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16/09/2010

KR'TNT ¤ 11.

 

KR'TNT ¤ 11

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 11 / 02 / 12 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

FELIN INAPPRIVOISE

 

WILD CAT. A TRIBUTE TO GENE VINCENT.

Edited by EDDIE MUIR.

Deuxième édition Juillet 1977

 

L'ouvrage répond bien à son sous-titre, une contribution de fan à la gloire de son idole. Il ne s'agit pas d'un essai biographique mûrement pensé et rédigé, mais plutôt la compilation de documents rares relatifs à la carrière de Gene Vincent. Reproductions d'affiches, coupures de journaux relatant le décès du chanteur, recension des films dans lesquels Vincent apparaît, une discographie qui dut être perçue en son temps comme une merveille de précision et de clarté, la dernière interview de Gene réalisée sur Radio London quatre jours avant sa mort, une traduction d'un article de Disco-Revue ( cocorico ! ), un passage en revue des pressages anglais, quelques articles de presses supplémentaires, plus quelques témoignages d'admirateurs qui eurent la chance de voir sur scène le démon noir du rock'n'roll et parfois, faveur insigne, de l'approcher et d'entrer en amitié avec lui.

 

Juste une brochure, tapée à la machine, et réalisée en caractères minuscules, mais que l'on se doit de posséder car aujourd'hui – alors que son contenu a été cité ou mentionné à multiples reprises dans de postérieures publications – elle est avant tout la preuve historiale de la réception de l'oeuvre du rocker américain en l'Angleterre tachtérienne.

 

Pour une fois la douce France n'a pas à rougir de la perfide Albion. A plusieurs reprises Eddie Muir se plaint de ce que les fans français possèdent des rééditions bien plus nombreuses et plus étendues que les collectionneurs anglais. Ces derniers sont mêmes obligés de se presser dans les magasins d'imports pour se procurer nos productions nationales. L'on croit rêver, juste revanche de toutes ces heures perdues à épuiser les bacs de nos boutiques spécialisées dès que l'on commence à s'intéresser un tant soit peu à la carrière d'un artiste ou d'un groupe d'outre-Manche ou d'outre-Atlantique ! N'oublions tout de même pas de rappeler le magnifique travail de George Collange qui s'en fut aux States dans les bureaux de Capitol pour exhumer sur des étagères bien poussiéreuses les bandes des enregistrements originaux de Gene dont tout le monde se contrefoutait à l'époque.

 

Réalisé en 1977 ce booklet, comme le nomme avec la plus grande modestie Eddie Muir, est aussi paru en pleine éclosion punk. Sans doute n'est-ce pas un hasard. Il existe un point de convergence entre la radicalité punk des seventies et la radicalité rock'n'roll des fifties. Les deux mouvements ont d'ailleurs été très vite aiguillés sur la voie de garage de la légende maudite par l'industrie du disque et les médias. Ils ont été remplacés par des ersatz teen-idol ou new-wawe, en un tour de main. Et d'ailleurs, à y regarder de près, Gene Vincent et la génération cinquante qui ont en quelque sorte essuyé sans préavis les plâtres s'en sont tirés plus dignement qu'un Johnny Rotten et consorts qui savaient par l'exemple antérieur, avant même qu'elle ne commence, comment l'histoire allait se terminer. Il est sûr qu'assimiler et faire sienne l'expérience des autres qui vous ont précédé est une tâche difficile qui exige une clairvoyance dont on est rarement pourvu en ses propres fureurs post-adolescentes.

 

Ces réflexions recoupent celles d'Eddie Muir qui s'interrogent sur l'absence de Gene Vincent dans les charts anglais entre 1960 et 1964, alors qu'il est un des vecteurs essentiels de la propagation de la ferveur rock'n'roll dans le pays. Il accuse, à mots plus ou moins couverts, Capitol et Columbia de n'avoir pas joué le jeu. Nous corroborerons cette analyse : à notre avis les majors se sont contentés de rentrer dans leurs investissements. Elles ont délibérément choisi de satisfaire les inconditionnels du chanteur tout en l'empêchant d'atteindre un plus large public. Durant toutes ces années anglaises Gene n'a pas eu les conditions idoines et idéales d'enregistrement. Tous sont réalisés un peu à la va-vite et leur mise en place sur le marché n'a pas bénéficié d'un plan de promotion concerté. Gene ne peut se contenter que de ce qu'on lui octroie. La dureté dont il fait preuve dans sa dernière interview envers le représentant de l'establishment du showbiz qui l'interroge n'est pas un caprice de star, ni due à une humeur alcoolisée. Gene n'est pas et n'a jamais été dupe de ces insidieuses tenta-tives de dégraissage de sa carrière dont il fut continuellement la victime. Il a très vite compris que pour être le plus authentique rock'n'roller de sa géné-ration il en était par cela-même devenu l'emblématique cible privilégiée à abattre. Le mouton noir du troupeau qui refusait de rentrer dans le rang était-il vraiment schizophrénique ?

