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21/01/2011

KR'TNT ! ¤ 36.

 

 

KR'TNT ! ¤ 36

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES

A ROCK LIT PRODUCTION

20 / 01 / 2010

 

 

 

2009 : PREMIERE ANNEE

¤ 1 / 01 / 05 / 09 : Old School + Burning Dust

¤ 2 / 01 / 06 / 09 : Baston Général / Bill Brillantine

¤ 3 / 05 / 11 / 09 : Johnny Hallyday / Daniel Giraud

¤ 4 / 06 / 11 / 09 : The Bitter end / Steve Mandich

¤ 5 / 07 / 11 / 09 : Quand j'étais blouson noir / J- P Bourre

¤ 6 / 10 / 11 / 09 : Violent days / Lucie Chaufour

¤ 7 / 15 / 11 / 09 : Race With the Devil / Susan Vanecke

¤ 8 / 20 / 11 / 09 : Jull & Zio

¤ 9 / 01 / 12 / 09 : Gene Vincent / Rodolphe & Van Linthout

¤ 10 / 02 / 12 / 09 : The day the world turned blue / Britt Hagarthy

¤ 11 / 03 / 12 / 09 : A tribute to Gene Vincent / Eddie Muir

¤ 12 / 03 / 12 / 09 : Telstar / Nick Moran

¤ 13 / 05 / 12 / 09 : The story behind his songs / Thierry Liesenfeld

 

2010 : DEUXIEME ANNEE

¤ 14 / 20 / 01 / 10 : The man who Led Zeppelin / Chriss Welch

¤ 15 / 15 / 06 / 10 : Gene Vincent / Garrett Mc Lean

¤ 16 / 08 / 07 / 10 : Concert Vellocet

¤ 17/ 22 / 07 / 10 : Pas de charentaise pour Eddie Cochran / Patrice Lemire / Classe dangereuse / Patrick Grenier de Lassagne

¤ 18 / 16 / 09 / 10 : Gene Vincent Dieu du rock'n'roll / Jean-William Thoury

¤ 19 / 23 / 09 / 10 :Gene Vincent's blue cap / Dave Smith

¤ 20 / 30 / 09 / 10 : Graine de violence / Evan Hunter

¤ 21 / 07 / 10 / 10 : Devil's fire / Charles Burnett

¤ 22 / 14 / 10 / 10 : Cash / L'autobiographie

¤ 23 / 21 / 10 / 10 : Special Lefty Frizzell

¤ 24 / 28 / 10 / 10 : Eddy Mitchell

¤ 25 / 04 / 11 / 10 : French Rockab ( Burning Dust / Ghost Higway / Rockers Culture )

¤ 26 / 11 / 11 / 10 : Ghost Higway in Concert

¤ 27 / 18 / 11 / 10 : There's one in every town / Mick Farren

¤ 28 / 25 / 11 / 10 : Sonic Surgeon

¤ 29 / 02 / 12 / 10 : Elvis Presley / Urgent ça presse ! / Look books

¤ 30 / 09 / 12 / 10 : Eddie Cochran / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 31 / 16 / 12 / 10 : Patti Smith / Urgent ça presse ! / Look Books

¤ 32 / 22 / 12/ 10 : Feel like going home / Peter Guralnick / Urgent ça presse / Look Books

¤ 33 / 28 / 12 / 10 : Rock français / Philippe Manoeuvre / Concert / Urgent, ca presse!

2011.TROISIEME ANNEE

¤ 34 / 06 / 01 / 11 : Kids Rock / Busty / Urgent, ça presse !

¤ 35 / 12 / 01 / 11 : Tribute to Robert Johnson / Rock contre Rock / Urgent, ça presse ! / Look Books.

