14/10/2010
KR'TNT ! ¤ 22.
KR'TNT ! ¤ 22
LIVRAISON DU 14 / 10 / 2010
A ROCK LIT BLOG'N'ROLL
EDITROCK
Puisque nous avons évoqué les racines noires du rock'n'roll dans notre précédente livraison, il est peut-être temps de s'intéresser à l'autre mamelle de notre musique, le country. Il se trouve que depuis quelques années le country s'installe en France. Un public est en train de se créer, peut-être pas celui dont nous aurions rêvé mais de plus en plus important et de plus en plus visible. Pour ne pas dire tapageur.
Des gens très bien. Mais ô combien déconcertants. La country est rentrée par la petite porte, celle du salon. De danse. L'on ne compte plus les clubs country qui se montent un peu partout, jusqu'au fin-fond de nos campagnes les plus lointaines. Ce n'est n'est déjà plus une mode. C'est presque une habitude. Plus de brocante villageoise sans son exhibition country... Les rondes de stetsons remplacent les défilés de majorettes, au grand plaisir des masses silencieuses.
Cet été, suis tombé en plein centre de ma cité natale, très loin au bout des pistes perdues, sur une manifestation country de trois jours et trois nuits. Faramineux progrès des consciences municipales quand on pense qu'en l'an de grâce 1970, nos édiles avaient ordonné de couper l'électricité du premier ( et dernier ) Festival pop, situé à l'extrême périphérie de la ville, sous prétexte que East of Eden. Il est sûr que ce groupe mené par un violon faisait un bruit de tous les diables !
Bref voici RUSTY LEGS, groupe connu ( des connaisseurs ) qui entre en scène. Un beau début, un instrumental à la Il était une fois dans l'Ouest, un peu kitch parodique, mais avec des tonneaux en flammes, et assez décoiffant. C'est après que ça a commencé à nous défriser. Deux cents simili cow-boys accompagnés de leurs cow-boys favorites qui se lèvent et se mettent à danser comme un seul homme sur le plancher ( des vaches ) disposé devant l'orchestre.
Et jusqu'à la fin de la nuit, ils ne vont pas en rater une seule. Increvables et interminables. Parfois l'on frôle la commotion collective, RUSTY LEGS joue un morceau inconnu ! Mais le combo a tout prévu « Ca se danse comme... » soupir de soulagement unanime, l'on sent que l'on a échappé à une catastrophe nucléaire...
La musique, ils s'en foutent, ce sont des échappés de la fièvre du samedi soir qui se sont se retrouvés par mégarde à Nashville, la quarantaine, qui courent après une joyeuse jeunesse qu'ils n'ont jamais connue. Pas méchants, pas vindicatifs, pas rebelles pour cinquante cents, un peu réacs, un peu american beauf dream, et pas fufuts de pétrole. De braves gens, ni pires ni meilleurs que vous et moi.
Mais qui par contre possèdent un énorme défaut que nous ne partageons pas. Ces gens-là n'aiment pas la country, ils consomment du country. Si sur l'emballage il n'est pas écrit en grosses lettres rouges que le produit est périmé, ils ne risquent pas de jeter la barquette ! Ils mangent ce qu'on leur donne car ils sont incapables de le prendre par eux-mêmes. Damie Chad.
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CASH
L'AUTOBIOGRAPHIE
( avec la collaboration de PATRICK CARR )
Traduit de l'américain par Emmanuel Dazin.
360 pp. LE CASTOR ASTRAL 2005.
Le livre est à l'image de ses chansons. Noir. Sans fioritures. Une guitare, et une voix. Rien de plus. Rien de moins. Rien de trop. Du Cash millésimé. Je ne peux écouter un disque de Cash sans penser que le croquemort qui lira mon avis de décès avant de descendre mon cercueil dans la terre fraîche aura exactement le même timbre. Sombre. Mortuaire. A geler mon pauvre sang déjà glacé. Pourtant je ne lui en veux pas au père Cash. Me le réécoute régulièrement depuis des années. Depuis que minaud j'avais lu au dos du Crazy Beat de Gégène qu'il était son chanteur préféré avec Hank Williams. Il ne faut jamais croire ce que l'on vous dit.
