14/07/2011
KR'TNT ! ¤ 61. EASY LAZY/HOOP'S/BURNING DUST
KR'TNT ! ¤ 61
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
14 / 07 / 2010
LA SEMAINE DES TROIS CONCERTS
I
EASY LAZY « C « AND HIS SILVER SLIPPERS
à L'EXCUSE / LONGJUMEAU / 08 / 07 / 11
L'été sera rock ou ne sera pas. Vendredi, samedi, dimanche. Carton plein. Chez KR'TNT on a la mémoire longue. Dans notre kronikrock du 04 / 11 / 10, l'on avait noté Easy Lazy ''C'' and his Silver Slippers dans le quintet gagnant des vingt-cinq participants au volume 1 de Rockers Kulture de Rock Paradise patronné par Tony Marlow, on s'était promis de voir cela de plus près à la première occasion.
Concert annoncé de cette foutue bande de glisseurs à Longjumeau. D'une traite pied au plancher, on the road again, on a vite trouvé l'Excuse de se radiner au bar. Chez Fred, il est en train de bichonner les musicos d'un poulet basquaise agrémenté d'un petit picrate dont le niveau baisse à la vitesse d'une nappe phréatique en plein Sahara, mais pour nous il nous recommande les friteries voisines, c'est qu'à l'Excuse on écluse exclusivement !
Le public arrive, lentement mais sûrement. Beaucoup de nostalgiques du Longjumeau d'avant, une sacrée pépinière de rockers à les écouter. N'ont pas tort, il y avait même dans les années soixante un des tous premiers fanzines rock, tout à côté à Savigny-Les-Orges. Chacun y va de son souvenir, mais bon le rock a aussi un futur et ce soir il se nomme Easy Lazy ''C'' and his Silver Slippers !
PREMIER SET
L'arrière-salle n'est pas immense mais une fois le combo installé toute une partie du public peut se glisser le long des murs, le reste bouchonne à l'entrée contre le bar. Maintenant les gars, faut suivre car les Silver Slippers ils filochent à grande vitesse. Commencent par surprise alors que presque tout le monde grille ses clopes sur le trottoir. Deux premiers morceaux, que je qualifierai de western swing, mais je ne le maintiendrai pas sous la torture, le temps de me faufiler au premier rang, et de prendre mes repères...
Cinq. Au fond le batteur, Nico Teen – un nom de guerre qui rappelle les grandes heures du punk – avec cette curieuse manière de frapper, rond de bras et je ramène tout à moi, pas très catholique peut-être, mais comme on n'est pas là pour écouter la messe et que le beat est terriblement efficace, l'on ne se plaindra pas.
A la contrebasse Manu, domine son instrument, la mama a intérêt à filer droit et juste, tire sur les cordes comme un repris de justice, et tranche du plat de la main. L'on a parfois l'impression qu'il fait jeu égal avec le soliste. Mais est-ce une impression ? Le voici notre guitariste, Chris, à la gauche de l'autre Chris le chanteur, qui s'applique sur sa Fender. L'en tire des sons de haut désastre. Fabuleux, une sonorité à vous rendre jaloux, ça sonne comme l'intro de Shahin'All Over, mais sans arrêt. N'a pas le temps de chômer, c'est que le lead-singer presse les wagons. Vous présente les titres en deux syllabes et demie, et hop c'est parti fond de train. L'on ne saura jamais ce qu'il y avait après Be Bop quelque chose, mais il se jette dans le morceau comme au saut à l'élastique. Ultra rapide. Même la fin, vous n'entendez pas venir. Ca casse net comme un éclat de verre. Vous n'avez pas le temps de reprendre souffle que c'est déjà reparti dans un truc hyper speed.