 

 

ROCK'N'ROLL REVOLUTIONARIES

GENE VINCENT AND EDDIE COCHRAN

 

JOHN COLLIS

 

( 230 pp. VIRGIN BOOKS. 2004 )

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Longtemps que je voulais lire ce bouquin. L'ai toujours vu stigmatisé comme un livre à thèse : comprendre trop partial ou exprimant davantage les idées de l'auteur que la réalité des faits. Il est vrai que le titre claque comme une bannière politique. Rock'n'roll Revolutionnaries, John Collis ne serait-il pas une taupe trotskiste, avec ces englishes intellos il faut se méfier !

 

Rangeons les drapeaux rouges dans la profondeur de nos poches. Cette biographie croisée d'Eddie Cochran et de Gene Vincent n'est en rien une analyse marxiste de l'apparition de deux purs héros issus du peuple en lutte contre la rapacité des multinationales qui s'engraissent sur la sueur des forçats chanteurs.... Le terme même n'est jamais repris dans le texte... Le lecteur rectifiera de lui-même, il ne s'agit pas d'une rock'n'roll révolution mais d'une rock'n'roll révélation.

 

Avant le soixantième millésime les anglais avaient été gâtés : Bill Halley, Buddy Holly et Jerry Lee Lewis étaient déjà venus prêcher la bonne parole rock, mais ce ne furent que feux de paille trop vite éteints, à peine arrivés, déjà repartis. Avec Cochran et Vincent l'on atteignit un paroxisme orgasmique. La tournée des deux compères eut le temps d'ensemencer le pays : de janvier à avril 1960... quatre mois qui ont révolutionné le rock anglais, car il faut être juste nos deux ostrogoths n'ont pas débarqué en terra incognita, une scène rock existait déjà depuis plusieurs années en Angleterre... d'ailleurs nos américains furent du début à la fin accompagnés par des musiciens autochtones qui s'en tirèrent plutôt bien. Ils en retirèrent même quelques leçons qui permit au rock national de brûler les étapes et de faire en quelques années jeu égal avec le grand-frère américain.

 

Cette tournée fut le big bang initial du rock british et marqua tellement les esprits que cinquante ans après ( donc l'année dernière, en 2010 ) une tournée hommagiale regroupant plusieurs combos accomplit une espèce de pèlerinage musical reconstitutif du charivari originel. Pour ne pas cuver notre dépit dans notre coin, nous petits français donnâmes les 19 et 20 novembre deux soirées du même acabit regroupant les Virginians, Erwin Travis et Thierry Lecoz. Nous vous en reparlerons. Mais revenons à nos lions.

 

Sautez allègrement le premier chapitre : certes l'intitulé est alléchant : La marche des Teddy boys. C'est un cours pour lycéen du genre : situation socio-écomique du monde occidental pour la période allant de la fin de la guerre à la fin des années cinquante. Merci monsieur le professeur, ouf ! L'école est finie !

 

Dépêchez-vous de tourner la page suivante, car à partir de là, tout n'est que bruit et fureur, la tragédie démarre sur les chapeaux de roue. Ce ne sont pas des conquérants qui foulent le sol de la perfide Albion en ce froid matin de janvier, plutôt des transfuges, des travailleurs émigrés qui s'en viennent voir si l'herbe des célèbres lawns est bien plus verte que celle de leur native grande prairie. Tous deux sont en panne : la carrière de Gene est au point mort, il est déjà un hasbeen de première catégorie, quant à Eddie, plus jeune, si tout n'est pas encore joué, sa maison de disques le verrait mieux en jeune premier de la chanson romantique pour petites filles sages qu'en rocker pur et dur...

 

L'on connaît la suite : le public était en quelque sorte acquis d'avance mais il ne s'attendait pas à une telle furie. Ce n'était pas un spectacle que délivraient les deux boys mais un nouvel art de vivre décliné d'une manière plus enthousiasmante par Eddie, plus tragique chez Gene.

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Vincent et Cochran. Ne tournons pas autour du pot. La question se pose : des deux quel est le meilleur ? John Collis ne l'élude pas. Il ne nous fait pas le coup de l'amitié indéfectible que rien ne pouvait détruire. Trop facile. Si la fatalité n'avait pas endeuillé la fin de la tournée qui oserait prétendre que Gene et Eddie seraient restés comme des frères dans les années qui suivirent ? Parfois les films se terminent trop bien au bon moment.

