Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/01/2011

KR'TNT ! ¤ 37.

 

KR'TNT ! ¤ 37

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES

A ROCK LIT PRODUCTION

27 / 01 / 2010

 

 

 

2009 : PREMIERE ANNEE

¤ 1 / 01 / 05 / 09 : Old School + Burning Dust

¤ 2 / 01 / 06 / 09 : Baston Général / Bill Brillantine

¤ 3 / 05 / 11 / 09 : Johnny Hallyday / Daniel Giraud

¤ 4 / 06 / 11 / 09 : The Bitter end / Steve Mandich

¤ 5 / 07 / 11 / 09 : Quand j'étais blouson noir / J- P Bourre

¤ 6 / 10 / 11 / 09 : Violent days / Lucie Chaufour

¤ 7 / 15 / 11 / 09 : Race With the Devil / Susan Vanecke

¤ 8 / 20 / 11 / 09 : Jull & Zio

¤ 9 / 01 / 12 / 09 : Gene Vincent / Rodolphe & Van Linthout

¤ 10 / 02 / 12 / 09 : The day the world turned blue / Britt Hagarthy

¤ 11 / 03 / 12 / 09 : A tribute to Gene Vincent / Eddie Muir

¤ 12 / 03 / 12 / 09 : Telstar / Nick Moran

¤ 13 / 05 / 12 / 09 : The story behind his songs / Thierry Liesenfeld

 

2010 : DEUXIEME ANNEE

¤ 14 / 20 / 01 / 10 : The man who Led Zeppelin / Chriss Welch

¤ 15 / 15 / 06 / 10 : Gene Vincent / Garrett Mc Lean

¤ 16 / 08 / 07 / 10 : Concert Vellocet

¤ 17/ 22 / 07 / 10 : Pas de charentaise pour Eddie Cochran / Patrice Lemire / Classe dangereuse / Patrick Grenier de Lassagne

¤ 18 / 16 / 09 / 10 : Gene Vincent Dieu du rock'n'roll / Jean-William Thoury

¤ 19 / 23 / 09 / 10 :Gene Vincent's blue cap / Dave Smith

¤ 20 / 30 / 09 / 10 : Graine de violence / Evan Hunter

¤ 21 / 07 / 10 / 10 : Devil's fire / Charles Burnett

¤ 22 / 14 / 10 / 10 : Cash / L'autobiographie

¤ 23 / 21 / 10 / 10 : Special Lefty Frizzell

¤ 24 / 28 / 10 / 10 : Eddy Mitchell

¤ 25 / 04 / 11 / 10 : French Rockab ( Burning Dust / Ghost Higway / Rockers Culture )

¤ 26 / 11 / 11 / 10 : Ghost Higway in Concert

¤ 27 / 18 / 11 / 10 : There's one in every town / Mick Farren

¤ 28 / 25 / 11 / 10 : Sonic Surgeon

¤ 29 / 02 / 12 / 10 : Elvis Presley / Urgent ça presse ! / Look books

¤ 30 / 09 / 12 / 10 : Eddie Cochran / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 31 / 16 / 12 / 10 : Patti Smith / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 32 / 22 / 12/ 10 : Feel like going home / Peter Guralnick / Urgent ça presse / Look Books

¤ 33 / 28 / 12 / 10 : Rock français / Philippe Manoeuvre / Concert / Urgent, ca presse!

2011.TROISIEME ANNEE

¤ 34 / 06 / 01 / 11 : Kids Rock / Busty / Urgent, ça presse !

¤ 35 / 12 / 01 / 11 : Tribute to Robert Johnson / Rock contre Rock / Urgent, ça presse ! / Look Books.

¤ 36 / 19 / 01 / 11 : Rock'n'roll Revolutionaries / John Collis / Kronikrock /Urgent, ça presse ! /

 

LE CHEMIN ( A ) JAMAIS PERDU

 

LOST HIGWAY. PETER GURALNICK

 

SUR LES ROUTES DU ROCKABILLY DU BLUES & DE LA COUNTRY MUSIC

 

( RIVAGE POURPRE / 446 pp / SEPTEMBRE 2010 )

 

 

Ni plus ni moins que la suite de Feel like going home chroniqué dans notre trente-deuxième livraison. Une collection d'articles rédigés pour la plupart dans la deuxième moitié des années soixante-dix. Un peu à cheval sur la mort d'Elvis serions-nous tentés de dire. Davantage centré sur la country-music que sur le blues. Encore que vous aurez du mal à ressentir la différence. C'est que Peter Guralnick reste dans sa pratique d'écrivain fidèle à sa principale théorie, la communauté de racines musicales entre le blues et le country. Ce n'est pas pour rien que la première partie de son livre s'ouvre sur une rapide mais essentielle évocation de Jimmie Rodgers.

 

C'est difficile de remonter plus loin. Les documents sonores se font rares et deviennent très vite inexistants. Derrière Rodgers l'on devine a foule des misérables qui s'échinèrent, chantiers après chantiers, à jeter les fondations de la Grande Amérique, ouvriers blancs et travailleurs noirs mêlés dans la même misère. Rodgers est un blanc qui chante le blues. Il y rajoute quelques yodels du plus bel effet, le tampon d'origine européenne en quelque sorte.

 

Plus tard l'on fera de la country la musique des petits blancs réactionnaires. La country elle-même se revendiquera ainsi, mais il suffit de gratter l'écorce des apparences, pour sentir sourdre la pulsion du blues. C'est un peu incompréhensible mais nombre d'artistes qui ne sont pas nés avec une silver spoofull dans la bouche, d'extraction misérable pour appeler un chat un cat, trouvent une dignité intérieure à se réclamer des valeurs les plus rétrogrades – travail, famille, patrie - de leur pays. Ainsi – et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres - un Johnny Cash qui a commis à lui tout seul plus de turpitudes qu'un train de junkies soutiendra la moraline populiste d'un Busch. Quand on se rappelle que les pauvres ont davantage tendance à voter extrême-droite qu'extrême gauche dans notre propre nation, l'on peut se dire qu'une certaine logique sous-tend cette contradiction. Il est vrai que la misère ne s'arrête pas à la seule dépossession pécuniaire, elle se continue très souvent aussi par un manque de clairvoyance. Le pauvre est par excellence un individu manipulé – autant par lui-même que par les autres - qui a du mal à établir la balance entre ses ennemis et ses intérêts de classe.

 

Son premier livre avait permis à Guralnick d'obtenir une certaine reconnaissance, de se faire un nom, d'avoir des revues et des journaux capables d'aligner quelques ronds pour partir en reportage et se frayer un chemin jusqu'aux plus anciennes légendes. Nous voici avec Ernest Tubb au Grand Ole Opry, ou à Nashville avec Hank Snow en tournée. Difficile de trouver plus rétro...grade. Déjà à l'époque c'était des légendes du passé. Qui n'avaient pas eu la sagesse de s'éclipser par la bande comme Hank Williams avant que le Système ne les rattrape et ne les statufie en un rôle de pépés nostalgie. Mais derrière les chemises brodées se cache une immense fatigue. Nos deux héros ne courent plus derrière la gloire. A la limite ce serait plutôt elle qui courrait après eux. Sans trop forcer, car certaine de les rattraper en bout de course dans leur cercueil. Les jeux sont faits depuis longtemps. Ce sont des vedettes. Atemporelles. La route est toute tracée, payer le bus, les musicos et de sa personne chaque soir, pour un public acquis d'avance. A les regarder vivre, la country n'est jamais sortie de la grande dépression, et eux de la leur. C'est que les idoles dépriment sec. C'est peut-être pour cela que les artistes country boivent de la même manière. Sec. L'ombre de Lefty Frizzell se profile à l'horizon...

losthighway.jpg

L'on passe à Bedford Bailey. Un nègre. Un vrai. Le plus grand souffleur de l'Opry. ( N'oublions jamais que pour toute une génération née dans les années trente la seule évasion du samedi soir a consisté à écouter religieusement les retransmissions radio du spectacle donné à l'Opry. ) On l'a renvoyé dans son placard de cireur de chaussures au bout de vingt ans de bons et loyaux services. Ce n'est pas parce qu'il a enregistré une dizaine de morceaux avec son harmonica diabolique qu'il doit devenir fainéant, comme tous ceux de son espèce ! Dans les deux derniers épisodes Guralnick nous en repasse deux couches. Noires. L'on est d'ailleurs surpris de les trouver là, sous la commune dénomination de Honky Tonk Heroes. Rufus Thomas, il a permis à Sam Philips de démarrer les disques Sun. Qui s'en souvient ? Les frères Chess lui doivent aussi beaucoup, aujourd'hui nous le classerions parmi les chanteurs de rythm'n'blues. Glissement de terrain ou occultations souterraines ? Quant à Bobby Bland, en nos contrées peu de gens doivent le remettre. Pour le situer en un paysage français, disons que Mitchell Eddy lui a beaucoup emprunté pour sa version de Saint James Infirmary. Mais d'Ernest Tubb à Bobby Sand, Guralnick fait tout de même très fort de nous ficeler le tout dans le même paquet de linge. Sale.

 

Nous sauterons allègrement la deuxième partie pour pénétrer dans le saloon des Outlaws. Aujourd'hui ils sont devenus de telles institutions que ce sont surtout des outlaws de salon. Se sont battus en leur temps contre la musique trop policée qui coulait à flots des studios nashvilliens. Sont apparus en leur temps comme d'irrespirables irresponsables qui allaient tuer la vache d'or de la tradition country, mais question country bouse Guralnick a du flair. Pas des demi-sels. Avec un Merle Hagard et un Waylong Jennings l'on n'a pas à faire avec des rigolos. Sont passés par des sentes étroites et tortueuses, mais Guralnick les sent mal. Comprenez que ce sont eux qui sont mal. Le système les rattrape, ils n'en sont point dupes, ils sont encore les fils de leur propre authenticité, mais sont en train de s'accrocher aux petites branches. Ils ont même compris qu'un petit peu de complaisance ne leur déplaît pas. Trente ans après ils sont devenus les Hank Snow de nos générations.

