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04/10/2010

KR'TNT ! ¤ 21.

 

KR'TNT ! ¤ 21

LIVRAISON DU 07 / 10 / 2010

A ROCK LIT BLOG'N'ROLL

 

 

 

 

EDITROCK

 

Le lecteur tant soit peu perspicace aura remarqué que la moitié des vingt premières livraisons de KR'TNT ! les pionniers du rock se taillent la part belle, surtout Gene Vincent d'ailleurs... Il est sûr que l'on peut appliquer la théorie de l'iceberg à l'histoire du rock'n'roll : 1 / 10 d'actualités incertaines et 9 / 10 de passé prestigieux. L'on peut même se la jouer philosophe et déclarer que le présent ne s'éclaire qu'à la lumière du passé. Pourtant nous n'avons aucune envie de jouer aux blogstalgiques de service.

 

Le rock se doit d'aller de l'avant, sans quoi il se dirigera doucement vers le cimetière des musiques endormies et s'évanouira à jamais dans le linceul de la fidélité à toute épreuve de ses derniers fans. Ensuite il faudra attendre la prochaine résurrection ce qui, comme chacun sait, n'est pas donné d'avance...

 

Toutefois, en attendant d'aller de l'avant, petit retour en arrière sur la case départ !

Ça vous apprendra à croire tout ce que l'on dit !

 

 

EVERYDAY I HAVE THE BLUES !

 

DEVIL'S FIRE

 

un film de CHARLES BURNETT

 

dans la série MARTIN SCORSESE PRESENTE THE BLUES

 

( DVD )

 

Ce n'est qu'un prétexte pour nous ressourcer dans in the muddy water du Mississipi. Ce n'est pas vraiment un film, plutôt un documentaire avec en prime un petit gamin de dix ans qui vient se faire baptiser in the south, dans le territorial berceau familial, sa mère ayant depuis longtemps émigré en Californie. Mais avant qu'il soit confit dans l'eau bénite du christianisme un de ses oncles va lui administrer une sacrée médecine. La pellicule est composée d'extraits d'époque ( comme on dit ) que l'on retrouve assez facilement sur le net aujourd'hui si l'on farfouille quelque peu sur les sites consacrées à la musique du diable.

 

L'on est toujours trahi par les siens. Les planteurs blancs étaient armés des deux mains. Le fouet et le fusil pour la dextre et la Bible à senextre. Les esclaves n'ont que modérément apprécié les coups de bâton mais ils ont mordu à la carotte de la religion encore plus fort que leurs maîtres. L'on se console de ses malheurs comme l'on peut. Peut-être est-ce une extraordinaire ruse que de se servir de la corde par laquelle on cherche à vous étrangler comme marche-pied pour se sortir du cul de basse fosse dans lequel on essaie de vous ligoter. Qu'aurions-nous fait en une telle situation ?

 

Toujours est-il que notre préférence va aux déviants. A ceux qui n'ont compté que sur leur colère pour se mettre en marche. Dans le troupeau de l'acceptation nous avons un faible pour les brebis noires. Et les mâles qui refusent de devenir mouton. Chanter le blues, courir le delta, le sourire en coin et la bite au vent, se rebeller sans espoir pour la seule satisfaction de dire non à l'inéluctable, en ces temps-là la négritude n'avait pas de futur.

 

Et pourtant ce sont les nègres qui ont gagné. Les petits blancs ont copié l'incroyable dégaine des bluesmen. Ils ont tout fauché, la manière de jouer, les accords de guitare, et peut-être le plus important, la déjante, l'esprit. Z'ont juste changé l'étiquette pour que le flacon fasse plus neuf. Rock'n'roll qu'ils ont écrit dessus. Mais ce n'était pas grave car ils ont véhiculé la même ivresse.

 

Ils se sont faits d'ailleurs aussi mal recevoir que leurs modèles noirs au début. Depuis ça a changé. C'est devenu monnaie courante. Dollars. Certes l'on vous vend beaucoup de daubes frelatées mais ceux qui recherchent les bonnes adresses finissent toujours par les trouver.

