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27/02/2014

KR'TNT ! ¤ 178 : DAVE WYNDORF + MAGNUM MAGNET / WARLOCKS / AMENAZA TORMENTA / AKUPUNKTURA / FUCKING FUCKERS

 

KR'TNT ! ¤ 178

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

27 / 02 / 2014

 

 

DAVE WYNDORF + MONSTER MAGNET

WARLOCKS/ AMENAZA TORMENTA

AKUPUNKTURA / FUCKING FUCKERS

 

 

LA FLECHE D'OR / 08 - 02 - 14 / PARIS

 

 

MONSTER MAGNET

 

 

DAVE NE WYNDORF QUE D'UN OEIL

 

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Dave Wyndorf est un héros mythique des temps modernes, comme Odin l’était autrefois pour les guerriers nordiques.Il règne sur les galaxies soniques de son invention et sur nos oreilles. C’est l’empereur du rock de l’apocalypse, c’est-à-dire des écroulements de bâtisses dans des mers de flammes. Dave Wyndorf est l’homme de tous les extrêmes. Il réincarne une tradition autrefois très prisée, celle du seigneur barbare extrêmement raffiné. Traits fins, peau lisse, moustache en croc réduite à un fil, cheveux lissés et noirs de jais, bras de brute et bracelets hérissés de clous aiguisés.

 

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Son groupe s’appelle Monster Magnet. Trois lieutenants l’encadrent, deux guitaristes et un bassman. Il fait appel à de bons batteurs pour compléter le line-up. Dave Wyndorf porte des vêtements de cuir noir et une imposante Croix de Malte orne sa poitrine. Il nous observe à travers les verres opaques de ses énormes Ray-Ban noires à montures métalliques.

 

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Il balaye ses ennemis d’un simple revers de la main. Il ne craint ni le diable ni la fin des temps. Il cultive une sorte de space-rock insidieux. Il se plaît à pulvériser les distances et à concasser les décibels. Il ne jure que par la violence sonique et le viol de l’anti-matière. Le cuir de son pantalon est brodé de flammes.Sur le cuir noir de ses bottes danse la lueur des torches. Sa braguette est barricadée par de solides lacets. Dave Wyndorf peut lever des tempêtes soniques. Monster Magnet dégage plus d’énergie que Motörhead et Blue Cheer réunis. Et c’est bien peu dire...

 

Dave Wyndorf pourrait régner sur la terre, mais ça ne l’intéresse pas. Il ne vise que la démesure, la vraie, celle de l’espace. Deux mots sont bannis de son vocabulaire : frontière et loi. Plutôt que de taper du poing sur la table pour faire entendre sa colère, il préfère plaquer des power-chords sur sa guitare noire.

 

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Ce soir de février, nous entrâmes dans la Flèche d’Or comme dans un temple. Il y régnait une chaleur infernale. L’endroit était noir de monde. Tous les adeptes de Dave Wyndorf s’étaient donné rendez-vous. Ça nous paraissait même surprenant de retrouver Monster Magnet dans une salle aussi petite. Ils se sont rapidement installés sur scène, le gros Phil Caivano avec sa Les Paul brune au fond à droite, Bob Pantella derrière les fûts, cette grande perche fraîchement enrôlée de Chris Kosnick à la basse (et quel bassman ! - une sorte de sosie de Dennis Dunaway qui jouait dans l’Alice Cooper Band des années 70) et l’impressionnant Garrett Sweeny sous nos yeux, armé de sa Les Paul noire, bras couverts de tatouages et blouson denim sans manches marqué Motörhead/England dans le dos (comme ça au moins les choses sont claires). Puis Dave Wyndorf est arrivé dans une clameur. Assez petit, vêtu d’un blouson de cuir noir et l’œil perçant. On avait sous les yeux l’un des plus grands rockers américains vivants. Ils ont enfilé méthodiquement tous les morceaux de leur dernier album, «Last Patrol». Ils sont donc entrés par la dernière porte des enfers, la moins spectaculaire.

 

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Nous étions tous pendus aux lèvres de Dave Wyndorf, comme l’étaient les paysans égyptiens rassemblés au pied de l’autel du grand prêtre d’Osiris.

 

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«Last Patrol» est pourtant un disque assagi, par rapport à toute la pétaudière qui précède. Il démarre avec «I Live Behind The Clouds» suivi de «Last Patrol» qui sont des morceaux atmosphériques riches de leurs seules ambiances. «Three Kingfishers» est une petite pièce psyché que Dave Wyndorf se plaît à interpréter à la manière du ménestrel sommé de jouer pour un baron aviné et cruel. «Hallelujah» renoue avec les forges des enfers et Monster Magnet semble enfin déployer ses ailes. Des ailes immenses capable de cacher la lumière du jour. C’est même un stomp monolithique du delta. Dave Wyndorf sonne exactement comme le Muddy Waters des enfers. Il est vite rejoint par ces guitares juteuses qu’on adore par dessus tout, ce gras fluide qui tourbillonne dans l’air. «Mindless Ones» est monté sur un pounding digne d’Odin. On retrouve enfin cette bonne vieille bestialité intersidérale d’antan. Monster Magnet reste le groupe le plus puissant d’Amérique. Pour «The Duke Of Supernature», Dave Wyndorf retrouve ses accents chauds et graves à la John Kay.

 

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Mais c’est le rappel qui va mettre l’assemblée au tapis, et notamment une reprise de «Space Lord» absolument démente. Une rumeur monte du public qui psalmodie en même temps que Dave Wyndorf, cheveux collés au visage par la sueur : «I’ve been stuffed in your pocket for the last hundred days/ When I don’t get my bath I take it out on the slaves/ So grease up your baby for the ball on the hill/ Polish them rockets now, and swallow those pills.» (Je suis resté dans ta poche pendant les cent derniers jours, quand je ne prends pas mon bain, je m’en prends aux esclaves, enduis ta compagne de graisse pour le bal sur la colline, astique ses seins et avale ces pilules). Dave Wyndorf plonge son regard dans celui des filles du premier rang. Il les fixe intensément une par une, et soudain, il déclenche l’émeute cérébrale : «And sing... Awwww....Space Lord Motherfucker !» Communion d’un héros avec sa horde de fans sur fond de marche aux tambours lancinante. «I lost my soul when I fell to earth/ My planets called me to the void of my birth/ The time has come for me to kill this game/ Now open wide and say my name» (J’ai perdu mon âme quand je suis tombé sur la terre, mes planètes m’ont jeté dans le néant de ma naissance, le moment est venu d’arrêter ce jeu, maintenant ouvre ta bouche et dis mon nom : Seigneur de l’Espace Motherfucker !)

 

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Pour avoir une petite idée de l’extraordinaire pouvoir sonique de Monster Magnet, il suffit simplement d’écouter l’album «Monolithic Baby» enregistré en 2004. «Slut Machine» ouvre ce bal des vampires. Un violent gimmick détruit aussitôt les couches atmosphériques.C’est une architecture solide plantée sur des pieux d’accords saturés.L’infâme Ed Mundell qui était lead guitar à cette époque profite d’un break pour partir en solo, errant dans la tempête comme un Yéti virtuose.

 

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Dave Wyndorf connaît les arcanes de l’apothéose comme le fond de sa poche. «Super Cruel» est un stoner bien appuyé et aussitôt noyé dans le glougloutage.On croirait parfois entendre Dickie Peterson, l’autre mamelle de la barbarie sonique. Le refrain est battu à la cloche et le lieutenant Mundell s’élance pour enfoncer un pieu brûlant dans le cœur de ce morceau draculesque. Dave Wyndorf sonne comme un dieu des ténèbres. Il laisse chuinter la fin du refrain et retombe en faisant ooooh yeaaaahhh, comme s’il connaissait une extase chamanique.Il ne parle que d’enfer, de mort et de destruction - «Take me Jesus, take me Allah, rape me in your room !» (Prends-moi Jésus, prends-moi Allah, viole-moi dans ta chambre). Le refrain de «On The Verge» est une merveille de poésie nihiliste - «Got to dance in my own heaven on the verge of all out hell.» L’atmosphère du morceau reste à la fois sombre, plombée et éclatante. Dave Wyndorf emmène son équipe dans les accélérations suborbitales et la chose s’en va se désintégrer dans les étoiles.

 

Monster Magnet est un groupe qui nous fait voyager dans toutes les dimensions.Pas besoin d’aller au Futuroscope.«Unbroken» sonne comme un classique. C’est le genre de chanson qui traversera les siècles. «Radiation Day» est une horreur saturnale. Aussitôt après le gros gimmick, la purée gicle.Le rock de Monster Magnet sent l’ère glaciaire et le cuir.

 

Mais attention, voilà «Monolithic», introduit par une basse qui broute. C’est ce qu’on appelle un hit tentaculaire. La basse broute à longueur de couplet. C’est une pure stoogerie. Dave Wyndorf envoie la purée : «Monolithic baby ! Monolithic ba-by !» et le lieutenant Mundell fait son poisseux. Le second couplet est une autre merveille : «You’re from the suck generation/ like a dodgy with a bone/ You like your lame fuckin’ music/ You love talkin’ on your phone ! (Tu es de la génération pourrie, t’es un drôle de zig avec ton os à ronger, tu aimes écouter de la daube et parler dans ton téléphone). Et cette basse qui broute ! Infernal ! «You want a new load of garbage/ I’d love to drop it at your door/ You’re gonna eat it little piggy/ You always gotta have some more ! You’re stone monolithic ! (Tu veux encore de la merde, j’aimerais bien en déposer à ta porte pour que tu la manges, petit porc, et tu en voudras encore, car t’es complètement borné). Dave Wyndorf s’en prend aux mômes abrutis de la génération pourrie. Il ne leur fait pas de cadeaux. Il détache toutes ses syllabes pour que les kids visés reçoivent bien le message. Il enfonce ses clous d’acier à coups redoublés dans les chairs blanches des crucifiés.

 

«The Right Stuff» est une reprise de Robert Calvert. Voilà ce qu’il faut bien appeler une monstruosité sonique - «I’m the right stuff baby/ the right stuff». Pur génie. Puis de violents accords démonoïdes introduisent «Ultimate Everything». Les guitares sont saturées à l’extrême. C’est salement stompé. Voilà la plus heavy des bombes, un vrai stoner en rocher des Rocheuses - «And I’ll be laughing when they’re/ Singing the blues !» (Et je vais me tordre de rire quand ils vont chanter le blues).

 

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Leur premier album «Spine Of God» sonnait comme un sérieux avertissement. Ils exploraient déjà les dimensions impalpables de la mad psychedelia («Pill Shovel») et nous servaient sur un plateau d’argent du heavy circonstancié : «Black Mastermind» est un morceau encore plus gras qu’une côte de porc achetée chez Mutant. On entend les solos couler en permanence, un rêve pour les oreilles, le whawhatage se déroule à l’infini, encore plus gras et vicieux que celui de Jimi Hendrix. La morve fuzz coule à jets continus et croise des remontées de basse extravagantes. Puis ils font basculer «Spine Of God» dans l’horreur grandiose - Yeah Yeah - et Dave Wyndorf s’arrache la glotte, alors qu’un solo serpent s’enroule autour de son cou, et tout ça dans une fumée âcre. «Snakedance» est une chose furieuse et expéditive - «Go go go I’m so fucking stoned !» suivie d’un rouleau compresseur («Sin’s Good Man’s Brother») qui bat pas mal de records de monstruosité. Les hurlements sont sincères. On reçoit les accords comme des coups dans l’estomac et déjà Dave Wyndorf envoie ses ordres - Yeah Yeah Yeah !

 

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«25... Tab» date aussi de la préhistoire Magnetique. «Tab» s’étend sur une face entière et bien sûr ce truc est destiné aux forcenés du trip. Les autres peuvent aller voir ailleurs. Tu veux tripper Bob ? Alors Tab c’est pour toi. Avec Tab t’as tout. C’est du bon Bob. Vas au bout, Bob. Tab, c’est du brut. Tab c’est une bête. Et sur l’autre face, on tombe sur un trip battu sec à la Hawkwind, «25». Le batteur est mixé devant. On entend rarement ça. L’autre moment fort de cet album est «Longhair», un fier instro bardé de riffs bien gras et bien gluants et de guitares vibrillonnantes qui louvoient dans le graillon de la fournaise.

 

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«Superjudge» date aussi de l’âge de pierre. Voilà un disque bourré à craquer de heavy psyché de rêve. Dave Wyndorf réactualise le doom des sixties. Il nous gave de notes lourdes et lentes, suspensives et brûlantes. On frise l’indigestion avec des horreurs psyché comme «Cyclops Revolution», «Twin Earth» et «Superjudge». Alors que se déroule l’écheveau glouglouté de «Dinosaur Vacum», Dave Wyndorf chevauche son dragon à travers les rivières de feu. «Face Down» vous écrasera comme une punaise. C’est le vrai hit garage psyché doomique, violacé, vivace, revêche, clouté et transpercé de solos fumants.

 

Une chose est sûre : quand on écoute un album de Monster Magnet, on ne s’ennuie pas. Bien au contraire.

 

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On entre ensuite dans l’âge d’or Magnetique avec une série d’albums dont fait partie «Monolithic Baby» déjà évoqué.«Dopes To Infinity» est une véritable caverne d’Ali-Baba. Dave Wyndorf avoue qu’il voit par un trou dans la tête. Il mord ses lieutenants et il mord aussi ses chiens. Des solos s’écroulent dans une mer de lave. Avec «Dopes To Infinity» (morceau-titre), le ton est donné. L’emballement qu’on trouve dans «Negasonic Teenage Warhead» est celui de Jack Bruce qui chante «Tales Of Brave Ulysses». «Ego The Living Planet» est du heavy à la con et on prend des coups sur la tête. Ça explose dans certaines gares du cerveau, celles où les trains ne s’arrêtent jamais. Ça psychette dans les neurones. Ça flippe les billes d’acier. Hallucinant. Digne du Poinçonneur des Lilas. «Third Alternative» est le truc le plus heavy de tous les temps. Ça hurle tellement qu’on se croirait dans les caves de la Sainte Inquisition espagnole, la pire de toutes. Voilà vraiment l’Everest du heavy rock. Les Melvins peuvent aller se rhabiller. Black Sabbath aussi. Cette pièce d’heavyness est monstrueuse d’américanité. Il faut entendre Dave Wyndorf hurler ses fins de sometiiiiimes ! «I’ve ever known», battu par les vents noirs du néant et il hurle sans fin dans la tourmente. Ça n’en finit pas. Il faut reprendre son souffle pour continuer à écouter un tel album. «I Control I Fly» est un morceau dément de puissance. Voilà encore une pièce bombastique et whawhatée par derrière, emmenée par des énergies fondamentales et relancée par des coups de reins titanesques. Le son suinte par les écoutilles. C’est riveté à l’ancienne, stoogien sur la fin et magmaté à la whawha. Il n’existe pas de groupe américain qui puisse se mesurer à ça. À partir de là, Monster Magnet va nous gaver d’albums classiques.

 

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Comme «Powertrip», justement, qui s’ouvre avec le démoniaque «Crop Circle». Comme si un mauvais plaisant nous avait poussé dans le dos alors qu’on se penchait au-dessus du gouffre des enfers pour jeter un petit coup d’œil. «Crop Circle» serait presque du garage infernal mais il y règne une sorte de puanteur psychédélique : les solos de whawha sentent véritablement le brûlé. Dave Wyndorf chante cette énormité cabalistique qu’est «Space Lord» avec l’extraordinaire diction d’un gangster de l’espace : «You’ve been drinking my blood/ Well I’ve been licking your wounds.» (tu as bu mon sang et j’ai léché tes plaies). Il part en boogie-blues et soudain ça explose. Dave adore le delta. Il s’y ressource. Comme il est né sous l’eau, il s’y sent bien. «Bummer» sort des cavernes. Puissant et barbare. L’archétype rocheux et humide qui renvoie Black Sabbath dans le bac à sable. «You’re looking for the one who fucked your mother/ It’s not me, it’s not me !» (Tu cherches celui qui a violé ta mère, c’est pas moi !) Pur génie, une fois de plus. De toute façon, il vaut mieux s’habituer à l’idée qu’on rencontre le génie à tous les coins de rues, dans ce genre de disque. On dégringole dans les abîmes avec Dave Wyndorf, et franchement, ça vaut le coup. Dans «3rd Eye Landslide», on trouve l’un des refrains du siècle - «Talkin’ about a free ride !» Encore des traces de génie pur dans «Tractor» : «I’m driving the tractor on the drug farm - get down». Dave Wyndorf conduit son tracteur dans la ferme de ses rêves, il cultive les drogues et il chante avec des intonations à la Ian Anderson. N’oublions pas que Dave Wyndorf a fait une petite overdose en 2006. La dernière grosse pièce de cet album s’appelle «Atomic Watch». C’est monstrueusement évocateur. Il préfère rester dans son cratère en attendant les prochaines bombes nucléaires. «So lay me out in my crater/ And nuke me till I glow.» (Laissez-moi dans mon cratère et bombardez-moi jusqu’à ce que je rayonne).

