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16/09/2010

KR'TNT ! ¤ 05.

 

KR'TNT ! ¤ 05

ROCK'N'ROLL CLANDDESTZINE FLYER / N° 5 / 07 / 11 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

 

Le numéro 2, du 10 / 05 / 09 de notre clandestzine rock'n'roll flyer s'intéressait à une époque méconnue, et pourtant ô combien trépidante !, du rock'n'roll français, celle qui couvre les années 60-63 au travers de deux témoignages livresques, comme pour accompagner en sourdine la réédition de JET BLACK LEATHER MACHINE de VINCE TAYLOR chez ACE / SOCADISC.

 

QUAND J'ETAIS BLOUSON NOIR. JEAN-PAUL BOURRE.

ISSOIRE, 1960 – 1963.

211 pp. SCALI LITTERATURE / AOÜT 1997.

 

Les yeux sont tournés cause de quarante bougies vers 1968, c'est oublier un peu trop vite le début de la décennie prodigieuse qui débuta par un tsunami rock'n'roll d'une telle violence et d'une telle ampleur que l'on a préféré le rayer de la mémoire collective. L'on parle de contestation estudiantine, l'on se gargarise de contre-culture, mais le phénomène d'anarchie noire que suscita l'explosion du rock'n'roll au début des années soixante, l'on a préféré l'inscrire dans les marges du refoulé social. Il est vrai que cette funeste apparition rock'n'rollienne bouscule quelque peu les schèmes explicatifs des sociologues : les outlaws modernes guignaient d'un peu trop près du côté d'une Amérique mythique, celle des fureurs apaches, celle des Jesse James, celle des miaulements désespérés d'un Gene Vincent, celle des flamboyances en carton-pâte d'Elvis Presley, celle du dessous de la ceinture, celle des basses classes... rien à voir avec l'intellectualisme de gauche bien-pensante...

 

Il est des généalogies qui ne trompent pas, ces dernières années Jean-Paul Bourre a fait paraître deux ouvrages sur Gérard de Nerval et Villiers de l'Isle-Adam. Il existe des lignes de force telluriques qui parcourent les continents et les siècles et qui relient les nodosités les plus extrêmes, celles qui traversent les zones crépusculaires des énergies noires, ces modes de vie d'obédience êtrale que l'on surnomme poétiques.

 

Photo de Vince Taylor en couverture, coupures de presse en fin de volume, Jean-Paul Bourre a tout fait pour que la saga intérieure de ces rêves d'adolescent interfère le lecteur contemporain et le télescope à l'historicité des faits rapportés. Qui se souvient encore de la bande des Croix blanches d'Issoire ? Bien sûr en une courte note finale il avoue avoir maquillé l'âge des protagonistes et quelques noms, l'on pourra même se permettre de faire la fine bouche sur quelques notes de mauvais goût, par exemple l'introduction répétée d'Adamo et de ses chansonnettes kitcho-réactionnaires dans le juke-box, mais arrêtons de critiquer les ramiges de l'aigle.

 

Le livre se lit d'une traite, il se déploie comme un raid de sous-marin nucléaire qui s'en va torpiller la calotte glacière dans le but avoué de provoquer une catastrophe écologique planétaire, l'objectif suprême étant de rayer l'insecte humain de la terre. Non,ce n'est pas un thriller, mais le compte-rendu in vivo des fureurs adolescentes qui vous court-circuitent le cerveau dès que les phéromones de la puberté poignardent votre enfance. Dans le dos.

 

Dick Rivers, Johnny Hallyday, Vince Taylor, Gene Vincent s'y taillent la part du lion, insupportablement incorrecte – le rock, le twist, Salut les Copains, les yé-yés, aujourd'hui encore les bons esprits ne peuvent tourner leurs regards vers cette époque sans des mines de mépris et de condescendance appuyées, mais la brisure, la cassure entre l'ancien monde et le nouveau s'est faite là, même si beaucoup de chiens édentés actuels répugnent à reconnaître qu'ils proviennent des oeufs de ce serpent antédilluvien. Dévolution lente des reniements.

