus on est de fous...
Commence tout seul. Vous vous penchez pour vérifiez que ce n'est pas une machine ou une bande en accéléré qui joue à sa place, non, ce sont bien ses mains à lui qui caracolent. Déjà fini ! Le trio prend place. Première surprise Edouard Coquard, le batteur, sonne jazz, pas toujours, mais de forts effluves tout de même. Serions-nous au-delà de la tradition ? Seuls les puristes s'en plaindront. De toutes les manières el cantaor Cristo Cortes nous remet vite dans les rails. L'Espagne entière descend dans l'arène. Pas de micro, mais un voix qui vous râpe les amygdales et vous ramone l'oesophage. Méfiez-vous du petit au milieu Kuky Santiago qui attend son tour. Le voici qui se lève et s'en vient affronter le taureau de la danse.
L'autre qui gueule en langue cervantienne « je n'ai pas de père je n'ai pas de mère » et lui qui vous allonge un sourire de cheval qui vient de se faire encorner et qui se lance dans une démonstration de tacones à vous couper le souffle. Droit comme I et ça crépite de partout comme une mitraillette qui sulfate le plancher. Tape des mains et des pieds. Les doigts aussi durs qu'un gourdin, et les orteils qui sonnent le tocsin à la pendule de la mort. Avec derrière Rafael Pradal qui alimente la locomotive à coups de notes qui filent comme des étoiles.
L'en rate pas une derrière son outil séminal. Touche pas les touches, les survole. Genre de mec qui jette de l'essence sur le feu. Chacun sur le devant de la scène s'en vient faire sa faena. L'un après l'autre, à deux, à trois, tous ensemble. Le public crie et tape des mains. Bonjour Brésil, le café de la bossa surnage un instant avant d'être englouti dans un maelstrom de boucan invraisemblable. Ca claque et ça trépigne, ça rue et ça tressaute, Rafael enfile les arpèges, peaufine les blanches et lustre les moricaudes, pendant que de l'autre côté le chanteur glapit comme si vous lui arrachez la peau, et le dancing-man, el bailaor, qui tape des pieds comme un gosse qui fait un caprice.
Salves d'applaudissements. C'est déjà la fin. Non juste le commencement, Rafael Pradal balbutie quelques remerciements et demande aux amateurs de monter sur scène. C'est à croire que la moitié de l'Espagne s'est donnée rendez-vous car ils sont une dizaine à investir la plateforme. Il y a même un oncle guitariste qui gratte comme un fou car ce soir il est sûr qu'on va l'achever la mama fiesta. Je ne vous parle pas du déménagement, tapent tous dans les mains et chacun s'en vient faire son numéro, et que je chante, et que je danse, et que je me pavane, et que je pète un solo, et que j'exalte le public qui pousse des olé d'encouragement. Le grand charivari. Sans compter la guitare folle qui ne s'arrête jamais.
Rafael Pradal a réussi son pari. Une belle fête flamenca pour son premier concert. De ce flamenco moderne qui revisite la tradition pour mieux la faire perdurer. Vous savez pour les puristes tatillons un piano dans un quadrille de flamenco c'est aussi incongru qu'une Télécaster dans la Neuvième de Beethoven ! Mais avec le farfadet – el fabuloso duende como se dicen detras los Pirineos - qui n'a pas quitté le clavier de toute la soirée, pas de bile à se faire, les rafales folles de Rafael Pradal ouvrent un chemin qui n'est pas prêt de se refermer.
Justement à ce sujet, si nous ajoutions notre grain de sel rockabilesque nous conseillerons qu'un peu de Tex-Mex - de Ritchie Valens à Mink de Ville l'éventail est grand – avec un soupçon de regard sur la manière dont les Cramps pimentaient leur tequila sunrise – donneraient naissance à un somptueux psycho-flamenc.
Damie Chad
FAMILLE PRADAL ( BIS ) :
Je n'ai pas parlé de la Paloma – elle nous a fait l'aumône d'un petit pas de danse et d'un demi-refrain en plein milieu du final – mais Paloma Pradal, la jeune soeur de Rafael - retenez ce nom, c'est la future Imelda May du chant flamenco, alors tendez l'oreille.
Damie Chad.
16:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/01/2012
KR'TNT ! ¤ 80. ELVIS PRESLEY.
KR'TNT ! ¤ 80
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
12 / 01 / 2012
( Elvis au pays des Merveilles )
LE MONDE D'ELVIS
JANE & MICHAËL STERN
210 p. 2002 / RAMSAY
Attention il s'agit d'une réédition de 2002, le livre est sorti pour la première fois en France en 1987. L'aurais-je acheté s'il n'avait été indiqué sur la couverture, en plus gros caractères que la police dévolue aux noms des auteurs américains, Texte français de François Jouffa ? Je ne crois pas, car la mention en impose. Le lecteur ignorant de François Jouffa est prié incontinent de se rapporter à notre quarante-deuxième livraison du 02 mars 2010 consacré à L'âge d'or du Rock'n'roll écrit en collaboration avec Jacques Barsamian. Il existe une telle littérature autour d'Elvis qu'il vaut mieux se méfier, mais comme une admiratrice ( encore une autre ! ) s'est proposée de me l'offrir je n'ai pas su résister !
Jane et Mickaël Stern ne sont pas des inconnus aux USA. Ils sont avant tout célèbres pour leurs livres... de cuisine ! Se sont fait la spécialité de sillonner les Etats-Unis dans tous les sens et de s'arrêter au moindre restaurant qui affichait son menu au bord de la route. Ont poussé la conscience professionnelle jusqu'à déguster douze fois par jour une modeste collation... d'ailleurs la taille de Jane s'en ressent quelque peu. Leur Roadfood, une espèce de guide Michelin de la mal-bouffe américaine, ne fera peut-être pas l'unanimité en notre pays de gastronomes mais l'idée de goûter à tous les Resto-Routiers de la grande Amérique, celle que nous aimons, celle du Convoi de Sam Peckinpah, est, nous devons l'avouer, furieusement rock'n'roll. Nos spécialistes du hamburger frit possèdent donc – nous le reconnaissons de bonne graisse - une certaine légitimité à parler d'Elvis.