 

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On grimpe encore dans les étages avec l’album «God Says No». Et l’effarant «Melt». «I’ll never trust myself again but I don’t care !» (Je ne me ferai plus confiance, mais je m’en branle !) Véritable classique. Break et solo liquide. Fantastique concasserie. «I could die yeah yeah !» L’hymne des pompes funèbres. C’est hallucinant de puissance atmosphérique et c’est perforé de solos vénéneux. «Heads Explode» est une bombe à retardement. C’est d’une puissance barbare sans égale. Ils brisent les reins des accords sur leurs genoux. Ce sont des brutes chevelues qui portent des bracelets de cuir clouté et qui sentent le fauve. La mort est leur muse, le doom leur âme et la barbarie leur credo. Ambiance crépusculaire avec «Doomsday». C’est à tomber dès les premiers accords. «Rip your wound a little wider/ So all the dirt can get it !» (ouvre encore un peu ta plaie pour faire entrer la saleté). Ils nous entraînent dans un vertige de génie dément avec des spirales de whawha. Ils réussissent à plomber la fin des haricots. «It’s absolute apocalypse, you stupid fucking cow !» En vrai seigneur, il traite son interlocutrice de putain de vache stupide. (Si John Kay était le diable, il nous chanterait «God Says No». Si c’est un clin d’œil à Steppenwolf, alors c’est réussi). Dave Wyndorf sort son bottleneck pour «Gravity Well». Il rote et du coup ça sonne comme Beefheart. Magnifique de primitivisme. «My Little Friend» est monté sur d’énormes power-chords bruts de fonderie. On se retrouve une fois encore avec une menaçante monstruosité sur les bras. Un véritable Assommoir qui ne doit rien à Zola. Le tempo de «Queen Of You» est beaucoup plus enveloppé, comme le sont les sabots des chevaux la veille d’un assaut. «Down In The Jungle» est un festival de trash Magnetique. Dave reprend les rênes du bestiau polymorphe pour une partie de garage gorgonnique digne de DMZ. On retrouve en effet le riffage Mono-Maniaque de «Jump On Me Mother». C’est un peu comme si on tombait dans l’essoreuse. Ce disque semble être une horreur planifiée par les plus hautes instances.

 

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Nouveau champ de mines fatal avec «4-Way Diablo». Le un qui donne son titre à l’album ne fait pas de prisonniers. Bien claqué à l’accord et fracassé par un solo torpille d’une extrême violence, un peu à la Wayne Kramer. Tout aussi violemment mortel, «Wall of Fire», lancé par une intro fulgurante - «I got a cock made of platinum !» Dave l’invincible sort sa queue en platine. À peine deux morceaux et on sent déjà une nourriture trop riche. Ils reprennent le riffage de DMZ sur «You’re Alive». C’est le riffage le plus violent de l’histoire du garage. «Cyclone» est plombé dès la première note. Une véritable horreur crépusculaire. Accords d’acier et voix d’airain. Le morceau semble avancer pas à pas, chargé d’armures. Il écrase les escargots. Dave nous plonge la tête dans le néant. On voit tout en technicolor. On sent souffler les vents du Nord. On sent l’immatérielle puissance de l’au-delà. C’est une énormité septentrionale. C’est l’un des rares morceaux de rock noir à pouvoir atteindre les limites du possible. Dave hurle dans les immensités mercuriales. On distingue l’hallucinante phosphorescence des choses à travers l’iris moucheté et la whawha coule comme la rivière sans retour. Derrière, ça bat comme un cœur fidèle. Ils reprennent le cultissime «2000 Light Years From Home» des Stones et l’expédient au firmament du space-rock. C’est du gâteau pour le prince des ténèbres. Il s’enfonce les syllabes dans le gosier et trace sa voie lactée. L’effrayant drumbeat de «No Vacation» réveillerait tous les morts enterrés au cimetière Montparnasse, y compris Pierre Louÿs et Baudelaire qui en ont pourtant vu des vertes et des pas mûres. «Feed the vampire !» Dave Wyndorf est donc un vampire ? Stupéfiant ! «Jump in the reactor and melt away !» Ils vont très loin dans le registre du boogaloo. «Solid Gold» est un superbe mid-tempo de grande ampleur, dingue, dur et diabolique. On assiste à une charge de mammouths dans l’instro «Freeze & Pixillate». La charge s’étend jusqu’à l’horizon. «Slap In The face» est une véritable agression - «You want to creep away/ Don’t even think about it !» (tu crois que tu vas pouvoir t’en aller en rampant ? N’y pense même pas). Sans foi ni loi. Dave se transforme en Max la menace et il ne fait pas bon traîner la nuit dans la rue.

 

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«Mastermind» bat de nouveaux records d’énormité. Plus heavy que «Hallucination Bomb» ? Ça n’existe pas. Heavy et fracassé par les solos d’Ed Mundell, dans la veine psyché heavy blues, pur jus Magnetique et les textes percutent les particules du néant de nos vies - «Always have the best hallucinations, baby/ Cobras and Fire» (Il faut toujours avoir les meilleures hallucinations, baby, des cobras et des flammes). «Bored With Sorcery» est stompé à la soudarde. Tempo démentoïde - «Baby I think I lost my mind/ I’ve been cryiogenic for a long long time !» (baby, je crois que j’ai perdu l’esprit, je suis resté au congélateur trop longtemps). Puissant et dévastateur. On ne se lasse pas de l’imaginaire de Dave Wyndorf, bardé d’images d’héroïc-fantaisy et de situations barbares transposées dans l’univers d’Alien. Il mord si bien le trait qu’il finit par incarner ses fantasmes. Il nous ramène au temps où la vie ne valait pas cher. Il transforme le plomb des ténèbres en or du rock. Dave Wyndorf est une sorte de Nicolas Flamel croisé avec Gou, dieu de la guerre et du fer travaillé. Il recrée une atmosphère mythologique pour «The Titan Cried Like A Baby» et on passe à cette abomination qu’est «Mastermind» - «Hey baby get in focus/I’m talking to you !» (Hey baby, regarde-moi bien, je te parle !). Toujours cette façon seigneuriale de rappeler les gens à l’ordre. Et puis cette méchante horreur nous sonne les cloches, au propre comme au figuré : «You gotta trust your mastermind/ And keep ringing that bell !» (Tu ferais mieux de me faire confiance et de sonner à ma porte). C’est sûr, baby, t’as vraiment intérêt à croire ce qu’il te dit et à sonner à sa porte. C’est carrément une injonction diabolique. Le drummer Bob Pantella emmène «100 Million Miles» directement en enfer. Il bat comme un fou échappé de l’asile, avec une violence jusque-là inconnue. Encore une pièce d’anthologie avec «Perish In Fire» : «Baby’s got a fuzzbox/ I think she should use it now !» (Ma copine a ramené une fuzzbox, elle devrait l’essayer tout de suite). Chaque fois que Dave Wyndorf beugle une phrase, il crache des flammes. Ce morceau est un hit planétaire, mais personne ne le sait. Le riff derrière est mortel, fausse fin et ça repart de plus belle. On trouve rarement des disques aussi denses. Encore un chef-d’œuvre heavy avec «When The Planes Fall From The Sky» et on retrouve le génie lyrique de Dave Wyndorf. Tout est bâti là-dessus, sur cette prodigieuse faculté de conteur. Il crée avec très peu de mots des atmosphères cinémascopiques - «Press the button baby/ Watch the bacon fry/ That’s the way !» (Appuie sur le bouton, baby, regarde comment le bacon rissole, ça se passe comme ça). Et c’est généralement suivi d’un solo dément, un torrent de lave qui éclaire la nuit. Personne ne veut croire que Dave Wyndorf descend d’une très ancienne lignée de seigneurs de la guerre et qu’il est aujourd’hui installé au sommet d’une tour si haute qu’on n’en voit pas le sommet.

 

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Les dévots Magnetiques auront aussi écouté l’album de démos paru en 1989. Dans des morceaux comme «Eight Ball», on sent les prémices du doom qui arrive. Ils essaient de se faire passer pour des brutes en chantant comme des soudards de l’antiquité. Petite reprise d’Hawkwind avec «Brainstorm» et joli solo de malade qui croise un solo de basse. Version historique. On trouve aussi sur ce disque un heavy blues digne de Blue Cheer : «Freakshop USA». C’est gras et lourd, et même plombé d’avance. Il existe aussi un bootleg live intéressant : «If Satan Lived In heaven He’d Be Me». On y retrouve les gros classiques comme «Atomic Clock», «Powertrip» et surtout «Melt», qui est l’un des gros hits Magnetiques, et certainement l’un des morceaux les plus puissants de l’histoire du rock. Ils semblent y fondre l’air du temps, ils y fondent l’essence même du rock. Sur la face B on retrouve dans «Crop Circle» des passages d’accords qui rappellent ceux de «Kick Out The Jams Motherfuckers». «God Says No» sonne comme du Steppenwolf. On retrouve aussi le fabuleux «Negasonic Teenage Warhead» qui sonne comme un hit de Cream, et puis «Tractor», pure stoogerie chauffée à blanc qui aurait très bien se retrouver sur «Vincebus Eruptum».

 

À la fin, on s’y perd. Parfois il vaut mieux se perdre. Il vaut mieux aller se perdre dans le cosmos, par exemple, en compagnie de Dave Wyndorf, plutôt que de rester planté là comme un con. Ce n’est pas très élégant de rester planté comme un con. Surtout quand il s’agit d’un con aux abois qui ne travaille que pour payer des impôts et qui attend son tour pour aller se faire greffer un foie tout neuf.

 

Signé : Cazengler, le cosmique troupier

 

Monster Magnet. La Flèche d’Or. Paris XXe. 8 février 2014

 

Monster Magnet. 25... Tab. Glitterhouse Records 1991

 

Monster Magnet. Spine Of God. Glitterhouse Records 1991

 

Monster Magnet. Superjudge. A&M Records 1993

 

Monster Magnet. Dopes To Infinity. A&M Records 1995

 

Monster Magnet. Powertrip. A&M Records 1998

 

Monster Magnet. God Says No. A&M Records 2000

 

Monster Magnet. Monolithic Baby ! Steamhammer 2004

 

Monster Magnet. 4-Way Diablo. Steamhammer/SPV 2007

 

Monster Magnet. Mastermind. Napalm Records 2010

 

Monster Magnet. Last Patrol. Spinning Goblin Productions 2013

 

Monster Magnet. If Satan Lived In heaven he’d Be Me.

 

Monster Magnet. Demos 1989. Ricca 1989

 

 

L'ABORDAGE / 20 - 02 – 14 / EVREUX

 

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LES WARLOCKS INTERLOQUENT

 

Il régnait une atmosphère de début de règne au palais impérial de Rock City. L’archiduc Von Bee et l’archiduchesse Sissi nous accueillirent sur les marches de l’immense perron. Un petit lévrier, pareil à un diamant noir, jappait et bondissait. Nos hôtes nous conduisirent aussitôt à la salle d’apparat dont les immenses poutres vernies s’harnachaient de mille lustres étincelants. Le parquet ciré nous incitait à une prudence extrême et bientôt nous fumes happés par un tourbillon de notes de guitares électriques viennoises du meilleur effet. L’archiduc leva l’index et une nuée de petits laquais noirs comme l’ébène accoururent vers nous, portant des plateaux chargés de caviar, «le meilleur de l’empire !» s’empressa de préciser l’archiduc, le sourcil arqué. Nous goûtâmes ces mets essentiels et nous sentîmes nos palais frissonner. Une nouvelle nuée de jeunes laquais noirs fondit sur nous, porteurs de petits flacons givrés et de minuscules godets de cristal qu’ils remplirent avant de nous les proposer sur des plateaux d’argent. «Vodka paillettes d’or !», clama l’archiduc avec une délectation non feinte. Nous sentîmes ce nectar des anciens dieux de Sibérie nous embraser le gosier et une bien bonne vague de chaleur remonta aussitôt des profondeurs de nos entrailles. Un extraordinaire bien-être s’empara de nos cervelles chavirantes et avant que nous n’ayons pu reprendre souffle, les petits indigènes nous tendaient de nouveaux godets remplis. Cette atmosphère de fête nous étourdissait pour de bon. Sur injonction de l’archiduc, un préposé jouait des singles de Charlie Feathers et d’obscures maniaqueries vaudou. Voilà ce qu’il fallait bien appeler un modèle d’hospitalité.

 

Nous nous rendîmes ensuite ensemble à l’Abordage pour assister au show des Warlocks, fine équipe de Californiens venue prêcher la parole du psychout intersidéral en cette rude contrée de Normandie. D’une certaine façon, les Warlocks évoquaient les missionnaires qui s’enfonçaient jadis tout seuls dans des forêts peuplées de tribus cannibales. Prêcher la parole de l’Évangile n’était guère chose facile en ces temps reculés, et prêcher aujourd’hui la bonne parole du psychout intersidéral, c’est peut-être moins risqué, mais les probabilités de succès sont encore plus réduites.

 

Mais d’où sortent ces courageux Warlocks ?

 

Ils ont débarqué sur nos rivages en l’an 2000, au beau milieu du revival garage, mais ceux qui voulurent les y amalgamer firent une grossière erreur. Le garage et les Warlocks, ça fait deux. Les Warlocks taperaient plutôt dans le psychédélisme marmoréen. Ce groupe californien se distinguait aussi par ses effectifs pléthoriques. Cette horde comprenait à l’époque de son arrivée parmi nous deux batteurs, au moins quatre guitaristes, des claviers, un sitar et une basse.

 

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Quand on examinait la pochette du premier album («Rise And Fall»), on ne pouvait pas s’empêcher de ricaner : «Ha ! Encore des hippies camés à la con qui jouent d’interminables morceaux foireux de vingt-cinq minutes !» C’est vrai qu’on gardait un très mauvais souvenir des albums du Grateful Dead.

 

Mais «Rise And Fall» fut une bonne surprise car c’est un excellent album.

 

Le chef de cette horde s’appelle Bobby Hecksher : cheveux noirs de jais et visage à l’ovale parfait. Bobby Hecksher a grandi dans les marécages de la baie de Tampa, en Floride. La nuit, on y entend des hurlements de fantômes : ce sont les chants de mort des guerriers Séminoles exterminés jusqu’au dernier par les tuniques bleues du Capitaine Wyatt. Bobby s’est ensuite installé en Californie pour naviguer dans les eaux troubles des milieux sectaires à forte odeur de soufre. Il monta paraît-il les Warlocks le jour où Anton LaVey cassa sa pipe.

 

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Des quantités de musiciens sont passés dans ce groupe qui aurait dû s’appeler The Spanish Tavern. Les effectifs ont fondu avec le temps et le groupe ne comprend plus aujourd’hui que cinq membres.

 

Bobby Hecksher a pas mal traîné dans les dope-parties de Thimoty Leary, l’autre mamelle de l’enfer californien. Bobby avale goulûment les acides et ça s’entend sur «The Phoenix Album», le second album des Warlocks. Si on veut se plonger dans un tiède océan de mantras psychédéliques régénérateurs, alors c’est le disque qu’il faut écouter. Ça commence en beauté avec un heavy doom intitulé «Shake The Dope Out» et qui, par son côté explicite et décidé, ravira les forcenés du tripping. On se retrouve immédiatement dans une rue de Chelsea, en 1967, chaussé des souliers mauves et scrutant les perspectives fluctuantes à travers des verres orangés. C’est avec délice qu’on s’immerge dans cette musique lancinante et rayonnante qui fait rejaillir le flot irisé des souvenirs de cette époque bénie des dieux. Les Warlocks sonnent comme les Spiritualized qui sonnent comme les Spacemen Three qui sonnent comme les Monster Magnet qui sonnent comme Hawkwind. Les boucles se bouclent à l’infini rougissant de nos chimères alambiquées.

 

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Pour la première fois, on entend dans «Hurricane Heart Attack» une guitare feuler à l’intro. Puis le morceau s’ébranle dans toute l’épaisseur frissonnante de sa gelée mauve et orange, un peu à la manière d’un Airplane qui aurait mangé des épinards. C’est furieux et bon, heavy comme ce n’est pas permis, balayé par des tornades fuzz qui déchirent l’azur du ciel californien. On plonge dans un océan de doom interstellaire. Ce qu’on entend monte et descend lentement sur un étrange balancement d’accords. Les accords ventripotent et cette monstruosité pantagruélique couverte de vase semble surgir des abysses lovecraftiennes. En plus, c’est secoué de coups de boutoir.

 

Le sitar sonne la charge pour «Baby Blue». Ce disque est idéal pour voyager. Nous voici arrivés sur le chemin de Katmandou, avec du khôl plein les paupières et des foulards de soie noués autour du cou. «Stickman Blues» est une nouvelle pépite fabuleuse, en dépit du côté déjà-vu de la structure rythmique. Mais enlevé ainsi, à la hussarde et avec les deux batteries en avant, ça épate. On note la présence du grand trippeur Sonic Boom des Spacemen Three sur ce morceau. «The Dope Feels Good» sonne comme une petite pop des catacombes. C’est une pièce entraînante et bien vue ponctuée de ces Ahh que poussent les mecs qui planent. C’est du vécu et on nous sert en prime le killer solo lévitatif de bonne augure. Dans «Moving And Shaking», des solos acides semblent ramper derrière les couplets. On hallucine pour de bon, cette fois. Et puis, on voit arriver l’attaque meurtrière des solos et on se protège comme on peut. «Inside Outside» nous refait le coup de l’Airplane revu et corrigé par Syd Barrett revu et corrigé par les EdenChildren revus et corrigés par le West Coast Pop Art Experimental Band revu et corrigé par Barry Melton. C’est une farandole extraordinaire de guitares qui sonnent comme des cornets de l’antiquité. On pourrait même appeler ça la musique du diable. C’est puissant, beaucoup trop puissant. C’est même du psyché de malade mental. L’étalon du genre. Ça peut pulvériser une cervelle fragile et c’est noyé d’harmo sur le tard.

