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16/09/2010

KR'TNT ¤ 14.

 

KR'TNT ¤ 14

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 14 / 20 / 01 / 2010

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

 

THE MAN WHO LED ZEPPELIN

 

L'INCROYABLE ODYSSEE DE PETER GRANT LA CINQUIEME HOMME

 

CHRISS WELCH. 288 pp. RIVAGE ROUGE. OCTOBRE 2009.

 

 

Led Zeppelin, c'était un peu comme les trois mousquetaires, quatre sur scène et le cinquième derrière aux manettes. Le plus important bien sûr. La grosse bedaine mais pas la grosse tête. Ne s'est jamais mêlé de laisser traîner son nez dans la musique. Ce n'était pas son truc à lui, et les quatre autres étaient beaucoup plus doués que lui. Par contre fallait pas lui en raconter sur le backstage et la logistique. Là il était le maître absolu, la haute main sur tout, et les coups bas pour le reste.

 

Peter Grant, ce nom m'a toujours fait rêver. Imaginez un peu : Gene Vincent pour les fifties, les Animals pour les sixties, et Led Zeppe pour les seventies, c'est mon tiercé gagnant. Je ne reviendrai jamais là-dessus. Eh bien Peter Grant les a managés tous les trois ! Excusez du peu ! Parfois l'on a l'impression que votre destin personnel a été refilé en douce à quelqu'un d'autre. Donc saluons Rivage Rouge qui a eu la riche idée de sortir la biographie que Chris Welch a consacrée en 2002 à l'abominable homme des coulisses du rock.

 

Une première surprise, Peter Grant est né en 1935, la même année que Gene Vincent. Tous deux issus de milieux défavorisés pour employer les euphémismes attendus. La ressemblance s'arrête là : le second est un artiste et un musicien tandis que le premier n'a, à la base, pas plus de corde à son ring de catch qu'à son arc. A cette différence près qu'en 1969, quand tout commence pour Peter Grant, le soleil noir de Gene Vincent décline déjà selon l'orbe morbide de son funeste horizon, alors que l'astre radieux de Peter entame à peine sa course zénithale.

 

Le premier chapitre du livre enchantera les amateurs de rock'n'roll. Peter Grant, un peu par hasard et beaucoup par nécessité, se retrouvera très jeune happé par les milieux interlopes de ce qui n'est pas encore le showbiz mais déjà plus le spectacle à grand-papa. La formation des teddy boys, juste après la guerre, l'émergence du skiffle, Tommy Steele qui essaie de recopier Bill Haley et tous les autres ensuite, comme Billy Furry, qui tentent d'imiter Elvis Presley et Peter Grant qui navigue là-dedans, au plus près, préposé à la billetterie ou à régenter les loges...

 

Avec enfin le coup de pouce du destin, la rencontre avec Don Arden, en italien ça se traduirait par el mafioso, celui qui ne renvoyait jamais la monnaie mais qui a le coup d'oeil et qui vous remarque Peter, cette stature de géant qui dépasse, si méchamment efficace. Quand on se rappelle la haine que Vincent vouait à Don Arden, l'on comprend vite que Peter Grant fut à bonne école. Toutes les ficelles du métier, il va les tirer une à une, et la règle d'or à ne jamais oublier ou enfreindre : le fric, le fric, le fric. Rien d'autre, le tout c'est d'être du bon côté du billet.

 

Peter Grant va gravir tous les échelons. Un premier succès qui le mènera jusqu'en Amérique avec un groupe de – soyons gentil – has-been, the New Vaudeville Band, vous connaissez certainement la rengaine de leur premier succès : Winchester Cathedral. Certes pas très rock'n'roll, mais faute de grives l'on se contente de merles.

 

Et puis grâce à l'amitié de Mickie Most, le producteur des Animals, les Yardirds, le groupe mythique aux trois guitaristes, Clapton, Beck, Page, la piste d'envol pour Led Zeppelin. Avec cette fois-ci une combinaison nouvelle, il ne s'agit plus de faire tourner un groupe, mais de tourner avec le groupe. A la fin des sixties, Peter Grant n'est pas un dinosaure. Son cerveau a grossi en même temps que sa taille. Il a beaucoup vu et beaucoup réfléchi. Les artistes sont entre les mains des producteurs. Ils chantent et ils se font arnaquer, ça fait parti du deal. S'ils ne sont pas contents, ils rentrent chez eux. Quand ils auront faim, ils viendront vous manger des miettes dans la main. Le destin d'un Gene Vincent est écrit noir sur blanc. Sur contrat. A prendre ou à laisser. De toutes les façons les comptes se régleront toujours à perte.