LES CHEMINS D'ELVIS
Il arrive toujours un jour où l'on se doit de prendre des grandes décisions. L'heure était arrivée, ce jeudi matin. Me suis donc mis en campagne et tel Alexandre menant ses troupes à l'encontre des hordes asiatiques je me dirigeai d'un pas ferme et décidé vers le nouveau rayon de disques du Grand Bazar de ma cité natale et Ariégeoise. Le sort en était jeté, j'étais décidé à frapper un grand coup. Un véritable saut qualicatif, option grande aventure : ajouter un troisième fleuron à ma collection de disques de rock. Elle n'était pas bien épaisse, deux 45 tours: Le Pénitencier d'Hallyday, et le Si tu n'étais pas Mon Frère de Mitchell, mais je subodorais que l'adjonction d'une galette américaine ne pourrait qu'augmenter mon prestige aux yeux des amies de ma grande soeur qui n'avaient jamais – discographiquement parlant traversé l'Atlantique – et qui se contentaient de collectionner les anglais perfides, même pas les Stones, mais les gentillets Beatles...
Trois options se promenaient dans ma tête, la classique une version de Roll over Beethoven de Chuck Berry, la spéciale un Little Richard un Tutti Fruti exacerbé de derrière les fagots, et pourquoi pas, poussé par l'inconscience d'une innocente jeunesse, entrevoir la folle possibilité de la cuvée des connaisseurs, une Story de Bo Diddley par le beau Diddley en personne. De quoi se démarquer de facto de tout ce bubble-gum britannique...
L'on avait relégué le rayon disques au fond du magasin, dans un coin obscur et peu fréquenté, mais la direction qui n'avait reculé devant aucun sacrifice avait commis d'office une vendeuse spécialisée pour s'occuper de la clientèle. Vous augurerez mieux de la générosité du geste lorsque vous saurez que le mois précédent l'on avait supprimé toutes les vendeuses pour laisser la place au premier libre-service du département... la marche en avant du progrès de la rentabilisation capitalistique.
Elle était mignonnette et toute jeune mais quand à sa question je répondis que je voulais voir le rayon de disques des chanteurs américains j'ai compris que ma demande dépassait de loin ses capacités musicales. Me souviendrai toujours du flottement de l'eau de ses yeux bleus, elle m'invita d'un geste imprécis à chercher dans l'ensemble des rayonnages. Je laissai donc ce déchet rédhibitoire de l'humanité vaquer à son triste sort et me lançai victorieusement à l'assaut des pochettes multicolores, pieusement rangées en un ordre approximativement alphabétique.
Ai dû me rendre à l'évidence. Pas le moindre hurleur de rock'n'roll à l'horizon. Pour être plus précis, pas de rock'n'roll aux alentours. Trois Beatles, deux Stones, et puis plus rien. Enfin presque. Tout de même une série de cinq Elvis Presley, cinq fois la même gueule d'amour sur un identique fond jaune, avec la couleur du bandeau supérieur qui changeait. Faute de merles noirs faut bien se rabattre sur le corbeau blanc de la couvée. En ce printemps 1965, Presley avait déjà perdu sa réputation de rocker pur et dur depuis longtemps. Faisait un peu figure de hasbeen dépassé. Mais c'était aussi, tout de même, et en même temps, le roi du rock.
Suis tout de même allé tourner en désespoir de cause sur le présentoir qui arboraient fièrement les vingt seuls 33 tours de la ville. Le néant absolu... à part la série des trois disques d'or de – devinez qui ? - Elvis Presley. De toutes les façons c'était une manoeuvre dilatoire désespérée, je ne possédais que dix francs et un seul 45 coûtait déjà aux alentours de neuf...
Minutes cruciales ! S'agissait de choisir le bon, sans possibilité d'écoute et en ignorant tout des morceaux. Ai longtemps hésité sur Money Honey, mais me suis décidé pour le volume trois. L'instinct.
L'INSTANT CRUCIAL
Elvis Presley rock'n'roll. C'était le titre de la série, mais I forgot to remember to forget et I was the one, jetés en premiers morceaux des faces une et deux, c'était vraiment mou du genou. Oui mais Mystery Train et Heartbreak Hotel, en bout de sillons vous élevaient le débat à un niveau supérieur.
D'abord la diction parfaite d'Elvis sur Hearbreak vous donnait l'impression que l'américain était votre langue maternelle. Pas nécessair d'avoir passé l'agrégation d'anglais pour piger :
Well, since my baby left me,
I found a new place to dwell.
It's down at the end of lonely street
at Heartbreak Hotel.
Vous compreniez tout, d'un coup, le parangon du rock'n'rol, ce bijou n'a qu'un seul défaut, sa perfection. Et cette guitare de Scooty More, haletante, à la limite de toutes les brisures. Pas besoin d'aller chercher plus loin le secret de Led Zeppelin. Tout est déjà là.
J'avouons que Mystery Train, c'était déjà plus mystérieux. J'avais jamais entendu un morceau de country à l'époque mais il était clair comme de l'eau de roche que l'on était en pleine perversion. Elvis bouffait les mots et la musique mais il y a là-dedans aussi bien les bayous moites à crocodiles de la Nouvelle Orléans que les torpeurs morbides du Sud profond. Beaucoup d'amateurs pensent que c'est la meilleure chose jamais enregistrée par Elvis. Ca se discute, mais ce qui est sûr c'est qu'après une dizaine d'écoute je suis sorti de là avec un alligator tatoué sur le coeur.