 

Parfois l'amitié est une question de survie. Tout dépend des circonstances extérieures. Et intérieures. Car chacun de nous transportons avec nous nos propres fêlures. Pour Eddie, elle porte un nom que l'on n'attendrait pas : le mal du pays. Au fur et à mesure que les jours passent, que la fatigue s'accroît, que la monotonie s'installe, Eddie prend certainement conscience de ce qu'il est. Pour sûr il adore la scène, les applaudissements, les cris des filles, les sifflets, toutes ces marques de ferveur dopent et dynamisent son égo. Mais point trop n'en faut. Ou alors l'idéal serait de rentrer toutes les fins de semaine à la maison. Sa maman lui manque. Sa chambre, sa guitare, deux ou trois copains qui viennent discuter à la table familiale, Eddie est un jeune garçon tout compte fait plutôt sage.

 

N'en faisons pas un retraité avant l'heure, non plus. A toute heure sa gratte le démange. Dans le tumulte de la scène et le tohu-bohu de la tournée, Eddie se cherche et se trouve. On stage, yes OK ! mais dans le corral du studio c'est là que réside la liberté de création. En lui tout est encore en gestation, il a déjà donné quelques chef-d'oeuvres mais tout cela n'est rien comparé à ce qui bouillonne en lui. Cette impatience artistique inassouvie mêlée au sentiment d'instabilité généré par les déplacements incessants se transforme parfois en angoisse. L'on a parlé de prescience de sa mort qu'il aurait manifesté plusieurs fois au cours de son séjour anglais. John Collis remet en cause les témoignages. Que ne ferait-on pas pour attirer ne serait-ce que quelques minutes les projecteurs de la gloire sur notre petite personne. Toutes les occasionnes ne sont-elles pas bonnes ? Les plus dramatiques permettent de mieux frapper les esprits.

 

Il est vrai que Cochran accompagnait ses autographes de la formule « Don't forget me » a posteriori très prophétique, qu'il a été extrêmement marqué par la disparition de Buddy Holly et de Ritchie Valens, mais pour notre part nous voyons en ces faits non pas seulement l'expression d'une peur panique de la mort mais la prise de conscience que le tourbillon existentiel jubilatoire qu'il était en train de vivre le coupait de ce pour quoi il était venu sur cette terre : la musique. Cochran était en train de se rendre compte que cette harassante tournée anglaise l'éloignait de ce qu'il considérait comme l'essentiel de sa vie d'artiste : la création.

 

Tout cela était sans doute encore diffus dans la tête d'Eddie. Il savait aussi savourer les bons côtés de son statut de rockstar. John Collis ne le précise pas, mais moi aussi je me doute de la manière dont devaient se terminer ses parties de strip poker organisées avec de jeunes filles consentantes dans ses chambres d'hôtel... Un jour la grande forme je m'amuse comme un fou, un jour la grosse déprime mais qu'est-ce que je fous ici ? Pas besoin d'être docteur pour pronostiquer un début de dépression, et une conduite un peu erratique... quel besoin d'inviter Sharon Sheeley à le rejoindre alors qu'il possédait tout un cheptel à portée de sa couche ! La pauvre Sharon s'est crue l'Elue de coeur, sans doute n'était-elle que la maman de substitution. L'on fuit les fatigantes brebis et l'on se jette dans la gueule de la louve... Il n'y a pas que Gene Vincent dans l'entourage d'Eddie qui se moquaient des prétentions de Sharon...

 

Puisque l'on parle du loup, venons-en à la bête noire de l'attelage. Le cas n'est peut-être pas plus compliqué. Mais il est plus grave. Sans le passage par la case taxi, l'on devine que Cochran, une fois rentré at home, aurait effectué le bon choix, lune de miel + rupture avec Sharon, sortie contre vents et marée d'un disque 100 % guitare, mise en boîtes de quelques futurs standards... la voie était tracée, il suffisait de suivre les pointillés... Mais pour Vincent le découpage était déjà fait. L'homme avait séparé sa vie en deux morceaux : face A, la scène, face B, la scène.

