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10/05/2013

KR'TNT ! ¤ 143. / CONGO SQUARE / BLACKFACE /

 

KR'TNT ! ¤ 142

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

09 / 05 / 2013

 

CONGO SQUARE / BLACKFACE

 

 

LES ORIGINES NOIRES DU ROCK'N'ROLL

 

 

FREDDI WILLIAMS EVAN

 

CONGO SQUARE

 

RACINES AFRICAINES DE LA nOUVELLE-ORLEANS

 

 

( Collection Histoire & Patrimoine / Editions de La Tour Verte )

 

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Sera difficile de remonter plus haut. Le livre commence en 1699 sur les bords du Mississipi en un lieu sacré pour les Indiens et qui deviendra la Nouvelle-Orléans. Les esclaves n'arriveront que vingt ans plus tard, un peu moins de cinq cents directement importés de l'Afrique. L'en viendra d'autres. Beaucoup, notamment plus de 3000 en 1809 en provenance d'Haïti emmenés par leurs maîtres blancs qui fuient le soulèvement de la population noire, l'Indépendance de l'île et la proclamation de la République Dominicaine. Comme par hasard éclate en 1811 la plus grande révolte d'esclaves que connaîtra la Nouvelle-Orléans. Vite matée.

 

 

Une population difficile à gérer : les autorités naviguent à vue, tantôt coup on interdit tout regroupement, tantôt on permet des activités festives. Deux coups de bâtons pour un coup de carotte. Parfois on permet les amusements hors des fortifications, puis on les enferme à l'intérieur de la ville, parfois on les scinde en plusieurs emplacements, souvent on les réunit en un seul lieu. Ce sera Congo Square. La municipalité s'acharnera à en varier la dénomination, mais l'appellation a traversé les siècles et a fini par s'imposer officiellement dans les années 1970.

 

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Congo, parce qu'une fraction importante des masses d'esclaves sont originaires de ce royaume d'Afrique, même si énormément d'ethnies y furent représentées et finirent par s'entremêler. Square c'est un peu poétique, un espace libre, de l'herbe, quelques arbres selon les décennies. Les noirs – esclaves et colorés ( esclaves affranchis qui sont devenus par ce fait des hommes libres ) – peuvent s'y retrouver le dimanche après-midi, après la messe matinale et pas plus tard que dix-huit heures.

 

 

TEMOIGNAGES

 

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L'on ne sait pas grand chose. Quelques notes rapides et elliptiques dans des journaux de voyageurs de passage qui rapportent qu'ils ont vu : de loin quelques attroupements de nègres qui s'adonnaient en un sauvage tintamarre à leurs danses de sous-civilisés et à leurs rituels habituels. Freddi William Evans s'en empare et les décortique afin d'en tirer quelques renseignements fiables.

 

 

S'intéresse d'abord à la vie de cette population servile. C'est elle qui par son travail édifiera la ville : défrichera les terrains, élèvera les levees, ces fameuses digues que rompit l'ouragan Kaltrina, bâtira les habitations et surtout grâce à sa science agraire importée d'Afrique permettra la culture du riz et donc le décollage économique de la cité... La plupart mal nourris et mal habillés se livrent sur leurs heures de repos ( repas et dimanche après-midi ) à de petits activités commerciales qui leur permettent d'améliorer l'ordinaire ou au bout de plusieurs années d'acheter leur liberté.

 

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C'est en ces difficiles conditions que le peuple noir s'ingéniera à perpétuer ses traditions originelles. Congo Square fut le lieu qui permit le sauvetage de leur identité africaine. Bien sûr en voulant préserver leurs racines ils en créèrent une nouvelle, métisse, – afro-américaine – qui les mènera beaucoup plus tard à leur émancipation. Mais ceci est une autre histoire que nous n'aborderons pas. Congo Square est le berceau du jazz et ce partant de ce qui nous intéresse le plus : le rock'n'roll.

 

 

MUSIQUE ET DANSES

 

 

A priori rien de bien effrayant. Les nègres se retrouvent entre eux, ils boivent de la bière, s'interpellent gaiement, jouent de la musique, rient, hurlent, dansent et font un boucan de tous les diables. A part que le diable n'est pas là. Robert Johnson n'est pas encore né et à part quelques serpents apprivoisés, il ne montre pas trop sa queue fourchue ; faudrait peut-être moduler, nous sommes en terre vaudou au bon temps de Marie Laveau la prêtresse du culte semi-clandestin qui possède son propre reptile, les blancs se méfient du vaudou dont la pratique n'a pas été étrangère au soulèvement d'Haïti, les noirs ne sont pas idiots, ne vont pas se mettre à égorger des poulets en public, pratiqueront leurs cérémonies dans les arrière-cours discrètes ou dans les bois esseulés. De toutes les manières le vaudou a enveloppé ses mystères de linges catholiques. Les noirs ont su s'adapter à leur nouvel environnement culturel.

 

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La danse reste l'activité la moins inaccessible aux regards profanes, peut-être justement parce qu'elle se déroule en public au vu et au su de tout le monde. Faut mater avec attention pour s'apercevoir que les chorégraphies sont ultra-codifiées même si les mouvements des protagonistes peuvent paraître le résultat de leur seule fantaisie. Cela n'a l'air de rien, mais la structure se révèlera excessivement germinative pour l'avenir de la musique populaire américaine : les danseurs forment un cercle. Peut compter jusqu'à une centaine de participants. Selon l'importance de la foule le nombre de cercles varient. Beaucoup se contentent d'être spectateurs.

 

 

Ont très vite pris le nom de ring shouts. Tout le monde pense au blues shouters. Congo Square n'est peut-être pas à l'origine du blues – faudra attendre pour cela que l'individu ait pris pleinement conscience de sa volonté de se détacher du groupe social indistinct – mais les origines africaines du blues sont indéniables quand on sait que lui aussi repose sur cette structure d'appel et de réponse que l'on retrouve dans la dramaturgie de ces anneaux de cris.

 

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Les danseuses sont au centre, elles roulent des jambes, des fesses et du sexe, sans jamais lever le pied du sol ni bouger la partie supérieure de leurs corps, les danseurs viennent tour à tour faire leur parade nuptiale, puis rentrent dans le rang une fois leur numéro de séduction terminé. Parfois hommes et femmes placés sur deux cercles concentriques, se rapprochent , les cuisses mâles touchent les cuisses femelles et l'on repart en arrière pour revenir encore et encore.

 

 

L'orchestre est constitué en sa grande majorité de percussions rudimentaires, peaux de chèvres jetées sur un baril ou sur le tronc d'un arbre creux. Pas de stradivarius, des mâchoires d'âne – on passe passe un bâton en guise d'archet sur les dents – les remplacent avantageusement.

 

 

ROCK'N'ROLL CIRCUS

 

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Dans les années 1810 c'est exactement comme aujourd'hui, les cirques ont besoin de vastes espaces plats pour s'installer. Congo Square sera un endroit de stationnement idéal. Les directeurs et les artistes ont toujours besoin de nouveaux numéros. Ne tarderont pas à s'inspirer des ring shouts. Pour les besoins des spectateurs, ils couperont la poire en deux, se contenteront d'un demi-cercle, une dizaine de garçons de pistes viendront faire les drôles, à celui qui chante le plus faux, à celui qui se trémousse le plus, à celui qui réussit un double-salto arrière, très vite pour faire couleur locale les artistes se noirciront le visage, les Black Faces sont nés.

 

 

C'est une tradition qui remonte à loin, sans doute importée d'Europe, mais qui resurgit en quelque sorte à la Nouvelle-Orléans, en 1842 un certain Christy crée une troupe de Minstrels qui remportera un énorme succès à Broadway. Avec l'aide du musiciens J. S. Foster il remet en forme la musique, les pas de danse, la manières de chanter de Congo Square. L'influence des Black Faces et des Minstrels sera déterminante pour la naissance du rock'n'roll. Ce n'est pas un hasard si Parker s'est occupé d'Elvis Presley. Le Colonel venait du cirque, Elvis ne pouvait que bien s'entendre avec lui, tous deux avaient des racines communes.

 

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Sur son avant-dernier trente-trois tours l'on peut entendre Gene Vincent chanter en français ( avec son merveilleux accent étranger ) le refrain du vieux traditionnel Colinda, charmante demoiselle qui doit son nom à la Calinda autre nom, avec la Bamboula, de la Congo Dance dans les années 1840 ! Et puisque l'on est dans les pionniers rappelons que les premiers disques de Fats Domino et de Little Richard furent enregistrés à quelques dizaines de mètres de Congo Square. La flamboyance vestimentaire de Little Richard correspond exactement à ces noirs ( souvent libres ) qui s'en venaient danser à Congo Square dans leur costume de dandy hyper hype...

 

 

MUSIC MAESTRO !

 

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Nos sauvages n'étaient pas aussi frustes qu'ils en avaient l'air, surtout ceux qui provenaient d'Haïti. Avaient côtoyé leurs maîtres blancs d'origine européenne. Avaient entendu toutes sortes de musique occidentales, quadrilles, menuets, polkas... bref l'on peut se poser des questions sur l'africaine pureté des rythmiques de Congo Square. Les musicologues ont étudié la question : ils parlent simplement de cellules rythmiques authentiquement venues d'Afrique que les musiciens noirs se sont transmis de génération à génération à un tel point que l'en retrouve la prégnance dans le blues comme dans le jazz, dans le rhythm'n'blues et le rock'n'roll. Sont au nombre de trois : la habanera, le tresillo et le cinquillo. Ne soyez pas étonné par la langue espagnole : au sortir d'Haïti blancs et noirs avaient fait escale à Cuba où ils restèrent jusqu'à ce qu'éclate un conflit entre la France et l'Espagne.