 

Avec Led Zeppelin, Peter Grant change la donne. Il passe de l'autre côté, de celui de l'artiste. Désormais la partie se passera à trois, les fans, le groupe et le monde entier. Il suffit de jouer les premiers contre ce dernier, et c'est in the pocket, passez-moi le flouze.

 

Inutile de rappeler la saga Led Zeppelin. C'est le groupe de la démesure rock. Avec eux ,tout est toujours meilleur : les meilleurs musicos, le meilleur chanteur, les meilleurs concerts, les meilleures tournées, les meilleurs disques. Et le meilleur manager. Et le meilleur rendement. Ils auraient monté une imprimerie de faux billets qu'ils auraient récolté moins de dollars.

 

Comparés à Led Zeppe , les Sex Pistols, McLaren et leur grande escroquerie du rock'n'roll, ça vous a tout de même un air de clochard qui fait la manche au coin de la rue des porte-monnaie brisés. Certes l'aventure finit en catastrophe, trop de fatigue, trop de dope, trop de sexe, trop de frustration, trop de stress, trop de tout, et un Bonzo en moins. Mais une carrière météorique, de dix ans. Personne n'a fait mieux depuis.

 

Leur faudra à tous dix autres années pour se remettre. L'on ne se réveille pas d'un tel rêve et d'un tel cauchemar en trois minutes. Terminus, tout le monde descend, vous êtes des survivants, votre passé est derrière vous, votre futur aussi.

 

Peter Grant l'aura plus mauvaise que les autres. Il a perdu sa petite femme, mais gagné sa méga-dépression. Comme il a toujours eu de la chance, il quittera ce bas monde dans lequel il est devenu une légende vivante, à soixante ans d'une crise cardiaque. Au moins, avec le temps ses souvenirs ne seront pas devenus un poids mort trop difficile à porter. Le bonhomme avait maigri de quatre-vingt-dix kilos, mais sur la balance des regrets il manquait encore quelques tonnes de folie.

 

DAM CHAD.

 

Dans la même collection signalons :

L.A. BYRINTHE / Randall Sullivan.

FEEL LIKE GOING HOME / Peter Guralnick.

HIPPIE HIPPIE SHAKE / Richard Neville.

KR'TNT ¤ 13

 

KR'TNT ¤ 13

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 13 / 05 / 12 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

STORY OF A ROCKER

 

THE STORY BEHIND HIS SONGS. THIERRY LIESENFELD.

592 pp. Septembre 1992.BLUE GENE BOP.

 

Monumental pavé. Plus de 500 pages en format A4. J'ai longtemps rêvé de le posséder, j'ai fini par le trouver sur le Net. Il fut bien annoncé en son époque,ne serait-ce que sur Rock'n'Folk, mais jamais sans mention d'adresse... à chacun de se débrouiller, comme il pouvait. Du fond des lointaines provinces pas la moindre chance de tomber sur un dépôt en librairie !

 

Cessons nos jérémiades et inspectons le pachyderme. Ecrit par un français, mais en langue anglaise ! Comme si les fans anglais, américains ne pouvaient à leur tour, pour une fois, apprendre à se débrouiller in french language. D'autant plus, que plus de la moitié du bouquin se retrouve par la logique interne de son propre sujet écrit, en anglais !

 

En effet le livre est le genre de petit bijou, pardon de gros joyau dont vous avez toujours rêvé : la collection complète des lyrics de tous les morceaux enregistrés par Gene Vincent, entre 1956 et 1971. De quoi rendre malade tous ceux qui ont passé des nuits à surfer sur la toile pour réaliser sa précieuse anthologie personnelle. Avec en prime, sur la page précédent un tableau récapitulatif qui vous synthétisent les principaux renseignements : date d'enregistrement, numéro de matrice, numéro de la session, musiciens, instruments, la répartition des soli, les numéros des publications originales, disques et CD, bref de quoi croire au Pére Noël.