Les deux jeudis suivants, me suis dépêché de me pécho le 1 et le deux de la série. Pour le quatre et le cinq, j'ai jamais eu l'argent de poche nécessaire. Quand je pense que la semaine dernière je me suis offert sur le marché soixante morceaux pour cinq euros... La deuxième claque ce fut Blue Moon, le goût du western, la couleur du western, l'ambiance du western, mais c'était du rock'n'roll, le loup solitaire qui gémit de haine et de dégoût au loin des feux de camp. Rebelle jusqu'au bout des ongles, sales.
Quant à Don't be cruel et son roulement magique de batterie, la frénésie vicelarde du Hound Dog, ce basset famélique qui vient vous lécher les bottes pour repartir en emportant votre mollet et cette garce de baby qui lefte you en un tel état de soulagement que vous en pleureriez de rire, ce fut la commotion. Cérébrale.
Elvis la leçon. L'avait abandonné le rock depuis longtemps, mais un homme qui avait commis tant de chef d'oeuvres dans sa jeunesse ne pouvait pas être totalement mauvais. L'était plus ce qu'il était, mais pouvait tout se permettre. On n'écoutait plus ses disques, mais total respect.
LE RETOUR
L'on n'attendait plus rien de lui. Et puis des bruits nous sont parvenus de la grande Amérique. Elvis se remettait au rock. L'on n'y croyait plus mais coup sur coup trois quarante cinq tours simples sont venus bousculer notre incroyance. Big Boss Man, cette reprise de fin 1967de Jimmy Reed tanguait et roulait à merveille. Elvis se réveillait et l'on sentait qu'il prenait plaisir à chanter. L'essai fut transformé, et de quelle manière avec Guitar Man, la voix plus sèche et qui roule d'autant mieux. U. S. Male vint parachever le tout. Un organe encore plus mâle, profond et caverneux. Toute la légende de l'Ouest.
M'attarderai pas sur le NBC show de 1969. La tenue de cuir noire. Rien de sado-maso, mais la classe indiscutable. Millimétré au poil près. Trop poli pour être honnête. Mais a réussi à tromper le monde entier. Plus le retour à Memphis et des disques à marquer d'une pierre rouge. Plus vraiment du rock, mais de la soul noire que jamais aucun blanc n'est jamais parvenu à rendre aussi noire. J'en extrais In the ghetto que mon père adorait et me demandait toujours de le passer dès que je m'approchais du tourne-disque...
ELVIS AU PAYS DES MERVEILLES
Grand format, qui se regarde avant de se lire. Des photos. En noir et blanc. En couleur. A vous de les découvrir, mais l'iconographie presleysienne est si vaste et si redondante que rien ne vous étonnera. Pour le texte à proprement parler, seules les trente cinq premières pages qui relatent « Le choc Elvis » sont excitantes. L'histoire est archie connue mais l'on ne se lasse pas de l'entendre. Surtout qu'ici elle est racontée avec art.
Le petit gars du Sud qui s'habille comme un noir et chante comme un noir, que l'on vend aux petits blancs. Qui adorent. Pas tous. Car Elvis ne crée pas l'unanimité dans la classe politique... Mais Elvis se trouvera un ange tutélaire. Le Colonel Parker pas plus colonel que vous, mais un alchimiste qui saura transformer l'or en barre du rebelle en le vil plomb édulcoré du merchandising.
Ne soyons pas naïf. Sans Parker Elvis Presley ne serait guère plus connu aujourd'hui que Johnny Carroll. De toutes les façons vous ne referez pas le chemin à l'envers. Elvis a peut-être perdu son âme au change, mais il a gagné plein de fric et n'a jamais craché dessus. Même qu'il aimait ça.
Jane et Michaël Stern écrivent pour la blanche et prude Amérique. Ils lissent le personnage au maximum. Le garçon tranquille qui aime sa maman – surtout n'appelez pas Doctor Freud et ses scabreuses théories – et qui passe son temps à s'empiffrer de beurre de cacahuète grillé. Insistent beaucoup sur la boulimie du fiston, ne sont pas écrivains de guides culinaires pour rien. Un gars gentil. Prêt à rendre service. Le porte-feuille ouvert pour les amis et même les inconnus. A chanté du rock mais était avant tout un amateur de gospel. Des jolies filles un peu partout, mais très correct dans l'ensemble. A les suivre Elvis fut le seul dépravé sexuel de la planète à faire l'amour chastement.
Le départ pour l'armée en Allemagne fut une déchirure. Le roi a souffert. Mais il sut rester stoïque. En a ramené Priscilla. Qui finit par le trahir avec son professeur de karaté. Ubu cocu. Mais il y avait longtemps que le roi ne s'amusait plus. Je suis convaincu qu'Elvis s'est emmerdé tout le reste de sa vie. Vingt ans d'ennui. A bien tenté de secouer les puces qui l'assaillaient mais n'est jamais allé jusqu'au bout. Par faiblesse ? Je ne pense pas. Trop de gens autour de lui dépendaient de lui pour qu'il ait le courage de vendre Graceland et de repartir à zéro.
Sa cour lui fut fatale. Pas obligatoirement des gens méchants. Plutôt de braves mecs – des amis, des copains, des familiers - accrochés à leur sinécure pépère. Avec en corollaire, l'ennui qui dégénère en dépression qui se transforme à la longue en parano. Les insomnies, le manque de sommeil et l'absorption de dizaines de pilules journalières n'ont pas arrangé la situation. La force d'Elvis fut d'avoir traîné ce boulet tout le reste de sa vie sans songer à en limer la chaîne. Le chant et la scène furent ses antidotes.
