05/09/2013
KR'TNT ! ¤ 154. RIP JAMES T- MODEL FORD / MIKE SANCHEZ / MR WHITE / BETHUNE 2013 ( STRAY CATS / LEE ROCKER / SURE-CAN ROCK / DALE ROCKA AND HIS VOLCANOS ) HOOP'S 45 / CHRONIQUE VULVEUSE
KR'TNT ! ¤ 154
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
05 / 09 / 2013
RIP JAMES T-MODEL FORD / MIKE SANCHEZ / Mr WHITE / BETHUNE 2013 ( + STRAY CATS + LEE ROCKER + SURE-CAN ROCK + DALE ROCKA AND HIS VOLCANOS ) / HOOP'S 45 / CHRONIQUE VULVEUSE (I) |
EDITO Vous n'avez pas le droit de vous plaindre de cette cent-cinquante quatrième livraison, l'on vous ballade de l'extrême nord à l'extrême sud de la France, l'on vous refile une grosse cuillerée ( a big spoonfull ) de sirop de blues, et trois autres bien tassées de rockabilly. Et comme le rock et le sexe ont toujours fait bon ménage l'on vous offre en prime une croustillante histoire vulvaire bien de chez nous... |
UN MODEL DU GENRE
J'allais comme je le fais régulièrement jeter un coup d'œil chez Fat Possum pour y glaner quelques nouvelles intéressantes. Mais par ce beau matin d'août, je suis tombé sur une nouvelle qui ne l'était pas du tout : «We are sad to announce that James «T-Model» Ford has passed away at his home in Greenville, Mississipi, after a prolonged illness. He was 94.» (Nous avons la tristesse de vous annoncer que James «T-Model» Ford est mort chez lui à Greenville, Mississipi, des suites d'une longue maladie. Il avait 94 ans.) (Une information datée du 16 juillet 2013).
Les fans de Descartes diront qu'il n'y a rien de surprenant dans le fait de mourir à un âge aussi canonique. Mais les fans de T-Model Ford auraient bien aimé qu'il enregistre encore quelques disques (avec Rick Rubin, par exemple), sous la houlette de Patrick Boissel, le boss du label Alive Naturalsounds qui a publié en 2009 et 2011 ses deux derniers albums.
Nous autres les petits blancs dépravés avons découvert T-Model Ford grâce à l'inlassable travail de Matthew Johnson, boss de Fat Possum Records, le label qu'il a fondé au début des années quatre-vingt-dix à Oxford, dans le Mississipi. Pendant des années, Matthew Johnson est allé fureter dans les campagnes reculées du Sud profond pour y dénicher de vieux bluesmen tombés dans l'oubli et la pauvreté rurale et leur proposer de se faire quelques dollars en enregistrant des albums sur son label. Un vrai travail de bénédictin. Pas étonnant que Fat Possum soit entré dans la légende. Grâce à Matthew Johnson, on peut se payer de belles tranches de blues primitif pour pas cher. CeDell Davis, R.L. Burnside, Elmo Williams et Junior Kimbrough font partie du lot, mais on évoquera tous ces personnages croustillants une prochaine fois.
Matthew Johnson prit en quelque sorte le relais de Tav Falco qui avait entamé cette démarche et permis à de grands artistes noirs du Mississipi de repartir du bon pied en remontant sur scène. Des petits blancs libidineux comme Iggy Pop et Jon Spencer tombèrent eux aussi sous le charme des vieux crocodiles du Mississipi.
C'est à un autre vieux crocodile que revient le privilège de présenter cette légende du blues primitif que fut T-Model Ford. Il signait un surperbe texte pour accompagner la sortie de l'album «Bad Man» dont il était aussi le producteur. Voici ce texte : «James 'T-Model' Ford ne peut pas lire ce texte - il ne sait pas lire. On lui a tiré dessus, il a reçu des coups de couteau, on l'a empoisonné et sur ses chevilles on voit encore les cicatrices des chaînes qu'il portait au pénitencier. Il en a vu des vertes et des pas mures. Accompagné par le batteur Spam, il joue le boogie-groove hypnotique du North Mississipi Hill Country blues comme personne d'autre ici bas. Son blues n'est pas pleurnichard. C'est un hymne à la vie. Il vous invite à célébrer la vie avec lui et non à pleurnicher sur un amour perdu ou une injustice. T-Model Ford n'est ni une relique du passé, ni le chantre d'une culture en voie de disparition. Avec Spam, il vit l'instant présent comme peu d'artistes savent le faire. On le retrouve souvent là-haut, sur la falaise, au bord du vide, et alors que la plupart des autres tombent, lui s'envole. Il est le héros existentialiste par excellence. Il joue le beat et lâche des phrases. Il ne s'occupe ni des sempiternelles douze mesures ni des accords majeurs. Il rend hommage aux géants - Muddy, Hooker, Lightnin' et Wolf, mais à sa façon, au-delà des traditions. Il est influencé par ce qu'il capte du chaos environnant. C'est un peu comme si le grand Jimmy Reed jouait avec Ornette Coleman. Il ignore le conformisme, il se débarrasse du carcan des mesures et joue chaque note comme un son plein. Chez lui, pas de camisole en 4/4, pas de syncope polyrythmique pseudo-africaine. Il balance du pur stomp, un boogie sans fin, il creuse un sillon profond - le sien - dans la terre noire du blues. Enfilez vos boots, versez-vous un verre de Gin et préparez-vous à prendre du bon temps. Souvenez-vous de votre dernière cuite ou de la dernière fois que vous vous êtes envoyé en l'air. C'était forcément avec cette phrase immortelle de Howlin' Wolf en tête : 'Quand c'est dans le groove, c'est parfait'».
«Bad Man» est un album spectaculairement primitif. Sur la pochette, T-Model fait une grimace, comme s'il sortait de la forêt équatoriale et qu'il tombait sur un petit blanc. Souvenez-vous qu'à l'époque où les premiers blancs sont apparus, les Africains les trouvaient extrêmement laids.
Le vieil ogre démarre très fort avec une reprise de Wolf, «Ask Her For Water». Un primitif qui reprend un primitif, ça donne de l'ultra-primitif. Ne cherchez pas ailleurs, il n'existe rien d'aussi authentique. Le «Everything's Gonna Be Alright» qui suit est un véritable blues de bastringue à roulettes. Mais il faut imaginer des roulettes en bois vermoulu. Ça craque et ça ondule. Sur ce disque, tout semble joué à l'arrache. Rien ne semble en place, comme chez les Stones quand ils jouent en public. Avec «Bad Man», titre-phare de l'album, on tombe sur une pépite grosse comme le poing. Ce truc est monté sur un riff dégingandé. On se croirait dans un boui-boui crasseux bourré de délinquants ruraux, ceux qui vont vous attendre au coin du bois et vous tailler à la serpette pour vous tirer votre montre en plastique. T-Model Ford en rajoute des caisses et il n'a aucun mal à se faire passer pour un bad boy, puisqu'il en est un : «All you here, women, I'm in town.» Il précise un peu plus loin que ça va barder - I'm a hellraiser - et qu'il aime son flingue d'amour. Même niveau qu'Andre Williams dans «The Dealer». On trouvera sur ce disque une autre bombe jaillie des bois : «Black Nanny». C'est tout simplement l'enfer sur la terre des plantations sevrée du sang des esclaves opprimés par ces canailles de petits blancs concupiscents et affamés d'or, de coton et de sucre. T-Model fout le souk dans les rangs de canne à sucre. Il secoue les consciences comme des cocotiers, histoire de venger des générations entières d'esclaves victimes de la rapacité des petits blancs neurasthéniques. Et ça continue avec une version pachydermique de «Backdoor Man», qui renvoie celle des Doors au vestiaire, là où elle aurait dû rester. Et il nous achève avec le coup du lapin, cette version de «Sallie Mae», heavy et autoritaire comme une black-mama de deux cents kilos. A-hum, fait notre vieux copain des ténèbres, tout en touillant l'épais limon du delta.
Après ça, difficile d'aller écouter le blues édulcoré des petits blancs introvertis, ceux qui font d'incroyables grimaces quand ils partent en solo. (Pour ne pas gaspiller la place, je ne citerai pas de noms).
Comme le disait si souvent une aïeule aveyronnaise, il vaut mieux s'adresser au bon dieu qu'à ses saints. À l'époque, je ne saisissais pas bien la portée de ce dicton, d'autant plus que je haïssais le catéchisme, mais aujourd'hui, c'est un principe que j'applique systématiquement lorsqu'il s'agit de choisir des disques dans un bac. On ne prend aucun risque lorsqu'on revient aux sources, je veux dire aux vrais artistes. Les trois-quarts des disques commercialisés aujourd'hui ne tiennent pas la route. Ou bien les pseudo-rockers contemporains n'ont rien dans le ventre, ou bien ils n'ont rien à dire. Ou pire encore, ils n'ont pas d'histoire.
T-Model Ford n'est pas tombé du ciel. Il ne doit pas sa réputation à son passé de taulard et de bagarreur, mais à une pure démarche d'autodidacte du blues. Il fait partie de ces pauvres types illettrés qui n'ont absolument aucune chance et qui tombent un jour sur une guitare, qui se débrouillent comme ils peuvent pour apprendre à en jouer, qui vont même jusqu'à inventer une technique, juste pour imiter leurs idoles. Et l'idole de T-Model Ford, c'est Wolf. Pas mal, non ?
Comme R.L. Burnside et les autres, T-Model Ford va enquiller le circuit des petits bastringues de blues qu'on appelait les juke-joints. Hauts lieux de la débauche, de la violence et du feeling.
Sur la pochette de «Don't Get Out Talkin' It», T-Model Ford joue avec son flingue et il a l'air singulièrement mauvais. On retrouve cette mauvaise humeur dans «Talk To You», une espèce de blues-punk forestier sec et bien envoyé, sans gras. Spam bat, et quand Spam bat, tout va. C'en est presque militaire, tellement c'est carré, mais on entend derrière un vrai graillon de guitare. T-Model Ford se branche sur un vieux Peavey. Plus le son est pourri, mieux c'est. De l'autre côté de ce 25 cm, on tombe sur une pièce rarissime de primitivisme clochardisé : «Ugly Ass Grin». Franchement, ça dégraisse les tympans. Le truc va tout droit, sur une seule note, et le vieux nous lâche une belle giclée de gratouillages intempestifs. Vous ne trouverez pas ça chez les Hollies.
Le vieux a 77 balais quand il enregistre l'album «Pee-Wee Get My Gun». Attention, ça démarre avec un boogie-blues battu à la diable sur une boîte, «Cut You Loose». C'est d'un primitivisme inégalable. On entend là le vrai duo du Mississipi. Une guitare électrique toute pourrie et une caisse. Sur «Can't Be Touched», T-Model Ford sonne exactement comme son idole Howlin' Wolf et nous sert une nouvelle tranche de garage-blues hypnotique. De quoi faire baver d'envie Chet Cheetah Weise. «I'm Insane», c'est exactement la même pétaudière que «Bad Man». T-Model Ford ressentait un énorme besoin de préciser certaines choses. Il faut dire que dans l'histoire du rock - et donc du blues - les authentiques mauvais garçons ne courent pas les rues. Et si vous voulez entendre un batteur exceptionnel, alors écoutez «Let Me In», le dernier morceau et vous verrez - oui, vous verrez de vos yeux - Spam faire le train.
L'idéal est de voir T-Model Ford en chair et en os. Maintenant qu'il a cassé sa pipe, ça va devenir compliqué. Heureusement, Matthew Johnson prévoit tout : on trouve chez Fat Possum un DVD miraculeux intitulé «You See Me Laughin'» et sous-titré «The Last Of The Hill Country Bluesmen». Ce fabuleux documentaire nous emmène dans les patelins perdus de l'état du Mississipi à la rencontre de tous ces vieux schnoques auréolés de légende. Vous ne devinerez jamais ce qu'est leur point commun, en dehors du blues. Eh bien oui, ils sont tous édentés. Les dentistes ? Arf arf, c'est juste bon pour les petits blancs invertébrés. Pas besoin de dentier pour chanter le blues. Matthew Johnson fait le guide et on entre à la suite du cameraman dans les bicoques rudimentaires. Le docu est si bien foutu qu'on s'y croirait. On rencontre d'abord Junior Kimbrough (mort en 1998), puis CeDell Davis, un gros black paralysé par la polio qui plaque ses accords de blues avec un couteau sur le manche d'une Epiphone bleu clair. Certainement la rencontre la plus impressionnante du docu. C'est là qu'on remercie Dieu d'avoir inventé le DVD. Puis on débarque chez T-Model Ford qui branche sa guitare noire de trash-metaller sur son vieux Peavey et qui se met à chanter un blues de rêve. T-Model est aussi un infatigable raconteur d'histoires. Il nous explique comment son père le torturait quand il avait six ans. Mais c'est R.L. Burside (disparu en 2005 à 80 ans) qui se tape la part du lion, dans ce docu. Il semble être devenu la star de Fat Possum. On le voit jouer sur scène à Clarksdale, puis à New York, et chez lui avec ses petits enfants. Kenny Brown (un blond qu'il appelle «my adopted son») et son petit-fils l'accompagnent sur scène. Vous verrez d'autres personnages moins connus comme Asie Payton (mort sur son tracteur à 60 ans) et Johnny Farmer. En fin renard, Matthew Johnson a fait appel à des petits blancs dégénérés pour élargir son audience. Iggy Pop raconte comment il a emmené Junior Kimbrough en tournée. Kimbrough demande à Iggy : «Depuis combien d'temps t'es dans le business, blanc-bec ?» Modeste, Iggy répond : «Oh... trente ans...», et le vieux lui rétorque : «Pffff ! C'est que dalle !» De son côté, Jon Spencer raconte les circonstances dans lesquelles il est venu enregistrer un album avec RL (le fantastique «A Ass Pocket Of Whiskey», une pure giclée de punk-blues parue sur Fat Possum en 1996 - peut-être le meilleur passeport pour entrer en Burnsiderie, well well well - et c'est enregistré live dans un pavillon de chasse, bien entendu).
Pas question de passer à côté d'un album comme «You Better Keep Still». T-Model Ford y invente le punk-blues. C'est tout de même plus intéressant que d'inventer le fil à couper le beurre, non ? Un morceau comme «To The Left To The Right» a dû sidérer plus d'un musicien américain. C'est d'une rare violence, claqué à l'accord, bousculé à la croche. On entendra rarement un truc aussi radical, aussi peu soucieux des convenances, c'est saucissonné au son cinglant, parole de chaussette de l'archiduchesse. Sur la pochette, on voit T-Model Ford assis à l'arrière d'une voiture à côté de Spam. Il a comme qui dirait un faux air d'Al Capone, avec son chapeau noir et son rictus au coin des lèvres. Sur ce disque agité, on trouve aussi un boogie superbe, «Look What All You Got», avec la voix devant toute, et le vrai son de guitare derrière, gratouillé à l'ancienne, pas bien en place, puisque Spam ne joue pas. L'apothéose arrive juste après avec «Here Comes Papa», rrrrrh yeah ! riffé violemment garage, du punk-blues clochardisé, une dose de punkymotion digne des pires pulsions. He got me down, Mamaaaah ! Si vous cherchez les racines du garage-rock, elles sont là, bien grosses, bien noueuses, bien terreuses. Et encore une fois, c'est claqué à l'accord et ça tourne-vire à l'obsession névrotique. Il continue son numéro de surdoué avec «Third Eye», une nouvelle monstruosité sonique relancée par des hey baby ! et des Yaes Man ! d'anthologie. T-Model Ford fait le con comme Screamin' Jay Hawkins et derrière, Spam bat comme un démon. Au risque de radoter, je rappelle qu'il est inutile d'aller perdre son temps avec le pseudo-garage des foies blancs à la mode. C'est là que ça se passe, chez ces deux traîne-savates de Greenville, dans le Mississipi.
Matthew Johnson fit paraître «She Ain't None Of Your'n» en l'an 2000, et pour quelques-uns, ce fut la vraie apocalypse, celle qu'avait annoncée Nostradamus. T-Model Ford y joue plus gras encore que Muddy Waters. «Sail On» sort de derrière les fagots du juke-joint local, heavy et gratté maladivement. Un cadeau du ciel pour tous les amateurs de heavy-blues. On comprend soudain que T-Model Ford est un guitariste complet. Il sait TOUT jouer. D'ailleurs, avec le morceau suivant («Take A Ride With Me»), il tape dans une sorte de registre hendrixien. Il double le son des notes de guitare avec la voix. Bien vu, mais du coup, trop ambitieux pour un homme des bois. On revient au boogie primitif avec «Chicken Head Man», une pièce admirable, ouuuh-ouuuuh, digne de John Lee Hooker, mais bien plus foutraque. Aucun foie-blanc de langue fourchue ne peut sortir un son aussi dément. C'est aussi crépu et impénétrable que la tignasse d'un esclave révolté. On écoute ça et on comprend que ces noirs du Mississipi se sont élevés dans la dignité, l'air de rien, pendant que les fils des notables blancs tétaient les seins flappis de leurs mères porteuses alcooliques. «How Many More Years» paraît cousu de fil blanc, mais ce n'est qu'une impression. Le beat est d'une rare sévérité, Spam l'administre sèchement. Il sait cogner en retard, l'effet est tout simplement dévastateur. C'est à fois criant et hallucinant de vérité campagnarde, rapide et ignorant des règles, toujours penché en avant. Ce profil noir penché en avant, voilà le secret. Un blanc ne saura jamais jouer ça, parce qu'il lui manquera le profil noir. Il faut être devant, au quart de ton. Spam refait un festival dans «Wood Cuttin' Man», un morceau qui empeste le moonshine. T-Model Ford termine ce disque éreintant avec «Mother's Gone», une oraison funèbre digne des géants du Delta, tintée de cloches d'accords et pétrie d'énormité sous-boisière.
Les deux albums parus sur Alive Naturalsound en 2009 et 2011 sont beaucoup moins agités. Pépère est obligé de se calmer, vu son âge. D'autant plus qu'il a le cœur fragile. Sur «The Ladies Man», il attaque son «Chicken Head Blues» à la manière de John Lee Hooker, avec un gimmick atmosphérique. C'mon white boy, le batteur entre dans la danse, et le vieux fait yeah ! On rêve tous d'avoir un grand-père comme T-Model Ford qui carbure au Jack Daniels à 88 ans. Mais il manque un ingrédient capital sur ce disque : l'électricité. Le vieux gratte une guitare acoustique. C'est un peu comme si on venait de lui limer les dents.
Pour l'album «Taledragger», Patrick Boissel a convoqué une équipe de spécialistes, les Reservoir Dogs du garage américain. Sur «How Many More Years», le chant de T-Model Ford est doublé par une wha-wha mielleuse. Brian Olive et Matthew Sweet participent à l'opération. Producteur de génie et ancien membre occasionnel des Dirtbombs, Jim Diamond veille au grain, derrière la console. Le blues traîne mais ne convainc pas le con vaincu. Par contre, on se réveille d'un bond avec «I Worn My Body For So Long», un blues haut perché et monté sur un beau riff boogie, mais l'ensemble se révèle horriblement cousu de fil blanc. Une basse fuzz fantôme hante le morceau, comme l'esprit du diable hante les bois du Mississipi. Le vieux essaye de revenir au primitivisme dans sa reprise de «Little Red Rooster», avec des dents qui manquent et des notes incertaines, mais il semble que la magie se soit dissipée. Avec «Same Old Train», T-Model Ford montre qu'il maîtrise le tchoo-tchoo à la perfection. Il rend un très bel hommage à Wolf en ululant entre les couplets de «Somebody's Knocking At My Door», mais la cerise sur le gâteau, ce sera le dernier morceau, «Red Dress», une mouture sauvage, en haillons, sale et vénéneuse de «High Heel Sneakers» qu'il envoie ravager nos pauvres cervelles de petits blancs timorés. Un modèle du genre.
Signé : Cazengler, modèle réduit
T.Model Ford. You Better Keep Still. Fat Possum Records 1998
T.Model Ford. She Ain't None Of Your'n. Fat Possum Records 2000
T.Model Ford. Bad Man. Fat Possum Records 2002
T.Model Ford. Pee-wee Get My Gun. Fat Possum Records 1997
T.Model Ford. Don't Get Out Talkin' It. Fat Possum Records 2008
T.Model Ford. The Ladies Man. Alive Naturalsound Records 2009
T.Model Ford And Gravelroad. Taledragger. Alive Naturalsound Records 2011
You See Me Laughin' : T-Model Ford, CeDell Davis, RL Burside, Junior Kimbrough, Asie Payton et Johnny Farmer. DVD 2003
MONTAUBAN
PLACE DE LA FONTAINE / 21 - 08 - 13
MIKE SANCHEZ AND HIS BAND
Ne t’inquiète pas me souffle la teuf-teuf mobile, cent-vingt kilomètres, c’est une pacotille, que de l’autoroute, je fais ça les pneus dans le carbu. L’a pas menti, l’a abattu le goudron à la vitesse d’une fusée interplanétaire et nous voici tous les deux à la recherche du centre ville. La teuf-teuf roucoule, des parcs de stationnement à l’ombre sous les arbres sur des centaines de mètres, une circulation des plus fluides, de rare feux rouges, des panneaux indicateurs à tous les croisements. Tiens une fontaine à étages avec derrière ce qui ressemble à un vaste plateau à musicos. Aussi sec la teuf-teuf se choisit un endroit dans une contre-allée aussi large qu’un boulevard. Satisfaction du travail accompli, je l’entends soupirer, elle ferme les portières et repasse en son esprit les images du documentaire sur les courses d’Indianapolis que je lui ai montré hier.
La cité paraît déserte. Des rues piétonnes à peu près vides. Le concert est censé commencer à huit heures trente. Personne. Trois cents chaises en plastiques jaune canari alignées au garde à vous face à l’orchestre. A vingt heures trente une vingtaine de quidams en tout et pour tout. Inquiétant. Je me penche sur le prospectus, Jazz Off, des concerts gratuits chaque soir durant huit jours. Deux noms connus par ma pomme : Mike Sanchez, et The Révolutionaires pour le lendemain.
Deux ou trois musicos s’en viennent tapoter les micros et vérifier leur matos, tiens voici Mike Sanchez au bas de l’estrade qui jette un coup d’œil sur l’absence du public et qui d’un pas nonchalant entraîne son monde vers une brasserie de l’autre côté du boulevard… Neuf heures, la foule commence à affluer. J’hallucine, un lot de mamies avec les leurs petits enfants et un gros tas de couples en âge de prendre la reqtraite. Pas tout à fait, un public rock. Rapide sondage, Mike Sanchez est inconnu au bataillon. J’écoute d’édifiantes profession de foi : « Non pas devant, plutôt vers le fond, ça fait moins mal aux oreilles. » . Neuf heures trente, Monsieur loyal est sur la scène, nous annonce un cadeau-surprise qui n’était pas prévu au départ.
ROOCKY
S’appelle Roocky, un nom prometteur. Je déchante vite, un jeune qui se réclame de la nouvelle chanson française à textes. Pas un play-boy, l’allure naturellement démagogiquement humble et sympathique qui plaît à la France profonde. Personnellement je suis très ouvert, mais je n’aime que le rock and roll, alors Rooky il me fatigue vite. Fait bien son job avec sa guitare et son sampler, et ses chansons tranches critiques de société servies avec humour et agrémentées de jeux de mots aussi mauvais que les miens.
Le public en raffole, pas de mes calembours, mais du dénommé Roocky. L’on tape dans les mains, l’on reprend les refrains, l’on dialogue et l’on interjecte, avec lui. Osmose parfaite. Une véritable communion idéologique. Label qualité franchouillarde breveté avec la garantie du gouvernement. Dans quelques années il recevra à coup sûr l’appellation contrôlée d’ Artiste France Inter. Pas tout de suite, car il ne connaît que cinq chansons et pour le rappel exigé par l’assistance charmée, il s’excuse, mais n’en ayant pas d’autres, il reprend son premier titre. S’en va tout heureux sous les applaudissements nourris.
