07/01/2015
KR'TNT ! ¤ 217. HARLAN T BOBO / LES ROIS DU ROCK / 555 DISQUES / JIMMY REED / BUS STOP
KR'TNT ! ¤ 217
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
08 / 01 / 2015
HARLAN T. BOBO / LES ROIS DU ROCK / 555 DISQUES JIMMY REED / BUS STOP |
ROUEN ( 76 ) / 29 - 10 – 14
LES TROIS PIECES
HARLAN T BOBO
BOBO LAISSE BABA
Pour être tout à fait franc, on commençait à s’ennuyer. Harlan T Bobo attaquait un set en solitaire et grattait sa guitare acoustique avec l’énergie du désespoir. Il n’y avait dans la petite cave qu’une quinzaine de personnes. Pour lui, c’était un peu dur, car ça pouvait ressembler à un désaveu. On aurait pu croire que l’aura du Memphis sound allait rameuter des foules. Mauvais calcul. Aujourd’hui, l’expression Memphis sound ne signifie plus grand chose.
Il faut dire que le concert d’Harlan T Bobo fut annoncé au dernier moment sur un Facebook et sans un coup de fil providentiel dans l’après-midi même, on serait passé à côté de ce non-événement. D’ailleurs, ne passe-t-on pas sa vie à rater des occasions comme celle-ci ? Et si on y réfléchit cinq minutes, les occasions ne sont-elles pas faites pour être ratées ? Mais oui. Laissons-les aux larrons.
Harlan T Bobo est un homme d’âge mûr, assez haut, au visage sec d’aventurier des mers du Sud, portant barbe et petit chapeau bebop, vêtu d’habits sombres et de boots à l’agonie. Il dispose d’un bon registre vocal et sait bricoler des complaintes à la fois âpres et inspirées. Il s’inscrit dans la vieille tradition des troubadours américains, ces gens qu’on dit capables de jouer au débotté dans des bars, entre deux godets d’alcool gobés d’un trait. Avec son allure de bel hobo desperado, Harlan T Bobo aurait facilement pu vivre à une autre époque. On se souviendrait presque d’avoir croisé sa silhouette dans de bons westerns, accoudé au comptoir d’un relais de diligence, le visage fermé et retranché dans l’ombre de son petit chapeau. Il évoque ces personnages sans port d’attache qu’on croise dans les romans des deux Jack, le Kerouac et le London, et qui vont là où les porte le vent. Chez Harlan T Bobo, on trouve un peu d’Arthur Cravan, un peu d’Huckleberry Finn, un peu de Fred Neil, un peu de Sid Selvidge, un peu de Neal Cassady et surtout pas mal d’Harry Dean Stanton. Oh bien sûr, Harlan connaît très bien les personnages légendaires de la fameuse Memphis scene, Monsieur Jeffrey Evans et Jack Yarber. Il évoque aussi des noms de groupes dont on n’entendra jamais parler par ici. Allez sur le site du label Goner et vous verrez, ça grouille d’inconnus au bataillon.
Est-ce parce que ses disques sortent sur Goner qu’on s’intéresse tant à lui ? Allez savoir. C’est l’un des trois Oblivians, Eric Oblivian, qui fonda Goner Records voici quelques années. Memphis reste pour beaucoup de gens le point de départ et d’arrivée. Excepté Detroit, il n’existe pas aux États-Unis de scène plus légendaire que celle de Memphis. Dans leurs ouvrages respectifs, Tav Falco et Robert Gordon ont su dire l’extraordinaire richesse à la fois historique et musicale de cette scène. On peut même parler d’une certaine forme de magie locale. Robert Gordon explique en gros que le Memphis sound n’aurait jamais pu exister ailleurs - surtout pas à Nashville qui en est l’antithèse - et que le foutraque de ce son n’est autre que l’essence même de cette ville et de ses habitants. Pour expliquer ce particularisme, Tav Falco a dû remonter dans le passé jusqu’à l’éradication des tribus indiennes qui peuplaient la région et s’attarder longuement - par l’entremise de son alter ego Eugene Baffle - sur les hauts faits de la Guerre de Sécession. Ce n’est pas un hasard si le rockabilly est né à Memphis, dans le studio de Sam Phillips. Son label Sun est à l’origine de tout. Sam Phillips est à la musique moderne ce que la Grèce antique fut à l’Occident : le berceau de la civilisation. Depuis, des tas de gens ont su perpétuer la légende du Memphis sound : Alex Chilton, les Oblivians, Monsieur Jeffrey Evans et Jim Dickinson. Notons au passage qu’aucun groupe américain n’a jamais réussi à sonner comme les Dixie Flyers ou le ‘68 Comeback.
Harlan joua donc dans la cave quelques morceaux, seul, en s’accompagnant sur sa guitare acoustique. Ce fut probablement un supplice pour ceux qui ne comprenaient pas l’anglais, mais en Europe, on est depuis cinquante ans confronté à ce problème, cette fameuse «barrière du langage» qui empêche la plupart des gens d’entrer dans l’univers de chanteurs souvent passionnants. Rien n’est plus ennuyeux qu’une folk-song à laquelle on ne pige que pouic. Nick Drake et Fairpot Convention faisaient bâiller les copains lycéens aux corneilles, pourtant, il y avait du gratin sur le soufflet. Et donc Harlan T Bobo enchaînait ses beaux mélopifs un peu hantés. Jusqu’au moment où des jeunes gens originaires de Perpignan vinrent le rejoindre sur scène pour un beau numéro de montée en température. C’était même un vrai numéro de cirque, car on se serait cru transporté dans un bar de Memphis. Le gamin à la guitare sonnait exactement comme l’un de ces vieux aristocrates du bottleneck, il tirait les vers du nez de sa Telecaster avec une aisance confondante et la section rythmique swinguait comme dans un rêve. Alors forcément, ça commençait à devenir très excitant. Qui aurait cru que des petits mecs basés dans le Sud de la France pouvaient sonner comme un bar-room band de Memphis ? Comme ils ne payaient pas de mine, personne n’aurait parié un seul centime sur eux. Mais ils ont joué comme des vétérans du Chitlin’ Circuit. Il y eut d’abord une belle volée de mid-tempos sacrément bien enlevés puis la température continua de monter et ça se transforma en une pétaudière à la Jack Yarber. Harlan T Bobo montrait qu’il pouvait shaker le shack et blower le roof aussi bien que l’immense Jack Yarber et ses mighty Tennessee Tearjerkers. Ils enchaînèrent cinq ou six monstruosités du meilleur cru dont un «Merry-Go-Round» qui fit valser la petite assemblée. Il n’était plus l’heure de s’inquiéter pour l’avenir du Memphis sound.
Ces morceaux endiablés, on les retrouve sur un album sorti chez Munster, The Fuzz. Il s’agit d’un side-project d’Harlan (rien à voir avec Fuzz, le side-project de Ty Segall). Pour son side-project, Harlan imite la démarche de Tav Falco et met en scène un alter ego, Hector Bobo. Cet album a fait l’unanimité chez ceux qui l’ont ramassé après le concert. Le lendemain soir, on en reparlait comme d’un disque terrible. Sur cet album joue Steve Selvidge, le bassman de Hold Steady qui est aussi le fils de Sid Selvidge, vieux compagnon d’aventures de Jim Dickinson dans Mud Boy & The Neutrons et guitariste légendaire de la scène de Memphis. Tous les morceaux de l’album sont glorieusement bons. «Somebody Like You» renoue avec le décousu trashy des Oblivians et Harlan va chercher l’obsessif, le têtu obstinatoire. Il enchaîne avec le faramineux «Merry-Go-Round» - And round and round and round - et fait tournoyer ses carrioles chargées de loups et de louves. Il y va de bon cœur, avec toute la hargne niaquatoire et memphistophélique dont il est capable. Il sue l’essence puante de ce vieux garage qu’on adora jusqu’à l’ivresse. Hector va chercher les grandes insistances. Il danse comme un renard argenté dans la fumée. Il entourloupe ses riffs et une femme lui répond no way man ! Ça pulse dans les bourguignons, ça valse aux quatre vents, c’est même admirable de délinquance rurale de betteraves digonnées. «Birdie» est une autre infernale expérimenterie fuzzée par babord et par tribord. Avec «Teen Rex», il revient au bon rock américain. Bobo fait bien son boulot. Il chante dans l’arrière-boutique du beat. Il riffe dans le baba. Bobo bosse bien le brouet de base. Et puis voilà la reprise fatale, «Sorrow’s Forecast» de Dead Moon, emmenée au beat cavaleur. Mais tout ceci n’est rien comparé à «Another Way», une espèce de gros cut titubant et harnaché de tortillades de guitare. Oh la la, ça dégingande, ça bascule dans les orties, ça sort du virage, ça heurte des murs, ça se brise des dents et ça disparaît brutalement.
Son premier album solo remonte à 2004. On trouve sur «Too Much Love» un «Only Love» intimiste gratté à la guitare hawaïenne, de la belle country qui sent le bois pas raboté et les dents soignées à la chique de tabac («Left Your Door Unlocked»), du mélopif intimiste, évolutif et bien sous-pesé («Stop»). Pour le morceau titre de l’album, Harlan sort sa voix de bourlingueur bourrelé par le bourru des bonnes bourres et il se met à sonner comme Nick Cave. Il adore quand c’est dur. Il vise l’intensité excessive et s’appuie sur une walking-bass. C’est admirablement nappé d’orgue de fête foraine. Il vise clairement l’équarrissage. «Zippers And Jeans» est monté au rockab de sang bleu. Il sort là une belle fusion rockab d’excellence et renoue avec l’énergie du Memphis sound. Voilà un bel objet de stupéfaction. Idéal pour divertir les membres d’un équipage. Avec «Mr Last Week», il tape dans le heavy blues de jerk et se fait insistant. Puis il nappe d’orgue son «When You Comin’ Home» et le prend à l’haleine chaude. Il finit avec un «Bottle And Hotel» qui ne marche pas droit. Son grain de voix se reconnaît entre mille. Harlan est balèze car il embarque ses chansons assez loin - I’ve got no place - Alors ça se termine à l’hôtel.
Il sort «I’m Your Man» trois ans plus tard et décore sa pochette de planches anatomiques. Pas très appétissant. Mauvais présage. On retrouve ses balladifs intimistes d’haleine chaude et puis il nous en bouche un coin avec «God’s Lamb» qui sonne comme du Wedding Present. C’est une pop trop ambitieuse pour une ville comme Memphis. Avec «Baptist Memorial», il sonne comme Syd Barrett et il nous emmène au pays du groove ultime avec «My Life». On assiste à une jolie montée en température et ça devient une véritable blasterie. Bobo laisse bibi baba. Il teinte le bien fondé de son groove de Harlem d’un psyché bon enfant et enfonce ses clous dans les chairs pantelantes des signifiant héroïques - This is my life - Quelle grandeur épique ! Bobo fait l’Otis et psychette pour des Prunes. Il pique du nez dans l’azur marmoréen et stupéfie par son inadvertance. N’allez surtout pas prendre ce mec pour un amateur, ce serait une grave erreur. Avec «Tick Tack», il sort un élégant folk anglais d’élégance éclairé à la chandelle verte, une belle berlue sur valse à deux temps, comme chez Brel. Il s’amuse aussi à sortir de son chapeau une pièce gothique d’outre tombe, «Pragmatic Woman», qu’il maintient en suspension dans le néant. Il fait aussi de la pop à la John Lennon, avec «Last Step», mais c’est l’époque où Lennon rampait sur les trottoirs de Los Angeles, soûl comme un Polonais un jour de paye. Il reste dans le même esprit avec un «Sick Of It» qui sonnerait presque comme «Yer Blues». Bobo prend une voix atterrée et sort des gros pataquès de son. Il sait très bien chanter comme Lennon lorsqu’il le faut. Bobo fait bien son boulot. Voilà un homme qu’il faut bien qualifier d’artiste complet.
Son troisième album «Sucker» semble extrêmement austère à la première écoute. «Hamster In A Cage» sonne comme un hit pop bien swingué, et même flamboyant, car embarqué à l’harmo. Pour le reste, Harlan revisite la frontière avec «Old Man», fait de l’intimisme urbain à la Lou Reed avec «Selfish Life», du cabaret avec un «Perfect Day» qui ne doit rien à Lou Reed, puis il s’énerve un peu avec «Bad Boyfriends» et place un solo d’ampleur incendiaire dans «Energy». Harlan aime bien rocker. Il termine avec une très belle chanson, «Mlle Chatte» qu’il prend en duo avec sa compagne française Anne. Et c’est d’elle dont il parle dans l’excellent texte publié sur la pochette. Harlan y raconte un séjour au Sud de Madagascar, du côté de Tuléar, c’est-à-dire au milieu de nulle part. Il boit, il baise et il narre avec un naturel désarmant le surréalisme de l’île et de ses habitants. Ce texte fait tout le charme de l’album car Harlan écrit comme les deux Jack.
Signé : Cazengler, le baba cool
Harlan T. Bobo. Le Trois Pièces. Rouen (76). 29 octobre 2014
Harlan T. Bobo. Too Much Love. Goner Records 2004
Harlan T. Bobo. I’m Your Man. Goner Records 2007
Harlan T. Bobo. Sucker. Goner Records 2010
The Fuzz. The Fuzz. Munster Records 2013
LES ROIS DU ROCK
THIERRY PELLETIER
( Editions Libertalia / 2013 )
Les rois du rock ne sont pas ceux que l'on croit. Ou alors c'est que chacun est roi dans son propre royaume. C'est l'histoire de Cohran et de ses copains. Pas Eddie le grand, l'immortel créateur de Summertime Blues. Non, l'autre, Thierry Pelletier celui qui raconte sa folle jeunesse. Et son automne déclinant, beaucoup plus sage. Même s'il n'a pas tout abandonné. Même s'il n'a rien renié de l'essentiel. Pousse parfois la goualante avec les Moonshiners.