 

 

Serais moins affirmatif que nos universitaires. Les influences furent multiples, par exemple le rythme ternaire de la valse a autant marqué son emprise sur le blues que le tresillo congolais.

 

 

CONGO SQUARE

 

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Aux alentours de 1880 les tambours ont cessé de battre sur Congo Square, la guerre de Sécession est la véritable ligne de démarcation. Aujourd'hui Congo Square, après bien des vicissitudes déclaré site historique, est une portion du vaste complexe ( parc -auditorium – théâtre ) qui porte le nom de Louis Armstrong. L'a fallu un grand homme pour que l'on daigne se souvenir de milliers d'anonymes...

 

 

Le livre de Freddi Williams Evans – par trop universitaire par certains aspects répétitifs – vient fort à propos nous rappeler ces milliers de mains noires qui donnèrent le jour à nos musiques préférées... Freddi Williams Evans est d'origine afro-américaine, l'on est jamais mieux servi que par ses frères.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

BLACKFACE

 

AU CONFLUENT DES VOIX MORTES

 

 

NICK TOSCHES

 

 

Traduction d’HELOÏSE ESQUIE

 

 

( Editions ALLIA / 2003 )

 

 

Toujours plus haut dans les racines du rock’roll. Véritable quête du graal. Ou plutôt comme la remontée du Nil. Le graal l’on part du principe qu’il n’a jamais existé ce qui rend sa recherche éminemment passionnante. Quand on le trouve l’on est sûr de ne pas se tromper de mensonge. Le rock and roll c’est comme le Nil, personne ne doute de son existence mais quand on amonte le courant l’on se perd dans les marécages. L’on pourrait s’en tirer en exhibant la pancarte origines multiples, mais ce n’est pas si simple. Nick Tosches nous en offre une démonstration éclatante.

 

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Peut-être ne vous êtes-vous jamais couché le soir en vous demandant qui était au juste Emmett Miller, ou alors cette question ne vous a jamais empêché de dormir. Nick Tosches lui le problème l’a tarabusté. Y a consacré des heures et des heures de recherche durant des années. Vingt-trois ans. Et encore il suffit de lire les trois dernières pages de son livre pour comprendre qu’il doit encore s’atteler à la tache, en cachette, sans le dire à personne.

 

 

CROSSROAD

 

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C’est qu’Emmett selon Nick Tosches on le retrouve au four et au moulin. Noire suie et blanche farine. Au croisement du country, du blues, du jazz et de la variétoche. Tosches dit pop. L’a déjà barjoté sur sa figure durant deux chapitres entiers dans son premier livre sobrement intitulé Country alors qu’il ne savait pratiquement rien de lui. Et voici qu’avec Blackface il entreprend la chose du côté obscur de la force.

 

 

Si vous êtes le genre de gars expéditif, bim-bam-boum, vite fait bien fait, je vous déconseille fortement la lecture du bouquin. Vous ne supporterez pas, au mieux vous tomberez en dépression, au pire vous vous éclaterez la tête sur le coin de votre lavabo pour en finir au plus vite. C’est qu’il ne faut pas confondre la croisée des chemins avec le labyrinthe sans retour. Nick vous nique tout en jouant à la sainte n’y Tosches. Le coup du reporter sérieux qui vous déroule le fil d’Ariane avec lequel il vous ligote. Pour le restant de vos jours. Remarquez il a l’art et la manière, ne recule devant rien, le genre de mec qui a recourt aux présocratiques pour vous expliquer le jeu de piano de Jerry Lou. Difficile de faire plus approfondi. En plus il a l’art d’enfoncer les portes du politiquement correct fermées à double tour, ce qui nous le rend des plus sympathiques.

 

 

A TÂTONS DANS LE NOIR

 

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La première fois qu’il a entendu un disque d’Emmett Miller, Nick Tosches n’en a pas cru ses oreilles, était-ce un noir avec la voix d’un blanc ou un blanc qui chantait comme un noir ? Se sont mis à plusieurs pour décoder l’énigme : journalistes rock, professeurs d’université, passionnés de musique populaire, collectionneurs de disques, amateurs de curiosités... Pour la petite histoire je rappelle la déclaration de Sam Phillips qui cherchait désespérément un petit blanc capable des mêmes performances vocales qu’un blackos de derrière les fagots d'ébenne. Comme quoi nous sommes bien au cœur du problème, mais avec quelques longueurs d’avance. Plus d’un quart de siècle car Emmett roucoulait déjà en 1927 alors qu’Elvis poussa la porte des disques Sun en 1954.

 

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C’était un blanc ! Toutefois pas pour autant un visage pâle, non un blackface comme déjà à l’époque on n’en faisait presque plus. Emmett Miller naquit en 1900 en Georgie, à Macon, bénissez cette ville qui fut aussi le lieu natal de Little Richard. L’aurait pu faire comme tous les petits garçons, rêver de devenir pompier ou aviateur. Son père eut le tort de le laisser assister tout petit à un spectacle de minstrels, n’avait pas dix ans qu’il avait décidé de son avenir : serait minstrel ou rien. Aurait dû devenir diseur de bonne aventure car durant la première prtie de son existence il fut minstrel, et plus rien du tout dans la seconde.

 

 

MINSTREL

 

 

Minstrel, ce n’est pas rien. Un ministère artistique vieux de plusieurs siècles qui provient du Moyen-Âge européen. Et encore sans doute faudrait-il fouiller du côté d’une filiation beaucoup plus antique, celle qui remonte des ménestrels médiévaux jusqu’aux mime romains des célèbres atellanes.

 

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De par chez nous les minstrels ont mauvaise presse. Condamnation de principe : la démarche de ces comédiens blancs qui se noircissaient le visage pour imiter les attitudes des nègres nous paraît pour le moins sujette à caution. Nous les accusons de s’être moqués allègrement des esclaves et des affranchis tout en pillant leur patrimoine musical.

 

 

Nick Tosches remet les pendules à l’heure. Cite Shakespeare et Othello pour rappeler que les acteurs n’ont pas attendu la colonisation des Amériques pour se grimer en noir, et inverse la tendance du copier-coller. Les minstrels se sont bien inspirés des chants de rue et de travail des pauvres noirs exploités mais ceux-ci ne se sont guère gênés pour faire main basse sur toute les productions musicales blanches. On ne s’embarrassait guère à l’époque pour les droits et les copyright. L’on pourrait parler d’une création collective, l’on empruntait sans permission, l’on transposait sans respect, l’on réécrivait les rimes et les arrangements sans se poser de problèmes moraux. Ce qui était à toi m’appartient maintenant jusqu’à ce qu’un plus malin se l’approprie sans autre forme de procès. Et ce n’était pas que les blancs contre les noirs. L’on ne se faisait pas plus de cadeaux entre noirs qu’entre blancs.

 

 

Paroles et musiques certes mais pas uniquement, les genres et le style aussi. Ainsi les noirs ne tardèrent pas à créer leur propres troupes de minstrels noirs qui n’hésitaient pas à se noircir le visage pour se moquer d’eux-mêmes. Parodie et auto-dérision. Appât du gain ? Succès d’une mode ?

 

 

Ce qui est sûr c’est que le blues, le jazz, la comédie musicale, la country et tout le reste ne sont pas nés de ventres différents. La bête qui les a engendrés étaient assez féconde pour mélanger les semences des divers mâles qui l’engrossèrent. La pureté raciale des grands genres musicaux de l’Amérique est un mythe dont vous devez faire votre deuil.

 

 

Si le minstrel a duré si longtemps c’est parce qu’il était aussi un mélange de genres : chants, danses, récitations, dialogues comiques, exhibitions musicales, théâtres, acrobaties, projection de films, chacun des artistes d’une troupe avait la possibilité de donner le meilleur de lui-même lorsque arrivait son tour de gloire… Un véritable foutoir hyper-organisé avec ses deux entractes, entre opérette déjantée et cirque ambulant.

 

 

MINSTRELS PARTOUT

 

 

Vous ne pouvez tomber sur une histoire du blues ou du jazz sans qu’en une quinzaine de lignes l’on ne vous évoque le souvenir des minstrels et des medecine-shows. Ces derniers sont à considérer comme les minstrels du pauvre, quelques gus désargentés qui essaient de jouer dans la rue un spectacle qui n’est qu’une pâle copie de ceux donnés par les grandes troupes iinérantes de minstrels professionnels. L’on évacue très vite la problématique pour descendre dans les chaleurs moites du Delta et des des bouges de la New-Orleans.

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Pas d’affolement s’écrie Nick Tosches. Les premières évocations des minstrels remontent à 1832. Dans les décennies qui suivent c’est le genre musical dominant. La ségrégation oblige à des troupes de minstrels noirs pour la population noire et à des compagnies blanches pour les blancs. Mais il serait difficile à un artiste de percer sans être passer par cette école. L’hégémonie des minstrels durera un siècle, grosso-modo de 1830 à 1930. Gardons à l’esprit que Presley est né en 1935 et Emmett Miller en 1900. Pour ne citer que des artistes que nous avons plus ou moins longuement évoqué dans KRTNT, rappelons que W. C Andy le créateur de St Louis Blues, la première partition écrite de blues était un artiste minstrel tout comme Bob Wills et Jimmie Rodgers les fondateurs émérites de la country music qui ont eux aussi débuté en tant que minstrels…

 

 

EMMETT MILLER

 

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Et Miller là-dedans ? Toshes s’intéresse à lui car il aurait enregistré une dizaine de faces splendides. Des chef d’œuvres oubliés. Que seuls les spécialistes et de très rares fans portent au pinacle. Et c’est tout. Pour sa carrière, pas de chance. Entre 1927 et 1929 il tutoie la gloire. Les journaux locaux louent sa manière de chanter. Il est le meilleur de la troupe. Il suffit que résonne sa voix pour que les spectateurs manifestent leur satisfaction. Doit bisser toutes ses chansons.