 

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«Stone Heads» bascule dans la pop californienne de haut rang. Ça souffle, c’est excellent et ça sonne comme le hit dont les Byrds ont toujours rêvé, car ça éclate de partout, avec des bulles et de la réverb, une démesure psychédélique et des solos qui coulent comme des rivières de miel sur les blessures de la vie. Pure magie psyché empreinte des audaces de bord de gouffre. Folie à l’état pur. Du coup, on commence à prendre les Warlocks très au sérieux.

 

«Rise And Fall» est un album du même niveau. Hommage à Nico pour commencer, avec «Song For Nico». On y retrouve les accords de «Waiting For The Man» en plus joyeux. Avec le beau final en bouquet de distorse, on se retrouve en territoire ami. «Cocaine Blues» vire vite à l’andouille psyché. Admirable doom et solo délié dans un océan de tripes fumantes. Retour à la puissance avec «Caveman Rock», un rock californien épais, admirable, bienvenu, celui qu’on préfère car issu du fameux california hell, domaine d’un diable bronzé et source intarissable de mythes en tous genres. Pour ça les Californiens sont très fort : ils n’ont pas d’histoire - au sens où l’entend la vieille Europe - mais ils ont réussi à fabriquer du vertige temporel. Il est des gouffres au-dessus desquels vous devriez éviter de vous pencher, même par curiosité.

 

Autre monstruosité nichée sur cet album : «Jam Of The Witches». Nous voilà conviés au grand sabbat des sorcières et plongés dans une nuit d’Apocalypse à la Jerome Bosch. Effet garanti, pour ce qui est de la mad psychedelia. Peu de groupes savent offrir ce genre de trip mortel. En fin de face, ils rééditent l’exploit avec une autre jam, celle des zombies. On est littéralement emporté par une tempête sonique d’une rare violence. Pas de problème. On adore ça.

 

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Le meilleur album du groupe restera sans doute «Surgery», bourré à craquer de chansons inspirées, comme on en voit rarement passer dans le quartier. On sent une très grosse influence des Mary Chain, mais ça leur va plutôt comme un gant. Notamment sur des morceaux comme «Come Save Us» ou «Evil Eyes Again», petites pop-songs bien droniques plongées dans des atmosphères pesantes, et bien martelées par les dieux de la forge des temps anciens. «Evil Eyes Again» signale un retour au slow spectorié, presque du happy when you’re honey in the rain, ou un truc dans le genre, on les sent vraiment inféodés aux Écossais. «It’s Just Like Surgery» sonne aussi comme du bon vieux Mary Chain avec sa mélodie prise dans le chaos sonique. Ils ne s’embêtent pas. C’est vraiment bon et bien brouté par la distorse. Exceptionnel et déterminant. Et même emporteur de suffrages. Du coup on dresse l’oreille car ça sent le bon disque. «Gypsy Nightmare» est effectivement une perle, avec sa mélodie descendante. Le joli thème bien rabâché à la guitare grasse gonfle les voiles de notre mélancolie et nous emmène loin au large. Cet album plaira aux plus démunis. «Angels In Heaven Angels In Hell» fait pop sixties effarée-yeux-ronds du petit matin. Cette belle pop cligne des yeux dans le brouillard druggy des descentes de mauvais trips. Admirable de mélodie et somptueusement mythique, si l’on se réfère à l’esprit des nuits d’hôtel sans lendemain. Romantique et puissant, avec une couche de solo gras qui coule là-dessus comme une crème anglaise. On croit rêver et ça donne faim. On entend rarement des pop-songs aussi ambitieusement belles et puissantes. Autre surprise de belle taille avec «The Tangeant», joliment gratté à la sèche en intro mais vite rattrapé par une horrible guitare au son gras comme un saucisson du Rouergue. C’est une fois encore une jolie pièce inspirée, tant mélodiquement que dans l’esprit du temps. On retrouve ce bon vieux son dépenaillé qu’on aime tant et ce chant adolescent troublant et perceur de cœur. Bobby est très fort. Il balance de formidables giclées de fuzz sur les cuisses pubères de son chant. Ça s’écoule sur l’infinie pureté. Personne avant lui n’avait réussi un coup pareil. Et il nous sert en guise de cerise sur le gâteau un final paranormal. Jusqu’à la fin du disque, on reste en confiance, avec des morceaux étonnants et fiables qu’on écoute avec recueillement. Ces gens-là savent. Ils détiennent la connaissance. À leur façon, ils chamanisent le rock californien.

 

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Bizarrement, les Warlocks vont se tarir avec le temps. On aurait aimé qu’ils dégénèrent et qu’ils explorent les territoires du psychisme carbonique, mais apparemment, ils ont opté pour un son plus pépère qui évoque Yo La Tengo et des Mary Chain aseptisés. Pourtant, les titres des albums restent assez barbares, comme par exemple «Heavy Deavy Skull Lover» et les pochettes ne font rien pour favoriser la paix des ménages. Malgré son titre prometteur, «The Valley Of The Death» sonne comme une vieille rengaine de Led Zep. Avec son ouverture en arpèges trapézoïdaux, «Moving Mountains» semble vouloir rester immobile, en dépit de ce qu’indique le titre. La chose semble oubliée des dieux, un peu lointaine, comme si elle boudait dans son coin. C’est ouvragé, c’est vrai, mais on s’ennuie. On commence à bâiller quand soudain ça se met en route et malheureusement, on reste coincé. Ça vous est déjà arrivé de rester coincé en bâillant ? Ça fait horriblement mal. Il faut attendre que l’articulation de la mâchoire se remboîte. Et après, on se méfie, évidemment. Le problème, c’est qu’avec la suite, on bâille en permanence. Avec son ambiance frelatée, «So Paranoid» sonne comme du Yo La Tengo mou du genou. Heureusement, deux morceaux tapis sur la face B vont sauver l’album. D’abord «Slip Beneath», pièce de stoner montée sur une ligne de basse mastodontique et chantée en laid-back, un peu à la façon dont chante Jim Reid. Ils recréent cet immobilisme latent balayé par des vents de fuzz. Et le punchy «Zombies Like Lovers» contient les riffs de la révolution industrielle. On y retrouve le pulsif dynamique des vieux pistons en fonte à double détente. C’est le grand sauveur d’album qui arrive au triple galop, pareil au Septième de Cavalerie qui surgit du canyon alors que les Apaches commençaient à scalper les rares survivants de la patrouille du lieutenant Bascop.

 

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L’album suivant, «The Mirror Explodes», ne réveillera pas les morts. «The Midnight Sun» est un morceau de mad psyché qui semble avancer comme une coulée de gelée verdâtre sous le ciel orange du remake de King Kong. Ah ça pour avancer, elle avance. Mais il faut bien s’armer de patience. Bobby aime beaucoup les chansons mentalement retardées. Il retape dans les atmosphères jouissives jadis explorées par Yo La Tengo, dans ces brouillards mélodiques qu’ils nous jetaient dans les yeux - comme d’autres jettent de la poudre magique - et qui nous faisaient tous braire à la lune. On reste interloqué avec «Slowy Disappearing». Car Bobby n’a pas compris que cette musique était complètement dépassée. Elle n’intéresse plus personne, aujourd’hui. Cette forme de laid-back psychédélique a déjà été exploré en long, en large et en travers par les Telescopes, par les Spacemen Three, par Yo La Tengo et les Mary Chain, par Loop et donc le compte est bon. La messe est dite. Les dés sont jetés. Mais Bobby doit être breton. Il continue quand même. Vas-y Bobby, fais tes dooms et vautre-toi bien dans l’inutilité des choses. Avec «Standing Between The Lovers Of Hell», on réalise à quel point Bobby va mal. Sa pop doomesque semble s’extraire d’une chrysalide d’accords mortifères. Il parle d’incision dans le crâne. Son doom grouille de scarabées et sent la chair brûlée. Le morceau sauveur d’album se trouve sur la face B, un instro nommé «Frequency Meltdown». Morceau presque joyeux, avec une basse qui joue dans son coin. Parfois elle reprend le thème, mais le plus souvent, elle s’en éloigne et c’est généralement ce qu’on attend d’une basse : éloigne-toi du thème, vas cavaler dans les prés, sois folle, affirme-toi en tant que basse, libère tes énergies, défends tes valeurs, rejoins l’élite des francs-tireurs, ne te laisse pas enfermer dans le carcan social ni écraser par le poids de la morale jésuite.

 

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Et puis voilà que «Skull Worship» débarque chez les disquaires, du moins chez ce qu’il en reste. Joli gatefold psychédélique, mais une fois de plus, c’est un disque un peu mou du genou. Pour ceux qui aiment bien le mou du genou, c’est du pur bonheur. Pour les autres, la situation se complique. «Chameleon» sonne comme du Robert Wyatt. La voix de Bobby se réduit à un filet. On le sent las de la vie, prêt à lâcher prise. Il faut attendre la face B pour voir se produire un sursaut. «He Looks Good In Space» s’énerve un peu, monté sur un petit riff insistant. Bobby chante d’une voix faible et c’est peut-être ce qui finit par créer une sorte de charme intimiste. On aimerait bien pouvoir protéger le pauvre Bobby, lui donner un verre de jus d’orange et un peu d’argent de poche, pour au moins le voir sourire, mais les morceaux qui suivent sont tellement mauvais qu’on préfère laisser tomber. Que le diable l’emporte.

 

En entrant à l’Abordage ce soir-là, on priait les dieux pour qu’ils ne fassent pas la promo du dernier album, qui n’est pas très bon. Pourvu qu’ils tapent dans les trois premiers !

 

Si vous voulez obtenir des choses dans la vie, faites appel aux dieux. Vous verrez, ça marche à tous les coups, mais à une seule condition : ne pas se tromper de dieux.

 

Les dieux ancien de la Sibérie nous entendirent.

 

Trois guitares, basse, batterie, les Warlocks ne faisaient pas dans la demi-mesure. Bobby Hecksher semblait extrêmement timide. Il jouait sur sa jolie Gretsch de délicates structures psycho-byzantines. Malgré son look de rockstar, il conservait une bouille enfantine.

 

Coiffé comme William Reid, chétif et hanté, John Christian Rees tissait d’infâmes textures psychédéliques sur son Epiphone noire. Il jouait ses parties rythmiques avec flamboyance. De l’autre côté de la scène se dressait le spectral Earl V Miller, occupé à touiller des gargouillis spatio-temporels du meilleur effet sur sa demi-caisse noire. Son ombre dégingandée et ses mèches rabattues sur le visage donnaient aux Warlocks une touche sleazy très sayante. Christopher et George assuraient la fonctionnement d’une machinerie rythmique admirablement bien huilée. Il ne pas oublier que les Warlocks partent en voyage quand ils montent sur scène et ils emmènent pas mal de passagers, alors pas question de tomber en panne.

 

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Et pour le bonheur de nos oreilles bien réchauffées par la vodka de l’archiduc, nous entendîmes le meilleur choix de morceaux warlockiens. Nous nous régalâmes du heavy doom de «Shake The Dope Out», des tornades fuzz de «Hurricane Heart Attack», de la petite pop des catacombes de «The Dope Feels Good», des tripes fumantes de «Caveman Rock», du prodigieux clin d’œil au Velvet, «Song For Nico», du punch de «Zombies Like Lovers», enfin bref, on en vit de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres, des roses et des moins roses, on peut dire qu’on y vit que du feu, et qu’il y avait là suffisamment de répondant pour noyer toute révolte dans l’œuf.

 

Il ne nous restait plus qu’à aller s’envoyer un bon ballon de Carmélite chez la reine des espions et à trinquer à la santé des grands projets impériaux.

 

 

 

Signé : Cazengler, le warloqueteux

 

Warlocks. L’Abordage. Evreux (27). 20 février 2014.

 

Warlocks. Rise And Fall. Bomp Records 2001

 

Warlocks. Phoenix. Birdman Records 2002

 

Warlocks. Surgery. Birdman Records 2005

 

Warlocks. Heavy Deavy Skull Lover. Tee Pee Records 2007

 

Warlocks. The Mirror Explodes. Tee Pee Records 2009

 

Warlocks. Skull Worship. Zap Banana Records 2014

 

 

 

TRIBULATIONS D'UN ROCKER( II )

 

 

J'ai vendu la teuf-teuf mobile. Un très bon prix. Pour être exact, je l'ai échangée. Contre un avion. Un Airbus, un A 320. J'ai tout de suite voulu l'essayer. Je n'allais tout de même pas partir à Memphis ou à Nashville comme une vulgaire rock star. J'ai laissé la copine choisir la destination, elle a opté pour l'Espagne. Elle a regretté. Sans le savoir, on avait retenu un hôtel en plein milieu du quartier gay. Des dizaines de beaux garçons me jetaient des regards concupiscents. C'est ce que l'on appelle le prestige du Perfecto. Je ne sais pourquoi, la copine m'a fermement pris par le bras et extrait manu militari de ce guêpier de stupre et d'effondrement moral. Comme je chantonnais la douce chanson de Verlaine «  Je suis l'Empire à la fin de la décadence » elle a décidé de me changer les idées en m'emmenant visiter le Prado.

 

 

Faut me cultiver qu'elle a dit. Mais à la cinq cent soixante dix-septième mise au tombeau du Christ, il y avait déjà longtemps que j'avais enterré le christianisme et fait une croix sur la peinture espagnole. C'est alors que je lui ai rappelé que les grands maîtres du vingtième siècle avaient apposé leurs chefs d'oeuvre sur les pochettes des disques de rock'n'roll et qu'il était plus que temps de partir à la recherche de tels trésors.

 

 

Quelques cochranesques curiosités et une rareté vincenale plus tard, l'on s'est intéressé au sort de l'Espagne moderne. Une nation en pleine régression. Je ne parle pas de l'économie, parce que dans ce pays, comme dans tous les autres, heureusement les riches n'en finissent pas de devenir de plus en plus riches, mais du recul civilisationnel en train de s'opérer : une loi contre l'avortement en votation et un projet de deux ans de prison pour les vendeurs ambulants en préparation. Il est vrai que la pratique du premier méfait est en contradiction avec les saintes lois de la religion catholique et apostolique, et que les praticiens de la vente à la sauvette sont surtout des africains affamés qui n'ont pas eu le bon goût de chavirer en plein milieu de la Méditerranée comme leurs frères dont on retrouve les cadavres assagis et repus d'eau salée sur les plages maltaises.

 

 

Bref, allez savoir pourquoi, l'on s'est retrouvés dans un local de dangereux anarchistes. Z'avaient des tas de brochures, une bibliothèque de prêt, et plein d'expériences de luttes antisystémiques à raconter. Vendaient aussi des CD. Deux, trois euros. Production locale de groupes autochtones. Nul besoin d'être titulaire d'un diplôme universitaire de langue castillane pour comprendre à la noirceur des boîtiers que nous naviguions en zone punk. Dix minutes ne s'étaient pas écoulées que l'on nous rencardait pour un concert.

 

 

LA GATONERA / 21 - 02 - 14 / MADRID

 

 

AMENAZA TORMENTA / AKUPUNKTURA

 

 

FUCKING FUCKERS

 

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Karamanchel. Le quartier populaire par excellence. Loin du centre. Sans notre guide nous n'aurions jamais trouvé la Gatonera. Juste une porte ouverte dans une rue déserte. Mais il suffit de franchir le seuil pour changer de monde...

 

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Un peu d'étymologie pour mieux comprendre. La Gatonera c'est juste le contraire d'une ratonera, la souricière des souris blanches d'élevage vouées à l'expérimentation animale. Comprenez le symbole des hommes soumis à l'exploitation capitaliste. Ici dans la chatterie, tous les chats sont noirs et batifolent en toute liberté. Ont d'étranges coutumes un peu en opposition avec le monde des hommes dits civilisés. L'entrée est à trois euros, mais personne ne vous surveille. La recette est dans un grand verre au milieu de la table. Vous donnez ce que vous voulez. Tout compte fait, les choses n'ont d'autre valeur que l'importance que l'individu leur octroie. Si nécessaire, vous cherchez vous-même votre monnaie au fond du récipient. L'on vous rappelle... juste pour vous offrir en cadeau le CD d'Akupunktura.

 

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Tables à opuscules incendiaires et un gouffre noir qui semble descendre vers les entrailles de la terre. Un escalier aux marches inégales et très vite vous êtes à pieds d'oeuvre. La salle est assez grande et remplie de jeunes gens. Filles et garçons. Un mélange hétéroclite de cheveux courts, de tignasses ébouriffées, de crêtes iroquoises, des t-shirts aux slogans cinglants ou auréolés d'impressions explosives, des blousons de cuir ou en peau de bébés skaï, tous les genres sont un peu mélangés, du punk estampillé au hardos breveté, pas d'uniformisation, citations goths, psycko, bikers... chacun selon envie. Tout ce petit monde se côtoie sans problème, l'ambiance est fraternelle, respect mutuel et indépendance naturelle.