Me demande tout de même comment un tel public va recevoir un alien comme Mike Sanchez…
LET’S GO TO ROCK ‘N’ ROLL
Le staff s’affaire. Des caméras partout, pas de balance. Le son sera impeccable. Mike Sanchez est assis à son piano. Son entrée n’a suscité aucun intérêt particulier de la part de la foule. L’est vrai que sur le journal local il est présenté comme un guitariste. Tout le monde semble au point. Mike se lève et se tient quelque peu en retrait. Monsieur Loyal prend le micro pour remercier la municipalité. Prend toutefois la précaution - du genre cher public jouez pas aux blaireaux - d’introduire Mike Sanchez comme le plus grand chanteur de Rhythm and Blues au monde.
Et le miracle se produit. Venues de je ne sais où de chaque côté de l’estrade surgissent deux cohortes de fans qui s’installent sur le devant de la scène. Tous les amateurs de bonne musique et de rockabilly de la région se sont apparemment donnés rendez-vous au pied du podium. Mike Sanchez ne prêchera pas dans le désert.
N’avait pourtant point besoin de cette aide. Lui suffit de toucher du bout des doigts son clavier. Pas plus de trois secondes et moins de quatre. Alors que l’orchestre est encore silencieux. Et le monde change de dimension. Un ah ! de plaisir monte de la foule. Sûrement pas la zique qu’ils écoutent au petit matin en se lavant les dents mais il est indéniable que sous sa banana split gominée, ce volumineux bonhomme au visage jovial est un Maître. Capable de toutes les transcendances.
MIKE SANCHEZ ET SA BANDE
C’est quoi Mike Sanchez au juste ? Facile à expliquer. Vous prenez un piano ( en l’occurrence électrique ) - jusque là c’est facile, c’est pour la suite qu’il faut faire un peu d’effort. C’est que pour le pianiste il faut envisager un triple doseur. Encore que je simplifie, car il me semble que par exemple quelques gouttes de Charlie Rich ne nuiraient pas au mélange explosif que nous sommes en train de concocter. Un gros tiers de Fats Domino, pas tant la nonchalance de Blue Berry Hill, plutôt la perfide sournoiserie des galopades de Let The Four Winds Blow. Le genre de cheval à la foulée si aisée qu’on dirait qu’il fait du sur place alors qu’il a déjà franchi la ligne d’arrivée. Deuxième ingrédient, incontournable, Jerry Lee Lewis, spécialement ses effets Foire du Trône, le clavier qui miaule et les accélérations foudroyantes. Pumpin’ piano, mais jamais trop longtemps, juste le temps de manger la tringle des rideaux. Enfin le last mais pas le least, des énervements à la Little Richard, ne me retenez pas je vous ai déjà réduit les neurones en bouillie mais je continue encore un peu, manière de mettre dix-sept mille quatre-vingt dix huit fois de suite le doigt sur le mi.
L’a mélangé ses influences pour fabriquer sa petite ( pardon, sa grande ) musique à lui, tout en brisures d’espaces, n’exploite jamais le même plan, ne ressert jamais deux fois le même flan caramélisé. Mais quel phrasé ! Sa main gauche semble ignorer ce que fabrique sa main droite, c’est une feinte pour surprendre l’auditeur. Mais il possède encore un deuxième leurre. Sa voix. On ne peut pas dire qu’il chante. Il joue les paroles. I love you and you leave me. Bonjour l’orignalité, mais il vous l’énonce d’une manière si expressive que vous assistez à la scène. Certes au niveau de la scénarisation imaginaire qui se déploie dans votre cerveau l’on est plus près du grand guignol que de Puccini, mais l’on est plongé au milieu du film et l’on ne demande qu’à visionner une deuxième fois la séquence. Un véritable comédien. Rempli d’humour.
N’est pas seul. Possède sa troupe qui lui donne la réplique. Derrière lui, Al Gore, une double bass mais étroite comme un cercueil uniplace, Joue si bien que l’on s’y habitue trop vite et que l’on oublie de le regarder. Nous offrira deux soli à vous désolidariser du reste de l’humanité. Un swing monstrueux par devant et en plus comme tout bon guitariste country qui se respecte l’on a l’impression que par-dessous il joue… de la basse sur les cordes les plus graves. Grave ! vous chercheriez presque le second bassiste, mais non il est bien tout seul.
C’est la plus jeune des recrues. Guitare soliste. Enfin presque. Car il ne fait pas vraiment de solo. Moins guitar-hero que lui tu meurs. Il intervient. L’a dû beaucoup étudier les rythmiques chez James Brown. Lorsque Mike Sanchez conclut une passe d’arme et lève les mains, c’est lui Andy Sylvester qui est chargé de marquer la brisure d’un coup de hachoir méphistolesque. Trois notes et l’orchestre bascule dans une autre direction. Sera beaucoup applaudi.
Mark Morgan, est à la batterie. Un vieux dromadaire qui a roulé sa bosse dans tous les déserts musicaux. Ne lui parlez pas de section rythmique. Sait ce qu’il a à faire. Tout seul. Le genre de mec qui ne compte pas sur vous mais sur qui tout le monde s’appuie. Creuse le sillon. Moissonneuse batteuse imperturbable. Fait la moitié du boulot à lui tout seul, mais n’aime pas qu’on le lui fasse remarquer. Il le sait déjà. Ce n’est pas qu’il serait modeste. Simplement sûr de lui.
Au saxophone Ténor c’est Al Nicholls, sous son chapeau, il est fagoté comme un mac du temps de la prohibition. Tout de même un véritable sax appeal, vous régale de grandes rasades d’aboiements rauques qui ont dû mettre tous les chiens du voisinage en chaleur. Mord dans son bec de hanche comme un chiot occupé à se faire les dents sur un os. Mais c’est un féroce. Mord les mollets de tous les autres chaque fois que l’on a besoin de lui. Se sert de son sax comme d’un magnum. Vous envoie des pruneaux à l’armagnac dans le buffet à la moindre alerte.
Pete Cook s’appuie sur son sax comme sur une canne. Un engin aussi gros qu’un sous-marin. Doit falloir lui insuffler au minimum vingt-cinq litres d’air pour en tirer le moindre bruit. Pete est aussi maigre qu’un tuberculeux. Vous envoie des détonations. Rappelez-vous quand vous avez encastré belle-maman dans les tuyaux du radiateur et que vous avez obtenu un gros klong ! et que les voisins du dix-septième étage ne s‘en sont pas encore remis depuis trois ans. C’est PeteR Pan et Captain’ Cook dans le même bonhomme. Un terroriste musical qui pose des bombes sans vous prévenir au téléphone que ça va exploser. Un dynamiteur. Un bienfaiteur de l’humanité.
RHYTHM AND BLUES
Tous des blancs mais ils vous assènent une musique noire à faire pâlir les infernales ténèbres dans lesquelles repose l’âme damnée de Robert Jonhson. Un merveilleux foutoir - mais attention si ça explose dans tous les coins, rien ne dépasse. Huilé et limé au quart de ton. Guirlandes festives directement importées du carnaval de la New Orleans, avec rages sous-jacentes. Impulsion continue et délire frénétique. Beaucoup de reprises, mais reformatées à la sauce Mike Sanchez.
Musique généreuse. Classique dans ses affiliations mais inventive dans sa déclinaison. L’orchestre tourne comme un cœur de locomotive. A tout moment l’on se refile le bébé crocodile. Et on le repasse aux copains après lui avoir servi une tranche de steack de vie dégoulinante. Du sang et du nerf. Pas de pleurs. L’on n’est pas ici pour se lamenter. Mike Sanchez délaisse son piano et au micro il entonne un Fever à donner la fièvre à toute la ville. Explosions de thermomètres dans vos vies de trous du cul assurées.
Ca chauffe et ça surchauffe. Qui pourrait arrêter une telle bamboula ? Sur les chaises le public est soufflé sur place, interloqué, médusé. Comment-est-il possible de dégager une telle énergie ? Aucune déperdition en vue. Même que les danseurs devant l’estrade auraient plutôt tendance à faire monter l’excitation…
UN PEU DE BLUES
Mike annonce qu’il va jouer un blues. Attention pas comme la grimace qui tombe dans la soupe, alors que tout le monde était en train de se régaler. Pas question de nous saper le moral à chaudes larmes. Il précise sa pensée par un oxymore renversant, « an happy blues » dit-il, et après avoir caressé son piano il nous cite un exemple « like Boom-Boom of John Lee Hooker » . Et nous voici embarqués dans un chapelet d’explosions atomiques avec Pete Cook qui à chaque boom-boom s’amuse aves son baryton sax à l’éléphant facétieux qui laisse tomber un de ses monumentaux étrons sur le crâne de son cornac, mais Mike a mieux à proposer, comme Muddy Waters par exemple. Doit bien rester quelques rares plages de Morganfield que je n’ai pas encore eu le bonheur d’entendre mais je peux certifier que le boueux Waters n’a jamais joué le blues à une telle rapidité. Imaginez l’Amazone en chute libre depuis le sommet de l’Everest. Trop lent pour Mike Sanchez, le voici qui se lance dans une imitation de Woody Woodpecker claquant des dents tel un alligator affamé.
Sans préavis le beau brun ténébreux qui se rapplique The Brown Eyed Handsome Man de Chuck Berry dont il donne une version pharamineuse. Par-devant ça danse ( pas de canard ) mais comme un navire prêt à chavirer. Mike énonce quelques noms de chanteurs de blues, l’a terminé sa liste lorsqu’il s’aperçoit qu’il a oublié Howlin’ Wolf. Répète une deuxième fois le nom d’Howlin et le mantra agit. Le garou est parmi nous.
Mike est soudainement habité par une présence démoniaque. Les dents lui sortent de la tête, et les yeux de ses orbites. Ain’t no place for me, hurle-t-il à la mort, et le voici transformé en Jack l’Eventreur, un effrayant rictus aux lèvres, n’est plus Mike Sanchez mais le midnight rambler en personne en chasse de chair fraîche, le serial killer est en liberté, la jolie brunette qui jerke à côté de moi s’étrangle de rire mais ses bras se couvrent de chair de poule, l’a raison d’avoir peur, les dieux du vaudou rôdent en chacun de nous.
Break de batterie. Deux coups de batterie pour arrêter la folie collective et deux secondes plus tard retentissent les tambours saccadés de l’Afrique originelle. Jungle Beat fracassé de Bo Diddley, et tout le monde reprend en chœur Hey Bo Diddley ! Délirium tremens ( en vérité pas mince du tout mais épais comme un paquebot ) généralisé.
BEAUCOUP DE ROCK AND ROLL
Vingt-cinq secondes de sérieux. Ouvrez votre cahier et copiez le résumé de la leçon précédente. Je dicte, le rock and roll est né en Afrique puis il est venu aux States et de là dans le monde, d’ailleurs vous aussi - nous regarde, et notre fibre nationale se redresse de fierté - vous avez eu des chanteurs de rock… like Vince Taylor ! Et nous voici embarqués dans une somptueuse Cadillac rose qui fonce à tout berzingue, sûr l’on rattrapera jamais la fillette because She never comes back, mais quelle poursuite de fous sur la corniche de la mort ! Dans la foulée à la suggestion d’un fan il se lancera même dans l’introduction de Say Mama, que contrairement à son habitude il ne continuera pas jusqu’au bout.
Ensuite je ne sais plus trop, une série de classiques de rockabilly défilent à toute vitesse smashés comme des torpilles qui vous arrivent en plein dans le mille sous la ligne de flottaison. Et brusquement Mike s’aperçoit que derrière la houle des fans qui bat le bas du podium comme une mer en furie qui s'écrase sur les récifs, tout un peuple de momies assises le contemple du haut de leurs chaises citrons. Alors d’un seul geste, élevant ses deux mains ouvertes de quarante centimètres, il leur intime l’ordre de se lever, et sans une seule seconde de retard, nous assistons à la résurrection des cadavres qui adoptent la station debout et commencent à se balancer pour suivre le rythme endiablé.
Un Heeby Jeebies à dissoudre la lune dans le ciel. Ouh ! my Soul ! Où es-tu donc passée ? Hélas en ce bas monde tout a une fin, même les concerts de Mike Sanchez. Enfin presque, parce qu’il n’a pas plus que nous l’envie de partir. Deux rappels, de l’or en barre. L’on exploiterait le filon jusqu’au bout de la nuit. Mais Monsieur Loyal, est sur scène, montre sa montre du doigt. Terminé ! La municipalité ne nous a octroyé que la permission de minuit. Mike vous prend l’air sérieux du petit garçon pris en faute, mais de sa main gauche il nous incite à marquer par d’immenses clameurs notre mécontentement. Des sauvageons, si on ne leur donne pas un supplément alimentaire vont tout casser, et l’on décroche dix minutes de bonheur de plus.
END OF THE ROAD
Fini ! Mike signe ses CD, lui qui a tant donné écrit humblement Thank You ! sur les pochettes qu’on lui tend. Le rock and roll c’est aussi l’inversion des valeurs. Tiens, salut, dans la pénombre je ne reconnais pas mais c’est Torz le batteur des Midnight Rovers ( voir livraisons 148 et 149 de juin 2013 ) qui m’annonce qu’ils seront au Batophare les 7 et 8 septembre à Paris. Le Rock and Roll est un grand huit, un anneau de Moebius qui ne se termine jamais.
Damie Chad.
LAROQUE D’OLMES
24 - 08 – 2013 / SPYKE CAFE
Mr WHITE
Tilt dans mon cerveau ( oui, j’en possède un ) cet hiver, en visionnant sur Rockarocky.com les concerts rock de la saison froide. Ce n’est pas le nom du café qui m’a surpris Spyke, ça sonne américain et rock ‘n’ roll à plein nez - jusque là tout était normal - mais le lieu de la résidence. Très loin, plus de huit cents kilomètres de ma maison, mais tout près de mes vacances d’été. J’ai relu deux fois par peur de me tromper, mais non, c’était bien Laroque d’Olmes, 09. En plus, une suite de concerts hebdomadaires alignés à la file. Et du rockabilly ! Aussi impensable que de monter une boutique d’aquariums en plein Sahara. Et puis les mois passant, le rythme des annonces s’est fortement ralenti, jusqu’à disparaître.
Extraballe dans mon hémisphère gauche. Toujours sur Rockarocky, voici que ce printemps se profila très régulièrement l’ombre d’un pistolero solitaire, Mr White, qui présentait un hommage à Hank Williams, un peu partout en zone sud. Tiens, tiens, me disais-je, faudra bien arriver un de ces jours à croiser la trace de ce chasseur de primes afin de vérifier ce qu’il a dans le ventre. Et voici qu’une surprenante conjonction se produisit devant mes yeux hagards, Mr White annoncé pour le vendredi 24 août au Spyke Café de Laroque d’Olmes. Ce qui s’appelle d’une pierre blanche, faire deux coups au but.
SPYKE-CAFE
Encore un truc paumé dans un village inhabité en plein milieu d’une ruelle malodorante où même les chiens refusent d’aller pisser, a maugréé la teuf-teuf mobile au moment de démarrer. Mais à l‘arrivée elle pousse un rugissement de plaisir, l'enseigne rutilante du Spyke juste à la sortie du bourg attire le regard, sans parler de l’immense parking devant sur lequel vous pourriez déployer une division blindée.
Ce n’est pas la foule des grands jours. L’est pas même vingt heures. Une voiture, une moto au motif d’arabesques jaunes entre serpents flammes stylisés et pattes de léopards épurées ( hum, hum, ça sent le biker à plein guidon ) et deux gus debout qui discutent sous les vastes parasols de la terrasse. Après une enquête pas du tout approfondie, ils se révèleront vite être Mr White en personne et Arnaud le patron.
Ce dernier présente son domaine, tout beau, tout neuf, une vaste salle avec déco appropriée sur les murs, tables de bistrots rondes et haut perchées aux tabourets girafe matelassés de rouge, banquettes confortables, long comptoir pour les assoiffés, le lieu est chaleureux et accueillant. Arnaud est un passionné d’Harleys et de voitures américaines qui s’est lancé dans l’aventure d’ouvrir un café rock dans une zone reculée et économiquement sinistrée. Fera la preuve au cours de la soirée qu’il a réussi à attirer une clientèle de fidèles qui apprécient l’atmosphère du lieu.
Mr White effectue les derniers réglages de sono. Ca résonne un peu, mais nos raisonnements se révèleront juste, la présence du public empêchera le son de rebondir sur les vastes baies de la vitrine. L’on discute le coup - vient des alentours de Narbonne, l'on projette une interview - tout en dévorant de véritables hot dogs américains. Pour la similarité je ne sais pas, mais il est sûr que les saucisses de boeuf emmaillotées de pain viennois ont un fort goût de revenez-y et je remarque qu’ en reprend un second celui qui en goûte un premier.
Dix heures, le monde est arrivé, Mr White peut commencer.
ACOUSTIQUE
Mr White tout de noir vêtu entame son premier set. Acoustique nous prévient-il, l'on s'en serait douté en voyant sa black guitare à la Johnny Cash. D'ailleurs comme pour souligner le clin d'oeil, dans sa chemise noire à liseret blanc il entonne Folsom Prison Blues du maître de la country. Pour sûr Mr White n'a pas buté un mec pour le seul plaisir de le voir crever mais en ce début de soirée il va nous balader dans l'imaginaire mythique de l'âme américaine, celle des loosers sans fin qui ne gagnent jamais que leur propre estime à se colleter avec la dure réalité des vies perdues d'avance.
Pas le temps de respirer. Mr White enchaîne avec le premier morceau du premier disque d'Hank Williams. A concocter un hommage autant commencer par le début ! Mais même s'il continue tout de suite par Jambalaya Mr White saura alterner les plaisirs. Si son tour de chant est axé sur son troisième album ( qui vient de sortir ) qui reprend dix morceaux d'Hank le Grand, il les égrènera petit à petit parmi bien d'autres classiques du répertoire country and roll. Un peu pour signifier que si les chemins qui procèdent de l'idole maudite du Grand Ole Opry sont nombreux, l'on revient toujours comme une évidence incontournable à la pierre angulaire de son oeuvre. N'hésite pas à en explorer les facettes moins connues comme ces gospels à la I Saw The Ligth, signe de ces incessants ricochets entre les deux rives, la noire et la blanche, de la musique populaire américaine.
Se débrouille bien Mr White avec sa guitare et sa voix. Ses deux seules compagnes, car comme tout One Man Band qui se respecte il doit se suffire à lui-même. Pas de triche possible. Je ne suis point spécialement fan de ce genre d'exercice. Mais Mr White évite l'esbroufe de l'homme orchestre, vise beaucoup plus à l'authenticité. Possède un indéniable métier qui se traduit par une assurance de bon aloi. Ne se cache pas derrière le bouclier protecteur de son répertoire. Essaie plutôt de servir les morceaux en leur apportant sa propre marque de fabrique.
Country certes, mais qui n'hésite pas à enfourcher les chevaux sauvages du rockabilly. Nous donnera trois Johnny Burnette renversants. Du cousu au fil d'or, guitare impeccable et voix bondissante comme si toute la réverb du monde s'était donnée rendez-vous au creux de sa six cordes savamment malmenées. Comme par hasard l'assistance applaudira à tout rompre ces interprétations au fer rouge.
Faut écouter. Son vocal épouse l'intelligence des reprises originales qu'il leur soit fidèle comme sur le Sure Miss You de Vincent et par moment l'on entend les harmoniques de la voix de Gene ou qu'il les booste d'adrénaline comme le Diana de Paul Anka. Sur celle-ci, tout en conservant sur le refrain les inflexions de son créateur, Mr White chamboule totalement l'intérieur, et l'accompagnement accéléré à la guitare aidant, l'innocente Diana se charge des perverses sulfuration de la Layla des Dereck and the Dominos.
Ce n'est pas un manchot qui gratte de la mandoline. Maltraite son coucou sans s'arrêter une seconde. Devient même meilleur à chaque nouveau morceau. Y prend manifestement du plaisir car pour la plus grande joie de tout le monde le set avoisinera les quatre vingt dix minutes. Acoustique, mais qui crache. Ne se contente pas de caresser les cordes style accompagnement boy-scout au feu de camp, non il les griffe méchant et nous régale de solos juteux à souhait. L'est tout seul mais il nous refile du boulot pour deux, l'on ne sait plus s'il est préférable de suivre en priorité la danse de ses doigts ou s'intéresser avant tout aux nuances de son vocal.
Je ne regrette qu'une chose, c'est son yodel qu'au détour d'un morceau – notamment ceux de Hank Williams - il lance mais pas très haut, retombe aussitôt alors qu'il est très pur et que l'on aimerait le voir s'élancer tel un jet d'eau, certes un peu surprenant pour une foule non avertie, mais l'on sent que Mister White est doué pour ce genre d'exercice et peut-être devrait-il pousser son savoir-faire un peu plus haut.
ELECTRIQUE
Un interlude qui ne dure pas longtemps. Juste le temps d'échanger quelques mots et de lui raffler les trois CD ( que je chroniquerai bientôt ), et Mr White se rue sur sa guitare électrique qu'il se dépêche de brancher sur son ampli comme si les Dieux du Rock le menaçaient de sombres représailles s'il ne s'exécutait pas tout de suite. Plus prosaïquement les doigts encore chauds devaient le démanger. C'est que Mister White aime le rock, et que c'est là une tare rhédibitoire dont nous sommes tous atteints.
S'est enregistré des accompagnements qu'il programmera les uns à la suite des autres, se contentant de poser la guitare sur les pistes préparées. Du gros son. Je me posais une question, l'avait pas mal pioché parmi les pionniers dans sa première partie et à le voir s'escrimer avec bonheur sur ses cordes je m'attendais à ce qu'il nous sorte un petit Eddie Cochran de derrière les fagots. N'ai pas eu des heures à attendre pour avoir la réponse. N'a pas oublié ses hommages au prince de la guitare rock. Mais électriques. Notamment un Somethin' Else à vous arracher des cris de folie. Gretsch rouge, voix gouailleuse, cordes vibrantes, riff serti au millimètre près, tout y est.
Ne fait pas dans la douceur Mr White, ça canarde et ça saigne comme dans la scène finale de Reservoir Dogs d'où il tire son patronyme et sur tout ce qui bouge. Guitare grondante. Je l'avais subodoré en l'entendant à l'acoustique mais pour Mr White la guitare rock ne s'arrête pas à Scotty Moore. N'a rien contre le tranché vif des phrasés mais il ne dédaigne pas, et loin de là, les vrombissements à la rumblin' Link Wray. La guitare rock entendue aussi comme un volume sonore à moduler avec ire et fureur.
Son juteux et caverneux mais avec cette maîtrise qui empêche le hasard de l'emporter sur la volonté. Les doigts agiles et les idées larges. Puise dans le rockabilly mais ne dédaigne pas non plus le punk. Pas psycho pour autant mais avec ce désir de rechercher une dimension que je qualifierai d'anglaise à la base de son idiome typiquement amerloc. Toute une partie du public que l'on sent fixé sur une certaine american way of life mythifiée - et néanmoins porteuse d'une vision de l'existence assez traditionaliste - préfèrera d'ailleurs écouter ce second set depuis la terrasse plutôt que de se confronter de trop près à ces griffures électriques un peu trop européennes portées à l'encontre de l'american dream. Avec en plus cette séparation idéologique, assez nette en France, entre les amateurs de country et les adorateurs de rock'n'roll.
Mr White imperturbable n'en continue pas moins sur sa lancée. Nous régale au passage d'un Brand New Cadillac extatique et encore d'un Johnny Burnette incandescent. Nous lamine l'esprit aux petits oignons, et sa guitare court toujours en avant à la poursuite de jouissances sonores inépuisables. Nous gâte et nous comble. L'on en redemanderait encore et encore, mais les bonnes choses finissent toujours trop tôt. Reviendra après quelques minutes d'interruption, non pas pour un troisième set, mais pour ce que l'on pourrait surnommer un épilogue électrique, bien trop court.
Une excellente soirée au fond de l'Ariège. Je n'en dirai pas plus puisque nous allons le retrouver prochainement dans nos colonnes.
Damie Chad.