Se promener dans la vie avec le funèbre bourdon de Cash quelque part en arrière-fond de votre caboche, c'est se charger d'un terrible handicap pour tout ce qui va suivre. D'ailleurs Cash lui-même n'a pas dérogé à sa propre règle. Vous pouvez être sûr qu'il est allé à maintes reprises frappé à la porte des Enfers. Et qu'il n'a pas dû attendre longtemps pour qu'on lui ouvre. Le plus dramatique, c'est qu'il en soit ressorti. Plusieurs fois. Je suis pas sûr qu'au soir de telles entrevues, le diable ait réussi à fermer l'oeil de la nuit. Dans son antre, tout seul, au centre des cercles de feu.
It's not very grave. For Cash, naturally. Pour vous, je m'en fous. Mais Cash a toujours été au côté de Dieu. Quarante ans après, il n'en démord pas. La première fois qu'il lui est apparu, c'est au studio Sun, du temps où il se faisait appeler Elvis Presley. Le plus grand, le meilleur. Même si Jerry Lee était encore plus fou que lui, et même qu'il jouait mille fois mieux du piano que lui, et que l'Elvis lui aussi en avait conscience.
Plus tard l'hillbilly cat il est remonté au ciel dans son palais de Graceland et ça a été un de ces chemins de croix, pour le retrouver que vous n'en avez pas idée. C'est que là-haut c'est loin, et que l'on ne peut y arriver qu'en rampant à l'horizontale comme un ver de terre. Faut sacrément s'accrocher. Mais Cash, il y a réussi. Y a mis tellement du sien que c'en devient gênant. S'est acheté la Bible en plusieurs traductions et les encyclopédies qui vont avec. L'a bûché. L'a marné, l'est même allé faire un film, sur ses propres deniers ( de Judas ) à Jérusalem sur la vie de votre Seigneur. Il a enregistré des tonnes de gospel et a poussé la plaisanterie jusqu'à écrire un roman sur la vie de Paul. The man in white qu'il l'a appelé. Qui a dit que Johnny à défaut d'amour n'avait pas d'humour ? Et vicieux avec ça. Scrupuleux comme une teigne. Remet en doute la conversion de son mécréant de père après la mort de son fils de quatorze ans coupé en deux par une scie mécanique. Les actes et les paroles ne suffisent pas à Cash. Croit pas aux signes extérieurs du miracle. Faut que ça vienne du dedans du coeur et que ça saigne à blanc comme pureté de neige.
Vient de plus loin que la misère le petit ( propriétaire ) Cash. Toute la famille a trimé dans les champs de coton. Pire que les nègres dans les plantations. Et comme pour les noirs, il n'y avait qu'une chose qui ne coûtait pas cher, les cantiques d'Eglise et les chants religieux. Ca ne nourrit pas vraiment son homme, mais ça se multiplie comme des petits pains. Poussez pas, il y en aura pour tout le monde. Tellement partout qu'ils n'ont jamais pu entendre l'Internationale ! La révolte ne fait pas partie de l'horizon intellectuel de la génération Cash. Quand certains vous expliquent que le blues est de gauche et la country de droite, ils n'ont pas tout à fait tort. Ni tout à fait raison non plus.
Cash participe du rêve américain. Il n'en est pas le one-self-man de service pour autant. Son truc à lui, c'est plutôt l'homme qui se détruit lui-même. Il a tout essayé. L'a goûté à toutes les pilules du bonheur artificiel. Il ne cache rien. N'en tire aucune gloriole non plus. Se raconte Aau plus près. Il a juste survécu. A toutes les plaies de la misère et de l'injustice. Elles se sont rouvertes quand le succès et l'argent sont venus. Ont eu un mal de chien à repartir par la suite. Se sont accrochées à leurs cauchemars.
Il est vrai que le man in black se trimballe de sacrées croix. Chez lui, c'est travail, famille et patrie en même temps. Il n'en est pas pour cela exempt de contradictions. Pas du genre à manifester contre la guerre au Vietnam, mais il crie bien haut que les jeunes gens ne doivent pas périr en de douteux combats qui ne les concernent pas. Il fait partie de cette majorité silencieuse qui gueule plus fort que tous les beats et tous folkleux réunis. Cash c'est l'écolo qui vous brûle la moitié d'un parc national et qui se fout du juge qui cherche à comprendre. Raquera sec, mais n'aura jamais un mot de regret.