 

C'est en ces mêmes années que Gene ne toucha jamais directement ses royalties. Columbia et Capitol les versaient d'abord à son tourneur... L'on imagine sans mal les notes de frais annexes que celui-ci devait concocter. L'on ne peut pas dire que la maison de disque ait cherché à protéger le poulain sauvage de son écurie ! Le Gene à cheval sur ses prérogatives financières lors des toutes dernières tournées européennes, notamment françaises, s'explique quelque peu...

( DAM CHAD. )

KR'TNT ¤ 10.

 

KR'TNT ¤ 10

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 10 / 02 / 12 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

VINCENT'S BLUES

 

A BIOGRAPHY OF GENE VINCENT

THE DAY THE WORLD TURNED BLUE. BRITT HAGARTHY.

262 pp. Blandford Press. 1983.

 

Avis au lecteur : des trois biographies américaines de Gene Vincent que nous avons chroniquées jusqu'à présent c'est celle qui présente le niveau de langue le plus facile, moins littéraire que celle de Suzan Vanecke, et moins idiomatique que celle de Steve Mandish. Un régal pour l'anglais incertain des pauvres froggies.

 

Passons sur la couverture qui nous offre un chromo bleuté de Gégêne en cuir noir du plus mauvais goût. Quelque chose qui rappellera aux plus anciens l'esthétique des images que l'on trouvait dans les années cinquante dans les tablettes du chocolat Suchard. C'est dire si c'est laid ! Par contre l'iconographie intérieure est bien plus précieuse avec notamment des photos vraisemblablement tirées de l'album de famille de Darlene Hicks... C'est que Britt Hagarty s'est livré à une longue enquête auprès de tous ceux qui ont de près ou de loin côtoyé Gene. Et le résultat de son travail est époustouflant et effrayant. Crazy, dirait Vincent. Durant des années j'ai feuilleté des dizaines d'articles sur Gene, depuis exactement ce trente 30 mars 1965, où je le vis et l'entendis pour la première fois chantant en direct de la Caverne de Liverpool dans l'émission télévisée Âge Tendre et Tête de bois « Spécial Rock ». Je croyais tout connaître de lui. Je pensais qu'il était le plus grand chanteur de rock'n'roll connu jusqu'à ce jour. Je me trompais. Gene Vincent fut, à lui tout seul par la démesure de son existence, le rock'n'roll. Sachez entrevoir la différence.

 

S'il y avait quelque chose à changer dans ce livre, ce serait seulement le titre qu'il devrait échanger avec celui de Susan Vanecke, Race with the devil. Course avec le diable, course avec la vie, course avec la mort, course avec le rock'n'roll.

 

Un bon garçon ce Gene Vincent Craddock, tout le monde s'accorde à le dire depuis cinquante ans même si tout un chacun mentionne des colères homériques à vous glacer le sang. En fait Britt Hagarty nous dévoile un sacré bonhomme. Un rebelle dans l'âme, une forte tête, réfractaire à la moindre autorité. Les psychologues vous qualifieraient le zèbre de caractériel, mais ce serait plu-tôt un crotale incapable d'entrer en relation avec quiconque s'il n'a pas auparavant établi une rela-tion de force dans laquelle entrera toujours un zeste plus ou moins important de fascination. Au demeurant l'animal le plus inoffensif du monde tant que vous n'ayez par mégarde ou intentionnel-lement franchi les limites de son territoire de sécurité intérieure. La gent femelle ne s'y trom-pera pas. Toute sa vie Vincent sera un homme à femmes. Un de ces prédateurs qui ne relâchent point la proie pour l'ombre d'une promesse. Darlene qui avait la sagesse de fermer les yeux sur les agissements de son mâle en tournée finira par se lasser. Gene ne vivait que pour les tournées.

 

Gene n'était pas homme à bâtir un plan de carrière. A peine Be bop a lula commença-t-il à monter dans les charts qu'il embringua toute sa formation dans d'interminables tours marathon. Les Blue Caps n'y résistèrent pas. En moins de deux ans le meilleur groupe du monde était sur les rotules et avait déserté la mâture. Comme si de rien n'était Gene continuait malgré sa patte folle. L'alcool et les pills remédiaient à la douleur physique. Ce n'est certainement pas un hasard si bien des années plus tard le rocker britannique Iann Dury qui résuma la formule du bonheur trépidant en la lapidaire devise de Sex, drugs and rock'n'roll écrivit aussi un hommage à Sweet Gene Vincent, son idole fétiche.