 

 

Mais le monde change. L’on commence à se fatiguer des spectacles minstrels, on les trouve d’un autre temps, vieux jeux, l’on s’entiche d’un Bing Crosby, issu du minstrel lui aussi mais qui préfère exorciser l’angoisse du chanteur face à la solitude de son micro que se reposer sur la chaleur sécurisante de toute une troupe professionnelle. Miller a souvent travaillé avec Tommy Dorsey qui donnera bientôt sa chance à un certain Franck Sinatra, à trente-cinq ans Emmett Miller est devenu un has-been. Survit comme il peut, s’épuise en tournées qui ont de moins en moins de succès, s’adonne au whisky, et finit par mourir dans le plus complet aonymat en 1970.

 

 

Nick Tosches a beau remonter la piste, plus personne ne se souvient de lui. Ses meilleurs amis comme les musiciens qui l’ont côtoyé au temps de sa maigre splendeur - les disques d’Emmett ne se vendirent jamais - l’ont oublié. N’est plus qu’un nom parmi des centaines d’autres de la musique populaire américaine…

 

 

ROCK’N’ROLL

 

 

L’on ne voudrait pas avoir le rôle du traître mais Miller lui-même a mal évalué sa propre spécificité. C’était avant tout un chanteur mais tout un pan de sa discographie est consacré à des dialogues minstrels blackface : imitation de noirs stupides à l’humour lourdingue qui ne fait plus rire personne aujourd’hui. Un peu comme quand vous racontez avec l’accent approprié une blague belge vaseuse et graveleuse dont tout le monde connaît la fin ...

 

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Oui mais. Car il y a un gros mais. La rencontre hypothétique d’Emmett Miller avec Jimmie Rodgers. Rien ne l’accrédite, mais ils ont fréquenté les mêmes villes aux mêmes dates… et ce que j’ai tu jusqu’à lors. Miller n’était pas un crooner à la voix grave et onctueuse. Les contemporains comparent son organe à une clarinette, mais il avait une technique bien à lui, une spécialité qui fit sa renommée. Il yodelait à plaisir. Et ce bien avant Jimmie Rodgers. Voyez venir la locomotive, Rodgers aurait emprunté à Miller sa particularité yodelante. L’on retrouve sur leurs enregistrements une technique similaire qui tend à prouver que Rodgers s’est fortement inspiré de Miller. L’a eu raison puisque cela le rendit riche et célèbre.

 

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Mais il y a encore mieux. Emmett Miller créera une version de Lovesick Blues qui influencera Hank Williams à tel point qu’il la reprit en en gardant tous les traits spécifiquement milleriens… Ce fut le premier grand succès du père fondateur de la country music moderne, le précurseur d’un mode de vie typiquement rock and roll… L’on comprend mieux l’acharnement de Nick Tosches à enquêter sur la vie d’Emmett Miller…

 

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UN PEU DE BLUES

 

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C’est la grande loi du rock and roll d’après Nick Tosches. Rien ne se perd. Tout se vole et se transforme. Inutile de crier au scandale. Que ne ferait-on pas pour amasser quelques dollars de plus ! Ne maudissez pas le méchant Jimmie Rodgers. Il y a très peu de chance pour que Miller n’ait pas fauché sa manière de yodeler à un troisième larron qui lui-même… Ne reste plus de traces tangibles, les preuves ont disparu dans le gouffre sans fond du passé, mais ne vous faites pas trop d’illusion.

 

 

Prenez le cas de Robert Johnson l’a piqué son jeu de guitare à Lonnie Johnson et les paroles de ses blues les plus authentiquement Robertiens sont pompés pratiquement mot à mot sur de vieux morceaux country… N’allez pas non plus pleurer misère sur les vieux bluesmen à la Son House et à la Charlie Patton. Sont les prototypes des zip coons - tirés à quatre épingles avec costars à rayures et chemises blanches - ces dandies noirs caricaturés par les minstrels newyorkais… N’étaient pas des misérables, seulement des gars un peu plus malins, un peu plus doués que les autres qui avaient compris la combine de la hype et du boulot pas très fatigant. Surtout quand on le compare à une journée dans les champs de coton. Un livre terriblement rock and roll puisque iconoclaste.

 

 

VOIX MORTES

 

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Beaucoup d’appelés et peu d’élus. Dans sa traque infinie d’Emmett Miller, Nick Tosches nous révèle des pans entiers de la musique populaire des USA. Des bureaux de Tin Pan Alley au music-hall, de l’éclosion du ragtime au jump and jive, ce sont des centaines de noms, de dates et de lieux qui défilent sous nos yeux hagards et jaloux… Une véritable et indispensable préhistoire du rock and roll.

 

 

Damie Chad.

 

30/04/2013

KR'TNT ! ¤ 142. / VINCE TAYLOR / BILLY POORE /

 

KR'TNT ! ¤ 142

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

02 / 05 / 2013

 

 

ATTENTION !

Cette livraison 142 arrive avec deux jours d'avance, la 143 risque d'avoir un ou deux jours de retard ( n'en profitez pas pour oublier d'apprendre par coeur la 141 ) nous sommes en effet en mission ultra-secrète pour le compte du SRR.

Keep Rockin' Till Next Time !

 

 

 

VINCE TAYLOR / BILLY POORE

 

 

JET BLACK MACHINE ( ii )

 

 

LE DERNIER COME-BACK

 

DE

 

VINCE TAYLOR

 

 

JEAN-MICHEL ESPERET

 

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Apparemment, je dis apparemment car je ne l'ai pas eu entre les mains, il s'agit d'une réédition d'un livre paru en auto-édition chez Praelego ( sorti le 28 / 08 / 2012 ) intitulé Come-back, Roman Biographique sur Vince Taylor et repris sous le titre monozigotique Le Dernier Come-back de Vince Taylor, tout de suite suivi de la mention roman. Ce qui a son importance. Et publié en avril 2013 chez L'Ecarlate.

 

 

L'Ecarlate est une maison d'Editions liée aux Editions de L'Harmattan. Ce qui est un peu ironique puisque Guillaume Chassang fondateur de Praelego avait fondé son propre espace littéraire après avoir clashé avec L'Harmattan dont il réprouvait les méthodes éditoriales. Penserais plutôt que ce sont des dissensions d'ordre politique qui auront précipité cette incapacité de collaboration. Jacques Chassang s'inscrivant dans la mouvance très droitiste de Philippe de Villiers et L'Harmattan très engagé dans la défense d'une Afrique en proie aux tourments du néo-colonialisme...

 

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Roman donc. S'agit ni plus ni moins d'une biographie. Mais roman, car au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture les personnages secondaires disparaissent peu à peu. Un lecteur peu au fait de l'histoire de notre rocker n'y prendra peut-être pas garde puisque le projecteur se resserre sur la figure centrale de Vince Taylor et il ne lui viendra peut-être pas à l'idée de se demander pourquoi les témoins les plus immédiats de sa vie ne sont plus que des ombres invisibles et anonymes.

 

 

C'est que Vince Taylor reste la mauvaise conscience du rock français, je ne parle pas du show-biz, dans ces milieux d'affaires et de gros sous tous les coups sont permis et si l'on étend le tapis rouge sous les pieds des gagnants, l'on n'éprouve aucune pitié pour les perdants. Mais des fans. Qui se sont comportés d'une manière exemplaires. Je ne dis pas qu'il n'y eut pas chez certains quelques arrières pensées de profit immédiat mais la majeure partie de la carrière et même de l'existence de Vince Taylor fut portée à bout de bras par de petits groupes de fans de la première heure qui tentèrent de le remettre en piste. Mais à l'impossible nul n'est tenu, ils ne possédèrent jamais la puissance financière et le carnet d'adresses nécessaires à leur rêve de come-back triomphant. Leurs échecs – car ils n'essayèrent pas qu'une seule fois – causa bien des colères. L'on s'accusa de tous les mots, les noms d'oiseaux volèrent à tire-d'ailes et aujourd'hui trente ans après la mort de Vince les plaies ne sont pas toujours refermées. Très précautionneusement Jean-Michel Esperet n'a pas voulu rouvrir les blessures et permettre aux querelles de rebondir. L'ombre de Vince n'a point besoin de ce genre de déballage. Les noms ont été effacés, délibérément omis. Dans quelques années peut-être sera-t-il possible de rendre à chacun la pleine et entière responsabilité de ses agissements en faveur de Vince.

 

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Mais le lecteur ne se plaindra pas de cet étrange parti-pris biographique. Imaginez tout de même que vous racontiez la vie d'un de nos présidents de la République en vous abstenant de mentionner le nom des ministres de son gouvernement ! Etrangement ce resserrement de l'écriture autour du héros a contribué à l'instiller d'une dose non négligeable de condensation poétique. Le personnage de Vince Taylor en devient encore plus exemplaire et héroïque.

 

 

IN THE BEGINING

 

 

Pourtant l'on ne peut pas dire que Jean-Michel Esperet soit en admiration béate devant Brian Maurice Holden. Ne lui passe rien. Je le taxerai même d'injustice, il s'en faudrait d'un chouïa qu'il ne l'accusât d'être venu au monde dans une famille prolétarienne ! Si en plus de leurs propres fautes les enfants doivent se charger des péchés de leur père, nous nageons en pleine théologie ultra-calviniste. Sont-ce les accointances de Jean-Michel Esperet avec la République Helvétique – il réside en Suisse depuis 1995 - qui l'auraient influencé ?

 

 

N'a pas eu une enfance heureuse le petit Brian. L'est né le quatorze juillet ( extraordinaire marque de prédestination française ! ) 1939, juste à temps pour connaître les joies du Blitz, sirènes, bombardements, fuites vers les abris... Mais cela n'est rien, lorsque la guerre s'arrêtera, il comprendra que l'amour familial n'est pas au rendez-vous. Il est le petit dernier d'une couvée de cinq, la bouche de plus à nourrir quand on considère le problème sous son aspect le plus pragmatique.