Le Pelletier l'est tombé dans le rock par hasard obligatoire. Les parents ne sont pas forcément des tortionnaires mais la famille c'est trop souvent l'enfermement. C'est en regardant tout mineau des images de Londres dans l'arrière-fond desquelles déambulaient trois teddy boys que le petit Thierry a senti la vocation. Sera un voyou, sera un rocker, un outlaw, un délinquant, quand il sera grand. Vous reconnaîtrez que c'est un projet autrement plus classe que de devenir jeune cadre dynamique. Serait plutôt du genre à faire péter les cadres de la société à la dynamite.
Comme dans les contes de fée, il réalise son rêve. Fera partie de la mouvance rockab des années 80, tendance psychobilly à la Meteors. Un programme prolétarien : un tiers de baston, un tiers de biture, un tiers de batifolages divers à zoner avec les copains. Quand vous additionnez les trois ça forme un tout de misère sociale et psychique. Mais ça ne se voit pas. Parce qu'à dix-sept ans l'on se fout de tout et que l'on vit dans le mythe romantique de la horde de loups faméliques mais sans pitié. Vaincue parfois, mais toujours indomptée.
Une vie de rapaces, de rades perdus, de squats déchirés, de concerts tumultueux. Le monde est dangereux peuplé de skins, d'apprentis fachistes, de chasseurs de fafs, de punks, de supporters de foot, et tout cela se court après dans la plus joyeuse déglingue. Vous raconte l'affolante embrouille dans son savoureux argot des eighties.
C'est par la suite que ça se gâte. La société se débrouille toujours pour vous offrir une porte de sortie. Une voie de garage. Les loups garous finissent par rentrer dans le troupeau des moutons. La femme, les gosses, je ne vous fais pas un dessin. Si je voulais être méchant avec moi-même je dirais les fausses excuses humanitaires. Les feuilles mortes des ambitions révisées à la baisse se ramassent à la Pelletier.
Va falloir se colleter avec l'autre face de la réalité. Le Thierry qui avait mis tant d'énergie à se désocialiser dans sa jeunesse va finir – fine ironie du destin – par embrasser la profession de travailleur social. S'occupera désormais des ivrognes du quartier dont les institutions ne savent plus quoi faire. Des largués, qui ont coupé définitivement les amarres et qui voguent dans leurs délires imaginatifs. De cures de désintoxication en éléphants roses, de crises de délirium tremens en folie douce. Ce que lui-même aurait pu devenir s'il n'avait opéré une bifurcation salvatrice.
Le rock mène à tout à condition d'en sortir. Par la grande porte. Thierry le mouton noir ne bêle pas dans le sens de la laine. N'est plus un loup solitaire, s'est métamorphosé en loup solidaire. L'en n'a pas fini avec le rock mais s'est aperçu que la révolte individuelle, si elle était nécessaire et indispensable pour briser l'armure fossilisante de la modélisation civique, s'étiolait une fois qu'elle avait brûlé ses propres ressources. L'on devient aussi facilement prisonnier de soi-même et de son propre personnage que des autres. Sous le perfecto ou tout autre pelure symbolique, l'être humain.
L'a compris que les rois du rock ne sont pas les rock stars, mais tous les prolos, tous les déclassés, tous les sans-grade qui ont volé l'étincelle du feu de la première révolte à cette musique populaire éminemment prométhéenne.
Damie Chad.
ROCK & FOLK / H.S. N° 30
555 DISQUES
( 1954 – 2014 )
Soixante Ans De Rock 'N' Roll
194 pages pour moins de dix euros, des heures et des heures de lecture. Rock & Folk termine l'année en beauté. S'y sont mis à toute l'équipe, ont même rameuté la troupe des anciens, et ont pris en troupes auxiliaires quelques animateurs de Oui FM. Un sacré boulot. De plusieurs mois. Trois disques par pages, la photo de l'album en haut de colonne et le fût longiligne de la chronique par-dessous. Petits caractères, de quoi remplir les longues soirées d'hiver.
Genre d'entreprise qui ne peut engendrer que des haines. Cinq cent cinquante cinq albums, l'en manquera toujours un à la liste. Comme par hasard votre préféré. Par contre la pléthore de pécores balbutiant qui vous paraît inutile vaut mieux ne pas s'appesantir. Vais pas tomber dans le panneau, enfin si, m'en manque trois. Pour commencer un Family. Ce n'est pas que j'aime particulièrement. Je ne sais même plus à quoi leur musique ressemblait. Plus de trente cinq ans qu'il ne m'en est pas tombé un éclat de note dans le creux de l'oreille, mais en la douce année de 1969, tous les copains avaient un disque de Family dans leur collection. C'était un signe de ralliement, un must – la voix de Robert Chapman n'y était pas pour rien – le groupe a fait beaucoup pour installer ce qui n'allait pas tarder à s'appeler pop-music dans le cœur du nouveau public rock en France. Intérêt historique certain, mais le temps efface le souvenir des hommes bien plus sûrement que le vent les traces du serpent sur le sable du désert.
Je ne sais pas si c'est la montagne qui n'est pas venue jusqu'à R & F, mais en tout cas ils ne sont pas allés jusqu'à la Mountain. Rien que la pochette de Nantucket Sleighride due à Gail Collins - une super nana qui écrivit des paroles pour Cream et qui abattit Felix Papalardi d'un coup de revolver lors d'une crise de jalousie – méritait l'inscription d'office dans les joyaux de la couronne. Un grand groupe de hard tombé dans l'oubli. Leslie West guitariste teigneux et talentueux, tourne toujours. Le diabète a obligé l'ablation d'une jambe, joue assis dans un fauteuil. The rock and roll must goes on.
N'ont pas mis Mountain, mais ils ont glissé Miossec qui est au rock and roll ce que la recette de la barbe à papa est à une fusée interplanétaire. Ont fait pire. C'est vrai qu'il draine une sale réputation, mon dieu, quelle horreur c'est le groupe préféré de ces voyous de Teddy Boys ! L'on aurait compris que l'on ait omis Crazy Cavan chez les Inrockruptibles, mais chez Rock & Folk franchement ça la fout mal. Si le rock and roll existe encore c'est un peu à cause de cette légion des damnés du rockabilly qui l'ont maintenu à bout de bras durant des années.
J'arrête le bureau des pleurs. Quelques dernières larmes dans le mouchoir tout de même, s'agit de rock and roll, mais moi j'aurais commencé par dérouler un tapis rouge de verts bluesmen de derrière les fagots du Delta. Ont essayé de se rattraper aux petites branches en en casant quelques uns comme ils ont pu, style Muddy Waters boosté par Johnny Winter avec Hard Again, sympathique, mais cela vous a des airs de gentils scouts remplis de bons sentiments qui poussent le grand-père sur son fauteuil roulant !
C'est Jean-William Thoury qui s'est chargé des pionniers, seize disques, bon choix de Bill Haley à Roy Orbison, avec Joan Baez qui s'intercale après Wanda Jackson – tout un symbole le folk qui s'en vient faire la nique au vieux rock and roll – mais un absent de taille, l'aurait été judicieux de pointer un 33 tours de Bo Diddley – l'en a paru trois cette année-là – au millésime 1962, qui reste étrangement vide. Intelligentes kronics d'ouverture qui n'apprendront rien aux amateurs mais qui permettent aux néophytes d'entrer dans le monde du pure rock and roll sans se sentir irrémédiablement perdus...
Pas de cocoricos à pousser : les french boys n'atteignent pas les dix pour cent d'occurrence : Hallyday, Polnareff, Magma, Hedayat, Au Bonheur des Dames, Higelin, Bijou, Gainsbourg, Trust, Téléphone, Bashung, Dogs, Bérurier Noir, Daho, Little Bob Story, La Souris Déglinguée, Mano Negra, Wampas, Dutronc, Noir Désir, NTM, Miossec, Louise Attaque, Air, Manu Chao, Pascal Comelade, Murat, Houellebeck, Burgalat ( + AS Dragon ), Indochine, BB Brunes, Tellier, Darc, Daft Punk... le rock à la française dans toute sa splendeur, un cheval de variétoche louchant vers l'intellectualisme de bas étage, et une alouette de rock and roll. Apparemment l'on fait l'impasse sur les Variations et l'on ignore toute la génération des groupes rockab qui s'agitent dans l'ombre, Al Willis au hasard, pour n'en citer qu'un. Dure loi de la demande qui n'est relancée par aucune offre médiatique. Reflets des ventes et goût du public averti, celui qui pèse deux fois plus lourd que le rocker de base dans les coteries de intelligentsia parisienne. La comparaison avec le numéro H.S. 29 de Jukebox de janvier 2015 ( voir notre livraison 215 ) est des plus éloquentes. Politique d'une revue et dérives consubstantielles à la nécessité de surfer tant soit peu sur la mode pour attirer un lectorat de moins en moins rock.
Sinon, c'est un peu comme à la Samaritaine, dans le nombre vous y trouvez ce qui vous intéresse. Super marrant à feuilleter avec un copain, discussions, souvenirs et vantardises sans fin... Ce qui est le plus surprenant reste la concomitance de certains albums, sortis la même année, à quelques semaines d'intervalles, et pour vous dans votre tête ils sont séparés par des années-lumières : je prends un exemple au hasard. Comment donc, si j'en crois la page 38, j'écoutais en même temps le Beck-Ola. Le Green River et le premier Stooge ? Pas possible ! Certes il est passé de l'eau sous les ponts depuis la fastueuse année 69, mais le Jeff Beck Group, le Credence Clearwater Revival et le premier opus d'Iggy relèvent aujourd'hui de remémorations de sensations si distantes les unes des autres, comme issues d'étoiles situées en de différentes galaxies. Travail du cerveau qui construit de petites cases, qui érige une pyramide d'alvéoles hermétiques dévolues à des expériences primordiales qui ont modifié votre rapport au monde, et qui momifient ces instants magiques de connaissances signifiantes, comme des fruits mûrs mis dans le sirop de leur boîte à conserve. L'on ne se nourrit que d'ersatz, de cadavres, alors que coule encore en nous, des décennies plus tard, les palpitations de cette proie vivante que nous égorgions de nos dents désireuses de vie chaude et animale mais qui nous baignait de son sang tutélaire. Et nous feuilletons ce fascicule avec fièvre et dégoût à la recherche des émois d'un moi disparu, mais dont nous remontons la trace de ses pas dans la cendre de nos souvenirs.
Bonne lecture. Mais ne soyez pas comme le sioux peu rusé qui colle son oreille sur le rail pour entendre le train des tuniques bleues qui s'approche. Si près, que la locomotive finit par lui écraser l'occiput. Comme disait Baudelaire, avec le rock and roll, j'ai plus de souvenirs que si j'avais cinq cent cinquante cinq disques.
Damie Chad.
PS 1 :
Peux vous faire la même chronique mais en plus court :
Dans ce Hors-Série N° 30 de Rock & Folk : vous trouverez par ordre croissant d'importance :
1° ) Bien des groupes dont on ne vous parlera jamais dans KR'TNT !
2° ) Les groupes dont vous nous avons déjà parlé dans KR'TNT !
3° ) L'absence des groupes dont on parle dans KR'TNT !
PS 2 :
Par contre dans le numéro 569 de Janvier 2015 du magazine un article sur Jerry Lee Lewis ( son dernier disque ), un bel hommage à Bobby Keys ( un beau parcours : a commencé avec Buddy Knox et fini avec les Stones ), la série Beano Blues de Christian Casoni consacrée à Lowell Fulson sera votre galette des rois.
JIMMY REED
( Suave / 2001/ CD 6942 063 )
I TOLD YOU BABY / TAKE OUT SOME INSURANCE / BABY, WHAT YOU WANT TO ME / HUSH-HUSH / BIG BOSS MAN / TELL ME YOU LOVE ME / I FOUND MY BABY / SHE DON'T GO FOR THAT / AIN'T THAT LOVIN YOU BABY / YOU GOT ME DIZZY / DO THE THING / HONEST I DO / DOWN IN VIRGINIA / I'M GONNA GET MY BABY / I WANNA BE LOVED / BRIGHT LIGHTS, BIG CITY / AW SHUCKS, HUSH YOUR MOUTH / LET'S GET TOGETHER / WHEN YOU'RE DOING AKLL RIGHT / I'GOING UPSIDE YOUR HEAD / I'M THE MAN DOWN THERE.
Livret de JEAN-NOËL GABILAN.
Faut toujours revenir au blues. Pure précaution. Sinon c'est lui qui revient se coucher à tes pieds. Comme un chien fidèle mais enragé qui ne t'oublie jamais. Jimmy Reed fut une sommité en son temps. N'est plus qu'un nom. Mais a marqué son époque. Presley l'a écouté et repris. Mais cela ne compte pas. Preley a tout écouté d'Arthur Crudup à BB King. N'a pas fréquenté Beale Street par hasard. C'est en Europe que Jimmy Reed a fait ses petits. Pas des moindres. Rolling Stones et Animals et tous les autres qui le citaient comme influence primordiale. Ah ! La voix d'Eric Burdon sur Bright Lights, Big City ! Un morceau que l'on se devait de faire tourner septante-sept fois sur son pick up avant d'oser ouvrir la bouche. Le Burdon il vous bourdonnait cela comme un million de frelons en colère. Un truc à vous filer la fièvre jaune sans préavis. Rien à voir avec l'original. Le gosse de Newcastle l'interprétait à son idée, un peu de Muddy Waters pour l'amplitude et un peu de Ray Charles pour le rythme. Drame et urgence. C'est sur ces fondations qu'il dressera We Gotta Get Out Of This Place deux ans plus tard.
Rien à voir avec Jimmy Reed. Rien de moins frontal que ce gaillard. Balance ses uppercuts, mais en douce. Quasi en traître. Pas le roi de l'harmonica Jimmy Reed, sait s'en servir, mais sur les phrases courtes. Pour les longues chevauchées et les ruptures abracadabrantes de rythme, vous repasserez. Si vous voulez. Il n'y en aura pas davantage au second service. Idem pour la guitare. Joue mieux que moi ( ça c'est facile ) mais est assez malin pour laisser son poteau Eddie Taylor faire le boulot. Au bout de quelques années de patience, l'Eddie s'est tiré, l'en a eu assez de ne pas pouvoir étirer ses solos. C'est moi qui lui prête l'intention. C'est qu'avec Jimmy l'avait intérêt à jouer en rythmique. Cool Coolos. Plutôt style rockin chair dodelinant juste avant de plonger dans la tiède sieste d'un après-midi d'été torride.