BETHUNE / 24 - 25 AOÛT 2013
Rencart avec Lee Rocker
En arrivant à Béthune, on était catastrophés. On avait tout prévu, sauf les cirés jaunes de marins pêcheurs bretons. Béthune Rétro sous les trombes d'eau, c'est un cauchemar. On ne souhaiterait pas ça à son pire ennemi. Au moins, on savait que ceux qui comme nous hantaient les rues sous la pluie battante aimaient vraiment le rockab. Du coup, on s'est remonté le moral à coups d'andouillettes. Pire encore : le moral était si bas qu'on les trempait dans un pot de Nutella, en souvenir d'Elvis.
Grosse affiche ? Pas grosse affiche ? On éprouvait quelques difficultés à trancher. Le programme proposait énormément de choses, dont trois noms flashy du label Wild (Little Gizzelle, Israel Proulx et les Dragtones), les Restless et l'insubmersible Lee Rocker trônait en tête d'affiche du samedi soir, ce qui devait théoriquement attirer tous les chats de gouttière des environs.
La dernière fois que j'ai vu Lee Rocker, c'était au premier concert d'adieu des Stray Cats, en 2004, au Zénith du parc de la Villette. Souvenirs en demi-teintes d'impressions mitigées. J'avais été choqué de voir Brian Setzer empâté. Comme les Cramps, les Stray Cats avaient su créer un univers magique, et comme tous les univers magiques, on n'accepte pas de les voir se dégrader. En 1980, mon vieux complice Jean-Yves avait découvert les Stray Cats à Londres et il me décrivit le phénomène en quelques lignes, dans le plus pur style Yves Adrien : «Un jeune gang de New-York débarqué en catastrophe à Londres. Ils ont tous entre dix-huit et dix-neuf ans. Leur premier single est fantastique, contrebasse électrifiée et Gretsch hagarde sur tempo chats de gouttière. Runaway Boys ! Slim Jim faisant l'écureuil sur sa grosse caisse à logo cartoon cat. Pantalons larges, gilets à carreaux trempés de sueur. Produced by Dave Edmunds. Les Stray Cats jouent sadiquement avec le rockabilly qu'ils respectent pourtant mais ils sont tellement soucieux d'en faire autre chose que du plat revival (heavy billy) que la Gretsch blanche ronfle et les larsens dynamitent leurs chansons. Runaway Boys !»
Zénith 2004 : une ovation accueillit les Stray Cats à leur irruption sur scène. On vit tout de suite que Brian Setzer avait vingt-cinq ans de plus. Son visage s'affaissait franchement et il avait pris du poids. Un T-shirt Triumph dissimulait assez mal une tendance à ventripoter. Mais il savait communiquer son enthousiasme au public en délire. Comme par hasard, Slim Jim Phantom conservait toutes les caractéristiques de la rockstar élancée, filiforme, sexy, féline et diablement élégante. L'animal a commencé par virer son perfecto, puis sa chemise noire parsemée de crânes rouges pour finir en T-shit noir à l'effigie des Stray Cats. De l'autre côté de la scène, Lee Rocker était le moins spectaculaire des trois. On voyait un petit bonhomme sans âge au visage crispé par les rigueurs du feeling. Son visage ne s'est pas décrispé une seule fois. Il jouait sur une stand-up argentée et pailletée. Sa technique paraissait lourde, il semblait en baver sérieusement. Il serrait les dents. Il ne portait pas de tatouages. Son visage crispé par le dur labeur évoquait celui du peone qui laboure sa terre aride toute la sainte journée pour quelques misérables haricots. Mais il s'acharnait, le bougre. Son visage trempé de sueur exprimait une foi parfaite et une volonté inébranlable. Dans la fosse, des mecs fanatisés jouaient des épaules pour essayer de se frayer un passage jusqu'à la scène : «S'cusez ! On va voir de près les dieux vivants !» Le meilleur souvenir de ce concert fut la version de «Sleepwalk», jouée sur un fond de ciel étoilé, morceau extraordinaire tiré d'un album du Brian Setzer Orchestra. Brian jouait sur sa Gretsch de splendides accords de jazz bourrés d'écho et de réverb et balançait des grosses giclées de notes absolument éblouissantes. On était tous sciés. Il bidouillait des quatre doigts de la main gauche une mélodie d'une fluidité orientalisante, il jouait à la fois la mélodie et son contraire, il remontait ses gammes à contre-courant et tissait des trilles d'une limpidité fulgurante. Il prit à la suite une chanson d'Elvis extrêmement langoureuse, histoire de briser les deux mille cœurs entassés dans la fosse. Lee Rocker lança «The cats are back !» et prit le chant pour attaquer un blues que vinrent hanter les accords jazzy de Brian. Pour finir, Slim Jim sauta sur sa grosse caisse et termina le morceau en frappant ses cymbales à coups redoublés, Lee Rocker grimpa sur sa stand-up et au beau milieu de ce joyeux bordel, Brian se mit à rouler des hanches comme Oum Kalsoum et à gratter sa Gretsch comme Eddie Cochran.
Béthune 2013. Pas de Brian, pas de Slim Jim, pas de folie. Lee Rocker porte des lunettes de comptable et deux guitaristes bien sages l'accompagnent. Il joue sur une stand-up noire bien stricte. Par miracle, la pluie s'est arrêtée. Pour réchauffer un public humide, Lee Rocker tape dans la réserve de standards de la grande époque, enfilant à la suite «Stay Cat Strut», «Fishnet Stockings» et «Runaway Boys» que pas mal de gens chantent en chœur. Lee Rocker sonne comme un cat de haut vol. Il fait ronfler sa stand-up comme un gros engin. Il donne le spectacle auquel on s'attendait : carré, bien en place, extrêmement pro, à l'américaine. Pas la moindre petite chance d'entendre une fausse note. On ne remarque même pas le batteur qui joue comme un dieu, avec une frappe lourde, une antithèse du drumming rockab. The cats are back ? Non, c'est complètement autre chose. Même s'il assure bien au chant, on ressent un manque abyssal. Un standard des Stray Cats sans Brian Setzer, c'est comme une religieuse sans crème et sans chocolat : un chou un peu sec qu'on met du temps à malaxer. Bon, ça joue, mais ça manque de punch. C'est carré, mais ça manque de panache. Ça envoie, comme disent certains, mais il manque l'étincelle, le petit truc que les Anglais appellent le twist et qui fait toute la différence. Lee Rocker sait tenir une scène, mais on aimerait bien que Brian Setzer - même gros - vienne lui montrer comment on sonne les cloches d'un public.
D'ailleurs, on retrouve cet écart de niveaux sur les disques. Quand on écoute l'album «No Cats» de Lee Rocker, on claque des doigts pendant les deux premiers morceaux, le slap est bon, «Rumbli,' Bass» tient la route et «Miracle In Memphis» slappé au sang frise la perfection. Mais après, tout s'écroule. Le pauvre Lee fait n'importe quoi, même une balade à la Aerosmith. On se pose vraiment la question : ce disque est un gag ou quoi ? Par contre, si on écoute le «Rockabilly Riot» que Brian Setzer a enregistré en hommage à Sun Records, on se retrouve au beau milieu d'un champ de mines. Ça slappe dans tous les coins, notamment dans la version de «Put Your Cat Clothes On», pulsée à mort, comme si Setzer et ses amis réinventaient un morceau déjà parfait. Ils sortent sur cette reprise un son si pur qu'on sent battre le pouls du Tennessee. Il faut les entendre embarquer «Get It Off Your Mind» de Kenny Parchman au paradis du slap. Entre deux couplets boppés en douceur et en profondeur, Setzer glisse des petits solos agréables. Ils tapent dans une autre diablerie de Kenny Parchman : «Tennessee Zip». Toute l'énergie du rockab coule dans les veines de «Tennessee Zip». Brian Setzer fait brillamment rejaillir cette source de swing boppé et derrière lui, ça pulse comme au bon vieux temps. Il place toujours des petits solos colorés et il sait dynamiter le chant en faisant couiner ses voyelles. Sur «Stairway To Nowhere», il se surpasse à la guitare. Comment ? En injectant tout simplement de la folie dans sa virtuosité. Ce double album est passionnant de bout en bout, même si on connaît par cœur la grande majorité des morceaux.
Étrange coïncidence, un concert des Stray Cats filmé à Montreux en 1981 vient de sortir sur DVD. Idéal pour revenir au point de départ. Comme pas mal de groupes, les Stray Cats étaient bien meilleurs sur scène que sur disque. Le single «Runaway Boys» était un véritable coup de génie, par contre je trouvais leur premier album raté, à cause de la production qui ne mettait pas assez le slap à l'avant. Quand on écoute Carl Perkins ou Lew Williams, on prend de mauvaises habitudes. En 1981, les Stray Cats bouillonnaient d'énergie. Ils semblaient être les héritiers directs de Johnny et Dorsey Burnette et leur version de «Rumble In Brighton» sur scène à Montreux n'a absolument rien à voir avec la version enregistrée qui est massacrée par une production clinquante. Leur version live d'«Ubangui Stomp» redore le blason du primitivisme et sur «Drink That Bottle Down», Brian Setzer joue l'un de ces fabuleux solos jazzy dont il a le secret. Et là où ils pulvérisent tous les records du monde, c'est avec leur reprise du «Somethin' Else» d'Eddie, un morceau qui est l'essence même du rock. Brian Setzer en fait une bombe, une version monstrueusement punk. Et là, on renoue avec la magie. (Petite précision intéressante : c'est mister Craig Morrison en personne - «Go Cat Go!» - qui signe le texte inclus dans la boi-boîte du concert des Stray Cats.)
À Béthune, la bonne surprise n'est pas venue de Lee Rocker ni des artistes du label Wild. Elle est venue d'Angleterre sous la forme d'un quatuor de rockabilly sauvage, The Sure-Can Rock. Brillants, inspirés, vivants, emmenés par un nommé Wild Jack, chanteur habité par les fantômes de Johnny Cash et de Gene Vincent qui ne recule devant aucune crise d'apoplexie. Il aurait lui aussi une tendance à ventripoter, mais comme il dispose d'une grande carcasse, il peut jeter ses cent kilos dans le combat et se livrer à des crises de twist du meilleur effet. Ce mec est un bon, dans la ligné de Johnny Burnette et de Carl. Quand il chauffe à blanc son Rockabilly Boogie, il secoue tous ses os et tous ses bourrelets et je vous prie de croire qu'il remue pas mal d'air sur scène, c'est un déplaceur de montagnes, un géant des steppes, une armoire à glace boppée jusqu'à la moelle des os. Petit, il est forcément tombé dans la marmite, comme Asterix. Il a forcément un don, ou bien
il a reçu la force, comme on dit dans les films, c'est comme on veut, on choisit la version qui nous paraît la plus plausible, et pendant ce temps il continue son numéro incroyable, il rue dans les brancards comme un messie chaviré, il reprend cette monstruosité qu'est le «I'm Comin' Home» de Johnny Horton et il chasse tous les nuages du ciel, alors on voit le rockabilly étendre son empire jusqu'à l'horizon. Vaillant guerrier de l'apocalypse, modeste rockab anglais, on le voit comme on veut après tout, le mec est jeune et il a l'étoffe d'un héros.
Wild Jack abat un sacré boulot, c'est le Wild Jack the Ripper du rockab sauvage, mou et dur, grand et gras, vif et vert, sain et sauf, bec et ongles, feu et flammes, boppeur de la lutte finale, turbo-torpedo de l'apocaplypse. Par miracle, on a pu le voir deux fois, le samedi en fin d'après-midi sur la petite scène et le dimanche à 14 h sur la grande scène. Wild Jack le bombardier a remis le couvert, avec un doigt qui saignait - but who cares, comme il disait - et il a emmené le public dans le plus délicieux des enfers, à coups de reprises de Gene Vincent et d'Eddie Cochran. Cerise sur le gâteau ou K.O. final, au choix : il terminait son set pantagruélique avec une reprise de «Love Me» du Phantom. À part Wild Jack et Lux Interior, qui oserait toucher à ça ? Rrrrhahhhhhh ! Personne.
Comme toujours, beaucoup d'activité autour des bacs des disquaires spécialisés et j'ai été particulièrement flatté de rencontrer l'auteur du très bel ouvrage consacré à Gene Vincent, «Gloire et Tribulations d'un Rocker en France» (ThunderSound - Hâtez-vous de le commander, car il risque d'être bientôt épuisé, et après, il ne vous restera plus que vos yeux pour pleurer.) (À commander aussi chez Crazy Times le EP 4 titres inédits - sur vinyle - de Vince Taylor - «Jeannie Jeannie Jeannie - Three Steps To Heaven - A Hundred Pound Of Clay - Johnny Remember Me»).
Juste avant de reprendre la route, on est allés voir jouer Dale Rocka And His Volcanoes, les Siciliens dont Damie disait le plus grand bien, après les avoir vus à Villeneuve. On voulait finir sur une bonne note et prendre un dernier shoot de rockab. Alors, l'impitoyable Dale Rocka a réussi à nous achever, avec son cocktail capiteux de reprises de Link Wray et de Warren Smith.
Signé : Cazengler, pas béthuné de la dernière pluie
Béthune Rétro. 24 et 25 août 2013
Lee Rocker. No Cats. DixieFrog Records 1997
Stray Cats. Live in Montreux 1981. DVD 2013
Brian Setzer. Rockabilly Riot Volume 1. A Tribute To Sun Records. Cargo records 2005
Sur l'illustration, de gauche à droite : Lee Rocker jeune, Brian Setzer jeune et Slim Jim Phantom
SENS / 31 - 08 – 2013
BRASSERIE CÔTE SOLEIL
HOOP'S 45
Parfois l'on a de la suite dans les idées. L'on avait terminé les concerts de la région parisienne en juillet avec les Hoop's 45 à Pannes dans le Loiret, l'on recommence la nouvelle saison à Sens dans l'Yonne avec les Hoop's 45. Le dernier concert nous avait enchanté aussi fonçons-nous en galante compagnie comme des dératés vers Sens au volant de la teuf-teuf mobile qui avale les kilomètres comme un tamanoir les termites.
Nous aimons cette cité bourguignonne aux toits colorés, cette patrie de jeunesse de Stéphane Mallarmé, qui sut fêter dignement le centenaire de la mort de l'illustre poëte en offrant une magnifique exposition et parmi plusieurs très riches spectacles, une représentation de La Révolte, une des pièces les moins connues de Villiers de l'Isle-Adam, une espèce de bulldozer lancée contre la moraline étriquée de l'hypocrisie bourgeoise. Un truc ultra rock'n'roll écrit en 1870 dans les moments mêmes où le blues peinait à se dégager du limon fertile du delta...
Point besoin de s'enfoncer oultre mesure dans les profondeurs de la ville, la teuf-teuf mobile file un coup de frein à gondoler le goudron sur quinze mètres. L'on cherchait à lire les enseignes du café et voici que nous venons de dépasser une station-service. Non nous ne sommes pas en rade d'essence – d'ailleurs il n'y a plus de pompes – mais le phare exercé de la teuf-teuf n'a pas raté l'estrade avec les instruments qui n'attendent que le bon-vouloir des musiciens.
Et cinquante mètre plus loin la devanture du Côté Soleil ! La porte est grande ouverte, mais l'intérieur est désert. On a pigé l'astuce : se sont installés sur l'ère abandonnée du garage. La scène, un espace pour guincher, une bonne dizaine de longues tables, tout un comptoir improvisé et parfaitement achalandé. Dans l'air flotte une douce odeur d'andouille grillée dans un jus d'oignons frits. Vingt heures piles, pas un cat. Ou plutôt seulement quatre attablés devant leurs ron-ron fumant. Surprise : ce sont les Hoop's en personne. Richard, Steph, mais attention Jean-Eric n'est plus là il a laissé la place à Max, et Kevin est pour ce soir remplacé par Fred. Une connaissance puisque nous l'avions déjà vu – avec les Hoop's – voir notre Livaison 59, du 30 / 01 / 2011 ).
Sont bien seuls, nous les laissons savourer leur dessert, et ma douce compagne et mon immodeste personne s'éloignent dans le dédale de sombres ruelles propices aux plus intimes tête-à-tête... Lorsque nous revenons plus tard, à 20 heures cinquante sept minutes douze secondes précises, nous ne reconnaissons plus l'endroit.
Les tables ont été prises d'assaut par une nuée de convives en goguette. Ca rit, ça s'esclaffe à gorges déployées, ça gesticule à tout vat, ça bâfre, ça bouffe à pleine dents, des gamins courent un peu partout, et d'accortes et jolies serveuses passent et repassent en levant très haut des plateaux emplis de boustifaille à s'en faire péter la sous-ventrière. Ni une, ni deux, les Hoop's montent sur scène.
SHAKE RATTLE AND ROCK
Commencent par un classique de Presley – ne ramenez pas votre science, je sais, l'avait piqué à Bill Haley qui lui-même l'avait emprunté à Big joe Turner – mais les Hoop's reprendront plusieurs morceaux du King dans la soirée, donc acte. Surprise. Qui ne vient pas des Hoop's. Surgit du public. J'ai toujours entendu dire que ventre vide n'a point d'oreilles. La sapience populaire est battue en brèche. Tir nourri d'applaudissements. Clameurs, vivats, hourras !
Reproduction à l'identique pour le deuxième morceau. Un Twenty Flight Rock joliment expédié qui recueille une approbation encore plus chaleureuse. Qui ne cessera pas de tout le concert. A croire qu'à Sens l'on aime le rock particulièrement chaud. Car les Hoop's sont en pleine forme et vont nous bazarder une quarantaine de petites merveilles ciselées au fer rouge. Sans concession, un rock tendu, nerveux, fluide et smashé à haute fréquence.
Little Sister d'Elvis ( oui je sais n'a jamais eu de petite soeur ) c'est le moment sournois de regarder d'un peu plus près ce que ferraille Max le nouveau guitariste. Ca n'a l'air de rien Little Sister, un petit riff répété quinze fois, c'est lui qui donne sa couleur et son impulsion au morceau, mais entre temps il faut bien meubler le silence. C'est là le piège. Pour le riff Max il nous le sert sur plateau dessert gâteau au sucre glacé, actionne le vibrato à merveille – avez-vous remarqué le nombre de guitaristes de rockab qui ne se servent jamais de leur bigsby, ou alors une ou deux fois comme s'ils avaient peur de le détraquer – Max lui il vous le fait vibrer à vous en masser les conduits auditifs, le fait résonner longuement dans sa main, et nous en délivre de doucereux frissons aussi fondants qu'une dragée pralinée.
Facile de reconnaître la guitare de Max, la porte en effigie avec le nom écrit en gros caractères sur le dos de son T-shirt une Duo Jet noire de chez Gretsch. Mais il ne suffit pas d'avoir une duo Jet, encore faut-il savoir s'en servir. Personnellement j'ai bien une râpe à fromage dans le tiroir de la cuisine, mais j'achète toujours mon râpé tout prêt en sachet. Oui mais Max l'est pas aussi maladroit et fainéant que moi, à la petite soeur il lui brode de ces dentelles de friselis qui lui vont à ravir. Et il sort le modèle de sa tête, n'a pas tenté de répéter les motifs de Hank Garland et de Scotty Moore, fait son truc à lui, discret, rapide, évolué, mais on n'a surtout pas le temps de s'ennuyer, pas une rythmique trop syncopée, non une flèche qui file en douce pour mieux vous traverser de part en part, par derrière.
Et je ne me suis attardé que sur un bubble gum, une friandise exceptionnelle, certes, un loukoum pur miel venu d'ailleurs, alors il vaut mieux ne pas vous parler des morceaux un peu plus teigneux. Parce que le Max il vous menace de quelques unes de ces petites inventions. Un peu d'élasticité jazzy, de grands traits quasi- speed metal, en voici un qui a traîné ses cordes un peu partout et qui a su s'adapter au style des Hoop's. Conforte leur son épris de modernité qui fraye dans les chemins de l'après Brian Setzer.
L'est sur le devant de la scène. En avant à la rythmique et au chant. Ce soir c'est Steph qui emmène le groupe. Sa voix légèrement rauque, subrepticement voilée, fait merveille. Elle court sur les titres. Un de ces soirs de magie où tout est d'une facilité déconcertante. Elle monte, elle descend, elle trotte, toujours juste, toujours en place. Jamais à côté. De l'aisance, il présente les morceaux, remercie le public, fait un peu d'humour, sans insistance, reprend son souffle en deux longues inspirations et le revoici au galop, un Mystery Train et un King Creole talentueux, un Mystery – compo de leur CD – qui arrache des applaudissements nourris...
Le set se termine sur un Johnny Be Good d'anthologie sur lequel des couples d'amateurs s'essayent à de furieuses chorégraphies rock.
RIP IT UP
Quinze minutes d'entractes et les Hoop's remettent le couvert. Sont chauds et ne demandent qu'à en découdre. Rock Around The Clock pour hisser le grand pavois. Deux Stray Cats pour vous emmener en pleine tempête dont un Gene and Eddie particulièrement houleux. Steph s'excuse d'avoir un peu mélangé les paroles, mais ça tanguait tellement que personne s'en est aperçu. Tutti Frutti du grand Richard façon de remuer la salade de fruits un peu plus frénétiquement que Bourvil, un My Baby Left me, sur lequel Max s'amuse à faire remonter les origines bluesy d'Arthur Crudup mais la rurale chaudière au bois est remplacée par de l'énergie électrique atomique.
Et ensuite nous avons droit à l'extase. A la fin du concert Richard disait qu'ils n'ont rien eu à faire parce que derrière eux il y avait un Maître qui avait mené le set à la baguette d'un bout à l'autre. Faut le reconnaître que Fred a assuré. S'est glissé dans le vêtement des Hoop's comme s'il ne les avait pas quittés depuis deux ans. Le pilier qui soutient la maison mais auquel vous ne prêtez plus d'attention tellement il se confond avec les meubles. Peu après il nous fera par exemple deux petites merveilles, un tambour africano-apache sur Ugampi Stomp, une espèce de jungle sound feutré accouplé avec la fureur indienne, et une architecture sur Oh Boy, s'agit pas de reprendre du Buddy Holly, faut encore en percer la science et cette entrée pyramidale était du grand art.
Mais tout cela c'est de la seconde zone quand on compare à son solo sur Rip it up de Little Richard – laissez-moi préférer la version de Gene Vincent -un morceau qui cogne où tout se joue entre la voix et la batterie. Pour le chant faudra attendre car Fred nous place son solo juste en début, avant même que le morceau ait commencé. L'on se demande ce qu'il fait, il semble qu'il joue depuis le dessous des caisses. Un presque rien, un frisson comme un cliquetis d'écailles de crocodile endormi qui se dressent sous l'effet du soleil. Et puis le saurien s'éveille et lourdement, patte après patte, a l'air totalement azimuté, mais ces coups de gongs ensablés qui retentissent à intervalles irréguliers portent leur part de menaces sous-jacentes. Sait où il va le Fred. Vers un maximum d'intensité, et le reptile aquatique se rue sur vous, referme sa mâchoire sur votre jambe, vous emporte et plonge d'un immense bond dans un jaillissement de geysers sonores au fond de l'abîme, et tout redevient dans l'ordre lorsque sur trois derniers roulements Steph reprend l'intro vocale habituelle du morceau. Couverte par les rugissements de plaisir du public qui comprend qu'il vient d'assister à un rare instant de perfection absolue.
C'est qui pose la question qui dérange. « Eh Richard montre-leur que l'on n'a pas obligatoirement besoin d'une contrebasse dans un groupe de rockabilly ! ». Et dans son perfecto noir, foulard rouge autour du cou Richard s'exécute. Il y a tout de même deux heures qu'il est en train de nous boucaner des lignes de basse à griller tous les saints de la terre. L'on n'y a pas trop porté attention, parce que la basse c'est comme les fondations de la maison. Enlevez-les et la baraque ne tient plus debout et tout le monde déplore leurs absences. Remettez-les en place et plus personne n'en a cure. Aussi parce que l'on ne voit que son sourire, prend un pied pas possible à regarder le public déchaîné et les danseurs qui guinchent un rock plus près du tango que de l'acrobatique. Doit y avoir une sacrée salle de danse dans les environs car certains couples se la jouent un peu répète-film-compétition-et-créativité.