 

Prenons le cas de Waylong Jennins, il a commencé avec Buddy Holly, continué avec Johnny Cash et aujourd'hui je dois être la seule personne au monde qui ne lui ai pas demandé de chanter une chanson avec lui. Sic transit gloria mundi, comme disaient les Jésuites. Mais il y a plus pathétique encore. Avouons qu'être le fils d'Hank Williams ne doit pas être chose facile. Surtout si vous êtes affligé du même prénom que votre père et que, comme par hasard, vous exercez le même métier de chanteur de country and western. Une guitare dans les mains dès l'âge de trois ans, comment voulez-vous ne pas vous sentir coincé dans votre existence ! Il est des héritages plus lourds que d'autres à assumer. Même avec un timbre de voix totalement différent et un vécu musical plus dense ( Elvis est passé par là ), c'est le blues qui poigne l'âme d'Hank Williams Junior !

 

Marche arrière. Puisque l'on parle du loup ( blanc ) l'on n'allait tout de même pas faire l'impasse sur nos hillbillies cats préférés. Du rock ! Enfin du vrai ! Inutile de sortir vos chaussures de daim bleues. Prenez plutôt celles de daim blues. Car c'est un peu, la revue d'armes après la défaite. Guralnick éprouve une grosse tendresse pour Charlie Rich. Dans son premier volume, c'était Charly Rich compteur blues et heures creuses. Ce coup-ci il est branché sur le 220. Ca roule pour lui, des disques qui se vendent par millions, des millions de dollars dus à des placements en bourse affriolants, qui dit mieux ? Pas Charly qui noie son chagrin dans l'alcool. Apparemment l'argent ne fait pas le bonheur. My Charly is rich but very bluesy. Dire qu'il fut un temps où Sam Philips le persuadait tous les jours qu'il était le futur Presley.

 

C'est que l'Elvis il savait pas faire grand chose. A part chanter. Vous allez dire que c'est beaucoup. Oui mais il n'a même pas réussi à composer une chanson de toute sa vie. Pareil pour les instruments, c'était pas un crack. C'est peut-être pour cela qu'il a craqué. Guralnick est le plus grand fan de Presley. Il est persuadé que dans la musique populaire américaine, il y a un avant et un après. Un peu comme pour le Christ mais en beaucoup mieux. Mais il décèle les failles. Son papier est sorti avant la catastrophe finale. Le King du rock'n'roll avait l'attitude rock peut-être parce qu'il était incapable d'avoir l'attitude blues. Alors il a lentement dégénéré vers l'attitude variétoche. Autopunition dénigratoire du petit blanc qui court après la grosse bite noire pour la sucer et qui n'arrive pas à la rattraper. Blues moon ? Merci docteur Freud, nous relirons Totem et tablous !

 

Ensuite, ça se perd un peu vers les seconds couteaux. Mickey Gilley qui fait tout, le piano et le chant, aussi bien que son cousin, mais Jerry Lee il fait tout aussi bien tout seul. Sans copier sur son cousin. Sempiternelle histoire des petits Mickeys qui ne valent pas les grands. Je ne serai guère Clément avec Jack, l'éminence grise des studios Sun, à l'écouter les autres lui doivent tout, mais lui il n'a pas fait grand-chose. Un bon entraîneur n'est pas obligatoirement un ancien champion. Un cas moins aigu que celui de Charly Feathers, mais encore un qui se vante d'avoir filé tous les plans à Elvis chez Sun. A la limite je veux bien croire que Presley les lui a volés mais il a dû lui refiler tous ses vieux plan...tages dont il n'avait plus besoin. Sleepy Labeef est le seul à tirer son épingle du jeu. Rocker anonyme il continue la route pour la seule et bonne raison qu'il ne sait rien faire d'autre. Et en plus l'on comprend qu'il aime cela.

 

Tous les fleuves du rock et de la country s'acheminent doucement vers le delta du blues. Dans le quatrième et dernier chapitre nous sommes à Chicago à courir les juke joints. La boucle est bouclée. Hoxlin'Wolf, Otis Spann, Big Joe Turner, Jimmy Jonhson, Hound Dog Taylor, non d'un chien, si vous ne connaissez pas, couchez-vous et arrêter de geindre. Peter le réaffirme «  Le blues est increvable ! » un peu trop fort pour y croire vraiment. Plutôt une supplication qu'une constatation. Depuis qu'il a écrit cela, il en est passé de l'eau sous les ponts du Mississipi, et pour ma part je serais moins optimiste que lui. Enfin je peux me tromper.

 

Mais il reste la surprise du chef. L'interview de Sam Philips. L'homme ( d'affaires ) qui inventa le rock. Enfin c'est ce que l'on dit. Car l'on ne prête qu'aux riches. Car dans le bouquin si on lui laisse la gloire de la paternité, beaucoup – et des meilleurs connaisseurs – en rejettent la maternité sur Sister Rosetta Tharpe. Diable ! Si le bon dieu s'en mêle l'on n'est pas sorti de l'auberge. Sam Philips nous laisse rêveur. L'aventure Sun, selon lui, est un de ces rares moments où le combat contre le capitalisme ( non, il n'a pas dit contre le communisme ) est passé par la création musicale. Ne rigolez pas, le capitalisme Sam Philips il connaissait mieux que vous. L'a fait fortune en investissant dans la chaîne des Holidays Inn. Reconnaît cependant une erreur, d'avoir arrêté d'enregistrer les bluesmen noirs dès qu'il a eu Elvis. Rufus Thomas ne partage pas ses regrets. Il entreverrait la chose plutôt comme un pillage. Une fois qu'on a les vers à soi plus besoin d'aller acheter de la soie en Chine ! Cessons de chinoiser et résumons la situation. Tout compte fait cet homme qui se penche sur son passé qui le dépasse, ça fout plutôt le blues.

 

Damie Chad.

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

ROCK'N'FOLK. N° 522.rock et folk522.jpg

Janvier 2011.

 

Ce coup-ci on regardera uniquement l'article sur WANDA JACKSON. Ne vous privez pas non plus de Little Bob qui vient de sortir un livre dont nous vous parlerons, ni de Jean-Pierre Leloir ( Resquiescat in pace, ave rock'n'roll ! ) ni des chros sur Steppenwolf, Animals, et Yardbirds, mais notre chouchou c'est la petite Wanda.

 

Madame Gene Vincent, comme on la surnomma en son temps. Aujourd'hui elle flirte avec les 73 printemps et elle vient de sortir un disque qui affole le milieu. C'est Eudeline qui s'y colle. L'est allé interviewer la dame. Du moins c'est ce qu'il dit. Je parierai un camembert écossais qu'il est resté chez lui bien au chaud à boire un petit chocolat. Ou autre chose plus flavorante. Au pire il s'est contenté de traduire la pléthore d'articles qui fleurissent depuis quinze jours sur le net anglo-saxon ( j'en ai reçu une trentaine ), au mieux il a tout sorti de sa tête. Bien faite.

 

Résume la carrière, d'une manière intelligente, il a du goût Patrick, cite les Cramps et Jack White – c'est que Wanda Jakson, c'est pas tout à fait le retour de la momie, elle trépide sec quand les petits jeunots viennent la booster – mais surtout en profite pour établir de subtiles estimations ontologiques sur la noirceur supposée du rock'n'roll. C'est un peu le sujet du bouquin de Guralnick, à croire que nous nous posons les mêmes questions que les amerloques mais avec juste trente ans de retard.

 

Parle de blues blanc. Gene Vincent comme par hasard. L'a pas repris l'idée à un célèbre guitariste de rock français dont nous avons parlé ? Et classe Wanda parmi le lot de ces white trips. Que voulez-vous, le rock vient du country et la country est blanche par excellence. Ne faites pas du racisme à revers. Ce n'est pas parce que lignée est aussi blanche que les falaises de la perfide Angleterre que vous êtes un mauvais chanteur. Pour Eudeline, la différence entre la country et le rockabilly est infime. Le tempo est légèrement accéléré. Le reste c'est de l'image, de la rebel attitude. Changez l'emballage et le produit n'aura plus le même goût.

 

C'est quand on creuse que ça se gâte : les noirs ont le gospel, les blancs ont le christianisme. Le premier c'est un peu cirque et hula-hoop, le second fait tout de suite plus sérieux. Le premier détient le rythme et le second la foi. Le premier sent l'aisselle détrempée et le second le coca-cola pasteurisé. Les rebelles qui se marient à l'Eglise m'ont toujours fait rire et les idoles du rock qui se mettent à prêcher les Evangiles me désespèrent. Il est des cadavres vivants qui empestent des odeurs de sainteté.

 

Dieu que nos icônes sont fatiguées ! Prions pour que notre soeur Wanda retrouve les senteurs de soufre de sa jeunesse. Il est hors de question qu'elle emporte son rock'n'roll au paradis.

 

Damie Chad.

 

hard 106.jpgROCK HARD. N° 106.

Janvier 2011.

 

Un autre mastodonte de la presse kiosque. Plus de cent pages, plus de cent numéros, des dizaines de photos et un maximum de textes. Des heures de lecture + un CD de démonstration qui créditent les groupes dont le magazine parle.

 

Le hard n'a pas bonne presse. Chez ses détracteurs. Jusqu'à Wanda Jackson qui déclare qu'il ne provient pas du rock'n'roll de sa jeunesse. Certes le blues a fait un deuxième bébé dans le dos du rock'n'roll et ça s'appelle le hard. Un enfant, tout ce qu'il y a de plus légitime. Mais enfin beaucoup s'en détournent, ils font la sourde oreille. Ce qui est un peu de mauvaise foi puisque même un pavillon éléphantesque ne peut absorber tout le bruit émis par le combo de base des groupes les plus élémentaires de hard.