 

Quant aux pierrots noirs ils ont connu le même phénomène d'acceptation. Tout le monde écoute et achète de la musique noire en 2010. De la musique noire, oui. Mais pour le blues, il faut faire attention. La bourgeoisie noire n'aime guère cette musique de va-nus-pieds. On leur préfère et de loin, les arpèges liquéfiés de Stevie Wonder ou les paillettes de Mickaël Jakson. C'est plus propre. Plus net. Plus lisse.

 

A l'autre bout dans les ghettos c'est le même rejet. On se moque de ces jérémieurs de l'ancien temps, l'on mise tout sur la colère et la violence revendicatrices du rap. Il est vrai que maintenant tout est plus facile, les filles, la dope, les armes, le fric. Des deux côtés l'on rejette le blues et son cortège de misères et de frustrations rentrées. L'on a un peu honte de ces vieux grands-pères déglingués aux guitares délabrées et de ces grosses dondons abîmées d'alcool et de drogues qui roucoulaient d'insidieuses mélopées sur des ruissellements d'orchestres calamiteusement boursoufflés. Oui, mais des divas. Comme on n'en fait plus.

 

Pas beaux. Rien pour plaire. Mais un style à vous couper le souffle. Il a fallu que ce soit des petits jeunots venus d'Angleterre qui leur donne dans les années soixante une autre jeunesse. Et qu'ils accèdent enfin à une reconnaissance. Plus les royalties qui font un bien fou quand ça tombe dans des poches trouées jusqu'au plancher.

 

Two hound dogs, rock'n'roll & rythm'n'blues chantait Bill Haley dans un de ses boogies frénétiques. Savait reconnaître ses racines, péquenot Bill. C'est dommage que dans certains milieux country, rockab et même hard rock l'on ait un peu oublié que l'on sortait du trou du cul noir des nègres. Ce n'est pas parce que l'on agite le drapeau rebel que l'on n'est pas habité dans sa tête par un conservatisme idéologique des plus étroits.

 

Si l'avenir du rock'n'roll n'est pas rose son origine est fortement teintée de noir. Bleu très sombre, au moins. Bluesy pour tout dire. C'est peut-être pour cela que j'aime tant le blues. Parce qu'il est une musique qui plus d'un siècle après sa création continue à être rejetée par ses publics naturels.

 

Il est extrêmement facile de s'auto-définir en tant que rebelle. Mais c'est le regard des autres qui se doit de vous classer. L'on n'est pas rebelle contre l'autre, c'est l'autre qui vous poinçonne le label sur votre sale mine. Blues rébellion et rock'n'roll attitude sont deux soeurs jumelles. Twin Towers et en face l'on ne gêne pas pour vous envoyer des 727 sur la gueule. Tous les jours. C'est comme cela que l'on apprend à devenir indestructible. Même si l'on en crève.

 

Pas la peine de nous prendre pour des anges, des saints et des martyrs. Rien qu'à voir le visage des vieux bluesmen l'on comprend que ce n'est pas à eux que l'on apprendra à faire des grimaces. Les vieux singes en ont vu d'autres. Méfiez-vous. Se pourrait très bien qu'ils vous entourloupent en pleine poire. Faut pas confondre un Willie Dixon avec la petite soeur des pauvres, non plus.

 

Puisque l'on en parle, ils avaient aussi prévu le coup. Pour les âmes pieuses z'ont crée le gospel. Pouvez pas savoir tout ce qu'un Jerry Lee Lewis en a extrait. Un satané hot bourbon. Au poker menteur ils ont su jouer sur les deux tableaux, un coup oui, un coup non, côté bon Dieu et côté sale Diable. A tous les coups l'on gagne. L'on perd aussi, mais inutile de s'en vanter, ça se voit assez . Le blues a toujours eu sa base de repli. A gauche du Seigneur. Le côté du coeur. Quand ça ne va plus, l'on rejoue le retour du fils prodigue. Mais dès que l'on s'est requinqué on file faire du stop au prochain croisement.