 

Il y a même son traineau garé juste au-dessous : compositeur (s) et parolier(s) avec rapide historique sur les gugusses, plus, si nécessaire, l'historique des versions enregistrées avant Gene et la liste des reprises post-Gégène. Y-a plus qu'à déguster tout chaud ! J'oublie les bonbons au chocolat et la dinde : des photos partout et des coupures – myopes, n'oubliez point vos lunettes - de journaux d'époque ! Rassurez-vous, Thierry Liesenfield n'a pas poussé le vice jusqu'à traduire en anglais, les articles empruntés aux revues françaises. Enfin pour les mécontents, si par hasard ils existaient, plus de cents pages de discographie des USA à la Corée, agrémentées de quelques reproductions de pochettes.

 

Rare plaisir que de lire les morceaux de Gene, les uns à la suite des autres, classés dans l'ordre chronologique. L'on a l'impression à les parcourir d'entendre les démarrages de Gene au début de chaque couplet. C'est un jeu de réminiscences musicales incessantes qui devient vite captivant. Et puis ces découvertes, la plupart du temps d'une simplicité désarmante, des strophes ou des lignes qui à l'écoute nous apparaissaient d'une totale opacité baignent subitement dans la clarté de leur évidence ! Qu'avons-nous été idiot de n'y avoir point pensé !

 

C'est que les lyrics de Gene ne s'apparentent point à la prodigieuse richesse des poèmes d'Edgar Poe. Désolé de le dire, mais la profondeur métaphysique n'est pas leur principale qualité. On ne s'enfonce pas plus profond que quelques contacts épidermiques avec de belles et fofolettes jeunes filles. Il nous étonne d'ailleurs que la pudibonde Amérique d'aujourd'hui n'ait pas jugé utile de renouveler l'indexation pour pornographie pédophilique des textes de nos premiers rockers. Rappelons-nous combien en leur temps Jerry Lee Lewis et Chuck Berry payèrent un lourd tribut pour leurs dérapages existentiels à l'encontre des bienséances presbytériennes. Vincent lui-même qui chantait les teens à tire-larigot, lors des soirées qui suivaient les concerts, se méfiait le l'âge des féminines fans qui s'en venaient toquer à la porte des chambres des musiciens...

On ne cherche pas la quadrature du cercle dans les textes de Gene Vincent, mais un endroit où danser, pas plus, loin si possible, que la prochaine rue où se déroulerait une party. Mais ce n'est pas ce que l'on dit qui est important, mais la manière dont on le dit qui fait sens. Et Gene avait le génie de vous balancer ses rock'n'roll bluettes aussi innocentes que des coups de poignard dans le dos, aussi brutales que des bastos dans le crâne, au fond du coeur, là où ça fait mal. L'on ressort rarement intact d'une véritable écoute de ces pépites d'or alchimique que sont les chansons de Gene. Tout l'art de Gene résida en cette étrange qualité de substitution que son chant opérait.

 

Donniez-lui une romance insipide, il vous la transformait en ballade-rasoir encore plus meurtrière qu'un sabre-laser. Quant aux tubes plus enlevés, il vous en faisait des bazookas d'apocalypse. Et toujours avec une telle facilité déconcertante que la légende court encore, cinquante ans après, que les enregistrements de 56 n'eurent qu'une prise ! Les interprétations de Vincent sont si éblouissantes qu'elles semblent définitives. Vincent a toujours eu l'intelligence innée du rock. Il a compris cette musique au moment même où il en définissait, avec quelques autres, les canons. Gene ne chante jamais d'instinct, comme Presley à ses débuts, mais en maître accompli, qui dès la première mesure, pose non pas la pierre fondatrice, mais sommitale et fondamentale, qui couronnera l'édifice qui n'est pas encore sorti de terre.

 

Ce qu'il y a de terrible avec Vincent c'est que la précision du phrasé ne vient pas du vers mais qu'elle est articulée selon chaque mot qui devient en lui-même une entité sonore. Autrement dit le son prédomine sur le sens qui se trouve ainsi recréé comme après coup par la juxtaposition de chaque vocable si clairement identifié par la diction. Pour l'auditeur chaque syllabe – et l'anglais est fortement monosyllabique du fait même de sa prononciation – est une explosion sonore en elle-même – dont il se doit d'apprécier la justesse de ton et la vitesse d'exécution, si bien que, autant pour Vincent que pour l'auditeur, le texte est avant tout un objet de virtuosité technique qui vise autant à démontrer la vélocité élocutoire de l'artiste qu'à fasciner de sa maestria l'auditoire rapidement conquis. Notons que le jeu de guitare de Cliff Gallup se prêtait admirablement à la plasticité vocale de son lead singer. Celui qui écoutera, par exemple comment dans son Pistol Packin' Mama, Al Dexter nous narre un désopilant scénario et comment Gene Vincent s'amuse à prononcer les mêmes mots de la même histoire avec une telle rapidité démoniaque qu'ils en arrivent à n'être plus qu'une prouesse sonore dont on ne peut plus se détacher, si ce n'est en se mettant à notre tour à les fredonner a capela.