N'allez jamais zieuter les vidéos de la Carter Family sur You Tube. Vous tomberez amoureux de la jeune fourteen years old June. Vous pourrez pas en démordre. Une présence, une exubérance d'être, un brin de folie et de friponnerie à la demander en mariage à la minute. Cash devra attendre dix ans avant de l'épouser. Une redoutable femelle américaine. Cash n'a jamais regretté. Vous, il y aurait longtemps que vous vous seriez tiré une balle dans la tête pour lui échapper. Mais Cash, il fait ce qu'aucun rocker n'a jamais osé faire, il ne laisse pas bobonne à la maison : on the road avec elle, des milliers de kilomètres et de représentations, d'un bout à l'autre des Etats-Unis, et un peu partout dans le monde. C'est un punk allemand qui à l'issue d'un concert explicitera le deal : « Madame, vous déchirez grave. » Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, ce sont les filles et puis la petite-fille qui monteront sur scène accompagner leur père et qui deviendront des figures reconnues de la country. Les coyotes enragés aux poils rêches n'accouchent pas de gentils jolis chats.
Cash se gêne pas. Il se définit comme un guitariste limité qui n'a pas eu le courage de progresser. Il n'a pas tort. Durant cinquante ans il nous a resservi la même rythmique. Plus la même voix, monocorde de pendu. Mais c'est du granit. Importé directement des montagnes rockeuses. Une assise, un bouclier. Toute la chanson américaine repose là-dessus. Blues, traditionnel, folk, country. Outlaw, rockabilly and roots. Cash prend tout mais n'emporte rien. Il est seulement aussi difficile de passer avant qu'après lui. La moulinette Cash vous réduit n'importe quoi en poudre. Mais c'est de l'indian pemmican qui en ressort. De l'énergie en barre.
Se vante même d'avoir soufflé à Carl Perkins l'idée de Blue Suede Shoes. Faut oser. Sans rancune. Carl Perkins est l'autre grande figure qui se détache du bouquin. L'on sent une grande tendresse pour le friend qui boppait le blues comme personne et buvait le désespoir comme un trou. Un Carl Perkins, avec comme une existence entre parenthèses, entre les deux morts accidentelles de ses deux frères, chacune des deux aux bouts opposés de sa vie.
Et puis pire que tout, les trois Parques : la vieillesse, la sagesse et la faiblesse. L'homme en black est toujours là. Regardez la dernière photo, la guitare à la main, les yeux levés vers le ciel, monolithique dans son large cache-poussière noir. Il ressemble à la statue de Balzac sculptée par Rodin. Il est une force qui va. La voix est cassée. Chevrotante presque. Mais chaque mot vous cloue au mur comme une rafale de winchester. Y a-t-il jamais eu un poëte qui ait su détacher ses paroles comme cela, mouche et buffalo à tous les coups. En 2003, Cash est rentré dans l'éternité de sa propre évidence. La country est restée orpheline.
Damie Chad.
14:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2010
KR'TNT ! ¤ 21.
KR'TNT ! ¤ 21
LIVRAISON DU 07 / 10 / 2010
A ROCK LIT BLOG'N'ROLL
EDITROCK
Le lecteur tant soit peu perspicace aura remarqué que la moitié des vingt premières livraisons de KR'TNT ! les pionniers du rock se taillent la part belle, surtout Gene Vincent d'ailleurs... Il est sûr que l'on peut appliquer la théorie de l'iceberg à l'histoire du rock'n'roll : 1 / 10 d'actualités incertaines et 9 / 10 de passé prestigieux. L'on peut même se la jouer philosophe et déclarer que le présent ne s'éclaire qu'à la lumière du passé. Pourtant nous n'avons aucune envie de jouer aux blogstalgiques de service.
Le rock se doit d'aller de l'avant, sans quoi il se dirigera doucement vers le cimetière des musiques endormies et s'évanouira à jamais dans le linceul de la fidélité à toute épreuve de ses derniers fans. Ensuite il faudra attendre la prochaine résurrection ce qui, comme chacun sait, n'est pas donné d'avance...
Toutefois, en attendant d'aller de l'avant, petit retour en arrière sur la case départ ! Ça vous apprendra à croire tout ce que l'on dit ! |
EVERYDAY I HAVE THE BLUES !