 

La première page, une pub pour le Hellfest de 2011 pose le problème que l'Edito de Philippe Lageat ne résout pas en page 3. Ozzy Osbourne, Judas Priest, Scorpions et Trust en tête d'affiche c'est le serpent du hard qui se mord la queue. Comme s'il n'y avait pas de nouveaux groupes prêts à prendre la relève. Quand on voit la prometteuse vingtaine d'articles consacrés aux nouveaux-nés des dernières pluies, l'on se dit qu'en cherchant bien, au fil des mois l'on devrait bien finir par dégoter deux ou trois caddors. Serait-ce le public qui ne se renouvellerait pas ?

106.jpg

Prenons un cas au hasard. Le nôtre, on a d'abord tout feuilleté puis l'on s'est précipité sur la reformation de Vulcain. Interview de Marc Varez, le même qui a produit le disque de Vellocet que nous avions chroniqué dans notre seizième livraison ( oui, oui, vous pouvez vérifier ), un DVD à sortir en avril, peut-être un nouveau CD, la machine vulcanique nous menace d'une nouvelle éruption. C'est fou, mais nous n'avons pas envie de courir aux abris. Un des rares grands groupes de hard français qui revient. Nous suivons l'affaire.

 

Damie Chad.

 

 

 

 

LOOK BOOKS

 

LE NARCISSE. BERTINA HENRICHS. PHILIPPE VAUVILLE.le narcisse.jpg

LE CHERCHE-MIDI. 336 pp. Septembre 2010.

 

Le lecteur qui aurait lu ce livre sans avoir étudié de très près la quatrième de couverture aurait raison de se demander pourquoi ce roman noir ( c'est spécifié juste sous le titre ) a fait l'objet d'une chronique dans KR'TNT. Si l'on devait citer tous les polars dans lesquels le héros écoute Pink Floyd, Queen et Janis Joplin ou d'autres oiseaux de cet acabit l'on n'en finirait pas. Un petit plus : notre apprenti Sherlock Holmes est guitariste, il roule en DS 21, et interroge un luthier qui est en train de réparer une Gibson acoustique. Pas de quoi non plus sortir tout nu dans la rue en criant tout fort «  Hey ! Hey ! Rock'n'roll ! »

 

L'intrigue est bien ficelée, ce n'est qu'à la toute fin du livre que le mobile du crime apparaît, pour les trois cents premières pages, vous pédalerez dans la choucroute. Agréable à lire, l'intrigue se passe principalement à Montmartre mais vous aurez l'occasion de revoir la Normandie, qu'elle soit vôtre ou pas. A notre avis les flics y ont un peu trop bonne presse, l'on veut bien admettre qu'un détective amateur soit obligé de faire risette aux détenteurs de l'autorité légale pour accéder à des informations confidentielles, mais l'on n'est pas non plus obligé de faire ami-ami.

 

Plutôt gris nostalgie que roman noir, mais Le Narcisse se lit sans effort tout en maintenant votre intérêt jusqu'au bout... Pas le genre d'ouvrage indispensable à votre culture générale mais vous pouvez l'emmener sur la plage. Attendez l'été tout de même.

 

Oui mais voilà, Philippe Vauvillé vous avez toutes les chances de ne pas connaître. Pour Bertina Henrichs réglons lui son compte tout de suite, elle n'est que la charmante épouse du sieur Vauvillé. Elle a tout de même commis toute seule un livre que nous n'avons pas lu mais intitulé That's All Right, Mama, ce qui ne peut que nous séduire.

au bonheur des dames.jpg

En fait Philippe Vauvillé, vous ne connaissez que lui. Ne dites pas non, si j'allais fouiller votre appartement il m'étonnerait de ne pas y trouver au moins un exemplaire d'Au Bonheur des Dames. Mais non, je ne parle pas du bouquin de Zola, mais du groupe ! Au Bonheur des Dames qui fit aussi le bonheur de nombreux Marcel au-milieu des années 70. Bien Philippe Vauvillé, ce n'est ni plus ni moins que l'inénarrable Sharon Glory !

 

Ah ! Les sentiers de la gloire mènent à tout !

 

Damie Chad.

21/01/2011

KR'TNT ! ¤ 36.

 

 

KR'TNT ! ¤ 36

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES

A ROCK LIT PRODUCTION

20 / 01 / 2010

 

 

 

2009 : PREMIERE ANNEE

¤ 1 / 01 / 05 / 09 : Old School + Burning Dust

¤ 2 / 01 / 06 / 09 : Baston Général / Bill Brillantine

¤ 3 / 05 / 11 / 09 : Johnny Hallyday / Daniel Giraud

¤ 4 / 06 / 11 / 09 : The Bitter end / Steve Mandich

¤ 5 / 07 / 11 / 09 : Quand j'étais blouson noir / J- P Bourre

¤ 6 / 10 / 11 / 09 : Violent days / Lucie Chaufour

¤ 7 / 15 / 11 / 09 : Race With the Devil / Susan Vanecke

¤ 8 / 20 / 11 / 09 : Jull & Zio

¤ 9 / 01 / 12 / 09 : Gene Vincent / Rodolphe & Van Linthout

¤ 10 / 02 / 12 / 09 : The day the world turned blue / Britt Hagarthy

¤ 11 / 03 / 12 / 09 : A tribute to Gene Vincent / Eddie Muir

¤ 12 / 03 / 12 / 09 : Telstar / Nick Moran

¤ 13 / 05 / 12 / 09 : The story behind his songs / Thierry Liesenfeld

 

2010 : DEUXIEME ANNEE

¤ 14 / 20 / 01 / 10 : The man who Led Zeppelin / Chriss Welch

¤ 15 / 15 / 06 / 10 : Gene Vincent / Garrett Mc Lean

¤ 16 / 08 / 07 / 10 : Concert Vellocet

¤ 17/ 22 / 07 / 10 : Pas de charentaise pour Eddie Cochran / Patrice Lemire / Classe dangereuse / Patrick Grenier de Lassagne

¤ 18 / 16 / 09 / 10 : Gene Vincent Dieu du rock'n'roll / Jean-William Thoury

¤ 19 / 23 / 09 / 10 :Gene Vincent's blue cap / Dave Smith

¤ 20 / 30 / 09 / 10 : Graine de violence / Evan Hunter

¤ 21 / 07 / 10 / 10 : Devil's fire / Charles Burnett

¤ 22 / 14 / 10 / 10 : Cash / L'autobiographie

¤ 23 / 21 / 10 / 10 : Special Lefty Frizzell

¤ 24 / 28 / 10 / 10 : Eddy Mitchell

¤ 25 / 04 / 11 / 10 : French Rockab ( Burning Dust / Ghost Higway / Rockers Culture )

¤ 26 / 11 / 11 / 10 : Ghost Higway in Concert

¤ 27 / 18 / 11 / 10 : There's one in every town / Mick Farren

¤ 28 / 25 / 11 / 10 : Sonic Surgeon

¤ 29 / 02 / 12 / 10 : Elvis Presley / Urgent ça presse ! / Look books

¤ 30 / 09 / 12 / 10 : Eddie Cochran / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 31 / 16 / 12 / 10 : Patti Smith / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 32 / 22 / 12/ 10 : Feel like going home / Peter Guralnick / Urgent ça presse / Look Books

¤ 33 / 28 / 12 / 10 : Rock français / Philippe Manoeuvre / Concert / Urgent, ca presse!

2011.TROISIEME ANNEE

¤ 34 / 06 / 01 / 11 : Kids Rock / Busty / Urgent, ça presse !

¤ 35 / 12 / 01 / 11 : Tribute to Robert Johnson / Rock contre Rock / Urgent, ça presse ! / Look Books.

 

 

ROCK'N'ROLL REVOLUTIONARIES

GENE VINCENT AND EDDIE COCHRAN

 

JOHN COLLIS

 

( 230 pp. VIRGIN BOOKS. 2004 )

numérisation0032.jpg

Longtemps que je voulais lire ce bouquin. L'ai toujours vu stigmatisé comme un livre à thèse : comprendre trop partial ou exprimant davantage les idées de l'auteur que la réalité des faits. Il est vrai que le titre claque comme une bannière politique. Rock'n'roll Revolutionnaries, John Collis ne serait-il pas une taupe trotskiste, avec ces englishes intellos il faut se méfier !

 

Rangeons les drapeaux rouges dans la profondeur de nos poches. Cette biographie croisée d'Eddie Cochran et de Gene Vincent n'est en rien une analyse marxiste de l'apparition de deux purs héros issus du peuple en lutte contre la rapacité des multinationales qui s'engraissent sur la sueur des forçats chanteurs.... Le terme même n'est jamais repris dans le texte... Le lecteur rectifiera de lui-même, il ne s'agit pas d'une rock'n'roll révolution mais d'une rock'n'roll révélation.

 

Avant le soixantième millésime les anglais avaient été gâtés : Bill Halley, Buddy Holly et Jerry Lee Lewis étaient déjà venus prêcher la bonne parole rock, mais ce ne furent que feux de paille trop vite éteints, à peine arrivés, déjà repartis. Avec Cochran et Vincent l'on atteignit un paroxisme orgasmique. La tournée des deux compères eut le temps d'ensemencer le pays : de janvier à avril 1960... quatre mois qui ont révolutionné le rock anglais, car il faut être juste nos deux ostrogoths n'ont pas débarqué en terra incognita, une scène rock existait déjà depuis plusieurs années en Angleterre... d'ailleurs nos américains furent du début à la fin accompagnés par des musiciens autochtones qui s'en tirèrent plutôt bien. Ils en retirèrent même quelques leçons qui permit au rock national de brûler les étapes et de faire en quelques années jeu égal avec le grand-frère américain.

 

Cette tournée fut le big bang initial du rock british et marqua tellement les esprits que cinquante ans après ( donc l'année dernière, en 2010 ) une tournée hommagiale regroupant plusieurs combos accomplit une espèce de pèlerinage musical reconstitutif du charivari originel. Pour ne pas cuver notre dépit dans notre coin, nous petits français donnâmes les 19 et 20 novembre deux soirées du même acabit regroupant les Virginians, Erwin Travis et Thierry Lecoz. Nous vous en reparlerons. Mais revenons à nos lions.