 

 

Au fond une espèce de stand, les gobelets sont larges comme des pots de fleur, les prix à discrétion, le service amical. Devant, la scène est encombrée d'instruments et d'amplis. Amenaza Tormenta ouvre le bal.

 

 

AMENAZA TORMENTA

 

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La tempête menace. Levez-vous vite, orages désirés ! s'exclamait le jeune Chateaubriand, mais il ne savait pas que son impatience n'était que la prescience de la révolution française qui avançait à grand pas. Amenaza Tormenta est sur le pied de guerre. Sont pressés, la contestation européenne émerge peu à peu et ils ont décidé d'en écrire la bande-son. Sont cinq, deux guitares, basse, batterie et un chanteur. Un hurleur, micro en main il arpente la scène à grandes enjambées, fait des sauts à toucher le plafond et court d'une extrémité à l'autre sans avoir peur de se fracasser contre les murs.

 

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Pour la musique c'est simple, un batteur locomotive qui n'arrête jamais, une basse qui envoie des ondes maléfiques et deux guitares qui ont oublié que l'on peut aussi jouer sur un tempo lent. La tempête menace. Vous voulez rire ! Vous êtes au coeur de l'ouragan, Eole lance ses coursiers et galope en tête de la horde sauvage. Le son vous enveloppe et secoue votre houppelande mentale. Déluge sonore. L'électricité flambe. La musique ne vous abasourdit pas, au contraire elle vous énergise. Pogo de fous au milieu de la salle.

 

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Chante en espagnol mais dans le souffle dévastateur de l'hurricane en action les paroles restent incompréhensibles, il est toutefois facile d'en saisir l'ironie mordante et l'urgence du propos. Ils ont des titres qui parlent d'eux-même : Tout et Maintenant ou Le Bonheur n'a jamais été Synonyme de Paix. Punk à fond et hardcore à bras le corps. Ne savent que foncer droit devant eux, una, dos, tres, le rythme sautille quatre secondes et la tornade déboule sans préavis. Inutile de chercher à vous sauver, vous êtes balayés comme des fétus de paille dans le chaudron du diable. Rock primitif mais à effet maximaliste. Ni trêve, ni répit. C'est la fin. Jouent si vite que l'on n'a pas vu filer l'heure. Le chanteur résume la situation en un seul mot : ANARKIA ! Jeté à la face du monde comme une menace bienfaisante.

 

 

AKUPUNKTURA

 

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Attention, ce n'est pas de la médecine douce. Changement de caisse claire, accordage des instruments et réglage des larsens en cinq minutes. Ne sont que quatre. Guitare, basse et batterie. Sur leur disque il y a un trompettiste en plus, mais manifestement ce soir ils n'ont pas besoin de lui pour sonner la charge. Plus un chanteur qui ne fait que chanter, bien sûr car sur ce genre de musique ultra-speedée vous ne pouvez être à la fois et sur la meule bruissante de l'instrument et sur les ailes d'airain du vocal. Faut un temps pour s'habituer, le temps nécessaire à l'élimination des acouphènes engendrés par le set de Amenaza Tormenta.

 

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Puertolas est à la batterie, une frappe sèche qui coupe et découpe le flux musical. Très vite le rythme s'affine et l'on comprend que l'on est face à un véritable architecte. Impulse ses plans, en un premier temps il désorganise le puzzle sonore et les cordes foncent dans le tunnel chaotique libéré sans se soucier de ce qui s'en suivra, mais il n'a mélangé toutes les pièces que pour en proposer brutalement une nouvelle reconstruction, ce qui permet au vocaliste de donner une nouvelle impulsion à son chant. Reprendre souffle et crier encore plus fort.

 

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La musique d'Akupunktura est méchamment élaborée – je ne veux pas dire préparée à l'avance. Au contraire elle avance comme une série de métamorphoses incessantes. Le serpent ne mord pas la queue de la linéarité métronomique, il n'en finit pas de changer de peau. Au passage vous pouvez reconnaître quelques motifs – reprises métal, écrasement punk, halètement hardcore – mais à peine avez-vous réalisé que basse et guitare vous propulsent en avant à toute vitesse jusqu'au prochain aiguillage.

 

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Dans la salle ça pogote à gogo. Les corps se rapprochent, se heurtent, s'expédient au loin et reviennent comme attirés par une force érotique trop puissante pour trouver un repos redouté. Micro en main Pablo attise l'ardeur de cette danse abrasive. Lui-même ne peut résister et il se lance dans le tourbillon dont il s'extirpera pour remonter sur la scène et crier sa rage et sa hargne à cent lieues à la ronde.

 

 

Nous laissent sur les rotules. La conscience dévastée par tant de colère déversée. Akupunktura nous a piqués au vitriol. La foule exulte et malgré l'heure avancée ils ont droit à rappel pharamineux.

 

 

FUCKING FUCKERS

 

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Etaient déjà sur un coin de la scène à s'accorder pendant le rappel d'Akupunktura. Deux guitares, une basse, batterie et Yto. L'est sûr qu'ils ne veulent pas prendre le train de la révolution en marche. Préfèreraient lui faire exploser la chaudière qu'arriver en retard. Tête rasée, yeux méchants, tatoués comme un guerrier maori, et atomes d'énergie irradiant de tout son corps, Yto mène le groupe.

 

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Musique à poings de fer fermés. Balancent rapide et dur. Yto à la voix de stentor surmonte toute l'instrumentation. Et pourtant, il y a un sacré guitariste qui malmène sa guitare juste à côté de moi. Lamine sec et sans arrêt. Je n'arrive pas à comprendre comment il peut envoyer tant de plans si différents sans aucune hésitation. Il enchaîne sans répit. Attaque en piqué et bombarde en même temps. Ses doigts rasent les cordes et décochent des missiles bourrés de TNT.

 

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C'est sur ce déluge de combustibles irradiants qu'Yto déverse sa haine. Ne se déplace que sur une moitié de la scène. Va et vient mais avec la régularité appliquée d'une mitraillette qui arrose consciencieusement son champ de tir. Force brute en action. Il invective les pogoteurs qui n'en peuvent plus mais qui se relancent dans l'entremêlement pandémonique des corps dégoulinants de sueurs.

 

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The Fucking Fuckers pratiquent le hardcore orgasmique. Déversent dans vos oreilles des tonnes de sons qui se transforment en barres de plaisir énergétiques qui se plantent dans votre cerveau pour vous faire accéder à la conscientisation active de la nécessité survitaminée de la révolte. Baisez le système avant qu'il ne vous baise. Le message est clair, mais l'urgence de sa réception absolue. Musique violente à l'image des pressions attentatoires que la société exerce sur vous.

 

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Les Fucking Fuckers vous attrapent dans leurs tenailles d'acier et ne vous lâchent plus, du début du set jusqu'à la dernière note. Impossible de vous échapper. Vous prennent dans le réseau de vos propres contradictions. Cette musique primale – que certains aimeraient définir comme primaire au sens le plus péjoratif de ce mot – qui en appelle aux pulsions quasi-pavlovtiques de la danse et du défoulement, et qui ne cache pas sa gratuité coroscante sous le sceau amoindrissant d'une iconique virtuosité incapacitante, vous force à réfléchir sur l'origine et l'essence même du rock'n'roll comme réaction de survie à des situations initiales d'oppression sociale et de dominations économiques.

 

 

LA GATONERA

 

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La Gatonera fêtait son sixième anniversaire. Il est à craindre qu'elle ne fasse point de vieux os. Sous prétexte d'un incendie dans un lieu similaire la Mairie brandit la menace sécuritaire. Les autorités aimeraient bien que de tels lieux de liberté et de musique sauvages disparaissent. On les comprend. Il ne faudrait pas que ces ilots où sont expérimentées des pratiques de vie différentes fassent tache d'huile. J'ai beaucoup aimé ce lieu d'électricité radicale où le rock est entré en résistance active.

 

 

Damie Chad.

 

( Photos de scène prises sur le facebook des grouppes ne correspondant pas au concert 

traduction en espagnol in KR'TNT 179 du jeudi 06 mars 2014 )

 

 

 

17/02/2014

KR'TNT ! ¤ 177 : SUBWAY COWBOYS / LES ENNUIS COMMENCENT / FESTIVAL PUNK DE MONT-DE-MARSAN

 

KR'TNT ! ¤ 177

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

20 / 02 / 2014

 

 

ATTENTION !

L'Ami Damie prenant une semaine de vacances cette livraison 177 du jeudi 20 février a été mise sur le site dès le lundi 17. Ne ratez pas pour cela la lecture de la livraison 176 ( Rock & Boat / King Baker's Combo / Everly Brothers ). La livraison 178 sera effectuée à la date attendue : le 27 février 2014. KEEP Rockin' Till Next Time !

 

 

SUBWAY COWBOYS / LES ENNUIS COMMENCENT /

FESTIVAL PUNK DE MONT DE MARSAN

 

 

MONTREUIL-sous- BOIS

 

14 – 02 – 14 / CROSS DINER

 

 

SUBWAY COWBOYS

 

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La teuf-teuf mobile mouline à quatre vents mais partir à huit heures moins vingt pour un concert à quatre-vingt kilomètres à vingt heures relève du défi. Vous parle pas des places de stationnements aussi rares dans le centre de Montreuil-sous-Bois que des billets de cinq cents euros dans mon porte-monnaie. Tout cela pour dire que lorsque nous pénétrons dans le Cross Dîner, les Subway Cowboys sont debout sur la scène, les bras ballants en train d'échanger avec le public. Arriverions-nous juste à temps ! Hélas, non ! S'apprêtent à signer leur CD. On a raté le premier round. Sur le moment l'on n'a pas mesuré l'étendue de la catastrophe. L'on en a profité pour serrer les poignes et faire les bises. Et puis avec Mister B l'on s'est commandé un super-croque américain avec un steack aussi épais qu'une porte de coffre-fort et aussi tendre que la nuit. Celle de Keats, point celle de Fitzgerald peuplée de cauchemars angoissants. L'on s'est immiscé dans la conversation du couple voisin, parce que voyez-vous les rockers ça ne respecte rien, même pas la Saint Valentin. L'on est comme Germain Nouveau, l'on préfère la Sein Valentine. On aurait presque remercié les Cowboys du métro de nous laisser au moins une heure de répit.

 

 

DEUXIEME SET

 

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C'est lorsqu'ils ont commencé à chanter que l'on a déchanté. On les a maudits et signalé par SMS leur nom à la mafia. Il y a des choses qui se font et d'autres non. La cruauté mentale je ne supporte pas. C'est que ce soir-là les Cowboys sont sortis du souterrain. Etaient habités par les Dieux. Tous les trois. N'avaient pas terminé leur deuxième morceau que déjà on regrettait notre absence du premier set. Nous ont ouvert une plaie au coeur, qui ne se refermera pas de sitôt. Un regret de plus que l'on emportera dans la tombe. Plus tard ils ont fait les modestes, se défendront, argueront qu'ils ont marché sur un tapis de braise ardente sans s'en apercevoir poussés par un public particulièrement réceptif et chaleureux. Sophistique diabolique qui dénoue les rapports conséquentiels des causes premières. C'est juste le contraire, c'est parce qu'ils délivraient de la splendeur en barre que le public les a ovationnés. Je plaide pour une culpabilité totale. Je vote la peine capitale. Exécution immédiate. Toutefois mon coeur magnanime commue la peine en travaux forcés, condamnation à donner à perpétuité de tels concerts.

 

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Maintenant je vous explique. Sont trois, je procède avec ordre et méthode. Le plus petit – ils lui ont sadiquement refilé le plus grand des instrus – c'est Matt. Un gamin vicieux. Doit lui chatouiller salement le clitoris à sa grand-mère pour qu'elle chantonne comme ça. L'avait tout pour être heureux, ses parents lui ont payé le conservatoire, et à peine ses études terminées il a mal tourné. L'aurait pu finir comme Rostropovitch mais l'a préféré jouer les caïds dans les groupes de blues comme The Swinging Dices tout en s'acoquinant avec ce gang de pistoléros connus dans toute sa Picardie natale comme la bande des Subway Cowboys. Faut entendre comme il abat les slaps sur la contrebasse. Un boxeur dans les cordes qui en prend plein le buffet pour pas un rond. Un mitraillage de première zone. Plonk ! Plonk ! Plonk ! King Plonk qui court à grands pas, la terre tremble sous ses pieds, et il arrache les arbres centenaires comme des brindilles solitaires. Et puis parfois, vous avez l'impression de vous trouver sur le passage d'un essaim en goguette. Des milliers d'abeilles bourdonnent à vos oreilles, le restaurant s'emplit d'un plaumk imperial et quasi-métaphysique, vous êtes sur les rives du Gange et des centaines d'ascètes essaient d'atteindre la vide cavité du nirvana en se laissant emporter sur les ailes de l'aum initial et transcendantal. La tempête s'achève et vous respirez.

 

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Pas pour longtemps. A cause de l'autre, le plus grand. Répond au prénom de Will. L'est au milieu. Pour ne pas trop se faire remarquer, des trois cowboys il est le seul qui porte un chapeau. L'a dû penser qu'en arborant le costume traditionnel de l'emploi, il deviendrait en quelque sorte anonyme. Le raisonnement se tient, mais alors dans ses cas-là, il faut rester discret, et ne pas la ramener à tout propos. Faut savoir la fermer. Mais lui il la laisse grande ouverte. Aussi large qu'une bouche de métro. L'aurait un minuscule filet vocal ça pourrait passer. Mais non possède un organe impressionnant. Avec cet accent texan inimitable. Suffit qu'il ouvre sa boite palatale pour que sa voix couvre toutes les conversations, et pourtant le bar est plein, on est tous les uns contre les autres comme les rangs de l'armée mexicaine qui montent à l'assaut d'El Alamo, serrés telles des fourmis cannibales sur une charogne de chacal abandonnée dans le désert. C'est simple, peut vous prendre l'accent d'Oxford, mais manifestement il préfère celui de Tupelo. Propose les différents modèles, du résonateur force cinq à la Johnny Cash au tremblé nasillard de Hank Williams ( le 1, le 2, le 3 au choix selon l'amplitude désirée ). Un véritable collectionneur de timbres. Un amerloque plus vrai que nature, un hankmerlrock !

 

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Les deux autres s'étant adjugé les deux premières places il a pris la troisième. N'est pas venu tout seul. L'a emmené sa frangine. Sont inséparables tous les deux. Font tous les coups ensemble. Surtout les jeux interdits. Des rapports quasi incestueux. Elle est totalement sous sa domination, la soeurette. Lui fait faire tout ce qu'il veut. Et l'en exige plus que la moyenne. Quant à elle, elle obéit au doigt et à l'oeil. Pas de caprice, il commande et elle exécute. Fidèlement. Une technique éblouissante. Lui, pas elle. Elle, se laisse mener, consentante sous les cordes qui la lient à son maître. Country, blues, jazz, tous les goûts sont dans la nature. Elle pourvu qu'on lui donne, elle rend au centuple. L'a des doigts de magiciens. Connaît tous les plans, le A, le B, et tout le reste de l'alphabet, le grec et le phénicien aussi. Sort toujours l'adéquat au bon moment. Les deux collègues font le mur du son. Dressent le gros oeuvre. Fab passe les enduits. Pas la pâte mollassonne tout terrain qui se craquèle dès que vous avez tourné le dos. De la finition spécialisée. Rebond garanti pour le squash à la Cash, glissando larmé à la larme de chaux vive pour les pleurs de Willie Nelson, élasticité permanente pour les secousses répétées de Jerry Lee, etc, etc... la liste des options est infinie. Mériterait le nom de guitar man.

 

 

Dans la salle personne ne se trompe. Les Subway font un tabac. Le milieu rockab ne s'est pas dérangé pour rien. La prestation au New Morning au dernier Rockers Kulture n'est pas tombée dans l'oreille de sourds muets. Sont venus chercher confirmation et ils font entendre leur contentement bruyamment.

 

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Les ai présentés séparément mais ils jouent ensemble. Un trio finement soudé. Chacun sait ce qu'il doit faire, et agit en contrepartie en toute sécurité. Subway Cowboys c'est tout l'Ouest américain ressuscité, suffit de fermer les yeux pour se croire en plein western ou alors en train de surveiller les troupeaux de long-horns à perte de vue. Un peu carte postale mythifiée et mythifiante. Alors on descend vers un sud plus authentique que ce soit dans les collines des Appalaches ou les marécages du Delta.

 

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Maîtrisent comme des bêtes. Pour fêter l'apparition ( plus tardive que la nôtre ) de Tony Marlow ils incluent une petite séquence jazz and swing. Nos cordiers s'en donnent à coeur-joie. Ils entrelacent à loisir les lignes rythmiques et mélodiques. Très vite ils reviendront à un répertoire beaucoup plus Honky T-rock. Rançon de la gloire, pour contenter le public, ils joueront longtemps.