 

Très vite Gene fut confronté à une terrible contradiction. Alors qu'il est de fait celui qui offre le rock'n'roll show le plus excitant de tous les USA, alors que des milliers de fans en furie se pressent à ses concerts, alors qu'il enregistre une ribambelle de chef d'oeuvres des plus impressionnants, ses disques ne se vendent pas. La plupart de ses meilleurs morceaux ne parviennent pas à entrer dans le top cent du Billboard.

 

Il semblerait que Capitol n'ait pas su faire les bons choix stratégiques. Certes la firme avait pour politique de ne pas payer aux disc-jockeys les dessous de table qu'ils demandaient afin de passer les disques à la radio, cela a dû quelque peu freiner la carrière de Gene, mais c'est que surtout que Ken Nelson n'a pas compris que sans l'aide active de sa maison de disques cette nouvelle vedette si différente des autres poulains de son écurie n'arriveraient point à se maintenir au sommet de sa jeune gloire zénithale.

 

L'on peut reprocher tant que l'on voudra à Presley sa mise sous tutelle parkerienne . Le Colonel a pris les pires décisions, il a coupé les griffes de son jaguar et l'a enfermé dans une cage dorée, mais au moins a-t-il servi de brise-lames protecteur face aux tempêtes provoquées par l'establishment religieux et politique. Gene s'est retrouvé seul dans la tourmente. C'est miracle qu'il ait survécu. Seul, sans cabinet d'avocat à ses côtés, sans conseiller musical, sans même l'aide qu'aurait pu apporter une famille tant soit peu argentée et cultivée, pourvu de sa seule inexpé-rience de jeune gamin qui n'a jamais eu un dollar en poche, le screamin'kid doit faire face à tout.

 

Fin 59, quand il débarque en Angleterre, il a déjà tout perdu. Son orchestre, et sa place virtuelle de prétendant au titre de roi du rock américain. En partant en Allemagne, Elvis qui se retire de la compétition annule jusqu'à l'existence de celle-ci. Gene est condamné à être sur son sol natal l'éternel hasbeen de sa grandeur révolue. C'est un vaincu convaincu d'avoir été floué par le sort et le monde entier, qui descend de l'avion. Mais Gene ne désarmera pas, il est décidé à se battre jusqu'au bout.

 

C'est vraisemblablement en ses heures européennes que le destin de Gene s'accomplit. Il n'est plus un porteur de bonne nouvelle mais un survivant d'un autre monde dont il entend préserver le témoignage et les derniers fragments pantelants. Britt Hagarty se fondant sur de nombreuses interviews concordantes parle de schizophrénie. Un Vincent à cheval, partagé en deux, splitté entre ce qu'il n'est plus et ce qu'il ne pourra plus être.

 

Malgré d'incontestables succès, les années soixante à soixante-quatre sont celles d'un long reflux, la mort d'Eddie Cochran, l'éloignement de Darlène, des enregistrements dont l'industrie ne lui laisse pas maîtriser la production, l'étau de fer des promoteurs, la montée d'une nouvelle génération de groupes qui vont le pousser dans l'oubli alors qu'ils lui ont tant et tout emprunté. La blessure à la jambe tire de plus en plus, l'alcool de plus en plus nécessaire, tout entraine Vincent en une incroyable spirale descendante.

 

Le repli américain, les derniers disques qui ne trouvent pas leur public, les ultimes tournées européennes, le tout se dénoue en une sordide matinée crépusculaire d'octobre 71. Mais le bilan n'est pas aussi négatif qu'il semblerait. Outre le legs d'une discographie dont un morceau sur deux est un chef-d'oeuvre absolu, Vincent aura vécu jusqu'au bout la vie qu'il aura désirée. Dix jours avant sa mort il est encore sur scène et donne une dernière interview. Une vie à cent à l'heure à laquelle il aura tout sacrifié. Jusqu'à la paix de son âme. Pour la seule rage du rock'n'roll !

 

DAM CHAD.

KR'TNT ¤ 09.

 

KR'TNT ¤ 09

ROCK'N'ROLL CLANDESTZINE FLYER / N° 9 / 01 / 12 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

13 / 11 / 2009. Provins / au Local / 64 rue d'Esternay /

 

 

JULL & ZIO

 

Dès le premier numéro de KR'TNT l'on vous avait promis de reparler d'Old School. L'on ne devrait jamais faire de promesse. L'Old School est finie. Le groupe a fermé ses portes, mais inutile de verser des larmes de crocodile, deux de ses membres sont toujours là, et bien là. Avec Phil de Burning Dust en renfort à la batterie. Et autant en emporte le rock'n'roll !

