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16/09/2010

KR'TNT ¤ 14.

 

KR'TNT ¤ 14

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 14 / 20 / 01 / 2010

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

 

THE MAN WHO LED ZEPPELIN

 

L'INCROYABLE ODYSSEE DE PETER GRANT LA CINQUIEME HOMME

 

CHRISS WELCH. 288 pp. RIVAGE ROUGE. OCTOBRE 2009.

 

 

Led Zeppelin, c'était un peu comme les trois mousquetaires, quatre sur scène et le cinquième derrière aux manettes. Le plus important bien sûr. La grosse bedaine mais pas la grosse tête. Ne s'est jamais mêlé de laisser traîner son nez dans la musique. Ce n'était pas son truc à lui, et les quatre autres étaient beaucoup plus doués que lui. Par contre fallait pas lui en raconter sur le backstage et la logistique. Là il était le maître absolu, la haute main sur tout, et les coups bas pour le reste.

 

Peter Grant, ce nom m'a toujours fait rêver. Imaginez un peu : Gene Vincent pour les fifties, les Animals pour les sixties, et Led Zeppe pour les seventies, c'est mon tiercé gagnant. Je ne reviendrai jamais là-dessus. Eh bien Peter Grant les a managés tous les trois ! Excusez du peu ! Parfois l'on a l'impression que votre destin personnel a été refilé en douce à quelqu'un d'autre. Donc saluons Rivage Rouge qui a eu la riche idée de sortir la biographie que Chris Welch a consacrée en 2002 à l'abominable homme des coulisses du rock.

 

Une première surprise, Peter Grant est né en 1935, la même année que Gene Vincent. Tous deux issus de milieux défavorisés pour employer les euphémismes attendus. La ressemblance s'arrête là : le second est un artiste et un musicien tandis que le premier n'a, à la base, pas plus de corde à son ring de catch qu'à son arc. A cette différence près qu'en 1969, quand tout commence pour Peter Grant, le soleil noir de Gene Vincent décline déjà selon l'orbe morbide de son funeste horizon, alors que l'astre radieux de Peter entame à peine sa course zénithale.

 

Le premier chapitre du livre enchantera les amateurs de rock'n'roll. Peter Grant, un peu par hasard et beaucoup par nécessité, se retrouvera très jeune happé par les milieux interlopes de ce qui n'est pas encore le showbiz mais déjà plus le spectacle à grand-papa. La formation des teddy boys, juste après la guerre, l'émergence du skiffle, Tommy Steele qui essaie de recopier Bill Haley et tous les autres ensuite, comme Billy Furry, qui tentent d'imiter Elvis Presley et Peter Grant qui navigue là-dedans, au plus près, préposé à la billetterie ou à régenter les loges...

 

Avec enfin le coup de pouce du destin, la rencontre avec Don Arden, en italien ça se traduirait par el mafioso, celui qui ne renvoyait jamais la monnaie mais qui a le coup d'oeil et qui vous remarque Peter, cette stature de géant qui dépasse, si méchamment efficace. Quand on se rappelle la haine que Vincent vouait à Don Arden, l'on comprend vite que Peter Grant fut à bonne école. Toutes les ficelles du métier, il va les tirer une à une, et la règle d'or à ne jamais oublier ou enfreindre : le fric, le fric, le fric. Rien d'autre, le tout c'est d'être du bon côté du billet.

 

Peter Grant va gravir tous les échelons. Un premier succès qui le mènera jusqu'en Amérique avec un groupe de – soyons gentil – has-been, the New Vaudeville Band, vous connaissez certainement la rengaine de leur premier succès : Winchester Cathedral. Certes pas très rock'n'roll, mais faute de grives l'on se contente de merles.

 

Et puis grâce à l'amitié de Mickie Most, le producteur des Animals, les Yardirds, le groupe mythique aux trois guitaristes, Clapton, Beck, Page, la piste d'envol pour Led Zeppelin. Avec cette fois-ci une combinaison nouvelle, il ne s'agit plus de faire tourner un groupe, mais de tourner avec le groupe. A la fin des sixties, Peter Grant n'est pas un dinosaure. Son cerveau a grossi en même temps que sa taille. Il a beaucoup vu et beaucoup réfléchi. Les artistes sont entre les mains des producteurs. Ils chantent et ils se font arnaquer, ça fait parti du deal. S'ils ne sont pas contents, ils rentrent chez eux. Quand ils auront faim, ils viendront vous manger des miettes dans la main. Le destin d'un Gene Vincent est écrit noir sur blanc. Sur contrat. A prendre ou à laisser. De toutes les façons les comptes se régleront toujours à perte.

 

Avec Led Zeppelin, Peter Grant change la donne. Il passe de l'autre côté, de celui de l'artiste. Désormais la partie se passera à trois, les fans, le groupe et le monde entier. Il suffit de jouer les premiers contre ce dernier, et c'est in the pocket, passez-moi le flouze.

 

Inutile de rappeler la saga Led Zeppelin. C'est le groupe de la démesure rock. Avec eux ,tout est toujours meilleur : les meilleurs musicos, le meilleur chanteur, les meilleurs concerts, les meilleures tournées, les meilleurs disques. Et le meilleur manager. Et le meilleur rendement. Ils auraient monté une imprimerie de faux billets qu'ils auraient récolté moins de dollars.

 

Comparés à Led Zeppe , les Sex Pistols, McLaren et leur grande escroquerie du rock'n'roll, ça vous a tout de même un air de clochard qui fait la manche au coin de la rue des porte-monnaie brisés. Certes l'aventure finit en catastrophe, trop de fatigue, trop de dope, trop de sexe, trop de frustration, trop de stress, trop de tout, et un Bonzo en moins. Mais une carrière météorique, de dix ans. Personne n'a fait mieux depuis.

 

Leur faudra à tous dix autres années pour se remettre. L'on ne se réveille pas d'un tel rêve et d'un tel cauchemar en trois minutes. Terminus, tout le monde descend, vous êtes des survivants, votre passé est derrière vous, votre futur aussi.

 

Peter Grant l'aura plus mauvaise que les autres. Il a perdu sa petite femme, mais gagné sa méga-dépression. Comme il a toujours eu de la chance, il quittera ce bas monde dans lequel il est devenu une légende vivante, à soixante ans d'une crise cardiaque. Au moins, avec le temps ses souvenirs ne seront pas devenus un poids mort trop difficile à porter. Le bonhomme avait maigri de quatre-vingt-dix kilos, mais sur la balance des regrets il manquait encore quelques tonnes de folie.

 

DAM CHAD.

 

Dans la même collection signalons :

L.A. BYRINTHE / Randall Sullivan.

FEEL LIKE GOING HOME / Peter Guralnick.

HIPPIE HIPPIE SHAKE / Richard Neville.

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