Sont beaux à voir, mais je préfère encore écouter Richard. Sur l'injonction de Steph, il nous envoie une gâterie de trente secondes qui met la foule en joie, allant jusqu'à scander son nom. Richard c'est un peu la cheville irremplaçable. Il fonde le son et n'en tire aucune gloire. Davantage soucieux de servir les copains que de miser sur leur prestation pour se mettre en avant.
La patronne monte sur scène, le festival Garçon La Note – toute une série de concerts dans les bars – se clôt sur cette dernière prestation rockabilly. Snif ! Snif ! La municipalité responsable de ses ouailles impose l'extinction des feux à vingt-trois heures ( non, je me suis pas trompé ) pile. Ca rouspète comme des putois, et l'on obtient un dernière combustion : Ignition qui possède le goût amer des temps qui ne reviendront plus.
Les Hoop's descendent de leur estrade, finis, lessivés, carbonisés. Ont tout donné et le public a tout pris. Les félicitations pleuvent sur les musicos. Un concert mémorable.
RETOUR A LA MAISON
Dans la voiture suis obligé de supporter l'intarissable bavardage de ma compagne : « T'as vu, Steph ce charisme, cette classe, cette manière d'établir le contact, un vrai showman, et Richard un véritable look de bad boy, très rock'n'roll, et... » Je coupe car je ne veux pas me faire du mal. Je me sens seul, c'est la teuf-teuf qui me remonte le moral « je ne te dis pas où je t'emmène la semaine prochaine, mais je suis sûr que ça va te plaire ! »
FEUILLETON HEBDOMADAIRE
CHRONIQUES VULVEUSES
EPISODE 1
Avis au lecteur : toute ressemblance avec des situations vécues et des personnages réels ne saurait être due au hasard. Tous les faits rapportés dans cette oeuvre narrative à enrobage littéraire affirmé sont tirés de la réalité la plus triste, les documents officiels de la justice et de la gendarmerie sont là pour en apporter la preuve définitive.
1
Le Chef du SSRR ( Services Secrets du Rock'n'Roll ) n'a pas l'air de bonne humeur. Me désigne la chaise du doigt : « Pour une fois que vous êtes ponctuel ! Je tiens à vous préciser cher agent Damie Chad 009891, c'est que si l'on fait appel à vous c'est que dans l'urgence de la situation nous n'avons personne d'autre à mettre sur le coup. Mais méfiez-vous, c'est de la nitro sans coque de protection. A priori, cette affaire ne nous concerne pas, mais vous connaissez notre devise ?
-
Oui Chef, Sex, Drugs and Rock'n'roll !
-
Parfait Damie, je vois que vous faites des progrès. Ce coup-ci ce n'est ni une affaire de stup, ni de musique. Nous touchons au premier rayon de notre domaine – celui des affaires les plus poisseuses, soit dit entre nous – au Sexe, mais prenez d'abord connaissance des notes rédigées par nos services, et revenez me voir, pour fixer les termes de la mission. »
-
Oui Chef, bien Chef, tout de suite ! »
2
Me suis installé dans la petite pièce attenante un peu inquiet. Si le Chef ne m'a pas laissé sortir de son bureau sans m'offrir son fond de bouteille de sky, ce n'est pas par gentillesse, il a jugé que la lecture de ce dossier explosif nécessitait au préalable un petit remontant. D'une main fébrile je déchirai l'épaisse enveloppe ultra-secrète.
DOCUMENT 1
Emanation : service de documentation : bureau de paléontologie du Musée Anthropologique.
Rédaction : note secrète rédigée par les deux plus grandes sommités, en la matière paléontologique, de la Nation à la demande expresse du SSRR.
Texte :
L'Homo Préhistoricus était un joyeux drille. Revenu tout content de sa chasse quotidienne un cuissot de Tyranosaurus Rex abattu à coups de massue sur son épaule, il s'adonnait alors à une de ses activités ludiques ( néanmoins naturelle ) préférées : la procréation nécessaire à la survie de sa tribu. Il s'emparait pour cela de la première femelle qui passait à sa portée et ne la relâchait qu'après lui avoir fait subir les derniers outrages dans un coin sombre et retiré, comme par exemple une grotte.
L'Homo Préhistoricus était un prédateur sexuel, un véritable tigre altéré de foutre et autres sécrétions intimes. Lorsque l'accouplement était achevé, tels les pilotes de chasse qui durant la première guerre mondiale dessinaient une croix sur la carrosserie de leur coucou pour tenir le compte de leurs victoires, il gravait sur la paroi des grottes, le tronc des arbres, ou sur de simples cailloux, le signe évident de son exploit, à savoir une vulve stylisée : voir dessin si contre : ( l ) censée signaler à la postérité l'accomplissement de ce qu'aujourd'hui nous nommons pudiquement le devoir conjugal.
L'on retrouve de ces vulves un peu partout sur tous les continents. Nous sommes à même de proposer une explication psychologico-scientifique sur le fait que très souvent, mais pas systématiquement, le signe vulvaire est accompagné de traces de mains peintes en rouge. L'on a émis les hypothèses les plus farfelues pour expliquer cette présence en apparence mystérieuse. Nous pensons que lorsque l'Homo Préhistoricus chatouillait le clitoris d'une femelle qui avait ses menstrues, sa tâche finie il appuyait à plusieurs reprises sa main sur la paroi de la grotte afin de s'essuyer le plus rapidement possible.
DOCUMENT 2
Emanation : Service Anti-Terroriste.
Rédaction : Bureau : Analyse et Prospectives.
Texte :
Depuis quelques mois la France se voit soumise à une menace terroriste de Niveau 10, le plus haut degré jamais atteint dans notre pays. Des promeneurs innocents ont à plusieurs fois rapporté les mêmes informations dans les gendarmeries locales de notre hexagone. Tous les témoignages concordent : sur des lieux jusque-là vierges de toute inscription, du jour au lendemain l'on retrouve pléthore de signes vulvaires et de mains rouges.
Une minutieuse analyse chimique des modes de gravure et des pigments employés s'est révélée formelle : tous ces signes ont été produits à l'aide de technologies avancées et appliqués à l'aide de produits industriels les plus modernes.
Dans un premier temps nous avons pensé à des débordements libidineux de collégiens acnéiques, mais la prolifération de tels signes un peu partout nous a paru suspectes d'autant plus que certains pays étrangers commencent eux-aussi à être touchés par le phénomène.
Il s'agit donc d'une menace d'un type nouveau : une entreprise de déstabilisation psycho-culturelle de la Civilisation Européenne menée à des fins subversives par un groupe de fanatiques prêts à tout pour imposer leurs vues criminelles.
Après avoir mis nos plus fins limiers sur la piste, nous sommes en mesure d'affirmer que nous avons réussi à identifier la tête pensante de cette organisation criminelle d'un type nouveau que dans nos dossiers nous désignerons désormais sous le nom de code : La Conjuration Vulvaire.
Identification : Claudius De Cap Blanc / Zéro rue de l'Usine / 09 350 Le Mas d'Azil /
3
Je n'ai pas eu le temps de lire la suite. La porte s'est ouverte et le Chef est apparu dans le nuage de fumée de son cigare proverbial ( Coronado N° 4 ) :
« Agent Chad, vous avez compris la gravité de l'affaire, vous filez séance tenante sur l'azimut 09 : Ariège, Le Mas d'Azil !
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Bien Chef, est-ce que je peux emprunter une grosse cylindrée pour m'y rendre au plus vite ?
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Bien sûr, agent Chad, tout est prévu, l'équipe garage est en train de vérifier le niveau d'huile de la teuf-teuf mobile.
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Euh... il me semblait que la Lamborghini Aventador jaune à pois roses serait plus appropriée au niveau de l'affaire et...
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Exécution immédiate !
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Oui Chef, bien Chef ! »
4
Et voilà pourquoi cinq minutes plus tard je fonçais sur la Nationale 20 à toute allure au volant de la teuf-teuf mobile.( A suivre ).
FIN DU PREMIER EPISODE
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29/08/2013
KR'TNT ! ¤ 153. MICK FARREN / OBSCURITONES / JUKE JOINTS BAND / LAS VARGAS
KR'TNT ! ¤ 153
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
29 / 08 / 2013
RIP MIK FARREN / OBSCURITONES ( + GHOST HIGHWAY + CARL & THE RHYTHM ALL STARS ) / JUKE JOINTS BAND / NUMBER NINE / RED HOT BLUES CARAVAN /GOLDEN SWING / HARMONICA BEAN / LAS VARGAS / FRENCH BLUES EXPLOSION |
EDITO Même les vacances des rockers ont une fin. Ce qui est unE des plus terribles catastrophes que l'humanité ait connu depuis la disparition des dinosaures. Bref si les Dieux du rock nous le permettent, c'est reparti jusqu'en juillet 2014. Keep Rockin' Till Next Time ! |
UN FAMEUX PHARE : MICK FARREN
Fin juillet, Philippe m'envoie un message laconique : RIP Mick Farren. Même si on s'habitue petit à petit à l'idée que bon nombre de nos héros vont disparaître dans les prochaines années, le choc est rude.
Mick Farren fait partie des vieux compagnons de route. Il restera pour nous tous l'un des principaux acteurs de la légende du rock anglais. Comme Lemmy, il est resté fidèle toute sa vie à son image de rocker intraitable issu de l'underground londonien. Si vous voulez faire autorité, un bon conseil, évitez de tourner à tous les vents comme une girouette.
On connaît le leader des Deviants, le prestigieux journaliste du NME, mais connaît-on vraiment l'écrivain ?
Depuis les années soixante-dix, l'époque où Mick Farren donnait au NME des articles d'anthologie, je le considère comme l'un des très grands écrivains de langue anglaise. Son autobiographie «Give The Anarchist A Cigarette» fourmille d'aphorismes. On s'en régale autant que de ceux d'Oscar Wilde, de Jules Renard, de Cioran ou de La Rochefoucauld. C'est précisément à la qualité de certaines maximes qu'on reconnaît les grands écrivains. Comme chacun le sait, rien n'est plus difficile que de faire court. Voici quelques exemples piochés dans cette autobiograhie bien dodue (qui n'est hélas pas traduite en français). Mick Farren s'est souvent trouvé dans des situations extrêmes, combats de rue ou émeutes lors de concerts. Voilà comment il évoque le souvenir d'une rixe quelque part au fond d'une campagne anglaise : «Courage is not in contention when you are outnumbered ten to one by drunken farmhands.» (Vous pouvez vous permettre d'oublier ce qu'est le courage quand vous faites face à des ouvriers agricoles ivres et dix fois plus nombreux que vous.) Ailleurs, Mick Farren retrace son parcours d'activiste londonien : «This may sound elitist, but I considered myself part of an elite, the craft brotherhood of propagandists.» (Cela peut sembler prétentieux, mais je me considérais membre d'une élite, celle de la confrérie artisanale des activistes.)
L'une de ses autres spécialités : les longues phrases bien imagées. Il pratiquait l'art de bâtir en quelques lignes une séquence qui résumait avec brio une situation particulièrement épineuse : «Boss found me, fed me with chocolate milk, then took me to where my stuff was stashed and had me in a cab to the airport in a blazing psychedelic dawn - as orange as the tab I'd swallowed. The Flying Zombie was on Air Canada to Heathrow, via Montreal. I didn't want to go home because I wasn't sure I had one, but what else could a poor boy do ?» (Boss m'a retrouvé, il m'a gavé de chocolat au lait, m'a conduit là où se trouvaient mes affaires et m'a jeté dans un taxi à destination de l'aéroport, alors que le soleil enflammait le crépuscule - un ciel psychédélique aussi orange que l'acide que j'avais pris. Le Zombie Volant se retrouvait sur un vol Air Canada en partance pour Heathrow, via Montreal. Je ne voulais pas rentrer chez moi, car je n'étais pas sûr d'avoir un chez moi, mais qu'est-ce qu'un pauvre mec pouvait faire d'autre ?) (except to sing in a rock'n'roll band - Street Fighting Man). Mick Farren fut aussi un gros consommateur de drogues et de d'alcool, comme nous l'étions tous dans les seventies. Ses mémoires fourmillent d'informations précises. Au détour d'un chapitre, on tombe sur ce genre de chose qu'on pourrait qualifier de réflexion groovy : «Drunks are always sorry for themselves and I was definitely no exception - poor me, poor me, now poor me another.» (Les alcolos s'apitoient toujours sur eux-mêmes et je ne faisais certainement pas exception à la règle : pauvre de moi, pauvre de moi, bon, remets-moi un coup.) (Farren joue énormément avec les mots - poor-pour. Son style est essentiellement musical, bien rythmé, exactement comme le beat d'un standard garage). Pendant toute sa vie, Mick Farren s'est situé dans le camp des rebelles et des marginaux. Rien d'étonnant à ce que son premier groupe s'appelle les Social Deviants. Voilà le testament d'un activiste révolutionnaire : «I'll go to my grave believing that all revolutionary aspirations inevitably come with a high degree of unreality and seductive self-deception.» (J'emporterai avec moi dans la tombe cette idée que toute aspiration révolutionnaire est à la fois profondément irréaliste et agréablement décevante.)
Bien évidemment, ce sont aussi les portraits flash qui font la grandeur enivrante de «Give The Anarchist A Cigarette». Il y évoque les gens qu'il admire, Dylan, Syd Barrett, le MC5, Hendrix, Nick Kent, Wilco Johnson, les Pretty Things et Gene Vincent. Comme beaucoup d'Anglais de sa génération, Mick Farren fut émerveillé par le premier concert de Dylan à l'Albert Hall. Il dresse dans son livre un portrait de Dylan qu'il faut bien qualifier de définitif. Voilà deux lignes extraites de ces pages magiques : «Still only in his mid-twenties, Dylan was being lauded by the hipsters of the world like the Second Coming of Jesus Christ on a Harley.» (Il n'avait que 25 ans et aux yeux de tous, Dylan c'était le Christ qui se réincarnait une seconde fois et qui déboulait en Harley). Il rend aussi hommage à ses amis et vétérans proto-punk, les Pretty Things : «Whereas the Stones cultivated a similar unkempt, Neandethal danger, they still had Brian Jones and Mick Jagger, cute as hell, no matter how they scowled and snarled. The Pretties, on the other hand, were much more convincing cavemen.» (Même s'ils affichaient des mines renfrognées et qu'ils grognaient, Brian Jones et Mick Jagger plaisaient énormément aux filles. Les Stones cultivaient un look débraillé et néanderthalien. Mais dans le genre, les Pretties étaient infiniment plus convaincants.»
Pour les gens qui ont la chance de lire l'Anglais, les textes et les livres de Mick Farren sont du pain béni. On y trouve tout ce dont on a besoin : la qualité du style, les infos de choix et le parfum de légende. Chez Mick Farren, on se sent en sécurité (choisis ton camp, camarade).
Mais pour ceux qui n'ont pas cette chance, c'est dramatique, car ils passent à côté de l'une des vraies voix du rock et le diable sait s'il faut de la crédibilité dans ce domaine. Nick Kent, Yves Adrien et Mick Farren la servaient sur un plateau d'argent. Aujourd'hui, il faut se contenter de ce qu'on nous propose. (Aragon : Tout le monde n'est pas Cézanne - Nous nous contenterons de peu - L'on pleure et l'on rit comme on peut - Dans cet univers de tisane).
Voici deux ans, on m'a donné le feu vert pour traduire le «Gene Vincent - There's One In Every Town» de Mick Farren (merci Dom). Je considérais ce petit ouvrage comme une bible. Je l'avais lu et relu et j'en savourais chacune des formules ciselées par ce diable d'auteur. Il n'existe pas de plus bel hommage à Gene Vincent et je trouvais choquant que ce livre ne fût pas rendu accessible aux fans de Gene qui ne lisent pas l'anglais. Et là, pour mon premier travail de traduction, je suis entré dans le lagon d'un style, celui de Mick Farren, dans le flux de ce style proprement paradisiaque et je peux vous affirmer qu'il rivalise d'élégance et d'intelligence littéraire avec n'importe quel grand écrivain de langue française, de Gide à Stendhal en passant par Guy Debord et Léautaud. Mais vous n'aurez avec cette traduction qu'une version édulcorée de l'original. Le travail de traduction est une effrayante besogne de retaillage et de replâtrage et on redoute à tout instant de perdre ce qui fait l'essence même du texte original : son énergie. Quand Mick Farren décrit l'aura de Gene Vincent, il trie ses mots sur le volet. «His corpse pale face was framed, Dracula style, by the upturned collar of his leather jacket, and a sweat soaked bunch of grapes had collapsed on his forehead.» (Le col relevé de son blouson de cuir noir encadrait un visage cadavérique, aussi blanc que celui de Dracula et des mèches trempées de sueur s'écroulaient sur son front.) Ici, son style est purement cinématographique, pire encore, cinétique. Il a la lenteur persévérante et menaçante d'un Eisenstein. Il manie le langage des racines comme personne. Pas surprenant que les Deviants aient été sous sa houlette le groupe phare de l'underground londonien, car personne, excepté Yves Adrien, n'a autant que lui cette perception de l'indicible, ce sens précis du rock. Et dans ce bréviaire hallucinant, les références cinématographiques coulent comme la rivière sans retour : David Lynch (Wild At Heart), Paul Newman (Left Handed Gun), Robert Mitchum (Night Of The Hunter), Kirk Douglas (Paths Of Glory), Marlon Brando (The Wild One), Laurence Olivier (Richard III). Les trois dernières lignes sont magnifiques, beaucoup trop magnifiques : «I hope Gene is never forgotten because, apart from turning my own life around, any future which denies him a place in the annals of rock n'roll will be a time when the music has become so pallid and meanningless it won't be worth a damn.» (J'espère qu'on se souviendra toujours de Gene. Mis à part le fait qu'il ait changé ma vie quand j'étais jeune, j'espère que plus tard on lui gardera sa place dans le rock'n'roll. Si ça ne devait pas être le cas, parce que la musique perd son jus et qu'elle perd son sens, alors le rock ne vaudrait plus un pet de lapin.)
Et bien sûr, quand j'ai vu que Damie en avait chroniqué la version originale (et de quelle manière exemplaire - livraison n°28 du 18/11/2010 - «C'est un livre de fan. De la première heure», écrit-il, avec au passage un clin d'œil à Rimbaud et un autre à Pierre Louÿs), j'avais été très impressionné : quelqu'un avait pris la peine de lire ce chef-d'œuvre et d'en recommander la lecture... Il faut dire que la situation n'est pas banale. En gros, on se retrouve avec un objet sidéral entre les pattes : un mythe qui écrit sur un mythe.
La bibliographie de Mick Farren ne s'arrête pas à ces deux brillants ouvrages, loin de là. Il s'est aussi penché sur le cas d'Elvis, de Jim Morrison et sur celui des amphétamines (son dernier ouvrage : Speed-Speed-Speedfreak - A Fast History Of Amphetamine). Il a aussi publié des romans de science-fiction, mais comme c'est un genre qui ne me parle pas, je n'ai jamais pris la peine d'en ouvrir un. Il existe aussi un ouvrage intitulé «The Black Leather Jacket» richement illustré (avec une couverture tendue d'une matière censée rappeler le cuir) qui retrace l'histoire du cuir noir à travers le XXe siècle (depuis les pilotes de chasse allemands de la première guerre mondiale jusqu'à Sid Vicious, en passant par Marlon Brando).
L'écrivain, oui, mais aussi et surtout le journaliste. On tenait ses articles pour paroles d'évangile. Il s'est élevé d'un coup d'aile de démon à la dignité de bretteur haut de gamme du rocking language. Dans un texte considéré par les connaisseurs comme l'une des tables d'émeraude de la légende du rock et publié par Mojo sous le titre «We mean it, maaan !», Mick Farren évoque le souvenir de cette période faste où Pretty Things et Deviants écumaient les scènes de la vieille Angleterre : «Whatever, an alliance was formed and we started being booked round the country as one of the most mayhem-prone double bills ever to grace a stage, often with Steve Took, Viv Prince and even Legs Larry Smith in additional attendance. A new venue, a new outrage: Twink pelting the crowd with eggs at Chelsea College, madness in Parliament Hill Fields, a scrubber orgy in the top balcony of Newcastle City Hall while Pink Floyd closed the show, and all the while the redoubtable Boss Goodman attempted to keep the gear functioning, preparing for the percussion uprising that was inevitable when some jobsworth pulled the plugs. Those shows with The Pretty Things were close to life savers at times, something to look forward to when the drudgery of the road torpedoed our spirits, and hangover, cold, exhaustion, the need to get laid or just cop some mandies and go to sleep made one more round of the hoarse and ragged vitriol snarl nothing more than an unwelcome chore at the end of a 200-mile drive». (On a fait alliance et on est devenus en Angleterre la double affiche la plus chaotique qu'on pût imaginer, avec souvent Steve Took, Viv Prince, et même Legs Lerry Smith en prime. À chaque concert, un nouveau scandale : Twink qui balançait des œufs dans le public au Chelsea College, chaos total à Parliament Hill Fields, une orgie avec des putes au balcon du Newcastle City Hall alors que le Pink Floyd finissait la soirée, et pendant ce temps, l'increvable Boss Goodman veillait à ce que tout fonctionne et préparait les percus pour le cas où quelqu'un nous coupait le courant. Ces concerts avec les Pretty Things étaient de nature à réveiller les morts. Avec les gueules de bois, le froid et la fatigue, la vie en tournée nous mettait complètement à plat. On ne pensait plus qu'à une chose : prendre un mandrax et aller se coucher. L'idée de remonter sur scène et de s'égosiller après un trajet de trois cent bornes nous semblait surhumaine.)
Mick Farren est rentré en Grande-Bretagne en 2011 pour des raisons de santé. Chaque mois, il donnait une chronique au magazine anglais Classic Rock. Par exemple, ce gros article sur Elvis, à l'occasion d'une réédition (The Young Man With The Big Beat) : «Impossible de dissocier l'impact d'Elvis de sa légende. Le monde entier écoutait Perry Como et soudain Elvis débarquait avec le rock'n'roll, comme s'il servait la révolution sur un plateau. L'heureux événement avait des rouflaquettes, une guitare Sears Silvertone et une voix qui allait changer le monde et préparer le terrain pour Hendrix et les Who.» (Novembre 2011). Ailleurs, il descend l'album de reformation du Jefferson Airplane paru en 2011 (flight cancelled - vol annulé), mais il rend hommage à l'Airplane des débuts : « On a oublié qu'à l'époque, l'Airplane, qui disputait au Grateful Dead le titre de meilleur groupe psychédélique de San Francisco, rivalisait aussi de ferveur révolutionnaire avec le MC5. Ces gens-là chantaient fièrement : 'Tous contre le mur, motherfuckers !', et leur album 'Volunteers' était interdit dans toutes les radios d'occident.» (Mars 2012). Pour la réédition (et le 40e anniversaire) d'«Electric Warrior», Mick Farren rend un hommage vibrant à Marc Bolan : «En réécoutant cet album, on réalise à quel point Marc Bolan était bon. Bien sûr, il ne s'est pas gêné pour pomper les autres - de Bob Dylan à Eddie Cochran en passant par Howlin' Wolf - mais beaucoup de temps s'est écoulé depuis lors et ça n'a plus vraiment d'importance.» Plus loin : «La bonne nouvelle, c'est que ça sonne toujours aussi bien.» (Mai 2012). Dans le même numéro, il salue la parution du livre de Pat Long consacré à l'histoire du New Musical Express, «The History of the NME» et il conclut ainsi : «Tout au long de l'ouvrage, l'auteur revient inlassablement sur un point : l'alcool. C'est vrai que les journalistes du NME, dans leur grande majorité, ne crachaient pas sur les drogues, mais il apparaît aussi qu'à toutes les époques et quel que fût leur âge, ils buvaient comme des trous. Essaierais-tu de nous faire passer un message, Pat Long ?» Pour la réédition des quatre albums des Small Faces, le magazine octroie généreusement une double page à Mick Farren. Et là, son génie journalistique explose littéralement à la figure du pauvre lecteur : «Ils ont toujours su garder leurs racines urbaines. Alors que Pete Townshend s'enfonçait dans ses délires angoissés et que Jagger et Richards se prenaient pour des dandies de la Régence ou des troubadours de l'ère élisabéthaine, les Small Faces restaient égaux à eux-mêmes. Ils étaient au début les Bash Street kids sous amphètes, ils sont devenus ensuite les Bash Street kids sous acide. Ils ne mettaient pas le cap sur le cœur du soleil - set the controls for the heart of the sun - non, il mettaient le cap sur Mile End Road.» Et plus loin, à propos de l'album «Ogden's Nut Gone Flake» : «Le reste de l'album - notamment 'Lazy Sunday', 'Afterglow (Of Your Love)', 'Rene' et 'Happy Days In Town' - sont des classiques issus de la grande époque du trip sous acide. 'Ogden's' a marché alors que les Stones se vautraient avec 'Their Satanic Majesties Request'. Encore une fois, quelle que fût l'altitude à laquelle ils planaient, les Small Faces savaient exactement d'où ils venaient. 'Lazy Sunday' et 'Itchycoo Park' étaient crédibles car ces deux hits illustraient parfaitement la vie d'un mec qui bossait toute la semaine sur la chaîne de l'usine Ford à Dagenham et qui prenait un acide le week-end. Même complètement défoncés, les Small Faces sonnaient juste, à la différence des autres.» (Juin 2012) . Dans le même numéro, Charles Shaar Murray, vieux compagnon de route de Mick Farren, chronique un concert de reformation des Deviants au Borderline. «Monsieur Farren, dont l'afro est remplacée par une crinière écroulée à la Charles II, roule des hanches et met un certain temps à se chauffer mais il finit par sonner comme George Melly ou Alex Harvey.» Ironie du sort : c'est sur cette même scène du Borderline que Mick Farren va s'évanouir un an plus tard. Comme Molière, il aura su échapper à une mort ordinaire au fond d'un lit.