 

 

BOEUF MUSQUE

 

 

Will reviendra vite sur scène. Ses deux acolytes blancs de fatigue reprenant quelques forces il joue quelques chansons en solo. Un beau Dylan, notamment, mais j'avoue que je n'écoute plus que d'une oreille distraite, panthère Karen, la programmatrice s'est assise à notre table pour nous signaler les futurs concerts.

 

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Devant l'insistance générale Fab et Matt remontent sur scène pour le boeuf final. Matt interprète tout seul à la contrebasse un étrange Allumez Le Feu qui prend des allures bien insolites de chanson réaliste du début du siècle, du coup à trois mais accompagnés par toute la salle qui reprend en choeur paroles et refrains ils nous livrent une version incendiaire de Gabrielle. Serait-ce la fin ? Non on a encore faim. Blanco et Vince du King Baker's Combo investissent la scène pour que la fête continue un peu.

 

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L'on a du mal à se quitter. Ne posez point de question sur l'heure légale de fermeture puisque l'on était en pleine ouverture. Les Subway Cowboys seront à l'Utopia ( Paris ) le 14 Mars.

 

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RETOUR

 

 

Dans la voiture l'on cause si ferme que par deux fois l'on néglige le bon embranchement. Sujet de conversation : guitare, guitaristes et qualité de jeu. Nous sommes d'accord sur les progrès réalisés par le groupe en moins d'un an ( voir KR'TNT 146 du 30 – 05 – 13 ) et plus spécialement par l'assurance engrangée par Fab à la guitare. Mais Mister B notre spécialiste guitare pense qu'il devrait hausser le volume lors des solos. Pour sonner, vu sa technique, comme Grady Martins. Si vous connaissez meilleur compliment, téléphonez-moi.

 

 

Merci au Cross Diner pour l'accueil, et à cette famille d'origine africaine à qui nous demandions notre chemin qui nous a gentiment passé sa carte de réduction.

 

 

Damie Chad.

( Photos : Chris Dixie Straet )

 

 

 

15 – 02 – 14

 

CAFE DE LA POSTE / M°BELLEVILLE

 

 

LES ENNUIS COMMENCENT

 

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Les ennuis commencèrent très tôt. A peine avais-je décidé de me rendre au concert que les difficultés se sont amoncelées. Tapez Café de la Poste, Paris, sur votre ordinateur et vous n'aurez que l'embarras du choix. Devant une telle pléthore de troquets ( shake, baby shake ) postaux vous comprenez qu'il va falloir la jouer finaud tel Oedipe devant l'énigme du sphinx. Dans la teuf-teuf mobile je ne la mène pas large, je sens une menace qui plane au-dessus de ma tête, un nuage noir invisible pire que la malédiction de la Maison d'Usher, chère à Edgar Poe. A ma grande surprise le trajet se déroule sans encombre. Je n'en suis que plus angoissé. Ne riez pas, car les rockers possèdent un sixième sens. Z'ont mis sur leur Facebook qu'il fallait se manier le popotin car le concert démarrait très tôt à vingt heures. Merdum, bombax, le quai du métro est noir de monde, et dans la sono la catastrophe se concrétise. Suite à des ennuis sur la voie, le trafic est appelé à subir de forts ralentissements ! Toutes les mêmes, sans doute une jeune fille désespérée que je n'ai point répondu à son sourire engageant qui de désespoir s'est jetée sous les roues du tromé ! Mais pour une fois les agents techniques ont fait leur boulot avec diligence, ils ont dû retirer les morceaux de viande en vitesse et éponger le sang liquide en cinq sec, car au bout de six interminables minutes d'attente, les voitures repartent comme si de rien n'était.

 

 

CAFE DE LA POSTE

 

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Huit heures 09, je franchis le seuil du Café de la Poste. Le matos du groupe n'attend plus que les musicos. Les tables ont été dégagées et ma foi, un assez bel espace a ainsi été libéré. Le comptoir est au fond à droite, il reste encore deux rangées de place assises. Peu de monde mais ça arrive. Longtemps que je voulais voir ce groupe, Les Ennuis Commencent, c'est attirant et tentant comme la poignée rouge des trains qu'il ne faut pas tirer, tout abus sera puni, mais vous êtes incapable de résister. Alors un jour vous cédez, et vous ne savez pas dans quel engrenage vous avez glissé votre petit doigt si innocent.

 

 

Une affiche sur le mur, Les Ennuis Commencent, Bonne Année Rock'n'roll ! Astro Rockabilly Mambo, avec un tel programme, l'on peut s'attendre au pire, ce sera le meilleur.

 

 

ONE SET

 

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Gus Tattoo est à la basse. Toile d'araignée sur le coude, sa contrebasse, aussi noire qu'un fourgon funéraire pour enterrement de première classe, jure un peu avec sa collection de tatouages de toutes les couleurs. Jouera les yeux semi-clos, imperturbable, en véritable shaman immobile qui sans bouger une paupière mène de son regard intérieur la danse du feu des métamorphoses. De l'autre côté Arnaud KLX ( Calixte pour les intimes ), tout de discrétion vêtu, derrière sa Fender Stratocaster ivoirine, de la répugnance à se mettre en avant, laisse le miaulement argenté de ses cordes parler pour lui. Trois immenses cymbales pour lui tout seul, Hugo le Kid au kit rouge, tout jeune mais déjà de grandes responsabilités, le moustique n'est pas mutique, c'est lui qui décidera des titres de rappel, l'on sent qu'il a su capter la confiance de ses aînés. A eux trois, ils forment le vecteur, mais à lui tout seul il est la bombe, Atomic Ben.

 

 

Bonjour on est un groupe de rock and roll, l'on va commencer par un blues. Atomic Ben, vous prend une mine désolée à vous faire haïr le blues jusqu'à la fin de votre vie. Mais il nous balance un John Lee Hooker, pas une ruralité appitoyante du fond du delta, non, mais un bâton de Chess, électrifié à la haute tension. Une interprétation à la Muddy Waters mais avec un avant goût prononcé à la Rolling Stone des débuts. Confirmation dès le troisième morceau, une reprise de Come On assénée à coups de maillet bienfaisants, certes un original de Chuck Berry, mais un titre emblématique des Pierres Roulantes.

 

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Entre temps, ils nous ont laissé fuir un All Shook Up du père Elvis, le groupe n'est-il pas inscrit dans la mouvance des rockabilly band actuels ? Atomic Ben se lance dans une déclaration fracassante : contrairement à ce que nous disons, nous ne sommes pas un groupe de rockabilly. L'a tout à fait raison si vos préférences penchent vers le pure roots rockab authentifié 1954-1958, et tout à fait tort si l'on se rapporte à l'esprit festif et rebelle de la bête originelle. Les Ennuis commencent ont un pied dans le blues, n'avez qu'à écouter leur interprétation hot de gamme de My Baby Left Me, un titre phare de Presley mais de d'Arthur Crudup à l'origine.

 

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Les Ennuis commencent sont difficiles à définir, pas vraiment rockabilly, mais pas non plus cent pour cent psycko, une forte dose de blues électrifié mais sans cet esprit de chapelle claquemurée qui a tant nuit à de nombreux groupes anglais des années soixante qui eurent un mal fou à sortir des lois du genre qu'ils avaient pourtant enfreintes avec plaisir par leur apport électrique, piégés qu'ils furent par l'appel d'une virtuosité instrumentale qui agit très vite comme un carcan. Au fond du style des Ennuis qui commencent, vous trouverez la saccade de Bo Didley mais dépourvue de l'aspect purement jungle – un concept difficile à élaborer vous retenez le sound mais vous rejetez le livre de la jungle. You can't jungle a book just by his cover pour reprendre un adage célèbre. Par contre vous gardez la folie de ladite végétation luxuriante. Des riffs de guitare à la Chuck Berry, pas le grattage original, plutôt les savage rules des versions enregistrées pour Mercury, débarrassées de leurs emprises blues, cet espèce d'arrière-fond mid tempo bluesy qui collait à la peau de Chuck malgré son parti pris country de ses débuts. Mais Atomic Ben possède un mot magique pour définir sa musique : Rock And Roll. C'est vrai que c'est un véritable sésame qui ouvre les portes de toutes les contradictions pourvu que vous ayez l'énergie nécessaire à son déploiement.

 

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Ne font pas que des reprises. Possèdent leur propre répertoire. Atomic Ben possède la manière de les mettre sur orbite. Cette jeune femme qu'il a tant aimée mais dont il lui a fallu se séparer car c'était une espionne soviétique, du coup l'en a écrit ce cri roboratif de frustration colérique qu'est The Soviet Secret Bomb, et tout à l'avenant. Entre deux explications désopilantes ils envoient la purée de riffs avec des gros grumeaux brûlants qui vous plombent l'estomac et vous cisaillent les tripes.

 

 

Et le public dans tout ça ? Remue, danse et jerke sans façon. Des blancs, des noirs, des jaunes, tous mélangés et tous heureux. Ca s'attroupe sec devant la porte d'entrée, grand sourire sur les visages et hop sans hésiter, les nouveaux venus s'agglomèrent sans façon à la transe générale. C'est que quand Les Ennuis Commencent vont au charbon, ce n'est pas à reculons – normal ils viennent de Decazzeville et vous abattent le boulot à ciel ouvert – viennent de l'Aveyron et croyez-moi, ça tourne rond.

 

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Savent pas s'arrêter. Dix fois le coup du dernier morceau. Et dix fois ils refont chauffer le riff à mille degrés. Lorsqu'ils s'inquiètent des amendes éventuelles pour dépassement d'horaire, c'est Kader le patron qui exige par trois fois un supplément. Nous on prend tout ce qui vient, une reprise flamenrock des Ricky Amigos – Ricky est présent dans la salle – clin d'oeil au rock alternatif, un Apache qui permet d'apprécier le jeu subtil d' Arno à la strat – une montée en puissance tout le long du set, les timides en confiance ne savent plus s'arrêter - et une reprise du groupe culte Jezebel, mais aussi une version de La Belle Saison des Dogs, et un Great Balls Of Fire, de Jerry Lou, le fou. L'éventail du rock and roll ouvert en grand.

 

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Mais les bonnes choses ont une fin, comme les bouteilles de sky, faut se quitter en emportant leur dernière galette que nous chroniquerons dans la prochaine livraison.

 

 

JEZEBEL

 

 

Une bonne soirée qui se termine par une agréable surprise, retrouvailles avec deux membres du groupe Jezebel, des toulousains, un des tout premiers combos qui ont préparé la renaissance rockabilly des années 80, en plein milieu des seventies. Ont une bonne nouvelle, retournent sur scène très bientôt avec Alex Mazzoleni, je vous refile leur adresse pour les amateurs de rockabilly : tapez jezebel rock blog, vous y arrivez de suite dessus.

 

 

RETOUR

 

 

La teuf-teuf comme une fleur. Quatre-vingt dix minutes plus tard je me couche. Caresse à la chienne sur le dessus de lit et je m'endors comme un bébé. Suis réveillé à six heures du matin pile. Le commissaire n'a pas l'air content. M'accuse d'avoir poussé sous le métro une jeune femme qui n'avait pas répondu à mes pressantes avances. Lui demande si par hasard ils n'auraient pas récupéré un morceau pour la chienne. Pique une colère et me passe les bracelets. S'apprête à m'emmener chez le juge lorsque ses yeux tombent sur Superfriends le CD des Ennuis Commencent. Son visage s'adoucit : «  Ah ! Vous connaissez les Ennuis Commencent, je suis fan, moi aussi. Evidemment, ça change tout ! » Il me retire les menottes et s'excuse de ce réveil impromptu. Avant de refermer la porte il m'adresse un clin d'oeil complice : «  La viande on l'a mise de côté pour la brigade canine, je vais voir ce que je peux faire, ce serait bien le diable si je n'arrivais pas à prélever une dizaine de kilos. Ne vous inquiétez pas, je m'occupe de tout. Ah ! la prochaine fois que vous irez les voir, prévenez-moi, on ira ensemble avec la voiture de fonction et le gyrophare. »

 

 

Décidément les ennuis continuent.

 

 

Damie Chad.

 

( Photos prises sur le facebook des artistes )

 

THIERRY SALTER

 

 

LE MASSACRE DES BEBES SKAÎ

 

 

PUNK ROCK FESTIVAL

 

 

MONT DE MARSAN 1976 – 1977

 

 

preface de Marc ZERMATI

 

 

JULIE EDITIONS / Novembre 1913 / 240 pp

 

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Me suis retrouvé dans ce livre. Non, je n'étais pas au festival de Mont de Marsan, ni au premier, ni au second. Surtout pas par antipathie naturelle. Quoique rocker dans l'âme, j'ai toujours adoré le punk. Lui ai dès le début trouvé une parenté d'esprit évidente avec le rock des pionniers. Le même désir de rébellion. Vingt ans après les illusions de la jeunesse se sont envolées et ont laissé place à un sombre désespoir. Mais sous la banane ou sous la crête, les révoltes qui grondent sont similaires. Les oripeaux changent, le perfecto laisse la place au blouson en simili-cuir, c'est plus économique, une défroque bon marché qui imite tout en singeant, l'auto-dérision se niche dans les détails.

 

 

Are-you ready ? Le massacre des bébés Skaï peut commencer. Cocorico ! Pas coutume de lever le drapeau tricolore quand on parle de rock. La bannière étoilée et l'Union Jack, tant que vous voulez, sans retenue. Ces deux countries sont les deux pays homologués du rock. Mais pour la France, c'est une autre affaire. Une fois que l'on a enfilé nos pauvres chaussettes noires sur les pattes de rares chats sauvages qui passent dans le pays, n'y a plus beaucoup de choses dont on puisse se vanter. Et encore ! Il est de bon ton de faire suivre ces historiques rappels d'un sourire de commisération.

 

 

Oui, mais. L'est toutefois une fois où l'on a damned le pion et aux Ricains et aux Rosbeefs. On le leur a mis, et bellement. Jusqu'au trognon. Certes pas à Paris, mais dans un bled paumé et pourri dont personne n'avait jusqu'à lors entendu parler dans les éphémérides du rock'n'roll. A Mont de Marsan. Quelque part en Aquitaine, 25 000 habitants à l'époque, un trou. Un des plus profonds de la France profonde.

 

 

Nous on n'avait rien. Aux States ils avaient au moins le CBGB et les Ramones avaient déjà commencé à ramoner les conduits auditifs des new-yorkais branchés, de l'autre côté du Channel, le Doctor Feelgood distribuait sa potion magique dans tous les pubs londoniens, et nous rien. J'exagère, tout un peuple de fans transis ne juraient que par MC 5, connaissaient les disques des Stooges par coeur et vénéraient les New York Dolls. Rock et électricité, l'on avait tout compris. Pour la pratique on n'était pas les meilleurs, mais l'on possédait notre cheval de course, le Little Bob Story, tellement bon qu'il était nettement plus admiré en la perfide Albion que sur ses propres terres.

 

 

Par contre en théorie l'on ne se défendait pas mal. En France l'on a aimé le rock, peut-être davantage que partout ailleurs, sans doute parce que l'on n' en avait pas ( ou si peu ) par chez nous. L'absence de l'objet aimé exacerbe les flammes de la passion, comme dirait Racine. L'on n'y connaissait rien, mais l'on savait. Le punk n'était pas encore né que l'on avait déjà prophétisé sa naissance. On l'a même porté sur les fonds baptismaux.

 

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Les grandes masses faisaient la sourde oreille, mais l'on possédait des activistes prêts à remuer le ciel et la terre pour assouvir leurs phantasmes. Le premier d'entre eux qui fut la cheville ouvrière du festival s'appelait Marc Zermati. Fit partie de la bande du Drugstore, on les appelait les minets mais c'était avant tout des apprentis dandies. Parmi eux se trouvait Ronnie Bird, preuve que ce n'était pas que des caves embourgeoisés. Comme par hasard, c'est Zermati le zigue qui signe la préface du livre. A tout seigneur, tout honneur. A l'heure où l'histoire commence son tableau de chasse n'était pas à dédaigner : une boutique de disques, l'Open Market spécialisé dans l'import américain et anglais, un label Skydog avec déjà un des disques mythiques de notre musique, le Metallic KO des Stooges, un condensé de bruits et fureurs comme l'on n'en fait plus. Plus les locaux, André-Marc Dubos l'autochtone, Alain Lahana de Toulouse qui manage le Bracos Band – les ai vus à l'époque, vous en reparlerai. Enfin un agitateur multi-cartes Pierre Thiolay que les années suivantes l'on retrouvera dans l'aventure de la revue rock Feeling et puis de Vinyl...

 

 

 

UN FESTIVAL

 

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Fallait trouver une municipalité qui veuille accepter un festival rock et un public. Pour ce dernier, vous tracerez une croix dessus pour la première année. Ce ne fut pas Woodstock, cinq cents âmes qui daignèrent participer, c'est la canicule et la buvette qui épongeront le déficit. Fallut user de diplomatie pour convaincre le maire et la police. Nos quatre compères réussirent l'impossible. L'exploit est d'autant plus méritoire que tous les grands festivals du Sud-Est se voient tour à tour interdits par crainte d'hypothétiques violences. Profil bas et fortes doses de diplomatie furent nécessaires. Pages truculentes à lire.