DEVIL'S FIRE
un film de CHARLES BURNETT
dans la série MARTIN SCORSESE PRESENTE THE BLUES
( DVD )
Ce n'est qu'un prétexte pour nous ressourcer dans in the muddy water du Mississipi. Ce n'est pas vraiment un film, plutôt un documentaire avec en prime un petit gamin de dix ans qui vient se faire baptiser in the south, dans le territorial berceau familial, sa mère ayant depuis longtemps émigré en Californie. Mais avant qu'il soit confit dans l'eau bénite du christianisme un de ses oncles va lui administrer une sacrée médecine. La pellicule est composée d'extraits d'époque ( comme on dit ) que l'on retrouve assez facilement sur le net aujourd'hui si l'on farfouille quelque peu sur les sites consacrées à la musique du diable.
L'on est toujours trahi par les siens. Les planteurs blancs étaient armés des deux mains. Le fouet et le fusil pour la dextre et la Bible à senextre. Les esclaves n'ont que modérément apprécié les coups de bâton mais ils ont mordu à la carotte de la religion encore plus fort que leurs maîtres. L'on se console de ses malheurs comme l'on peut. Peut-être est-ce une extraordinaire ruse que de se servir de la corde par laquelle on cherche à vous étrangler comme marche-pied pour se sortir du cul de basse fosse dans lequel on essaie de vous ligoter. Qu'aurions-nous fait en une telle situation ?
Toujours est-il que notre préférence va aux déviants. A ceux qui n'ont compté que sur leur colère pour se mettre en marche. Dans le troupeau de l'acceptation nous avons un faible pour les brebis noires. Et les mâles qui refusent de devenir mouton. Chanter le blues, courir le delta, le sourire en coin et la bite au vent, se rebeller sans espoir pour la seule satisfaction de dire non à l'inéluctable, en ces temps-là la négritude n'avait pas de futur.
Et pourtant ce sont les nègres qui ont gagné. Les petits blancs ont copié l'incroyable dégaine des bluesmen. Ils ont tout fauché, la manière de jouer, les accords de guitare, et peut-être le plus important, la déjante, l'esprit. Z'ont juste changé l'étiquette pour que le flacon fasse plus neuf. Rock'n'roll qu'ils ont écrit dessus. Mais ce n'était pas grave car ils ont véhiculé la même ivresse.
Ils se sont faits d'ailleurs aussi mal recevoir que leurs modèles noirs au début. Depuis ça a changé. C'est devenu monnaie courante. Dollars. Certes l'on vous vend beaucoup de daubes frelatées mais ceux qui recherchent les bonnes adresses finissent toujours par les trouver.
Quant aux pierrots noirs ils ont connu le même phénomène d'acceptation. Tout le monde écoute et achète de la musique noire en 2010. De la musique noire, oui. Mais pour le blues, il faut faire attention. La bourgeoisie noire n'aime guère cette musique de va-nus-pieds. On leur préfère et de loin, les arpèges liquéfiés de Stevie Wonder ou les paillettes de Mickaël Jakson. C'est plus propre. Plus net. Plus lisse.
A l'autre bout dans les ghettos c'est le même rejet. On se moque de ces jérémieurs de l'ancien temps, l'on mise tout sur la colère et la violence revendicatrices du rap. Il est vrai que maintenant tout est plus facile, les filles, la dope, les armes, le fric. Des deux côtés l'on rejette le blues et son cortège de misères et de frustrations rentrées. L'on a un peu honte de ces vieux grands-pères déglingués aux guitares délabrées et de ces grosses dondons abîmées d'alcool et de drogues qui roucoulaient d'insidieuses mélopées sur des ruissellements d'orchestres calamiteusement boursoufflés. Oui, mais des divas. Comme on n'en fait plus.
Pas beaux. Rien pour plaire. Mais un style à vous couper le souffle. Il a fallu que ce soit des petits jeunots venus d'Angleterre qui leur donne dans les années soixante une autre jeunesse. Et qu'ils accèdent enfin à une reconnaissance. Plus les royalties qui font un bien fou quand ça tombe dans des poches trouées jusqu'au plancher.
Two hound dogs, rock'n'roll & rythm'n'blues chantait Bill Haley dans un de ses boogies frénétiques. Savait reconnaître ses racines, péquenot Bill. C'est dommage que dans certains milieux country, rockab et même hard rock l'on ait un peu oublié que l'on sortait du trou du cul noir des nègres. Ce n'est pas parce que l'on agite le drapeau rebel que l'on n'est pas habité dans sa tête par un conservatisme idéologique des plus étroits.