Epoustouflant. Ces mec-là, il faut leur confier la direction de la SNCF, plus jamais un train en retard et les TGV en avance sur l'horaire. Sur le côté, le pianiste, manie son Roland comme l'autre son cor à Ronceveau, sonne la charge plutôt que la retraite. S'amuse comme un grand fou, j'en ai oublié son prénom, à la Jerry Lee comme il se doit. Sur Roll Over Beethoven, Ludwig en personne s'arracherait les cheveux, comment oser maltraiter si méchamment un clavier qui a dû lui faire quelque chose si l'on s'en rapporte à la magistrale avoinée qu'il lui assène. Les touche blanches hissent le drapeau de la reddition et les noires battent de l'oeil cocard au beurre. A l'entracte l'on me dira qu'il est là ce soir au pied levé et qu'il joue habituellement dans une formation rock-blues. Pour le blues je ne sais pas, mais à la manière dont il essuie le dentier, je ne me fais pas trop de souci pour l'aspect boogie-woogie de son band.
Pas eu le temps de faire ouf. Que c'est déjà fini. Une heure de jeu, passée en une minute de jus. Interset. Tout le monde descend. Il y a du monde au buffet, ça discute dur, les mines sont réjouies, et l'on se pressera aux portières lorsque retentira le sifflet du départ.
DEUXIEME SET
L'on ne ne le savait pas. L'on venait juste de faire une petite ballade sympa dans les roots. Rockabilly mon amour. Un peu survitalisé certes, mais ce n'était rien, juste un hors d'oeuvre. L'on s'est traîné en chariot de bois le long des plates plaines de l'ouest, un peu poursuivi par des Sioux au galop d' appaloosa, mais maintenant l'on va descendre les chutes du Niagara sur un radeau, rien de mieux qu'un combo-rock directement branché sur l'hydroélectricité d'un barrage qui vient de céder.
Les grosses fesses de la Mama sont remisées sur son porte-bagage, Manu a sorti son laser électrique. Les Silver Slippers nous refond le coup des Blue Caps qui troquent la contrebasse contre la basse électrique. La mort du rockabilly pour les puristes, l'archétypale naissance du groupe rock pour les éclectiques. Vous voulez du rock'n'roll, vous allez en avoir.
Fulgurant. Trait de feu. Métal liquide en fusion. Rien ne les arrêtera plus. Vitesse en augmentation constante. La guitare de Chris Almodoa crisse comme une formule 1 dans un virage en épingle à cheveu. Faut dire que Manu ne lui laisse pas la bourre. Se glisse partout dans les interstices et l'autre qui se dépêche de colmater. Un super instrumental confirme le talent de Chris. Ah ! Ces notes qui s'envolent, résonnent et éclatent de partout dans votre pauvre boîte crânienne.
N'oubliez pas de rajouter les poignées de poudre que le pianiste lance dans la marmite dès que l'occasion se présente, la rythmique de Chris, le chanteur qui éructent ses lyrics comme des ricanements de hyène en folie. Et Nico Teen qui vous enfourne avec méthode et vélocité d'énormes pelletées de bâton de dynamite dans le fourneau. Apparemment à la fête, dans un moment d'enthousiasme typiquement tex-mex il s'empare de deux maracas au bout rouge-bite et vous embarque dans un beat de grande branlante qui tangue et chaloupe à mort.
Qui a dit que le rock'n'roll était mort ? Avec lesEasy Lazy '' C '' and his Silver Slippers il n'est pas près de s'arrêter. Turbine comme un avion de chasse. Font pas dans la maintenance des vieux rafiots et la reconstitution en maquette au 1 / 43. Sont plutôt dans l'expérimentation des prototypes révolutionnaires. Le rock offre deux versants, celui qui balance comme un air de jazz, et celui qui roule droit devant lui sans regarder derrière. La ligne de partage, tradition / innovation. Easy Lazy a opté pour les descentes vertigineuses du grand huit ( pistes ) en construction.
Pas à la Brian Setzer qui a surtout retravaillé le son d'origine en lui insufflant du sang neuf. Mais un peu comme s'ils reprenaient les morceaux ultra-rapides de Gene Vincent en essayant de voir ce que cela peut donner, cinquante ans d'innovations et d'errements rock plus tard. Moins de syncope, davantage de glisse. Mais là où Gene Vincent s'était appuyé sur les choeurs pour assurer une plus grande vélocité rythmique et vocale, les Silver Slippers misent avant tout sur l'instrumentalisation de l'instrumentation rock typique. Les guitares ne sont plus accompagnatrices du rythme – même si elles pouvaient en être ordonnatrices - ce sont elles qui mènent la danse. Plus early sixties que cinquante quelque part.