 

Sautez allègrement le premier chapitre : certes l'intitulé est alléchant : La marche des Teddy boys. C'est un cours pour lycéen du genre : situation socio-écomique du monde occidental pour la période allant de la fin de la guerre à la fin des années cinquante. Merci monsieur le professeur, ouf ! L'école est finie !

 

Dépêchez-vous de tourner la page suivante, car à partir de là, tout n'est que bruit et fureur, la tragédie démarre sur les chapeaux de roue. Ce ne sont pas des conquérants qui foulent le sol de la perfide Albion en ce froid matin de janvier, plutôt des transfuges, des travailleurs émigrés qui s'en viennent voir si l'herbe des célèbres lawns est bien plus verte que celle de leur native grande prairie. Tous deux sont en panne : la carrière de Gene est au point mort, il est déjà un hasbeen de première catégorie, quant à Eddie, plus jeune, si tout n'est pas encore joué, sa maison de disques le verrait mieux en jeune premier de la chanson romantique pour petites filles sages qu'en rocker pur et dur...

 

L'on connaît la suite : le public était en quelque sorte acquis d'avance mais il ne s'attendait pas à une telle furie. Ce n'était pas un spectacle que délivraient les deux boys mais un nouvel art de vivre décliné d'une manière plus enthousiasmante par Eddie, plus tragique chez Gene.

numérisation0028.jpg

Vincent et Cochran. Ne tournons pas autour du pot. La question se pose : des deux quel est le meilleur ? John Collis ne l'élude pas. Il ne nous fait pas le coup de l'amitié indéfectible que rien ne pouvait détruire. Trop facile. Si la fatalité n'avait pas endeuillé la fin de la tournée qui oserait prétendre que Gene et Eddie seraient restés comme des frères dans les années qui suivirent ? Parfois les films se terminent trop bien au bon moment.

 

Parfois l'amitié est une question de survie. Tout dépend des circonstances extérieures. Et intérieures. Car chacun de nous transportons avec nous nos propres fêlures. Pour Eddie, elle porte un nom que l'on n'attendrait pas : le mal du pays. Au fur et à mesure que les jours passent, que la fatigue s'accroît, que la monotonie s'installe, Eddie prend certainement conscience de ce qu'il est. Pour sûr il adore la scène, les applaudissements, les cris des filles, les sifflets, toutes ces marques de ferveur dopent et dynamisent son égo. Mais point trop n'en faut. Ou alors l'idéal serait de rentrer toutes les fins de semaine à la maison. Sa maman lui manque. Sa chambre, sa guitare, deux ou trois copains qui viennent discuter à la table familiale, Eddie est un jeune garçon tout compte fait plutôt sage.

 

N'en faisons pas un retraité avant l'heure, non plus. A toute heure sa gratte le démange. Dans le tumulte de la scène et le tohu-bohu de la tournée, Eddie se cherche et se trouve. On stage, yes OK ! mais dans le corral du studio c'est là que réside la liberté de création. En lui tout est encore en gestation, il a déjà donné quelques chef-d'oeuvres mais tout cela n'est rien comparé à ce qui bouillonne en lui. Cette impatience artistique inassouvie mêlée au sentiment d'instabilité généré par les déplacements incessants se transforme parfois en angoisse. L'on a parlé de prescience de sa mort qu'il aurait manifesté plusieurs fois au cours de son séjour anglais. John Collis remet en cause les témoignages. Que ne ferait-on pas pour attirer ne serait-ce que quelques minutes les projecteurs de la gloire sur notre petite personne. Toutes les occasionnes ne sont-elles pas bonnes ? Les plus dramatiques permettent de mieux frapper les esprits.

 

Il est vrai que Cochran accompagnait ses autographes de la formule « Don't forget me » a posteriori très prophétique, qu'il a été extrêmement marqué par la disparition de Buddy Holly et de Ritchie Valens, mais pour notre part nous voyons en ces faits non pas seulement l'expression d'une peur panique de la mort mais la prise de conscience que le tourbillon existentiel jubilatoire qu'il était en train de vivre le coupait de ce pour quoi il était venu sur cette terre : la musique. Cochran était en train de se rendre compte que cette harassante tournée anglaise l'éloignait de ce qu'il considérait comme l'essentiel de sa vie d'artiste : la création.

 

Tout cela était sans doute encore diffus dans la tête d'Eddie. Il savait aussi savourer les bons côtés de son statut de rockstar. John Collis ne le précise pas, mais moi aussi je me doute de la manière dont devaient se terminer ses parties de strip poker organisées avec de jeunes filles consentantes dans ses chambres d'hôtel... Un jour la grande forme je m'amuse comme un fou, un jour la grosse déprime mais qu'est-ce que je fous ici ? Pas besoin d'être docteur pour pronostiquer un début de dépression, et une conduite un peu erratique... quel besoin d'inviter Sharon Sheeley à le rejoindre alors qu'il possédait tout un cheptel à portée de sa couche ! La pauvre Sharon s'est crue l'Elue de coeur, sans doute n'était-elle que la maman de substitution. L'on fuit les fatigantes brebis et l'on se jette dans la gueule de la louve... Il n'y a pas que Gene Vincent dans l'entourage d'Eddie qui se moquaient des prétentions de Sharon...

 

Puisque l'on parle du loup, venons-en à la bête noire de l'attelage. Le cas n'est peut-être pas plus compliqué. Mais il est plus grave. Sans le passage par la case taxi, l'on devine que Cochran, une fois rentré at home, aurait effectué le bon choix, lune de miel + rupture avec Sharon, sortie contre vents et marée d'un disque 100 % guitare, mise en boîtes de quelques futurs standards... la voie était tracée, il suffisait de suivre les pointillés... Mais pour Vincent le découpage était déjà fait. L'homme avait séparé sa vie en deux morceaux : face A, la scène, face B, la scène.

 

Non ce n'est pas une erreur de frappe. Dans les mathématiques Vincentiennes A = B et B = A, et tout le reste est égal à zéro. Dans la série je prends le live mais je ne retiens rien de la life, Vincent est sans équivalent. A la vie comme sous les spotlights je suis toujours sur scène. Ce n'est pas tout à fait le même rôle. Devant un micro je suis le roi des fous, à la maison, je suis le fou du roi. Idole d'un côté, idiot de l'autre. L'on ne guérit pas de la schizophrénie, à l'extrême limite vous pouvez donner le change. Tout dépend de quel côté vous regardez le profil de la lune, pas de chance, avec Vincent c'est toujours sombre.

numérisation0027.jpg

Un garçon sympathique, gentil, timide, poli, peu bavard. Les premiers anglais qui l'aperçoivent le trouvent falot. Toute sa vie Jack Good se vantera d'avoir été le premier à accoutrer Vincent d'un cuir noir. C'est un peu comme si vous alliez ouvrir la porte de la cage du crocodile qui sommeille et que vous soyez fier de l'avoir réveillé. Ce n'est pas de votre faute, vous pensiez que les gros lézards mangeaient uniquement des mouches. Bref Vincent vous lui donneriez le rock'n'roll sans confession. Le problème c'est qu'il l'a ingurgité depuis longtemps. Toute la partition. De A à Z, et que quand il va vous la jouer, ce n'est pas en sourdine. Vincent, un ange, trois paires de culottes dans sa valise et une auto-miniature en surplus. Un véritable enfant. Quoi de plus innocent ? Rien, à part qu'il a souvent les mains pleines d'une arme. Parfois à feu. Parfois blanche. Mais dans les deux cas, ça chauffe drôlement et vous n'y voyez que du noir. Et attention, ce n'est pas un sketch à la Alfred Jarry, avec Vincent c'est toujours un drame. D'ailleurs, ça finira par la mort. La sienne.

 

Mais nous n'en sommes pas si loin. Le livre est structuré comme un roman moderne. La tournée anglaise. Flashback pour les deux chapitres suivants : d'abord Vincent aux States, ensuite Cochran aux States, puis Eddie après le 17 avril, et l'on termine sur Vincent après la même fatidique date.

 

Vincent aux States c'est l'histoire d'un envol vite foudroyé. Vite fourvoyé. Vincent ne prend pas la bonne route. Il prend la route. Be bop a lula n'est pas à son zénith qu'il part en tournée. Un rocker se doit de chanter devant son public. Pas de minauder devant les caméras de TV. Arpentera les USA de long en large, fatiguera ses musiciens qui rentreront vite à la maison, en recrutera d'autres aussi bons mais qui finiront par démissionner. Pour les contrats, les papiers et les dollars, ça ne l'intéressera pas trop. Ne fera pas assez gaffe. Se retrouvera dans des histoires d'avocats. Pour le fric, d'autres se chargeront de le trouver. Gene Chaotic Vincent. Après moi, le rock'n'roll. Le déluge c'est ici et maintenant et tout de suite. C'est un gamin. Qui a mal grandi, avec une guibole accidentée. Et qui refuse de se soigner. Il faudrait une amputation, il pose un morceau de sparadrap, il connaît le remède, se trouve en vente libre dans tous les stores de quartier : un coca-cola de jouvence. Les indiens la surnommaient l'eau de feu et assuraient qu'elle rendait fou. La panacée miraculeuse. Selon Vincent. Vous pouvez l'accompagner de petites pilules de votre choix. Plus besoin de perfusion à l'hôpital si vous optez pour une alcoolisation chronique. Il a un côté très américain. Armes et alcool en vente libre. Mais c'est un rebelle : n'a pas encore compris que le business est indexé sur le prix du dollar. C'est un homme floué qui foule le sol de la perfide Albion. Il a semé les graines du rock aux quatre vents, mais n'a pas fait gaffe aux corbeaux qui ont bouffé la récolte pendant qu'il chantait. La morale n'est pas respectée : c'est la fourmi travailleuse qui se fait plumer comme le stupide dindon de la farce. Essayez de garder votre équilibre psychologique avec de telles colères au coeur. Vincent est une bombe humaine en devenir, il marche au bord de l'abîme, mais la peur est derrière lui. Celui qui a tout perdu possède un immense avantage sur ses commensaux : il ne peut plus perdre.