Si l'avenir du rock'n'roll n'est pas rose son origine est fortement teintée de noir. Bleu très sombre, au moins. Bluesy pour tout dire. C'est peut-être pour cela que j'aime tant le blues. Parce qu'il est une musique qui plus d'un siècle après sa création continue à être rejetée par ses publics naturels.
Il est extrêmement facile de s'auto-définir en tant que rebelle. Mais c'est le regard des autres qui se doit de vous classer. L'on n'est pas rebelle contre l'autre, c'est l'autre qui vous poinçonne le label sur votre sale mine. Blues rébellion et rock'n'roll attitude sont deux soeurs jumelles. Twin Towers et en face l'on ne gêne pas pour vous envoyer des 727 sur la gueule. Tous les jours. C'est comme cela que l'on apprend à devenir indestructible. Même si l'on en crève.
Pas la peine de nous prendre pour des anges, des saints et des martyrs. Rien qu'à voir le visage des vieux bluesmen l'on comprend que ce n'est pas à eux que l'on apprendra à faire des grimaces. Les vieux singes en ont vu d'autres. Méfiez-vous. Se pourrait très bien qu'ils vous entourloupent en pleine poire. Faut pas confondre un Willie Dixon avec la petite soeur des pauvres, non plus.
Puisque l'on en parle, ils avaient aussi prévu le coup. Pour les âmes pieuses z'ont crée le gospel. Pouvez pas savoir tout ce qu'un Jerry Lee Lewis en a extrait. Un satané hot bourbon. Au poker menteur ils ont su jouer sur les deux tableaux, un coup oui, un coup non, côté bon Dieu et côté sale Diable. A tous les coups l'on gagne. L'on perd aussi, mais inutile de s'en vanter, ça se voit assez . Le blues a toujours eu sa base de repli. A gauche du Seigneur. Le côté du coeur. Quand ça ne va plus, l'on rejoue le retour du fils prodigue. Mais dès que l'on s'est requinqué on file faire du stop au prochain croisement.
Avec un peu de chance, on fera une mauvaise rencontre.
Damie Chad.
Si vous croyez que l'on va se quitter sur une vidéo de Dust my broom d'Elmore James piquée sur You Tube, c'est raté. D'abord vous êtes assez grands pour y aller par vous-mêmes. Ensuite l'on préfère vous refiler deux poèmes de Langston Hughes ( 1902 – 1967 ). L'auteur du merveilleux recueil, publié en 1926, THE WEARY BLUES, le seul disque de blues joué sans musique sur du papier. L'on vous a déniché une traduction pour le premier, pour le second nous vous laissons rêver à une possible interprétation.
THE WEARY BLUES
Droning a drowsy syncopated tune, Rocking back and forth to a mellow croon, I heard a Negro play. Down on Lenox Avenue the other night By the pale dull pallor of an old gas light He did a lazy sway . . . He did a lazy sway . . . To the tune o' those Weary Blues. With his ebony hands on each ivory key He made that poor piano moan with melody. O Blues! Swaying to and fro on his rickety stool He played that sad raggy tune like a musical fool. Sweet Blues! Coming from a black man's soul. O Blues! In a deep song voice with a melancholy tone I heard that Negro sing, that old piano moan-- "Ain't got nobody in all this world, Ain't got nobody but ma self. I's gwine to quit ma frownin' And put ma troubles on the shelf." Thump, thump, thump, went his foot on the floor. He played a few chords then he sang some more-- "I got the Weary Blues And I can't be satisfied. Got the Weary Blues And can't be satisfied-- I ain't happy no mo' And I wish that I had died." And far into the night he crooned that tune. The stars went out and so did the moon. The singer stopped playing and went to bed While the Weary Blues echoed through his head. He slept like a rock or a man that's dead.
LE BLUES DU DESESPOIR
Fredonnant un air syncopé et nonchalant,
Balançant d'avant en arrière avec son chant moelleux,
J'écoutais un Nègre jouer.
En descendant la Lenox Avenue l'autre nuit
A la lueur pâle et maussade d'une vieille lampe à gaz
Il se balançait indolent...
Il se balançait indolent...
Pour jouer cet air, ce Blues du Désespoir.
Avec ses mains d'ébène sur chaque touche d'ivoire
Il amenait son pauvre piano à pleurer sa mélodie
O Blues !
Se balançant sur son tabouret bancal
Il jouait cet air triste et rugueux comme un fou,
Tendre Blues!