AFTER SET
Trois rappels et c'est fini. Public heureux. Musicos crevés mais contents de l'accueil. Des gars très simples. Dès qu'ils ont quitté leur instrument, ils redeviennent ce que nous sommes, de simples fans, Manu me fait écouter sur son portable ses dernières découvertes, un tuyau pour nos lecteurs, Wolfmother sur You Tube. Plus triste, c'était un concert historique, le dernier avec Manu, muté dans le sud... Connaît déjà quelques copains du côté de Montpellier qui font du rockab, sera pas perdu pour le rock'n'roll. Ce serait trop dommage.
Quant à Easy Lazy, faudra se restructurer. Accordons-leur notre confiance. Leur vision du rockabilly est trop marquée pour qu'elle soit due à une conjonction hasardeuse. Sauront creuser et perpétuer le sillon. D'ailleurs question sillons, vous avez la chronique de leur disque dans la rubrique suivante. Un mauvais point pour Chris Almoada, a discuté une demi-heure avec Alain sans avoir mentionné qu'il a sorti l'année dernière sous son propre nom, un CD, Come to New Orleans, sur Ryddel's Records distribué par Rock Paradise. Nous vous en reparlerons, nos plus fins limiers sont sur la piste et nous en avons déjà capté quelques extraits prometteur. Quel cachotier ! Pour dire vrai, j'avais vu la chronique sur Jukebox mais je n'avais pas tilté. Shame on me !
Quatre heure du matin. Enfin dodo. Pas encore la paix, le chien qui est resté enfermé depuis six heures du soir, vient chercher sa demi-heure de caresses ! Croyez-moi, vie de rocker, vie de chien !
II
LES HOOP'S
LE LION D'OR / TOUCY / 09 / 07 / 11
Ce coup-ci, c'est de l'addiction pure et simple. Trois fois les Hoop's en un mois. C'est grave mais je me soigne. Non, I don't need a doctor, juste d'une rock'n'roll thérapie. Le chien est monté de lui-même dans la voiture et l'on a pris la 6 ( non pas la 66 ) vers Auxerre. On the road again, on n'a pas foncé comme des fous car c'était départ de vacances et derrière chaque pilier d'autoroute se profilait un képi de pandore veillant sur notre sécurité. Bref comme disent les autonomes, police partout, justice nulle part. En plus ils auraient mieux fait d'être à Toucy parce que avec tout ça qui s'est passé...
Au Lion d'Or quand ils invitent un groupe, ils ne font pas dans la dentelle. Ils ont carrément barré la rue. Double estrade en barricade au débouché sur le boulevard. Plus aucune voiture ne passe, Rock'n'roll is here to stay. Profusion de chaises sur les trottoirs, myriade de tables pour huit personnes sur la chaussée. Quand je suis arrivé à part une équipe de volontaires qui roulaient les tonnelets de bière et les Hoop's qui s'affairaient après leur matos, il n'y avait pas un chat ( à se mettre sous la dent, dixit meus black dogus ).
Je n'avais jusques alors de toute ma très longue existence jamais entendu parler de Toucy, je reconnais que la cité toucyenne m'a touché, coulé. A six heures tapantes la moitié de la population a envahi le lieu, tout le monde, sans exception, les hommes, les femmes, les enfants, les ados, les jeunes et les vieux, des bancs entiers de français moyens, des strates épaisses de majorité silencieuse, un échantillonnage grandeur nature de la France profonde... C'est à peine si l'on entrevoyait dans cette foule moutonnante deux ou trois blousons de rockers perdus dans la marée humaine... Le seul aspect positif de la chose, c'est qu'après le concert les Hoop's ne pourraient pas se plaindre qu'il n'y avait que des convertis !