 

Cochran aux States. Aujourd'hui l'on en aurait fait un surdoué de la guitare. On l'aurait envoyé dans une école spécialisée où on lui aurait fait subir la grande aseptisation. Dans les années cinquante l'on vous laissait vous débrouiller tout seul. Do it yourself ! A quinze ans il commence à être reconnu, il a tellement bidouillé le son qu'il a sa place dans le studio à côté de chez lui. C'est un bosseur. Mais pas comme une brute. Il réfléchit, il se pose des problèmes – comme beaucoup – mais il les résout -comme personne. A dix-sept ans il est déjà une figure d'autorité. Pas la grosse tête, le gars toujours prêt à rendre service, à vous montrer comment ça marche et à brancher sa guitare pour vous accompagner. Enthousiaste et pas méprisant. Serviable et efficace. Distribue ses idées sans compter, a real good guy. Sympathique, généreux, talentueux. Tout pour lui, intelligent et beau garçon.

numérisation0031.jpg

Pour la beauté nous n'insisterons pas. Collis non plus : se contente de noter qu'Eddie aurait aimé être appelé pour un film qui se passerait de ses talents de chansonnier. Une subtile manière de se démarquer d'Elvis tout en poursuivant un chemin assez parallèle ? L'on n'est pas dans l'imaginaire de notre postulant acteur : rêvait-il d'une bluette sentimentale, d'un western dont il était grand amateur ? Question sans réponse. Qui est mort ne verra pas.

 

Mais pour Collis, une chose est sûre. Cochran n'aurait jamais joué d'instinct, il aurait intellectualisé son approche. Comme sur scène. La différence entre Cochran et Vincent ? Inquantifiable. Ils n'habitent pas au même étage, l'un est un instinctif et l'autre un réflexif. C'est vraisemblablement en cela que résidait l'étrange alchimie de leur amitié. Aucun n'empiétait sur le territoire de l'autre. Le dynamisme de Cochran et la sauvagerie de Vincent proviennent de deux sources différentes. Deux tempéraments isolés. L'un peut être au plus haut et l'autre au plus bas. Qu'importe l'un relèvera l'autre et l'autre lui rendra la pareille la fois suivante.

 

Sur scène Cochran assure la fin de la première partie et Vincent la fin de la seconde. Il en a été décidé ainsi au moment de la préparation de la tournée. Il semblerait qu'au fur et à mesure que la tournée avance que le set d'Eddie remporterait plus de succès que celui de Gene. Encore que les goûts du plus grand nombre ne correspondent obligatoirement à la meilleure des estimations ! De plus les témoignages que Collis a pu collecter insistent pour la plupart sur la qualité du show de Vincent. Quoi qu'il en soit l'on susurre que Gene devrait s'effacer devant Eddie qui refuse sans ambiguïté. En fait, chacun a trop besoin de l'autre pour mettre en danger leur commune entente. Sans jeu de mot, ils se serviront à tour de rôle de nurse et de béquille.

 

Mais au-delà de ces explications psychologiques, il est un autre aspect beaucoup plus rock. Musicalement Cochran est le chef d'orchestre, la valeur sûre dont même Vincent ne saurait remettre les conseils en question, mais pour tout le reste, pour le côté borderline -walk on the wild side, Vincent est l'initiateur. Si Cochran respecte les coups de folie de son alter-ego c'est qu'il a compris que Gene réagit toujours d'après des situations difficiles qu'il a traversées dans un passé agité. Il y a une part de grande sagesse dans l'ouragan de la folie. Très étrangement beaucoup de ceux que Gene a pu exaspérer, voire profondément blesser, par son comportement erratique, avouent ne pas lui en vouloir et le comprendre. Certes les témoignages collationnés par Collis sont parfois postérieurs de plusieurs dizaines d'années aux faits incriminés, le temps est un grand guérisseur qui aplanit bien des aspérités mais ce qui est étonnant c'est que l'on ne trouve trace d'aucune pitié ou mépris envers le créateur de Lotta lovin'. Il est un point de fuite vers lequel tous les interviewes se rencontrent : l'immense artiste que fut Vincent.

 

L'après 17 avril pour Cochran est bancal. Collis énumère les rééditions de ses disques, insiste avec raison sur l'énorme travail archéologique réalisé par le label Rockstar, rappelle les reprises de ces morceaux des Blue Cheer à Sid Vicious en passant par les Who. La renaissance rockab des années 80 est trop légèrement évoquée : Matchbox a droit à quelques paragraphes mais les Stray cats sont occultés. Préférences et allergies personnelles de l'auteur ?

numérisation0026.jpg

Reste l'épilogue Vincent. La vie de Cochran se trouvant de fait enchâssée dans celle de Vincent, comme un reliquaire d'or pur qui renfermerait le coeur du chevalier invincible. C'est ici que le livre culmine dans une horrifique plénitude. Les dix dernières années de l'existence de Gene Vincent sont une apothéose déliquescente. Le sublime s'y mélange au grotesque. Vincent atteint à une grandeur skakespearienne, deux tragédies pour le prix d'une, Hamlett et le Roi Lear dans la même assomption vers la plus profonde déréliction. Tout y est plus accentué, nous abordons les montagnes russes de l'existence rock'n'roll. Déchéance charnelle et hauteurs métaphysiques. Vincent s'enfonce en lui-même, il ne noie pas son chagrin dans l'alcool, c'est l'alcool qui sombre dans le tonneau des Danaïdes de son mal-être.

 

Sur scène, pratiquement jusqu'au bout – et il n'arrêtera jamais de tourner – il est toujours le flamboyant universel. Il peut donner quelques concerts pathétiques, mais dans la série, il y en a toujours un ou deux qui emportent la mise. La fin est horrible, abandonné de tous et lâché par son corps. Il souffre d'asthme, parfois du sang coule de sa bouche et il se dégage une discrète odeur de charogne de sa jambe blessée, mais il reste debout, vaincu mais pas soumis. Il est de très fortes lignes dans lesquelles Collis analyse les belles images du documentaire de la BBC tourné en 1969. John Collis parle de la sérénité qui émane du visage de Vincent. Un homme revenu de tout, qui a jaugé le néant de l'ingratitude humaine, sans illusion et sans regret sur lui-même. Un Rimbaud de retour de sa saison en enfer mais qui n'en tire aucune gloriole. Une illumination bouddhique par la voie de gauche. Un homme qui a payé cash tout ce qu'il n'avait jamais acheté, mais qui reste fier du chemin accompli. Pour parodier Mallarmé, car la parodie est aussi l'arme cachée de la rock attitude, nous dirons que quand l'ombre menaça de la fatale loi son vieux rock'n'rêve, désir et mal de ses vertèbres, affligé de périr sous les plafonds funèbres, il a ployé son aile indubitable en lui. Répétons-le Gene Vincent est un des plus grands personnages de son siècle. La silhouette emblématique des rêves qui n'ont pas fui. Cygne Noir. Devant la sordide réalité du monde.

 

Damie Chad.

 

PS :Très beau livre, d'un anglais assez difficile pour les petits lecteurs de mon acabit. Les connaisseurs y retrouveront sinon in extenso du moins largement exposés des témoignages originaux dont le lecteur français ne connaît la plupart du temps que de brefs fragments, voire de lapidaires citations. Un très bel hommage à Gene and Eddie.

 

 

 

 

KRONIKROCK

 

COMPLEMENT DISCOGRAPHIQUE A NOTRE LIVRAISON 34.

APRES EMPRUNT A LA MEDIATHEQUE MUNICIPALE

 

numérisation0022.jpgABOUT LOVE. PLASTISCINES.

I COULD ROB YOU. BARCELONA. BITCH. CAMERA. FROM FRIENDS TO LOVERS. TIME TO LEAVE. I AM DOWN. ANOTHER KISS. PAS AVEC TOI. RUNNAWAY. YOU'RE NO GOOD. CONEY ISLAND.

 

Quand on voit la pochette, on a tout de suite envie de les aimer. Mais ne nous laissons pas guider par nos plus bas instincts, même si dans la sainte trinité rock le sexe arrive en première place. Félicitations pour le nom du groupe, à mi-chemin vers la référence de provenance Libertine et le rappel explosif plastique poupée barbie.

 

Font partie de la mouvance Kids Rock que nous avions présentée dans notre livraison 34. Elles ont grandi depuis. Sont même allées aux USA enregistrer leur deuxième album. Avec Butch Walker aux manettes et ce parti-pris de chanter en anglais. Sans doute un coup de marketing assez finaud, on fait semblant de viser le marché américain pour revenir par ricochet en France. Risqué, mais pas idiot. Elles ont un vieux briscard du métier, Maxime Schmidt qui travailla pour Dutronc et Hardy qui les cornaque. L'on sent un peu le produit préfabriqué, l'on vise la musique mais aussi la mode et les séries TV. Le rock est aussi une industrie.

 

Entre elles et ma modeste personne se profile un point commun : elles parlent l'anglais avec le même accent français que moi. Pour l'écriture – rimes faciles et stéréotypes éculés - ce n'est ni Keats ni Morrison. Mais est-ce vraiment important : pas besoin d'être poëte pour parler d'amour. L'important c'est de se faire comprendre. Et ma fois, elles y parviennent, genre jeunes filles libérées qui affirment leur libre féminité, elles sont assez convaincantes.