Pour la voix, Presley le prestigieux a illico presto pigé. S'est contenté de faire la grosse voix, celle que vous employez pour que les filles vous regardent, un peu forcée, mais un tantinet joueuse, ne me prenez pas au sérieux, je ne suis pas méchant, et tout de suite le Big Boss Man du gosse de Tupelo il vous a pris une double bosse de chameau qui traverse le Sahara dans sa plus grande largeur avec autant de facilité que vous votre deux pièces cuisine. Bref une option qui n'a pas effleuré Jimmy Reed. Le gars qui se lève doucement le matin et qui ne va pas trop vite le soir pour quitter la chaise-longue. Neuf enfants dans la famille, ne devait pas être le premier à se précipiter pour faire la vaisselle, le petit Jimmy. Laissait le turbin à ses jolies soeurettes. Une bonne combine. D'ailleurs plus grand, s'est dépêché de se trouver une mama compréhensive.
Gloire à Mama Reed, c'est elle qui écrivait les paroles, et comme Jimmy avait du mal à les retenir, les chantonnait à côté du micro quand il enregistrait. Tendez l'esgourde et vous l'entendrez ! C'est que le Jimmy l'avait des choses bien plus importantes à se charger. Sa carrière d'artiste, c'était le job. Son plaisir ce n'était pas le blues. Lui il préférait l'alcool. Un ivrogne. Un vrai. Saoul du matin au soir. Le mec heureux qui ne se préoccupait que de boire. Le reste lui importait peu. L'a fini en beauté, une crise de délirium tremens qui l'a couché tout raide dans son cercueil à cinquante et un ans. Sa carrière allait à vau l'eau ( malheureuse expression ) n'y avait qu'en Europe qu'on l'invitait encore un peu – par ignorance et dévotion de petits blancs à la mauvaise conscience - dans les festivals de blues...
Je vous vois venir avec vos gros sabots : pourquoi ce mec qui n'était pas un génie a-t-il eu autant de succès et d'influence dans les années soixante ? Une première réponse : le balancement hypnotique du farniente alcoolisé possède son charme. En tout un chacun existe un vieux fond de paresse que notre éducation nous empêche de faire remonter à la surface, mais son apparition chez certains de nos congénères même si elle peut nous horrifier est des plus fascinantes. L'être humain n'est pas fait pour le travail. Dans les anciennes civilisations l'on déléguait ces subalternes tâches aux esclaves. Tiens, tiens, on retrouve l'un des sentiers originels du blues. Jimmy Reed est en quelque sorte un partisan de la révolte douce. Ceci n'est pas plus pour moi que pour vous. Après vous, je n'en ferai rien.
Une deuxième raison : quand on est novice l'on n'entreprend pas l'escalade de l'Himalaya par la face nord, l'on attaque du côté par où les pentes sont les moins rudes. Les apprentis bluesmen de l'United Kindom ont préféré par commencer à se faire les dents et les doigts sur Jimmy Reed que sur Little Walter ou Howlin'Wolf. On les comprend. Avec Jimmy, le blues semble à la portée de tous. Du blues en kit, suffit de suivre la notice pour réussir. Pas si facile que cela non plus. Plus subtil qu'il n'y paraît de prime abord.
Du blues qui ne pète pas le feu, qui ne rue pas dans les brancards, mais suffit de prêter l'oreille, derrière ce blues un peu trop clair, un peu trop décoloré, c'est le baby boom rock qui pointe le nez. Car c'est bien beau de ne jurer que par le blues, mais en 1960 c'était un peu une hérésie de retardataires. Depuis quelques années les blanchâtres gaminos des States avaient avancé le travail, z'étaient passés au rock and roll. C'était le sens de l'Histoire. La musique se devait d'évoluer. Et Jimmy Reed fut un merveilleux passeur. Dans son rythme chaloupé, il y avait, tout prêt à servir, le balancement du rock. Suffisait de le dégager de la vieille gangue terreuse du blues pour renouer avec les avancées du rock and roll noir, le martèlement de Bo Diddley, les cataractes de Chuck Berry, le piano fou de Little Richard. Jimmy Reed fut le canal de dérivation qui permit aux affluents en gestation de se fondre dans le fleuve tourbillonnant du rock and roll. Le chaînon manquant pour la poursuite de l'évolution.
Pas un précurseur, ses premiers succès datent de 1955, presque un retardataire, celui qui ouvre la porte pour laisser passer le torrent qui ne va pas tarder à déferler. Se laisse porter par le courant, ne le dirige pas. Pas aux avant-postes mais dans le peloton de poursuite qui force les premiers à accélérer la cadence s'ils veulent garder leurs places. Sa voix de tête, son harmo aux miaulements écourtés de chaton, sa guitare modérée, se laissent pourtant écouter avec plaisir. Le charmeur bleu. L'on retrouve ce farniente musical chez des petits blancs comme J.J. Cale – mais avec plus de lyrisme – et plus incroyable avec Clapton – et son insupportable blues en sourdine qui fatigue jusqu'à ses fans les plus intransigeants que cette mollesse adjacente finit par décourager. Certes Clapton possède beaucoup de technique, quand il s'empare d'une note, ne la laisse pas s'envoler tout de suite, faut qu'elle rende tout ce qu'elle possède comme le tube de dentifrice terminé dont vous pressez les parois pour en sortir les trois dernières gouttelettes indispensables à l'entretien de votre dentition branlante. Quand on y repense dans les oeufs couvés par ce vieux coucou de Jimmy Reed, n'y avait pas beaucoup de tocards. Géniteur peu puissant mais père d'une nombreuse marmaille qui a bien réussi. Pas de transcendance, miracle de la descendance.
Damie Chad.
BUS STOP
SHAKIN' ALL OVER
BRAND NEW CADILLAC / NO MOON AT ALL / SUMMERTIME BLUES / Mr SANDMAN / MILKCOW BLUES BOOGIE / I WISH UPON A STAR / KENTUCKY MOONSHINE / HIGH HEEL SNEAKERS / THESE BOOTS ARE MADE FOR WALKING / BOPPING THE BLUES / OHIO / MAMMA TALK TO YOUR DAUGHTER / DATIN'
Peter Lacoste : lead vocal, rythm guitar / Dominique Lacoste : Lead vocal, tambourin, cabasa, afuche / Jean-Luc Mouton : Lead guitar, electric, slide, acoustic guitars, harps, background vocals / Rod Opitch : Bass Guitar; background vocals / Pascal Melchior : drums, percussion, background vocals
Guest stars : Laurent Lacoste : guitar and vocals / Klaus Gehlaar : bass.
Enregistré en 1994.
J'aime les coups de sonde. Bac des CD à deux trois euros sur le marché de Foix, en Ariège, 09 pour les numérologues, les tartignolles dont personne ne veut, les rossignols des causes perdues, les invendables qui pourrissent dans les stocks depuis dix ans. Des cauchemars qui défilent sous mes doigts, des horreurs que Lovecraft n'a pas eu le courage d'imaginer, mais j'insiste, la plus belle perle ne se trouve-t-elle pas sous l'épaisse écaille de l'huître la plus rugueuse ?
Bus Stop, avec deux stetsons sur la pochette, serait-ce la bande-son de mon film préféré de Marylin Monroe, en seconde position après les Misfits, je regarde de plus près, avec leur mine de repris de justice faut éliminer les Hollies trop précieux, trop britaniques, d'autant plus que mon infaillible flair de rocker me dit que ce sont des français, pourtant au dos de la pochette, une photo de Peter qui nous le montre en 1961, aux USA, micro en main. En plus un document officiel issu des collections de l'US Army !
Voilà qui demande plus ample vérification. Je farfouille dans mes poches et tend les trois piécettes au marchand. Faudrait une description de quinze pages à la Balzac pour vous peindre les sentiments mêlés de stupéfaction et de soulagement qui traversent son visage lorsqu'il voit l'objet dont mon incroyable convoitise le débarrasse, me propose aussi sec une poche plastique pour être sûr que je ne revienne pas sur ma décision et l'emporte au plus vite. L'est tellement estomaqué que je le rassure : « De toutes les manières dès qu'un groupe reprend Shakin' All Over et Summertime Blues, perso ça m'intéresse ! »
C'est en retournant à la voiture que je découvre que le chevelu sur l'extrême bord de la pochette n'en est pas un. Ni un chauve, ni une perruque. Simplement une jeune femme revêtue d'un perfecto. Un rapide détour sur internet me donne davantage de renseignements : groupe fondé dans les années soixante-dix, originaire de la région messine, encore en activité, et aujourd'hui surtout réputé dans les milieux de danse country, mais ayant tâté un peu de tout puisqu'on lui attribue les étiquettes, gospel, jazz, rockabilly, rock and roll, country-rock... autant apprécié dans les soirées de la jet set ( hum! Hum ! ) que dans les clubs de bikers, ce qui s'appelle manger à tous les râteliers ou alors être un virtuose du grand écart ! Evidemment le personnel a un peu changé, des pros que souvent l'on retrouve derrière nos chanteurs nationaux de variété. Tournent aussi aux USA, y sont même distribués. N'est que temps de passer au no blind test.
Une chose est sûre, question guitare le Jean-Luc Mouton n'a pas dû apprendre à jouer avec un manchot des îles Galapagos, le doigt agile et la note incisive, peut tout faire, et au moment approprié, le gars qui ne déçoit jamais le patron, toujours à l'heure, jamais en retard. Pouvez lui confier n'importe quel boulot, s'en sort comme un chef. Je ne sais pas ce que Peters faisait dans l'US Army, mais question stage de langue, n'a pas dû bosser beaucoup, les amerloques comme on les aime par chez nous, pas des yankees barbares qui mâchouillent un chewing-gum incompréhensible, une diction claire comme de l'eau de roche, vous suivez les paroles, mot à mot, aucune crispation de méninges garantie, pour vous mettre à l'aise dès le début il se lance dans un Cadillac abécédaire à moitié parlé un peu surprenant, mais l'on s'y habitue. Un vocal ectoplasmique, se coule assez bien dans le timbre presleysien ou cochranique, mais ce qu'il préfère c'est la grosse voix emphatique un peu à la Lee Hazlewood et à la Johnny Cash d'autant mieux venue qu'elle contraste avec celle si féminine, si pure, si délicieuse, de sa compagne Domi, vous comprenez vite pourquoi ils se sont spécialisés dans la ballade country par la suite.
Un parti-pris évident. Un minimum de qualité belle ouvrage garantie et le désir de plaire au public, lui servir de la soupe, mais de la bonne – ni du surgelé en tube, ni l'infâme rata de l'Armée du Salut - celle qu'il aime aux légumes du jardin et dont il redemande. Pas du bio vital, mais de l'agriculture raisonnable. Un savoir-faire indéniable, davantage des faiseurs que des bricoleurs dont ils ne possèdent ni le génie ni l'authentique maladresse. Agréable à écouter, mais une des premières vertus d'un groupe de rock and roll n'est-elle pas de vous sécher complètement groggy, à moitié plus que mort dans les cordes du ring ? Quand on vous caresse dans le sens du poil, méfiez-vous.
Maintenant je ne regrette pas mes trois euros, il y a deux petits solos de batterie – pas plus de quinze seconde à chaque fois – drôlement accrocheurs dans leur esbroufe téléguidée. Rien que pour cela, ça vaut le déplacement. Pas non plus la grosse pépite espérée.
Damie Chad
18:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
03/01/2015
KR'TNT ! ¤ 216. PRIMEVALS / MARIANNE FAITHFULL ( + ROLLING STONES )
KR'TNT ! ¤ 216
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
01 / 01 / 2015
Un tsunami de stupre, de rage et de fureur, d'orgie et d'alcool, de filles félines et de mecs canins, de tumultes stupéfiants, à faire enfin craquer le vieux monde qui tente de nous rattraper, le tout servi brûlant sur un lit d'épineuses roses rock and roll et de blets bleuets de blues, c'est tout le mal que nous vous souhaitons pour... cette année 2015 ! |
PRIMEVALS / MARIANNE FAITHFULL ( + ROLLING STONES ) |
LE PETIT BAR / ROUEN ( 76 )
25 – 10 – 2014 / PRIMEVALS
LA PRIMAUTE DES PRIMEVALS
Curieusement, alors que nous arpentions les quais, l’autre jour, les Primevals sont arrivés dans la conversation. Ces Écossais constituaient une énigme pour beaucoup d’amateurs de rock, et nous nous arrangeâmes d’un confortable compromis :
— Peut-être leur manque-t-il le petit quelque chose qui fait la différence ?
On faisait sans doute référence à l’imperceptible essence du rock, qui tient à la fois de la qualité des compos, du son, de la voix du chanteur et aussi certainement d’une façon de se montrer en public. Rien n’est plus difficile que de vouloir être une légende du rock. Beaucoup d’observateurs font référence à l’alchimie pour expliquer le phénomène de cristallisation, mais il en est hélas bien peu qui savent de quoi ils parlent quand ils parlent d’alchimie.
Le chanteur des Primevals eut peut-être le malheur de porter le même nom qu’un fantaisiste du cinéma hollywoodien, le fameux Mickey Rooney qui réussit l’exploit de se rendre insupportable grâce à une voix de canard. Même si le leader des Primevals s’appelait Michael - et pas Mickey - le mal était fait. Il ne chantait pourtant pas d’une voix de canard, loin de là. Michael Rooney pouvait rivaliser de classe avec Chris Bailey.