SANS CONCESSION
Dernier froti-frota sur les cordes, petit boum-boum ponctué sur la grosse claire, Richard vérifie que son cigare n'a pas quitté son oreille, Steph s'avance vers le micro. Réalise-t-il la situation ? Toujours est-il qu'après le bonsoir traditionnel et les remerciements au public d'être venus si nombreux, il prévient les masses ignorante au cas où elles n'auraient pas compris : « Nous sommes un orchestre de rock'n'roll et nous jouons du rock'n'roll ». Applaudissements polis.
Et puis... Ce sont des secondes magiques, ou ça passe, ou ça casse. Pas de juste milieu. Le combo est à l'arrache, ça shake, ça rattle et ça rolle de tous les côtés. Dès la première moitié du premier morceau, c'est gagné. Les têtes se mettent à balancer et les pieds à taper du rythme. Attention il faut battre le fer tant qu'il est chaud et ne point le laisser refroidir. D'instinct les Hoop's ont compris l'enjeu. Il leur faudra être encore plus rock'n'roll que d'habitude.
Derrière ses futs Kevin envoie la sauce, n'a pas intérêt à laisser roupiller la machine. En veux-tu, en voilà, c'est que devant ils en redemandent, dans sa redingote noire à parement rouge Jean-Eric adopte l'attitude bestiale du joueur de Gretsch à qui l'ange exterminateur du rock'n'roll vient d'apparaître. Sourire béat et hurlements de terreurs se succèdent à vitesse grand V. Ses doigts courent sur le manche comme des araignées en folie.
La basse de Richard explose, il envoie des vibrations rayonnantes qui s'emmêlent à vos boyaux et précipitent les montées de Kundalini, reptilienne libération de l'énergie sexuelle contenue dans le corps de chacun. Les Hoop's sont servis par une sono qui capte et répercute le moindre tressaillement des doigts sur les cordes. Si le public s'est laissé apprivoisé si rapidement c'est aussi grâce à l'équilibre de la balance, le son vous percute tout en vous caressant. Insidieuse volupté du rock'n'roll.
Steph est porté par l'engouement de la foule. Vers la fin du show une corde de sa rythmique cassera. Inutile d'opérer un changement en catastrophe. Que l'instrument aille se faire pendre ! Débarrassé de son appareil, il est à cent pour cent concentré sur son chant et emporté par les lyrics. Presley a fait scandale quand il a avoué que souvent sa guitare n'était pas toujours branchée. Elle était dans ses bras pour la rock'n'roll attitude. Et pas pour la musique ! Dans les derniers rappels Steph se livrera à fond, modulant de la voix les énergies de la foule qui tangue et danse devant l'orchestre.
J'ai toujours eu un faible pour le King Creole d'Elvis. Pas le meilleur morceau du King, mais un truc à part qui fonctionne plus que bien. Les Hoop's en sont à la moitié de leur set quand ils en entonnent l'intro. Pour fonctionner, ça a fonctionné à merveille. Déclenchement d'une hystérie collective, chez les petites filles pour commencer. Les petiotes se lancent sur la piste et vous enchaînent grand écart sur écart, pirouette, retombé, de face, de profil, de trois-quart, d'autres grimpent le long des poteaux indicateurs comme des colonies de ouistitis en goguette. Richard qui essaie de se cacher derrière sa basse est arraisonné par une grand-mère qui ne veut plus le lâcher. Les Hoop's ont été à deux doigts de finir en trio. Au milieu de la piste, de jeunes mamans se tapent des jerks incroyables, et dans tout ce joyeux foutoir, se faufilent les garçons de café qui portent à bout de bras des plateaux surchargés de demis.
Les Hoop's sont cernés. Jusqu'à lors ils ont joué face au public, mais maintenant il y plus de deux cents personnes derrière eux qui ne perdent pas une miette du festin sonore. C'est le délire. Richard se vautre sur le dos de Jean-Eric qui découpe les riffs à la faucille, Steph aboie dans son micro, seul Kevin emmuré dans sa tour sonore de l'espace architectural qu'il construit de ses baguettes se contente de sourire.
Lorsque Steph annonce le dernier morceau, il doit se rendre à l'évidence. Vont pas s'en tirer comme cela. A part un vieux grand-père tout perclus de rhumatisme qui est arrivé avec difficulté sur ses deux béquilles, personne ne bouge. Je le vois repartir tout guilleret les cannes à la main ! Quand je parlais de rock'n'roll thérapie...