 

 

FROM PUB TO PUNK

 

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Années charnières, années critiques. Zermati ne revendique pas la création du mot punk. Mais Thierry Saltet lui donne raison. Le punk rock festival de Mont de Marsan a assis le vocable dans la tête des gens. L'on cherchait un terme pour désigner cette nouvelle déclinaison du rock. Les deux festivals aquitains auront précipité l'adoption de la future appellation contrôlée. En old England les punks rasent les murs, aux USA ils ne sont qu'une infime poignée. Le sel de la terre, peut-être, mais en attendant ils se terrent dans d'improbables sous-sols. Dans l'Hexagone, ce sera devant tout le monde, au su et au vu des autorités, en plein soleil, sous le cagnard. Z'ont réalisé l'impossible. Apparaître sur le devant de la scène du monde. Avant Mont de Marsan, le punk est une gestation improbable, lors de la tenue de la deuxième édition, c'est un phénomène de société. L'on a entendu parler de lui et là l'on vient voir de ses propres yeux la bête immonde. On lui rendra la monnaie de sa pièce en la transformant en la monstruosité qu'elle n'était pas. Sous prétexte de papiers gras, d'un supermarché pillé ( en français correct, cela s'appelle une redistribution des richesses des plus légitimes, car je ne comprends pas que l'on se laisse mourir de faim lorsque les entrepôts sont pleins ) et de quelques minimes dégradations, la troisième version sera tuée dans l'oeuf. Le rêve ne déploiera pas ses ailes chatoyantes une autre fois. Plus de trente-cinq années après, le festival est devenu une légende. Dans le milieu rock. Parce que par ici tout le monde l'a oublié, de toutes les manières l'immense majorité de la population n'a jamais été avertie de son déroulement... Nos quatre mousquetaires initiaux en témoignent : côté professionnel, la carte de visite du festival est encore aujourd'hui un sésame qui ouvre bien des barrières.

 

 

MUSIQUE 1

 

 

Le livre commence par un état des lieux. A Paris, le fan de base parvient à trouver pitance, mais dans les provinces, le rocker de base pleure de bonheur chaque fois qu'il met la main sur une demi-ration de survie. Les concerts sont si rares ( les disques et les revues underground aussi ) que l'on se moque un peu des étiquettes. Rock, pub-rock, punk, l'on s'en fout, l'on range ces courants sous le terme fédérateur de de rock 'n' roll. Tant que l'écoute ne se transforme pas en progressive spleen, l'on est content. Réclamez-vous de qui vous voulez, mais remuez le cocotier – celui-là même du haut duquel, trois décennies plus tard, Keith Richards se vautrera.

 

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Beaucoup d'improvisation en ce samedi 21 août 1976 pour les derniers réglages, l'on carbure au feeling et au coup de coeur. Backstage on se pousse un peu pour les passages. Des étincelles habituelles, mais rien de grave. Railroad – imitation suisse de Statu Quo – lance la locomotive. Personne ne s'en souvient. Shakin' Street cornaqué par la Fabienne la féline offre son hard rock musclé. Hard rock car l'on n'a pas été la muse de Jimmy Page sans qu'il n'en reste quelque chose. Le public n'est guère convaincu. Nous encore en pleine francophonie. Par définition, un groupe français ne peut concourir que chez les semi-amateurs... Enfin, la première tribu punk déboulent sur scène. Les Damned ! Un set d'anthologie ! Il Biarritz et Jean-Pierre Kalfon emmerdent leur monde. Bijou explose l'ambiance. Des Français qui n'ont pas honte de leurs racines nationales de Ronnie Bird à Noël Deschamps, et qui jouent aussi fort que des anglais et chantent aussi bien, mais en français. Little Bob écrit une nouvelle page de l'histoire du rock'n'roll. Plus tard les Gorillas, reportez-vous à KR'TNT 173 du 22 – 01 – 13, l'ami Cat Zengler vous apprendra tout ce que vous vous devez de savoir pour apprécier à leur juste mesure ces Gorillas qui mettront le feu à l'arène. Je ne vais pas tout vous raconter, j'en ai passé et des meilleurs. Le livre se commande sur julie.prod@worldonline.fr

 

 

MUSIQUE 2

 

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Vous en dirai même moins, même si en 77 le festival s'étala sur deux jours. Régalez-vous à l'écoute du programme : Strychnine, 1984, Asphalt Jungle de Patrick Eudeline, les trois premiers groupes français qui ouvrent en ce vendredi 5 août 1977 n'emportent pas l'adhésion du public, les Lou's groupe aussi grenouillard que les précédents mais uniquement composé de filles tirent leur épingle ( à nourrice ? ) du jeu. Les Maniacs cassent quelque peu la baraque, Police qui suit, trop policé pour être du côté des anarquists et des antéchrist. Les Damned des revenants qui redonnent de la chair au terme rock'n'roll, suivis par les Clash qui enflamment les imaginations.

 

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Shakin' Street avec sa diablesse Fabienne revient ouvrir pour le jour du seigneur, le combo gagnera un aller simple pour les States via les majors. Marie et les Garçons ne tiendront pas toutes les promesses de leur passage, Sean Tyla l'ancien leader des Ducks Deluxe remporte la mise, les Jam's mal cornaqués refuseront de jouer pour une embrouille de pacotille. Litltle Bob leur pique la place et obtient un triomphe. Eddie and The Hot Rods ont raison de tomber en dépression, la pluie interrompt un set prometteur, Doctor FeelgooD déjà sans Wilko Jonhson, Bijou encore avec Vincent Palmer, et The Clash font basculer définitivement l'histoire du rock dans l'âge du punk. Quatre mille participants, le festival a transformé l'essai de l'année précédente.

 

 

MAUVAIS EXEMPLE

 

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Ne faudrait pas que le mauvais exemple fasse tache d'huile. Les autorités se dépêchent d'enlever son homologation au terrain de jeu. Mais ce n'est qu'un début, le combat se doit de cesser, les majors et les médias lissent les aspérités : dans les mois qui suivront le punk aura la crête rasée, on procurera aux foules réveillées un ersatz de substitution, la New-Wawe, qui fut au punk ce que le twist fut au rock. Un édulcorant. Bromure grand public pour les étalons trop fougueux qui mettent le désordre dans le troupeau voué à l'abattoir de l'exploitation sociale.

 

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Un livre terrible sur l'histoire de l'impossible propagation du rock'n'roll en nos contrées nationales. Le microckbe apporte une fièvre d'étalon, mais en face l'on possède toute la panoplie nécessaire pour calmer ces poussées intempestives qui deviendraient vite incontrôlables si l'on ne savait y remédier. Mais ils auront beau faire, il se trouvera toujours un Thierry Saltet pour lutter contre l'oubli programmé et reconstituer la saga pièce par pièce. Le book est solidement documenté, plus que l'histoire des deux festivals de Mont de Marsan il relate la tribulation des artistes qui y participèrent. Thierry Saltet ne cherche pas à tout nous apprendre la totalité anecdotique du passé d'un groupe, il préfère dégager les articulations signifiantes de son itinéraire. De même il s'interroge sur la passation générationnelle du témoin rock, de Marc Zermati le mod au punk en passant par les hippies, il y aurait une succession logique autre que tout simplement chronologique. Ne pensez pas aux babas avachis sur leur coussins à motifs indiens, abrutis de shit et autres substances hallucinogènes, le mouvement des freaks portait aussi la volonté militante de changer la vie, d'instituer une nouvelle façon d'être avec soi-même et les autres.

 

 

Le lecteur pourra se reporter au livre de de Jean-Marc Quintana, Décélération Punk, ( voir KR'TNT 94 du 20 / 04 / 12 ), c'est un peu la même histoire, mais racontée de l'autre côté du miroir cassé aux alouettes consentantes, du côté des fans, pas de vedettes, pas de festivals, mais une jeunesse rock and roll qui se cherche et qui ne se trouve pas...

 

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Thierry Saltet – idées claires et plume à beau ramage - est le chanteur et le bassiste du groupe Stalingrad, en cherchant sur le net, vous découvrirez sans trop de peine des traces ( suspectes on espère ) mais néanmoins électriques de ce groupe culte. Un livre essentiel sur l'histoire du punk en France.

 

 

Damie Chad.

 

 

P. S. : pour ceux qui n'aiment pas lire, vingt-quatre pages de photos, noir et blanc et couleur.

 

13/02/2014

KR'TNT ! ¤ 176 : EVERLY BROTHERS / KING BAKER'S COMBO / FOUR ACES / NO HIT MAKERS / ALL WILLIS & THE NEW SWINGTERS / THE SOUTHERNERS

 

KR'TNT ! ¤ 176

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

13 / 02 / 2014

 

 

EVERLY BROTHERS

KING BAKER'S COMBO / FOUR ACES / NO HIT MAKERS /

AL WILLIS & THE NEW SWINGTERS / SOUTHERNERS

 

 

 

EVERLY FOR EVER

 

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Jim Dickinson : «Pourquoi est-ce que Memphis n’a rien à voir avec Nashville ? Pour répondre à cette question, disons que Nashville est une ville d’entrepreneurs et que Memphis est une ville de renégats. Du coup, voilà ce qui se passe : les artistes de Nashville viennent à Memphis pour ‘se laisser un peu aller’ et donc faire ce qu’on ne leur permet pas de faire à Nashville, et beaucoup de gens de Memphis vont à Nashville vendre leur talent sur le marché. Ces deux villes sont aussi différentes que le sont New York et Los Angeles, alors qu’elles ne sont qu’à trois heures de route l’une de l’autre.»

 

On trouve cet éclairage dans «It Came From Memphis» de Robert Gordon. Mais on savait tout cela depuis longtemps. Depuis qu’on écoute les disques Sun produits par Sam Phillips et ceux des Everly Brothers produits à Nashville par des rednecks chapeautés. Côté Sun, on a la sauvagerie et l’invention d’un monde, et côté Nashville, on a la suite du modèle country conformiste qui ne fait pas de vagues. Et qui ne peut pas en faire. La réputation musicale de Nashville repose sur l’excellence des musiciens et le poli du son. Celle de Memphis, incarnée par Sam Phillips, repose sur l’inventivité. Une inventivité de choc, puisque les premiers morceaux d’Elvis enregistrés par Sam sur Sun n’ont pas pris une seule ride en soixante ans. La fabuleuse modernité de ces disques a traversé les décennies et continuera de les traverser, bien après nous. Depuis Sam et Sun, personne n’a jamais fait mieux. C’est bête à dire, mais c’est comme ça. Le monde entier connaît Elvis. Ce n’est certainement pas le cas de Hank Snow.

 

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Le monde entier connaît aussi les Everly Brothers dont la carrière fut lancée à Nashville. Quand on écoute leurs premiers hits, on pense immédiatement aux Beatles à cause des harmonies vocales et au côté pop sautillante. Sur la pochette de leur premier album, on les voit tous les deux sur une moto, avec une guitare accrochée dans le dos de Don. Mais ce ne sont pas des Hell’s Angels. Ils sont à l’image de l’Amérique des années cinquante, rieuse et prospère. «This Little Girl Of Mine» est l’archétype du petit rock des jours heureux. Les voix des deux frères se confondent dans l’azur impénitent. Tous leurs hits pop sont encore aujourd’hui connus comme le loup blanc. Ils échappaient de peu au registre mielleux dans lequel se vautraient Pat Boone et Paul Anka. De très peu, car il faut bien admettre que les balades des frères Everly, souvent d’esprit country, provoquent l’ennui fatal. Sur leur premier album, ils proposent une belle ribambelle de reprises («Keep A Knocking», «Be-Bop A Lula», Rip it Up») dont on ne voit pas l’intérêt quand on connaît les versions originales pour le moins incendiaires. Il faut presque se forcer pour aller écouter la face B. «Wake Up Little Susie» est sacrément bien gratté. Voilà ce qu’on pourrait appeler un rock-pop des fifties sans engagement de votre part, à l’image des pelouses bien tondues. C’est l’Amérique bien propre et bien blanche qu’on entend, avec la voiture neuve garée devant le pavillon. Le rock aux oreilles bien dégagées et aux dents bien lavées. Et même si «Leave My Woman Alone» semble plus sérieux, avec son strumming diablement accrocheur, on reste sur une impression mitigée. Peut-on à la fois apprécier la pop des Everly Brothers et le rockab de Charlie Feathers ? Peut-on aimer les Beatles ET les Rolling Stones ? Stone ET Charden ? Bouvard ET Pécuchet ? Bien sûr que oui.

 

Aussi loin que je me souvienne, les Everly Brothers m’ont toujours ennuyé, mais j’ai toujours écouté leurs disques. J’en ai même acheté. Ils m’ennuyaient comme m’ennuient les films hollywoodiens à l’eau de rose des années cinquante et la country aseptisée de Nashville. Mais comme le dit si bien Chuck Berry : «Je ne crois pas qu’Elvis était aussi bon que les Everly Brothers, ni les Beatles.»

 

Si on les écoute, c’est en effet parce qu’ils sont bons. On finit par oublier l’Amérique de carton-pâte qu’ils incarnent pour ne s’intéresser qu’à leurs chansons et à la façon dont ils les chantent. C’est un style qu’on ne retrouve pas ailleurs, ni chez les Righteous Brothers, ni chez les Walker Brothers. Les frères Wilson, c’est encore autre chose. La belle pop joyeuse de «Claudette» finit par accrocher, car le morceau sent bon le lait fraise et l’ambre solaire, et on a tous vécu des périodes enchantées de vacances au bord de la mer où on ne se préoccupait que d’explorer les bikinis des copines en écoutant des conneries à la radio. Voilà ce qu’il y a dans «Claudette» (une chanson de Roy Orbison sur sa femme), du bon temps, des petites pulsions sexuelles et de l’insouciance à gogo. Un morceau comme «Like Strangers» est idéal pour s’endormir dans son fauteuil, et pourtant, ce fut un tube ! Même chose pour cette merde atroce qu’est «Let It be Me», pourtant connue comme le loup blanc. Plus c’était sirupeux, et mieux ça marchait. On ordonnait aux deux frères d’enregistrer ces slows lamentables et ils y allaient de bon cœur. C’est probablement l’une des raisons qu’on peut avoir de les détester. Puis on découvre qu’ils venaient d’un milieu si pauvre que tous les coups leur étaient permis. Amen. Sur les premiers albums, on trouve quelques bons morceaux qui font dresser l’oreille, et c’est pour ça qu’on a décidé de les suivre à travers le temps et les modes. «When Will I Be Loved» fait partie de ces morceaux sortis de nulle part qui accrochent bien. Voilà un vrai boogie du midddlewest. Toute l’énergie de leur Kentucky natal cavale dans ce cut indomptable. Belle allure, à travers la plaine. Ça y va. On peut même parler de fière allure, tellement ça tagadate. Un morceau comme celui-là, ça peut sauver une carrière. On retrouve ce strumming cavalant dans «Poor Jenny», mêlé à un léger parfum country et on regrette qu’ils n’aient pas rempli leurs albums de morceaux aussi racés que «Poor Jenny».

 

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Un nommé Roger White leur a consacré un livre, et comme on s’en doute, il ne s’y passe pas grand chose. On peut même dire rien. C’est le même problème qu’avec Auguste Renoir. L’histoire de sa vie est d’une platitude affligeante. Par contre, l’histoire de Paul Gauguin, c’est autre chose. Il fait partie de ceux qui surent faire de leur vie une œuvre d’art. Ce qui n’est ni la cas d’Auguste, ni de Don, ni de Phil.

 

Phil et Don eurent la chance extraordinaire d’avoir un père guitariste, Ike Everly, qui était un musicien du niveau de son ami Chet Atkins. Leur seconde chance extraordinaire fut d’avoir Boudleaux et Felice Bryant comme anges gardiens. Les Bryant composèrent «Bye Bye Love» qui fut le premier hit des Everly Brothers. Pour la petite histoire, la chanson existait depuis un moment et elle fut proposée à une trentaine d’artistes (dont, paraît-il, Elvis) qui n’en voulurent pas. (On retrouve aussi le couple Bryant dans l’histoire tragique de Bob Luman.)

 

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À leurs débuts, les deux frères se disaient admiratifs de Bo Diddley. Don : «Chet (Atkins) m’a montré comment accorder ma guitare en Sol et en Mi, comme Bo Diddley. (...) J’ai commencé à composer avec ma guitare accordée ainsi et le son des Everly Brothers vient de là.» Leur ascension fut fulgurante : en mars 1957, ils crevaient de faim et en décembre de la même année, ils vendaient deux millions de disques aux États-Unis et se pavanaient en tête d’affiche. Comme on s’en doute, ils étaient bien potes avec Buddy Holly qui composa «Not Fade Away» pour eux. Buddy savait que les deux frères en pinçaient pour Bo Diddley.

 

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Les gens qui tiraient les ficelles à Nashville et qui pilotaient la carrière des Everly Brothers savaient très bien ce qu’ils faisaient. Ils tapaient en plein dans le mille puisque ces ballades et ces pop-songs plaisaient à la fois aux ados et aux parents. La vie de famille Everly était claire comme de l’eau de roche. Pas de scandale à redouter, comme chez Jerry Lee. Et comme Ricky Nelson, les deux frères affichaient une image de jeunes gens bien dans leur peau, sans histoires et professionnels jusqu’au bout des ongles. Et donc, les médias les adoraient. Leur image était tellement parfaite qu’on leur fit un pont d’or : ils signèrent un contrat d’un million de dollars, le premier du genre. On leur garantissant 100.000 dollars par ans pendant dix ans. Du pain béni.