Jailli de l'âme d'un Noir
O Blues!
D'une voix profonde au timbre mélancolique
J'écoutais ce Nègre chanter, ce vieux piano pleurer –
« J'n'ai personne en ce monde,
J'n'ai personne à part moi.
J'veux en finir avec les soucis
J'veux mettre mes tracas au rancart. »
Tamp, tamp, tamp ; faisait son pied sur le plancher.
Il joua quelques accords et continua de chanter –
« J'ai le Blues du Désespoir
Rien ne peut me satisfaire.
J'n'aurai plus de joie
Et je voudrais être mort. »
Et tard dans la nuit il fredonnait cet air.
Les étoiles disparurent et la lune à son tour.
Le chanteur s'arrêta de jouer et rentra dormir
Tandis que dans sa tête le Blues du Désespoir résonnait.
Il dormit comme un roc ou comme un homme qui serait mort.
MY PEOPLE
The night is beautiful
So the faces of my people.
The stars are beautiful,
So the eyes of my people.
Beautiful, also, is the sun.
Beautiful, also, are the souls of my people.
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LANGSTON HUGHES
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23:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/09/2010
KR'TNT ! ¤ 20.
KR'TNT ! ¤ 20
LIVRAISON DU 27 / 09 / 2010
A ROCK LIT BLOG'N'ROLL
ROCK AROUND BILL HALEY !
Je ne sais si ce n'est qu'une fausse impression mais il me semble que dans le milieu des amateurs de rock'n'roll l'on s'éloigne doucement mais sûrement de Bill Haley. Sa majesté première dans l'ordre chronologique a tendance à perdre sa couronne. Pas question de lui couper la tête mais il n'est plus un des rois du rock. Tout de même comme on l'aime bien on lui concède le titre de prince de boogie. Non pas le boogie-classe -jazz d'un Earl Hines mais celui quasi-popu-variétoche de Louis Jordan. C'est un peu injuste. Certes il existe entre Louis Jordan et Bill Haley la même saut qualitatif qui sépare Bill de Presley, mais le maître des Comets, qu'on le veuille ou non, a au début des années cinquante franchi le Rubicon du rock'n'roll avant tout le monde. Il est certain que Rocket 88 et Rock around the clock sont de fabuleux morceaux de danse. Et ils furent reçu ainsi par la majorité du public qui les adopta. Mais ce sont aussi et avant tout de superbes condensés d'énergie pure qui ne demandent qu'à être libérés du beat basique qui les contient tout en les propulsant. Bill Haley eut-il clairement conscience de la charge dynamitale contenu en sa musique ? Il sans nul doute passé à côté de la charge émotionnelle qui la sous-tendait. Bill est resté un entertainer, ce sont Presley et surtout Vincent qui libèreront et exprimeront au mieux la dramaturgie sous-jacente de cette musique. Bill incarne une facette essentielle du rock, le fun, le plaisir adolescent d'être-là et de se sentir pousser des ailes dans le dos et ailleurs... mais le rock possède aussi sa face existentielle, angoissée, crispée, ontologique et métaphysique. Le gros Bill au physique débonnaire ne jouait pas dans cette catégorie. Il apportait la joie, mais n'en éliminait pas pour cela les doutes, les peurs, les ombres et les vertiges qui nous submergent. C'est tout de même lui qui en menant la danse a ouvert la porte aux monstres... Damie Chad. |
GRAINE DE VIOLENCE
J'avoue que j'ai été surpris. Comme tout le monde je connaissais le film ( que presque personne n'a vu ) le mythique Black Board Jungle, la pellicule censée avoir provoqué l'explosion rock in the world. J'ignorais que le livre dont le scénario a été tiré avait été publié en France. En 1955 pour la première fois et en 1967 chez Presse Pocket pour mon exemplaire. J'ai dû faire une drôle de trombine en ouvrant le carton de vieux bouquins destiné à la benne à ordures municipale.
Pourtant il n'y avait pas à se tromper, une photo du film en couverture, Graine de Violence en grosses lettres jaunes et blanches, avec l'inscription Gibier de Potence ? en majuscules rouge-sang qui cisaillent le milieu de la page et vous trouent les prunelles. Pour l'auteur j'ai dû effectuer quelques recherches : Evan Hunter, pas tout à fait un inconnu au bataillon puisqu'il se révèlera être l'un des nombreux pseudos de Ed Mc Bain, un maître du polar américain des années cinquante et soixante.