 

Le livre est écrit de l'intérieur. Le scénario en est d'une simplicité absolue. La vie est invivable. Elle se déroule comme un mauvais film. L'art de vivre consiste à se fabriquer sa propre bande-son afin de faire ressortir les mythèmes de son propre vécu que l'on désire signifiants. Vous n'êtes plus la victime institutionnalisée qui répète le rôle que l'on a choisi pour vous, par un coup de baguette de batterie, vous devenez le réalisateur d'une œuvre culte, un symbole vivant et agissant sous les projecteurs de votre conscience.

 

Gitanes TT, concerts, fêtes foraines, filles faciles, pimbêches petites-bourgeoises, branlées frénétiques sous les posters d'actrices, branlées paternelles bien plus viriles ( mais comment lui en vouloir il a le cerveau plat ! ), bastons, jeans délavés, séries noires, teppaz, rien ne manque, surtout pas cette fureur de vivre vite, mais bien. Attention Quand j'étais un blouson noir n'en est pas pour autant un livre-témoignage, c'est avant tout un des plus plus beaux récits autobiographiques sur le passage de l'enfance à l'adolescence qui m'ait été donné de lire.

 

Quand j'étais un blouson noir se termine sur une apothéose métaphysique. Il est difficile d'identifier la camarde quand elle fait du stop au bord de la route. Ce sont parfois les meilleurs qui restent sur le bord de la tombe, et le chemin de croix blanches ne fait que commencer.

DAM CHAD. ( 2008 )

KR'TNT ! ¤ 04.

 

KR'TNT ! ¤ 04

ROCK'N'ROLL CLANDDESTZINE FLYER / N° 4 / 06 / 11 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

Pour ce KR'TNT ¤ 04 un article de notre rédac-chef écrit pour la revue de poésie LES FLECHES D'OR

 

TONIC GENE VINCENT... LA FIN AMERE

 

SWEET GENE VINCENT. THE BITTER END. STEVEN MANDICH.

ORANGE SYRINGE PUBLICATIONS. 180 pp. Septembre 2002.

 

La poésie ne s'écrit pas uniquement dans les livres. Certains la vivent tous les jours dans leur vie. Parfois même à leur corps défendant. Ce fut le cas de Gene Vincent. Le nom peut surprendre dans un opérazine beaucoup plus préoccupé de littérature que de musique mais le prince noir du rock'n'roll transcende tous les faux clivages de nos traditionnelles et segmentiques représentations mentales.

 

La fin amère, le livre porte bien son nom même si Steven Mandich permet à ses lecteurs de survoler l'existence entière de l'idole. Seulement à la page 8 nous sommes en 1960 et à la page 16 en 1966. Le bonheur passe toujours trop vite, c'est même à se demander si Gene Vincent a eu le temps de s'apercevoir qu'il lui filait entre les doigts. En 1959, l'on peut dire que l'histoire est déjà pliée. Seul Presley a les pantoufles au chaud. Vincent n'a pas le temps de négocier le virage. Pas de colonel à ses basques et pas de plan de campagne. Combat rock'n'roll, jour après jour. Notre handicapé de la Navy va passer de la dunette du vaisseau amiral à la chiourme de la galère sans s'en rendre compte.

 

C'est un commando de marine qui déboule en Angleterre. En une tournée Vincent et Cochran haussent le rock'n'roll anglais au zénith de l'intemporalité du mythe. Vincent est déjà venu porter la flamme en France l'année précédente. Il ne le sait pas mais il est en train d'inscrire le destin de son étoile pâlissante sur le sol européen.

 

Le rock est-il à peine né que les politiques et l'industrie du disque s'acharnent à le faire rentrer dans les clous. Fin 63, tout est consommé. Tout repartira, mais autrement, d'une autre génération. Ceux qui ont fait sauter les premiers le bouchon paieront les pots cassés. Il aurait été sage de rentrer à la maison et de faire autre chose. Vincent va s'obstiner. Ni la désaffection du public, ni la blessure à la jambe ne l'arrêteront. Dès 66, sa vie devient un impossible come back.