Et puis, le public, indécrottable, indéfectiblement fidèle. Jusqu'au dernier concert Elvis a chanté à guichet fermé. L'a bien essayé de sortir de sa peau, mais elle n'a jamais craqué. Est simplement devenu obèse. Adulé et pathétique, il ne fut jamais le chanteur abandonné. Pouvait tout se permettre. C'était toujours bien. Si bien qu'il a fini par ne plus rien faire du tout. Le roi bouffi d'orgueil et de chagrin est mort sur son trône. Seul et très cradement. En un dernier pet qui n'a pas pu expulser la merde, la sienne, dans laquelle il s'était englué tout seul. Manque de pot c'est le coeur qui a cédé. S'est éclipsé en douce, par derrière, sans prévenir ni faire ses adieux. Et depuis nous avons perdu le royaume.
Damie Chad.
URGENT, CA PRESSE !
METALLIAN. N° 69.
L'année dernière exactement à la même époque nous nous inquiétons pour la survie de Metallian, mais non la revue a poursuivi sa saga vindicative. Metalian ne vous promet pas que des larmes, du sang, et de la sueur. Dans le paquet cadeau elle rajoute le bruit, la fureur, la haine, les anges déchus, les démons cadavériques, les quatre cavaliers de l'apocalypse, l'annonce prophétique du règne du chaos et autres joyeusetés dont votre belle-mère se passe très bien d'habitude.
Mais Métallian fête ses vingt ans comme le proclame haut et fort la couverture ( ils auraient quand même pu être un tantinet plus original ! ) et met les petits plats dans les grands. Trois numéros pour le prix d'un – mais réunis en un sel cahier - éditions collector comme ils disent. N'ont pas tort, et j'invite tous les lecteurs qui n'auraient jamais ouvert Metallian de profiter de l'aubaine.
Vaut mieux savoir l'anglais, ou faire croire à votre petite copine que la langue de Keats ne pose aucun problème pour vous, car Metallian vous offre la reproduction in extenso de son numéro 1, un pur vintage certes, un fanzine noir et blanc, tiré à 300 exemplaires, plutôt bien foutu mais rédigé de la première à la dernière ligne in english. C'est que Metallian est né au Canada – bonjour les cousins !
Ce n'est qu'en 1992 que Metallian s'installe en France en changeant de formule, le fanzine se transforme en magazine. Pour savoir la suite de l'aventure suffit de tourner les pages. Toutes les couves, année par année, numéro par numéro, avec en prime quatre articles choc : Celtic Frog, Iron Maiden, Immortal et Dissection.
Dissection c'est l'archétype du groupe hard. Suédois, celui qui vous chauffe à mort par devant et vous fait froid dans le dos par derrière. Celui dont on ne doit pas suivre l'exemple. Rien que pour cette phrase vous allez vous précipiter acheter tous ses albums. Attention le leader de Dissection, Jon Nödtveidt croyait en ce qu'il faisait. L'avait pas passé un pacte avec le diable pour rire. L'homosexuel, dont il s'est rendu complice du meutre en juillet 97 n'a pas dû rigoler lui non plus. Après sept ans de prison Jon reforme Dissection et livre son testament Reinkaos, Le Retour du Kaos, et son oeuvre sur cette terre achevée se donne la mort quelques semaines plus tard. Parti pour de nouvelles aventures...
Chez Metallian l'on aime le rock extrême. Faut du courage pour ressortir un tel article par nos temps de grande pleutrerie généralisée. Meilleure revue de hard ( trash, doom … ) sur le marché actuellement. Sont pas tous comme Jon Nödtveid, même que dans la troisième partie de la revue celle qui suit l'actualité, chez Satan Jokers l'on ne porte pas l'héroïne dans son coeur. Si même les légions des damnés se mettent au jus d'orange...
Damie Chad.
VINTAGE GUITAR. N° 6.
JANVIER -Mars 2012.
Sixième numéro et déjà Vintage s'affirme comme un must incontournable pour les amateurs de guitare. En plus, pour le prix d'un numéro ils vous en donnent deux. Pour ma part dans ma lointaine Ariège natale j'ai eu droit au N° 4 – je l'avais déjà, mais il a vite trouvé acquéreur, ne vous inquiétez pas – mais ici, en Seine & Marne il est distribué avec une tout autre revue.
De belles pages consacrées à Bert Jansch, surtout quand on compare à la notule de Rock & Folk car il vient de casser sa pipe, mais si vous connaissez, c'est lui qui a formé Pentangle au début des années 60, Jimmy Page et Led Zeppelin y ont prêté une oreille plus qu'attentive – écoutez le III pour vous en persuader. L'article se termine sur l'évocation de Fairport Convention, l'autre grand groupe folk de la scène britannique – ce coup-là Led Zeppe ont débauché Sandy Denny pour chanter sur le IV.
Encore un qui est allé rejoindre le bon dieu il n'y a pas longtemps, c'est Les Paul, même que Google lui a rendu hommage toute une semaine sur sa page d'accueil, qui a donné son nom à toute une gamme de Gibsons , la fameuse solidboy, la suprême Gold toujours au top. Christian Seguret nous emmène dans une superbe enquête, pleine de rebondissements... Entre autre nous apprenons que c'est Gene Autry, le cow-boy chantant, qui a présenté Mary Ford à Les Paul, nous sommes là aux débuts légendaires de la country music...
Un article sur les Ukulélés, l'instrument hawaïen par excellence, captivant mais un petit topo sur l'influence de la guitare hawaïenne sur le blues nous aurait fait plaisir. Visite du magasin de François Charle, un ancien guitariste des années 60 qui est passé de l'autre côté de la guitare, réparation et vente... Collectionneurs sortez votre porte-feuille ! Nous ne quittons pas vraiment les années 60 puisque nous voici chez Alain Ranval, beaucoup plus célèbre sous le nom de Ramon Pipin, guitariste d'Au Bonheur des Dames et d'Odeurs. ( Rappelons-nous que dans notre 37 ° livraison nous avions déjà retrouvé Sharon Glory ! ).