 

Non ce n'est pas une erreur de frappe. Dans les mathématiques Vincentiennes A = B et B = A, et tout le reste est égal à zéro. Dans la série je prends le live mais je ne retiens rien de la life, Vincent est sans équivalent. A la vie comme sous les spotlights je suis toujours sur scène. Ce n'est pas tout à fait le même rôle. Devant un micro je suis le roi des fous, à la maison, je suis le fou du roi. Idole d'un côté, idiot de l'autre. L'on ne guérit pas de la schizophrénie, à l'extrême limite vous pouvez donner le change. Tout dépend de quel côté vous regardez le profil de la lune, pas de chance, avec Vincent c'est toujours sombre.

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Un garçon sympathique, gentil, timide, poli, peu bavard. Les premiers anglais qui l'aperçoivent le trouvent falot. Toute sa vie Jack Good se vantera d'avoir été le premier à accoutrer Vincent d'un cuir noir. C'est un peu comme si vous alliez ouvrir la porte de la cage du crocodile qui sommeille et que vous soyez fier de l'avoir réveillé. Ce n'est pas de votre faute, vous pensiez que les gros lézards mangeaient uniquement des mouches. Bref Vincent vous lui donneriez le rock'n'roll sans confession. Le problème c'est qu'il l'a ingurgité depuis longtemps. Toute la partition. De A à Z, et que quand il va vous la jouer, ce n'est pas en sourdine. Vincent, un ange, trois paires de culottes dans sa valise et une auto-miniature en surplus. Un véritable enfant. Quoi de plus innocent ? Rien, à part qu'il a souvent les mains pleines d'une arme. Parfois à feu. Parfois blanche. Mais dans les deux cas, ça chauffe drôlement et vous n'y voyez que du noir. Et attention, ce n'est pas un sketch à la Alfred Jarry, avec Vincent c'est toujours un drame. D'ailleurs, ça finira par la mort. La sienne.

 

Mais nous n'en sommes pas si loin. Le livre est structuré comme un roman moderne. La tournée anglaise. Flashback pour les deux chapitres suivants : d'abord Vincent aux States, ensuite Cochran aux States, puis Eddie après le 17 avril, et l'on termine sur Vincent après la même fatidique date.

 

Vincent aux States c'est l'histoire d'un envol vite foudroyé. Vite fourvoyé. Vincent ne prend pas la bonne route. Il prend la route. Be bop a lula n'est pas à son zénith qu'il part en tournée. Un rocker se doit de chanter devant son public. Pas de minauder devant les caméras de TV. Arpentera les USA de long en large, fatiguera ses musiciens qui rentreront vite à la maison, en recrutera d'autres aussi bons mais qui finiront par démissionner. Pour les contrats, les papiers et les dollars, ça ne l'intéressera pas trop. Ne fera pas assez gaffe. Se retrouvera dans des histoires d'avocats. Pour le fric, d'autres se chargeront de le trouver. Gene Chaotic Vincent. Après moi, le rock'n'roll. Le déluge c'est ici et maintenant et tout de suite. C'est un gamin. Qui a mal grandi, avec une guibole accidentée. Et qui refuse de se soigner. Il faudrait une amputation, il pose un morceau de sparadrap, il connaît le remède, se trouve en vente libre dans tous les stores de quartier : un coca-cola de jouvence. Les indiens la surnommaient l'eau de feu et assuraient qu'elle rendait fou. La panacée miraculeuse. Selon Vincent. Vous pouvez l'accompagner de petites pilules de votre choix. Plus besoin de perfusion à l'hôpital si vous optez pour une alcoolisation chronique. Il a un côté très américain. Armes et alcool en vente libre. Mais c'est un rebelle : n'a pas encore compris que le business est indexé sur le prix du dollar. C'est un homme floué qui foule le sol de la perfide Albion. Il a semé les graines du rock aux quatre vents, mais n'a pas fait gaffe aux corbeaux qui ont bouffé la récolte pendant qu'il chantait. La morale n'est pas respectée : c'est la fourmi travailleuse qui se fait plumer comme le stupide dindon de la farce. Essayez de garder votre équilibre psychologique avec de telles colères au coeur. Vincent est une bombe humaine en devenir, il marche au bord de l'abîme, mais la peur est derrière lui. Celui qui a tout perdu possède un immense avantage sur ses commensaux : il ne peut plus perdre.