 

Si les paroles de Vincent ne racontent rien d'intéressant, c'est qu'elles sont conçues avant tout, comme un bibelot phonique plastiquement destiné à s'entremêler à part égale dans la trame instrumentale de l'orchestre. Il est sûr que dans la deuxième partie de sa carrière, Gene sera gêné par le fait de ne plus posséder de groupe stable et attitré. Sur scène, lors de certaines tournées, notamment la dernière française, le handicap a pu se révéler catastrophique. Mais l'on remarquera comment sur ces cinq derniers 33 T Gene a su adapter sa diction à des styles d'orchestration très différent. Même si incidemment la voix est parfois brisée par excès d'alcool et de mal-être.

 

Cette facilité due en partie à une étroitesse congénitale du palais, n'a pas été sans conséquence sur le choix des morceaux enregistrés par notre rocker qui était capable d'avaler et de recracher n'importe quelle mixture sonore avec un maximum d'efficacité talentueuse. Certains avancent que si Vincent n'a jamais été le gros vendeur de disques qu'il aurait dû être, cela tiendrait à ce que le public était désorienté de trouver sur un même disque un uppercut aussi percutant qu'un Pink thunderbird et une ballade aussi génialement géniarde qu'un Peace of mind. Nous avouons nous-mêmes que l'amplitude est des plus surprenantes. Mais nous préférons y voir, le même phénomène se retrouve aussi sur les disques d'Elvis Presley ( voir la différence entre un Jailhouse rock et un I need you, I want you, I love you ) la distinction qui sépare la musique blanche d'origine européenne de la musique noire de provenance africaine. Pour un Chuck Berry ou un Little Richard, les racines blues ont égalisé en amont les différents tempos de la musique. Pour le rock blanc, il faudra attendre la génération suivante de chanteurs pour que – justement sous l'influence du blues – l'héritage populaire des différents folklores rejette dans les coulisses de la production de masse le courant perverti de la musique savante abâtardie sous forme d'ersatz sous-culturels de basse-consommation tels que dans les grandes villes de l'Union, l'industrie du spectacle de Tin Pan Alley les avait déjà aseptisés.

 

Autre exemple : d'un Have Lately told that I love you à un Summertime blues d'Eddie Cochran, nous passons encore une fois d'un registre à un autre. Nous pouvons donc nous interroger sur les critères de choix des chansons des plus grands rockers blancs. Tout en comprenant que sur ce plan-là, Vincent n'était pas plus avancé que ses principaux congénères blancs. Nous aborderons cette épineuse question dans un prochain KR'NTNT ! Remarquons toutefois avant de nous quitter que comme par hasard si Jerry Lee Lewis s'en tire mieux que ses acolytes, sans d'ailleurs y échapper entièrement, c'est que grâce à son pumpin' piano il se tient au plus près des country roots !

 

DAM CHAD.

KR'TNT ¤ 12.

 

KR'TNT ¤ 12

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 12 / 03 / 12 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

TELSTAR. NICK MORAN.

 

CON' O'NEILL / CARL BARÂT / KEVIN SPACEY / PAM FERRIS / MATHEW BAYNTON / TOM BURKE / JON LEE / RALF LITTLE / JJ FEILD / NICK MORAN / JESS CONRAD / JAMES GORDEN / JUSTIN HAWKINS / NIGEL HARMAN / NICK THOMAS-WEBSTER / ALAN SCALLY / MICHAEL CHALKLEY / ROBERT WILSON. Sortie le 25 / 10 / 2008.

 

Le GOOD MORNING ENGLAND qui relate l'histoire de la station pirate Radio Caroline a bénéficié d'une large publicité et est très vite arrivé sur les écrans français en mai 2009. Il n'en a pas été de même avec TELSTAR de Nick Moran. Les producteurs ont-ils jugé qu'un film consacré aux premières années du rock'n'roll anglais n'attireraient pas autant de monde que celui qui relate l'épopée de britannique de la période Beatles / Rolling Stones qui suivit ?