Les Primevals sont restés dans le confort douillet de l’underground. On ne les sollicitait que pour enregistrer un album de temps en temps. Ils enregistrèrent deux albums studio en 1984 et 1986 pour New Rose et ces excellents albums surent se montrer dignes d’une discothèque bien tenue. Ce qui frappe le plus quand on écoute «Eternal Hotfire», c’est l’ambiance. On se croirait sur un album du Gun Club, mais sans l’abandon de Jeffrey Lee Pierce. Leurs compos se veulent solides, bien ramassées. Ils les jouent à deux guitares et ils s’ancrent dans le meilleur garage qui soit, celui des sixties américaines. Dans «Blues At My Door», on retrouve toutes les dynamiques du Gun Club, l’épaisseur, la tension et les coulures. Même chose pour «Have Some Fun». «See The Tears Fall» plait énormément, car c’est vraiment chanté à la voix de son maître. Michael Rooney force bien sa voix. Il tartine bien ses syllabes. Quel bon meneur de troupes ! Il chante un peu comme Jello Biafra, en posant les conditions de belles sonorités de timbre à l’appui de sa diction. «Lucky I’m Living» est encore une belle pièce chargée de son et de sens. Leur démarche fut unique en Écosse, où les groupes avaient pour manie de vouloir singer Big Star. Michael Rooney et ses mighty Primevals allaient plus vers le Dylan des syllabes posées et tirées. Michael Rooney se démenait comme un beau diable. Il savait emmener certains échos de sa diction valser au sommet d’une glotte ardente.
On retrouve un fort parfum gun-clubbique dans «Sound Hole» paru deux ans plus tard. (D’ailleurs, ils imitent la petite astuce du Gun Club : «Fire Of Love», qui donne son titre au premier album du Gun Club, échoua sur «Miami», le second album. «Eternal Hotfire» qui donne son titre au premier album des Primevals se retrouve sur leur second album. Ils auraient même dû le titrer «Eternal Hotfire Of Love», comme ça au moins le message eût été clair.) Avec le fouillé du son, «Primeval Call» sonne comme un classique du Gun Club. On retrouve l’excellente assise de voix de Michael Rooney. Et derrière, les effets des guitares enrichissent le son. On les sent déterminés à vaincre. Au fil des morceaux, on sent bien qu’ils oscillent entre le Gun Club et le Dylan électrique. «Fire And Clay» et «Saint Jack» pourraient aussi sortir d’un album du Gun Club. Tout est très gunné sur cet album. Par contre, avec «Lowdown», les Primevals sonnent comme les Saints. Même gouaille et même solidité compositale.
«Neon Oven» est un album live enregistré au Grand Rex, à Paris, en 1990. Ils attaquent avec une reprise de Captain Beefheart, mais c’est raté puisqu’ils rendent «Crazy Little Thing» méconnaissable. Ils tapent ensuite dans Swamp Dogg avec une reprise de «Spiritual» et ils sonnent comme le Gun Club, grâce au beat et au bottleneck. Ils montent bien les œufs d’«Elixir Of Life» en neige, c’est l’une de leurs spécialités. De l’autre côté, on se régale de «Sister». Ils sonnent certainement plus garage blues que leurs collègues américains de la même époque.
Enregistré en 1980 par Jack Endino, «Dig» ne sortira que dix ans plus tard, sur un label allemand. On retrouve sur cet album la belle énergie garage des Primevals. On sent chez eux un goût prononcé pour le bon doom. «Fluorescent Statues» semble un peu convenu mais finit dans une belle apothéose. Beau numéro de chant aussi sur «Grass Is Always Greener». Michael Rooney sait travailler sa tension. Ils vont un peu plus vers le psyché avec «Dream Wanderer». Ils y cultivent l’art des relances de guitare. Beau final de batterie qui double aussi pour «Tomorrow’s Energy» et puis «Showers Of Glory» semble taillé à l’arpège sixty-boomé. Ils enchaînent avec un «Animal Tongue» épais et progressif, monté sur de gros accords garage. L’album est solide, mais il lui manque le fameux petit quelque chose qui fait la différence.
«Dishibitor» pourrait bien être l’un de leurs meilleurs albums. Dès l’intro de l’insidieux «Defying Science», on comprend que ça va barder pour nos matricules. Avec «Someone To Love», ils sonnent comme les New Christs. On sent chez eux un gros appétit pour le beau son plein. À l’écoute d’«American Road Trip», l’évidence saute aux yeux : les Primevals ont un vrai son. L’excellence de leur tenue en impose. Ils posent sur une belle stoogerie un chant d’assise christique. «The Shape That Life Bent Me Into» sonne exactement comme un classique du Gun Club, mais avec un fond mélodique purement dylanesque. Retour à la stoogerie avec «Stream Of Life». Les Primevals ont le feu sacré. Et ils se mettent à sonner comme les Cramps avec «Venus Discovered» et ça devient un véritable objet de stupéfaction. D’autres merveilles guettent leur proie sur la face B. «Ho Chi Minh City» sonne encore comme un classique des New Christs. On retrouve cette excellence de la prestance et cette ineffable pertinence de l’élégance. Même pounding, même progression harmonique d’accords pleins que chez les New Christs. Avec «In The Square», ils nous renvoient au fumeux «Your Pretty Face Is Going To Hell» d’Iggy. «Ghost Writer» est un joli petit garage battu au binarisme élémentaire de cher Watson. C’est même soudé à l’harmo des Them et soloté à la Chris Britton. Retour aux New Christs sound avec «The Lovers Underground» que Michael Rooney emmène au chant comme un chef de guerre emmène une vague d’assaut. Édifiant.
En 2012, les Primevals se sont retrouvés sur l’excellent label rennais, Beast Records. «Heavy War» fut plutôt une bonne surprise, tout au moins sur une face d’album. Ils démarrent avec «Way Beyond Tore Up» qui sonne comme un vieux classique des Heartbreakers. Pas mal, non ? Ils ont un son énorme. Ils font un joli retour aux sources avec «Predilection For The Blues». C’est une pièce inspirée et infestée de climats rampants. Le drive, rien que le drive. Encore une somptueuse pièce de groove vénéneux avec «Hit The Peaks». Ces gens-là savent faire ramper le groove gluant d’Écosse. Encore un cut superbe d’allure et d’ampleur avec «High Risk Times». Et ils finissent cette face A avec un «Don’t Be Afraid To Cry» monté sur un vieux riff garage. Ça sonne comme un talking-jive de Kim Fowley avec des descentes narratives à la Bobbie Gentry. Par contre, tous les morceaux de la face B refusent de décoller. Rien à faire. On a beau leur demander, ils ne veulent pas. Tant pis.
Leur dernier album vient de paraître sur Closer, et les Primevals ont dû partir en tournée pour se plier au vieux rituel de la promo. On leur avait trouvé quelques dates en France. Ils jouaient le vendredi à Paris et le dimanche à Rennes. Comme le samedi était libre, un concert fut organisé à Rouen au débotté. Mais aucune salle rouennaise ne pouvait les recevoir. Alors un bar minuscule des vieux quartiers de Rouen leur a offert l’hospitalité et ils y ont joué les morceaux extraordinaires de leur nouvel album, «Tales Of Endless Bliss». Le destin fit pour une fois très bien les choses, car le set se déroula dans des conditions incroyablement idéales. Les légendaires Primevals se produisaient dans un bar minuscule à peine plus large qu’un couloir, devant un public minimaliste, composés d’une minuscule poignée de fans des Primevals avertis une heure avant le début du set et d’une poignée d’habitués du bar, accrochés à la rampe comme des marins au passage du Cap Horn. Tout le monde se piquait allègrement la ruche. On se serait cru dans un rêve. On ne pouvait pas imaginer meilleure ambiance pour un tel concert. Non seulement on avait le rock et mais on avait aussi le roll.
Comme tout le monde, Michael Rooney avait pris un sacré coup de vieux, mais il chantait toujours aussi bien. Il menait son groupe à deux guitares comme au bon vieux temps de New Rose. Coiffé d’un petit chapeau de paille, son bassman Ady Gillespie remontait bien dans le groove. Le batteur Paul Bridges était avec Michael Rooney le membre du groupe le plus ancien. Les deux guitaristes savaient tous les deux jouer au bottleneck. On retrouvait leur son gun-clubbique, mais live, il semblait épouvantablement démesuré. Ils firent tanguer un bar qui n’avait pas besoin de ça pour tanguer. Pendant une heure, les Primevals ont balancé leur énorme purée psyché-groovy bleuie à l’indigo du blues. À part les Primevals, quel groupe sonne comme ça aujourd’hui en Angleterre ?
L’album sorti sur Closer va boucher plus d’un coin. «Pink Cloud» - Pink cloud ah ah - percute comme un classique. Ils profilent ensuite «Just One More Shot» sous le vent et grâce à un coup de génie productiviste, la basse d’Ady Gillespie monte devant dans le mix, alors on l’entend rouler sa bosse comme au Petit Bar. Il sonne même comme un bassman de r’n’b. Attention, car le mélange est capiteux. Ils mêlent le groove du r’n’b au velouté psyché et à l’excellence des chœurs. Michael Rooney sort son chant mouillé pour «Tell It Now» - Ahh yeah - Le garage n’a plus de secret pour lui, il passe ses coups de tambourin en douce comme ses héros californiens des sixties. «Re-Frame It» est un heavy rock que porte une walking-bass. On croirait entendre les Saints, tellement le niveau de ce cut est ambitieux. Ils savent aussi verser dans la stonesy, comme on le constate avec «You’re Not Here Now». Les Primevals ont quelque chose de grandiose. Et ça continue comme ça sur toute la face B, ils enfilent les grosses compos avec un goût toujours renouvelé par les belles ambiances pysché. On entend Michael Rooney jouer du sax dans «Crisis A-Go-Go». Il vise la fusion stoogienne de «Fun House» et il fond son clair de sax dans l’épaisseur d’un son liquide. On sort de cet album dans le même état que du Petit Bar. Le cœur en fête, dansant comme un bouchon à la surface des choses. À tel point qu’on en oublie où est garée la bagnole.
Signé : Cazengler, le primevère de trop
Primevals. Le Petit Bar. Rouen (76). 25 octobre 2014
Primevals. Eternal Hotfire. New Rose 1984
Primevals. Sound Hole. New Rose 1986
Primevals. Neon Oven. DDT Records 1990
Primevals. Dig. Nibelung Records 1990
Primevals. Dishibitor. Twenty Stone Blat 2010
Primevals. Heavy War. Beast Records 2012
Primevals. Tales Of Endless Bliss. Closer Records 2014
UNE VIE / MARIANNE FAITHFULL
( avec l’aide de David Dalton )
( Introduction : Etienne Roda-Gil
Traduction : Jean Rosenthal )
( 280 pp / Belfond / Septembre 1995 )
Marianne Faithfull, ce n’est pas ma tasse de thé préférée, expression un peu mal venue car si Marianne était une boisson ce serait la ciguë que ses bourreaux ont tendue à Socrate. Vénéneuse. Je suis sûr que lorsque vous ramenez pour la première fois une copine chez vous, vous lui passez tout de suite Broken English, elle vous prend ainsi sans difficulté pour un mec cool attentif aux sulfureuses et rayonnantes figures de proue du féminisme, un compagnon de route de la Femme avec un grand F. Ce n’est qu’ensuite que vous sortez vos microsillons d’Hasil Adskins. Et puis vous tirez votre Cramps.
Pourquoi donc s’intéresser à ladite Marianne demanderez-vous ? D’abord parce qu’elle est un personnage important de la saga des Rolling Stones ensuite parce que cette biographie - achetée parce qu’il n’y avait rien d’autre chez mon bouquiniste qui touchait de près ou de loin au rock and roll - s’est révélée un fantastique document sur le Swinging London et un des bouquins les plus rock and roll que je n’ai jamais lus. Davantage vitriolé et vérolé que le Life de Keith Richards ( voir KR‘TNT ! 43 du 10 / 03 / 2011 ) et à la hauteur des mémoires de Little Richard.
Le livre débute par une très courte adresse au Lecteur. Six lignes sympathiques, ce n’est pas le Ni Dieu, Ni Maître des anarchistes par trop idéologiquement présomptueux mais le Ni Regrets, Ni Justifications d’un individu qui assume les errements ( multiples ) et les triomphes ( peu nombreux ) de son existence. Ce genre de déclaration ne traduit souvent qu’une intention de principe. S’y tenir demande du courage. Une femelle se met à nue par-delà le bien et le mal de la commune humanité dirait Nietzsche. Prêtresse de Pan et incarnation de la Grande Déesse.
PETITE FILLE
De grande famille. De ces gens qui ne font pas partie de notre monde. Aristocratie rédhibitoire avec ses tares et ses grandeurs. Pour la grandeur ne reste plus que la puissance de l’argent. Sur son blason symbolique elle porte Vénus sur fourrure d’argent, digne héritière du prestigieux Sader Masoch. Le père s’en va avec la tirelire, la mère survivra en tirant le diable par la queue sans jamais mentalement déroger à son titre de Baronne… Marianne aura droit à de parfaites études dans un collège religieux de Reading. Elle recevra ce que l’on appelle une bonne éducation, littéraire, s’inscrira à des cours de théâtre et commence à évoluer par l’entremise de ses copines de collège dans le milieu londonien d’une bourgeoisie ouverte et friquée.
Gosse de riche. Elle le restera toute sa vie même au fond des pires vicissitudes. Ne s’en défend pas. Le constate sans critique ni trémolos. Opéra, concerts, boîtes de nuit ( l’après-midi ), culture, existentialisme, son petit ami John Dunbar lui présente John Asher qui subventionne la librairie de John Dunbar et de Barry Miles ( voir KR'TNT 96 du 03 / 05 / 2012 ), et entre autres personnalités Paul McCartney… Marianne Faithfull se trouve sans le vouloir expressément mais par la logique relationnelle de son milieu au coeur du tourbillon de ce que l’on ne tardera pas à appeler le Swinging London, cet amalgame de pop-stars en devenir et de représentants dévoyés de la jeunesse dorée de la capitale. Les fans de base sont exclus de la fête. Achèteront les disques et liront les journaux.
CHANTEUSE
C’est en 1964 qu’elle rencontre pour la première fois lors d’une soirée Keith, Mick et Brian, le triangle de feu des Rolling Stones et au travers d’eux leur pygmalion incendiaire Andrew Loog Oldham, le légendaire producteur, le Phil Spector britannique, qui lui signe illico un contrat et huit jours plus tard décide de lui faire enregistrer un disque. Pour la chanson, il donne deux heures à Keith et Mick pour composer, surtout pas un blues cru, lumpen-prolétarisé, mais une bluette, une douce ballade pour une jeune fille sage de dix-sept printemps, une véritable future lady aristocratique en gestation, au longs cheveux blonds et au look si délicieusement romantique. En veine d’inspiration Keith et Mick pondent As Tears Go By… Du jour au lendemain Marianne Faithfull devient une vedette de la chanson.