 

Cochran aux States. Aujourd'hui l'on en aurait fait un surdoué de la guitare. On l'aurait envoyé dans une école spécialisée où on lui aurait fait subir la grande aseptisation. Dans les années cinquante l'on vous laissait vous débrouiller tout seul. Do it yourself ! A quinze ans il commence à être reconnu, il a tellement bidouillé le son qu'il a sa place dans le studio à côté de chez lui. C'est un bosseur. Mais pas comme une brute. Il réfléchit, il se pose des problèmes – comme beaucoup – mais il les résout -comme personne. A dix-sept ans il est déjà une figure d'autorité. Pas la grosse tête, le gars toujours prêt à rendre service, à vous montrer comment ça marche et à brancher sa guitare pour vous accompagner. Enthousiaste et pas méprisant. Serviable et efficace. Distribue ses idées sans compter, a real good guy. Sympathique, généreux, talentueux. Tout pour lui, intelligent et beau garçon.

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Pour la beauté nous n'insisterons pas. Collis non plus : se contente de noter qu'Eddie aurait aimé être appelé pour un film qui se passerait de ses talents de chansonnier. Une subtile manière de se démarquer d'Elvis tout en poursuivant un chemin assez parallèle ? L'on n'est pas dans l'imaginaire de notre postulant acteur : rêvait-il d'une bluette sentimentale, d'un western dont il était grand amateur ? Question sans réponse. Qui est mort ne verra pas.

 

Mais pour Collis, une chose est sûre. Cochran n'aurait jamais joué d'instinct, il aurait intellectualisé son approche. Comme sur scène. La différence entre Cochran et Vincent ? Inquantifiable. Ils n'habitent pas au même étage, l'un est un instinctif et l'autre un réflexif. C'est vraisemblablement en cela que résidait l'étrange alchimie de leur amitié. Aucun n'empiétait sur le territoire de l'autre. Le dynamisme de Cochran et la sauvagerie de Vincent proviennent de deux sources différentes. Deux tempéraments isolés. L'un peut être au plus haut et l'autre au plus bas. Qu'importe l'un relèvera l'autre et l'autre lui rendra la pareille la fois suivante.

 

Sur scène Cochran assure la fin de la première partie et Vincent la fin de la seconde. Il en a été décidé ainsi au moment de la préparation de la tournée. Il semblerait qu'au fur et à mesure que la tournée avance que le set d'Eddie remporterait plus de succès que celui de Gene. Encore que les goûts du plus grand nombre ne correspondent obligatoirement à la meilleure des estimations ! De plus les témoignages que Collis a pu collecter insistent pour la plupart sur la qualité du show de Vincent. Quoi qu'il en soit l'on susurre que Gene devrait s'effacer devant Eddie qui refuse sans ambiguïté. En fait, chacun a trop besoin de l'autre pour mettre en danger leur commune entente. Sans jeu de mot, ils se serviront à tour de rôle de nurse et de béquille.