Mick Farren ne s'intéresse pas qu'aux légendes du rock. Il se penche aussi sur les cas de groupes californiens comme Death By Stereo qu'il situe dans le trash-metal punk : «Okay, 35 ans ont passé depuis la formation des Ramones et des gosses médisants auraient tendance à voir Death By Stereo comme un groupe rétro. Pas moi. Je trouve ça bien qu'ils soient toujours là et qu'ils naviguent sous le pavillon noir.» (Juillet 2012). Quand PiL sort son nouvel album «This Is PiL», Mick Farren lui tombe dessus, comme l'aigle fond sur sa proie : «Alors, après vingt ans d'absence, qu'est-ce que PiL nous propose ? Un disque décevant.» Et plus loin : «Le morceau 'One Drop' est un blue beat à la sauce Portobello Road assez plaisant, mais quand j'emploie le mot plaisant pour John Lydon, ce n'est pas vraiment à son avantage.» Il conclut ainsi : «On sent à l'écoute qu'ils n'ont pas beaucoup travaillé sur cet album. Peut-être que la notion de travail est ennuyeuse, mais s'il te plaît, ne me frappe pas, John, je dis ça uniquement pour ton bien.» (Août 2012). Il salue la réédition des derniers albums de Nick Cave, notamment «Dig Lazarus Dig!!!» : «Dans un monde où la médiocrité gagne sans cesse du terrain, Nick Cave continue de faire un rock intelligible et intelligent.» (Août 2012). Son coup de chapeau à Jerry Lee ne passe pas inaperçu : «Sa légende surpasse largement celles de Keith Moon et de Keith Richards.» (Novembre 2012). Dans le même numéro, il salue la parution de l'album «Tempest» de Bob Dylan : «Les choix musicaux illustrent sa très longue carrière - blues électrique à la Chess, western swing et rock'n'roll classique - et les meilleurs musiciens du monde l'accompagnent. Le son des accordéons et des violons renvoie aux Cheftains et même aux Pogues. Voilà Dylan, qui est passé des clubs de folk aux stades, sortant de son chapeau de magicien le meilleur rock de l'histoire.» Mais cette chronique prend une tournure particulière. À travers l'examen minutieux des morceaux de l'album, Mick Farren observe la fin de parcours d'un homme qu'il vénère depuis toujours : «Le dernier morceau, 'Roll On John' est un hommage à John Lennon, mais aussi probablement un regard sur la vie après la mort où Dylan finira par le retrouver (Comme nous le ferons tous). Quand Johnny Cash se préparait à mourir, il empruntait des chansons à Nick Cave et à Trent Razor. Dylan, lui, se débrouille tout seul. Il voit approcher la mort et en fait une chanson pour nous en parler.» C'est là que Mick Farren met le turbo : «Mais que pouvait-on attendre d'un tel disque ? Dylan a toujours eu deux longueurs d'avance sur tout le monde. Il y a cinquante ans, il a brûlé les étapes en passant de Buddy Holly à Woody Guthrie, puis directement à 'Like A Rolling Stone', donnant au rock l'occasion inespérée d'atteindre une nouvelle dimension : celle du contenu. Il fit découvrir la marijuana aux Beatles et se fit l'apôtre de la culture de la drogue via 'The Gates Of Eden', nous précipitant tous dans un no-man's land à la William Burroughs, une zone réelle hantée par des freaks, des dingues et des filles sans cœur. À certaines époques, il disparaissait, où entrait en religion, mais il revenait encore plus puissant qu'avant avec des albums comme 'Blood On The Tracks', 'Street Legal' ou 'Time Out Of Mind'. Maintenant, il est dans l'étape finale, la plus critique. Il est le premier rocker à oser regarder la mort en face et à témoigner de la façon dont il se prépare à mourir.» (Novembre 2012). Quand l'autobiographie de Pete Townshend paraît, Mick Farren se charge de la besogne : «Quand il évoque son enfance, il parle d'une période troublée avec son lot de problèmes relationnels et évoque vaguement le viol dont il aurait été victime. Ce traumatisme le rendra violent et irascible. Le côté drôle de cette histoire, c'est que lorsqu'il aura l'occasion d'exprimer cette rage en crevant ses colonnes Marshall, il fascinera toute une génération.» (Décembre 2012). Parution d'un coffret Motörhead : «The Complete Early Years Box Set». Il commence par détailler le contenu du coffret (Un Snaggletooth en plastique qui s'ouvre), puis il dénonce le scandale du prix élevé : 281,83 £. Pour lui, pas de doute, c'est une arnaque et il se demande ce qu'en pense son vieux compagnon de route : «Lemmy a-t-il validé cette arnaque ? Bonne nouvelle : non.» Puis il donne la parole à Lemmy (commentaire diffusé sur le site de Motörhead) : «Ça ne me plaît pas que la maison de disques vende un coffret aussi cher, surtout à une époque où les gens ont de grosses difficultés. Voilà le parfait exemple de la cupidité des maisons de disques : ils arnaquent nos fans en leur vendant un coffret hors de prix. Même si on gagne encore un peu de blé en vendant des disques, je ne serais jamais allé jusqu'à proposer un coffret aussi cher.» Et Mick Farren reprend la main pour conclure : «Si ça peut vous consoler une fois que vous avez lâché vos 281,83 £, les piles sont fournies.» (Les yeux du Snaggletooth clignotent) (Février 2013). Dans le même numéro, il salue bien bas le Révérend Horton Heat : «Les groupes et les musiciens comme le Révérend Horton Heat constituent la colonne vertébrale du rock'n'roll.» Plus loin : «Qualifier le Révérend Horton Heat de cowpunk ou de psychobilly, c'est un peu léger. Ce sont des hillibilly cats de haut vol. La Gretsch de Jim Heath ne sonne pas exactement comme celles des légendes - Scotty Moore, Cliff Gallup ou James Burton - mais ce n'est pas loin.» Mais il y a un mais... «Une seule chose empêche le Révérend Horton Heat d'aller jouer dans la cour des grands comme les Cramps ou les Bad Seeds : il ne prend aucun risque. Jim Heath est un showman remarquable, mais Lux Interior allait beaucoup plus loin. Dans le rock'n'roll, on apprécie les formules mais on espère toujours l'imprévisible.» Ailleurs, Mick Farren évoque les Plasmatics, rappelant au passage la connexion avec Lemmy et l'enregistrement du single qui a provoqué le départ d'Eddie Clarke. Il règle le compte de ce malheureux groupe en quelques lignes : «Quand Wendy s'est foutue en l'air - une balle dans la tête - en 1998, elle laissait un mot - 'Le monde n'a quasiment aucun sens'. La musique des Plasmatics ? Très mal produite. On ne conserve aucun souvenir de ce punk-rock métallique. Et c'était leur quatrième album.» (Mars 2013). Avec Mick Farren, il faut parfois s'attendre à de sacrées surprises. Vous saviez qu'il adorait Black Oak Arkansas ? «Est-ce que vous sauriez apprécier un groupe qui a enregistré une chanson intitulée 'I Want A Woman With Big Titties - je cherche une fille avec de gros nibards ? Est-ce que vous pourriez apprécier un groupe qui mélange le banjo avec la guitare psychédélique ? Pourriez-vous apprécier un groupe qui connaissait personnellement Elvis, mais dont le chanteur était un mélange d'Iggy, de Captain Beefheart et de crapaud du Mississipi ? Avec mes trois potes on adorait ce groupe mais on devait être les seuls en Angleterre. On passait le premier album en boucle, juste pour décontenancer les gens. Et Black Oak Arkansas était un groupe dérangeant - des Stooges hillibilly sortant des bois et tellement éclectiques qu'ils pouvaient sonner comme Alice Cooper sur un morceau et sur le suivant, comme The Band, un jour où ils auraient pris des mauvaises drogues.» (Mai 2013). Parution du nouvel album solo de Rod Stewart. L'aigle Farren fond sur sa proie : «Maggie May est une classique en or. Do Ya Think I'm Sexy une honte en platine.» L'aigle conclut : «Voilà une superstar qui se remet à composer après vingt ans d'absence et si on ne veut pas être trop méchant, on peut dire que son disque est médiocre. J'espère sincèrement que ce n'est pas le dernier mot de Rod.» (Juillet 2013). Dans le numéro d'août 2013, il signe la chronique d'une compilation Midnight Oil, un groupe qu'il n'aimait pas à cause du chanteur. Par conséquent, cette chronique n'a aucun sens. Est-elle la dernière chronique de Mick Farren ? Il faudra attendre le numéro de septembre de Classic Rock pour le savoir.
La carrière du rocker Farren est indissociable de celles de deux autres groupes : le MC5 et les Pretty Things (comme on l'a vu avec le texte paru dans Mojo).
Il fonde les Deviants en 1968. Ce groupe a occupé une place de choix dans la vitrine fantasmatique des adolescences caressées par les volutes bleutées du rock'n'roll. Au classement fantasmatique, ils arrivaient juste après les Pretty Things qui assénèrent mieux que quiconque les deux chocs primordiaux : le choc visuel et le choc sonique, avec leurs dégaines d'arsouilles des fortifs et leur rhythm'n'blues sauvagement enfuzzé. Comme Hawkwind, le Edgar Broughton Band et Third World War, les Deviants vont naître de ce chaos et poser les jalons pour les décennies à venir. Phil May eut très vite Mick Farren et les Deviants à la bonne.
Les Deviants virent le jour dans un endroit légendaire, un pub irlandais de Ladbroke Grove, The Artesian Well. Dans les Deviants, on trouve la crème de l'underground caverneux londonien : le fameux «Wild bunch», Russel Hunter, Duncan Sanderson et le canadien Paul Rudolph (qui remplace Sib Bishop, et qui sera remplacé à son tour par Larry Wallis, un peu plus tard). Le Wild bunch va se mutiner et virer Mick Farren pendant une tournée américaine pour former à leur retour en Angleterre les Pink Fairies Mark II (le nom de Pink Fairies sort d'une compression de Pink Fairies Motorcycle Gang And Drinking Club) (Pour la petite histoire, sachez que Mick Farren monta les Pink Fairies Mark I avec Twink, Phil Math, Georges Paoli des Pretty Things, Steve Peregrine Took et un black nommé Hech).
Nombreux furent ceux qui traversèrent la Manche pour aller voir les Pink Fairies sur scène au Marquee Club de Wardour Street. On ne pouvait pas rêver de concert plus mythique : des purs Deviants, mais sans Mick Farren, hélas. Seul Alice Cooper pouvait, à cette époque, rivaliser avec ces poids lourds du trash-rock, et bien que leur musique fût en grande partie classique au sens boogie du terme, on s'émerveillait de voir Russel Hunter s'évanouir en tombant à la renverse derrière sa batterie, dès le deuxième morceau du set. Les Fairies étaient tellement les maîtres du chaos que de continuer à jouer leur méchant rock allumé sans batteur n'avait pas l'air de leur poser de problèmes. Sanderson patatait sa basse Rickenbacker de plus belle et Larry Wallis, le visage masqué par d'énormes lunettes noires et une crignère de cro-magnon, saturait l'air de power-chords creveurs de tympans. Après eux, il n'était plus question de nous parler d'apocalypse ! Il faut dire que les Fairies avaient été à bonne école. Mick Farren fut spectaculairement visionnaire, d'une manière typiquement anglaise, un peu comme Bowie pendant une certaine période (de «Hunky Dory» à «Aladin Sane»). La petite différence avec Bowie (qui a mal tourné), c'est que Mick Farren est resté fidèle à sa chimère du rock révolutionnaire anarchisant en allant s'installer aux USA pour s'associer avec son alter-ego américain, Wyane Kramer, et lui écrire quelques chansons bien dévastatrices (qu'on retrouve sur les premiers albums solos de Kramer). (N'oublions pas que Mick Farren avait organisé le Phun City Festival en 1970. Il y avait invité le MC5, le seul groupe américain qui partageait ses idéaux subversifs, mais aussi William Burroughs et les Hell Angels londoniens avec lesquels il entretenait des relations de franche cordialité).
Le premier album des Deviants s'appelle «Ptooff!». La pochette est un poster qu'on peut déplier. On trouve sur cet album l'un de classiques ultra-légendaires du garage britannique, «I'm Coming Home» (un riff d'ailleurs pompé par Bowie pour «Jean Genie»). Mick Farren donne avec «I'm Coming Home» une suite plus qu'honorable au «Gloria» des Them. Il sait concilier montée d'adrénaline et psychédélisme abrasif, et plonger dans l'inconnu comme une sorte de pornographe menaçant : «I comin' home/ I comin' home home/ I comin' home/ I comin' home home/ Goin' walk down the street/ Goin' walk in your block/ Walk up to your door/ Push open your door/ Step inside your home/ Search in my hair/ See I'm looking good/ So gooood», copieuse intrusion suivie d'une véritable explosion de fuzz, «Comin' up your stairs», c'est aussi exubérant que la seconde qui précède l'éjaculation, c'est-à-dire l'envol de la fusée vers la galaxie des espaces inversés, «When I get inside/ When I'm gonna love you/ When I'm gonna hold you/ When I'm gonna kiss you/ When I'm gonna mmmmmm/ When I'm gonna mmmmmm». Les esprits chagrins insinueront que ce mouvement des hanches fuzzy vient tout droit de chez John Lee Hooker, et ils n'auront pas tort. Mick Farren porte simplement les choses à l'incandescence. Il reforge les couplets séculaires comme Thor forgeait jadis les destins à coups de marteau. Sid Bishop joue de la guitare sur les deux premiers albums des Deviants et il vire parfois au chamanisme psychédélique, alors très en vogue à l'époque. L'autre point de repère du premier album est un gros collage informel intitulé «Garbage» et où Mick Farren entraîne ses copains dans une succession d'hommages à Bo Diddley, au garage anglais et au Pink Floyd de Syd Barrett.
Le second album des Deviants s'appelle «Disposable» et propose des morceaux plus construits comme «Somewhere To Go», monté sur un riff de basse et doublé d'un son de guitare bien grassouillet. On les sent à la recherche du chaos. Vers la fin du morceau, la basse part en virée. À la fin de la face A, Mick l'anar propose d'aller piller un supermarché puis il attaque la face B avec une reprise des Rivingtons, «Pappa-Oo-Mao-Mao». «Slum Lord» est un nouvel hommage à «Gloria», monté sur les mêmes accords et le disque s'achève sans grosse surprise. Le troisième album des Deviants qu'on surnomme la bonne sœur sortira en 1978, soit neuf ans après son enregistrement. Mais comme le dit si bien Mick Farren dans la note qui accompagne ce disque raté, les Deviants étaient arrivés en fin de cycle : ils prenaient beaucoup trop de drogues et la vie en tournée avait détruit le groupe : ils ne pouvaient plus se supporter les uns les autres. Le seul intérêt de ce disque est le changement de ton avec l'arrivée de Paul Rudolph et donc du son qui assiéra par la suite la réputation des Pink Fairies. Son solo de fuzz surchauffé sur «Rumbling B(l)ock Transit Blues» annonce l'après-Deviants. Sur l'autre face, «Metamorphosis Exploration» se présente comme une grosse jam informelle typique de cette époque : les morceaux longs servaient uniquement de décors sonores aux trips en tous genres. John Peel nous avait avertis : les Deviants n'étaient pas si bons, mais Mick Farren était devenu son ami, aussi avait-il accepté de donner un texte pour la parution de «Ptooff!». Comme tout le monde, j'ai revendu des centaines d'albums, notamment ceux qui vieillissaient mal, mais pas ceux des Deviants. C'était hors de question. Je leur attribue encore aujourd'hui une grosse valeur affective.
Après ces trois albums, Mick Farren entame une «carrière» solo. Tout n'est pas bon, mais attention, certains morceaux sont véritables coups de Trafalgar.
Mick Farren en pinçait pour Bo Diddley auquel il va consacra quasiment tout un album : «Mona - The Carnivorous Circus». Ce Carnivorous Circus n'est pas ce qu'on appelle un grand disque, loin s'en faut, mais disons que Mick Farren fait partie des gens dont on pardonne les écarts. L'album propose deux reprise de «Mona», avec Twink aux drums et une reprise de «Summertime Blues» ruinée par un jeu d'orgue. La version de «Mona» qu'il faut écouter est la seconde, la plus longue, car on y entend une sacrée équipe de musiciens : Paul Buckmaster (qui a accompagné Bowie et Miles Davies) au violoncelle et Johnny Gustavson (Hard Stuff et Pirates) à la basse. Ils montent Bo en mayonnaise et ça donne une interminable version hantée. Même si on était déçu par l'album à sa parution, on revenait toujours à cette longue version de «Mona».
Happé par des tas d'autres occupations, Mick Farren disparaît de la scène musicale pendant des lustres. À la fin des seventies, il revient avec un album bourré de chansons à boire : «Vampire Stole My Lunch Money» (clin d'œil aux arnaqueurs des maisons de disques). On trouve là-dessus «Drunk In The Morning» et «I Want A Drink», grosse bouillasse boogie posée sur une bassline type «What'd I Say». Aucune originalité, mais quel débraillé ! Mais son coup de génie consiste à reprendre un morceau de Zappa, «Trouble Coming Every Day» pour le transformer en bombe garage, l'une des plus atomiques du siècle, et je pèse mes mots. Mick Farren s'y arrache la glotte, mais quelle énergie, quelle soif d'anarchie. On renoue avec la vraie soif de rébellion. Kick out the jams motherfuckers et Zo d'Axa, même combat ! Mick Farren porte le flambeau et il le fera jusqu'à la fin. Larry Wallis produit cet album superbe. «Bela Lugosi» vaut aussi le détour. C'est autre chose que Bauhaus. Mick Farren se prête merveilleusement au jeu. Il est magnifique de prestance boogaloo. Des folles envoient des chœurs de vierges effarouchées et Mick chante comme un ogre amphétaminé. «Son Of A Millionaire» sonne comme un classique des New York Dolls. Mick Farren chante ce boogie dollsy d'une voix bien rauque. Avec «People Call You Crazy», sa voix bascule par dessus bord et il se rapproche de Screamin' Jay Hawkins et des grands prêtres vaudou. Bref, tout est bon sur cet album.
En pleine vague punk, Mick Farren enregistre «Screwed Up» (sur Stiff) qui va devenir un single fétiche pour tous les amateurs de classiques hargneux.
Sur une compilation parue en 2003 («People Call You Crazy»), on trouve «Aztec Calendar», un talking-blues incendié de l'intérieur. La chose sonne comme un pur classique de rock anglais, racé, urbain, noir comme le cuir d'un biker, vivace et grommelé à l'angle d'une rue noyée dans le fog. On trouve aussi l'une des plus belles reprises de Dylan, «It's Alright Ma, I'm Only Bleeding». Farren fait couler sur l'épaisse structure bluesy un gros dégueulis de guitares savamment saturées. Dans tous les grands morceaux de Mick Farren, le background a quelque chose de seigneurial. Il semble que cet environnement musical d'une rare intensité ne soit réservé qu'aux grands de ce monde. Car enfin, on ne trouve pas ça ailleurs. Et on réalise, à travers l'écoute de cette reprise de Dylan, à quel point Mick Farren avait du génie. Pour lui, le son, c'était comme un texte : il fallait frapper l'imagination du lecteur ou de l'auditeur. Et Mick Farren était passé maître dans l'art de frapper les imaginations.
L'autre grande connection américaine de Mick Farren, c'est son amitié avec le couple Suzy Shaw-Patrick Boissel. En 2001, Boissel sort sur son label Total Energy une sorte de compile définitive intitulée «On Your Knees Eaerthlings!!!». C'est la compile idéale : son boosté, bon choix de morceaux, sauvagerie à tous les étages. On y retrouve la bombe «Trouble Coming Every Day», la reprise monstrueuse de Dylan («It's Alright Ma, I'm Only Bleeding»), des morceaux tirés de l'album «Disposable» comme «Jamie's Song», pièce bourrée de guitares ultra-grasses et dédiée à Jamie Mandelkau, écrivain canadien débarqué à Londres, devenu manager des Pink Fairies (c'est lui qui va faire venir Paul Rudolph à Londres) et qui au passage piquera la femme de Mick, Joy Farren. On trouve aussi sur cette compile une autre énormité signée Farren, une reprise de «Play With Fire» des Stones, parue en single en 1976. Et on retrouve ce gros son qui caractérise si bien le travail de Farren en studio. Il transforme cette pop-song en heavy blues toxique. Il chante carrément à l'arrêt et derrière les fille donnent des rondeurs avec les chœurs. C'est un subterfuge d'une classe effarante. Ils font un vrai carnage. On se retrouve avec un prodige de violence urbaine signé de la main velue du dandy des bas-fonds. Stupéfiant. Pas d'équivalent dans l'histoire du rock anglais. «Envy» est une petite galéjade sur les gros : «J'enviais Elvis. Il est devenu gros et il est mort. J'enviais Marlon Brando. Il est devenu gros et son fils est mort. J'enviais Jim Morrison. Mais ça s'est terminé dans la baignoire. Je n'envie plus personne. Les gros me gonflent. Et il y a trop d'enterrements.» On entend le public rigoler. C'est d'autant plus fort que Mick est lui aussi devenu obèse. On trouve aussi l'effarant «Lost Johnny» sur cette compile. Lemmy et Mick Farren sabrent le goulot du rock anglais. Le géant Farren pulvérise nos rêves farineux. Le géant des ténèbres nous sonne les cloches. Il nous refait le coup du Dylan amphétaminé. «Lost Johnny» fait partie des titres qu'il faut écouter. Aucune chanson de Mick Farren n'est innocente, qu'on se le dise. Cette compile fourmille d'énormités.
Une autre compile intitulée «Fragments Of Broken Probes» et sortie sur le label japonais Captain Trip propose des morceaux qu'on ne trouve pas ailleurs. Mick Farren chante «Outrageaous Contagious» à la manière de Beefheart, en ruminant ses syllabes. Il fait son cro-magnon. Larry Wallis et Paul Rudolph participent à cette sauterie. Mick Farren adore forcer cette voix qu'il n'a pas. Il tape aussi dans Phil Spector avec une reprise de «To Know Him Is To Love Him» : épouvantable. Mick Farren hurle comme le capitaine d'une frégate brisée par la tempête. Version superbe de «Broken Statue». Derrière Mick, ça joue. On retrouve cette ambiance d'émeute urbaine, avec les clameurs et les gros accords. On trouve à la suite une version live de «Half Price Drinks» extrêmement plombée. Ça s'écoute avec un plaisir renouvelé à chaque verre.