 

Pendant un temps, Don se schtroumphait au speed. Ça n’eut pas autant de retentissement qu’avec Lemmy, on s’en doute. Don : «En ce temps-là, les gens ne savaient pas que les amphétamines étaient une drogue et qu’on pouvait développer une asdiction.» Don voyait régulièrement un speed doctor nommé Eddie Fisher. Comme Ginger Baker en Angleterre, Don prenait «des drogues sur ordonnance». Pas de problème avec les stup. Évidemment, on tombe ensuite sur le petit psychodrame de la désintox. C’est dingue ce que les gens peuvent être inconsistants parfois. Comme s’ils ne savaient pas quoi faire de leur vie.

 

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En 1963, Don Arden fit venir les Everly Brothers en Grande-Bretagne pour une tournée «package» avec les Rolling Stones et Bo Diddley, mais comme les billets se vendaient mal, il dût appeler Little Richard en renfort. Ce que Phil et Don vont découvrir en Angleterre cette année-là va changer leur vie. Quand les journalistes leur tendent un micro, c’est pour leur demander ce qu’ils pensent des Beatles. Ils enregistrent «Two Yanks In England» à Londres et c’est la surprise : l’album est excellent. «Kiss Your Man Goodbye» préfigure les Moby Grape, c’est un psyché californien très haut de gamme et bourré d’énergie. On y trouve cette incroyable vitalité de l’unisson qui deviendra le fonds de commerce des Moby Grape. «Signs That Will Never Change» préfigure Love, avec sa mélodie softy et finement psyché. Mais c’est sur la face B que se nichent les perles rares. Avec ses grosses harmonies vocales, «Have You Ever Loved Somebody» sonne comme un hit fatal des Byrds. On sent que Don et Phil cherchent le nadir. Et ils le trouvent. Ils font une pop aussi lumineuse que celle des Byrds et des Beau Brummels. On sent l’essor, l’envolée des jours heureux. On les sent amateurs de magie vocale et c’est là où les Everly Brothers vont gagner leurs galons, comme on dit dans les casernes, et qu’il vont se tailler une réputation de duo culte, un peu comme Jan & Dean. Avec «Don’t Run & Hide», on revient au big californian sound. Les deux frangins font jerker les surfers. Ils plaquent des accords garage dans la canicule de l’été magique. Ils sont devenus très puissants. «Fifi The Flea» sonne comme un morceau tiré de l’Album Blanc des Beatles, rien de moins, et «Hard Hard Year» nous coupe littéralement la chique, avec ses chorus de guitare intrigants.

 

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Si j’ai un conseil à vous donner, c’est le suivant : n’allez pas cavaler après tous les albums des Everly Brothers, parce que vous risqueriez de crever d’ennui en essayant d’en écouter certains. Sauf si vous aimez les ballades country bien roucoulées, évidemment. Sur «The Everly Brothers Sing» paru en 1967, on trouve trois ou quatre merveilles. Ils frisent le Mamas & The Papas avec «I Don’t Want To Love You». On les sent tentés par des registres plus pop et plus colorés et ils se mettent à gigoter pour de bon et à produire du vrai jus de juke. Mais il faut savoir apprécier la pop bien rose et bien fraîche. C’est la face B qui va vous réchauffer le cœur. «Mary Jane» croule sous la fuzz et les tablas et «Do You» sonne comme un artefact de la production hollywoodienne, car c’est d’une beauté formelle qui frise le kitsch. Ils enchaînent trois belles reprises, «Somebody Help Me (touillée à la fuzz), «A Whiter Shade of Pale» (version fantôme extraordinaire) et «Mercy Mercy Mercy» (r’n’b pourri de feeling).

 

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«Pass The Chiken And Listen» est beaucoup plus country. «Women Don’t try To Tie Down» est un country-rock qui évoque le Buffalo Springfield. C’est chanté sous le vent et animé par des virtuoses du picking. Hélas, tout le reste de l’album bascule dans la country, sauf «Not Fade Away», solide comme un roc.

 

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Quand ils sortent «The Price Of Love», ils ne sont plus à la mode aux États-Unis. Dommage, car ce fut leur meilleur titre, un joli rock tout en harmonies vocales, bien stompé et classieux en diable. Puis comme ça arrive parfois entre deux frères, ils commencent à s’envoyer des coups dans la figure. Et pif et paf dans le pif ! Alors, ils se séparent, comme le font les couples.

 

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Ce genre d’incident est fréquent entre frères. On retrouve le même problème chez les frères Davies, ainsi que chez les Ramones qui ne s’adressaient plus la parole quand ils se retrouvaient assis à l’arrière du van qui les emmenait en tournée. Don monte les Dead Cowboys et s’en vient tourner en Europe. De son côté, Phil enregistre un album solo, «Star Spangled Springer», connu comme le loup blanc puisqu’il apparaît sur la pochette avec une tête d’épagneul. Je me souviens que tous les gens qui aimaient les chiens achetaient cet album. J’aurais préféré voir un cocker sur la pochette, mais finalement j’ai fini par m’habituer à l’épagneul. Le seul reproche qu’on pourrait faire à Phil Everly avec ce disque, c’est de chanter au lieu d’aboyer. Dommage. On aurait bien aimé qu’il jappe de la country. Pour ce disque, il a invité des tas de copains, du style James Burton et Duane Eddy. La plupart des chansons sont de belles mélodies romantiques bien léchées, et tant pis si l’image est tendancieuse, c’est de la faute à Phil. On note un petit regain de nervosité dans «It Pleases Me To Please You», mais il flirte avec l’insignifiance, et ce n’est pas nouveau. Les beaufs de Nashville lui ont appris à faire du gentillet, alors il fait ce qu’on lui a appris à faire. Et en plus ça rapporte du blé. Comme d’habitude, les deux bons morceaux de l’album se nichent sur la face B : «Poisonberry Pie» (petite pop bien tendue digne des Beatles) et surtout «Snowflake Bombardier», qui évoque des choses très bien chantées par des types du genre Sixto Rodriguez, avec cette belle voix perchée sur une mélodie qui étonne toujours plus à chaque réécoute. C’est extrêmement soigné et pas du tout destiné aux fans des Sex Pistols.

 

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Après un break de dix ans, Phil et Don reforment le duo et débarquent en Angleterre pour enregistrer l’album de la reformation, «EB 84». Qui d’autre que Dave Edmunds pouvait produire un disque aussi chargé de sens ? Les Everly Brothers font bien sûr partie des héros de Dave Edmunds : «Dans le studio, ils ne se parlent pas. Pas un mot. Ils se regardent dans le blanc des yeux et ils chantent. Pendant vingt minutes, tu crois que ça ne marchera pas, que ce n’est pas la bonne chanson, et soudain, ça clique. C’est comme quand tu descend en chute libre et que ton parachute s’ouvre. Alors tu dresses l’oreille. Tu n’entendras jamais quelqu’un chanter comme eux. Ce sont les meilleurs. Ce sont des chanteurs naturels et ils sont les seuls que je connaisse. Tous les chanteurs que je connais, moi y compris, ont appris le thème musical et comment l’interpréter, mais Phil et Don ne travaillent pas comme ça. C’est fascinant de les voir travailler. Quand ils décollent, c’est du pur génie. C’est deux et deux qui font cinq et quand ça arrive, c’est fantastique.»

 

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Cet album représente une sacrée tranche d’histoire de la pop. Tous ceux qui font des harmonies vocales se sont réclamés d’eux, principalement les Beatles et Simon & Garfunkel. Ils démarrent l’album avec «On The Wings Of A Nightingale» de Paul McCartney, rêve absolu de tout amateur de pop : gros son, orchestration soignée, harmonies vocales divines et compo solide. Cerise sur le gâteau : une production signée Dave Edmunds. «The Story Of Me» est le slow de circonstance, un truc hyper-produit singé Jeff Lynne et donc ELO, pas grand chose à dire sauf que c’est mélodiquement parfait. La grande majorité des Chansons de Jeff Lynne sont irréprochables, ce sont des bonbons parfumés qu’on suce dans sa chambre d’ado travaillé par le sexe. Pas surprenant qu’on ait retrouvé Jeff Lynne dans les Travelling Wilburys.

 

«I’m Takin’ My Time» fait mouche parce que ce morceau sonne exactement comme un hit de Dave Edmunds. Les deux frères parviennent tout juste à sonner aussi bien que Dave. Ils reprennent aussi «Lay Lady Lay» et la petite histoire veut que Dylan ait à l’origine composé cette chanson pour eux. «More Than I Can Handle», ça s’écoute sur le front de mer, sous un vent léger, au bras de sa copine d’école. Voilà la musique des jours heureux. C’est un véritable crève-cœur, la nostalgie peut tuer, tous les romantiques un peu trop sensibles le savent. Voilà un chef-d’œuvre de good time music et on retrouve cette facilité désarmante qu’ont les Everly Brothers à pondre du pur jus lumineux.

 

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Il existe aussi le fameux concert de reformation, grâce auquel on peut entendre des versions assez spectaculaires de vieux hits qui nous paraissaient à l’époque tellement désuets. «The Price Of Love» et «Claudette» percutent bien. «Love Is Strange» rivalise de puissance avec les grands hits de Sonny & Cher. Magie pure des sixties. On retrouve une version sacrément musclée de «When Will I Be Loved», bon beat en douceur et en profondeur, assez proche de ce que faisaient les Beatles. Power-pop de goût supérieur. «Bird Dog», ce n’est pas «Bird Doggin’», c’est vrai, mais le morceau a tout de même une fière allure. On les sent beaucoup plus forts que les Ramones, par exemple, qui durent s’y mettre à quatre pour créer un monde. Mais on note au passage le grand nombre de déchets. Sur quinze titre, quatre sont bons. Le reste est un peu ennuyeux et on sent trop les racines country. Puis ils nous balancent des versions solides de «Gone Gone Gone» - bardé de gimmicks riches et fiévreux - et de «Bye Bye Love», qui éclate après l’intro on va dire mythique. Pas étonnant que Simon & Garfunkel aient repris ce tube dans leur set, cette pop-song insouciante et libre qui se balade dans les rues chaudes du rêve américain à la mormoille. On retrouve aussi le fameux «ouu-lala» de «Wake Up Little Susie», le gimmick le plus connu des temps anciens. Les deux frères savaient y faire.

 

Le pauvre Phil vient de casser sa pipe. Le cimetière du rock continue de se remplir et on risque d’assister dans les années qui viennent à un joli deathy-boom. On pense à tous nos héros et on leur dit secrètement : «Tenez bon les gars, ne nous laissez pas tomber.»

 

 

Signé : Cazengler, amateur d’Everlytrons

 

Everly Brothers. The Everly Brothers. Cadence 1958

 

Everly Brothers. The Fabulous Style Of The Everly Brothers. Cadence 1960

 

Everly Brothers. Two Yanks In England. Warner Brothers 1966

 

Everly Brothers. Sing. Warner Brothers 1967

 

Everly Brothers. Pass The Chicken And Listen. RCA 1972

 

Phil Everly. Star Spangled Springer. RCA 1973

 

Everly Brothers. EB 84. Mercury 1984

 

Everly Brothers. Reunion. Play 247 2007

 

Un livre couci-couça (pas de quoi se relever la nuit) :

 

The Everly Brothers. Walk Right back. Roger White. Plexus London 1998

 

LAGNY-SUR-MARNE / LONERS

 

 

07 – 02 – 2014 / KING BAKER'S COMBO

 

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Re-local des Loners. Ca devient une habitude. De celles qui ont la vie rude. Même si Mumu notre GPS human-rock s'en tire plutôt bien, l'on pousse toujours un soupir de soulagement lorsque l'on aperçoit les flammes rougeoyantes et les étincelles volantes qui s'échappent des gros tonneaux placés devant l'entrée. L'antique pratique du feu de camp protecteur autour duquel se regroupe la horde primitive, aujourd'hui famélique et assoiffée des amateurs de rockabilly, est inscrite dans notre ADN culturel depuis la nuit des temps. Cet aspect de reconnaissance tribale est constitutif de l'imaginaire du rock'n'roll. Café chaud et sandwich réparateur engloutis nous sommes fin-prêts pour écouter le King Baker's Combo.

 

 

13 A LA DOUZAINE

 

 

Sont durs, les King Baker's Combo, ne nous donneront que la becquée pour ce premier set, treize malheureux petits morceaux et puis filent tout droit se rafraîchir au bar. C'est qu'ils nous laissent sur notre faim, ces treize pépites on les a avalées sans y penser, c'est fou comme on s'habitue aux bonnes choses, elles ne durent même pas une heure et l'on s'imagine qu'elles vont nous accompagner pour le restant de la nuit jusqu'aux incertaines pâleurs de l'aube.

 

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Le grand barbu au fond c'est Jim. L'a une guitare pourrave qui a dû survivre à l'incendie de Rome aux temps reculés du divin Néron, une antiquité oui, mais une Gretch – déjà vous saluez – et le miracle c'est le son que Mister Jim arrive à en extraire – là l'on s'agenouille. Gratouille pas comme une andouille, le grand Jim, j'ai passé une bonne partie du concert à suivre ses doigts qui dansaient sur les cordes. Ce n'est pas du twang à toute vapeur, non c'est de la dentelle subtile, un toucher délicieux qui fait résonner les harmoniques à n'en plus finir. En plus c'est le roi de la vélocité, envoie sans tarder, et vous avez de temps en temps la guitare qui survole tout l'orchestre avec l'aisance d'un cormoran qui se rit de la tempête.

 

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Carlos est aux drums, propre, honnête, efficace. Sonore et résonant. Pas besoin d'ébarber, le lingot est livré net de toute bavure. Un temps, un coup, un coup, un temps. Réglé comme une horloge suisse de précision. Plus les breaks qui font la différence. Cascade de coups de poings sur le tambour. Ne patauge pas dans la chair tendre, vise directement sur l'os. Là où ça fait le plus mal.

 

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Vince est à la basse et à la base. Fournit la logistique rythmique à toute l'équipe. Trop occupé par sa contrebasse pour regarder les copains. Trime dur pour apporter la marchandise, mais l'on sent une expérience et un savoir-faire évidents. De la facilité même, ça galope tout seul. Sans arrêt, sans baisse de tension, une énergie sans cesse renouvelée. Cela s'entendra dans l'instrumental final qui arrachera des applaudissements nourris et des exclamations de joie.

 

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Blanco est à la rythmique et au chant. Même sensation de rapidité que les trois autres, ne perd de temps entre les morceaux, devrait nous laisser savourer son interprétation de Long Blond Hair tellement bien roulée moulée qu'il ne pourra à la fin du morceau s'empêcher de signaler son contentement. Mais il a déjà remis cela, un Walkin' Talkin' Baby Doll des Three Ramblers et un Kitty Cat – d'après moi de Glen Glenn – suivront. Les King Baker's Combo revisitent des titres des petits (adjectif à consonances non péjoratives ) pionniers du rockabilly. Pas de chichi, ils distribuent franco de port, emballé sous vide et livré à domicile, entre vos deux oreilles. Ca nettoie les conduits auditifs et après cela, vous avez l'impression d'être devenu plus intelligent.

 

 

DEUXIEME DOUZAINE

 

 

Sont déjà de retour, un Buzz buzz pour faire le buz et ramener à l'intérieur les retardataires qui discutent dehors. Juste pour leur rappeler que s'ils tirent la clope ils peuvent fournir la boîte d'allumettes. De Matchbox l'on passe à My Little Sister, pas celle d'Elvis mais celle de Crazy Cavan qui fait de la mobylette à roulettes, ces deux morceaux étant joués davantage dans une optique rockabilly plutôt que pure Teddy. Le Long Black Train de Conway Twitty passe à toute vitesse sans s'arrêter, l'on aimerait bien y monter mais il est temps d'enfiler Blue Jean & Boy Shirt, encore une pierre précieuse de Glen Glenn. King Baker's Combo nous fait visiter tout le répertoire des seconds couteaux du rockabilly, ceux dont la postérité n'a pas retenu le nom mais qui sont devenus des figure-cultes chez les amateurs. Jusqu'à ce Trouble Up The Road de Jackie Brenston and His Delta Cats qui de fait fut le chanteur et saxophoniste de l'orchestre d'Ike Turner avec qui il enregistra ce fameux Rocket 88 chez Sun que certains s'obstinent à définir comme le premier disque de l'histoire du rock and roll.

 

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King Baker's Combo se contente de cet âge d'or mythique du rockabilly. Vise à une certaine vraisemblance hommagiale sans se lancer dans l'harassante recherche du son Sun, perdu à tout jamais, car il ne faut pas oublier que même si vous parveniez à retrouver les instruments et le matériel d'enregistrement d'époque, il vous manquera toujours l'essentiel, la sensibilité générationnelle façonnée par une situation historique et économique propre à ces années d'après-guerre. L'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve du rockabilly. King Baker's Combo ne cherche pas à cloner le bon vieux rockab d'antan, ses membres essaient avant tout à restituer un état d'esprit intérieur qui leur appartient. Ils nous proposent leur lecture, leur vision, leur approche de ce phénomène sans prétendre à une parfaite reconstitution illusoire. Et il n'en faut pas plus pour notre bonheur.