 

Le gros problème c'est la musique. Ou plutôt l'écoute du disque. Toutes les chansons ont l'insupportable défaut de se ressembler. Pas de hit majeur, ou simplement de temps en temps une rupture de climat. L'on s'ennuie très vite. Répétitif. A la limite ce sont les trois titres en français qui retiennent l'attention, non pas qu'ils soient meilleur, mais parce que l'irruption du french discours casse un peu la monotonie.

 

Les Plastiscines sont sympathiques et tendance. Tout pour plaire. Disque à caresser. Du bout des oreilles.

 

numérisation0021.jpgNICO TEEN LOVE. B. B. BRUNES.

SEUL OU ACCOMPAGNE. DYNAMITE. (D)ANDY. COLA MAYA. MA MODS. LALALOVE YOU. PEUT-ETRE PAS CETTE FOIS. BOUCHE B. M. LA MAUDITE. BLACK & BLUE. NICO TEEN LOVE. 1 / 4 D'HEURE. GARE AU LOUP. ILLUMINATIONS.

 

La même chose que les précédentes. Enfin presque, je ne parle que pour l'origine. Parce qu'ils possèdent beaucoup plus d'atouts. D'abord ils ont l'impertinence : on leur a reproché d'être un groupe pour adolescentes pré-pubères en chaleur dès la sortie de leur premier compact. Résultat : BB en grosses lettres sur le CD sur fond rose-couleur préférée des petites filles. Message subliminal pour les jaloux et les coincés du sexe.

 

Ensuite ils ont Adrien ( Gallo ) - guitare et chant. Mais ce n'est rien, c'est le stylo qu'Adrien manie comme un chef. Ne cite pas Ronsard par hasard. Cet ancien lycéen sait écrire. Mieux il possède un monde. Peuplé de personnages qui n'appartiennent qu'à lui, et une façon de les mettre en scène à coups de jeu de mots. Un humour potache, certes mais avec des brisures d'une concision exquise qui fleure une maîtrise de la langue peu courante dans les lyrics français.

 

Et cette manière un peu spéciale de chanter : il appuie sur les voyelles et non sur les consonnes. Est-ce inné, ou étudié ? Je n'en sais rien, mais cela procure déjà un son spécial qui classe les B.B. Brunes à part du restant des groupes français. Comme en plus derrière les autres se débrouillent pas trop mal, l'ensemble est plus qu'intéressant. Même si la musique est mixée un peu trop en arrière par rapport à la voix. Attention, il ne faudrait surtout pas étouffer le chant, mais trouver un équilibre.

 

Leur mise en boîte actuelle possède son danger, la possibilité d'une popérisation grandissante dans les futurs disques avec la tentation de faire des B.B. un groupe d'accompagnement ce qui permettrait au chanteur de se diriger doucement vers une carrière solo...

 

Mais nous n'en sommes pas encore là. Aux dernières nouvelles le groupe vient d'enregistrer quelques titres en anglais, après le succès de Blonde comme moi, ils ont osé sorti un clip des plus dépouillés, genre émission en noir et blanc de la BB( ! )C des années 65. Douche glacée pour ceux qui s'accrochent ou dénoncent les paillettes.

 

Un groupe à suivre, qui a su passer l'écueil du deuxième groupe, que nous mettrions en parallèle avec ce que Bijou avait tenté voici plus de trente ans sur le rock français.

 

Damie Chad.

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

SOUL BAG. N° 201.                                                                                                                                                                numérisation0020.jpg 

Janvier -Février- Mars. 2001.

Blues. Rhythm & Blues. Soul. Gospel. Funk. Zydeco.

 

On l'oublie un peu trop systématiquement. C'est la plus vieille revue française de la presse rock encore en activité, si l'on omet Rock'n'Folk qui parut en 1966, mais en trichant un peu, comme un rejeton prodigue de Jazz Hot. Eux ils sont partis de rien. Mais pas de n'importe quand. De 1968, un bon cru. Du bon temps des barricades et des gestetners encrassées par des stens qui vous goudronnaient les mains en moins de deux ( secondes ). Ce n'était pas très grave, ça faisait même un peu couleur locale puisqu'ils s'intéressaient à la musique noire. Maintenant il faut dire d'origine afro-américaine. A l'époque on levait les poings en déclarant black is beautiful !

 

Une poignée d'aficionados qui ont tenu contre vents et marées. Ont su persévérer, s'étoffer, se renouveler, et s'adjoindre une pléthore spécialisée de connaisseurs qui ne laissent rien passer. Croyez-moi, ce n'est pas pour rien qu'ils ont charge d'âme, à chaque livraison le sac est bourré jusqu'aux anses. Vous y trouvez toujours deux ou trois articles qui semblent n'avoir été écrits rien que pour vous, pour combler vos malsaines curiosités de fans maniaco-dépressifs à la recherche de l'info perdue. Comme gratte-papiers, ils n'embauchent que des pointures pointues. En plus ils les font trimer gratis ( pour une fois que les petits blancs travaillent pour les grands noirs, l'on ne va pas se plaindre ! ), car ce sont de vrais passionnés.

 

Ils gardent le meilleur pour la fin. 180 chroniques de CD, livres et DVD. Une encyclopédie in progress à chaque numéro. Et tout ça, sans bruit et sans battage. Ont survécu à toutes les épidémies : progressive, hard, punk, garage, et j'en passe, aussi imperturbables qu'un riff de Muddy Waters. Amateurs de rock qui vous intéressez à vos racines, prenez l'habitude d'y jeter un ( énorme ) coup d'oeil, Soul Bag, ne vous décevra pas. Tenez page 46 l'on cite Sam Philips et Jerry Lee page 70, mais ce n'est rien comparés à Buddy Guy décliné sous toutes les coutures en un gros dossier irremplaçable. Ils vont même jusqu'à vous mettre du James Cotton dans les oreilles. Je vous le répète une mine d'or. Noir.

 

Damie Chad.

13/01/2011

KR'TNT ! ¤ 35.

 

KR'TNT ! ¤ 35

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES

A ROCK LIT PRODUCTION

13 / 01 / 2010

 

 

2009 : PREMIERE ANNEE

¤ 1 / 01 / 05 / 09 : Old School + Burning Dust

¤ 2 / 01 / 06 / 09 : Baston Général / Bill Brillantine

¤ 3 / 05 / 11 / 09 : Johnny Hallyday / Daniel Giraud

¤ 4 / 06 / 11 / 09 : The Bitter end / Steve Mandich

¤ 5 / 07 / 11 / 09 : Quand j'étais blouson noir / J- P Bourre

¤ 6 / 10 / 11 / 09 : Violent days / Lucie Chaufour

¤ 7 / 15 / 11 / 09 : Race With the Devil / Susan Vanecke

¤ 8 / 20 / 11 / 09 : Jull & Zio

¤ 9 / 01 / 12 / 09 : Gene Vincent / Rodolphe & Van Linthout

¤ 10 / 02 / 12 / 09 : The day the world turned blue / Britt Hagarthy

¤ 11 / 03 / 12 / 09 : A tribute to Gene Vincent / Eddie Muir

¤ 12 / 03 / 12 / 09 : Telstar / Nick Moran

¤ 13 / 05 / 12 / 09 : The story behind his songs / Thierry Liesenfeld

 

2010 : DEUXIEME ANNEE

¤ 14 / 20 / 01 / 10 : The man who Led Zeppelin / Chriss Welch

¤ 15 / 15 / 06 / 10 : Gene Vincent / Garrett Mc Lean

¤ 16 / 08 / 07 / 10 : Concert Vellocet

¤ 17/ 22 / 07 / 10 : Pas de charentaise pour Eddie Cochran / Patrice Lemire / Classe dangereuse / Patrick Grenier de Lassagne

¤ 18 / 16 / 09 / 10 : Gene Vincent Dieu du rock'n'roll / Jean-William Thoury

¤ 19 / 23 / 09 / 10 :Gene Vincent's blue cap / Dave Smith

¤ 20 / 30 / 09 / 10 : Graine de violence / Evan Hunter

¤ 21 / 07 / 10 / 10 : Devil's fire / Charles Burnett

¤ 22 / 14 / 10 / 10 : Cash / L'autobiographie

¤ 23 / 21 / 10 / 10 : Special Lefty Frizzell

¤ 24 / 28 / 10 / 10 : Eddy Mitchell

¤ 25 / 04 / 11 / 10 : French Rockab ( Burning Dust / Ghost Higway / Rockers Culture )

¤ 26 / 11 / 11 / 10 : Ghost Higway in Concert

¤ 27 / 18 / 11 / 10 : There's one in every town / Mick Farren

¤ 28 / 25 / 11 / 10 : Sonic Surgeon

¤ 29 / 02 / 12 / 10 : Elvis Presley / Urgent ça presse ! / Look books

¤ 30 / 09 / 12 / 10 : Eddie Cochran / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 31 / 16 / 12 / 10 : Patti Smith / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 32 / 22 / 12/ 10 : Feel like going home / Peter Guralnick / Urgent ça presse / Look Books

¤ 33 / 28 / 12 / 10 : Rock français / Philippe Manoeuvre / Concert / Urgent, ca presse!

2011.TROISIEME ANNEE

¤ 34 / 06 / 01 / 11 : Kids Rock / Busty / Urgent, ça presse !

 

 

TRIBUTE TO ROBERT JOHNSON

 

 

numérisation0017.jpgNotre rocky road blues serait-elle plus bluesy que rocky ? Il est à craindre que la route du rock ne nous ramène immanquablement au blues. J'ai connu le blues en écoutant Memphis Slim, à l'époque c'était notre bluesman national. He lived in Paris, mais c'était un grand qui avait connu les grands. L'a même croisé Robert Jonhson, c'est dire. Mais enfin le piano ( pardon ô Jerry Lee ! ) c'est un peu de la musique européenne. Le piano sonne plus blanc que noir. Si ceci n'est pas un mensonge... c'est une impression. Plus bourge que péquenot. Mais la guitare, ça c'était l'american instrument du pauvre ! On n'y peut rien, l'on a la tête mal faite, farcie de clichés.