Pour rester dans la bonne décennie, nous finirons sur l'aventure japonaise des Ventures ces émules américaines des Shadows, je savais presque tout des motos japonaises mais j'ignorais totalement cette contribution de la lutherie du pays du Soleil Levant à la confection des électriques guitares. Comme quoi les amerloques ne les ont pas impressionnés uniquement avec leur bombe !
Plus les chroniques habituelles sur la restauration des vieilles guitares, comme je ne suis pas bricolo pour deux sous, je vous laisse suivre les recettes en zieutant les photos de démonstration...
Damie Chad.
15:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/01/2012
KR'TNT ! ¤ 79. DICK RIVERS / BLUES
KR'TNT ! ¤ 79
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
05 / 01 / 2012
DICK RIVERS / MISTER D
ENTRETIENS AVEC SAM BERNETT
Editions Florent Massot / 190 pp / Octobre 2011
Deux fois Dick Rivers, pratiquement coup sur coup, ça risque de râler dans les chaumières. L'on avait prévu de commencer l'année avec Deke Rivers, une des appellations incontrôlées du King, mais au moment de livrer le bébé s'avère qu'il faut pratiquer une césarienne mémorielle non prévue au programme de notre ordi. Avec un peu de chance vous aurez Elvis la semaine prochaine.
Mais en attendant ce sera Dick. Mais vu de l'intérieur. Non plus le regard du fan éploré mais la vision du maestro sur sa propre personne. S'est amusé à un drôle de jeu, celui de la vérité. S'y sont mis à deux, chacun pourra ainsi dire que c'est l'autre qui a menti. C'est Bernett qui joue l'Oncle Sam de la soirée, celui à qui l'on peut tout dire puisqu'avec lui l'on est sûr que tout sera répété.
Pour ceux qui auraient encore la tête prise par les nocives vapeurs des deux derniers réveillons, nous rappelons que Sam Bernett n'a pas l'habitude de garder sa langue dans sa poche et Jim Morrison dans sa baignoire. Sa dernière biographie du Roi Lézard, qui fit quelque bruit, nous donne une version de sa mort un peu moins coulante que le bain matinal qui l'aurait emporté... En tant que patron du Rock'n'Roll Circus, Sam était pour ainsi dire aux premières loges.
Mais ici, tout est calme, luxe et volupté, bons cigares et mugs de thé à gogo, en tête à tête avec Dick Rivers dans l'appartement parisien de notre rocker national. Bernett reste discret, il sait relancer la conversation avec une innocente perfidie mais il n'abuse pas de sa situation de psychologue. Remarquez, avec un patient comme Dick Rivers c'est du tout cuit. Pas du tout cuir. Ceux qui pensent trouver des révélations fracassantes et inédites sur la carrière de leur chanteur préféré risquent d'être déçus.
Totalement schizo, le Dick, séparation nette entre Dick Rivers et Hervé Fornéri. Et c'est Hervé qui parle de Dick. Pas le contraire. L'homme avant le chanteur. L'individu avant le rocker. Sacré courage, parfois il vaut mieux continuer à ressembler à ce que l'on n'est pas, qu'être ce que les autres n'aimeront pas forcément que l'on soit. Je ne voudrais pas vous faire un dessin, mais vous-mêmes hypocrites lecteurs, si nous regardions d'un peu plus près les troubles motivations qui vous poussent à lire cette chronique, ne risquerais-je pas d'être fort chagriné ?
LAMENTO
Envoie la moutarde extra-forte dès les premières lignes notre rocker. Ce sera le leitmotiv principal, celui qui reviendra systématiquement en contre-point à toutes les lignes mélodiques qui égaient le récit. En a plus que marre d'être le numéro trois du tiercé gagnant. Johnny et Eddy tout devant, et lui tout derrière. L'infamante troisième place. Le mari trompé de la renommée. Le cocu de la gloire. Ce n'est pas qu'il leur dénie la première et la deuxième place, c'est le trop grand écart entre les deux premières et la troisième qui le gêne. Sur le podium, mais il arrive après la limite du temps réglementaire. L'on ne pense pas à lui, l'on s'en souvient en dernier ressort, à posteriori.
Ne le mérite pas. A souvent fait avant les autres, et la reconnaissance du public n'est jamais venue. L'on ne prête qu'aux riches, et le mérite est allé à ceux qui sont arrivés juste à point pour récolter ce qu'il avait semé. Plus encore le vexe l'indifférence du métier. L'on sait tout ce que l'on lui doit mais l'on renvoie rarement l'ascenseur. L'a mis le pied à l'étrier à plus d'un, qui se sont dépêchés de l'oublier. Ne se gêne pas pour régler les comptes et donner les noms, Dick. Un exemple parmi tant d'autres, Gérard Jourd'hui en prend plein les dents. Mais je vous laisse vous régaler de tous les autres.
Va pas se faire que des amis ! L'on n'est pas prêt de l'entendre sur les radios avec les accusations qu'il porte sur la conjuration du silence des programmateurs à son encontre. En plus, il n'a pas tort. En deux mois pas entendu une seule fois un extrait de son dernier disque sur les ondes. Je ne parle pas de programmation régulière mais du simple droit à l'information du public.
Faut dire que le gazier doit être sacrément pénible. Toujours pendu au téléphone à se rappeler à votre bon souvenir. A du mal à comprendre que les temps ont changé, qu'il n'est plus le roi des années soixante mais selon les jeunes générations, qui n'ont pas été biberonnés au son des Chats Sauvages, un misérable hasbeen qui s'entête à vouloir survivre dans un monde qui n'a plus besoin de lui. Peut se faire noircir les cheveux par Babette sa femme chérie, les jeunes filles d'aujourd'hui ne sont pas enclines – et qui le leur reprocherait sinon le principal intéressé - à mordre dans sa banane. Encore moins à acheter ses disques. Qui se téléchargent gratuitement sur le net.