 

 

Emigration aux Etats-Unis, en 1946. Assez tôt pour entendre encore gamin Frankie Laine à la radio et être touché de plein fouet par le phénomène Elvis en pleine adolescence. Le père qui a trouvé du travail dans les mines préfèrera bientôt rester à la maison pour téter de la bouteille. Dans la famille alcoolo, passez-moi the father, mais n'anticipons pas. La mère se tue à faire les ménages. Le petit Brian se trouve très vite deux dérivatifs : l'école en laquelle il s'américanise à souhait, et la piscine, il y apprend si bien à nager qu'à dix-sept ans il devient maître-nageur. Beau garçon, chéri de ces demoiselles il perd aussi vite qu'il la leur hôte sa virginité.

 

 

LE DESTIN

 

 

L'est bien parti pour finir directeur de la piscine municipale. Mais l'ange du destin veille. Apparaît sous la forme du beauf bienveillant. L'a maqué sa blondinette de soeur en tout bien tout honneur. Pousse même la gentillesse jusqu'à verser une pension alimentaire au père et promet de s'occuper du l'ado monté en graine au devenir incertain. Le pire c'est qu'il tient ses promesses et emmène la famille à Hollywood.

 

 

Le futur roi des blousons noirs parisiens mènera une vie de blouson doré. Existence facile, n'a qu'à ouvrir la bouche pour avoir ce qu'il veut. Désire tout et n'importe quoi. Devient un assisté de luxe qui se fatigue très vite de ses foucades. Le goût méritoire de l'effort lui est inconnu. En bout de piste il décide de devenir aviateur comme son frère aîné, mais lors de son premier vol sans accompagnateur pour l'obtention de son premier brevet il n'arrive pas à arrêter son engin qui s'en vient percuter les coucous du club... Tombe de haut.

 

 

C'est alors qu'il se souvient de son succès au bal du lycée quand avec un groupe de copains il a repris quelques morceaux d'Elvis. Il sera donc chanteur de rock.

 

 

ENGLAND

 

 

Le beauf n'est pas idiot puisque Presley tient la première place aux States il serait illusoire de vouloir le détrôner en son pays, tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, le jeune Brian atterrira avec une longueur d'avance. Retour au pays natal en 1958, avec le beau-frère qui tient le rôle du Colonel Parker.

 

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Le projet peut paraître aventureux mais avec de l'oseille en poche, de l'audace et un peu de chance, pourquoi pas ? Il est vrai que lorsqu'il arrive on ne l'attend pas, Johnny Kidd, Billy Furyy, Marty Wilde, Cliff Richard sont déjà au boulot. Mais Brian Holden devenu Vince Taylor va coup sur coup réussir deux coups d'éclats. Parvient à recruter un peu au hasard un fameux quatuor de musicos qui prendra le nom de The Playboys. Donnera de ce fait quelques shows particulièrement sauvages qui attireront l'attention sur lui. La firme de disques Parlophone le contacte pour enregistrer... produira deux disques dont le second comporte un des plus beaux classiques du rock'n'roll Brand New Cadillac.

 

 

Nous sommes en avril 1959, mais la soupe ne prend pas. La carrière de Vince patauge déjà dans la semoule. La cadillac reste au garage, seuls les amateurs la connaissent. Mais Vince est sûr de lui, il rompt avec le beau-frère et la manne financière qu'il représentait : désormais il se débrouillera seul comme un chef. A part que c'est Cliff Richard qui s'affirme de plus en plus comme le Presley anglais...

 

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L'a beau emballer les minettes, l'a beau tirer des plans sur la comète, l'a beau enregistrer Jet Black Machine chez Palette un deuxième classique immortel les engagements se font rare et la situation plaît de moins en moins aux Playboys, elle devint si tendue que sur un coup de tête Vince repart aux USA. L'on imagine les sourires sarcastiques du beauf... Vince le vaincu repart au début de l'année 1961 faire patte blanche aux Playboys qui le reprennent comme chanteur d'appoint puisqu'ils en ont embauché un autre, Duffy Power, moins performant. Les sept et huit juillet la tournée fera un crochet vers Paris. Vince est en marche vers son destin.

 

 

FRANCE : ACTE I

 

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La chance sourit-elle à ceux qui ne le méritent pas ? Eddie Barclay ne décolère pas. Les disques Philips viennent de décrocher le contrat de Johnny Hallyday qu'il voulait à tout prix. Ne sait pas comment il se vengera de cet affront mais il n'aura pas le temps de laisser refroidir le plat, le six juillet il est invité à la répétition des Playboys à l'Olympia. Il n'en croit ni ses oreilles, ni ses jeux. Voici des musiciens qui jouent mille fois mieux que tous les français réunis et cette espèce d'étalon fougueux, habillé de cuir noir, avec son gros médaillon autour de cou possède un jeu de jambe et de hanche au moins égal à celui d'Elvis. Petit Johnny a du souci à se faire. Dès la fin du set il les attend dans la loge, le stylo et le contrat à la main.

 

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Faut battre le fer quand il est chaud : en sept séances Vince et les Playboys enregistrent vingt-trois morceaux. Jean-Michel Esperet est bien sévère avec le résultat des premières sessions, ces titres dispatchés sur les premiers quarante-cinq tours français de Vince Taylor étaient de par leur qualité d'une valeur sans égale avec tout ce qui s'était enregistré en notre pays jusqu'à lors. L'on peut affirmer que les originaux de Chuck Berry, Buddy Holly, Little Richard, Eddie Cochran, sont inégalables mais ces versions furent pour toute une partie du french public le premier accès direct au rock'n'roll américain qui ne soit pas de seconde main. Il fut ressenti par tous les amateurs que Vince Taylor possédait une légitimité que nos rockers nationaux n'avait pas.

 

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Cette force naturelle de Vince Taylor fut aussi sa principale faiblesse. Pour une fois si Eddy Barclay ne manqua pas de flair il commit une erreur de stratégie notoire. Pour qui avait observé l'évolution du showbiz aux Etats-Unis et en Angleterre d'un oeil avisé, il était évident qu'en 1961, l'acte I du rock'n'roll sauvage s'achevait. L'industrie du disque s'acheminait vers une aseptisation pop. Déjà l'on avait limé les griffes de Presley et de Cliff Richard. Lâcher en liberté sur le territoire français la panthère noire du rock'n'roll n'était pas un bon calcul.

 

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Les premiers mois Vince Taylor fit illusion. Johnny eut du souci à se faire, même si c'était le profilage de sa carrière qui épousait le sens de l'histoire. Vince possédait un charme fou, toutes les jeunes femmes cédaient à ses sourires carnassiers et les blousons noirs en firent leur idole. Terrible caution qui attira le déchaînement de la presse et qui pesa très lourd ultérieurement pour ses futurs come-back car sa base de fans était prête à crier à la trahison au moindre relâchement rock...

 

 

PLUS DURE SERA LA CHUTE

 

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Vince ne vit rien venir. Tout lui souriait, les filles, le whisky, l'alcool, les cigarettes, les joints, les amphés... tout était bon et contribuait à sa légende dorée. Mais en face l'on s'activait avec efficacité, Salut Les Copains, le magazine et l'émission d'Europe 1 choisirent leur camp : celui de Johnny, plus consensuel, qui dès 1964 partirait sagement au service militaire... Ce fut une conspiration du silence ( radio ) savamment orchestrée et d'une redoutable efficacité. Rien n'y fit pas même la pétition des fans adressés aux disques Barclay pour que Vince puisse enregistrer un nouveau disque. Eddie Barclay retirait ses billes. Il est humain de se tromper mais miser sur un cheval condamné est une pure folie...

 

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La pente glissante de l'enfer toujours pavée de bonnes intentions commence dès 1963 avec déjà un come-back annoncé. Les Playboys ont été rachetés par Johnny et sa thunderbird noire par... Claude François. En 1965 avec Vince ! Taylor enregistre le plus beau trente-trois tours du rock'n'roll français... qui sortira dans l'indifférence générale. N'y a que les Rolling Stones qui s'aperçoivent lors de leurs trois shows à l'Olympia que passer après leur première partie est difficile. Entre chauffer le public et faire un tabac il existe une marge à ne pas franchir. Prendront soin de rayer le nom de Vince Taylor des étapes suivantes de la tournée. Play with fire, d'accord mais tant que le feu ne brûle pas.

 

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C'est la chute, Vince habite chez des copines, il boit de plus en plus, dépression, cachets, séjour en clinique, le LSD lui laissera des séquelles à vie, crise de mysticisme, tout se dérègle... n'est plus capable de tenir sur scène, même s'il trouvera épisodiquement jusqu'à sa fin des bars de dix-septième catégorie et des boites pourraves qui acceptent de prendre le risque de le faire passer car il déjà une légende...

 

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Vince n'est plus qu'un tourbillon dans sa tête, mais dans celle des autres il reste le grand, l'inimitable, the first Vince Taylor. L'on n'a pas su retenir Gene Vincent en France alors une chaîne de solidarité va se créer, fans et musiciens vont s'associer pour essayer de remettre la vieille locomotive essoufflée sur les rails. Sortiront quelques albums notamment chez Big Beat sous la houlette de Jackie Chalard qui contiennent quelques merveilles. Le seul à ne pas à croire à sa résurrection reste Vince lui-même. N'est pas christique, serait plutôt du côté de Sader Masoch. N'en rate pas une pour tout faire capoter. L'alcool aidant l'on dirait qu'il le fait exprès. Fatigue les plus dévoués.