 

Toujours est-il que lorsque j'écoute mon coffret The Complete Recordings de Robert Johnson, il me faut toujours deux morceaux avant de m'y mettre. Quel son de guitare aigrelet ! Ca pue le vieux et le mal enregistré. C'est que voyez-vous, comme beaucoup j'ai été mal élevé, trop gâté dès les débuts. Love in Vain par les Stones c'est du super vitaminé, surtout si vous avez seize ans et que vous écoutez sur un pirate qu'un copain a ramené direct d'Angleterre ! Ca vous classe un homme ! Quel son ! Quelle épaisseur ! Vous rentrez dans l'oeuvre de Robert Johnson par l'entrée marbrée érigée pour les touristes, alors lorsqu'en enfin vous vous retrouvez devant la misérable cabane originelle, ça vous fout un coup. De blues.

 

Oui, mais pour du blues, c'est du blues. De l'authentique et vous êtes vite pris dans l'engrenage. C'est Keith Richards qui demanda le nom du second guitariste quand Brian Jones lui passa son disque de Robert Johnson pour la première fois. Regardez les doigts de l'artiste sur la photo, pouvait balayer le manche entier d'une seule main et secouer la poussière de l'autre. N'allez pas chercher de signification scabreuse à I believe I'll dust my broom.

 

C'est cela Johnson, tout, tout seul. Un solitaire. Venu d'on ne sait où. Du ventre de sa mère, pour sûr mais la graine n'a pas été posée par le jardinier officiel. Famille plus éclatée que recomposée. L'a eu un mal fou à habiter son nom. L'a fini par choisir Robert Johnson. C'est ainsi qu'il est passé à la postérité. L'on se demande pourquoi. L'a tout fait pour aller à la vitesse d'une étoile filante. Et n'a pas laissé grand-chose derrière lui. Vivre vite et mourir jeune. N'avait pas fini d'inventer le blues qu'il avait déjà créé le rock'n'roll.

 

En France l'on possède moins que les ricains pour cerner le personnage. Dans les années soixante-dix, ils ont organisé une chasse à l'homme, une cavalcade de chasseurs de prime ont tenté de retrouver les traces du petit black au costume rayé. Nous on a que le bréviaire de Peter Guralnick qui a été traduit. Pour le reste, faut se débrouiller avec ce l'on ne sait pas. Notre seule consolation c'est que de l'autre côté de l'Atlantique ils n'en connaissent pas vraiment plus. D'ailleurs dans les trois-quart de son bouquin le Guralnick s'interroge sur le miracle. Comment diable, a-t-il pu rester en mémoire humaine souvenir d'un tel feu follet ?

 

Contrairement à la plupart d'entre nous Johnson avait pris soin de forger sa légende avant de mourir. Les Stones refourgueront le mythe d'une manière un peu plus évoluée. Sympathie for the Devil qu'ils l'appelleront. Avec même des semblants de petits yodels directement pompés sur King Hearted Woman Blues. Mais l'histoire de Satan qui lâche ses chiens sur votre piste et qui s'en vient vous apprendre la guitare au premier croisement, ça en a bouché l'imagination à plusieurs générations.

 

Rien que Clapton, pour commencer par le premier de la classe. Il a appris à poser ses notes, exactement comme Johnson, une espèce de fausse nonchalance dans la conduite alors que le moteur de la Terraplane grand sport tourne comme un moulin à café. Electrique. C'est aussi cela le génie de Johnson, il gratte sec mais vous entendez la fée électricité chanter. En plus – puisque l'on aborde le sujet – il chante aussi. Que voulez-vous Johnson c'est Keith + Jagger en même temps. Un seul, pour le prix de deux. Et même trois si l'on relit les paragraphes plus haut.

 

Mais une voix que Clapton s'est empressé de lui piquer. Qui a dit que l'on ne pouvait pas chanter de rock'n'roll lorsque l'on a une diction de jeune fille au pair ? Ce n'est pas pour rien que Cream s'est attaqué à Crossroad. N'ont d'ailleurs fait que réaliser le rêve de Johnson avec leur super groupe. A la fin de sa vie, jouait avec deux musiciens, le nom de Robert Johnson en gros sur la batterie.

 

C'est que si le nom de Johnson a survécu c'est qu'il était connu. A parcouru le delta de fond en comble, a même joué à New-York et est monté jusque au Canada. Walkin' Blues porte bien son titre. Des errances avec souvent un compagnon de misère, qui ne sont pas sans rappeler celles d'un Rimbaud et Verlaine. Mais attention en tout bien tout honneur. Du moins c'est ce qui n'a pas transpiré. Apparemment quand il invite à venir dans sa cuisine c'est au beau sexe qu'il s'adresse. Encore que le sexe a semblé l'intéressé davantage que la beauté. Un peu maquereau, notre Robert tout de même. Vous savez son costume rayé, devait avoir besoin d'être repassé. Soyons magnanimement freudien, Robert recherchait-il à coucher avec sa maman ?

 

Un peu trouble. C'est son côté Jim Morrison avant l'heure. Sur ses dernières années il ne dédaignait pas la bouteille non plus et même mieux s'il y avait. Sexe, drogues et rock'n'roll, un deux, trois c'est party après le concert. Suscitait l'envie et le désir. Se méfiait, voulait pas qu'on lui pique ses plans, cachait ses doigts ou tournait carrément le dos aux pros qui cherchaient à en savoir plus. Pour le désir, quand ça monte, on n'arrive pas toujours à stopper le lait qui déborde sur le feu ( au cul ). A été empoisonné par le mari jaloux d'une nana qui le reluquait d'un peu trop près.

 

Il avait tout pour lui. Un jeu d'enfer, une gorge qui crachait des couleuvres sans jamais en avaler une seule. Un organe flexible, une espèce de truc haut-perché qui ramonait dans les bas-fonds de l'âme humaine – Clapton a essayé mais il n'a jamais su se vautrer dans les inquiétantes souillures de la déréliction nègre. Trop blanc, trop petit garçon bien propret. Mais nous ne sommes pas ici pour dire du mal du british blues. Revenons à Robert.

 

Pas n'importe qui. A enregistré, certes après Son House et Charley Patton, ses deux premiers mentors. Mais une poignée de disques sur le marché et un hit, ne nous affolons pas 10 000 copies vendues dix ans après sa mort.... Mais l'on sentait – et dans le public et dans le milieu, qu'il était porteur de quelque chose. Mais de quoi au juste ? Dans son autobiographie Keith Richards esquisse une réponse : Johnson c'est un comprimé de Muddy Waters. Ce que Robert trafiquait tout seul, Muddy l'a refait avec un véritable groupe. Johnson c'était l'exode rural qui ne voit jamais le bout du chemin, et Waters les débuts de l'industrialisation.

 

L'on pourrait dire qu'il est venu trop tôt. Mais comme toux ceux qui étaient là au bon moment, il a façonné les bases du futur idiome. Restera important et incontournable, indétrônable et inamovible, puisque il a inscrit les tables de la loi. Né en 1911, Robert Johnson est mort en 1938. Elvis naquit en 1935. Il est inutile de donner davantage d'explications.

 

Reste à poser l'impossible question ? Et si Robert Johnson avait survécu ? Quelle eût été sa trajectoire ? Un quasi anonymat à la Charley Patton dans les années 60 ? Une discographie complète chez Chess Records ? Tous les phantasmes sont permis. On a supputé – tout comme pour Hendrix – qu'il se serait dirigé vers le jazz, d'autres ont insinué qu'il était prêt à jouer n'importe quoi pour satisfaire son public. Aurait-il délaissé le blues ?

 

En tout cas, nous, nous pensons que le blues ne l'aurait pas abandonné.

numérisation0014.jpg

Damie Chad.

 

 

 

ROCK CONTRE ROCK !

 

( … en réponse à l'édito du ¤ 33... )

 

OU L'ON VEUT RALLUMER LE GRAND INCENDIE

 

j'ai douté des détails, jamais du don des nues

 

Alors voilà, c'est la fin de Noir Désir. Pas grand-chose, juste une petite déception pour ceux qui pensaient pouvoir entendre encore la voix de Cantat se suspendre à la musique du groupe, pour ceux qui les aimaient. Nous n'allons rien vous cacher, nous aimions Noir Désir, leurs textes surtout. Ce n'est ici ni un hommage, ni une oraison que nous voulons écrire. Juste un constat, quatre ans de prison, une liberté conditionnelle et l'explosion de l'un des groupes les plus unis du rock français actuel. La justice, la répression, ne touche pas que les chanteurs de rock, elle fait tomber des dizaines de têtes, elle détruit la vie de toutes sortes de gens. D'habitude, d'ailleurs, ce sont plutôt les pauvres qui trinquent, qui apprennent à leurs dépens combien le couloir d'un palais de justice peut-être long, que parfois, il vous faut toute une vie pour l'arpenter, que parfois, vous n'en sortez jamais. Le plus souvent, il n'y a pas de caméras lorsque vous sortez de prison, seulement le monde qui a continué à tourner, qui n'a même pas cillé pendant que vous tourniez en rond entre quatre murs. Alors, on vous demande de vous réadapter du monde, de vous réinsérer. Mais se réadapter, ça veut dire quoi ? Réapprendre à longer les murs d'une centrale comme si elle n'existait pas, réintégrer ce putain d'engrenage qui vous a privé de plusieurs mois ou années de vie ? Sourire à l'assistante sociale qui avait recommandé votre incarcération et qui vous demande ce que vous allez faire maintenant, maintenant que vous avez purgé votre peine, que vous êtes un homme neuf, lavé, maintenant que l'on vous rend ce que l'on vous avait pris, c'est-à-dire tout ?