Les journaux raffolent de son si mignon minois et s’en servent pour booster les ventes… En attendant elle apprend son métier et parfait son éducation beaucoup plus joyeusement sexuelle que flaubertienne et sentimentale. Chants d’innocence et d’expérience. L’ Angleterre tourne la page de la guerre, les restrictions s’éloignent, la jeunesse désire assouvir toutes ses faims. L’antique pruderie christo-victorienne en prend plusieurs coups dans le croupion. Tournées incessantes, fatigues, une carrière somme toute décevante, le succès n’est pas au rendez-vous des disques suivants, Marianne se sent un peu trop manipulée par Andrew et son staff, elle en souffre mais réfrène ses velléités de révolte, lucidité d’esprit et manque de volonté seront les constances de son caractère, mais elle comprend aussi qu’elle a l’extraordinaire chance de participer, dans les loges d’honneur, à un raz-de-marée socio-culturel sans précédent. Nulle envie de descendre du train en marche. Même si elle attend un enfant, même si elle se marie, la vie est agréable, belles sapes, argent facile, fumette indispensable vite renforcée par des prises de plus en plus fréquentes de LSD, la drogue magique; les jours heureux n’en finissent pas de couler. Un seul couac, une idylle avortée avant même de commencer avec Bob Dylan. You can’t always get what you want comme le lui écrira plu tard Mick Jagger. L’ouragan approche mais elle ne le sait pas. Naissance du bébé en novembre 1965. Eté 1966 elle rencontre Anita Pallenberg, la trop belle fiancée de Brian Jones. Un pas décisif dans le premier cercle des Enfers du rock and roll…
STONED !
1966-1970, les années de grande mutation reptilienne pour les Stones. Changement de peau à toutes les étapes. Le crotale lubrique gorgée de venin deltien se métamorphose en le tout puissant divin et démiurgique serpent à plumes, le quetzacoalt du rock and roll qui plane souverainement au-dessus de l’abîme. Marianne Faithfull est partie prenante de cette transmutation faustienne, elle nous en livre un témoignage essentiel parce qu’il plonge au cœur de la fournaise de l’intimité du groupe.
Se souvenir du fier adage nietzschéen, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Marianne Faithfull est devenue la compagne de Mick Jagger, conjonction de deux étoiles montantes, la figure de proue virevoltante des Stones ne pouvait se compromettre qu’avec un sirène, cheveux blonds et gros nichons. C’est ainsi qu’elle aime à se décrire. Jagger est un séducteur et il est hors de question que la plus belle lui échappe. Collection et tableau de chasse. Mais la prise se révèlera plus finaude qu’elle n’en avait l’air. Si sa chair est faible l’esprit l’habite. Saura être un de ces aiguillons intellectuels dont les Stones ont besoin. Car il ne suffit pas de connaître les douze mesures du blues pour être le meilleur groupe de rock and roll du monde. La concurrence est sérieuse, il faut à tout prix se démarquer tout en chevauchant les tigres de la mode et de l’air du temps. Les vieilles idées sont en train de craquer, le monde change, la liberté sexuelle a pour corollaire une profonde remise en question des comportements et des modalités de pensée des générations précédentes. Le sexe n’est pas une simple histoire du cul, plutôt un détonateur du cortex. Surtout quand l’on force les portes de la perception cérébrale à coups d’incessantes prises d’acides lysergiques. Le rock and roll devient le vecteur de forces mentales, psychiques, idéologiques, politiques et poétiques qui le dépassent. Des scories que le fleuve redoutable du rock and roll charrie, mais qui vont s’amalgamer à lui, se fondre en lui de telle manière qu’il ne sera plus jamais identique à ce qu’il était en ses origines.
Jagger et Marianne passent de longues heures dans leur lit à écouter de la musique, à lire et à discuter de leurs lectures. Eros et LSD, nos deux tourtereaux ne se privent de rien mais à ce jeu-là Jagger se montre le plus fort, ne résiste à aucune tentation mais ne s’englue jamais dans les nouvelles contrées traversées, s’engage en tout et refuse d’en devenir prisonnier, plonge dans la merde mais s’arrange pour en ressortir clean, prêt pour de nouvelles aventures. Jagger est un apollinien qui n’a peur de rien mais qui garde à tout instant le contrôle, Marianne est une dionysienne qui ne jure que par la joie sans fin des ivresses renouvelées.
PREMIERE EPREUVE
Peut-être la plus inattendue et incompréhensible pour des adolescents d’aujourd’hui. Dame société - en fait les vieilles barbes de l’aristocratie - se rappela subitement à nos héros. Toute cette jeunesse, crasseuse, mal fringuée et aux cheveux longs qui ne respecte plus rien, qui fume des pétards, et écoute des disques de rock and roll remet dangereusement en cause les piliers de l’ordre sociétal, faut l’arrêter, avant que tout cela ne dégénère et ne renverse le triptyque sacré de l’obéissance, de la morale et de la famille, l’était urgent de la stopper net en ses errements avant qu‘ils ne deviennent irrémédiables, en tirant pour l’exemple droit au cœur de la bête.
Ne choisiront pas les Beatles, quelque part inatteignables et trop gentils garçons pour que l’exemple soit compris et admis par tous. Les Stones tomberont comme des bleus dans la plus facile des provocations. La police s’invite au domicile de Keith Richards un soir de grande party… A part quatre cachets en vente libre en Italie achetés plusieurs mois auparavant par Marianne, la moisson des enquêteurs à l’encontre de l’équipage stonien s’avèrera bien maigre. Assez toutefois pour jeter Mick, puis Keith en prison. La presse ne manque pas d’attiser le scandale dans un premier temps jusqu’à ce que la baudruche se dégonfle…
Les comploteurs ont raté leur complot. Z’ont hissé les Stones sur un piédestal dont cinquante ans après ils ne sont pas encore descendus. La palme du martyr et la couronne du héros. Ils étaient un groupe de rock and roll, ils deviennent par la grâce de leurs ennemis les symboles vivants et adulés de toute une génération. Désormais ils pourront tout se permettre, plus personne n’osera lever la main sur eux. Une seule victime collatérale : Marianne Faithfull qui a osé lors de la perquisition montrer les seins, le cul et tout le reste que l’on doit cacher… Les tabloïds britanniques ne lui pardonneront pas avant longtemps d’avoir dévoilé la nudité de la vérité. Y aura gagné son étoile de salope patentée, sera présentée à la majorité silencieuse comme l’incarnation de la pute sans cœur de laquelle on attend le pire…
SACRIFICE
Dieu a bien laissé crucifier son fils, pourquoi reprocherait-on aux Stones d’avoir sacrifié Brian ? Dans les comptes d’une société marchande l’existe bien la colonne pertes et profits. Facile d’accuser les autres. Le premier exécuteur de Mister Jones reste Brian lui-même. Est arrivé trop tôt, l’est donc parti le premier. Stricte logique. S’est usé à la tache. A consommé davantage de drogue que ses forces vitales ne pouvaient le supporter. Son phallus de rock and roll star plus long que sa bite de queutard assoiffé. Marianne Faithfull mesurera l’étendue de son épuisement, lui se contentera de lui caresser les seins avant se sombrer dans ses nuages intérieurs. Elle ne lui en voudra pas. En dresse un beau portrait. Narcissique mais pas pervers. Simplement paranoïaque. A usé du succès sans modération. Recherchait l’amour n’a trouvé que le sexe. Un musicien hors-pair en avance sur tous les autres qui s’est mis à douter de ses trouvailles.
Personne ne l’a aidé, ni Keith amoureux d’Anita Pallenberg, ni Jagger qui en patron soucieux de la bonne marche de son entreprise lui reprochait la perte de temps que ses arrêts de maladie provoquait, ni Marianne trop à la traîne de Jagger et plus obnubilée par Anita - son amie, sa future sœur de désastre - que par Brian, ni Andrew Loog Oldham qui se considérait comme le premier des Stones, très heureux de se débarrasser de celui qu’il prenait pour son principal rival, alors que Jagger s’apprête à le virer pour son manque de soutien effectif lors de son arrestation… Suicide, crime ? Brian ne rate pas sa sortie par la grande porte noire de la mort. Mais c’est un petit portillon du cimetière des oubliés qui se refermera sur lui.
AU-DESSUS DU VOLCAN
Il semblerait que ce soit Jagger qui ait récupéré l’énergie de Brian. Jagger le vampire qui se nourrit de tout ce qui se trouve à sa portée. L’époque est noire Jagger compose Sympathie For The Devil, l’époque est rouge révolution, Jagger compose Street Figthin’ Man, l’époque est rouge sang, Jagger chante Midnight Rambler, la promenade de l’assassin de minuit, dans tous les cas il faut que ça saigne.
Jagger est l’androgyne, danse et virevolte, pas de deux et pas de trois, de toujours jeune coq et à jamais the red rooster, mais l’attirance aussi pour la similitude grecque, bisexuel qui ne s’ignore pas et qui rêve de Keith qui lui refuse de se mêler à ce jeu-là. Alors, est-ce parce que l’occasion fait le larron que Mick copule avec Anita ou est-ce le seul moyen d’atteindre Keith, pour se rapprocher ainsi au plus près de lui, ou pour le blesser de son refus ? L’âme humaine exprime ses contradictions en de retorses symbolisations actales. Ce même Keith avec qui Marianne aura connu une trop brève idylle et qui restera son Stone préféré… Les futures complicités et aversions qui tout au long de leur carrière tour à tour lieront et délieront Mick et Keith prennent assurément leur source en ces nœuds d’ambivalences érotiques mal résolues.
Jagger n’est plus Jagger. Le poids du succès est difficile à porter. Les épaules de Brian n’ont pas résisté à la pression. La diabolique cohue d’Atlamont sonne comme un avertissement. Jagger fait comme Presley. Délaisse le rock pour le cinéma. Y apprend que l’acteur épouse des rôles successifs. Désormais il n’est plus qu’un personnage. Un peu Mister Hyde et beaucoup doctor Jekyll. En quête de responsabilité. Le jeune homme vient de rentrer dans sa vie d’adulte. Sticky Finger comme une dernière folie avant la pierre tombale du double album. Souvent les rockers finissent mal, Jagger chausse les pantoufles dorées de la jet set. Dès Head Goat Soup les fans s’apercevront du changement…
Itou pour Marianne qui au plus près de l’action y voit plus clair que beaucoup. Elle éprouvera toujours une grande tendresse pour Jagger, ne lui reprochera rien, lui pardonnera beaucoup, mais la magie est partie. Elle n’est plus amoureuse. C’est elle qui le quitte. Un peu comme les dieux désertent la cour d’Antoine dans le poème de Cavafy. L’année suivante Mick se marie avec Bianca. Normalisation.
DECHEANCE
Marianne s’en va. Nous sommes au deux-tiers du bouquin. Lui reste encore à traverser les années les plus dures de son existence et la longue rédemption. Petit côté à la Johnny Cash lorsqu’il raconte dans sa biographie son addiction aux amphétamines. Mais Cash fera le grand saut à l’élastique avec des filets de rattrapage tout en bas, Sa femme June, sa carrière, sa maison, ses disques… Faithfull fait le grand plongeon sans élastique ni tapis de réception. Un mur dans un squat, à chaque jour sa dose, et puis plus rien. Y perd sa beauté, mais pas sa liberté. L’aristocrate côtoie les damnés de la terre, survit parmi la lie de société, mais elle n’accuse personne, ne rejette pas la faute sur les autres.
Pas plus que plus tard elle ne criera au miracle. C’est son karma, en point c’est tout. La drogue sera toujours là. Elle remonte la pente, cul-de-sac après cul-de-sac. Elle ne rate aucune impasse. Stagne trop longtemps auprès de fiancés dont elle n’a pas la force de se défaire, jusqu’au dernier qui se jettera par la fenêtre du treizième étage pour lui montrer que toute liberté se paie en victime expiatoire. La naufragée des sixties sera à point pour la révolte punk. Il est des signes qui ne trompent point, au détours d’une phrase elle nous apprend qu’à Londres elle avait le même dealer que Sid Vicious. Revendication de lettres de noblesses bien étonnantes !
Après l’enregistrement de Broken English la donne change lentement. Marianne est revenue au sommet. Elle est aussi revenue de tout. N’en tire aucun orgueil, n’omet aucune de ses faiblesses. Mais le public et les médias la considèrent comme la madone du rock. L’image initiale de la jeune fille virginale fourvoyée est remplacée par celle de la Marie-Madeleine non repentante. L’innocence des sixties a fait long feu. La désillusion qui a suivi a remis les pendules à l’heure… Marianne Faithfull n’a rien renié. La force du livre réside en ce refus de repentance dont nos temps de grande mollesse sont si friands.
Sex, drugs and rock and roll ! La légende déjantée comme si vous y étiez, avec en prime pour les fans de rockabilly une très rare photo de Roy Orbison, le chevalier à la triste figure du rockab, qui arbore une mine épanouie par un franc sourire. L’est vrai que la jeune Marianne Faithfull batifole entre ses bras, ça aide à voir la vie en rose. La rose oui, mais avec toutes ses épines, so bluesy.
Damie Chad.