Devront nous bazarder quelques reprises saignantes à la Tutti Frutti pour qu'on accepte de les laisser partir une demi-heure plus tard. Richard descend de scène pour gratter parmi les danseurs, Steph se démène autour de son micro, quelle classe ! Les yeux bleus de Jean-Eric sont trempés de sueur mais ils pétillent d'une énergie débordante... Des spectateurs viennent demander des titres que les Hoop's ont déjà interprétés, mais dans la liesse et la furia ambiante, ils ne s'en sont même pas aperçus !
POPULAIRE
Quel concert ! Et vous n'y étiez pas. Tant pis pour vous ! Ce n'est pas que les Hoop's survoltés ont encore mieux joué que les fois précédentes, c'est que pour une fois le rock'n'roll a été ce qu'il devrait toujours être, une musique populaire, un début de folie collective, une transe rythmique partagée entre tous.
Cinq cents spectateurs enflammés par la flamme ardente du rockabilly. Une ville qui entre en communion avec les mânes d'Eddie Cochran et d'Elvis Presley. Le feu couve sous la cendre. Les Hoop's ont de la ressource. Rien qu'à voir le nombre de personnes qui vient les remercier, les toucher, échanger quelques mots avec eux pour plus tard se vanter de leur avoir parlé, l'on comprend que le rock'n'roll est une musique vivante. Qui transcende tous les clivages organisationnels et ségrégationnels de notre société.
Merci au Hoop's de nous avoir pour deux heures libéré de nos prisons. Vive le rock'n'roll !
PS : un énorme merci et un coup de chapeau à la très jeune photographe qui m'a fait parvenir toutes les photos qui illustrent ce compte-rendu.
III
BURNING DUST ON THE HIGHSTONES
CONVENTION TATOO / APPOIGNY / 10 / 07 / 11
Toujours on the road again. Tout ce chemin depuis Provins pour se retrouver à l'entée d'Auxerre à dix kilomètres de Toucy, et tout ça pour du rock'n'roll ! Oui mais pas n'importe lequel ! Burning Dust ! C'est en écoutant pour la première fois Burning Dust en concert, que l'idée de KR'TNT a germé dans notre cerveau enfumé. C'était il y a deux ans au mois d'avril. Oui, mais en deux ans il en est passé de l'eau sous les ponts du rockabilly, et nous avions envie de refaire le point.
Auxerre, ce sont les spécialistes du fléchage, vous tombez pile-poil à l'endroit désiré. Bravo et merci les gars. Troisième sens. Je me suis méfié tout de suite. Toute la panoplie était là : voitures américaines au paddock, escouade de Harley Davidson ( je ne reconnais plus personne ) au repos sur le bitume, cinq sur cinq pour le décor, mais l'âme du rock'n'roll ne planait pas dans le paysage.
Après tout c'est écrit en gros sur le panneau : Convention Tatoo, rien à voir avec Convention rock'n'roll. Pour sûr, mais je suis de ceux qui pensent que les univers parallèles, tout comme les rails du chemin de fer finissent toujours par trouver un horizon où se rencontrer. D'ailleurs sur l'affiche, ils ont bien posé des noms de groupes de rock, si je m'abuse, non d'une poussière brûlante !
Galerie marchande, pas dégoté un seul disque, l'on ne vend que des encres de couleur et des aiguilles. Deux vastes salles découpées en une quarantaine de box. A ma grande surprise ils sont pratiquement tous occupés par des pro en plein travail. Que de patients, et l'appellation est des plus pertinentes, car imaginez le nombre d'heures nécessaires pour votre tatoueur préféré peinturlure sur votre dos la porte de l'entrée des Enfers de Rodin, ou si vous êtes davantage ami des bêtes un aigle aux ailes éployées sur vos omoplates !