 

Mais au-delà de ces explications psychologiques, il est un autre aspect beaucoup plus rock. Musicalement Cochran est le chef d'orchestre, la valeur sûre dont même Vincent ne saurait remettre les conseils en question, mais pour tout le reste, pour le côté borderline -walk on the wild side, Vincent est l'initiateur. Si Cochran respecte les coups de folie de son alter-ego c'est qu'il a compris que Gene réagit toujours d'après des situations difficiles qu'il a traversées dans un passé agité. Il y a une part de grande sagesse dans l'ouragan de la folie. Très étrangement beaucoup de ceux que Gene a pu exaspérer, voire profondément blesser, par son comportement erratique, avouent ne pas lui en vouloir et le comprendre. Certes les témoignages collationnés par Collis sont parfois postérieurs de plusieurs dizaines d'années aux faits incriminés, le temps est un grand guérisseur qui aplanit bien des aspérités mais ce qui est étonnant c'est que l'on ne trouve trace d'aucune pitié ou mépris envers le créateur de Lotta lovin'. Il est un point de fuite vers lequel tous les interviewes se rencontrent : l'immense artiste que fut Vincent.

 

L'après 17 avril pour Cochran est bancal. Collis énumère les rééditions de ses disques, insiste avec raison sur l'énorme travail archéologique réalisé par le label Rockstar, rappelle les reprises de ces morceaux des Blue Cheer à Sid Vicious en passant par les Who. La renaissance rockab des années 80 est trop légèrement évoquée : Matchbox a droit à quelques paragraphes mais les Stray cats sont occultés. Préférences et allergies personnelles de l'auteur ?

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Reste l'épilogue Vincent. La vie de Cochran se trouvant de fait enchâssée dans celle de Vincent, comme un reliquaire d'or pur qui renfermerait le coeur du chevalier invincible. C'est ici que le livre culmine dans une horrifique plénitude. Les dix dernières années de l'existence de Gene Vincent sont une apothéose déliquescente. Le sublime s'y mélange au grotesque. Vincent atteint à une grandeur skakespearienne, deux tragédies pour le prix d'une, Hamlett et le Roi Lear dans la même assomption vers la plus profonde déréliction. Tout y est plus accentué, nous abordons les montagnes russes de l'existence rock'n'roll. Déchéance charnelle et hauteurs métaphysiques. Vincent s'enfonce en lui-même, il ne noie pas son chagrin dans l'alcool, c'est l'alcool qui sombre dans le tonneau des Danaïdes de son mal-être.

 

Sur scène, pratiquement jusqu'au bout – et il n'arrêtera jamais de tourner – il est toujours le flamboyant universel. Il peut donner quelques concerts pathétiques, mais dans la série, il y en a toujours un ou deux qui emportent la mise. La fin est horrible, abandonné de tous et lâché par son corps. Il souffre d'asthme, parfois du sang coule de sa bouche et il se dégage une discrète odeur de charogne de sa jambe blessée, mais il reste debout, vaincu mais pas soumis. Il est de très fortes lignes dans lesquelles Collis analyse les belles images du documentaire de la BBC tourné en 1969. John Collis parle de la sérénité qui émane du visage de Vincent. Un homme revenu de tout, qui a jaugé le néant de l'ingratitude humaine, sans illusion et sans regret sur lui-même. Un Rimbaud de retour de sa saison en enfer mais qui n'en tire aucune gloriole. Une illumination bouddhique par la voie de gauche. Un homme qui a payé cash tout ce qu'il n'avait jamais acheté, mais qui reste fier du chemin accompli. Pour parodier Mallarmé, car la parodie est aussi l'arme cachée de la rock attitude, nous dirons que quand l'ombre menaça de la fatale loi son vieux rock'n'rêve, désir et mal de ses vertèbres, affligé de périr sous les plafonds funèbres, il a ployé son aile indubitable en lui. Répétons-le Gene Vincent est un des plus grands personnages de son siècle. La silhouette emblématique des rêves qui n'ont pas fui. Cygne Noir. Devant la sordide réalité du monde.

 

Damie Chad.

 

PS :Très beau livre, d'un anglais assez difficile pour les petits lecteurs de mon acabit. Les connaisseurs y retrouveront sinon in extenso du moins largement exposés des témoignages originaux dont le lecteur français ne connaît la plupart du temps que de brefs fragments, voire de lapidaires citations. Un très bel hommage à Gene and Eddie.