( Le lecteur futé n'aura pas confondu ce livre, Une Vie de Marianne Faithfull paru en 1995, avec Marianne Faithfull L'Album d'une Vie paru en novembre 2014 que nous n'avons pas encore chroniqué. )
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21/12/2014
KR'TNT ! ¤ 215. MIRACULOUS MULE / JALLIES / NATURAL RESPECT / RONNIE BIRD / POP MUSIC IN FRANCE 1968 - 1975
KR'TNT ! ¤ 215
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
25 / 12 / 2014
AVIS A LA POPULATION ROCK L'on est vraiment trop gentils. L'on vous permet d'ouvrir votre cadeau de Noël 215, dès ce dimanche 21, au lieu d'attendre le jeudi 25. N'en profitez pas pour oublier de lire la livraison 214 ! Pour la 216, qui normalement devrait arriver le jeudi 01 janvier 2015, comme l'on ne se fait aucune illusion sur votre éthylique état comateux, vous le retrouverez le vendredi 02 et peut-être même le samedi 03 car nous vous laisserons le temps de reprendre des forces. N'oubliez pas que selon les prévisions conjuguées de toutes les plus grandes voyantes l'année 2015 sera ROCK AND ROLL. Sans quoi, elle n'aurait aucune raison d'être ! KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME ! |
MIRACULOUS MULE JALLIES / FLO / NATURAL RESPECT RONNIE BIRD / POP FRANCAISE |
LE KALIF / 30 – 10 – 14 / ROUEN ( 76 )
MIRACULOUS MULE
LE MIRACLE DE LA MULE
On avait tout entendu. Qu’ils chantaient comme Captain Beefheart. Qu’ils faisaient un showcase. Qu’ils avaient un article huppé dans Libé et que Libé venait de couler. Que le peuple allait bientôt descendre dans la rue. Que Chihi avait déjà chanté dans des groupes. Qu’on ne pouvait plus se garer sur les quais à cause de la foire Saint-Romain. Qu’ils faisaient du blues possédé par le diable. Qu’ils craignaient l’eau bénite. Qu’ils étaient américains. Qu’ils avaient déjà enregistré des disques. Que le Vatican les avait à l’œil.
Intrigué par autant de rumeurs propagatoires, on est allé voir. Et on a vu. Comme dirait Howard Phillips Lovecraft, on a vu de nos yeux vu l’indicibilité des choses, ce qu’on ne peut décrire, l’envers du tangible, l’abstraction à quatre pattes, celle qui fait hi-han au plus profond de nos cauchemars psychotropes. Jamais Lovecraft n’aurait pensé rencontrer une mule au détour d’une page du fameux grimoire de l’Arabe fou, le Necronomicon. L’indicibilité des choses régnait d’autant plus que le concert de Miraculous Mule se tenait dans un endroit sacré - tout au moins pour les musiciens de la scène rouennaise - le Kalif, un endroit qui au fil du temps a su conserver l’essentiel, c’est-à-dire la patine trash des salles où les groupes s’entraînent à faire trembler les colonnes du temple.
C’est là, dans une grande salle du Kalif aménagée pour recevoir les groupes en concert, que s’est produit le miracle de la mule. On a vu jouer pendant une heure un trio de blues-rock exceptionnellement doué. Miraculous Mule, retenez bien ce nom, car ils n’ont absolument aucune chance. Pour deux raisons. Un, le blues-rock n’intéresse plus personne. Deux, ils sont trop bons et par les temps qui courent, le talent ne nourrit plus son homme. Ils sont donc condamnés à errer dans les ténèbres de l’underground britannique jusqu’à la fin des temps. Un sort que personne n’ira leur envier. Brrrrrr. Fâcheux destin.
Et quand je dis exceptionnellement doué, c’est un doux euphémisme. Ces trois-là sont dans une énergie qui est celle des puissants de cette terre, c’est-à-dire les artistes convaincus de leur force. Demandez à un écrivain s’il doute de lui lorsqu’il tient son idée et qu’il avance dans son travail de gribouillerie. Bien sûr que non ! Il avance comme une locomotive et rien ni personne ne saurait l’arrêter. Ses veines charrient de l’énergie bouillonnante. C’est cette assurance qui porte Miraculous Mule. Ils savent qu’ils sonnent, alors ils nous sonnent les cloches. Ces trois mecs basés à Londres - Camden Town pour être plus précis - redonnent vie au légendaire blues-rock anglo-irlandais que jouaient des power-trios comme Taste ou les Groundhogs au temps jadis, mais avec une touche plus mûre, plus originale, plus sombre, plus vaseuse et même littéralement princière. Miraculous Mule a un son, un vrai son d’atmosphère pesante et tendue. Ils cultivent l’art des blues de train fantôme, montés dans la meilleure tradition des conneries qu’on raconte dans les mauvais articles, mais ils jouent ça avec un brio extravagant. C’est de la balle. Dès le premier morceau, on est happé par le jeu du bassman Patrick McCarthy. Il crée la tension et tarpouille avec le drummer Ian Burns un beat hypnotique sur lequel Michael J. Sheehy va poser ses embrouilles de gammes de blues. McCarthy sort un son terrible de sa basse, il va chercher des télescopages de bas de manche et par l’extraordinaire présence de son jeu, il évoque ces rois du pétrole que sont Jack Bruce ou John Entwistle. Sous son petit chapeau cabossé, l’ami Sheehy joue ses chorus avec un faux air calme, et place souvent ses figures de style acariâtres sous le joug d’un barré. Son purisme outrancier le conduit même à changer régulièrement de guitare. Il collectionne les belles demi-caisses blanches ou sunburnt et il ne semble jouer que pour cautionner l’ineffable big bass blast de son bras droit Patrick McCarthy. Franchement, ce mec ne semble vivre que pour la bassline. Il joue des thèmes du pouce et de l’index et peut rocker n’importe quel ballroom. McCarthy est un véritable hanteur de morceau. Ses lignes traversent les couplets, remontent les fleuves et plongent dans des cascades de tension épouvantablement grandioses. Il dégouline de sueur et le pouls d’un beat mortel lui bat les tempes. C’est lui qui mène ce bal des vampires, il lui arrive même de prendre le micro pour pousser une vilaine rengaine dans le précipice. Il sait créer les conditions d’un bel enfer, celui d’un blues-rock à l’Anglaise, terriblement puritain et encouenné à l’ancienne, comme si les Anglo-Irlandais étaient les seuls à connaître le secret du grand-œuvre. Ils sont d’autant plus fascinants qu’ils ne singent pas les rois du trash-blues américain, de type Knoxville Girls, Porch Ghouls, Blanche ou Bassholes. Les trois Miraculous Mule vont bien au-delà des convenances, des références et des appétences, des ingérences, des obédiences et des luminescences. Ils vont même au-delà des appartenances, des jouvences et des latences, ils transfigurent les nécronomiconneries, les johnny-casheries et les ambivalences de la pertinence. Ils roulent le blues dans leur farine et le font rôtir vivant dans l’âtre. Ça fume, comme sur le bûcher d’Urbain Grandier, dans les Possédés de Loudun. Ils dégagent beaucoup trop d’intensité pour une époque comme la nôtre. Ils dégagent quelque chose qui ne relève pas seulement de la puissance pure, mais aussi du cinétisme. Il règne dans leur set un relent grand-guignolesque. Des squelettes dansent derrière le rideau noir et l’ombre de Jean Lorrain court sur la muraille. Peut-être eût-il été préférable de les voir jouer devant un petit cénacle de lycanthropes au premier rang desquels se fût pavané Pétrus Borel ? Mais non, le Kalif était l’endroit idéal, un écrin de béton au creux duquel luisait l’âme mourante du blues anglais.
Curieusement, on ne retrouve pas le son heavy blues sur les deux albums du groupe (sauf sur un titre, ««I Don’t Do Nobody Nothin’»). On y retrouve une autre énergie qui est celle du gospel. Écoutez l’album «Deep Fried» et vous verrez trente-six chandelles. C’est sur cet album que se trouve l’extraordinaire «Satisfied» (qu’on peut écouter en ligne). C’est le cut de canne idéal pour clouer le bec d’un set. La bassline hante le cut comme l’asticot hante la jambe gangrenée - I’ve never been - Dommage que la basse ne soit pas plus avancée dans le mix comme elle l’est sur scène. Ce cut fascine par sa seule tension, par le rampant de la menace, par l’énergie du gospel sous-jacent - Oh no - Ils sont dans le vrai, dans le boogaloo blast. On retrouve ce beat épais dans «Dangerous Blues», voodoo camdenique de bas-fonds brumeux. Patrick McCarthy chante comme un crucifié du blues, il se coule dans le torrent de la miséricorde des origines du monde, il va chercher au fond de sa voix des accents rageurs et blessés par le gravier. Ça vire à la charogne baudelairienne, ca vire au bagne sans espoir, têtu et profond, malsain et âpre, jaune et noir. Depuis Wolf, on n’avait plus revu un Evil comme celui qui rôde dans «Evil On My Mind» - Evil all the time - C’est chargé de tous les remugles du boogaloo, ça sort directement des cervelles endommagées de sorciers guinéens entassés dans la soute d’un vaisseau négrier. On entend cliqueter des choses dans le son, ça rampe dans l’ombre, ça rampe sous le manteau, derrière le rideau, dans le secret des alcôves. Le feu sacré du gospel est omniprésent sur cet album. «Run On» et «Early In The Morning» sont scellés comme un destin. Il coule dans les veines anglicanes de ces trois mecs l’énergie du gospel et des chants de chain-gangs qu’entonnaient les forçats noirs sous les coups des blancs sadiques et syphilitiques. Le beat est celui des cadences de bagnards, celui d’une horreur inventée par les blancs, l’esclave dans l’esclavage. De ce fumant fumier s’échappe un art. Nouvel objet de stupéfaction avec «Bald Headed Woman», nouvelle ode au gospel interjectée de courts-circuits de têtes d’amplis à l’agonie - I don’t want no sugar in my coffee - Voilà une hanterie de plus. Ces trois mecs possèdent l’art de posséder les possédables, c’est-à-dire les bienheureux, tous les crédules de la terre et tous les esprits faibles. Il s’élève de ce disque une aube grisâtre chargée de toute la grandeur du gospel et des chants de travail. On se croirait parfois chez Alan Lomax. Un peu plus loin, on entend la bassline de Patrick McCarthy se promener en liberté sur «Country Circuit Preacher». Avec «I’m A Soldier», ils restent dans la sur-puissance du débordement d’énergie et appellent les chœurs à l’émeute. Et ça termine en apothéose avec - Oh ! Ah ! - «Prettiest Train», monté sur le plus menaçant des beats, et ce cut faramineux se termine en jam explosée de descentes de basse infernales qui renvoient à l’âge d’or du blues-rock anglais. Au tapis.
L’album suivant s’appelle «Blues Uzi». On ne sait pas pourquoi ils délirent sur les armes et au fond, on s’en fout. Tout ce qu’on leur demande c’est de ramener le doom du gros pathos. Alors ils titillent le zizi de «Blues Uzi» qui du coup prend la tournure d’une grosse saucisse bluesy. Avec «I Don’t Do Nobody Nothin’», on retrouve enfin la veine blues rock du concert. On revient au grand palais d’antan, et ça devient TRÈS sérieux. Ils outrepassent le battage éhonté du Cream sound, ils transcendent le blues rock anglais des early seventies. C’est un pur chef-d’œuvre grandiloquent de génie ambulatoire. Ils sonnent dans la cité. Ils passent au groove avec le rampant de la bienséance. Ils savent partir à la dérive du heavy rock, ils savent rompre les amarres et laisser les courants œuvrer. Puis Patrick McCarthy lance «City Of Refuse» sur un riff de basse et ça tourne très vite à la monstruosité. Ils tâtent un peu du carnage des couches inférieures de l’enfer. Toute cette énergie est portée par la basse. Voilà ce qu’il faut bien appeler un beat dressé vers l’avenir. Ça ressemble à une citadelle tombée aux mains de l’ennemi.
Espérons qu’on reverra Miraculous Mule un jour sur scène, mais en attendant, prions dieu que tous nous veuille absoudre. Pendu pour pendu, autant prier.
Signé : Cazengler, tête de Mule
Miraculous Mule. Le Kalif. Rouen (76). 30 octobre 2014
Miraculous Mule. Deep Fried. Bronzerat Records 2013
Miraculous Mule. Blues Uzi. Bronzerat Records 2014
SAMOIS – SUR – SEINE / 19 – 12 – 2014
SALLE POLYVALENTE
JALLIES / FLO / NATURAL RESPECT
Vous ne devinerez jamais ce que j'ai fait samedi soir ! J'ai participé à l'enregistrement d'un disque. Ne me regardez pas avec des yeux de merlan frit comme si la plus grande rock and roll star du monde écrivait à votre misérable personne de fan admiratif et agenouillé une petite bafouille sympathique. Je le confesse à ma grande honte, ce n'était pas un disque de rock and roll. Non un truc innommable, une espèce de mélange sans nom de reggae, de rap, et de hip-hop. Je sais, ce n'est pas bien. Mais je vous promets de ne pas recommencer. Plus jamais de ma vie. Enfin pas de si tôt.
Ce n'est pas de ma faute. C'est le grand Phil qui m'y a traîné. La teuf-teuf mobile ayant refusé de participer à ce sacrilège, l'on est partis dans la toto-trinette. En plus quand la copine a appris qu'il y avait les Jallies, l'a à tout prix voulu m'accompagner, comme si elle n'avait pas confiance en moi.
D'autant plus que je n'y allais pas spécialement pour les zoizelles ( enfin, si un peu ) mais pour un gars. En tout bien, tout honneur. Je vous rassure. Dernier show de l'année sur la région pour Julien, le grand Phil et moi, l'on tenait à y témoigner notre amitié, pour tous ces concerts fabuleux qu'il a soutenus de sa contrebasse, et aussi pour ce qu'il est, un de ces êtres humains qui vous font chaud au coeur par leur manière d'être dans le monde.
La seule maison éclairée de Samois est la salle polyvalente. Je crois rêver, elle est bâtie sur le même modèle que celle du tremplin rock présenté par Ady ancienne guitariste et chanteuse des Jallies ( voir KR'TNT 205 du 15 / 10 / 2014 ) dans le patelin voisin de Chartrettes que Nakht avait brillamment remporté : escalier d'accès bétonné similaire et même architecture d'intérieur.
Droit d'entrée deux euros – non ce n'est pas une erreur de transcription – en plus l'on se précipite pour nous apporter un café brûlant. Gratuit, bien entendu. Y a même une navette ( encore ) gratuite pour les jeunes d'Avon, la ville voisine, qui auraient envie de se rendre au concert. L'on ne va tout de même pas aller vous chercher chez vous en pointant un revolver sur votre tempe ! Peut-être devrait-on adopter cette manière forte puisque il n'y aura au final qu'une petite centaine de spectateurs.
