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16/09/2010

KR'TNT ! ¤ 04.

 

KR'TNT ! ¤ 04

ROCK'N'ROLL CLANDDESTZINE FLYER / N° 4 / 06 / 11 / 2009

A ROCK-LIT PRODUCTION

 

Pour ce KR'TNT ¤ 04 un article de notre rédac-chef écrit pour la revue de poésie LES FLECHES D'OR

 

TONIC GENE VINCENT... LA FIN AMERE

 

SWEET GENE VINCENT. THE BITTER END. STEVEN MANDICH.

ORANGE SYRINGE PUBLICATIONS. 180 pp. Septembre 2002.

 

La poésie ne s'écrit pas uniquement dans les livres. Certains la vivent tous les jours dans leur vie. Parfois même à leur corps défendant. Ce fut le cas de Gene Vincent. Le nom peut surprendre dans un opérazine beaucoup plus préoccupé de littérature que de musique mais le prince noir du rock'n'roll transcende tous les faux clivages de nos traditionnelles et segmentiques représentations mentales.

 

La fin amère, le livre porte bien son nom même si Steven Mandich permet à ses lecteurs de survoler l'existence entière de l'idole. Seulement à la page 8 nous sommes en 1960 et à la page 16 en 1966. Le bonheur passe toujours trop vite, c'est même à se demander si Gene Vincent a eu le temps de s'apercevoir qu'il lui filait entre les doigts. En 1959, l'on peut dire que l'histoire est déjà pliée. Seul Presley a les pantoufles au chaud. Vincent n'a pas le temps de négocier le virage. Pas de colonel à ses basques et pas de plan de campagne. Combat rock'n'roll, jour après jour. Notre handicapé de la Navy va passer de la dunette du vaisseau amiral à la chiourme de la galère sans s'en rendre compte.

 

C'est un commando de marine qui déboule en Angleterre. En une tournée Vincent et Cochran haussent le rock'n'roll anglais au zénith de l'intemporalité du mythe. Vincent est déjà venu porter la flamme en France l'année précédente. Il ne le sait pas mais il est en train d'inscrire le destin de son étoile pâlissante sur le sol européen.

 

Le rock est-il à peine né que les politiques et l'industrie du disque s'acharnent à le faire rentrer dans les clous. Fin 63, tout est consommé. Tout repartira, mais autrement, d'une autre génération. Ceux qui ont fait sauter les premiers le bouchon paieront les pots cassés. Il aurait été sage de rentrer à la maison et de faire autre chose. Vincent va s'obstiner. Ni la désaffection du public, ni la blessure à la jambe ne l'arrêteront. Dès 66, sa vie devient un impossible come back.

 

Que s'est-il passé, pour que lui-même en vienne à considérer sa première période comme une autre époque révolue, définitivement close ? C'est peut-être là que réside la grandeur tragique de Gene Vincent. Jusqu'à la fin, jusqu'au dernier jour il s'est toujours considéré dans la course, dans le mouvement. La nostalgie ne le corrode pas. Ses interviews ne témoignent d'aucune acrimonies envers les nouvelles impulsions données au rock'n'roll. Pour lui, tout est rock'n'roll. Il n'est ni puriste, ni sectaire, le rock'n'roll évolue, c'est normal et c'est tout.

 

Il laisse quatre trente-trois tours, parmi les plus beaux jamais produits, le Challenge qui nique le rock anglais sur son propre terrain. Les groupes britishs ont-ils jamais reçu une aussi grande leçon de maîtrise du chant et de l'orchestration que celle infligée par un morceau comme Bird doggin' ? Le I'm back and I'm proud ressert les plats côté américain. Il est dommage qu'à part Jim Morrison personne n'ait prit aux States la peine de l'écouter. Quant aux deux derniers, chez Kama Sutra, crépusculaires et féériques, ce sont deux joyaux inestimables.

 

Mais Vincent chante dans le désert. Les tournées foireuses s'enchaînent sans fin. Sans argent, harcelé par son ex, sans maison de disques, sans groupe de scène, Vincent est sur le fil. Il est porté à bout de bras par une poignée de fidèles, qui sont souvent mal récompensés. Les deux dernières années sont un enfer. L'alcool, la blessure, la solitude, la trahison, les promesses non tenues, Vincent encaisse. De plus en plus mal. La fin est pathétique, l'animal blessé rentre chez lui pour s'écrouler sur le seuil de sa maison.

 

A lire ces terribles pages, d'une manière insistante vient se superposer le récit des dernières années de la vie d'Edgar Poe. Gene et Edgar, sont deux frères de lait. Non pas l'illusoire sirop maternel que l'on tête au berceau, mais le poison noir de l'existence qui vous conduit à la tombe avant l'heure.

 

C'est un livre terrible que l'ouvrage de Steven Mandish. Factuel, aucune analyse romantisante, seulement la recension chronologique d'extraits d'interviews de témoins et d'acteurs proches.

 

Le livre s'achève sur la tombe. Point à la ligne.

 

A vous de mettre les actes des uns et des autres en perspective. Nous n'avons personnellement jamais pleuré la mort de John Lennon, un fan de la première heure, qui attendit que Gene ait disparu pour enregistrer Be bop a lula et ne fit jamais un geste malgré plusieurs rencontres... Rappelons que lors de leurs difficiles et obscurs débuts les Beatles furent le baking group de Vincent à Hambourg, ce qui contribua à les rendre populaires dans le milieu restreint mais irremplaçable des amateurs de rock... Bowie ne sort pas grandi du livre, lui qui reçoit Gene Vincent alors qu'il est en train d'enregistrer Ziggy Stardust, un album sur la gloire et la déchéance rock'n'roll, et qui préfère garder pour lui le morceau promis...

 

Il serait bon que le livre soit traduit en français puisque Gene possède encore une cohorte de fans non négligeable en notre pays. Appel aux bonnes volontés.

 

DAM CHAD

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