Toujours est-il que TELSTAR n'est pas sorti en France et qu'à la date de ce papier l'on ne peut se le procurer qu'en DVD anglais non-sous-titré. Ce qui limite forcément le plaisir d'écoute pour ceux qui ne maîtrisent pas parfaitement la langue d'Eric Burdon ou incidemment de Shakespeare. Ce qui est malheureusement le cas de votre serviteur. En gros je n'ai compris que quinze pour cent du film, et ait pu subodorer la moitié des dialogues. Pour le reste je me suis contenté de regarder les images et d'admirer le jeu de Con'O' Neil qui livre là une magnifique prestation.

 

Joe Meeks, vous connaissez à coup sûr. Temptation Baby de Gene Vincent est entièrement crédité, paroles et musique, à Joe Meeks. Rappelons que Gene chante ce titre en une fameuse séquence du film Live it up - uniquement scénarisé, dialogues, et chansons, par Joe Meeks - durant laquelle il tourne autour d'une locomotive, Whoah ! Whoah ! Whoah ! Temptation Baby ! Un joli petit rock bien enlevé, rapide et agréable à écouter.

 

Mais le coup de maître de Joe Meeks reste son hit fabuleux, Telstar, des Tornados. Les virulents amateurs du principe de la propriété privée, vont exiger des explications, pourquoi Joe Meeks serait-il titulaire de Telstar alors qu'il fut enregistré par les Tornados. Parce que c'est lui qui écrivit le morceau et en présida l'enregistrement. Les Tornados ne sont qu'un groupe de studio qui exécutent les idées de l'homme derrière les manettes. Pour être franc, les musicos de l'époque n'étaient pas vraiment au diapason de la créativité rock.

 

Le cerveau de Joe Meeks était une cocotte minute en ébullition permanente crachant une idée originale toutes les cinq minutes. Nous rendons grâce à son génie, mais le système mis en place par des producteurs comme Meeks et Larry Parnes, comportait ses propres limites. Le rock n'appartient plus à ceux qui le jouent et le chantent sur scène. Les chanteurs sont des clones manipulés qui ne se possèdent plus. La musique rebelle n'est plus qu'un produit manufacturé, une espèce de ready-made jetable après usage.

 

L'explosion du rock anglais de la génération Beatles s'explique en partie par le fait que les groupes eurent davantage voix au chapitre dans le choix des morceaux et bénéficièrent d'une bien plus large liberté d'interpréation et d'innovation. Le film montre très bien comment l'étoile de Joe Meeks commença à décliner lors du surgissement de ce tsunami musical qui emporta tout dans son passage.

 

Joe Meeks marque le triomphe du studio sur le rock et la main-mise de l'industrie sur la création musicale. Si le phénomène garage réussit à contourner le premier obstacle, nous sommes plus réservé sur la réelle efficacité des labels dits indépendants. La première victime du système fut d'ailleurs Joe Meeks. Un peu comme le docteur Frankestein assassiné par la créature que ses expérimentations avaient engendrée. D'abord parce que l'on ne réussit pas toutes les trois semaines un hit mondial aussi colossal que Telstar, ensuite parce que le sorcier du bidouillage pré-électronique ne commandait pas les leviers financiers de ses propres productions. Les royalties demeurèrent largement impayées jusqu'à sa mort.

 

La deuxième partie du film est la plus belle. On y voit la lente déchéance d'un homme, floué par ses patrons, lentement rejeté par l'évolution musicale de l'époque dans la catégorie des has-been, et se perdant progressivement dans la folie. L'histoire se termine mal, en 1967, Joe Meeks, non sans avoir au préalable tué sa patronne d'un coup de fusil retourne l'arme contre lui et se donne la mort... Nous sommes au-delà du rock'n'roll, Con O' Neill est étincelant de souffrance, il exprime les turpitudes de l'âme humaine avec un brio magistral qui n'incline jamais à la pitié, mais vous provoque un sacré malaise.

 

Les amateurs de beau sexe risquent d'être déçus. Le film fut annoncé comme un super medley de sexe et de rock'n'roll. ( Un peu de pills drug aussi ). Mais les jolies filles sont plus que rares. Les goûts de Joe Meeks le portaient vers les hommes. A une époque où l'homosexualité ne bénéficiait pas des libertés qu'elle a depuis acquises. Une partie des dérèglements mentaux de Meeks proviennent aussi de ses démêlés avec la police. Mais la médaille de l'indignation possède aussi ses revers pas très roses. Meeks profite quelque peu de sa situation de producteur pour induire chez les jeunes postulants chanteurs ce que nous appellerons pudiquement des penchants gays. La vie d'une rock star n'est pas toujours très gaie en ses débuts. Bref davantage de cul que de sexe.