Un quarteron de gugus qui le même jour à la même heure se font piquer la peau pour être encore plus beau, je n'y crois guère. Nous sommes sur un effet de mode. Certes le tatouage décore au choix votre postérieur ou votre avant-bras, mais il ne signifie plus rien, il n'est plus qu'une image vide de sens. Son implication est des plus superficielles. L'on ne se tatoue plus pour se démarquer de la société mais pour appartenir à la tribu du plus grand nombre. Il fut un temps où ne se tatouaient que les marins, les prisonniers, et les rockers...
A la sono l'on annonce les Libertines. Etrange le groupe briton a splitté voici plusieurs années et que viendrait faire Carl Barât par ici, ce doit être une attraction homonyme. Les faits me donnent tristement raison, nos Libertines sont deux jeunes femmes en tenue légère, qui enchaînent les poses lascives en feignant de laver une Buick des années 50, s'aspergeant de mousse pseudo-spermatique de liquide vaisselle, pour finir par enlever leurs soutien-gorges. Un public très nombreux se presse et en fait des gorges chaudes...
Depuis un moment ça remue du côté de Burning Dust. Les musiciens sont sur le plateau d'un gros machin routier – a real american truck - à l'autre bout de l'esplanade, et discutent avec le responsable sono... Nous avons droit au check sound en direct. L'affaire est réglée en dix minutes, très pro.
Premier morceau : je me retourne, mais où est passé le gros des troupes qui miraient les mirabelles dénudées ? Disparues ! Ce n'est qu'après le concert que l'on connaîtra le mot de la fin, durant le set de Burning Dust, les organisateurs n'ont rien trouvé de mieux que d'offrir à chacun des visiteurs, à l'intérieur des locaux, un énorme part de gâteau d'anniversaire afin de fêter leur dixième convention Tatoo... Procédé qui frise l'indélicatesse...
Je l'avais pressenti, l'on n'était pas dans un milieu vraiment rock'n'roll, l'on veut bien arborer le tatouage rock, mais quant à écouter cette musique de sauvages, il ne faut pas exagérer... Ce n'est pas si grave : mieux vaut se retrouver en petit comité que mal accompagné ! Un concert pour aficionados ce n'est pas mal non plus, le rock'n'roll est aussi une denrée rare qui se mérite... Un démarquage individuel en quelque sorte, difficile à concevoir pour ceux qui viennent en troupeau se faire marquer la peau.
BRÛLANT
S'il y en a qui ont pas démérité dans l'affaire, ce sont les Burning Dust, le combo a eu la hargne fataliste. Nous ont servi une prestation irréprochable. De l'impec jusqu'au bout des ongles. A gauche, légèrement en retrait, mais pour une fois pas derrière les autres, Phil Baston membre originel et cheville ouvrière du groupe. Ne cogne pas fort, mais sec et avec une précision inouïe, ne laisse jamais passer son tour, jamais en retard, jamais en avance, toujours à l'heure. Pardon, au huitième de seconde près. Le pire, c'est qu'il vous métronomise n'importe quel rythme avec une placidité d'enfer. Ne le regardez pas, car vous allez en retirer l'impression que la batterie est un truc d'une facilité extrême, et qu'en trois leçons vous en ferez autant. Je ne doute pas de vos capacités cher lecteurs, mais ne confondez point facilité et simplicité. Celle-ci n'est que la résultante d'une somme incalculable de difficultés vaincues, et surmontées une à une.
A l'autre bout Dazzle Dave, enfin l'on remarque surtout sa contrebasse – parfois il la remorque de l'autre côté de la scène pour faire les choeurs dans le micro - si sombre qu'elle ressemble à l'horloge que ma grand-mère astiquait au brou de châtaigner. Lorsqu'il est penché sur son engin vous êtes prié de ne pas déranger Mister Razzle Dave, l'a trop à faire avec sa dame, lui gratouille les cordes avec ses doigts, comme un petit garçon qui joue au docteur avec sa grosse voisine. Et elle doit bien aimer cela, puisqu'elle chantonne tout bas, tout profond entre ses lèvres. Slip, slap, un jeu sexuel, juteux à souhait. Peut aussi être un peu sado, la taper et lui tirer les poils, mais ce faisant il apporte à Burning Dust le parfum entêtant des lourdes chaleurs poisseuses des agoniques après-midi du Sud profond. Et même parfois la fragrance vaseuse des bayous de la New-Orleans...