Patrick Boissel a aussi sorti «The Deathray Tapes» sur son label Alive en 1995. L'album est réservé aux inconditionnels de Farren qui ont la chance de comprendre l'Anglais. Farren lit ses texte sur fond musical. La perle de ce disque légèrement ennuyeux, c'est «Memphis Psychosis», long talking-blues embarqué sur un beat à la Bo Diddley.
Le fleuron de sa collaboration avec le couple Suzy Shaw-Patrick Boissel, c'est le texte qu'il a donné pour la parution d'un gros livre consacré à l'histoire du fanzine Bomp! Mick Farren y retrace l'histoire du rock d'une manière exemplaire et bien sûr, on bave en lisant ça. Pour tous ceux qui n'ont pas eu la chance de feuilleter le fanzine à l'époque où il paraissait, c'est l'occasion ou jamais de lire les articles que Greg Shaw consacrait aux Standells et aux Flamin' Groovies.
Que va-t-on devenir ? La disparition de Mick Farren, c'est un peu comme celle d'un chef de famille. On tourne la tête et que voit-on ? Un cimetière qui s'étend à perte de vue.
Signé Cat Zengler, l'enfariné.
The Deviants - Ptooff! Decca. 1967
The Deviants - Disposable. Stable Records. 1968
The Deviants - The Deviants 3 (la bonne sœur). Transatlantic Records. 1969
Mick Farren - Mona - The Carnivorous Circus. Transatlantic Records. 1970
Mick Farren and The Deviants - Screwed Up EP. Stiff Records. 1977
Mick Farren - Vampires Stole My Lunch Money. Logo Records. 1978
The Deviants - Human Garbage - live. Psycho Records. 1984
Mick Farren & Jack Lancaster. The Deathray Tapes. Alive Records 1995
Mick Farren & The Deviants. Fragments Of Broken Probes. Captain Trip Records - Japan. 1996
Mick Farren & The Deviants. On Your Knees Earthlings (1967-2001). Total Energy 2001
Mick Farren. People Call You Crazy. Sanctuary 2003
Ouvrages chaudement recommandés :
Mick Farren. The Black Leather Jacket. Réédition Plexus Publishing 2008
Mick Farren. Give The Anarchist A Cigarette. Pimlico 2002
Mick Farren. Gene Vincent: There's One In Every Town. Do-Not Press 2004 (traduit en français)
Mick Farren + Suzy Shaw. Bomp!: Saving The World One Record At A Time. Ammo Books 2007
Mick Farren. Speed-Speed-Speedfreak - A Fast History Of Amphetamine. Feral House 2010
Parc Expo de Tours, dans le 37. 6 juillet 2013
The Obscuritones. American Tours.
LA CLARTE DES OBSCURITONES
Parc expo de Tours, samedi 6 juillet. What a fournaise ! Aussi étonnant que ça puisse paraître, on s'est vraiment posé la question - est-ce qu'on est bien en France ? - en arrivant au «American Tours», une espèce de grande foire thématique organisée au parc expo tourangeau. On se serait cru dans le midwest américain.
Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de s'y rendre, voilà le topo : tous les cow-boys et toutes les cow-girls de France et de Navarre rappliquent dans ce parc expo pour se livrer aux joies de l'américanisme de choc. Vu l'affluence, on en déduit que ça marche très bien. Sacré concept. Jamais on aurait cru qu'il y avait autant de cow-boys en France. Pendant trois jours, on peut assister à des concerts de country-music et de rock springsteeno-skynyrdique, dévorer d'énormes hamburgers, s'acheter des colliers, des bagues, des bottes, des ceinturons, des chapeaux, des holsters, des fouets, des foulards, des couteaux, des éperons, des selles, des bois sculptés qu'on accroche au dessus de la porte d'entrée et tous les accessoires inimaginables du parfait cow-boy (sauf les scalps). On peut participer à des danses collectives et assister à des courses d'engins. L'affluence bat tous les records. On voit des milliers de femmes coiffées de Stetsons, les bras nus tatoués et souvent bardés de coups de soleil, en jupes et chaussées de santiags aux couleurs criardes. Et à leurs bras, des milliers d'hommes eux aussi bras nus tatoués, chapeautés et bottés comme s'ils sortaient d'un saloon de Nashville. Une odeur d'oignons grillés plane dans la fournaise.
Des milliers de bikers appartenant à des clubs basés dans tous les coins d'Europe se mêlent à cette foule ultra-américanisée. On voit des motos traverser la foule en roulant au pas. Rrrram-beu-beu-beuh... Elles battent tous les records d'énormité et de customisation. Les guidons sont tellement démesurés qu'on se demande comment font les motards pour atteindre les poignées. On voit principalement des Harleys et bien entendu, tous ces bikers portent du cuir noir, ce qui, par une température avoisinant les 50°C à l'ombre, est parfaitement indiqué. Les saloons sont pleins. Les tablées s'empiffrent. La bonne franquette règne partout. On voit des stands de restauration de toutes les tailles, dans tous les coins. Quel labyrinthe ! Des halls entiers sont remplis de tables. Jamais vu autant de boustifaille, autant de grosses bestioles rôtir en plein air. Un vrai délire carnassier.
Il ne manque plus que les coups de pétoire. On aimerait bien voir deux cow-boys se tirer dessus à bout portant, comme dans les vieux westerns en noir et blanc. Hélas, très peu d'entre-eux sont armés. Un peu plus loin, au campement indien, la cavalerie attablée fait bombance. Comme les nostalgiques de la Grande Armée, les cavaliers de l'US Army portent de vrais uniformes : veste bleu nuit, foulard jaune et pantalon bleu clair à large rayure jaune sur le côté, chapeau pour l'officier, casquette pour le soudard. Le tout en grosse toile bien chaude et veste boutonnée jusqu'au cou. L'autre cloche de Charlton Heston en porte une comme ça dans Major Dundee.
Mais qu'est-ce qu'on foutait là ?
On cherchait l'aiguille dans la meule de foin.
Quelque part dans l'un des nombreux halls de l'immense parc expo, un fin connaisseur avait organisé un petit festival de rockab. Pour le trouver, on a eu beaucoup de mal. Les Ghost Highway et les Obscuritones se partageaient l'affiche du samedi après-midi. Carl & the Rhythm All Stars jouaient le dimanche.
Dommage cher Damie que tu n'aies pas sauté en croupe et cavalé ventre à terre jusqu'à Tours. Tu te serais bien régalé avec le set des Ghost Highway. Un set en place, nerveux et tendu, deux reprises de Johnny Cash, un guitariste soliste classieux qu'on ne quitte pas de l'œil, un batteur à l'affût, un slappeur déterminé et un quatrième larron bien rôdé, que peut-on demander de plus ? On se prend un bon shoot de rockab, de quoi se calmer provisoirement. Hélas, on ne voyait pas beaucoup de monde dans la salle, ce qui semblait logique, vu l'heure : à 15 h, les gens attaquent le dessert.
Le lendemain, le set de Carl sera lui aussi du pain béni. Malgré une mise en place rendue compliquée par les gens de la technique, Carl va chauffer la salle en tapant dans l'impressionnante série de hits qui figurent sur ses trois albums. Il reste le grand spécialiste des montées en température. Quand Claude Placet part en solo sur «Slipped My Mouth», Carl saute en l'air et s'électrise. Il frappe si violemment des pieds que la scène tremble. Il frise l'apoplexie et revient rouge comme une tomate au micro. Ce mec incarne à merveille le mythe de la cocotte-minute qui menace d'exploser. Du grand art rockab. Une vraie burnetterie.
Ce fut aussi (et surtout) l'occasion de récupérer son fameux troisième album, «Drunk But Thirsty», introuvable à Paris. Zavez pas le dernier Carl ? L'affaire commençait à tourner à l'obsession. Allez sur le site de Wild Records, et vous entendrez le titre qui donne son titre à l'album : une pure merveille. (J'y reviendrai).
La grande surprise de ce petit festival vient des Obscuritones, belle brochette d'Anglaises et d'Anglais tapant dans le rockab et le swing avec une égale réussite. Pas évident de marier les genres, de moderniser un genre musical comme le swing qui passe pour vieillot. Mais les Obscuritones ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils parviennent à réinjecter toute l'énergie du swing dans leur set grâce à une subtile organisation : le trois fois deux. Imparable. Premier deux : la section rythmique. Rien à dire, drumbeat et slap rockab dans la meilleure tradition. Deuxième deux : deux filles au chant. Elles s'appellent Joanna et Gabriella, deux brunes incendiaires. On les voit sur la pochette de leur premier 45 tours sorti chez Rydell, label d'un angevin sympa et présent au stand où se vendaient les disques. Ces deux démones chantent et dansent pendant un set qui dure plus d'une heure. Elles assurent comme des bêtes. Voilà deux chanteuses fabuleusement impliquées, dignes des grandes stars de la comédie musicale américaine. Un vrai duo de choc. Grâce à elles, le set ne faiblit jamais. Elles prennent le lead tour à tour, ce qui donne à l'ensemble une incroyable vitalité. Et comme en plus le choix des morceaux est très varié, on ne s'ennuie pas une seule seconde. Spectacle idéal, frais, juteux, inspiré, légèrement exotique, extrêmement pro et rondement mené. Pas de temps mort chez les Obscuritones. Ils enchaînent les morceaux avec une fieffée ardeur. Joanna et Gabriella font les connes et se marrent bien. On croirait presque qu'elles viennent de Broadway et qu'elles ont chanté dans les revues à succès avec Liza Minelli. Cherchez bien, vous ne trouverez pas la moindre trace d'amateurisme chez elles. Elles chantent souvent en chœur et miment les paroles avec des petits gestes typiques du genre. Quand elles ne chantent pas, elles dansent. On peut dire que ça gigote sec sur scène.
Troisième deux : deux guitares, et oh la la , quelles guitares ! Hugh Byrne a une tête et une dégaine à jouer dans les Stray Cats. Sa demi-caisse verte ressemble à une Gretsch et ses tempes grisonnent. Ce mec joue des gammes des quatre doigts de la main droite avec une insolente vélocité. On sent le Setzer en lui. On sent surtout le vrai guitariste anglais, chez qui le rock est quelque chose de purement génétique. Il garde une serviette accrochée dans la poche arrière de son jean et essuie régulièrement le manche de sa guitare. Rappelons que nous sommes au fond d'un grand hall bien sombre et qu'il y règne une chaleur suffocante
De l'autre côté de la scène se trouve une petite brune marrante. Elle porte les cheveux longs, mais la frange sur le front est coupée très court. Elle gratte une guitare acoustique. Au début on ne fait pas trop attention à elle. On pense que c'est une copine des deux chanteuses venue là pour rigoler un coup. Mais elle gratte ses accords avec une telle ferveur qu'elle finit par capter l'attention. En plus elle bouge plutôt bien. Un vrai petit rock'n'roll animal. Elle ne quitte pas son collègue Hugh des yeux. Elle bat la rythmique pendant que Hugh balance ses gammes virtuoses. Elle apporte dans le son du groupe une densité réelle. Sa rythmique est bien drue, bien dense. Il faut dire que le rythme ne faiblit jamais. On assiste à une sorte de petit miracle : voilà un groupe anglais qui s'attaque à un genre purement américain, et ils se l'approprient. Environ à la moitié du set, la petite brune qui s'appelle Samantha Kidman change de guitare et passe à l'électricité. Le premier chorus qu'elle prend est spectaculaire : un phrasé bluesy bien gras et très court qu'elle place comme ça, en alternance avec ceux que joue Hugh. Avec sa guitare électrique, elle devient encore plus présente. L'interaction entre les deux guitaristes amène encore plus de jus au set. Comme s'ils tiraient l'overdrive. Voilà deux styles complètement différents qui ne s'affrontent pas. Bien au contraire, ça enrichit considérablement leur bazar.
Pour situer les choses et rester dans les burnetteries, ils démarrent leur set avec «Tear It Up» et balancent une version rutilante de «Rockabilly Boogie» vers la fin du set, au moment où ils mettent vraiment le turbo. Cette belle version de «Rockabilly Boogie» se trouve en face deux de leur premier 45 tours. Voilà ce qu'on pourrait appeler du vrai rockab avec un petit truc en plus (with a twist, comme disent nos amis d'outre-Manche). Les Obscuritones reprennent aussi le «Brand New Cadillac» de Vince Taylor (Ted Carroll clamait partout dans Londres que c'était le meilleur morceau de l'histoire du rock et d'ailleurs, c'est avec cet immense classique qu'il avait lancé son label Chiswick). La version des Obscuritones est solide, vivante, inspirée, pas très loin de la version des Clash. Les deux folles miment la conduite au volant avec leurs tambourins et dansent sur place. C'est à Samantha que revient le privilège de jouer la petite gamme de basse tendue sur sa guitare.
Hugh prend une fantastique version de «Mystery Train» au chant. Ce mec sait tout faire. Il chantera un autre morceau qu'on aurait cru sorti tout droit du premier album des Stray Cats, «Vapour Club Boogie». Pièce fiévreuse qui nous renvoie directement au temps béni où les Stray Cats débarquaient en Angleterre pour la première fois.
Ils réussissent l'une des concoctions les plus délicates qui soient. Wha-ouuuh ! Wha-ouuuh ! Il faut voir comment elles envoient «Jim Dandy» (vieux standard de LaVern Baker), et comment ça swingue ! Leur truc fonctionne à merveille. Ils sonnent juste. «Angel Eyes» qui est sur la face A du premier 45 est une jolie pièce tendue jouée en cocotte.
Il existe un album des Obscuritones, mais il va falloir compter sur la chance pour le choper. Sur scène, Hugh Byrne annonçait qu'ils avaient déjà vendu tout leur stock et il conseillait aux amateurs d'aller sur le site du groupe. Mais quand on va sur leur site, on ne trouve que du fucking téléchargeable. C'est donc un album fantôme. Alors on fera les choses à l'ancienne, on se contentera d'un single. Et puis pourquoi aurait-on besoin d'un album ? On sait très bien au fond qu'ils ne sont pas vraiment indispensables. Pire, ils sont longtemps restés superflus. Rappelez-vous : quand les maisons de disques ont découvert que les albums rapportaient plus, elles ont forcé les groupes à remplir des faces A et des faces B, alors qu'ils n'avaient que quelques morceaux, à peine de quoi remplir un EP. Tous les grands groupes anglais et américains sont passés à la casserole. À cause de ça, la plupart des albums des sixties sont remplis de filler.
C'est vrai qu'à la grande époque, on se passait très bien des albums. D'ailleurs, les amateurs éclairés ne perdent pas leur temps avec les albums. La pulpe du rock se trouve dans les singles.
Bref, si vous aimez bien claquer des doigts, allez voir jouer les Obscuritones.
Signé : Cazengler, l'obscur atone
The Obscuritones. American Tours. Parc Expo de Tours, dans le 37. 6 juillet 2013
The Obscuritones. Angel Eye/Roackabilly Boogie. Single. Rydell Records 2012
Sur l'illustration, de gauche à droite : Andrew, Samantha, Hugh, Phil. Devant : Joanna et Gabriella.
ROCK AND BLUES IN ARIEGE
I
MIREPOIX / LA CARDAMONE / 07 - 08 – 2013
NUMBER NINE / JUKE JOINTS BAND
Je ne sais pas si vous vous en êtes aperçu mais les anniversaires tombent généralement systématiquement chaque année à la même date. Même celui de Somen. Ne me dites pas que vous ne connaissez pas l‘individu, reportez-vous à notre cent huitième livraison du huit septembre 2012, et vous vous apercevrez que vous avez déjà lu le compte-rendu de son anniversaire précédent. Petite entorse temporelle, la date a été avancée d’un jour car la municipalité organisait je ne sais plus trop quelle festivité sur la place centrale de la ville.
Mais pour ce millésime Somen a doublé la mise. L’an passé il avait invité un orchestre, non pas un ensemble de violes et de haut-bois avec clavecin, mais Number Nine ( faut diviser par trois pour trouver le nombre exact de ce trio ) un groupe local amateur de gros rock qui tache. La chose n’est pas étonnante : suffit de rentrer à n’importe quelle heure du jour et de la nuit dans la Cardamone pour s’apercevoir que notre maître tavernier possède des goûts pour le moins électriques. Bref cette année il n’a pas pris Number Eighteen, l’a gardé le matricule Nine mais y a adjoint Juke Joints Band, un combo du coin de gros blues qui décape.
L’a invité tous ses amis, avec les clients habituels qui mangent - la Cardamone vous sert de grosses assiettes de bouffe bio - ça fait du monde, d’autant plus qu’avec l’orage qui éclate et une pluie froide et diluvienne qui s’abat sans prévenir, l’on se retrouve tous - gars, gerces, mioches, chiens, couverts et tablées, tassés comme des harengs en caque sous les providentielles arcades moyen-âgeuses qui encerclent la place. Ca caquette et jargonne dans tous les coins en français et en anglais puisque de nombreux sujets de sa très gracieuses Majesté se sont installés depuis une vingtaine d’années dans les alentours… L’animation est à son comble quand cubitainers et plats chargés de friandises diverses sont mis à la disposition des invités. Somen ne régale pas à la petite semaine. Et en plus, la musique, live.
JUKE JOINTS BAND
Un régal. Je ne parle pas de la portion géante de tarte aux amandes que je viens d’engloutir en douze secondes. Mais de la voix de Chris Papin, le leader de Juke Joint Band. Fait du bien par où elle passe. Vous donne l’impression que l’on vous étrille l’œsophage avec un goupillon de chèvre morte. Essayez donc, vous verrez combien c’est bon. L’est en train de remonter la Lonely Avenue de Ray Charles. Bruit sinistre de remorqueur qui frotte sa panse rouillée sur les pierres démantibulées d’un vieux quai. Porte de prison qui se referme sur vous en grinçant. Y a plus personne sur le boulevard des allongés, seule votre âme rôde encore au ras du macadam telle un clebs perdu qui ne trouve même plus une borne pour lever la patte. C’est ça Chris Papin. L’île de la désolation à lui tout seul. Suffit qu’il ouvre la bouche pour que vous sentiez à côté de vous des ombres de zombies qui creusent votre tombe en gloussant hideusement. Je suis désolé de vous le rappeler mais l’essence du blues n’est pas joyeuse. Et le Chris Papin il vous en verse un flacon sur la tête et se hâte de vous jeter une allumette avant que vous ayez eu le temps de vous enfuir.
Ben, voyons, après ce traitement d’enfant martyr manquait plus que Ben et son acoustique qui vous récupère pour vous frotter le corps au papier de verre. Torture rurale garantie. Tu sais, mecton, au début dans le delta il n’y avait pas d’électricité, alors l’on se débrouille comme on peut. Et note à note, les unes après les autres il vous arrache les dents molaire après molaire, faut souffrir pour être blues qu’il vous dit. Ne t’inquiète pas je te refilerai au moment de l’addition finale la note bleue que tu cherches en vain depuis le jour de ta naissance.
En contrepoint, vous avez Kraft qui rafte son harmo sur son clavier dentaire. Virtuose mississippien. Avec des alligators tapis sur les rives boueuses. Infatigable. A dû être charmeur de dragons dans une autre vie. Vous enfonce de bestials ricanements de hyènes hystériques dans la tête à chaque fois qu’il souffle. Le malheur c’est qu’il connaît la technique de l’aspiration continue et qu’il n’arrête pas une nano seconde.
Juke Joint Band. Même aux States il n’y en a plus beaucoup qui jouent le blues comme les fossoyeurs de vos plus secrètes espérances. En plus c’est comme les premières piqûres d’héroïne, chaque morceau vous est délivré comme un shoot d’énergie pure. Pêche d’enfer. C’est après que vous réalisez que Juke Joints Bland vient de réaliser la bande dessinée des misères métaphysiques de votre humaine condition. Et vous comprenez que le blues de ces trois bandidos ce sont des doses hyper concentrées de venin de vie qu’ils vous inoculent pour que vous soyez encore plus fort que la vie. Juke Joint Band. Blues médecine. Indispensable pour votre survie.
Existe aussi en disque.
NUMBER NINE
Changement d’ambiance. Number Nine, trois copains qui prennent leur pied à jouer de vieux morceaux. Pas assez jeunes pour les ranger dans la catégorie du rock garage mais trop sacrément en place pour se permettre de dédaigner. Quatre ou cinq titres des Beatles pour commencer. Sixties innocence. Collent bien à la collation d’anniversaire. Joyeuse ambiance. Passeront à des exercices plus périlleux. Jeff à la guitare revisite Hendrix, n’en est pas ridicule pour autant. Jouent depuis l’intérieur du morceau ce qui tout de suite confère réappropriation et authenticité.
Je plains le gars sur sa grosse moto. Le trouve même un peu idiot. Pourrait éteindre son moteur et venir se mettre à l’abri puisque il reste là tout dégoulinant de flotte à écouter les Number Nine. J’ai faux sur toute la ligne. Les Number arrêtent de jouer et Christophe le bassiste demande à Somen de venir le rejoindre. Sort de sa cuisine où il taffait et Happy Birthday ! tout le monde reprend en chœur. Deux gentes demoiselles lui remettent deux enveloppes après lui avoir fait la bise. Jusque là tout est normal, l’on annonce le cadeau, et le mec entre avec sa moto devant l’orchestre. C’est le cadeau. Non, par le mec, essayez de suivre, la moto. Les amis se sont cotisés pour que Somen puisse réaliser son rêve, la grande virée sur la mythique Road Sixty Six… Remercie d’une voix émue…
Du coup les Number Nine ressortent leur panoplie Numéro IV de Led Zeppelin Black Dog et Rock ’ n ’ Roll dans la foulée, avec Fredo qui déchiquette sa voix ( sans se planter ) tout en martelant ses drums. Chaude ambiance. De l’autre côté de la place un trou du cul véreux téléphone que le bruit empêche son bébé de dormir. Au lieu de fermer la fenêtre de la chambre il préfère se plaindre à la gendarmerie. Gendarmes qui à la réflexion s’abstiendront sagement de surgir inopinément dans cette ambiance un peu survoltée.
L’on va baisser le son décrète Christophe et il appelle un copain guitariste à venir les rejoindre. Du coup Jeff s’installe sur un piano électrique. Drôle façon d’amoindrir le volume sonore en rajoutant un jeune musicos qui tricote si fort et si vite sur sa guitare qu’il commence par casser une guitare. Pas de lézard, on lui en passe une autre et la sarabande continue.
TAUREAU DE FUEGO
Z’avaient promis qu’ils reviendraient pour le bœuf final et les Juke Joints Band se radinent bientôt. Apothéose, trois guitares, un clavier, une batterie et un harmonica, de quoi réveiller une maternité de cinq mille lits, et même de précipiter les accouchements à cinq kilomètres à la ronde. Ce n’est pas un bœuf géant, mais un taureau de combat qui s’en va batifoler dans les gradins manière de remettre les pendules de la mort à la bonne heure.
C’est Chris Papin qui officie derrière le micro. Derrière ça swingue tous azimuth comme le final des Stones au Madison Garden en 72 - de toutes les manières à New York vous n’y étiez pas, alors faites semblant de me croire - nous on hurle, et on danse sans défaillir. Au quatrième rappel Chris nous annonce qu’après un dernier titre d’Otis Redding ce sera terminé, définitivement. Sont sur les rotules. Nous aussi. Peux vous certifier que la Cité mirapicienne s’en souviendra longtemps.
Ah ! J’allais oublier, bon anniversaire Somen.
Damie Chad
( PS : prochainement: chronique du disque / photos JJB prises sur leur site, Number Nine : photos 2011 Ariege News)
II
BLUES IN SEM
SEM - 10 / 08 / 2013
RED HOT BLUES CARAVAN / GOLDEN SWING /
HARMONICA BEAN / LAS VARGAS /
FRENCH BLUES EXPLOSION / SEAN CARNEY
L’année dernière je m’étais juré que je ne remettrai plus jamais les pieds à Sem et à son orga paranoïaque. Mais je ne suis qu’un homme alors expliquez-moi comment l’on peut résister aux attraits de la divine Sandra. J’ai prévenu les copines dès le premier jour des vacances, vous trimballe où vous voulez dans le moindre recoin du département mais la soirée du 10 août, vous avertis que je suis occupé. J’aurais mieux faire de me taire. Du coup la teuf-teuf mobile n’a pas suffi à emmener les grosses jalouses. L’a fallu une deuxième tire pour emporter ces demoiselles.