 

 

 

 

KRONIKROCK

 

COMPLEMENT DISCOGRAPHIQUE A NOTRE LIVRAISON 34.

APRES EMPRUNT A LA MEDIATHEQUE MUNICIPALE

 

numérisation0022.jpgABOUT LOVE. PLASTISCINES.

I COULD ROB YOU. BARCELONA. BITCH. CAMERA. FROM FRIENDS TO LOVERS. TIME TO LEAVE. I AM DOWN. ANOTHER KISS. PAS AVEC TOI. RUNNAWAY. YOU'RE NO GOOD. CONEY ISLAND.

 

Quand on voit la pochette, on a tout de suite envie de les aimer. Mais ne nous laissons pas guider par nos plus bas instincts, même si dans la sainte trinité rock le sexe arrive en première place. Félicitations pour le nom du groupe, à mi-chemin vers la référence de provenance Libertine et le rappel explosif plastique poupée barbie.

 

Font partie de la mouvance Kids Rock que nous avions présentée dans notre livraison 34. Elles ont grandi depuis. Sont même allées aux USA enregistrer leur deuxième album. Avec Butch Walker aux manettes et ce parti-pris de chanter en anglais. Sans doute un coup de marketing assez finaud, on fait semblant de viser le marché américain pour revenir par ricochet en France. Risqué, mais pas idiot. Elles ont un vieux briscard du métier, Maxime Schmidt qui travailla pour Dutronc et Hardy qui les cornaque. L'on sent un peu le produit préfabriqué, l'on vise la musique mais aussi la mode et les séries TV. Le rock est aussi une industrie.

 

Entre elles et ma modeste personne se profile un point commun : elles parlent l'anglais avec le même accent français que moi. Pour l'écriture – rimes faciles et stéréotypes éculés - ce n'est ni Keats ni Morrison. Mais est-ce vraiment important : pas besoin d'être poëte pour parler d'amour. L'important c'est de se faire comprendre. Et ma fois, elles y parviennent, genre jeunes filles libérées qui affirment leur libre féminité, elles sont assez convaincantes.

 

Le gros problème c'est la musique. Ou plutôt l'écoute du disque. Toutes les chansons ont l'insupportable défaut de se ressembler. Pas de hit majeur, ou simplement de temps en temps une rupture de climat. L'on s'ennuie très vite. Répétitif. A la limite ce sont les trois titres en français qui retiennent l'attention, non pas qu'ils soient meilleur, mais parce que l'irruption du french discours casse un peu la monotonie.

 

Les Plastiscines sont sympathiques et tendance. Tout pour plaire. Disque à caresser. Du bout des oreilles.

 

numérisation0021.jpgNICO TEEN LOVE. B. B. BRUNES.

SEUL OU ACCOMPAGNE. DYNAMITE. (D)ANDY. COLA MAYA. MA MODS. LALALOVE YOU. PEUT-ETRE PAS CETTE FOIS. BOUCHE B. M. LA MAUDITE. BLACK & BLUE. NICO TEEN LOVE. 1 / 4 D'HEURE. GARE AU LOUP. ILLUMINATIONS.

 

La même chose que les précédentes. Enfin presque, je ne parle que pour l'origine. Parce qu'ils possèdent beaucoup plus d'atouts. D'abord ils ont l'impertinence : on leur a reproché d'être un groupe pour adolescentes pré-pubères en chaleur dès la sortie de leur premier compact. Résultat : BB en grosses lettres sur le CD sur fond rose-couleur préférée des petites filles. Message subliminal pour les jaloux et les coincés du sexe.

 

Ensuite ils ont Adrien ( Gallo ) - guitare et chant. Mais ce n'est rien, c'est le stylo qu'Adrien manie comme un chef. Ne cite pas Ronsard par hasard. Cet ancien lycéen sait écrire. Mieux il possède un monde. Peuplé de personnages qui n'appartiennent qu'à lui, et une façon de les mettre en scène à coups de jeu de mots. Un humour potache, certes mais avec des brisures d'une concision exquise qui fleure une maîtrise de la langue peu courante dans les lyrics français.