 

Jull à la guitare et Zio à la contrebasse. N'est-ce pas suffisant pour un bon shot de rockab entre les deux oreilles ? Ce qui n'enlève en rien les mérites de Phil qui toute la soirée assurera un tempo à toute épreuve tout en se pliant avec un doigté admirable aux pires chevauchées de nos deux pistoleros. Mais ce soir nous ne quitterons pas des yeux nos deux électriques acolytes.

 

Donc Jull joue. Difficile d'être un guitariste de rockab en ce début de millénaire. Le genre est miné. Etayé de partout, avec à ses quatre points cardinaux les totems infranchissables des piliers du temple : Gene, Elvis, Carl,et Johnny Burnette. De purs génies certes, mais difficile de trouver la quadrature du cercle en un espace si confiné.

 

Jull n'est pas de ceux qui essaie de se maintenir fifties-fifties à égale distance de chacun d'eux, de chacun dieux. Sa guitare recherche la tangente. Il plaque des accords mais pas la sclérose. La pauvre syncope rockab en prend plein la tête. Faut voir comme il vous la malmène, la cisaille de breaks dévastateurs, pour finalement, l'air de rien, retomber sur ses pieds, l'éther de tout. Ni vu ni connu, va comme je t'embrouille.

 

Deux sets,et la gretch ne chôme pas. Il ne s'agit surtout pas de s'endormir dans la facile cadence en roue libre d'un honky tonk de grand-papa pour touriste auditif de pacotille. A ses côtés Zio a compris que l'on descend dans les roots de l'american music. Pas celle à l'accent nasillard des cow-boys malboro, mais l'autre qui brise sans arrêt les grilles d'accords pré-établies dans lesquelles on voudrait la cantonner.

 

Jull annonce un hommage à Cliff Gallup. Pas question de reprendre Be bop a lula à la note près. Ce genre d'exploit commémoratif n'est guère créatif. Jull cherche à retrouver l'âme du jeu de guitare du soliste des Blue Caps. Zio s'affaire sur sa basse qui vrombit à en barrir presque plus fort qu'un mastodonte, il martèle une matière chaude, vivante, brûlante, sur laquelle Jull pique des envolées et lamine des notes de feu. La petite Lulu n'a jamais été aussi be bop, et Gallup autant Django. Pas difficile après une telle démonstration de comprendre ce qu'un white Gene rocker est allé cherché chez les nègres du quartier, la swingante pulsation de la musique zigzaguante dont la syncope rockab n'est qu'une forme, peut-être la plus idéalement stylisée, mais tout de même une forme parmi tant d'autres.

 

Je reviens sur Jull, j'insiste, un peu comme lui, qui eut tant de mal de quitter la scène, qu'il nous régala d'un rappel fleuve . Jull est un de ces rares guitaristes qui refuse de figer la musique et de nous laisser traîner dans les mêmes plans éculés. L'on évoquera une démarche similaire à celle de Brian Seltzer, et l'on n'aura pas tort, même si personnellement j'évoquerai plutôt une expérimentation musicale beaucoup plus proche de celle d'Eddie Cochran. Avec cette approche, très moderne d'Eddie, de pratiquer toujours un son nouveau, de trouver le petit plus qui fait la différence, non pas pour la recherche un peu stérile d'une originalité forcenée, mais pour le plaisir d'explorer l'extension de tous les possibles d'un même accord. Bien sûr qu'il y a aussi du Jeff Beck dans cette concision rageuse !

 

De nouveau sur Zio et sa contrebasse qui pas une seconde ne se contente d'accompagner son guitariste. Zio ne livre pas un bruit de fond que Jull n'aurait plus qu'à découper en tranches saignantes de quelques savantes ponctuations gretchiennes. L'on a l'impression qu'il propulse sans arrêt sous le nez de la bête la cape qui s'en vient s'enrouler autour du mufle du taureau. Zio joue au plus près des cornes, il a compris qu'avec un tel partenaire plus il donnera, plus il recevra. Et le dialogue n'est pas prêt de s'achever en si bon chemin.

 

Précisons que Jull se charge aussi des parties vocales. Un chant sonore, rapide, à l'image de ses riffs décochés à toute vitesse, dont on ne saisit la justesse de l'intervention et l'à-propos vocal qu'une fois que la voix s'est tue. Et pour cause l'on reste en attente de la reprise de la voix ! Bref une superbe performance. Merci Zio, ave Jull César.

DAM CHAD.

 

Un grand merci à Totone et à son accueil, tout en souhaitant une longue vie au Local.