Comme dirait Blue Berry, Sem c’est le bout de la piste. Un village niché en hauteur au fin fond de l’Ariège. Après lui, il n’y a plus de route. Pouvez emprunter des sentiers de randonnée qui ne mènent nulle part si ça vous chante, mais faites gaffe aux ours sauvages qui se promènent en liberté… L’on se presse au portillon d'entrée mais c’est déjà le bonheur, Las Vargas est en train de faire sa balance et Sandra nous envoie une petite éruption de Fujiyama Mama, pas grand-chose, une simple coulée de lave brûlante avec laquelle vous pourriez engloutir douze Pompéi nippons. Puis la mutine s’éclipse dare-dare dans les coulisses suivie de ses musicos.
Evidemment l’orga est à la bourre. En progrès par rapport à l’année dernière. Certes ils n’ont pas encore retrouvé la boîte à sucre dans laquelle ils mettent leur fond de caisse pour rendre la monnaie aux acheteurs de sandwichs mais ils peuvent déjà vous servir de la bière fraîche.
Public blues. Nombreux. Ont dû atteindre le demi-millier ce qui n’est pas peu vu l’exiguïté des lieux. Un peu âgé ou familial. Sagement assis sous l’auvent de toile devant la scène. Attend patiemment que ça commence en discutant paisiblement. Un père de famille sermonne ses quatre chérubins : « Attention, les enfants, tout à l’heure quand ce sera le tour de Las Vargas vous resterez près de moi, les gens vont s’agiter devant. ». Ne croyait pas si bien dire. Si l’on regarde la foule un peu attentivement, l’on aperçoit quelques T-shirt rockabilly qui se promènent. Excellent signe de reconnaissance. Tout un groupe est originaire de Dijon, connaissent The Atomic Cats et en discutant l’on s’aperçoit que l’on a assisté au même concert de Johnny Fay à Appoigny… Le rock est grand, mais le monde est petit.
THE RED HOT BLUES CARAVAN
Sont censés faire la balance. Mais il se fait tard et Denis Flaichez prend la généreuse décision qui s’impose. Commencer à jouer et on équilibrera le son sur les premiers morceaux. Dommage peut-être pour Tiffany Slim dont la basse ne résonnera vraiment que sur les derniers titres. Assez toutefois pour nous convaincre de son efficience car c’est alors que le combo a acquis toute sa profondeur.
Denis est à l’harmo et au chant. Bonjour Chicago, au bon vieux temps de Little Walter et de Sonny Boy Williamson. D’autant pus que derrière Andy Martin à la batterie assure sec. Ne se contente de la pesanteur endémique du blues pachydermique qui avance imperturbablement en écrasant tout sur son passage. Touche à toutes ses caisses, ne dédaigne ni les toms, ni les cymbales. Respecte les structures de base mais se donne des challenges de reconstruction sonore à chaque séquence. Frappe inventive. Provient peut-être du jazz mais la boue du delta lui colle aux baguettes.
Z’ont aussi un guitariste. Thibault Ripault qu’il s’appelle. Tout jeune et tout électrique. Pas un nostalgique des vieux coucous avec les cordes fabriquées avec les boyaux du chat du voisin. Sait tout faire. Soutient ses acolytes, leur plaque les accords quand il faut comme il faut pour les aider à souligner leurs effets de style. Lui en savent gré. Lui ménagent de vastes espaces dans lesquels ils le laissent s’enfoncer dans de longs soli sans fin dans lesquels il galope comme un yearling impatient de parcourir la terre entière. N’est interrompu que par les applaudissements du public ravi. Avec de telles démonstrations, il est facile de comprendre comment du blues l’on est passé au hard et au métal.
Mais Denis le chien fou ramène avec son harmonica tout le monde Chess lui, dans la vieille maison bleue. Un chant puissant, voix virile et rafales de notes à la chaîne, ai particulièrement apprécié ses instrumentaux. Impose une présence, osmose immédiate avec le public. Lorsque la caravane s’arrête elle recueille ce qu’elle mérite. Une longue ovation. Un blues au fer rouge et brûlant qui nous a mis le cœur en joie. Viennent de Bordeaux. Je connaissais leur rouge et voici que leur bleu mérite une médaille d’or.
GOLDEN SWING
Il y a un grand mec aux cheveux bouclés qui se pavane dans un immense costume en lamé argent dans la foule depuis vingt minutes. Je suis prêt à parier que c’est un hartiste français ( hélas ! ) qui vient prendre le pouls du public. J’ai gagné. Se révèle très vite être le chanteur des Golden Swing. Derrière son micro il ressemble un peu à ce dont aurait eu l’air Claude Moine s’il était devenu prof de math et pas Eddy Mitchell. Vous laisse imaginer le désastre.
Ne dites pas que je suis méchant. Quelque part je suis même en admiration. N’ont pas froid aux yeux les Golden Swing, les quatre musicos abattent le boulot de tout un big band. Faudrait qu’ils soient quinze pour que JL Fernandez puisse se prendre sans ridicule pour Frank Sinatra. Sylvain Tejeriso a beau terroriser son saxo, il ne remplacera jamais à lui tout seul une section de cuivres soufflant à tout vent. Serait bien mieux dans un petit combo de wild rock à se défoncer la patate sans faiblir un iota de seconde.
De même Sylvain Buffan peut bouffer sa contrebasse aux petits oignons tout en assurant la rythmique avec Francis le gonze à l’aise sur sa batterie, au résultat final ça manque d’ampleur et de… swing. En plus, ils ont un super guitareux, insupportablement jazz d’ailleurs, mais très doué. Cependant à l’arrivée c’est comme si vous essayez de remorquer un porte-avions avec un pédalo. Car ça pédale dur dans la choucroute-variétoche.
Tous les standards de Louis Jordan, de Louis Prima et de Peggy Lee, passés à la moulinette, irrémédiablement défigurés, castrés, concassés - notamment une version hallucinante d’horreur de Caldonia, mais comment peut-on être aussi médiocre sur une telle splendeur ? Un groupe de balloche qui n’avait rien à faire dans un festival de blues.
Suis pas le seul de mon avis. Un grand gaillard irrite le public par d’acerbes et moqueuses réflexions proférées à haute et intelligible voix. A voir les yeux de ses voisins je comprends que si l’on n’était pas entre gens bien élevés on le lyncherait avec plaisir. C’est qu’à chaque morceau le Golden Swing reçoit de nombreux hourras et de larges vivats. Plus des centaines d’encore. Resteront plus de deux heures sur scène.
Bonne affaire pour l’orga, puisque toute une frange du public se rue sur les sandwichs et les frites et fait main basse sur tout ce qui se mange. Surprise le grand gaillard de tout à l’heure qui morigénait s’avère être Daniel Giraud, poète, chanteur de blues, et incidemment rédacteur d’une chronique de KR’TNT ( livraison N° 3 du 05 / 11 / 09, voir par la même occasion la N° 81 du 19 / 01 / 12 qui lui est consacrée. )
TERRY HARMONICA BEAN
Enfin de l’authentique. Plus noir que lui tu meurs. Vient tout droit du Mississippi. Tout seul, comme un grand, avec sa guitare et son harmonica. L’insouciance américaine. Pourvu que les micros soient ouverts, tout lui agrée. A la technique l’on essaie de prolonger les essais mais ce n’est pas un adepte du fignolage sonique. L’arrête les frais au bout de deux minutes.
Suis fasciné par sa main droite. Premier guitariste que je rencontre qui possède quatre doigts en trop. Joue avec le pouce. Et ça envoie duraille. Comprends pourquoi il n’en avait rien à faire des retours. Pas besoin. L’index doit être en grève, ne touchera, que dis-je n’effleurera pas, une seule corde de tout le set, les trois autres doigts il pourrait les attacher ensemble car ils se contentent de temps en temps de gratter les cordes du bas, même que parfois il les remise sur le rebord de sa solid body. Pour la main gauche j’étais trop mal placé pour voir comment il opérait.
Le mec pépère. Joue assis. Marque le rythme avec le pied. Pas toujours. Ne se crispe pas sur une idée fixe. De temps en temps il joue de la guitare, et de temps en temps il souffle dans son harmonica. Parfois il chante. Rarement il conjugue ces quatre actions en même temps. Ne s’est pas inscrit au concours de l’homme-orchestre. Quand il en a assez, il parle. En sa langue natale. Beaucoup ne comprennent pas, mais il a de l’humour puisqu’il rit facilement de ses propres blagues.
Sympathique. Vous ne pouvez pas lui en vouloir. C’est sûr qu’après les Golden Swing il a la partie facile. Mais il se débrouille plutôt bien. Une voix qui porte, un sourire ravageur sous son béret motherfucker, et un jeu d’harmonica assez impressionnants. Ne restera que trois quart d’heures sur scène. Donne l’impression d’être plutôt content que le retard sur l’horaire le force à écourter. Gros succès. Sur le moment j’ai mordu à l’hameçon, mais avec le recul et la réflexion je pense qu’il y a eu beaucoup d’esbroufe.
L’est annoncé comme une valeur montante du Delta Blues originel. Certes, mais l’urgence des situations désespérées ne marque point sa musique. Avec sa mine épanouie j’ai du mal à croire qu’il se lève chaque matin en décrétant qu’Every day he has the blues. Que voulez-vous ma bonne dame, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Si même les afro-américains n’ont plus le blues… heureusement qu’il nous reste à nous les petits blancs le rockabilly !
LAS VARGAS
Ne sont pas encore là que l’atmosphère change, comme ces brises porteuses d’orage qui déboulent sans prévenir au plein milieu des paresseuses après-midi surchargées de torpeur estivale. Sont attendus. Précédés d’une flatteuse réputation. Il est clair qu’un tiers du public s’est déplacé spécialement pour eux, ce qui se traduit par un fébrilement regroupement de fans impatients devant le plateau. Tant pis pour le peuple des assis qui restent le cul vissé sur leurs chaises telles des moules accrochées à leurs rochers qui attendent que la marée montante recouvre leur insignifiance.
Rentrent doucement un par un sur scène. Denis Agenet s’installe placidement derrière sa batterie tandis que Stéphane relève sa contrebasse. A gauche Franky Gumbo ceint sa guitare avec une tranquillité suspecte. S’interrogent du regard, du genre on est censé quoi faire par ici et finissent par se lancer dans un instrumental mid tempo pénardos. Un peu comme une charge de cavalerie, lorsque les chevaux s’ébranlent et commencent à presser le pas et que leurs cavaliers leur cisaillent la gueule pour qu’ils ne prennent pas le galop avant le moment opportun. On n’attend plus qu’elle.
Et la diva Sandra Vargas arrive, sourire aux lèvres comme couteau entre les dents, dans un fourreau de robe noire qui emprisonne son corps souple comme la lame flexible d’une rapière. Nous salue de son délicieux accent espagnol - elle en use à merveille pour jeter une sensuelle aura de trouble mystère à la moindre de ses paroles, et la mise à mort commence.
Une tornade. Au milieu Sandra - on ne voit qu’elle, panthère noire aux yeux aigus comme des flèches elle ondule et fascine l’auditoire qui miaule de détresse à ses pieds. Mais elle joue sur du velours. Trio de choc derrière elle. Lui servent de des bijoux musicaux sur des plateaux d’argent. Sertissent son chant de diamants sonores effilés comme des poignards. N’a plus qu’à se balader sur ces fééries chromées. Ne s’en prive pas. Diction parfaite qui épouse toutes les nuances. Voix rauque qui rocke à souhait, mais se complaît aussi dans l‘ironie perfide d‘un timbre de petite fille émoustillante. Comédienne elle minaude, tragédienne elle brandit des serpents qui sifflent au-dessus de vos têtes. Chanteuse.
Guitariste. Franky Gumbo. Gordon Flasch. Habité par la grâce. Point divine, l’autre celle qui s’est révélée à Robert Jonhson. Diabolique. Un assassin, un jivaro fou qui avait décidé de nous réduire le cerveau en bouillie. Qui a réussi. Nous l’a haché si menu qu‘on a tous cru qu‘il allait nous le manger tout cru. Même que Terry Harmonica Bean est sorti du backstage pour s‘assurer qu‘il ne rêvait pas. Ne l'a plus quitté des yeux durant vingt minutes. Y avait à prendre, car Franky a tout donné de ces cavalcades au bout de la nuit dont les témoins se souviendront toujours.
Vous dis pas comment autour de moi les copines sont excitées comme des puces. Elles crient, dansent, hurlent, et gigotent comme si elles avaient attrapé la tremblotte du mouton. Sont pas les seules. Pagaille collective en bord de scène. Joyeux foutoirs. Bonne âme, entre deux morceaux Sandra demande à la tribu des vieux ( dans leur tête ) assis de rejoindre le remue-ménage généralisé en abandonnant leur chaise… autant exiger de culs de jatte de se lever et de marcher sur leurs pattes. Qu’importe l’on fera sans eux.
La section rythmique n’est pas en reste. Stéphane pique régulièrement des colères sur sa basse. Impossible de vous dire pourquoi. Déjà qu’il la malmène pas mal, mais subito expresso sans prévenir l’envie lui prend de lui couper les cordes, et ça s’entend. Lui tire et lui tape dessus sans retenue. Elle résiste et vrombit comme un coléoptère à qui vous essayez d’arracher les élytres. Le pauvre Denis vous a un de ces boulots. Faut qu’il fasse rentrer les trois autres tourbillons dans une structure carrée qui tienne debout. Y réussit, parfaitement. N’a pas le temps de se mettre en avant, sans cesse aux abois et aux aguets, car les trois autres partent dans tous les sens, pour se retrouver pile poil ensemble au bon moment. Sacré métier. Sacrée maîtrise.
Vingt titres, en anglais et en espagnol. Sont tous mes préférés. Un Thirty Days dont vous regrettez le trentième jour final, un Tonterias qui avec la voix de Sandra chargée de colère n’a pas l’air d’une plaisanterie, Un Down In Mexico, j’ignore de quoi ça cause, mais je me fais mon cinéma et imagine un de ces westerns de poudre et de feu, qui courent de La Horde Sauvage à El Chuncho. Et puis plein d’autres comme Blue Moon Baby ou Crazy Fever. Mais vous n’aviez qu’à être là. Un set parfait.
Triomphe absolu. Nous laissent exsangue. Chacun numérote ses abattis. Trop beau, trop plein. Beaucoup quittent le festival tout de suite après, convaincus ( avec raison ) qu’il sera impossible de faire mieux.
FRENCH BLUES EXPLOSION
Après une telle décharge d’adrénaline, difficile de recoller les morceaux. Même ceux du blues. Mister Tchang est sur scène. Pascal Delmas est à la batterie et Fred Jouglas à la basse. Ce ne sont que des comparses. Tout de blanc vêtu Mister Tchang joue du blues sur sa guitare. Toute blanche aussi. N’y a pas à redire, il touche salement. Dans sa jeunesse il a dû repasser des milliers de fois la discographie entière de B B King, et l’a dû s’amuser à rejouer à l’identique, note pour note. Avec le temps, son jeu a pris de l’aisance, l’élève peut jouer plus vite que le maître. L’a attrapé ce que j’appellerai le ton Clapton.
Beaucoup paieraient cher pour jouer moitié aussi que lui. Mister Tchang n’a oublié qu‘une chose : d’être Mister Tchang. Le but n’est pas de jouer plus vite que l’ombre du maître mais de tuer le maître. B. A. BA de la sagesse orientale. Enfant prodige qui n’a pas eu sa crise d’adolescence. Est devenu un jeune homme qui ne s’est jamais mesuré avec le pire ennemi que l’on se doit de rencontrer : soi-même. Homme jeune et triomphant. Flambeur, flambard, exhibitionniste. Descend dans la foule, chante sans micro. Mister Tchang fait son numéro. De cirque, et en cela peut-être pas aussi loin des origines du blues que l’on pourrait le croire.
Numéro de foire qui durera une bonne demi-heure et puis tout le monde se lasse. Sauf comme par hasard cette partie du public qui a adoré Golden Swing. Moi le premier qui me retire du devant de la scène pour aller jacter avec les copines, et Mister Tchang lui-même qui remonte sur l’estrade et laisse s’exprimer ses deux acolytes. Pas mauvais. Mais je n’écoute plus que d’une oreille. Assez pour m’apercevoir toutefois que ce n’est plus le même frotté de guitare. Vérification visuelle : un deuxième guitariste est sur scène vraisemblablement Sean Carney mais je ne le jurerai pas. Ce blues est bien trop bavard pour me retenir. Ces faiseurs de blues me fatiguent, lorsque je propose une retraite générale vers la teuf-teuf mobile, tout le monde ( qui m’aime) me suit.
BLUES IN SEM
C’était la douzième édition. Devraient commencer à posséder un peu de flair. Reléguer les Golden Swing en première partie en attendant que ça se remplisse et repousser Las Vargas en dernière prestation aurait été souhaitable. Cela tombait sous le sens. L’on verra le programme de l’année prochaine. Bises à Jacques et à Zaza. Ils se reconnaîtront.
En tout cas sur les quarante kilomètres du trajet du retour les grosses jalouses n’ont pas arrêter de tresser des couronnes de louanges à la divine Sandra. Un signe qui ne trompe pas.
Damie Chad.
( Photos prises sur les sites des artistes ; Las Vargas : photos Patou )
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10/07/2013
INDEX KR'TNT : N° 1 - 152
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2009
VERSION PAPIER
KR'TNT ¤ 01 – 01 / 05 / 09
Concert : Old School + Burning Dust
KR'TNT ¤ 02 – 01 / 06 / 09
Concert : Baston Général / Billy Brillantine
KR'TNT ¤ 03 – 05 / 11 / 09
Concert : Johnny Hallyday ( 1958 ) / Daniel Giraud
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Livre : Sweet Gene Vincent. The bitter end. Steve Mandich
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Livre : Quand j'étais blouson noir. Jean-Paul Bourre
KR'TNT ¤ 06 – 10 / 11 / 09
Film : Violent days. Lucie Chaufour
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Livre : Race whith the Devil. Susan Vanhecke
( about : Gene Vincent )
KR'TNT ¤ 08 – 20 / 11 / 09
Concert : Jull & Zio
KR'TNT ¤ 09 – 01 / 12 / 09
BD : Gene Vincent. Une légende du rock'n'roll. Rodolphe & Van Linthout
KR'TNT ¤ 10 – 02 / 12 / 09
Livre : The day the world turned blue. Britt Hagarthy
( about : Gene Vincent )
KR'TNT ¤ 11 – 02 / 12 / 09
Livre : Wild cat. A tribute to Gene Vincent. Eddie Muir
KR'TNT ¤ 12 – 03 / 12 / 09
Film : Telstar. Nick Moran
( about : Joe Meeks )
KR'TNT ¤ 13 – 05 / 12 / 09
Livre : Story of a rocker. Thierry Liesenfeld
( about : Gene Vincent )
2010
KR'TNT ¤ 14– 20 / 01 / 10
Livre : The man who Led Zeppelin. Chriss Welch
( about : Peter Grant )
KR'TNT ¤ 15 – 15 / 06 / 10
Livre : Gloire et tribulation d'un rocker en France. Garrett McLean
( about : Gene Vincent )
KR'TNT ¤ 16 – 08 / 07 / 10
Concert : Vellocet
Disque : Insomnia : Vellocet.
KR'TNT ¤ 17 – 22 / 07 / 10
Livre : Pas de charentaises pour Eddie Cochran. Patrice Lemire
Livre : Classe dangereuse. Patrick Grenier de Lassagne
VERSION BLOG
KR'TNT ¤ 18 – 13 / 09 / 10
Livre : Gene Vincent dieu du rock'n'roll. Jean-William Thoury
KR'TNT ¤ 19 – 20 / 09 / 10
Poème de Dave Smith
Gene Vincent's blue cap / La casquette bleue de Gene Vincent
KR'TNT ¤ 20 – 27 / 09 / 10
Rock Around Bill Haley
Livre : Graine de violence. Evan Hunter
KR'TNT ¤ 21 – 07 / 10 / 10
Film : Devil's Fire : Charles Burnett
Poème : The weary Blues / Le blues du désespoir. Langston Hughes
Poème : My people. Langston Hughes
KR'TNT ¤ 22 – 14 / 10 / 10
Livre : Cash, l'autobiographie
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Lefty Frizzel
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Le rock français
Le croochner de Belleville : Eddy Mitchell
KR'TNT ¤ 25 – 04 / 11 / 10
French rockab
Disque : Burning Dust in concert
Disque : Rokers Kulture ( vol I )
Disque : Ghost Highway
KR'TNT ¤ 26 – 11 / 11 / 10
Concert : Ghost Highway
KR'TNT ¤ 27 – 18 / 11 / 10
Livre : There's one in every town : Mick Farren
( about : Gene Vincent )
KR'TNT ¤ 28 – 25 / 11 / 10
Concert : Sonic Surgeon
Concert : Frédéric Atlan : le rock sans guitare
KR'TNT ¤ 29 – 02 / 12 / 10
Livre : Elvis. Ses derniers jours. Charles C. Thompson / James P. Cole
Livre : Complot à Memphis. Dick Rivers
Livre : Elvis mon amour. Lucy de Barbin.
Revue : Jukebox : HS. N° 7. Special Eddy Mitchell
Revue : Rap Mag : US Eddition. N° 7.
Livre : Ghosts Song. Jean-Marc Pau
KR'TNT ¤ 30 – 09 / 12 / 10
Livre : Don't Forget me ! Julie Mondy / Darrell Higham
( about : Eddie Cochran )
Revue : Jukebox N° 281
Revue : Rock & Folk N° 519
Livre : Rock'n'taules. Pierre Hanot
KR'TNT ¤ 31 – 16 / 12 / 10
Livre : Just Kids. Patti Smith
Livre : Présages d'innocence. Patti Smith.
Livre : Trois. Charleville. Statues. Cahier. Patti Smith
Revue : Rock & Folk N° 519
KR'TNT ¤ 32 – 23 / 12 / 10
Livre : Feel like going home. Peter Guralnick.
( about blues & pionniers du rock )
Revue : Blues Again ! N° 3
Revue : Les génies du blues N° 10.
Livre : La nouvelle encyclopédie du blues : Gérard Herzhaft.
KR'TNT ¤ 33 – 30 / 12 / 10
Livre : Rock Français présenté par Philippe Manoeuvre
Concert : The Party Makers ( rap )
Revue : Obsküre N° 1
Revue : Xroads ( décembre 2010 )
2011
KR'TNT ¤ 34 – 06 / 01 / 11
Livre : Kids Rock. Busty
Revue : Rock & Folk H.S. N° 36. Les Stooges
Revue : Vintage guitare N° 2
KR'TNT ¤ 35 – 13 / 01 / 11
Tribute to Robert Johnson
Rock contre rock ( Noir Désir )
Revue : Blues Magazine N° 59
Livre : Mr Eddy et moi. Alain Dugrand
KR'TNT ¤ 36 – 20 / 01 / 11
Livre : Rock'n'roll revolutionaries. G. Vincent and E. Cochran. John Collis
Disque : About love. Plasticines
Disque : Nico teen Love : BB Brune
Revue : Soul bag N° 201
KR'TNT ¤ 37 – 27 / 01 / 11
Livre : Lost Highway. Peter Guralnick
( about : rockabilly, blues, country )
Revue : Rock & Folk N° 522
Revue : Hard rock N° 106
KR'TNT ¤ 38 – 02 / 02 / 11
Livre : Punk Rocker. Alain Dister.
Livre : Punk. Seventeen Rush. Stéphane Piétri & Alexis Quanlin
Revue : Punk Raw N° 16
Livre : In the gutter. Val Hennessy
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Livre : Guitar Army. ( MC 5 ) John Sinclair.