J'ai dû m'écarter un moment pour laisser passer un véhicule de l'organisation, durant une vingtaine de secondes j'ai tourné le dos à l'orchestre, putain ils en ont profité pour sortir un fiddle et jouer un contre-rythme, me suis retourné dare-dare pour mater le violoneux, cruche stupide que je suis, c'était Earl qui miaulait en slide son bottleneck au doigt. Earl le soliste, pour lui le monde n'existe que dans le prochain accord qu'il propulsera. Un jeu spécial, on dirait qu'il a toujours un temps d'avance l'index sur la corde comme sur la gâchette d'un pistolet, comme s'il attendait l'instant T et crucial pour lancer la note. Ce n'est pas le gars que vous prendrez par surprise, est sempiternellement devant vous en embuscade et il envoie les pruneaux à la seconde exacte, juste entre les deux yeux.
Enfin Dan, impérial. Guitare rythmique, semi-électrique, et le chant. L'art et la maîtrise. Dashing Dan. Ce qu'il y a d'exceptionnel chez Dan, c'est qu'il ne fait pas du rockabilly, du rock'n'roll, ou du western swing, il est naturellement le représentant de toutes ces musiques. Au moindre de ses phrasés l'on comprend qu'il a assimilé toutes les subtilités de cet art majeur que fut la musique populaire aux USA dans les années cinquante. C'est un Artiste au sens réel du terme, quelqu'un qui ne joue pas sa vie, mais quelqu'un qui habite de l'intérieur sa propre vie. Life like poetry comme disait Lefty Frizzel.
Vous les avez eus un par un et vous voudriez les voir tous ensemble maintenant. Méchamment en place. Ce ne sont pas quatre musicos réunis, mais un seul et unique combo. Le mot qui vient à la bouche, c'est celui d'authenticité. Attention, rien à voir avec la reproduction à l'authentique. L'écoute de Pink Thunderbird de Vincent et des trois Cochran est flagrante. Les morceaux sont adaptés aux possibilités vocales et musicales du groupe, l'on ne cherche pas à singer, l'on songe à ce que chaque titre aurait donné en des circonstances différentes. Burning Dust restitue l'esprit, ne duplique pas en monochrome grisâtre.
Mais là où Burning Dust dépasse la plupart des autres groupes ce n'est pas par l'intelligence de ces reprises. Burning Dust n'est jamais autant authentique lorsqu'il joue ses propres morceaux. Si Dan ne les annonçait pas en tant que tels, vous seriez en train de vous demander « Mais qui a écrit ce truc ? Mais où l'ai-je déjà entendu ? Ah oui sur le deuxième CD des Burning Dust ! Sur quelle compilation Sun l'ont-ils dénichée ? ». Et entre nous soit dit beaucoup de groupes néo-rockab anglais ou américains ne sont pas capables d'écrire de telles pépites.
Nous fûmes particulièrement gâtés. Trois fabuleux morceaux – je n'ai pas retenu les titres – du prochain disque, un mystérieux « projet important » mais Dan n'en dira rien d'autre nous laissant sur notre faim. Je peux toutefois affirmer la qualité supérieure de la marchandise. Cette voix bondissante, sur le Diddley beat, nectar suprême !
Mais lorsque je parle d'authenticité, je veux signifier que les Burning Dust sont en train de trouver la pierre philosophale de tout groupe de rock'n'roll digne de ce nom : un son. Ce truc en plus qui fait que personne ne sonne comme vous. De plus en plus difficile et délicat à mettre au point – car les groupes sont légions et se marquent de près niveau matos, répertoire et interchangeabilité des musicos. A tel point que beaucoup de bands n'y pensent même plus, se contentant de stationner dans une honnête et qualitative moyenne.
HOT DUST
Pour les rappels, faudra s'en passer. L'heure du grand concours est arrivée : élection du plus beau tatouage. Par catégories, s'il vous plaît, c'est du sérieux. Dan et Phil préfèrent en rire. Depuis plus de dix ans qu'ils sont sur la route ils en ont vu d'autres... L'on prend rendez-vous pour une autre fois, keep rockin' till next time !