 

Côté rock qu'y a-t-il à voir au juste dans ce film ? Une seule véritable vedette brevetée d'époque, Jess Conrad ,qui ne joue pas son propre rôle – celui-ci est tenu par Nigel Harman – mais celui de Larry Parnes. Conrad est un véritable rescapé des années soixante, il a poursuivi jusqu'à ces toutes dernières années une carrière de haut niveau, accrochant son nom à la saga des Sex Pistols. Mais apparaissent aussi le guitariste Ritchie Blakmore qui deviendra une des pièces maîtresses du groupe de hard rock Deep Purple, Clem Cattini qui traversa tout le rock anglais derrière la batterie, un peu comme Big Jim Sullivan à la guitare. Jimmy Page qui ne connaissait pas encore John Bonham pensa à lui pour l'installer derrière les fûts de Led Zeppelin, c'est dire le savoir faire du monsieur qui dans le film semble posséder un cerveau aussi aigu que sa grosse et encombrante bedaine.

 

Citons encore Geoff Goddard qui de son piano électrique plaqua des accords célestes sur les guitares des Tornados et composa plusieurs morceaux pour Meeks, notamment le fameux Just like Eddie, hommage à Cochran, chanté par Burt Heinz. Billy fury ne fait qu'une rapide apparition, Lord Sutch enregistre un semblant de scopitone déguisé en Jack l'Eventreur et semble ne devoir son succès qu'aux mises en scènes imaginées par Meeks. N'oublions pas Mitch Mitchell qui malgré ses déconvenues avec maître Meeks acquerra l'immortalité rock'n'rollienne en devenant le batteur du Jimi Hendix Experience.

 

Mais si je tenais à voir ce film c'était avant tout por Carl Barât interprétant le rôle de Gene Vincent. Ou plutôt le rôle de Gene Vincent interprété par Carl Barât. Je n'ai jamais vraiment accroché aux Libertines qui au début des années 2001 s'imposèrent dans la lignée des Strokes et des Hives. Beaucoup portent ce groupe aux nues et décrètent qu'il marqua un retour de la pop anglaise vers le rock. J'ai eu beau me forcer, les Libertines sonnent vraiment trop pop à mes chastes oreilles.

 

Mais c'est tout de même Carl Barât le chanteur des Libertines qui eut le redoutable privilège d'incarner Gene. Le parcours chaotique des Libertines permet à Carl Barât de revendiquer cette prétention. Mais le résultat est un peu décevant. Carl Barât ne joue pas Gene Vincent, il joue le rôle de quelqu'un qui imite Gene Vincent. Sachez goûter la différence ! Pas franchement mauvais mais pas authentique. Pourtant il ne manque pas de documents d'époque sur You Tube !

 

Il faut dire que le scénario n'aide pas. Gene Vincent se retrouve bombardé, l'on ne sait pas trop pourquoi, au milieu du film. Bien sûr l'on entend Be Bop a lula en fond d'écran, l'on voit ses affiches de concert collées sur le mur du studio, et l'on assiste à deux morceaux en direct live, dont notamment Temptation Baby, mais il disparaît aussi mystérieusement qu'il est apparu. C'est un peu la cerise sur le gâteau qui est restée collée sur le carton emballage et qui ne produit pas l'effet attendu.

 

Remarquons qu'au moins en cela Nick Moran contribue à propager la légende maudite de Gene Vincent qui ne bénéficia jamais de la part de tous ceux qui exploitèrent son talent et sa renommée de l'aide entière qu'il était en droit légitime de recevoir. Et cela va jusqu'aux bonus, assez longs, qui interviewent les acteurs durant le tournage. Evidemment pas un mot sur la séquence de Vincent. Qu'à cela ne tienne, vous croyez vous rattraper avec les moments scéniques du film promis in extenso dans ces mêmes bonus. Carl Barât et Gene Vincent doivent faire partie des malus, car l'on n'en zieute pas un seul dixième de seconde ! Faudra vous contenter de la copie initiale coupée et entrecoupée de plans adjacents.

 

Sur ce, le film vaut tout de même le détour. Regardez-le et keep le early british rokin' jusqu'à la prochaine fois !

 

DAM CHAD.