Il ne faut jamais avoir des idées préconçues. L'on raconte que dans les cinémas les ados dansaient sur la bande-son et le fameux rock around the clock de Bill Haley. Hélas dans ce satané bouquin le rock'n'roll est aux abonnés absents. A part un professeur qui possède une collection de disques de... jazz, l'on a beau tendre l'oreille pas un seul feulement de la musique du diable...
Pour la violence, faudra pas rêver non plus, ce n'est ni La Horde Sauvage ni Apocalypse Now ! A part une tentative de viol ratée dès les premières secondes, un passage à tabac et un bad kid qui se reçoit une chaise sur le coin du museau pour avoir menacé son prof de son cran d'arrêt, pas grand-chose à se mettre sous la dent. La violence reste en graine et ne s'épanouit pas.
Le titre original est plus prêt du véritable contenu du livre. La jungle du tableau noir. Notre roman n'est ni plus ni moins qu'un essai sur l'enseignement. Un peu mis en scène, avec en arrière-fond les aléas de la vie d'un couple de la toute petite bourgeoisie nord-américaine, rose romance et séductrice de carton-pâte, le tout servi tiède with no sex au dessert.
C'est un peu décevant, mais comme toujours les problèmes de la jeunesse sont vus par les adultes et ceux des élèves exposés par les professeurs. Rick est un valeureux english teacher mais les adolescents du collège professionnel issus des quartiers pauvres ne s'intéressent guère à ses cours ennuyeux de bonne volonté, et à mille lieues des besoins et des goûts des gamins.
De la première à la dernière page les gestes et les réflexions de Rick accaparent le projecteur. Ce qui peut se passer dans le cerveau de ses peu studieuses ouailles nous n'en savons rien. Barrière infranchissable. Nous apprenons tout de même que l'avenir des jeunes noirs est encore plus noir que celui des white prolos, mais l'on s'en doutait.
Comme rien ne se perd dans la nature, Rick parvient enfin à faire un cours qui suscite la participation des élèves. Ouf ! Nous en sommes ravis pour lui, mais lui-même ne se fait pas trop d'illusion pour la suite.
Entre nous soit dit c'est le meilleur ouvrage que j'ai jamais lu sur le métier de professeur ( notamment sur la lâcheté de l'Administration ) mais pour ce qui est de l'analyse de la jeunesse montante des années cinquante, circulez il n'y a rien à voir. Les teen-agers sont aux abonnés absents. Après une lecture aussi édifiante sur la place accordée aux jeunes générations dans la société policée de l'époque l'on ne s'étonne pas qu'elles se soient jetées sur le rock'n'roll comme sur la seule bouée de sauvetage à portée de main !
Damie Chad.
Nous avons lu le livre, nous visionnerons le film dans une prochaine livraison. Toutefois nous recopions pour votre édification personnelle le résumé de la quatrième de couverture :
« GRAINE DE VIOLENCE », « BLACK BOARD JUNGLE » d'EVAN HUNTER est le roman qui a soulevé les plus violentes controverses aux Etats-Unis, car il est aussi un véritable reportage sur certains aspects étranges de la jeunesse américaine et du système scolaire qu'on applique actuellement à celle-ci.
« GRAINE DE VIOLENCE » est l'histoire d'un homme qui occupe son premier poste de professeur dans une école de Travaux Manuels. Il sait qu'il aura affaire à des enfants difficiles mais après deux ans de service dans la Marine, il se croit de taille à les dompter par la douceur et la compréhension. Il n'a envie d'être ni un héros, ni un flic, ni un geôlier. Il a seulement envie d'enseigner et de faire naître dans ces jeunes cerveaux, le désir d'apprendre, tout en assurant son existence et celles de sa femme et de leur futur enfant. Sa déconvenue sera grande car il ne s'attendait pas à découvrir chez ses élèves la brutalité bestiale, l'instinct de meurtre et le vice sous toutes ses formes. Il ne s'attendait pas enfin à être contraint de se battre pour préserver la vie des siens contre la méchanceté criminelle de ceux qui menacent fort de devenir de la « GRAINE DE VIOLENCE ».
Pour vous remettre de vos émotions, nous vous conseillons de réécouter de toute urgence deux ou trois CD de Bill Haley !
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