 

Et cette manière un peu spéciale de chanter : il appuie sur les voyelles et non sur les consonnes. Est-ce inné, ou étudié ? Je n'en sais rien, mais cela procure déjà un son spécial qui classe les B.B. Brunes à part du restant des groupes français. Comme en plus derrière les autres se débrouillent pas trop mal, l'ensemble est plus qu'intéressant. Même si la musique est mixée un peu trop en arrière par rapport à la voix. Attention, il ne faudrait surtout pas étouffer le chant, mais trouver un équilibre.

 

Leur mise en boîte actuelle possède son danger, la possibilité d'une popérisation grandissante dans les futurs disques avec la tentation de faire des B.B. un groupe d'accompagnement ce qui permettrait au chanteur de se diriger doucement vers une carrière solo...

 

Mais nous n'en sommes pas encore là. Aux dernières nouvelles le groupe vient d'enregistrer quelques titres en anglais, après le succès de Blonde comme moi, ils ont osé sorti un clip des plus dépouillés, genre émission en noir et blanc de la BB( ! )C des années 65. Douche glacée pour ceux qui s'accrochent ou dénoncent les paillettes.

 

Un groupe à suivre, qui a su passer l'écueil du deuxième groupe, que nous mettrions en parallèle avec ce que Bijou avait tenté voici plus de trente ans sur le rock français.

 

Damie Chad.

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

SOUL BAG. N° 201.                                                                                                                                                                numérisation0020.jpg 

Janvier -Février- Mars. 2001.

Blues. Rhythm & Blues. Soul. Gospel. Funk. Zydeco.

 

On l'oublie un peu trop systématiquement. C'est la plus vieille revue française de la presse rock encore en activité, si l'on omet Rock'n'Folk qui parut en 1966, mais en trichant un peu, comme un rejeton prodigue de Jazz Hot. Eux ils sont partis de rien. Mais pas de n'importe quand. De 1968, un bon cru. Du bon temps des barricades et des gestetners encrassées par des stens qui vous goudronnaient les mains en moins de deux ( secondes ). Ce n'était pas très grave, ça faisait même un peu couleur locale puisqu'ils s'intéressaient à la musique noire. Maintenant il faut dire d'origine afro-américaine. A l'époque on levait les poings en déclarant black is beautiful !

 

Une poignée d'aficionados qui ont tenu contre vents et marées. Ont su persévérer, s'étoffer, se renouveler, et s'adjoindre une pléthore spécialisée de connaisseurs qui ne laissent rien passer. Croyez-moi, ce n'est pas pour rien qu'ils ont charge d'âme, à chaque livraison le sac est bourré jusqu'aux anses. Vous y trouvez toujours deux ou trois articles qui semblent n'avoir été écrits rien que pour vous, pour combler vos malsaines curiosités de fans maniaco-dépressifs à la recherche de l'info perdue. Comme gratte-papiers, ils n'embauchent que des pointures pointues. En plus ils les font trimer gratis ( pour une fois que les petits blancs travaillent pour les grands noirs, l'on ne va pas se plaindre ! ), car ce sont de vrais passionnés.

 

Ils gardent le meilleur pour la fin. 180 chroniques de CD, livres et DVD. Une encyclopédie in progress à chaque numéro. Et tout ça, sans bruit et sans battage. Ont survécu à toutes les épidémies : progressive, hard, punk, garage, et j'en passe, aussi imperturbables qu'un riff de Muddy Waters. Amateurs de rock qui vous intéressez à vos racines, prenez l'habitude d'y jeter un ( énorme ) coup d'oeil, Soul Bag, ne vous décevra pas. Tenez page 46 l'on cite Sam Philips et Jerry Lee page 70, mais ce n'est rien comparés à Buddy Guy décliné sous toutes les coutures en un gros dossier irremplaçable. Ils vont même jusqu'à vous mettre du James Cotton dans les oreilles. Je vous le répète une mine d'or. Noir.

 

Damie Chad.

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