 

Avec un peu de chance, on fera une mauvaise rencontre.

 

Damie Chad.

 

 

Si vous croyez que l'on va se quitter sur une vidéo de Dust my broom d'Elmore James piquée sur You Tube, c'est raté. D'abord vous êtes assez grands pour y aller par vous-mêmes. Ensuite l'on préfère vous refiler deux poèmes de Langston Hughes ( 1902 – 1967 ). L'auteur du merveilleux recueil, publié en 1926, THE WEARY BLUES, le seul disque de blues joué sans musique sur du papier. L'on vous a déniché une traduction pour le premier, pour le second nous vous laissons rêver à une possible interprétation.

 

 

 

 



THE WEARY BLUES

 

Droning a drowsy syncopated tune,
Rocking back and forth to a mellow croon,
     I heard a Negro play.
Down on Lenox Avenue the other night
By the pale dull pallor of an old gas light
     He did a lazy sway . . .
     He did a lazy sway . . .
To the tune o' those Weary Blues.
With his ebony hands on each ivory key
He made that poor piano moan with melody.
     O Blues!
Swaying to and fro on his rickety stool
He played that sad raggy tune like a musical fool.
     Sweet Blues!
Coming from a black man's soul.
     O Blues!
In a deep song voice with a melancholy tone
I heard that Negro sing, that old piano moan--
     "Ain't got nobody in all this world,
       Ain't got nobody but ma self.
       I's gwine to quit ma frownin'
       And put ma troubles on the shelf."

Thump, thump, thump, went his foot on the floor.
He played a few chords then he sang some more--
     "I got the Weary Blues
       And I can't be satisfied.
       Got the Weary Blues
       And can't be satisfied--
       I ain't happy no mo'
       And I wish that I had died."
And far into the night he crooned that tune.
The stars went out and so did the moon.
The singer stopped playing and went to bed
While the Weary Blues echoed through his head.
He slept like a rock or a man that's dead.


LE BLUES DU DESESPOIR
Fredonnant un air syncopé et nonchalant,
Balançant d'avant en arrière avec son chant moelleux,
J'écoutais un Nègre jouer.
En descendant la Lenox Avenue l'autre nuit
A la lueur pâle et maussade d'une vieille lampe à gaz
Il se balançait indolent...
Il se balançait indolent...
Pour jouer cet air, ce Blues du Désespoir.
Avec ses mains d'ébène sur chaque touche d'ivoire
Il amenait son pauvre piano à pleurer sa mélodie
O Blues !
Se balançant sur son tabouret bancal
Il jouait cet air triste et rugueux comme un fou,
Tendre Blues!
Jailli de l'âme d'un Noir
O Blues!

D'une voix profonde au timbre mélancolique
J'écoutais ce Nègre chanter, ce vieux piano pleurer –
« J'n'ai personne en ce monde,
J'n'ai personne à part moi.
J'veux en finir avec les soucis
J'veux mettre mes tracas au rancart. »
Tamp, tamp, tamp ; faisait son pied sur le plancher.
Il joua quelques accords et continua de chanter –
« J'ai le Blues du Désespoir
Rien ne peut me satisfaire.
J'n'aurai plus de joie
Et je voudrais être mort. »
Et tard dans la nuit il fredonnait cet air.
Les étoiles disparurent et la lune à son tour.
Le chanteur s'arrêta de jouer et rentra dormir
Tandis que dans sa tête le Blues du Désespoir résonnait.
Il dormit comme un roc ou comme un homme qui serait mort.


MY PEOPLE

    The night is beautiful
    So the faces of my people.

    The stars are beautiful,
    So the eyes of my people.

    Beautiful, also, is the sun.
    Beautiful, also, are the souls of my people.



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              LANGSTON HUGHES

 

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