Ce qui le met en joie notre rocker. Ne pleure pas sur les royalties qui ne tombent plus dans les poches des majors. Se pourlèche les babines à l'idée de leur ruine future. Même s'il doit être lui aussi emporté dans la débâcle.
HERVE FORNERI
Inutile de sortir votre mouchoir et de casser votre tirelire pour venir en aide au pauvre nécessiteux. L'a pas mis tous ses lingots dans le même bateau. N'a pas touché à l'héritage du papa. Couplet larmoyant sur le jeune boucher qui s'est fait tout seul. Qui a bossé toute sa vie à charrier des carcasses de boeufs à s'en faire péter les vertèbres. Quand on connaît les couilles en or que se sont fait les petits commerçants dans les années cinquante et soixante l'on commence à entrevoir la fin de l'histoire.
Et que j'achète un petit appartement avec les premiers bénéfices de la boucherie, et un second avec le loyer des locataires, et un troisième avec... j'arrête la chanson. Vous imaginez la suite. Dick Rivers avoue candidement qu'aujourd'hui il payse l'impôt sur les grosses fortunes. Sans être riche précise-t-il pour nous rassurer. Se contente de faire fructifier le pactole de son papa. Quand on connaît le prix du mètre carré à Nice, l'on relativise... Pas lui. S'inquiète de tous ces travailleurs – il comprend leurs difficultés et n'échangerait pour rien au monde leur vie avec la sienne – qui se sont battus pour leur retraite. Mais faut savoir faire des sacrifices. Ne pas se laisser aller à la facilité. La vie est pleine d'injustices, quant on pense à ces malheureux riches soumis à la vindicte de l'ISF, une véritable prévarication communiste, qui paient sans rien dire, il faudrait tout de même que les pauvres suivent le bon exemple. D'autant plus comique que vingt pages plus loin, il se plaint des papiers d'assedic qui n'ont pas été signés par ses tourneurs, ce qui le gêne pour toucher... sa retraite !
Que chacun reste à sa place et les bonnes fortunes seront bien gardées. Dick le rebelle mais Hervé l'homme d'ordre. Les esprits chagrins diront que ce n'est pas une attitude très rock'n'roll. N'auront pas tort. Ni raison. Les grands rockers ne furent jamais de grands révolutionnaires. Musique populaire certes. Mais le peuple a souvent les idées à droite. Sans quoi ce ne serait plus le peuple, exploitable à merci. Terrible contradiction entre ce qui se passe dans la tête et ce qui se réalise dans les faits. Le rock porte les rêves, il en exprime l'incoercible désir mais est incapable de les traduire dans la réalité sociale. Alors que c'est cette même réalité sociale qui a induit la nécessité culturelle de la révolte.
Rivers est en froid avec le show-biz. Mais Fornéri cautionne le même système économique qui lui rapporte des royalties immobilières. On ne peut pas toujours gagner sur les deux tableaux. Vie publique et vie ( si justement nommée ) privée. Parfois les deux se rejoignent, aucun de ses disques ne lui a rapporté autant d'argent que sa publicité sur les piles Wonder. C'est ce qui s'appelle jeter une lumière trouble !
PETIT ELVIS
Il y a des similitudes entre Elvis et Dick. Les rejetons préférés de leur maman. La mama italienne dans toute sa splendeur, à se couper en quatre pour son enfançon Dickie. Catho comme une rital, mais prête à se damner pour son fils. Lui passera tous les pêchés, les capitaux et les capiteux. Le fiston chéri, leçon de morale à toutes les marches de l'escalier, même si c'est celui qui mène à l'enfer du rock'n'roll. Ne travaille pas à l'école, Maman cache le carnet de notes, sèche les cours, Maman rédige les mots d'excuse, veut se saper comme les voyous, Maman remue tout Nice pour trouver la paire de jeans idoine.
Quant au père, il ne dit rien. N'a pas intérêt à moufter, admettra sans problème que le fiston monte à Paris avec son groupe de rock. Signera même sans s'en vanter les chèques pour le loyer. Faudrait ici l'intervention d'un psychanalyste : c'est grâce à la mère qu'Hervé Fornéri est devenu Dick Rivers, mais c'est du père qu'il parle tout le temps. Plus il vieillit, plus il veut lui ressembler. Admiration forcenée pour cet homme taciturne qui lui aura enseigné l'essentiel : quelle que soit la situation, il suffit de rester droit dans ses bottes, pour au moins donner l'illusion d'avancer.
Pour la carrière elle-même vaut mieux se rabattre sur Rock'n'Roll récit de Dick Rivers ( avec la collaboration d'Allan Penniman et Mary Anderson ) paru chez Le Pré aux Clercs en 2006. C'est que contrairement à Elvis, Dick ne se fait plus guère d'illusion. Il n'espère plus vraiment un come back éblouissant. Bien sûr il rêve d'un ultime tube, un deux cents, un trois, un cinq cents mille exemplaires. Manière de partir en beauté. Mais au fond de lui-même, même s'il continue son rock'n'slow comme il l'aime l'affirmer, il n'y croit plus beaucoup. Quand on sait que Mitchell avec toute la pub et l'artillerie médiatique n'a vendu que vingt mille albums de son dernier disque...
DICK RIVERS INTIME
Mister D a le blues. Essaie de le cacher, mais n'y parvient pas. Ne s'anime vraiment que lorsqu'il flash-backe sur le bon vieux temps, tabacs, alcools, cartes et parties fines. Table ouverte, bonne bouffe et bandes de copains à domicile. La belle vie. Des femmes comme s'il en pleuvait, des amis à la colle, la jeunesse qui flambe et qui file, jusqu'à se retrouver petit à petit seul, avec en guise de lot de consolation juste ce refus obstiné de s'enfermer dans la tour d'ivoire aux souvenirs.