JALLIES
Les samedis se suivent et ne se ressemblent pas. Un plateau grand comme la moitié du Sahara, les Jallies en occupent le centre, vous pourriez garer deux caravanes de trente dromadaires de chaque côté de la scène qu'il resterait encore de la place. Thomas et Julien sont derrière mais pour une fois on les voit parfaitement. Les chipies ont beau essayé de faire barrage à notre vue en s'interposant entre eux et nous, rien n'y fait les demoiselles du public pourront admirer sans réserve les deux beaux boys.
Les trois plus belles sont devant. Rayonnantes. Trois soleils pétillants de joie et de grâce. Je passe sous silence, l'incessant ballet ponctué de rire qui les emmène à changer de place tous les deux morceaux. Un, deux, trois, c'est parti comme sur du papier ( celui des cadeaux de Noël ) à musique. Un set unique. Profitez-en elles ne reviendront pas. N'ont pas fini leur premier morceau que tout le monde est devant la scène, totalement subjugué. La magie Jaillies a encore frappé. Même moi, qui leur pardonne d'avoir sauté Be Bop A Lula, un crime inexpiable, mais avec leurs sourires enjôleurs et leur entremêlements de voix envoûtant, vous cédez à tous leurs caprices.
Honneur aux boys sur qui les trois cruelles mégères s'amusent à décocher des petites phrases assassines totalement injustes. Sous son chapeau – l'a gardé pour se protéger des traits empoisonnés, Thomas répond par des intros meurtrières qui laissent à notre trio de sorcière tout juste le temps de cavaler derrière leurs micros et Julien se lance en des soli de démonstration qui vous coupent les jambes. Alors les filles, vous croyez être les reines du swing, écoutez un peu my big mama et retenez la leçon. Et tout le monde applaudit en hurlant de toures ses forces.
Le plus terrible c'est que ce genre d'argument ne les émeut guère. Thomas leur brode sur sa six cordes des petites merveilles qu'il glisse adroitement entre les coups qu'elles portent à tour de rôle sur la caisse claire, ou alors il vous tricote une longue écharpe de notes fuselées pour faire la jonction entre les reprises ou les chavirements des choeurs, les trois pestes n'en ont cure, ce sont elles qui retiennent le public captif dans les barreaux mordorés de la cage d'or de leurs vocalises. Vous êtes prisonnier comme un Merlin pas malin ensorcelé par trois Viviane.
Céline a ajouté une corde à son arc, un nouvel instrument à sa panoplie, au cas où vous ne le sauriez pas, c'est un kazoo, au son nasillard comme pour souligner l'impertinence de son sourire mutin, quinze secondes, pas plus, même pas, mais assez pour attirer toute l'attention sur elle, comme si elle avait besoin de cela avec sa voix qui circonflexe sur les arpèges en se jouant des difficultés. De ces égéries qui marchent en tête des troupes qu'elles mènent à l'assaut.
Vaness, aux yeux d'innocence sous la blondeur de ses cheveux, mais aux réparties canailles et à la voix de cailloux roulés par les torrents de montagnes altières, elle est le feu qui brûle et qui consume. Une torche indisciplinée au sourire incendiaire. Cavale sauvage et indomptable qui se lance à l'assaut des standards pour les plier à sa démesure outrancière.
Leslie, sourire suave et tambourin d'acier qu'elle manie comme l'égide d'Athéna. Capable de tout, du slow langoureux de Tunel of Love aux galops effrénés d'Imelda May ou de Johnny Burnette. La troupe d'élite que l'on n'engage que pour les coups de mains audacieux où se joue le sort de la bataille.
a522
Trois filles d'aujourd'hui, souveraines, libres de leur âme. Elles swinguent et rockabillisent à merveille, sans affectation, par jeu et par plaisir. Vous redonnent confiance en le futur de l'humanité par leur simple présence. Le show se termine sur un Jump, Giggles and Shout – Gene toujours là – dévastateur. Mais ce n'est pas fini. Alex et Nico de Natural Respect sont au micro. Ils ne viennent pas demander un rappel. Non, simplement rendre un hommage, celui de la jeune génération à la précédente, rappellent comment ceux et celles qui sont devenu(e)s les Jallies ont été un modèle pour les moins de vingt ans. Des mots venus du coeur, sincères et émouvants. Le plus beau moment du set. Mais l'on ne récolte que ce que l'on a semé.
FLO
N'était pas prévu sur l'affiche mais Natural Respect lui laisse la place le temps de peaufiner l'installation de leur matos. L'est tout seul avec son sampler et sa guimbarde. Les gens sont au fond de la salle, près du bar et des plats à crêpes ( succulentes ). Ce n'est pas gagné d'avance. Ne chante pas, fait des bruits de bouche. Les lèvres enchâssés sur le micro. Les conversations s'arrêtent, les regards se tournent vers cet étrange bruiteur qui ne joue d'aucun instrument mais qui crée sa propre musique. Et doucement tout le monde se regroupe devant la scène. Les premières minutes ont surpris leur monde, les suivante ont conquis les méfiances les plus rétives. Nous sommes loin du rock mais respect à ceux qui osent frayer d'autres voies quand bien même s'éloigneraient-elles de nos ères de prédilection. Un garçon à suivre.
NATURAL RESPECT
Déjà rencontrés au mois d'octobre. Je ne serais pas revenu les voir ce soir, s'il n'y avait eu les Jallies. Naturellement je respecte, même si je ne partage pas leur style musical. Certes je ne suis pas sectaire mais je n'aime que le rock and roll. Ceci étant posé, force est de reconnaître qu'ils ont du talent et qu'ils savent être fidèles à eux-mêmes. Et à leurs idées. Chose rare en ce monde où les gens n'ont que des préférences. Beaucoup plus facile de faire semblant de croire que la liberté réside en l'exercice de votre choix entre les différents produits que l'on vous propose. Que ce soit sur les rayons de votre supermarché préféré ou dans le prêt à porter des pensées démocratiquement correctes.
En plus ils ne vous prennent pas en traître. Avancent derrière leur drapeau. Ce soir ils sont là pour enregistrer leur nouvel album au titre significatif : Anartiste. Difficile d'être plus clair dans le noir profond. Jeunesse en colère au regard lucide. Chantent en français, ou plutôt Alex scande en notre langue. Un peu rap, un peu chant. Mais une diction claire et nette. Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas entendu. Pour débuter un morceau sur l'état du monde, sans concession. Les nantis et les pauvres. Lutte des classes. Ce sont les riches qui ont remporté le match. Le démontage des discours foireux dont les médias gavent leurs ouailles consentantes. Il n'est de pire esclave que celui qui fait semblant de ne pas comprendre. Pour sortir de la nasse, n'y a que la trente-sixième solution, celle des anarchistes espagnols qui à Barcelone ont pris le fusil. C'était en 1936, presque un siècle. Mais la situation n'a pas changé entre temps. En fait si, elle a empiré.
Six sur scène. Nail a reçu du renfort. La section de cuivre s'est étoffée de Jérémy. C'est fou comme l'adjonction d'un seul instrument peut changer la donne. Pourtant il ne prend pas des soli dévastateurs, se contente d'accompagner, presque discrètement, mais la trompette de Nail se meut beaucoup plus aisément sur ce tapis continu. Très jeune et plein d'énergie le Nailhouse Groove, n'arrête pas de danser comme s'il était dans les Famous Flames de James Brown. C'est que Natural Respect joue très funk. Affichent rap et reggae, mais s'en démarquent avec brio et humour. Vous aimez le reggae demande Alex et le public répond oui. Eh bien, nous on n'en joue pas. Même plaisanterie sur le rap. Manière de faire prendre conscience aux adeptes d'une admiration trop parcellairement fanatique que le style de musique n'est pas une fin en soi mais le vecteur de leur révolte.
Natural Respect ne confisque pas la musique, un des plus beaux passages du set sera cette impro autour de Flo rappelé sur scène, qui permet à chacun de faire preuve de sa virtuosité. Tristan à la batterie mène un tohu-bohu d'enfer, dessine le rythme que sur sa guitare Nico émiette sans fin jusqu'à le réduire en charpie. Clément se joint avec sa basse à ces deux forgerons du beat afin de renforcer leur frappe incessante. Deux blackoss sont montés sur scène – j'ignore leurs prénoms – l'un danse et l'autre se partage le micro avec Alex. Possède un bel organe vocal, sonore et viril qui ne dépare en rien les interventions d'Alex. Si l'on n'y prend pas garde, si l'on laisse les yeux s'attarder sur les autres musiciens, ou si les deux chanteurs échappent à notre vue car ils bougent beaucoup, l'on peut confondre les deux voix, tellement l'osmose rythmique est parfaite. Nail abandonne sa trompette et s'en vient rapper. Jeune, mais doué. A le groove dans la peau, mélangé à son sang qui pulse sans fin.
Une belle prestation, peut-être un peu trop longue et répétitive sur la fin. Mais quitte à enregistrer autant avoir un maximum de matos pour opérer une sélection. Natural Respect ont assuré grave et groove. S'ils repassent dans les environs je ne les bouderai plus.
DERNIER CONCERT ( snif ! snif ! )
C'était le dernier concert de l'année. Il y a bien quatre groupes ( tous genres déclinés, pop, rock, punk ) prévus le lendemain au même endroit et avec la même organisation de rêve, mais le devoir familial m'appelle en Ariège sur mes hautes terres natales. Et ces fainéants d'autochtones ariégeois qui, vus d'ici par la lorgnette du net, ne sont même pas capables d'organiser un petit concert dans cette festive période ! Natural Respect a raison : la fourmilière a besoin d'un bon coup de pied au derrière ! Même que des fois, une bonne rafale de kalachnikov sur le vieux monde croupissant... Enfin je vous laisse juges... En attendant, une dernière bise aux Jallies pour nous protéger de la cruauté du monde.
Damie Chad.
( Les photos issues des FB des artistes ne correspondent pas au concert )
RONNIE BIRD
in JUKEBOX N° 337
( Janvier 2015 )
Le Pivert est de retour ! De quoi égayer notre hiver ! L'a pris un coup de vieux. Nous aussi. Des lunettes à la main – mauvais signe – mais une silhouette de jeune homme. Pose devant des affiches de sa jeunesse. Quand il était une promesse du rock français. Un petit sourire désabusé, comme le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui. 1964 – 1969, six années fabuleuses, et puis plus rien, Ronnie s'éloigne du rock, de la France, et de nous. Satellite perdu en terre américaine dont ne nous arrive que de rares signaux, une interview dans Rock and Folk, un live en 1983, un disque vorld calamiteux en 1992... tout cela sans donner l'impression d'y croire vraiment. Ronnie a tourné la page, relit parfois les premiers chapitres, mais sait très bien que sur le livre de la vie on ne peut changer un seul mot de ce qui est écrit.
Une longue interview dans laquelle il se livre un peu, mais point trop. Explique tout de même son éloignement. Un accident de voiture dont il est judiciairement responsable et dont il devient la victime – lui-même n'emploie pas ce mot – en devant en assumer les retombées financières. Comme toujours le fric est le nerf de la guerre et Ronnie ne vend pas assez pour satisfaire ses deux maisons de disques successives qui rognent sur les budgets et les royalties. Ronnie est à l'endroit où ça se passe, il a compris que le rock est en train de changer, mais il bricole, court partout, fait au mieux, mais s'épuise vite. De guerre lasse pour se renflouer il accepte de jouer le rôle de Barrabas dans Jésus Christ Super Star... Finira par partir aux States comme preneur de son pour Antenne 2. Change de vie pour ne pas s'écrouler sous le poids des désillusions.
Un fils perdu de la bourgeoisie. Peut-être trop velléitaire pour réussir. N'a pas la rage de vivre ni l'envie de vaincre chevillée au corps. Le milieu musical français ne l'a pas aidé. Fait partie d'une génération sacrifiée. Celle d'un Noël Deschamps et d'un Thierry Vincent. Un pied chez les pionniers et l'autre parmi ces nouveaux groupes anglais qui possèdent un son extraordinaire. Mais il reste le chantre de ce rock électrique qu'il fut le premier à maîtriser en France avec des titres comme Elle M'Attend, Fais Attention, et Où Va-t-elle ? Et puis le tournant vers le Rhythm and Blues et ce merveilleux titre que fut Sad Soul sur son dernier simple.
De l'histoire ancienne et dépassée. Ronnie s'est fait une raison. Ce n'est pas à soixante-huit ans que l'on rattrape le temps perdu, même si Jukebox sort un nouvel album 25 centimètres En Direct ! ( JBM 027 ) de l'intéressé avec des titres rares, des directs télé, une alternate take, et mirifique surprise un titre inédit, une curiosité tirée à trois cents exemplaires. Just for Fans. Ne se plaint pas de sa vie. Une belle jeunesse, et quand la mer s'est retirée, l'est parvenu à rester debout. L'aurait pu s'effondrer. L'a survécu. En est fier. Comme un rocker. Revenu de l'Enfer.
Damie Chad.
JUKEBOX
HORS-SERIE N° 28 / JANVIER 2015
SPECIAL POP FRANCE - 1968 – 1975
ALICE / AU BONHEUR DES DAMES
ALAN JACK CIVILIZATION / JACKY CHALARD
JOËL DAYDé / DYNASTIE CRISIS + JACQUES MERCIER
/ MAGMA / TOTAL ISSUE / OPHIUCUS
/ SYSTEME CRAPOUTCHICK / TRIANGLE
VARIATIONS / ZOO
Un numéro à conserver précieusement. Quand on y regarde de près l'on s'aperçoit qu'il n'y a point trop d'ouvrages sur la question. Le Rocorico de Christian-Louis Eclimont paru en 2012 ( voir KR'TNT ! 126 du 10 / 01 / 2012 ) et c'est à peu près tout si l'on excepte quelques monographies pas toujours accessibles. C'est la troisième génération du rock français – quatrième si l'on tient compte des galéjades autour de Boris Vian et consorts – celle qui suit la deuxième, celle de Ronnie Bird et de Noël Deschamps qui court de 1964 à 1969.
Le monde était en train de changer. Les évènements de Mai 68 avaient ouverts les yeux et surtout les oreilles de toute une jeunesse qui malgré son sempiternel renouvellement générationnel ne s'était dans sa grande majorité – hormis les couches des milieux populaires – que très peu intéressée à cette musique de voyous que l'on appelait rock and roll. D'ailleurs en cette nouvelle ère qui s'annonçait l'on préféra user du terme Pop-Music d'apparence plus neutre et comme ayant symboliquement effectué une coupure avec la vieille imagerie très négative des blousons noirs.