Revue : Palpable N° 5 & N° 6
Revue : Rock Sound. HS N° 8
KR'TNT ¤ 40 – 16 / 02 / 11
Livre : Encyclopédie de la Country et du Rockabilly. Michel Rose
Revue : Rock'n'roll Revue N° 51
Livre : Country blues. Claude Bathany
KR'TNT ¤ 41 – 23 / 02 / 11
Livre : Three steps to heaven. Bobby Cochran & Susan Vanecke
On Eddie's grave : Sur la tombe d'Eddie
Revue : Loud N° 170
Revue : Jazz Magazine N° 622
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Livre : L'âge d'or du rock'n'roll. Jacques Barsamian. François Jouffa.
Revue : Metallian N° 63
Revue : Country Musix USA. N° 2
Livre : Aspen Terminus. Fabrice Gaignault.
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Livre : Keith Richards
Livre : Rolling Stones. Une biographie. François Bon.
Revue : So jazz N° 13
Revue : Guitarist Magazine N° 241
KR'TNT ¤ 44 – 17 / 03 / 11
The Jet Black Machine ( I ) ( Vince Taylor )
Cliquetis & Cliquerock ( about punk )
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Livres : trilogie Gene Vincent : Guitton Yvonnick
Revue : Starfan N° 5. Elvis Presley
Revue : Dreamwest N° 41
Revue : Rock & Folk N° 524
Livre : La Zingarina. Sandra Jayat
KR'TNT ¤ 46 – 30 / 03 / 11
La grande peur des intellectuels français : le rock'n'roll
Noël Deschamps
Livre : Fleuve profond, sombre rivière. Marguerite Yourcenar
KR'TNT ¤ 47– 08 / 04 / 11
Ronnie Bird
Revue : Vintage guitare N° 3
Livre : La veuve rock'n'roll. Liza Cody
KR'TNT ¤ 48 – 15 / 04 / 11
Concert : Ghost Highway
Livre : Un long silence. Mickal Gilmore.
KR'TNT ¤ 49 – 22 / 04 / 11
Concert : Les Play-Mobiles
Revue : Longueur d'ondes N° 59
Livre : Sharon Tate ne verra pas Altamont. Marc Villard.
KR'TNT ¤ 50 – 28 / 04 / 11
Livre : Johnny et le rock'n'roll. David Baerst & Pascal Tacy
Revue : Jazz News N° 1
Revue : Soul bag N° 202
Revue : Blues Magazine N° 60
KR'TNT ¤ 51 – 05 / 05 / 11
Livre : Led Zeppelin. François Ducray
Livre : La vie d'artiste. Marc Villard.
KR'TNT ¤ 52 – 12 / 05 / 11
Livre : Mods. Une anthologie. Paolo Hewitt
Livre : Partition Rouge. Chants des indiens d'Amérique du Nord.
Revue : Vibrations. N° 134.
KR'TNT ¤ 53 – 18 / 05 / 11
Concert : Rockxerre Gomina
( Jim & the beans. Capitol's. Las Vargas. Ghost Highway )
Revue : Les Cahiers du Rock'n'Roll N° 1, 2, 3, 4
KR'TNT ¤ 54 – 25 / 05 / 11
Livre : Punk. Bruno Blum.
KR'TNT ¤ 55 – 02 / 06 / 11
Livre : Hippie, hippie Shake. Richad Neville
Revue : Rock Sound N° 1
KR'TNT ¤ 56 – 09 / 06 / 11
Concert : Les Hoop's
Livre : Enquête sur les vampires... Marc-Louis Questin.
KR'TNT ¤ 57 – 16 / 06 / 11
Livre : Nirvana. Romance sans sens. Sébastien Raizer.
Disque : Ghost Highway
Disque : Shriver. Las Vargas
KR'TNT ¤ 58 – 23 / 06 / 11
Livre : Vingt ans de rock français. Christian Victor & Julien Regoli
Albert Lea: affiche Eddie Cochran
KR'TNT ¤ 59 – 30 / 06 / 11
Concert : les Hoop's
Disque : Les voyages en solitaire. Dechez Louis.
Revue : Jukebox N° 295.
KR'TNT ¤ 60 – 07 / 06 / 11
Revue : Spécial Pop.
Revue : Soul Bag N° 203
KR'TNT ¤ 61 – 14 / 07 / 11
Concerts : Eazy Lazy / Hoop's / Burning Dust
Disque : Eazy Lazy « C » and his Silver Slipers
KR'TNT ¤ 62 – 01 / 09 / 11
Oh ! Peggy Sue !
Concert : Red's Lygth / Play Mobiles
Concert : Blues in Sem
Revue : Rock First N° 1
Revue : Tsugi H.S. N° 3
Revue : Jukebox N° 297
KR'TNT ¤ 63 – 08 / 09 / 11
Livre : Rock'n'roll antédilluvien. Baru. ( pionniers )
Livre : Lamort du rock'n'roll. Ed Gorman.
Revue : Rock First H.S. N° 1
Revue : Longueur d'ondes N° 60.
Revue : Metal Hammer N° 285
KR'TNT ¤ 64– 15 / 09 / 11
Concert : Johnny Gee / Thierry Lecoz / Erwin Travis
Revue : Vintage guitar N° 4
Revue : Guitarist & bass magazine N° 234
KR'TNT ¤ 65 – 22 / 09 / 11
Concert : Marilouiz / Orpheus Pain
Disque : Rave on Buddy Holly
Revue : Rock & Folk N° 530
KR'TNT ¤ 66 – 28 / 09 / 11
Concert: Le bus rouge / Orpheus Pain / Moon Square
Livre : Guitares et guitaristes de légende. Dom Kiris.
KR'TNT ¤ 67 – 06 / 10 / 11
Livre : John Lennon. Une vie. Philip Norman
Revue : Vintage Guitare N° 5
KR'TNT ¤ 68 – 13 / 10 / 11
Livre : Rock'n'roll Vinyls. Rodolphe
KR'TNT ¤ 69 – 20 / 10 / 11
Revue : Jukebox : Spécial Gene Vincent H.S. N° 15
Revue : My rock N° 1
Revue : Rock One N° 78
KR'TNT ¤ 70 – 27 / 10 / 11
Livre : Dictionnaire amoureux du rock. Antoine de Caunes
Livre : Chronique d'un joueur de flipper. Thierry Belhassen
Revue : Soul bag N° 204
KR'TNT ¤ 71 – 03 / 11 / 11
Les Animals
Revue : Elégy N° 70
KR'TNT ¤ 72 – 10 / 11 / 11
Livre : Phil Spector. Mick Brown
Disque : Radio Edit
KR'TNT ¤ 73 – 17 / 11 / 11
Livre : Au-delà de l'Avenue D. Philippe Marcade.
Revue : Plugged N° 1
KR'TNT ¤ 74 – 24 / 11 / 11
Livre : R'n'R la discothèque idéale 2. Philippe Manoeuvre.
Film : Dialogue de feu. Lamont Johnson ( J. Cash )
KR'TNT ¤ 75 – 01 / 12 / 11
Livre : Argus Eddy Mitchell + Chaussettes Noires. Daniel Lesueur.
Revue : Rock & Folk N° 532
KR'TNT ¤ 76 – 08 / 12 / 11
Livre : Le corps plein d'un rêve. Claudine Galea. ( Patti Smith )
Revue : Les Inrock H.S. Patti Smith
Film : Drive
KR'TNT ¤ 77 – 15 / 12 / 11
Dick'n'roll
Revue : Jukebox H.S. 16. Les années rock & twist
KR'TNT ¤ 78 – 22 / 12 / 11
Livre : Celui qui aimait le jazz. Franck Ténot
Livre : Jude R. Shaké Mouradian
Disque : Ma dernière séance : Eddy Mitchell
2012
KR'TNT ¤ 79 – 05 / 01 / 12
Livre : Mister D. Dick Rivers / Sam Bernett
Revue : Soul bag N° 205
Revue : Rock & Folk H.S. N° 27
Revue : Rock'n'Folk N° 533
KR'TNT ¤ 80 – 12 / 01 / 12
Livre : le monde d'Elvis. Jane & Mickael Stern
Revue : Metallian N° 69.
Revue : Vintage Guitar N° 6
KR'TNT ¤ 81 – 19 / 01 / 12
Le blues du poëte : Dan Giraud.
Concert : Rafael Pradal
KR'TNT ¤ 82– 26 / 01 / 12
Livre : Jim Morrison. Sam Bernett
Revue : Rock'n'Folk 534
Enregistrement : Le roi lézard. Patrick Geffroy
KR'TNT ¤ 83 – 02 / 02 / 12
Film : L'équipée sauvage : Stanley Framer
Poème : On the Move : Thomas Gunn
Livre : Carénage. Sylvain Coher
KR'TNT ¤ 84 – 09 / 02 / 12
Livre : L'âge-déraison. Daniel Rondeau. ( Johnny H. )
Film : Le Havre. Aki Kaurismäki
Livre : Bonus. Laurent Chalumeau
KR'TNT ¤ 85 – 16 / 02 / 12
Concert : Spykers / Spunyboys / Nelson Carrera & the Hot Rocks
Disque : Sunset to sunrise. Spunyboys.
Revue : Rock'n'roll N° 50
KR'TNT ¤ 86 – 23 / 02 / 12
Concert : Ruby Ann / Ghost Highway
Disque : Train to Satanville. Mary Ann
Disque : Flat-broke Time with the Ghost Highway
KR'TNT ¤ 87 – 02 / 03 / 12
Livre : The New York Dolls : Nina Antonia.
Revue : La Salamandre N° 16.
KR'TNT ¤ 88 – 08 / 03 / 12
Concert : Twin Twisters / Jim Jones Revue
Disque : Twin Twisters
KR'TNT ¤ 89 – 15 / 03 / 12
Livre : Summertime blues. Sharon Sheeley
Disque : Skeets Mac Donald. You oughta see...
Disque : Troy Key. Whatch your mouth...
KR'TNT ¤ 90 – 22 / 03 / 12
Concert : Hoochie Coochies
Joe Moretti.
Albertine ( Sarrazin )
KR'TNT ¤ 91 – 29 / 03 / 12
Livre : Things do go wrong. Spencer Leigh
( about : Gene and Eddie in UK Tour )
Revue : Vintage guitar N° 7
KR'TNT ¤ 92 – 06 / 04 / 12
Concert : Las Vargas / Tail Dragger
Disque : Live at rooster's Lounge. Tail Dragger
Twin Twisters
Livres : La note noire / A pas comptés. Chris Costantini.
KR'TNT ¤ 93 – 13 / 04 / 12
Livre : Bo Diddley. Je suis un homme. Laurent Arsicaud.
Livre : Les péchés de nos pères. Lewis Shinner
Livre : Jayne Mansfield 1967. Simon Liberati.
KR'TNT ¤ 94 – 20 / 04 / 12
Livre : Décélération punk. Jean-Marc Quintana.
Disque : New Orleans. Chris Almoada.
Disque : Lito
KR'TNT ¤ 95 – 27 / 04 / 12
Livre : Sinatra. Anthony Summers & Robbyn Swan
Revue : So jazz N° 24
Revue : Mojo N° 1
KR'TNT ¤ 96 – 03 / 05 / 12
Livre : Histoire de l'Underground londonien. Barry Miles
Revue : Soul bag N° 206;
Revue : Jukebox : N° 304
KR'TNT ¤ 97 – 10 / 05 / 12
Livre : La musique qui vit grandir Elvis : J.C. Bertin
Revue : Longueur d'Ondes N° 63
Disque : Lito : Il y a longtemps
KR'TNT ¤ 98 – 17 / 05 / 12
Concert : Howlin Jaws / Imelda May
Disque : Howlin Jaws
Revue : Jukebox N° 305
KR'TNT ¤ 99 – 24 / 05 / 12
Concert : Rockxerre Gomina 2 ( Johnny Fay )
( Black Prince / Megatons / Spunyboys / Carl & the Rhythm All Stars )
Disque : Hydrogen Bomb : The Megatons
Disque : Wild, Wild Party : The Megatons
Disque : My sweet Linda Brown : Johnny Fay
KR'TNT ¤ 100 – 31 / 05 / 12
Concert : Backdraft / Charlie Thompson /
Roy Thompson & the Mellow Kings / Annita & the Starbombers
Disque : Angel eyes : The Obscuritones
KR'TNT ¤ 101 – 07 / 06 / 12
Concert : Burning Dust
Concert : Little Loolie and the Surfing Rogers
Howlin Jaws + Mister Jull + Rockin Malek
Disque : See you at the Ace : Tony Marlow
KR'TNT ¤ 102 – 14 / 06 / 12
Livre : Culture Rockabilly. Vincent Giordano
Livre : Les lieux sombres. Gillian Flynn.
Revue : Mauvaises intentions N° 3
KR'TNT ¤ 103 – 21 / 06 / 12
Livre : Racines de la musique noire américaine
Gospel / Blues / Jazz. Jean-Christophe Bertin
Revue : Rock & Folk N° 539
Revue : Soul Bag N° 207
Revue : Jukebox N° 307
KR'TNT ¤ 104 – 28 / 06 / 12
Concert : Hot rhythm and Booze
Concert :Ghost Highway / Black Prints / Emilie Credaro
KR'TNT ¤ 105 – 05 / 07 / 12
Livre : En Route pour la Gloire : Woody Guthrie
Concert : Corcova Duo
KR'TNT ¤ 106 – 12 / 07 / 12
Livre : La rage de vivre : Milton Mezz Mezzrow + Bernard Wolfe
Livre : Avec le diable : James Keene + Hillel Levin
Livre : Le pied-Rouge : François Muratet
Revue : Vintage Guitare N° 8
INDEX KR'TNT : N° 1 - 106
KR'TNT ¤ 107 – 30 / 08 / 12
Concert : Rock & Cook
Disque : Amerikkka Macht Frei : Undercover Slut
Disque : Voracious apetite... : Flashfalcon
Revue : Metallian N° 41
Revue : Hard Rock Magazine N° 32
Livre : Le désespoir des singes... : Françoise Hardy.
KR'TNT ¤ 108 – 06 / 09 / 12
Concert : Number Nine
Concert : Juke Joints band
Disque : Juke Joints Band
Blues in Sem
Revue : Blues Magazine N° 65
Livre : La Vie Blues : Han Nolan
KR'TNT ¤ 109 – 13 / 09 / 12
Concert : Ghost Highway / Jake Calypso /
Charlie Hightone and the Rock-It's
Livre : Un pur moment de R & R : Vincent Ravalec
Livre : Le lycéen : Bayon
KR'TNT ¤ 110 – 20 / 09 / 12
Concert : 1° Festival de La Saulsotte
Rankken / Cat's Eyes / Papy's Blues
Film : Bus Palladium
Livre : True Grit : Charles Portis
KR'TNT ¤ 111 – 27 / 09 / 12
Concert : Ghost Highway
Concert : Johnny Trouble /
Jack Baymoore and the bandits / The Tinstars
Livre : Henri Salvador : Serge Le Vaillant
Revues : Jukebox Magazine N° 310
Blues Magazine N° 66
KR'TNT ¤ 112 – 04 / 10 / 12
Concert : Rockin'Raffi / Mr Boogie Woogie
Kenny Wayne / Mike Sanchez
Disque : Babes and Buicks : Mike Sanchez
Revues : Rock & Folk N° 542 / Soul Bag N° 208
KR'TNT ¤ 113 – 11 / 10 / 12
Livre : Elvis, un phénomène américain : Albert Goldman
Livre : Le King et moi : Pierre Efratas
Concert : Triveni
KR'TNT ¤ 114 – 18 / 10 / 12
Livre : IWW. Wobblies & Hobos : Joyce Kornbluh
Revue : Vintage Guitare N° 9
Revue : Guitar Part N° 217
KR'TNT ¤ 115 – 25 / 10 / 12
Concert : Spykers / Spunyboys / Hot Rocks / Nelson Carrera
Ghost Highway / Keytones / Stargazers
Revue : Music N° 4
Revue : Jukebox N° 311
KR'TNT ¤ 116 – 01 / 11 / 12
Livre : Ringolevio : Emmett Grogan
Concert : Howlin Jaws
Concert : Ghost Highway
KR'TNT ¤ 117 – 08 / 11 / 12
Livre : Chuck Berry : John Collis
Disque : Nelson Carrera
KR'TNT ¤ 118 – 15 / 11 / 12
Concert : Doctor Doom / Martyrs /
Concert :Megatons / Johnny Fay / Lil' Esther / Tinstars / Sonny and his wild cows
Livre : Les Années Blue Note : Francis Wolf
KR'TNT ¤ 119 – 22 / 11 / 12
Livre : Le pays où naquit le blues : Alan Lomax
Revue : Guitare xtreme N° 53
KR'TNT ¤ 120 – 29 / 11 / 12
Concert : Megatons / Guido Kenneth Margesson
Livre : Bessie Smith : Florence Martin
KR'TNT ¤ 121 – 06 / 12 / 12
Concert : The Jallies
Livre : Kick out the jam, motherfuckers : Pierre Mikaïloff
Disques : Ain't got a thing : Emer Hacket
Wild man : Megatons
Boom ! Boom : Barfly
KR'TNT ¤ 122 – 13 / 12 / 12
Concert : The Atomics
Livre : Gene Vincent : Mick Farren
KR'TNT ¤ 123 – 20 / 12 / 12
Livre : Blitzkrieg. Histoire du Punk en 45 Tours : Géant Vert
Livre : Joséphine Baker : Claude Dufrene
KR'TNT ¤ 124 – 27 / 12 / 12
Livre : Le livre des Rolling Stones : Ducray, Leblanc, Woeherle
Livre : Fan des Rolling Stones : Marine Guillier.
Revue : Special 50 ans : Rolling Stones. Jukebox H. S. N° 20.
2013
KR'TNT ¤ 125 – 03 / 01 / 13
Livre : Le jour où Elvis a chanté à Paris : Jean-Marie Pouzenc.
Livre : Elvis intime : Priscilla Beaulieu-Presley
Livre : Elvis et les femmes : Patrick Mahé
KR'TNT ¤ 126 – 10 / 01 / 13
Livre : Rock'o'Rico : Christian-Louis Eclimont
Revue : Vintage guitare N° 10.
KR'TNT ¤ 127 – 17 / 01 / 13
Livre : BB King : Sébastien Danchin
Revue : Rolling Stone N° 50
Revue : Blues Magazine N° 67
KR'TNT ¤ 128 – 24 / 01 / 13
Livre : Rock'n'Folk History 1966 – 2012
Revue : Spécial Métal : Rock & Folk N° 28
KR'TNT ¤ 129 – 31 / 01 / 13
Concert : The Jallies
Livre : Posters rock : Mick Farren & Dennis Loren
Encres de chine : José Martinez
Bande Dessinée : 45 Tours Rock : Hervé Bourhis
KR'TNT ¤ 130 – 07 / 02 / 13
Concert : Rockers Kulture # 5
Perfectos / Sevrian Vets /Angry Cats / Earl and the High Tones /
Megatons / Gun Saloon Especial / Hoop's 45 / Ol Bry /
Atomics /Wild Boogie Combo / Atomic Cats
Disque : Angry Cats / Hoop's 45 / Ol Bry
Rockers Kulture # 4
KR'TNT ¤ 131 – 14 / 02 / 13
Concert: The Jallies
Concert : Black Prints / Hoop's 45 / Tony Marlow
Ghost Highway
KR'TNT ¤ 132 – 21 / 02 / 13
Concert : Black Prints / Riot Rockin Teds / Jungle Tiger
Concert: The Jallies
KR'TNT ¤ 133 – 28 / 02 / 13
Concert: Chris Almoada and his broken heats / Spo Dee O Dee
Pat Mc Ginis and his three stars / Hot Rhythm & Booze
Disque : Sally wants to rock / Jamy & the Rockin' Trio
Revue : Rock and Roll Revue N° 63
Revue : Jukebox Magazine N° 315
KR'TNT ¤ 134 – 07 / 03 / 13
Livre : Jerry Lee Lewis. Lost and Found. Jo Bonomo.
Concert : Hocico
Revue : Guitar Acoustic N° 39.
KR'TNT ¤ 135 – 14 / 03 / 13
Livre : J'étais le dealer des Stones. Tony Sanchez
Livre : S. T. P. A travers l'Amérique avec les Stones. Robert Greenfield
KR'TNT ¤ 136 – 21 / 03 / 13
Livre : Lipstick Traces. Greil Marcus.
KR'TNT ¤ 137 – 28 / 03 / 13
Concert : Lucky Gamblers / Ol' Bry / Howlin Jaws / Ghost Highway
KR'TNT ¤ 138 – 04 / 04 / 13
Concert : Hot Chickens
Livre : Cent contes Rock : Patrick Cazengler
Interview : Darrel Higham / Jade Wright
KR'TNT ¤ 139 – 11 / 04 / 13
Livre : La glorieuse histoire du rockabilly. Max Décharné.
Revue : Vintage Guitare N° 11.
Revue : Guitar Part N° 223
KR'TNT ¤ 140 – 19 / 04 / 13
Concert : Jallies
Concert : Howlin' Jaws / The Whacks
Livre : Psychotic Reactions & autres carburateurs flingués : Lester Bangs
KR'TNT ¤ 141 – 25 / 04 / 13
Concert : Big Wireman / No Hit Makers / Riverside Trio
Livre : Machine dans tête : Mathias Richard
Revue : Rock & Folk N° 549
Revue : Jukebox N° 317
Revue : Blues Magazine : N° 68.
KR'TNT ¤ 142 – 02 / 05 / 13
Livre : Le dernier Combat de Vince Taylor : J-M Esperet
Livre : Rock-A-Billy : Billy Poore. ( C )
KR'TNT ¤ 143 – 09 / 05 / 13
Livre : Congo Square : Freddi Williams Evans
Livre : Blackface : Nick Tosches
KR'TNT ¤ 144 – 16 / 05 / 13
Concert : Tav Falco ( C )
Concert : Jallies / Black Prints / Atomics
Chris Almoada and The Broken Hearts
Ghost Highway and Friends
KR'TNT ¤ 145 – 23 / 05 / 13
Concert : The Jackets / The Monsters ( C )
Livre : Mystery Train : Greil Marcus
B.D. : Johnny Cash / Reinhard Kleist
KR'TNT ¤ 146 – 30 / 05 / 13
Concert : Subway Cowboys
Concert : Atomics / Nelson Carrera + Hot Rocks /
Ghost Highway
Livre : La ballade de Gueule Tranchée : Glenn Taylor ( C )
KR'TNT ¤ 147 – 06 / 06 / 13
Concert : Protokids / Prime Movers ( C )
Concert : Ghost Highway
Concert: Lucky Gamblers
Concert : Hot jumping 6 /
Dale Rocka and His Volcanoes
KR'TNT ¤ 148 – 13 / 06 / 13
Gorgeous George : Hommage à George Jones ( C )
Concert : The Understones ( C )
Concert : King Bakers Combo
Livre : Héros oubliés du R & R : Nick Toshes
Livre : La Citadelle des Vierges Noires : M. L. Questin
Livre : Pascal Ulrich : Editions du Contentieux
Livre : Tequila Blues : Jean-Marc Galliand
Livre : En un Combat Douteux : John Steinbeck
KR'TNT ¤ 149 – 20 / 06 / 13
Concert : Midnight Rovers / King Phantom / Koffin' Katz
Concert : Le panache d'Orville Nash ( C )
Livre : Country : Nick Tosches
Revue : Permafrost N° 1
Revue : Blues Magazine N° 69
Revue : Soul Bag N° 211
Austin Daily Herald : Ritchie Valens / Eddie Cochran
KR'TNT ¤ 150 – 27 / 06 / 13
Concert : Swingum / Jallies / Météore
Rock'n'roll Circus : Rolling Stones ( C )
Concert : Their Satanic Majesties : J. C. Satan ( C )
Disques : Rockin' Class : Midnight Rovers
King Phantom / Little Lou
KR'TNT ¤ 151 – 04 / 07 / 13
Concert : Carl and the Rhythm All Stars ( C )
Concert : Rachid Tahar ( C )
Concert: Tilters / The Four Aces / Capitol's
Revue : Rockers Zine Vol 1, 2, 3, 4, 5
KR'TNT ¤ 152 – 11 / 07 / 13
Concert :Black Lips ( C )
Concert : Ghost Highway
Concert : Hoop's 45
DVD : Collins Kids ( C )
INDEX KR'TNT : N° 1 - 152
( Les chroniques marquées C sont de Patrick Cazengler )
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