Son fils, ses trois compagnes, sa fille quasi-adoptive, que reste-t-il de tout cela ? Derrière l'orgueil du vécu l'on ressent comme une tristesse lamartinienne. Les rockers ne pleurent pas, mais l'existence ne fait pas de cadeau. S'est tissé un cocon douillet, le Dick, un peu coton tout de même. Le vieux matou s'ennuie. Ressasse ses échecs et ses déboires. Il est le mal-aimé ( cette fois-ci plus près de Claude François que d'Apollinaire ), regrette d'avoir abandonné la scène durant près de vingt ans au milieu des années soixante-dix. S'est coupé le bras droit lui-même. La perfusion d'adrénaline qui le reliait à son public. Tout le monde n'est pas Elvis à Graceland.
Le comprend mais ne l'enquille pas. N'y avait pas de place en France pour un troisième rocker. Ronnie Bird et Noël Deschamps en feront l'amère expérience. Milieu rock trop petit, et couverture médiatique inexistante. Ironie des choses, durant près de dix ans Dick Rivers survivra en étant animateur de radio, sur RTL et RMC. Deviendra le monsieur nostalgie de toute une génération. Ce qui s'appelle vivre sur ses acquis et même brûler ses navires. Allez balancer vos nouveautés lorsque vous vous êtes vous-même estampillé de facto le porte-drapeau des anciens combattants !
Ne supporte pas Johnny. Très critique quant à son envergure people. Parle avec déférence d'Eddy, plus fidèle envers son propre personnage. Mais possède son atout-maître. Qu'il sort à bon escient. Le quatrième mousquetaire celui qui a éclipsé les trois autres dans le coeur de notre belle jeunesse. Le d'Artagnan du rock français, de la même génération que les trois autres, mais qui s'est révélé alors que leur étoile avait commencé à sérieusement pâlir. Bashung, pour ne pas le nommer.
Rivers parle de leur complicité. Des trois disques qu'ils ont enregistrés ensemble - et pas des moindres – évoque l'admiration que Bashung lui témoignait, l'appelait même le roi... Avoue même que plus tard Bashung a fait la carrière qu'il n'a pas su faire. Rock'n'roll, mais pas copie conforme. Décalé, du rythme oui, mais une autre manière de chanter les mots. N'a pas pu. Lui a sans doute manqué les bons conseils. Un impresario – oubliez ce mot galvaudé qui pue la frime et le fric – un entraîneur capable d'extraire le meilleur de son poulain. Déjà monté en graine, un étalon sans cavalier en quelque sorte.
Dans sa biographie qu'il a consacrée à Bashung Marc Besse ne s'étend guère sur l'amitié qui lia nos deux rockers. Parle de la période toulousaine, confirme qu'avec Dick, Alain aura appris le métier, mais pour toute anecdote signale l'amour immodéré et exclusif de Rivers pour les hamburgers et les restaurants coréens qui finirent par gaver Bashung amateur de plats plus roboratifs... Le succès venu, Bashung ne semble pas avoir rappelé Dick, qui incrimine Chloé Mons qui montait une garde par trop vigilante et protectrice autour de son homme...
MORE ROCK'N'ROLL !
Mais il faut être franc, dans ce bouquin celui qui remporte la coupe de l'attitude rock'n'roll, c'est Hallyday. Juste deux ou trois lignes au détour d'une phrase, un soir de tournée, dans l'arrière-salle d'un resto provençal, Johnny et Nanette, totalement givrés, surpris en train de jouer à... la roulette russe. Il est vrai que Nanette Wokman c'était autre chose que Sylvie – la différence entre votre chat qui vient se frotter à vos jambes pour que vous lui ouvriez sa boîte de ron-ron et un tigre du Bengale mangeur d'hommes, rencontré en pleine jungle. Mille fois plus dangereuse. Une super chanteuse. Américaine. Choriste des Rolling Stones sur Let it Bleed et de John Lennon sur Power to the People, elle assura la première partie du Rock'n'roll Circus d'Hallyday... liaison torride entre les deux artistes, filtrera même la rumeur d'un mariage secret... une des histoires les plus hot du rock hexagonal.
RIVERS BLUES
Plein d'autres surprises dans ce livre. Un homme se penche sur son passé, ne regrette pas grand-chose, si ce n'est d'être passé à côté de son propre rêve, qu'il avait entrevu plus grand et plus coloré. Dick Rivers dit ce qu'il pense. On peut lui faire confiance. A sa place, beaucoup auraient gommé les aspérités et proposé quelque chose qui corresponde mieux à l'image... Pas très cool dans l'ensemble. Donc plutôt rock. Pari gagné.
Damie Chad.
URGENT, CA PRESSE !
SOUL BAG. N° 205.
JANVIER. FEVRIER. MARS 2012.
J'ai failli avoir une attaque. A quoi bon s'abonner à une revue pour la trouver d'abord sur le présentoir de tous les tabacs-presse de la ville, et cinq jours après dans sa boîte à lettres ! Avec en plus Howlin'Wolf en couverture. Certes ils ne pouvaient pas deviner que je suis atteint de lycanthropie galopante, encore heureux que je ne me sois pas aperçu que l'article était signé par Gérard Herzhaft, un des connaisseurs les plus savants de l'hexagone.
Un article passionnant sur la jeunesse du loup. Une enfance qui dépasse et enfonce de trois coudées ce que Victor Hugo a inventé pour Cosette en villégiature chez les Thénardier. L'a pigé le blues tout petit, à coup de triques, mais c'est ainsi que Croc Blanc est devenu un loup nous a appris Jack London, et puisque tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort nous remercierons le bon Dieu d'avoir été si cruel pour le jeune Chester Arthur Burnett.