La France étant un pays traditionaliste, pas question de s'en laisser compter par les capitalistes américains et le conservatisme des grands bretons. Fille de la Révolution Française, de la Commune, toute une partie – la plus remuante et la plus audacieuse - de la jeune génération se proclama héritière du Mouvement Ouvrier. La révolution était à l'ordre du jour. L'accompagnement musical de l'épopée en gestation l'on s'en moquait comme de la division du travail entre chasseurs et cueilleurs chez les tribus ante-néolithiques dans le bassin méridional de l'Eupphrate. Le mouvement gauchiste ne comprit que trop tard avec l'émergence de groupes comme VLR ( Vive La Révolution ) que la révolution en marche qui résulterait de la grande commotion soixante-huitarde serait beaucoup plus sociétale que politique.
L'herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin. Une autre fraction de notre saine jeunesse en accord parfait avec l'idéologie libérale des nouvelles élites industrielles et intellectuelles n'eurent d'yeux que pour la Grande Amérique et la perfide Albion. Certes ils n'admiraient pas les mêmes éléments. Ne s'intéressaient qu'à la production musicale de ces deux nations. En vinrent à dénigrer tout ce qui pointait son museau sur le sol national. Axiome de base : le meilleur des groupes français n'est qu'un étron de moucheron comparé au dernier des combos saxons.
Statutairement parlant le rock français partait avec un grave handicap. Un cheval à qui vous coupez d'office les quatre pattes a très peu de chance de remporter le derby d'Epsom. Maintenant faut être juste : l'existe comme un fossé - pour ne pas dire un gouffre abyssal - entre Martin Circus et Led Zeppelin. Retournez les galettes respectives dans tous les sens, le constat même avec trois cents kilos de mauvaise foi cocardière est accablant. Ce qui est étonnant chez Jukebox c'est leur parti-pris hautement revendiqué. On y traite tout objet d'étude avec le même sérieux et la même rigueur. Que l'on s'étende sur les Rolling Stones ou Triangle, l'on utilise la même méthode, les dates, les faits, les statistiques, les classements. Tout relevé est élaboré avec le même soin maniaque. Un extra-terrestre tombant sur un numéro de Jukebox pourrait en déduire que les Stones et Triangle firent preuve d'une égale créativité.
Reste que malgré ses soixante-huit pages bien tassées mais non extensibles le choix des artistes évoqués n'a pas dû être facile. Quoique chez Jukebox, pour les numéros spéciaux l'on ne s'enquiquine pas. L'on refourgue pas mal d'articles déjà parus dans le mensuel. L'est sûr que rapprocher de ses alter égos une formation quelconque aide celle-ci à acquérir une signifiance historique beaucoup plus pertinente. Mais c'est aussi le moyen de vous faire cracher au bassinet vos maigres pépites pour entrer en possession d'informations que vous possédez déjà. Pour faire passer la pilule l'on agrémente le plat principal d'interviews souvent passionnantes. C'est un art à part entière que de savoir accommoder les restes.
PREMIERS CONSTATS
A première lecture ou en consultant ses propres souvenirs l'on a l'impression d'un foisonnement innombrable. Mais dès que l'on s'amuse à retracer les arbres généalogiques l'on s'aperçoit que souvent ce sont les mêmes noms qui reviennent. Les musiciens passent de groupe en groupe comme un billet de dix euros change de poche. L'on peut facilement identifier trois poches séminales, ou trois plaques-tournantes essentielles : Les Pingouins, Les Cinq Gentlemen, et Alan Jack Civilzation. Dans l'ordre chronologique : les palmipèdes de la banquise étant représentatifs de la première génération rock and twist du tout début des sixties, le quintet de la mid-sixties au parfum britannique indéniable entretenant de la douceur électrique du folk rock tout en flirtant avec le rêve illusoire d'une variété nationale de qualité, et la nouvelle civilisation des utopies underground de la décennie 70 se cristallisant dans les expériences tant musicales que communautaires de cet improbable rêve hippie d'une nouvelle manière de vivre...
Les musiciens sont soumis à dure épreuve. Les plus doués sont ceux qui savent d'où ils viennent. Du jazz, de la musique classique, et pour une petite minorité du rock des pionniers. Tous les autres prennent le train en marche. C'est beaucoup mieux que de rester sur le quai. Mais ils sont confrontés à une problématique exaspérante. Ne venant de nulle part, ils n'ont aucune idée de l'endroit vers lequel se diriger. Faut qu'en quelques années ils fassent le chemin que les englishes ont mis dix ans à parcourir. En sont réduits à refaire le trajet à l'envers alors que le train va de l'avant. Sont partis pour jouer du rock guitar, du boogie rock électrifié à mort, mais certains sont tentés par les racines du blues et d'autres attirés par les sirènes du rhythm and blues. Ce dernier est une véritable valise magique, tout ce qui y rentre fait ventre. Des cuivres tonitruants de l'écurie Stax à la folie meurtrière des groupes mods qui à partir de la matrice noire réinventent le rock and roll blanc, il y a de quoi en perdre sa boussole.
Les années soixante-dix furent aussi celle de la suprématie du progressive rock. Fallut attendre la tornade punk pour renvoyer la boursouflure progressive dans le bourbier des modes dépassées. Emerson Lake and Palmer, Yes, Genesis, étaient les groupes favoris des jeunes français, vous étiez un béotien si vous vous réclamiez de Mountain ou du Blue Öyster Cult. Aujourd'hui l'étiquette progressive a été préservée de la disparition, l'on a pris l'habitude de l'accoler à un courant, le hard rock, qui était sa bête noire. L'on parle sans sourciller de progressive hard, voire de progressive metal. Lorsque le rock veut péter plus haut que son cul, lorsque les killers guitar heroes meurtriers s'achètent une conduite, ils s'affublent de cette contre-marque nauséabonde. Au début des seventies nombre de musiciens étaient victimes d'un complexe d'infériorité. Dans leurs rêves les plus fous ils s'identifiaient aux compositeurs classiques. Pays de haute culture la France n'a pas échappé à cette rétro-jalousie. Je me souviens d'une interview – ce doit être dans Special Pop - d'Alice dans laquelle le groupe affirmait que le nom avait été choisi pour conquérir le marché américain puisqu'il était facile de l'écrire ALL ICE. La glace se mariant parfaitement avec la musique cérébrale du quartet... Z'auraient jamais dû enregistrer Je Voudrais Habiter Le Soleil car le glaçon a fondu en laissant une marre pas plus grosse qu'un pipi de chat. Tout le monde n'a pas la dimension de King Crimson.
Alice n'est pas ressortie vivante du terrier dans lequel elle s'était imprudemment fourvoyée. S'est faite doubler par un Ange. Qui lave plus blanc que deux barils de n'importe quelle autre lavasse. Ce n'est pas moi qui le dit, mais Dieu le Père, son créateur Christian Descamps qui commente toute la longue carrière de son orchestre. Difficile de lire jusqu'à la fin. Dix pages d'auto-satisfaction proclamée. Même manière de penser que John Lyddon dans sa dernière autobiographie. A les lire nos deux bonshommes n'ont enregistré que des disques essentiels tout au long de leurs carrières respectives. Un des dangers les plus courants du succès s'avère être l'hypercatastrophiesation de l'égo. Encore que tout est relatif. Entre Emile Jacotey et Never Mind The Bollcks, immense est la différence d'amplitude.
COURANT ROCK
Rien de plus gênant que le melon qui enfle. Vaut mieux ne pas se prendre au sérieux et s'appuyer sur des valeurs sûres. Intellectuellement parlant le retour au twist ne pèse pas lourd face à ceux qui recherchent la sagesse supra-musicale. Au Bonheur Des Dames fut perçu comme une galéjade, une désopilante plaisanterie d'une bande de copains qui se lance dans un concours de pets après les haricots de la cantine. Quand l'histoire foira, il ne resta d'ailleurs que les mauvaises Odeurs. Oser se réclamer de Johnny Hallyday, de Dick Rivers et d'Eddy Mitchell alors que le moindre pékin pleure des larmes de sang en entendant un disque du Pink Floyd, fallait être singulièrement stupide et hors du coup ! Les has-been ont la vie plus dure qu'on ne le croit. On qualifia Au Bonheur Des Dames d'abominables passéistes, n'étaient que les précurseurs d'un mouvement auquel personne ne s'attendait, le retour du rock. Au Bonheur Des Dames ne faisait que rembobiner les toutes dernières images du film. Ce retour en arrière était un appel à un grand bond en avant. L'on rigolait en se remémorant le bon temps du twist pour mieux déblayer le chemin à l'explosion punk qui ne tarderait pas à survenir.
C'est à la même époque que Jacky Chalard bassiste de Dynastie Crisis en vint à monter le label Big Beat Records pour donner un coup de main aux Alligators et à Jezebel Rock deux groupes venus d'une autre planète que l'on croyait perdue à tout jamais, le rock des pionniers. Le label fut à l'initiative de la renaissance du mouvement rockabilly en France et par ricochets eut quelque influence notable sur le redémarrage de carrières mises en veilleuse de chanteurs américains de la grande époque.
Mais le grand groupe rock de l'époque fut en France les sublimes Variations. Comme beaucoup de prophètes qui se respectent ils commencèrent par être reconnus à l'étranger, en Belgique, au Danemark, en Suède où ils enregistrèrent leur premier single, en Allemagne... En France ils eurent le statut de groupe de province. Pas d'une unique région, mais de toutes les tranches de l'hexagone. Intelligentsia parisienne les ignora. La presse rock les bouda. Des espèces de métèques venus du Maroc qui se permettaient de faire un boucan de tous les diables dans leur concert quand l'heure était au recueillement quasi-religieux devant le tintement d'une clochette agitée avec componction par les batteurs des grands groupes dignes de ce nom, c'était plus que de chastes oreilles d'esthètes ne pouvaient humainement supporter. Sans compter que toutes les jolies filles leur couraient après. Ah ces pauvres délurées prêtes à se donner à la première brute séminale qui passe, quelle horreur ! Mais leur crime de lèse majesté fut surtout d'être sur scène aussi bons ( et parfois même meilleurs ) que la crème anglaise. L'est des interdits à ne pas dépasser. Celui qui possède le statut de cancre ne peut prétendre remporter le premier prix de version latine. Les variations en moururent d'épuisement. Trente après leur aura légendaire ne cesse de monter au firmament du rock français.
N'y a pas que le rock dans la vie. Il y a aussi le blues. Alan Jack n'aura pas fondé la civilization blues dont il rêvait. L'est parti trop tôt. L'est mort en 1995, trente ans après la formation de ce qui n'est pas son premier groupe, mais qui porte déjà son nom, l'Alan Jack Group. Un tiers de siècle cela vous permet de faire œuvre, encore faut-il baigner dans une réalité porteuse. Alan Jack souffrira de la même addiction à la drogue que Paul Butterfield. Mais il n'est pas né au pays du blues comme son frère d'ombre américain. N'a pas connu le même environnement. N'est pas un héritier. Plutôt un fondateur puisque il fut accompagné par Patrick Verbeke et Benoit Blues Boy. Higelin le côtoya aussi, ce qui explique pourquoi et comment le grand Jacques abandonna un moment son statut de chanteur à textes mouvance dadao-rive gauche pour se métamorphoser le temps de trois à quatre albums en parfait rocker français.
D'UN AUTRE MONDE
Finirai par Magma et l'extraordinaire interview de Klaus Blasquiz qui resta dix longues années avec le groupe le plus étonnant de tout le rock français. Un parcours unique, jazz, rhythm and blues, Kobaïa. L'on peut ne pas aimer Christian Vander. Penser que ces derniers temps, il se répète beaucoup, que l'aventure Magma n'aura duré que cinq ans, que par la suite l'intérêt se dilue. Peut-être, mais en ses premières années Magma édifie une oeuvre colossale à la jonction du jazz suprême de John Coltrane, des torsades rythmiques de la musique classique du vingtième siècle, et de l'énergie haut-voltage du rock and roll. Klauz cause de Magma sans effusion sentimentale, simplement, les pieds sur terre mais la tête dans Kobaïa. La planète si follement inventée qu'elle en acquiert une existence mythique qui jouxte la réalité la plus prosaïque. Ne parle pas de musique mais de musiciens, de leurs talents et de leurs limites. De leur passage dans Magma, de leurs traces, et sans acrimonies de la suite de leur carrière que l'on pourrait souvent juger contraire à la haute prétention éthique de Magma. Donne aussi avec une très grande sérénité une explication psychologique de la première dissolution de Magma. Un peu incompréhensible à l'époque. Malgré les explications somme toute peu explicites de Vander dans une longue interview accordée à Rock & Folk. Christian Vander casse le beau jouet qu'il vient d'achever de construire et dont il rêvait depuis toujours. Un comportement d'apparence aberrant, mais que l'on retrouve chez une foultitude d'êtres humains qui s'interdisent la jouissance prolongée de tout bonheur, même chèrement acquis. L'enfant abandonné par sa mère parvenu à l'âge adulte ne peut qu'endosser la culpabilité dont il refuse d'accuser la marâtre adorée. Un transfert autodestructeur dont il reste incapable de s'abstraire. La rock music comme une ascèse intellectuelle qui refuse les douillettes consolations psychanalytiques de Docteur Freud.
1968 - 1975
Une époque fabuleuse. L'on sentait les coutures du vieux monde craquer sous la montée de la sève virulente d'une jeunesse occidentale décidée à bousculer les vieilles idées. Les promesses espérées n'ont pas été tenues. Dès la fin de la décennie ce fut le commencement de la régression, et l'instauration de cette chape de plomb puritano-libérale, économico-politique, qui nous étouffe et nous asservit. Le rock dans toute ses contradictions fut la bande-son de cette tentative prométhéenne de renversement de l'ordre social. Aujourd'hui, il a perdu de sa faconde, il suit les trottoirs et traverse entre les clous des passages protégés.
Qui rallumera le feu ?
Damie Chad.
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