 

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SUISSE

 

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Un silence complice s'était établi sur les quatre dernières années de Vince Taylor en Suisse. Lui-même n'avait-il pas déclaré à un journaliste que c'était là les plus belles années de sa vie ? La légende disait qu'il était devenu mécanicien d'avion. Qui aurait été fou pour monter dans un avion réparé par Vince Taylor ! Mais non, ce ne fut pas une ère de paix.

 

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Recueilli in-extremis par une ancienne fan il mena une double vie de poivrot et de coq en pâte. Chouchoutée par une jeune femme qui l'aima au point de lui sacrifier sa vie et sa fortune il continua à boire et à rouler dans sa tête brumeuse les phantasmes d'un impossible retour... Il s'éteignit le 27 août 1991, les os rongés par le cancer. Je vous laisse lire la superbe épitaphe que lui dresse Jean-Michel Esperet à la dernière ligne de son bouquin. Rien que pour elle il vous faut acheter le bouquin. Elle a la concision et la force des meilleures sentences relevées sur les tombeaux grecs antiques.

 

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FRANCE

 

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C'est notre plus grand rock'n'roller. Merci à Jean-Michel Esperet de lui avoir consacré ce livre. Sans concession. Soulève un à un les langes de la légende et elle n'en est que plus noire. Que davantage rock'n'roll.

 

Damie Chad

 

 

( PS : ce Jet Black Machine II n'est pas la chronique que je vous avais promis à la suite de du J.B.M. I - voir livraison 52 du 12 / 05 / 11 - elle paraîtra plus tard intitulée J.B. M. III. Simple logique aristoto-euclidienne )

 

 

ROCK-A-BILLY / BILLY POORE

 

A Forty-year Journey

 

( Hal Leonard Corporation / 1998 )

 

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Le Rock à Billy

 

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Pendant que la teuf-teuf mobile fonçait vers la capitale et qu'une mémé acariâtre remplissait un seau d'eau de javel pour arroser Damie Chad venu voir les No Hit Makers aux Combustible on se prélassait confortablement dans un canapé avec un bon livre. Comme dirait Bourdieu, jouer les grosses feignasses, oui, mais avec un objectif ! Et quel objectif ! Traverser les quarante ans de souvenirs de Billy Poore, rassemblés dans un gros ouvrage format 21 x 27, paru en 1998. L'ouvrage s'intitule Rockabilly, A forty-Year Journey. Trois cents pages d'une rare densité, qui tiennent bien le lecteur en haleine, un livre qu'on voudrait sans fin, tellement qu'il sent bon le fan. Billy Poore commence à rédiger ses mémoires en 1954, à l'âge de dix ans. Comme d'autres gosses de sa génération, il va prendre Elvis en pleine poire, d'où ce penchant fatal. Il fera comme Bob Luman voyant Elvis sur scène pour la première fois : il décidera de consacrer sa vie au rockabilly. Bob Luman deviendra le rockab légendaire que l'on sait et Billy, lui, organisera à partir de la fin des années soixante concerts avec tous les géants du genre en activité, de Charlie Feathers à Conway Twitty, en passant par Jack Scott, Narvel Felts et Janis Martin. Billy Poore est l'un des témoins clés de cette aventure. Il redit l'importance viscérale du rockabilly à maintes reprises, au fil des pages, et au moins aussi bien que le fait Max Décharné dans son Hipster's Guide To Rockabilly Music, A Rocket in My Pocket ( fraîchement traduit en français et chroniqué par Damie Chad – qui doit bien être le seul à s'être penché sur la chose ).

 

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Billy Poore vous fera sauter d'émotion en émotion, tel le cabri de rocher en rocher. Ses grandes pages bien remplies fourmillent d'images justes et rondes comme des notes de slap. Justement, il attaque avec Elvis et une double révérence : le fameux son de Sam jamais reproduit ailleurs et le jeu de jambes d'Elvis jamais égalé. C'est exactement là que toute la folie du rockab prend sa source. Pour Billy, le second disque d'Elvis, Good Rockin' Tonight, est le plus grand rockab de tous les temps. Le ton est donné. A partir de là, Billy tient son lecteur par les couilles. Et il ne le lâchera pas. Billy rend ensuite hommage à Carl Perkins qu'il hisse sur un piédestal : l'un des plus grands guitaristes de l'histoire de la musique, pas moins. Et il n'exagère pas tant que ça. Il suffit d'écouter le solo sublime que Carl joue en picking dans Movie Magg.

 

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Furtive évocation de Meteor Records, l'antre du rockab primitif : Narvel Felts nous fait baver en affirmant qu'on trouvait ses disques dans tous les juke-boxes du Sud des Etats-Unis. Meteor toujours, avec cette anecdote croustillante : Sam veut que Charlie Feathers devienne aussi célèbre que George Jones dans la Country et pour Charlie, c'est hors de question. Il ne vit que pour le rockabilly. Alors, il claque la porte de Sun Records et file enregistrer Long Tied Jill et Bottle To The Baby chez Meteor. Quand Sam l'apprend, il pique une crise de rage et va chez Charlie pour l'abreuver d'injures. Hélas, Billy refuse de nous dévoiler le détail de la harangue.

 

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Justement, Charlie Feathers s'octroie la part du lion dans ce livre. Le chapitre Charlie en est même le coeur palpitant. Billy Poore lui rend le plus grand des hommages. Magistrale évocation de carrière, mais aussi des souvenirs qui valent leur pesant d'or. Charlie et son fils Bubba se retrouvent enfermés dans la cave de Billy Hancock lors d'un déplacement à Washington DC. Ils parviennent à s'évader. Episode hilarant. Billy raconte aussi dans le détail l'enregistrement d'un album de Charlie pour Elektra, avec Ben Vaughn, en 1990. Par trois fois, Charlie menace de rentrer chez lui, à Memphis. Chaque fois, Billy réussit à le ramener au studio. Pour les fans de Charlie, ces pages sont un pur régal. Une véritable bénédiction. Là il faut faire une pause pour écouter One Hand Loose.

 

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Gros chapitre consacré à Gene Vincent. Votre petit coeur battra la chamade avec cette tournée au Japon, quand 10 000 fans àccueillent Gene à l'aéroport. Billy va loin, ici encore. Il compare Gene et Elvis. Pour lui, Elvis a la tête du mec qui va séduire votre fille aînée. Gene la tête du mec qui va la violer.

 

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Sam Phillips réapparaît sans cesse, comme l'Arlésienne : dans le gros chapitre consacré aux frères Burnette qu'il trouvait trop country, comme dans celui consacré à Warren Smith, qu'il considère comme le chanteur de country le plus pur, aussi capable de sortir le meilleur rockab.

 

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Les personnages de légende se succèdent à un rythme hallucinant : le petit Larry Collins, onze ans, boule de feu, capable de décocher les gimmicks de guitare les plus rapides de son époque, pendant que sa soeur, Lorrie Collins tissait en secret une relation sentimentale avec Ricky Nelson. Lequel Ricky piquait l'orchestre de Bob Luman ( James Burton et James Kirland ) pour enregistrer ses hits rockab de 1957 ( dont certains composés par les frères Burnette ). En 1985, pris d'une soudaine envie de revenir au rockab, il va récidiver en piquant l'orchestre de James Intveld. Mais cela ne lui portera pas chance parce que son avion s'écrase dans les montagnes. Il avait racheté cet avion à Jerry Lee Lewis qui n'en voulait plus. L'avion avait sacrément besoin de réparations et Jerry Lee en avait une peur bleue. Comme le dit si bien Billy Poore, c'est la seule chose dont Jerry Lee ait eu peur dans sa vie...

 

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On vous a prévenu, c'est un festival incessant. On voit rôder Matt Lucas, batteur et chanteur, voyou et amateur de drogues, et comme Chuck Berry, envoyé au placard à l'âge de treize ans. Hommage appuyé à Alan Freed, inventeur du rock'n'roll, personnage clé de l'histoire du rock et accusé de corruption en 1960. Un type de la commission d'enquête lui demande : « Si on vous propose une Cadillac, vous la refusez ? » Alan Freed rétorque : «  Ca dépend de sa couleur ». On s'en doute, l'humour d'Alan a tapé dans le mille. Il meurt quatre ans plus tard, sans un rond, malade et abandonné de tous ses amis. Billy en fait évidemment un héros. Bon, bref, ils sont des centaines dans ce gros pavé. Tout le monde aura sa dose. Les admirateurs de Buddy Holly, de Big O ou d'Eddie Cochran sont eux aussi très bien servis. Indigestion garantie.

 

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Billy raconte sa période biker et comment il a osé quitter son poste de secrétaire des Pagans, au péril de sa vie. Comme il est américain, il s'intéresse aussi à des choses qui nous échappent comme le Creedence Clearwater Revival et Linda Ronstadt. Il consacre un gros chapitre aux revivalists, comme Robert Gordon et les Stay Cats dont il aime bien la moitié du premier album. Et il rend un hommage appuyé à Dave Edmunds dont l'album Git It reste au rock ce que Stendhal est à la langue française : un symbole de la perfection.