Nous n'allons pas jouer les hypocrites, le garçonnet maltraité ce n'est pas marrant mais ce n'est surtout pas la partie la plus captivante du récit. Un hors d'oeuvre, inconsistant quand on pense à ce qui suit : les premiers pas de Chester Burnett dans le Delta. Savait peut-être pas grand-chose mais l'avait du flair. S'est mis à suivre Charlie Patton comme son ombre.
Bien sûr qu'avant Charlie Patton, il y en eut d'autres, des anonymes dont on ne connaît rien, et certains identifiés dont on a pu reconstituer le parcours et les influences mais qui n'ont pas eu la chance d'être enregistrés. Alors que de Charlie l'on possède des enregistrements et une myriade de témoignages. Un artiste de scène, un clown, sans doute dans la lignée des medecine-shows, une vedette en son temps, qui jouait au chapeau, baisait la gueuse et alignait les bouteilles. Un amuseur public, avec une voix de basse à faire frissonner les morts dans leur linceuls. Le rire pour la frime et le public, les larmes pour les âmes. Ne pas confondre avec un Sleepy John Estes ou un Blind Lemon Jefferson. La différence entre Patton et les deux précédents c'est celle qui existe entre le rock et le folk. Entre l'électricité et la musique. Avec ses pieds plus longs qu'une semaine sans pain, Howlin' Wolf a tout de suite pigé la nuance. C'est un grand, un géant, un dur, un baraqué, ne faut pas lui en promettre. Il est encore dans le delta que certains affirment avoir entendu dire qu'il avait déjà une guitare électrique. L'on en doute. Mais l'on n'en sait rien. A côté de Patton, Chester est déjà une sommité du blues rural. On vient de loin pour l'entendre jouer, mais l'on ne saura jamais rien des premiers hurlements de la bête. Faudra attendre qu'il ait quarante ans pour qu'un certain Sam Philips ( ça vous dit quelque chose ? ) enregistre deux premiers morceaux. Dans les studio Sun. En 1951.
Entre temps le Loup a fondé sa propre meute, en 1939 il a rencontré Willie Jonhson qui deviendra son guitariste attitré. Facile de reconnaître son style, chaque fois qu'il touche une corde vous avez l'impression qu'il lance une locomotive sur les rails. Howlin' s'est mis à l'harmonica, l'a reçu des leçons de Sonny Boy « Rice Miller » Williamson, l'a aussi écouté le jeu de Tampa Red à la slide et pour le chant a beaucoup pompé sur les yoddels de Jimmy Rodgers, le fondateur de la country... S'entoure d'un orchestre, inspiré des formations jazz mais déjà groupe de rythm'n'blues. Le genre de truc qui pulse, dont les Rolling Stones ne parviendront jamais à donner une copie conforme. Et ce ne fut pourtant pas faute d'essayer. Z'ont usé tous les disques de Wolf parus chez Chess – à qui Sam Philips l'avait refilé – se sont contentés faute de mieux d'un à peu près, mais ce n'était déjà pas si mal.
Ce n'est pas un hasard si en suivant les pérégrinations de Charlie Patton et de Howlin'Wolf l'on croise Robert Johnson, et si Soul Bag a emprunté pour illustration des images à Love in Vain, la bande dessinée de Mezzo et Goum, à paraître incessamment, retraçant la destinée du guitariste mythique.
La revue est livré avec un CD, beaucoup plus agréable à écouter que celui du numéro précédent. Moins variétoche, plus authentique. Maintenant ne croyez pas en être quittes avec le diable avec cette malheureuse compilation. Une fois que vous aurez lu la chronique des disques, nouveautés et rééditions, ne vous reste plus qu'à attaquer une banque ou un fourgon de la Brink's pour pouvoir tout vous offrir. Bien sûr vous risquez quinze piges de prison, mais au moins vous comprendrez le blues. Et puis comme on est gentil, l'on vous offrira un abonnement de soixante numéros à Soul Bag. Peut-être même que vous serez obligé de vous taper cinq jours de rabe pour percevoir le dernier numéro !
Damie Chad
CONTES ET LEGENDES DU ROCK'N'ROLL.
ROCK'N'FOLK. HORS-SERIE N° 27.
Janvier 2012.
Vous l'avez déjà. Vous n'avez pas pu résister à la couverture. Elle est de Bénito. Pas Mussolini. L'autre, le dessinateur fou de BD de Montpellier. Très déçus, comme moi, quand vous l'avez ouvert. Un peu n'importe quoi. De l'archivage, des reprises d'articles de la revue déjà lus. Les pirates des Stones et de Led Zeppelin, les frasques de nos rockers préférés, cinquante filles rock, cinquante labels rock, j'en passe et des pires.
Juste une pub géante et payante pour pousser le décollage du coffret 10 CD Rock & Folk. Aux origines du rock. Compilation géante de 10 cd, prévu pour les cadeaux de Noël quand vous ne savez pas quoi offrir à belle-maman. Pour vous mettre l'eau à la bouche, c'est livré avec un CD original de démonstration, Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, on ne crache pas dessus. Mais z'ont mis deux fois James Brown et du coup escamoté Link Wray ! Laissez tourner la galette, il existe un treizième titre non annoncé. Surprise !
Damie Chad.
ROCK & FOLK. N° 533.
Janvier 2012.
Pas grand-chose à se mettre sous la dent. La dernière page, Manifeste Rock'n'Roll à l'usage des jeunes générations de Doctor Z s'impose. L'article de Christian Casoni – un autre grand spécialiste du blues – sur Blind Willie McTell est à apprendre par coeur. Sinon filez page 60 et lisez les interviewes – hélas trop courtes – de Pete Best le premier batteur des Beatles – et de Tony Sheridan, ce pionnier du rock anglais qui engagea les Beat Brothers – pseudonyme assez clair, n'est-ce pas ? - pour l'accompagner sur le single My Bonnie. Ca se passait à Hambourg du temps où John Lennon ne jurait que par Gene Vincent et Elvis Presley. Vous connaissez la suite.
Damie Chad.
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