 

Que s'est-il passé, pour que lui-même en vienne à considérer sa première période comme une autre époque révolue, définitivement close ? C'est peut-être là que réside la grandeur tragique de Gene Vincent. Jusqu'à la fin, jusqu'au dernier jour il s'est toujours considéré dans la course, dans le mouvement. La nostalgie ne le corrode pas. Ses interviews ne témoignent d'aucune acrimonies envers les nouvelles impulsions données au rock'n'roll. Pour lui, tout est rock'n'roll. Il n'est ni puriste, ni sectaire, le rock'n'roll évolue, c'est normal et c'est tout.

 

Il laisse quatre trente-trois tours, parmi les plus beaux jamais produits, le Challenge qui nique le rock anglais sur son propre terrain. Les groupes britishs ont-ils jamais reçu une aussi grande leçon de maîtrise du chant et de l'orchestration que celle infligée par un morceau comme Bird doggin' ? Le I'm back and I'm proud ressert les plats côté américain. Il est dommage qu'à part Jim Morrison personne n'ait prit aux States la peine de l'écouter. Quant aux deux derniers, chez Kama Sutra, crépusculaires et féériques, ce sont deux joyaux inestimables.

 

Mais Vincent chante dans le désert. Les tournées foireuses s'enchaînent sans fin. Sans argent, harcelé par son ex, sans maison de disques, sans groupe de scène, Vincent est sur le fil. Il est porté à bout de bras par une poignée de fidèles, qui sont souvent mal récompensés. Les deux dernières années sont un enfer. L'alcool, la blessure, la solitude, la trahison, les promesses non tenues, Vincent encaisse. De plus en plus mal. La fin est pathétique, l'animal blessé rentre chez lui pour s'écrouler sur le seuil de sa maison.

 

A lire ces terribles pages, d'une manière insistante vient se superposer le récit des dernières années de la vie d'Edgar Poe. Gene et Edgar, sont deux frères de lait. Non pas l'illusoire sirop maternel que l'on tête au berceau, mais le poison noir de l'existence qui vous conduit à la tombe avant l'heure.

 

C'est un livre terrible que l'ouvrage de Steven Mandish. Factuel, aucune analyse romantisante, seulement la recension chronologique d'extraits d'interviews de témoins et d'acteurs proches.

 

Le livre s'achève sur la tombe. Point à la ligne.

 

A vous de mettre les actes des uns et des autres en perspective. Nous n'avons personnellement jamais pleuré la mort de John Lennon, un fan de la première heure, qui attendit que Gene ait disparu pour enregistrer Be bop a lula et ne fit jamais un geste malgré plusieurs rencontres... Rappelons que lors de leurs difficiles et obscurs débuts les Beatles furent le baking group de Vincent à Hambourg, ce qui contribua à les rendre populaires dans le milieu restreint mais irremplaçable des amateurs de rock... Bowie ne sort pas grandi du livre, lui qui reçoit Gene Vincent alors qu'il est en train d'enregistrer Ziggy Stardust, un album sur la gloire et la déchéance rock'n'roll, et qui préfère garder pour lui le morceau promis...

 

Il serait bon que le livre soit traduit en français puisque Gene possède encore une cohorte de fans non négligeable en notre pays. Appel aux bonnes volontés.

 

DAM CHAD

KR'TNT ! ¤ 03.

 

KR'TNT ! ¤ 03

ROCK'N'ROLL CLANDDESTZINE FLYER / N° 3 / 05 / 11 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

EDITROCK

L'on avait laissé tomber KR'TNT ! sans trop savoir pourquoi, mais l'on s'y remet avec la détermination de sortir désormais à minima un feuillet tous les quinze jours. C'est cet été que l'envie nous est revenue en égrenant quelques souvenirs rock'n'roll avec Daniel Giraud au festival de poésie de Lodève.