 

 

Le pompeux Cazengler

 

 

( P.S. : a aussi signé deux dessins mais l'ordi n'a laissé passer que l''en-tête Rock-A-Billy Poore : information secrète du SRR – Services du Renseignement Rock )

 

 

 

 

 

25/04/2013

KR'TNT ! ¤ 141. / NO HIT MAKERS / BIG WIREMAN / RIVERSIDETRIO / MATHIAS RICHARD LESTER BANGS

 

KR'TNT ! ¤ 141

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

25 / 04 / 2013

 

 

THE BIG WIREMAN / NO HIT MAKERS / RIVERSIDE TRIO / MATHIAS RICHARD

 

 

ROCKERS KULTURE

 

LES COMBUSTIBLES / PARIS / 20 /04 / 13

 

 

THE RIVERSIDE TRIO / NO HIT MAKERS /

 

THE BIG WIREMAN

 

 

La teuf-teuf mobile hennit au paddock, l'a compris qu'elle ne salirait pas ses pneumatiques dans les plaines fangeuses de la Brie mais qu'elle allait mordre le bitume de la N. 4, direction Paris. On ne la retient plus, se prend pour un pur-sang à l'arrivée de Longchamp. Dès que l'on débouche dans les encombrements de la banlieue, elle se lance dans une course à tombeau ouvert entre les feux rouges avec une porsche. Mister B se cramponne à son siège à chacun des arrêt brutaux et des démarrages foudroyants. Remporte la mise d'une courte tête au dernier poteau.

 

 

Une fois garée on lui tapote les ailes en la priant de ne pas faire la folle en nous attendant. Et l'on s'en va se faire un bel Hellène. Epargnez-nous vos réflexions sur une supposée sexualité déviante, en des termes moins smarts nous nous jetons comme des lions affamés sur un sandwich grec. Un chacun, car les rockers en sortie ne lésinent pas sur la dépense.

 

 

Reste à retrouver la rue Abel. Le garçon poissonnier à qui nous demandons le renseignement nous sort son sourire de requin marteau rusé N° 15, avant de s'enquérir sur notre exacte destination : «  Je suppose que vous dirigez vers les Combustibles », que zoui, que zoui, gazouillons-nous avant que ne tombe sa définitive sentence «  Je m'en doutais ! » tandis que ses yeux ricochent sur nos blousons. Quand bien même se confondrait-il avec les murs, un rocker ne passe jamais inaperçu.

 

 

LES COMBUSTIBLES

 

 

C'est le seul endroit de Paris où l'on n'organise pas une chasse hystérique envers les fumeurs. Au contraire, on en prend soin, on les protège, on les chouchoute, on les parque sous un auvent bâché. A peine vous êtes-vous éloigné de cet abri précaire qu'un videur vous enjoint poliment de regagner la zone de sécurité ultime. Aux étages supérieur une mémé acariâtre qui n'aime pas le rock laisse à intervalles réguliers tomber des seaux d'eau ou de javel sur les imprudents qui stationnent hors du périmètre de protection. C'est le lot habituel du rocker de vivre dangereusement.

 

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Passage à la caisse – dix-huit euros, tarif capitale, pour trois groupes, en fait deux et demi – coup de tampon – une jolie marguerite hippie, pour des rockers ils auraient pu trouvé une tête de mort - ce qui vous permet de sortir et de rentrer à volonté, sans supplément ajouté pour la douche gratuite. Nous montons à l'étage nous en jeter un au comptoir du resto, clientèle séparée pas très rock, genre bobos qui viennent d'encanailler sans risque. Tout compte fait, malgré de tenaces légendes le rocker est un être pacifique. Maintenant ne vous essuyez pas non plus vos mains sur son blouson.

 

 

Descente aux Enfers. La cave est une fournaise. Devant la scène est minuscule, au fond le bar est trois fois plus large. Que voulez-vous, dans la vie il y a des priorités. Pour vous aider à consommer plus, l'on a dû installer un chauffage d'appoint vers le service boisson car la température y dépasse allègrement les quarante degrés. Celsius. Doit y avoir des amateurs de chaleur tropicale car l'espace ne désemplit pas.

 

 

THE BIG WIREMAN

 

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The Big Wireman n'est pas si gros que son appellation incontrôlée le laisse accroire. L'est tout seul. Se déguise sous le nom un peu ronflant de OneManBand. En rock dès qu'on sort un mot d'anglais ça en jette, mais lorsque l'on traduit le résultat de l'équation ne varie pas, le groupe à un seul homme. C'est une tradition qui remonte à loin, le chanteur de blues et de rue qui essaie de survivre avec sa guitare. S'y est greffé des aspects que j'aime moins : l'homme orchestre, regardez tout ce que je sais faire à moi tout seul, numéros de médecine-shows fauchés et la dérive music-hall. L'extraordinaire prestation de l'artiste-total qui finira dans les attractions foraines, les clowns s'en empareront.

 

 

Rien à voir avec le folkleux et sa guitare irrémédiablement umplugged qui mime le Dylan des tout débuts. Une tradition qui se perd, par ces temps-ci. Que voulez-vous depuis l'électrification des campagnes, ma pauvre dame, le monde n'est plus pareil. L'on est ailleurs, à mi-chemin entre le courage et l'esbroufe. Je ne cache pas quelques préventions envers ce mode opératoire. Autant j'admire le côté seul est l'indompté, un contre tous, moi contre le monde entier, postulation sans faille du héros romantique, autant au niveau musical j'émets en général quelques doutes sur la validité rythmique des résultats obtenus.

 

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Guitare sèche électrifiée et tambour à pédale pour le pied droit. Wireman donne dans la sobriété, ne se promène pas avec grosse caisse sur le dos, ni une cymbale sur la tête. Ni harmonica autour du cou, ni pipeau dans les narines. Généralement c'est le genre d'artiste qui ouvre les festivals. Ca permet au public de s'installer, ça meuble le fond sonore et ça ne coûte pas cher à défrayer. Mais arrêtons d'être méchant.

 

 

The Big Wireman s'en tire bien. J'ai l'impression que toute une partie du public s'est déplacée pour lui. Preuve qu'il a ses fans. Ne chante pas mal, gratte plutôt fort et tape avec un minimum de subtilité. Beaucoup de hoquet-hou pour ponctuer les morceaux et reprendre souffle qui auront tendance à disparaître une fois que la voix sera chauffée. Ne sonne pas country, malgré le chapeau de cow-boy - qui fait un peu ustensile de scène artificiel et couleur locale garantie - mais beaucoup plus moderne avec tout de même un léger parfum roots. L'on sent que le bonhomme est passé par de multiples aventures avant d'en arriver à usiner en solitaire.

 

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Ne joue pas au malheureux, a la répartie facile, manie l'humour et l'auto-dérision avec dextérité. Avec ses favoris qui lui mange la moitié des joues, il arbore une gueule sympathique. Le comble c'est que l'on préfèrerait le voir en invité unique pour une soirée qui lui serait spécialement consacrée. En début de concert son apparition crée de facto une espèce de déséquilibre, un peu comme si l'on nous mangeait la moitié de notre hors-d'oeuvre.

 

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A la fin de la prestation je retrouve Mister B qui partage le même avis, sympathique en soi-même mais pas transcendant. Ca manque d'épaisseur pour une ouverture de concert. Davantage une erreur de programmation que la faute de notre loner. Dans un tel contexte The Wireman n'aura convaincu que ses propres aficionados. Avant de quitter la scène, il rappelle son CD en vente pour la modique somme de cinq euros avec des morceaux à la guitare électrique. Peut-être aurait-il été plus judicieux d'emmener la cafetière à micro pour cette prestation.

 

 

THE RIVERSIDE TRIO

 

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Je pressens la mal-donne alors qu'ils sont en train de s'installer. Deux grands-pères s'affairent su le côté gauche. Un papy gentil derrière ses caisses et son absence de rasage poivre et sel - le préféré des enfants, celui qui leur passe tout - et le vieux bougon devant qui surveille sa fender d'un oeil mauvais – lui il doit distribuer les punitions et pas les bonbons. Un organisateur monte sur la scène un disque à la main. Explique que ce trente-trois a changé son existence. En 1985, ce qui ne rajeunit personne. Surtout pas le chanteur qui sur la pochette de ce Flat Broke, Songs for A new Depression – beau sous-titre - ressemble comme deux gouttes d'eau à Brian Setzer, pas celui d'aujourd'hui, celui de la couve du premier album judicieusement baptisé Stray Cats, banane outrageante, moue dédaigneuse, tatouages colorés... L'en est passé de l'eau dans la rivière depuis ces anciens temps. Tellement qu'aujourd'hui ils sont quatre sur scène.

 

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Se jettent à dans l'onde rock sans retenue. Difficile de les suivre. Tantôt western swing, tantôt pionniers, tantôt rockab, tantôt rock'n'roll, forties, fifties, sixties, toute la gamme est déployée, certes toutes ces étiquettes sont mouvantes, mais l'on dirait une formation toute jeune qui n'arrive pas à se cantonner dans un style défini. J'ai prononcé le mot qu'il ne fallait pas, excusez-moi. Sont au point, quoique Mister B parlera d'approximation dans le jeu des guitares. Mick le lead singer se la donne à fond pour faire monter la mayonnaise. Mais elle ne prend pas. Belle voix tout de même, guitare rythmique d'acier et même deux morceaux à l'harmonica. Essaie de communiquer avec le public, mais son anglais à couper au couteau reste lettre morte pour nos oreilles de franchouillards peu doués pour les langues étrangères. Si je devais n'en sauver qu'un ce serait lui. Le contrebassiste est trop passe-muraille, assure avec sérieux mais sans un brin de fantaisie. Le groupe manque d'un vecteur essentiel : la fougue et l'énergie de la jeunesse.

 

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Je ne peux m'empêcher de penser à la semaine précédente, l'est sûr que le Riverside Trio en a dans la bouteille, mais combien ils sont loin d'un combo aussi juvénile que les Whacks. Leur reprise de Diddley est vachement mieux foutue que les passages de jungle beat qui ponctuaient le set des Whacks - faut reconnaître que quand le méchant pépé Chris s'en donne la peine il ne tricote pas mal du tout sur sa machine - mais avec les Whacks, il y avait en plus les orang-outans en folie qui saccageaient le paysage et des tigres altérés de sang qui déchiraient leur proie pantelante sous les arbres. C'était wild à souhait. Ici les singes géants et les gros chats rayés se sont endormis, roupillent comme des marmottes et ronflent avec régularité.