Sur le chemin du retour mon chien me pose la question piège, des trois concerts de ce week end, lequel as-tu préféré ? Je vous laisse lui répondre.
Damie Chad.
KRONIKROCK
MINUS BLAST OFF. EASY LAZY ''C'' AND HIS SILVER SLIPPERS.
ROCK PARADISE. PRRLP 101.
Bip bop boom. Curfew. I had a dream last night. Hole in my heart. Froggie went a courting. Ich-I-Bon. I'm in love. That's all right. Minus blast off. My little Jewel. My car's father. My mind's made up.
''C'' hristophe Lazy : vocal / electric rhythm guitar
Chris Almoada : lead guitar / backing vocal
Manu Tikimalo upright bass / electric bass guitar
Nico Teen : drums
Guest : Jean Pierre Cardot : piano / organ
Très bel objet ! Magnifique pièce de collection, un vinyl 25 cm – douze titres tout de même comme un véritable 30 cm - avec pochette intérieure cartonnée remplie de superbes photos, plus un petit laïus de Christophe Lazy expliquant l'origine et la formation du groupe, en anglais s'il vous plaît, chez Rock Paradise on est sans concession !
On commence plein pot avec Bip Bop Boom un morceau de 1958 de Mickey Hawks, définitivement rockab avec un piano qui appuie sur les touches, là où ça fait mal. Ambiance plus sombre sur le Curfew de Steve Carl, une espèce de rockab-garage qui sonne mid-fifties mid-sixties, très beau travail de guitare de Chris Almoada. Urgence dans la voix de Lazy C, tout ce que nous aimons. Un blues de Lonesome Sundown traité en mode mid-rockab, mine de rien Easy Lazy explore le spectre de l'originel rock'n'roll en le métissant des sonorités post-cinquante. Hole in my heart d'Esquerita, voix à la Little Richard, piano à la Little Richard, rythmique à la Little Richard mais une intro et un solo à la guitare trop sales pour être d'époque. Petite histoire de la grenouille, retour aux sources avec un traditionnel qui fut entre autres interprété par Dylan et Springsteen. La voix est compressée comme sur le Down the line de Buddy Holly Le groupe touche à tout, il ne dépoussière pas, il recrée le rock d'avant-hier à la sauce rockab. Ich-I-Bon, il s'agit d'un vieil instrumental de Johnny Ferro jamais sorti sur Motown ! A la guitare Chris s'en donne à coeur joie, imaginez Hank Marvin qui aurait surélectrifié sa guitare.
Face B, ils ont changé la couleur et le motif de l'étiquette, le premier morceau déboule à toute vitesse et ne vous laisse pas respirer. That's all right en 2, de Mickie Most, tout un programme, le producteur des Animals et des premières faces des Yardbirds, le rockab parfumé au british sound quel délice, mais est-ce encore du rockab ? de toutes les manières on s'en fout car c'est super bon et Manu vous offre de ces régals de descente de basse à vous damner. Minus blast off, le titre des Sonics, an american garage qui donne son titre à l'album, Maximus blast off vaudrait mieux dire. Ensuite un petit bijou de Tommy Jean Bean, de 58 si je ne me trompe guère, taisez-vous et écoutez le travail des cordes, Chris C se déchaîne et emporte le morceau au vocal alors que la guitare de Chris Almoada ponctue toutes ses inflexions. La voiture de Don Agee est-elle plus rapide que celle des Silver Slippers, ça se discute surtout avec le piano honky tonk de Jeann-Pierre qui accélère dans les courbes. Honneur aux dames, une reprise de Iona Margaret Vake, classique, bien envoyée, on finit en beauté, chacun y donne du sien.
Petite remarque personnelle, c'est le premier disque que j'écoute sur un nouvel appareil tout neuf. Difficile à partir de cette prime expérience d'établir des comparaisons. Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier, très fort. Risque de désarçonner les puristes purs et durs, mais ce mélange reprise rockab et american sound à la Flamin' Groovies, me parle. Un disque qui ouvre.
N'ont rien à envier à beaucoup de groupes anglais et américains.
Damie Chad.
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