 

L'on ne présente plus Daniel Giraud, poëte, essayiste, sinologue, alchimiste, astrologue, philosophe, amateur de l'O.M. et autres joyeusetés du même acabit. Un de ces indiens aux mille tribus, inclassable et solitaire, que l'on retrouve beaucoup plus souvent sur le sentier des guerres perdues d'avance qu'en train de fumer le calumet des compromissions contemporaines.

 

Daniel Giraud détient en outre le fabuleux record d'être depuis trente ans le seul authentique chanteur de blues ariégeois ( deep rural south ). Mais cette fois-ci il a troqué guitare et harmonica contre sa machine à écrire pour consigner à notre demande ses souvenirs de french mineau rock'n'roll, il y a exactement plus de quarante ans...

La Rédaction.

 

SOUVENIRS, SOUVENIRS

 

JOHNNY EN 58

 

C'est en 1956 que j'ai découvert le rock'n'roll grâce au Tutti Frutti de Little Richard, Rock around the clock de Bill Haley et les cinq premiers 45 tours d'Elvis Presley. J'avais dix ans.

 

Je préférais les américains aux européens et dans les années suivantes j'aimais bien mieux les noirs aux visages pâles, plus ou moins bons imitateurs. C'est plus tard, à quinze piges, que je découvrais le blues à l'origine du rock comme du jazz.

 

Nez en moins, comme écrivait San Antonio dont je dévorais les bouquins, deux ans après, en 1958, j'ai apprécié ce blanc-bec de Johnny qui débarquait face au pantouflard Richard Anthony... J'avais donc douze ans et avec un ami du même âge, Pierre Alleaume, nous sortions pour la première fois sans nos parents... Nos mères respectives étant amies et voisines, au square Groze-Magnan où je jouais au foot dans la rue avec les enfants de Ben Barek, un grand joueur de l'O. M.

Je ne sais si ce concert à l'Alcazar de Marseille était le tout premier de Johnny mais c'était sûrement un des premiers ( Souvenirs, Souvenirs  n'était même pas sorti ). C'était un vieux théâtre en bois ( hélas aujourd'hui rasé pour construire la Bibliothèque de Marseille ) où mon marseillais de père allait régulièrement à l'entre-deux guerres pour des cafés-concerts à une époque où les chanteurs chantaient sans micro, comme il aimait me le rappeler...

 

En première partie, donnait de la voix une chanteuse de négro-spirituals ( comme l'on disait avant que l'on confonde racisme et sens des mots, tout comme le doigt avec la lune qu'il désigne...) C'était June Richmond dont je n'ai jamais trouvé de disques alors même que je connaissais déjà bien le Gospel grâce aux émissions dominicales de radio ( à l'ORTF ) de Sim Copans.

 

Quand le rideau s'est levé et que Johnny est entré en chantant un inédit ( Je cherche une fille ) on s'est aperçu qu'un grand voile séparait le chanteur de son orchestre dont on ne distinguait que des silhouettes... Il était vêtu de noir, pantalon de cuir et chemise à trous. Puis il chanta son premier tube : T'aimer follement, version française édulcorée de Making Love...

On a tous cru que le vieux théâtre allait s'effondrer sous le martèlement des pieds des jeunes gens entassés de l'orchestre aux balcons. Encore pire qu'en Mai 68 au théâtre de l'Odéon à Paris...

 

Bien sûr, c'était une époque où les français ne savaient pas taper dans leurs mains en mesure ( dans les temps faibles ce qui entraîne un rythme déhanché et syncopé ) ce qui m'énervait beaucoup puisque pour moi la musique c'était le rythme ( pour les paroles il y a les livres... ). Ainsi je m'évertuais à frapper des mains le plus fort possible en cadence. J'étais particulièrement excité en écoutant le morceau que je préférais :

 

« J'suis mordu pour un p'tit oiseau bleu,

tellement mordu que j'en deviens gâteux ! »

 

Quand nous sommes sortis, avec mon copain abasourdi, nos paumes de mains rougies chauffaient un max ! Et nos coeurs battaient à rompre grâce à cette musique de révolte, celle des blousons noirs et des rebelles de l'époque.

 

Daniel Giraud