 

 

Après le concert Mister B évoquera les Stargathers ( voir notre livraison 115 du 25 / 10 / 12 ), déjà une légende vivante tellement ennuyante que les neuf dixièmes de la salle étaient sortis pour discuter le coup... Le Riverside Trio s'épargnera un tel camouflet, mais leur honnête prestation ne satisfera pas grand monde. Deux rappels un peu téléguidés par les organisateurs, mais l'on ressentira leur fatigue et leur soulagement à la fin du deuxième. Ce n'est pas qu'ils furent mauvais, c'est qu'ils ne furent pas bons. Un peu pathétiques, peut-être.

 

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Auraient dû passer en deuxième position, en un set un peu plus ramassé. Ou alors en soirée hommagiale avec guest stars invités, spécialement conçue pour les âmes nostalgiques qui courent après leur jeunesse perdue sans espoir. Les combos s'étant succédés à de courts intervalles, à minuit et quelque tout était terminé. Nous reste un goût amer d'une nuitée ratée, trop tôt achevée et qui n'a pas tenu ses promesses.

 

 

NO HIT MAKERS

 

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N'ai pas voulu trop vous déprimer. J'ai interverti les numéros afin de rallumer la flamme de l'espérance éteinte dans votre coeur mélancolique. No Hit Makers sont passés en deuxième position mais je vous les offre en final. Possédaient tout ce qui manque à leurs acolytes d'un soir, l'impact du nombre et l'énergie du rock'n'roll.

 

 

Leur nom est déjà une provocation. Ne revendiquent pas la première page de journaux lus par Monsieur Tout le Monde. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas confiance en eux-mêmes – ils en débordent – mais ils savent que leur parti-pris d'un rock ravageur leur ferme les portes des hit-parades de notre époque. Ne feront peut-être pas de hit mais rallieront le public des connaisseurs.

 

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Frenchies comme leur nom ne l'indique pas. Eric est au chant, casquette et boucle d'oreille, pas très grand mais une présence et une vitalité sans borne. Tient la rythmique – Gretsch sèche à l'ouverture triangulaire – tête de serpent ou sexe de femme je vous laisse choisir entre le yin et le yang - mais peut se reposer sur Vince le lead guitar. Ce tueur doit se jacker directement sur le 6000 volts car il envoie méchant. Une guitare qui sonne et un maestro qui combine les plans plus osés. Avec un seul branché de cette espèce dans un combo de rock, vous êtes déjà certain de vous classer vers le haut du panier.

 

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Contrairement à beaucoup de rockabilly drummer Dan s'est aperçu que sa batterie ne comportait pas uniquement une caisse claire. Se sert de tous les toms et ça vous envoie des tonnes dans les oreilles. Vince peut expectorer du jus par devant sur sa Gretsch orange mécanique, pas de problème il y a quelqu'un derrière à la réception qui bétonne un barrage sonore afin que rien ne se perde.

 

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Larbi ne perd pas une seconde. Il slappe avec méthode et furie. Pas le temps de faire son cinéma, sa main tape et rebondit sans arrêt sur les cordes. Concentré et comme en pilotage automatique dans un rêve intérieur dont nous ignorons tout, mais dans lequel ça doit bastonner dur car on le sent préoccupé par une inaccessible bagarre dont il traduit la chorégraphie intime à grands coups de battoirs rageurs. Tourne presque le dos à ses acolytes tellement il est penché sur sa contrebasse. Combat avec l'ange.

 

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L'ensemble dépiaute sévère. Une onde de choc qui se précipite à votre rencontre comme les chevaux de Poseidon et vous submerge. Pas psycho, mais presque. Un plein wagon de vitamines punk par en-dessous, afin d'arracher les poils de la bête sauvage à pleines poignées. Si vous désirez imiter, faites-nous la grâce de ne pas oublier les accointances rhythm and blues d'une telle musique. Ont Her Love Rubbed Off de Carl Perkins à leur répertoire, le morceau a aussi été repris par les Cramps. C'est un peu cela No Hit Makers, le grand écart entre les racines et l'électricité. Je reviens sur Vince, dans le final, son auriculaire ganté de son étui métallique qui glisse en slide tandis que les autres doigts de la même main traquent les cordes à toutes vitesse. Un pianotage d'orfèvre pour un grondement de mammouth en rut.

 

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Johnny Burnette bien sûr ( existe-t-il un groupe de rockab qui ne reprend pas du Burnette ) mais à leur manière, rugissante. Reculent un peu les frontières puisqu'ils vont chercher le, All I Can Do Is Cry de Wayne Walker - Burnette et son trio se feront les dents sur son Sweet Love On My Mind – comme s'ils voulaient remonter aux racines du rock'n'roll pour mieux lui faire subir un traitement de choc. Offrent le même traitement au Boogie Chillen de John Lee Hooker, mais la modernisation est peut-être moins apparente sur ce titre, le blues bien plus que le rock - quelque part plus proche du jumpin' swing - est par ricochet à l'origine de l'électrification à outrance du rock'n'roll. No Hit Makers ont opéré un choix judicieux. Un son néo-rockabilly résolument moderne.

 

 

Lorsque la prestation s'achève ça râle dur dans la salle. On les aurait bien gardés une petite heure de plus. Quittent la scène sous les acclamations du public qui n'en revient pas de cette maîtrise supersonique qui leur permet d'allier déluge de feu et sobriété élégante. Un set sans équivoque ou bavure. Parfaitement en place du début à la fin. Rien à reprocher. Tout à applaudir.

 

 

RETOUR

 

 

Un petit détour pour dire au revoir aux copains avant de partir. Mumu et Billy en retard comme d'habitude, mais ce coup-ci les Dieux du rock les ont punis puisqu'ils se seront privés de No Hit Makers, n'ont assisté qu'au Riverside Trio. Billy prend la chose avec placidité, de toutes les manières ils jouent mieux que moi !

 

 

Voici Eddie des Ol' Bry dont j'avais oublié de signaler la présence la semaine passée au concert des Howlin Jaws. Puisque je parle des Hawlin, l'on me fait remarquer que j'ai transformé le prénom du guitariste Lucas en Eddie. C'est vrai que Lucas est bien sa dénomination officielle, mais lorsqu'il crapahute sur sa Gretsch je lui trouve la même mine concentrée que Cochran, et comme il joue foutrement bien mon neurone fatigué l'a surnommé Eddie. Acte inconscient et révélateur.

 

 

Toujours les mêmes, et toujours des nouveaux. Notamment un fort pourcentage de présence féminine cette fois. Me fais féliciter plusieurs fois pour mon T-shirt Gene Vincent, mais la teuf-teuf mobile nous attend, et nous repartons vers de nouvelles aventures que nous ne manquerons pas de vous rapporter une prochaine fois.

 

 

Damie Chad.

 

(Pour les photos des No Hit Makers on a choisi sur leur facebook dans une série signée par Audrey Wnent, allez voir sur son facebook personnel ses séries punk, squat, concert et pin-up, la demoiselle est douée, il n'y a pas photo ! )

 

Look books !

 

 

MATHIAS RICHARD

 

 

MACHINE DANS TÊTE

 

 

( editions vermifuge / 2012 )

 

 

Tout se passe dans la tête. Pouvez faire un petit tour dehors si vous le désirez, cela ne changera rien. Le livre en est une parfaite illustration. Commence dans la bonne ville de Tours pour se terminer à Tours. Entretemps l'on s'est payé du mauvais temps, une petite boucle en Croatie aller-retour.

 

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Petit voyage en Europe. Pas organisé par un operator-tour, plutôt au bout de la nuit. C'est à l'intérieur que l'obscurité du monde est la plus sombre. Vous fais grâce du couplet initiatique. Le jeune Dorian Durand n'en sait pas plus quand il revient que quand il est parti. Ironie du destin : pourquoi s'infliger tant de peine pour n'en rien retirer ! Pourquoi se donner un mal de chien à courir après d'improbables horaires d'avion, de bus, ou de train pour n'en réaliser aucun bénéfice !

 

 

C'est que Dorian Durand vit à côté de notre monde marchand. Proclamation de rébellion à la fin du livre. Ne marche pas dans la combine de l'échange monétaire. Pas de tiers payant entre les rapports humains, rapports d'individus à individus, selon les trois mamelles de tout contact. Indifférence, amitié, sexe. Avec des chemins qui se tracent de l'un à l'autre pour mieux se rapprocher ou s'éviter. Tout dépend des circonstances, que nous ne sommes pas les seuls à vouloir maîtriser. Les autres ont aussi leur mot à dire. Savonnent ou obstruent la pente plus souvent qu'ils ne la facilitent.

 

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Parce que Goran lui propose de venir le retrouver au festival de Motovun en Croatie, Durand s'y rend. L'appel de l'amitié a bon dos. Dorian file à Motovun pour mieux se fuir. Ne le présente pas tout à fait comme cela. D'autant plus que dans la valise de sa boîte crânienne il ne lui vient même pas à l'idée de se séparer d'un ou deux axes de sa problématique existentielle. Emporte tout avec lui. Situation critique mais pas de rupture envisageable. Car rompre serait casser les amarres de la réalité et basculer dans la folie. Du monde ou de désespoir.

 

 

Dorian a souscrit à la double option. Kaos partout. Peut traverser tous les cercles, reste toujours en enfer. Peut-être parce que c'est là qu'il se sent le mieux. A débattre. Pays ravagé par la guerre et jeunesse sans futur. Génération after-after-after punk mais toujours sans une once d'avenir. Le monde est malade et Dorian tombe malade. A son tour. Ne peut plus parler. Simple angine ou impossibilité de déclarer quelque chose qui fasse sens. Les antibios guérissent le symptôme mais pas le cancer de la vie qui court vers sa propre mort. Processus imparable, auquel Dorian n'a rien à opposer. Que des corps convoités de jeunes filles qui ne sont pas au rendez-vous, ou alors des mots. Des mots comme la dernière barrière que l'écrivain peut dresser entre lui et l'absurdité du monde moderne. Mais quand on y repense à tous les âges, le monde a toujours semblé moderne à ses contemporains.