 

Alors, bizarrement, Noir Désir est mort. Pourquoi ? Parce que, peut-être, c'est le rôle de la prison que de détruire tous les liens qui liaient un individu au reste du monde, que de briser tout et de vous laisser seul, puni, avec votre guitare qui n'est plus une guitare mais un morceau de bois. Vous l'avez compris, nous ne partageons pas le jugement sévère de Damie Chad. Pour nous, Noir Désir, c'est du rock. D'ailleurs, n'est-ce pas hautement rock que de finir par zigouiller sa gonzesse, malgré la gloire jusque là accumulée ? En un sens, Noir Désir a bien porté son nom, jusqu'au bout. Et a bien tenu son rôle. Celui de mettre des vrais mots en musique, d'être capable d'écrire quelque chose qui ressemble à de la poésie, qui en appelle à la

littérature. Ce n'est pas seulement une prose rebelle à la Berrurier Noir ( forts sympathiques au demeurant), ce sont de vrais textes sanglants, puissants avec, parfois, de beaux éclairs inspirés. Politiquement, évidemment, c'est un peu facile de cracher sur la maison de disque qui a fait votre célébrité, c'est un peu facile de se la péter révolté jusqu'auboutiste aux victoires de la musique, mais bon, ils en ont quand même gueulé pas mal dans leur micro, ils ont fait fredonner à une bonne partie de la jeunesse française des choses pas particulièrement conventionnelles. Et puis, le Rock, est-ce que ce doit être vraiment, absolument, une institution à laquelle on doit constamment se plier, se référer, pour avoir le droit d'en faire partie ? La voix de Cantat qui se brise en chantant « et la victoire, caresse l'espoir, de ne nous appartenir ! », le côté sombre, désespéré, d'une musique suspendue dans ses contradictions avec le grand capital, pour nous, c'est bien plus rock que Téléphone. Téléphone s'est contenté de gazouiller des chansons pour midinettes françaises des années 80, Noir Désir a rallumé une flamme, produit quelque chose qui, certes, s'inspire beaucoup de la chanson française ( Brel, Ferré... ) mais qui collait parfaitement à son temps, à son public. C'est en ce sens que Noir Désir est rock. Elvis n'a pas craché sur sa major, il a bouffé du beurre de cacahouète. Et même si le riff ne fait pas le moine, même s'il y a certainement un aspect pop dans leur musique, on est bien loin des Beatles, on n'entend rien d'acidulé, rien qui nous donne envie de sucer bêtement des bonbons à la fraise. On danse sur le feu, on est pressé par Lautréamont, on écarte le rouge, on écarte le blanc, la seule couleur c'est noir brillant, on boit le sang de nos ennemis, on allume le grand incendie.

 

Nous voulions rendre à César ce qui est à César. Il n'était pas possible pour nous de voir Noir Désir enterré en trente lignes assassines. Alors, Mr Chad, même si vous avez certainement raison, même si Bertrand Cantat ce n'est pas Johnny Rotten, laissez aux jeunes des années 90-2000 le temps de pleurer un peu sur la tombe de Noir Désir, le temps d'oublier le battage scandalisé des médias et d'écouter encore une fois le bouquet de nerfs qu'ils nous auront laissé.

 

Feu, feu à toutes les musiques ! Feu, feu à toutes les prisons !

 

O. Murcie.

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

BLUES MAGAZINE. N° 59.

Janvier. Février. Mars 2011.

 

Petit format mais grande longévité. Presque quinze ans que ça dure et ils n'ont dévié d'un iota de leur ligne. numérisation0015.jpgPlus près du blues-rock que du blues rural, mais assez près d'une actualité made in France. Salut et déférence aux grands anciens certes mais suivi prolongé des nouvelles têtes. Un travail de fond, un peu lent le rythme de parution oblige, mais l'équipe réunie autour de Christian Le Morvan connaît son boulot et, chose assez rare en France... le blues. Pour vous en convaincre, allez faire un tour sur leur site et étudiez le sommaire des numéros précédents. Une véritable encyclopédie du blues vivant.

 

L'on tique un peu sur les premières pages, le compte-rendu de tous les festivals de blues de l'été. C'est loin, déjà ! De quoi vous refiler le summertime blues en plein hiver ! Mais l'on s'y fait, les articles ne sont ni trop longs, ni pesants. C'est juste après que les rockers boivent leur petit lait au southern comfort, un dossier de six pages sur Sun Records, on connaît par coeur, mais entendre une nouvelle fois la légende nous touche toujours autant...

A peine sorti des festivals l'on repart sur la route des festivals et puis sur la 66, pas la mythique, mais la tournée qui faillit se terminer très mal pour notre Johnny national que l'on aborde ici de biais, non pas par les coulisses, mais depuis la scène, avec Greg Zlap. Sacré Jojo, a toujours su choisir ses musiciens, que du beau monde, mais un harmoniciste bien de chez nous, un élève de Jean-Pierre Milteau, dont certains assurent qu'il aurait dépassé le maître. Un grand monsieur ce Greg Zlap qui ne tarit pas d'éloges sur le côté professionnel du roi Hallyday. Et courageux avec cela, car il ne va pas se faire que des amis dans l'intellingentsia française à couvrir de lauriers celui qu'il est de bon ton de ridiculiser à chaque interview.

 

Je ne le savais pas ( honte et confusion sur moi ) les choeurs masculins sur The Girl can't help it de Litlle Richard sont dus aux voix des Coasters. Plus qu'un groupe noir de Doo-Wop, avec derrière deux des plus fines gâchettes de l'écriture rock Leiber & Stoller, qui n'écrivaient pas que des chansonnettes. C'est un peu police partout et justice nulle part. Vous me direz que ça n'a peut-être pas changé, mais mettre ce genre de paroles à la fin des années cinquante dans la bouche de descendants d'esclaves, c'était plutôt osé.

 

Sautons quelques festifs pour arriver à Napoleon Washington, venu de Suisse avec trois albums sous le bras et pas sa langue dans sa poche quand il parle. A découvrir. Il reste encore plein de pages, un conseil attardez-vous sur les chroniques de disques, DVD et livres. Du solide.

 

Damie Chad.

 

 

LOOK BOOK !

 

(… une ancienne chronique de 2005, écrite pour une revue à haute visée littéraire ( ! )retrouvée par hasard dans l'ordinateur... )

 

M. EDDY ET MOI. ALAIN DUGRAND.

209 p. FAYARD. 2005.

 

Ca vient de sortir. Ce n’est pas un service de presse. M’y suis précipité dessus. Evidemment je suis fan. D’Eddy Mitchell, bien sûr. Pas d’Alain Dugrand, inconnu au bataillon jusqu’à ce jour. J’apprends avec effarement qu’il a reçu le prix Roger Nimier, le prix Paul Léautaud, le prix Louis Guilloux, qu’il a déjà publié une vingtaine d’ouvrages, et qu’il est lui aussi fan d’Eddy Mitchell. Comme cela nous aurons au moins quelque chose en commun.

 

Ne soyons pas méchant, le livre est assez bien fait. Je n’y rien appris sur Eddy Mitchell. Mais cela c’est normal. J’aurais pu en écrire la plupart des pages sans difficulté. Je me suis par exemple beaucoup amusé à reconnaître un par un les documents originaux sur lesquels Alain Dugrand s’est appuyé pour évoquer les aléas de la carrière de notre rocker national préféré. A la lettre M notre bibliothèque doit comporter les mêmes livres, les mêmes revues, les mêmes classeurs bourrés d’articles découpés avec le même soin maniaque…

 

Pour sûr je n’aurais jamais procédé comme lui, il est des décrochements chronologiques qui me navrent, des digressions – par exemple celle sur la famille Kennedy- qui me fatiguent, des insistances sur des broutilles qui m’impatientent, des manquements sur des points particuliers qui me choquent, mais tout cela n’est que roupie de sansonnet !

 

L’essentiel dans ce bouquin sur M’sieur Eddy, c’est le « et moi » qu’ils ont écrit en tout petit, en rouge tout de même, sur la couverture. Car le personnage principal reste avant tout Alain Dugrand. Je doute fort que le lecteur qui ne connaîtrait pas Eddy Mitchell s’en rende compte. Mais d’un autre côté quel intérêt pourrait pousser un quelconque quidam qui ignorerait tout du chanteur à acheter ce volume !

 

Chacun trimballe ses propres nostalgies. Celles d’Alain Dugrand sont si éloignées des nôtres ! Certes Alain Dugrand s’efforce à ne pas être dupe de lui-même. La jeunesse est une chose, pas question pour autant d’idéaliser les années soixante qui furent de plomb. A l’époque, la guerre d’Algérie a singulièrement rétrécit l’horizon des jeunes gens ! Le service militaire, la mort, les combats, la peur, la honte, l’OAS, tout cela a crêpé de larges bandes noires le drapeau multricolore des illusions perdues et saccagées… Quant aux années soixante dix elles furent un interminable tunnel, dans lequel notre écrivain semble avoir eu autant de mal que Mitchell à trouver sa place…

 

Par contre les années 80 auraient apporté éclaircies et longues journées ensoleillées. J’ignore dans quel monde Alain Dugrand a traversé les eigthies, mais sa disposition d’esprit n’est en rien comparable à la nôtre. Ce n’est pas parce que la carrière d’Eddy a atteint en cette période précise une amplitude qu’elle n’avait jusqu’à lors jamais connue qu’il faut oublier que c’est en ces deux funestes lustres que l’on a implanté avec succès et que se sont installés dans la tête de nos contemporains ces schèmes idéologiques de base qui président encore au déploiement planétaire du libéralisme marchand…

 

Ce livre d’Alain Dugrand nous a foutu un sacré coup de blues. D’abord parce que la jeunesse s’éloigne, et que le parcours d’Eddy Mitchell, comme celui de son biographe, comme le nôtre, s’apparente, par le seul fait que les ans s’empilent les uns sur les autres, davantage à une survie aléatoire de soi-même qu’à une marche triomphante. Ensuite et surtout parce qu’il n’y a rien que l’on puisse opposer à cet état des faits.

 

Sinon de nous replonger avec délice dans ce M’sieur Eddy et Moi d’Alain Dugrand.

 

DAMIE CHAD