 

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Le monde est le cadavre, et nous sommes les vers. Mais il y a pire. Nous aussi nous sommes cadavres, et nous avons un gros ver dans la tête. Même que certains l'appellent le cerveau. Mais cette dénomination fleure bon l'ancien temps. Entretemps nous avons bricolé. C'est une machine qui occupe notre tête. En pilotage automatique. Deux ou trois boutons à notre disposition. Mais sans trop d'interactions possibles. Nous bombarde de programmes que nous ne souhaitions pas vivement.

 

 

Le plus terrible c'est que l'on ne peut pas l'éteindre. Flot continu. Pouvez baisser le son mais les images vous manipulent et même pas à votre insu. Le vieil animal raisonnable de Descartes a perdu la raison, mais pas la conscience. Ruine de l'âme ! Alors en fin de compte ne vous reste plus qu'à accepter la défaite de votre impuissance.

 

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Cent cinquante pages. Aurait pu faire plus, mais ce n'est pas la peine. Il arrive un moment où vous comprenez que l'on n'arrête pas la terre de tourner, même si votre tête tourne en sens inverse. Pas d'équilibre possible. Une pluie diluvienne d'images et de pensées s'abat sur vous en une longue phrase interminable. La vie ne propose pas de point à la ligne. Des séquences, mais pas d'arrêt sur image. Mathias Richard déclenche l'apocalypse. Dorian Durand ne sortira pas vivant de son mode d'être car il est impossible qu'il s'en évade et surtout impossible qu'il meure dans le sien. L'on ne s'échappe pas de soi-même. Si ce n'est par l'artefact de la rébellion qui n'est qu'un leurre, la carotte pour faire avancer le troupeau d'ânes que nous sommes quand le bâton de l'ordre établi ne suffit plus. Toujours un pas de plus dans le vain espoir insensé de trouver le chemin de la sortie.

 

 

Parfois l'on s'imagine qu'il existe un point focal d'encrage, qu'il serait possible de rebrousser chemin vers le commencement de la vraie vie ou de l'amour. Mais ce n'est qu'une hypothèse d'école ( comme disent les jésuites ) à partir de laquelle nous sommes enclins à échafauder la casuistique de notre victoire, mais la machine tourne, tourne, tourne et nous prouve que nous n'avons ni fin, ni commencement, ni queue ni tête, seulement une machine.

 

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*

 

 

Un livre de Mathias Richard fondateur de Caméras Animales ( allez voir le site ) et du Manifeste mutantiste – un des rares ouvrages théoriques intelligents écrits depuis ces vingt dernières années – un livre ultra-punk – mais un punk / destroy / electro – pour ceux qui veulent se faire idée : voir la chronique de Mister Tomer sur Hocico ( livraison 134 du 07 / 03 / 13 ), qui est le seul des artistes dont nous ayons parlé, qui soit mentionné dans la bande-son proposée en fin de volume. Donc pas très rockabilly, mais foutrement rock'n'roll. Psycho.

 

 

A lire de toute urgence.

 

 

Damie Chad.

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

 

ROCK & FOLK. N° 549.

 

Mai 2013.

 

 

Philippe Manoeuvre fête son anniversaire. Vingt ans qu'il dirige le magazine. Pense qu'il s'en sort pas mal. Moi itou, même si j'ai vomi mon petit déjeuner ce matin à cause de lui. Bien sûr je n'ai pas lu l'interview qu'il consacre à Daft Punk – de toutes les manières à part le topo sur les trente labels prestigieux du rock'n'roll, n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent dans ce numéro. Mais je ne lui en ai pas voulu, faut bien vendre et savoir faire des concessions aux maisons de disques, ça permet à l'éditeur d'éponger les grosses factures, et de subsister. En plus parfois les couleuvres doivent être dures à avaler, comme la pub sur M qui bouffait la couverture du 548. Les fourches caudines de la nécessité financière.

 

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Mais lorsque à sept heures vingt et une précise le speaker de la radio annonce Daft Punk, j'omets de tourner le bouton, peut-être est-ce écoutable après tout. Las ! Trois fois hélas ! Un son aigrelet d'engin de chantier qui recule envahit la pièce. Est-ce possible, ce sont ces sortes de plates indigences qu'écoutent nos contemporains ! Je comprends pourquoi aux infos ils viennent de dire que le pays s'enfonce dans la crise. Recul industriel peut-être, mais récession musicale indiscutable !

 

 

Me suis à peine remix de mon malaise que dix minutes plus tard la tentative de démoralisation nationale frape un nouveau coup. Doivent avoir la couve de R&F sous les yeux car maintenant ils annoncent le titre du bas, la huitième merveille du monde, Phoenix – je décide de boire la coupe jusqu'à la lie et je reste. Côte Ouest qu'ils disent fièrement pour appâter l'auditeur, si c'était un livre je dirais que ce serait la collection Harlequin, orchestration cucul la praline, romantisme à l'eau de rose fanée, de très loin ça ressemble aux Beach Boys mais désolé les filles il manque et la plage et les garçons.

 

 

Damie Chad.

 

 

JUKEBOX. N° 317.

 

Mai 2013.

 

 

Heureusement que j'ai l'antidote à la maison. Un article sur le Star-Club de Jerry Lee Lewis. Le truc qui vous requinque un cadavre. Un complément indispensable au bouquin de Jo Bonomo de traduit par Patrick Cazengler que nous avons chroniqué dans notre livraison 134 du 07 / 03 / 13, surtout pour les photos couleur, un peu les mêmes que les nôtres...

 

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Sinon les rubriques habituelles, une vieille interview de Giorgio Gomelsky – nous lui devons les Rolling Stones et les Yardbirds – j'avoue que même moi j'ai pas pu faire mieux. Une interview de Jesse Garon qui se la pète à un point inimaginable, et surtout le reprint du N° 2 de Best du 5 octobre 1968, avec l'abécédaire des artistes qui mange la moitié de la pagination et tout de même deux pages de texte sur l'autre moitié.

 

 

Ce qu'il y a de terrible avec Jukebox c'est que même si vous connaissez tout, tout, tout du rock vous tombez toujours sur une information que vous ignoriez. A collectionner.

 

 

Damie Chad.

 

 

BLUES MAGAZINE. N° 68.

 

Avril / Mai / Juin 2013.

 

 

Notre petit trimestriel préféré. Du blues mais aussi du rock. Notamment la suite de la fois précédente : Partie 2 de Du blues dans le Rock'n'roll en Arkansas. Le mot est à prendre au sens métaphorique de tristesse. S'intéresse aux petits pionniers. Ceux qui ont débuté chez Sun sous la férule de Sam Phillips... et qui ont été remerciés plus vite qu'ils ne l'espéraient. Part One Billy Lee Riley, Part Two : Sonny Burgess. Tout le monde n'est pas Elvis Presley. Ni Jerry Lee Lewis. D'ailleurs eux aussi ont fini par quitter le nid. Sais bien que les amerloques sont des entrepreneurs dans l'âme, mais je me mets à la place du US banquier made in 1956 à qui un enregistreur de musique sauvage venait demander des liquidités. Ce n'était pas que la cause était perdue, c'est qu'elle devait paraître bien aléatoire et bien peu rentable... Phillips n'avait aucune garantie à offrir ni biens à hypothéquer. D'ailleurs Sam lui-même se hâtera de réaliser ses bénéfices pour les investir dans les Holyday Inns, un placement beaucoup moins aventureux.

 

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Avec des Si l'on mettrait Memphis + le Tennessee + l'Arkansas dans une même bouteille de Jack Daniel. Il est inutile de s'interroger : si le patron des écuries du Soleil avait mis le paquet sur Billy et Sonny, seraient-ils devenus Presley Bis et Presley Ter ? Ne voudraient pas rabaisser leur talent mais il faut savoir sinon se vendre du moins se laisser acheter. Le problème c'est qu'il n'y a pas eu d'offres en face. Ont donc essayer de survivre comme ils ont pu. A coups de concerts dans les bars et en enregistrant des morceaux que les labels ne prenaient même pas la peine de sortir. La mode du rockabilly n'a été qu'un feu de paille aux USA. Le rock mène à tout à condition de sortir : dans sa plus grande période d'abattement Sonny Burgess se reconvertira en représentant de dentelles pour robes de mariées...

 

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Comme pour Billy Lee Riley c'est l'Europe qui sauva Sonny Burgess de l'oubli. Très symboliquement l'article est écrit par Bernard Boyat à qui nos connaissances hexagonales du rock doivent tant. Fait partie de ce noyau de fans qui ont porté à bout de bras le rock des pionniers et ce dès les années soixante. C'est en 1958 que Bernard Boyat alors en quatrième découvre Little Richard... la qualité et la richesse de ses articles est aujourd'hui reconnue par les spécialistes américains qui disposent pourtant d'une manne de documents incommensurables.

 

 

Donc un article incontournable. Deux interview à lire de près, celui de Jack Bon l'ancien leader de Ganafoul, un des grands groupes de blues rock français des années 70 et l'inusable Little Bob qui évoque Blues Bastards son groupe consacré au blues déjà aussi légendaire que la Story. Ce qui se fait de mieux par chez nous. Et pourtant la nébuleuse blues nationale est d'une richesse insoupçonnée. Vous faudra déjà deux bons mois pour assimiler et enquêter sur tous ces héros méconnus dont Blues Magazine se fait l'écho.

 

 

Damie Chad.