 

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Quatorze morceaux – il nous faudrait une grosse rallonge pour notre bonheur – pour ce second set, ce n'est guère plus, mais des membres de Crazy Dog sont dans le public et s'en viennent taper le boeuf. Notamment Eric à qui Hervé Loison avait confié la basse lors du concert de Hot Chicken, et le chanteur – j'ignore son nom - qui monte sur scène pour une superbe version de Jambalaya. Cadeau final et inattendu.

 

 

Un peu court tout de même, mais l'on en profite pour discuter le reste de la soirée... Merci aux Loners et à King Baker's Combo pour cette soirée.

 

Damie Chad.

 

( Illustrations prises sur le facebook des artistes ne correspondant pas à cette soirée )

 

ROCK 'N' BOAT / 08 - 02 – 2014

 

 

THE FOUR ACES / NO HIT MAKERS

 

 

AL WILLIS AND THE NEWS SWINGTERS

 

 

SOUTHERNERS / THE BE BOPS

 

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La scène se passe sur la Seine. Nul besoin de faire la fine mouche et de sortir les pantoufles aquatiques, la Patache est amarrée au quai du Pont de l'Alma assez loin des pieds du célèbre zouave. D'habitude l'on y entend les flonflons du bal musette – typically french pour les touristes qui veulent regarder la culture française au fond des yeux – mais pour la deuxième année consécutive, ce soir c'est la grande kermesse rockabilly, le déjà fameux Rock'N'Boat. Deux jours, mais le second est consacré à la musique country. Pauvres amateurs de musique paysanne écartelés entre cette fiesta lacustre et le 7° Salon Country & Western sur les anciennes terres à blé, maintenant urbanisées, de Cergy-Pontoise.

 

 

Horaire particulier de boate de nuit : de dix heures du matin à deux heures du mat. Expo de voitures sur le quai – comme je n'aime pas rouler les mécaniques sous la pluie giboulante, je n'ai pas regardé - boutiques à l'intérieur. Beaucoup de fringues, un seul stand de disques qui sera fermé à une heure du mat lorsque je voulais me ravitailler en précieuses vinyliques rondelles... Tant pis pour moi !

 

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Navire à fond plat, ce qui ne l'empêche pas de rouler et tanguer – de circonstance pour une journée rock and roll – par à-coups, ce qui vous donne l'impression d'être ivre sans avoir avalé une goutte d'alcool, à la réflexion nous tenons peut-être là une nouvelle méthode curative à expérimenter chez les Alcooliques Anonymes. Le bateau est plein comme un oeuf à la coque. L'on se presse dans les coursives, bananes et perfectos à foison, quelques teddies en costume, et toute une frange bobo recouverte de cuir noir des pieds à la tête, venue renifler de près la dernière tendance vintage, et qui bizarrement s'éclipsera très discrètement dès que les concerts commenceront. Si l'habit ne fait pas le moine, l'oreille distingue le rocker... En attendant, j'assiste aux balances des Four Aces, juteuse, et des No Hit Makers, prometteuse.

 

 

Dix neuf heures. A table ! La manoeuvre est assez complexe, d'abord vous achetez vos tickets, vous les présentez au comptoir adéquat, de charmantes jeunes filles écrivent votre prénom sur lesdits ticksons et descendent dans les antres du paquebot les apporter aux maîtres-coqs qui s'activent dans la cambuse. N'y a plus qu'à patienter que l'on appelle votre petit nom. Grand moment d'hilarité collective, entre ceux qui maudissent leur mère de leur avoir fourni le prénom que tout le monde porte, les derniers arrivés qui reçoivent leur casse-croûte avant les autres, ceux que l'on rappelle en vain, ceux qui ont été rayés du calendrier, et ceux qui exhibent de cocasses surnoms, un fabuleux désordre désopilant s'installe... Les langues se délient, des conversations s'engagent, de sympathiques regroupements s'effectuent, d'autant plus que dans ce joyeux brouhaha la distribution des provendes sustentatoires s'avèrera plus rapide que l'on aurait pu s'y attendre.

 

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Mais l'estomac calé il est temps de passer aux choses sérieuses. Les Four Aces sont sur scène. Pas très surélevée, pas plus de vingt centimètre, c'est que le plafond de l'entrepont n'est pas très haut et je me demande ceux que doivent voir ceux qui ne sont pas aux premiers rangs. Heureusement que la sono est bonne et qu'elle crache bien.

 

 

THE FOUR ACES

 

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Excellente idée de débuter par les Four Aces, un combo rock musclé et percutant qui d'emblée va élever le débat. Pique, Laurent est devant. En pointe. Des yeux de braise qui vous transpercent. La volonté à fleur de peau. Boucles à l'oreille et narines frémissantes. L'on devine l'étalon aux sabots de feu qui ne demande qu'à s'élancer dans la prairie infinie du rock'n'roll. Carlos frappe au carreau. Manière de vous saluer avant de vous y laisser dessus. Méthodique et incisif. Rien de trop, mais rien de moins. Vous cueille au passage. Dur et mat. Le son est plein et solide. Base sonore plus que rythmique, c'est lui qui donne son assise carrée au groupe. De tout coeur avec vous Marco, insuffle la rage sur sa guitare. Pulsation cardiaque ininterrompue mais avec de fantastiques syncopes labyrinthiques. Pas pour rien que sa guitare soit décorée d'un arianique filet rouge. Pendant que Carlos martèle, Marco vous prend par la main et vous fait visiter l'antre du Minotaurock. En connaît tous les détours et tous les raccourcis. Avec lui, vous n'êtes jamais perdu mais jamais en pays de connaissance. Il ne joue pas, il intervient. La guitare sur le fil du rasoir. Ne s'aventure pas, mais résout les problèmes. Ce n'est pas que les autres lui en posent, c'est qu'à chacune de ses interventions il invente une solution qui ne vous aurait pas effleuré l'esprit. La quatrième feuille du trèfle, c'est Malo. Il assure la balance, le sang noir du swing. N'a pas le temps de laisser brouter sa contrebasse. Lui fait raconter des histoires. Sombres et redoutables. Il ne sépare pas les temps, il les relie, instants par instants comme de minuscules facettes qu'il imbrique les unes dans les autres ce qui donne une impression de vélocité incomparable. Les Four Aces n'ont pas commencé un morceau qu'il est déjà fini. Mais selon un traitement définitif. Musique palpitante qui rougeoie de vie et de pétulance mais avec sa face noire et expéditive.

 

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Laurent est au chant. Vit les morceaux de l'intérieur. Quelques gestes sobres, et il met en scène la tragi-comédie des lyrics, vous suivez le déroulement de l'action séquence par séquence. C'est l'intonation qui remplace le sous-titrage. Pas besoin de savoir l'amerloc, suffit de piger l'esprit du rock'n'roll. Et Laurent vous l'infuse à doses survitaminées. Amphétaminisées, car il vous arrache au démarrage et vous propulse droit devant pour la suite. Avec une facilité décourageante. Alors pour vous remonter le moral, il vous demande de lui tenir le crachoir sur Wild Little Willie par exemple. De Ronnie Hawkins. Mais il n'a pas vraiment besoin de nous. Se débrouillerait très bien sans. Beaucoup de reprises comme ce Cast Iron Arms de Roy Orbison ou Meaner than an Alligator de Johnny McGee mais sculptées à la mode Four Aces. La preuve en est donnée par les compos personnelles du groupe comme Bop the Blues, I'm Crazy About You, Tell me Baby, ou You'll never Stop qui s'inscrivent parfaitement dans la liste des hits brevetés d'époque.

 

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Une vingtaine de titres plus tard et un rappel trop maigrelet au niveau de sa longueur, faut-il le préciser, l'on doit les laisser partir. Avec regret, car ils ont mis le feu et on les aurait gardés beaucoup plus longtemps. Deuxième fois que je vois les Four Aces et que j'en retire la même impression d'un rock maîtrisé de bout en bout. Percutant et offensif.

 

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NO HIT MAKERS

 

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Un nom de loosers, mais un son de winners. Les No Hit Makers sont sur scène. Formation classique. La caisse au fond, le chanteur devant, la basse sur votre droite et la guitare sur votre gauche. Puisque nous sommes sur un bateau nous commencerons par la section rythmique. Ont un look de pirate. De circonstance. De ceux qui montent à l'abordage le couteau entre les dents. Après avoir percé le fond de leur chaloupe car un set des No Hit Makers c'est du genre hissez le pavillon noir et pas de quartier. Le pire c'est qu'ils se marrent et qu'ils se tirent la bourre entre eux. Drummin'Dan – crâne rasé, teint sombre et oreille percée d'un anneau, pourrait jouer le rôle du méchant au grand coeur dans la fiancée du pirate – et Slap Bass Larbi – foulard rouge à la mode Caraïbe enserrant un sourire de forban sympathique - s'amusent comme des fous. Et je te rajoute deux coups de tom qui n'étaient pas prévus rien que pour vérifier tes réflexes, et moi je te bazarde deux zébrures de contrebasse torsadée pour voir si tu parviens à t'y retrouver. Non pas une fois, pour créer la surprise, mais systématiquement à la fin ( et même au début ) de chaque plan. En voilà deux qui s'entendent à merveille pour se repasser la patate chaude de la surenchère, écroulés de rire. Et le pire du pire c'est qu'ils évitent les pièges du copain avec une adresse diabolique. Cette manière de procéder ne nuit en rien à la cohésion du groupe, au contraire elle en sort renforcée.

 

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Pendant que les facétieux gabiers caracolent dans les voiles, plus bas sur le tillac le quartier-maître ne plaisante pas. Est concentré sur sa tâche. Gretsch orange à la Eddie Cochran et lunettes à la Buddy Holly, Vince n'a pas l'esprit à la facétie. Le mec sérieux, qui ne s'écarte jamais d'un demi-degré du cap qu'il a déterminé à l'avance. La goélette des No Hit Makers file comme un air-craft. En pleine tempête. Houle déferlante et pluie d'écume, les notes pleuvent comme des bordées de canon, ininterrompues. C'est le secret des No Hit Makers, ne s'arrêtent jamais, et pour que ça dure plus longtemps Vince négocie les rafales sur son vibrato afin de filer encore plus vite sur la bande. Pas de hasard dans le jeu de Vince, il calcule les courbes au plus près. Intègre les imprévisibles variations funambulesques de sa section rythmique dans un cadrage rigoureux. Et à eux trois nos trois boucaniers font un boucan d'enfer. Fendent les flots à une telle vitesse qu'Eric ne s'apercevra pas que sur les deux premiers morceaux sa guitare rythmique est restée débranchée.

 

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C'est qu'Eric est occupé. Il tient la barre. L'est au chant, et avec son équipage de gamins convulsifs et surdoués l'a intérêt à ne pas prendre de retard. Superbe voix, ample et généreuse mais surtout pourvue de splendides résonances mélodiques. L'est tout seul mais il semble que la voix ait été ovedubbée tant elle déploie une élasticité orchestrale étonnante. Quel organe sous sa casquette de poulbot ! Un air de mauvais garçon renforcé par l'anneau dans le lobe de l'oreille. Mais n'a rien de l'apache car il ne criaille pas. Du velours et de la soie. Une plasticité satinée étonnante qui lui permet de voler très haut sans jamais se perdre dans les aigreurs de l'aigu. Du miel, mais parfumé au piment rouge. S'agit pas de pousser la canzonetta à la Sole mio quand on est chanteur de rockab. Certes Elvis l'a fait, mais Elvis c'est Elvis. Et Eric s'est engagé à ne pas vendre son âme pour le seul plaisir d'engranger un hit qui fasse larmoyer les midinettes. L'annonce la couleur dès le premier titre, School of Rock'n'roll de Gene Sumer et ses Rebels, n'est pas du côté compassé des maîtres mais de celui de la luxuriance jouissive de la vie. Comme pour enfoncer le clou, ils termineront sur une version dévastatrice de Boogie Chillen de John Lee Hooker, la même demande, la même exigence d'une vie à bride abattue mais ô combien agréable !

 

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Entre temps nous aurons eu un festival de pépites millimétrées au TNT, que ce soit des classiques comme l'intemporel All I can Do is Cry de Wayne Walker ou un morceau original comme Soldier of Peace à vous enrôler immédiatement dans les troupes d'assaut de la bonne parole rockabilly. Ah, cette emphase lyrique du son emmené par la cavalcade d'Eric ! Beau comme une robe d'appaloosa et percutant comme le grondement des sabots d'un troupeau de mustangs lancés au galop dans un canyon pierreux dont l'écho amplifie la rumeur transcendante de leur course effrénée vers la liberté.

 

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Deuxième fois, eux aussi, que j'assiste à un concert – plus la participation impromptue d'Eric au boeuf final de Carl and the Rhthm all Stars au mois d'octobre dernier – et que je suis cloué sur place. Vu les applaudissements, je ne dois pas être le seul. N'ont pas la gloire, mais ils détiennent la puissance.

 

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AL WILLIS & THE NEW SWINGTERS

 

 

Ne sont que trois sur scène. Minimum existentiel pour un groupe de rock, guitare, contrebasse, batterie. Maximum vital si l'on espère contempler le phénomène par le gros bout de la lorgnette. Ne sont que trois et je n'aurais pas assez de mes deux yeux pour les regarder. Trois mais chacun est un poème à part entière qui demanderait à être étudié séparément. Sûrs qu'ils ont de la bouteille, mais si le vin est bon il n'est pas interdit de s'en arroser le palais.

 

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Al Willis. L'est tout frêle, les cheveux très légèrement grisonnants, derrière sa guitare. Sourire aux lèvres, doté d'une fine ironie, qu'il manie aussi bien à l'encontre de sa personne que de ceux qu'il croise. Un peu détaché du monde, en a sans doute trop vu pour être encore dupe de la comédie humaine. Je subodore un caractère à ne pas se faire de cadeau, impitoyable envers lui-même. L'on ne joue pas aussi bien de la gratte sans avoir été un cruel tyran envers ses propres renoncements. L'a dû bosser des jours entiers et maintenant il suffit qu'il tire sur une corde pour qu'elle sonne comme une sirène de tanker qui sort du port.

 

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L'est pas tout seul, l'a choisi deux monstres de son acabit. Pascal Albretch est à la contrebasse ce que le bourreau est à sa victime. Un engin plutôt petit, mais ne l'a pas empoigné qu'il s'est mis à slapper comme un sauvage. L'image du Marquis de Sade assénant une terrible fessée à la douce et naïve Justine dans son boudoir s'est imposée à moi. Jamais vu ça. Qu'il aurait perdu ses doigts que ce serait pareil. La frappe de la main à plein battoir et à outrance. Ni pitié, ni relâche. L'a dû lui faire renforcer l'armature intérieure pour qu'elle résiste à de tels affronts. Une poigne de bûcheron, qui inflige un martyre à un pauvre instrument innocent. Et en plus il swingue à lui tout seul beaucoup plus que l'orchestre de Duke Ellington au grand complet. Dans le genre wild-wild-hot-hot certes, mais sans un gramme de monotonie. Ah la chienne de double-bass ! On l'entend jouir comme un éléphant en rut, descend les octaves et les remonte aussi sec. Elle barrit et elle tonne, elle barytone pire qu'à l'opéra.

 

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Le géant qui écrase les futs de la batterie c'est Red Dennis. Pas n'importe qui. Son pédigrée ce n'est ni plus ni moins que l'histoire du rock and roll de ces trois dernières décennies. Me contenterai de dire qu'il était le batteur du groupe légendaire des Sprites, le premier french combo revival des années quatre-vingt spécialisé dans les reprises de Gene Vincent qui soit passé à la postérité. L'est en solo continu. Master-class ouverte à tous pour les chanceux que nous sommes. Il tape et il déchire. Il frappe et il nous lacère les viscères. L'est à la recherche de la note rouge. Rien à voir avec la larme bleue du jazz. C'est l'oeil de braise rougeoyante du rock'n'roll qu'il recherche. Il la traque, la poursuit, la cerne, la maintient prisonnière quelques instants pour la mieux laisser s'échapper, car il sait très bien qu'une fois prise et clouée à coups de maillets sur la peau de ses tambours elle s'étiolerait, se mourrait et disparaîtrait... Perte entropique qui serait due à l'immobilité, alors de ses bras et de ses muscles il verse des torrents d'énergie pure pour la maintenir en vie. Fait aussi travailler le cerveau, car il construit une architecture mentale afin d'édifier l'espace sonore nécessaire à l'impossible capture du feu follet.

 

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Sont trois à s'escrimer comme des bêtes sur leur instrument. Semblent jouer en solitaires, mais tous trois contribuent à la tache commune. Les stridences de la guitare comme le battement effrénée de la double-bass et le baston à coups de manche de pioche de la drummerie. Deux qui foncent comme un train aveugle dans la nuit, et Al Willis qui modère et module la vitesse de la loco folle. Ils sont les rails et lui la vapeur qu'il relâche d'un doigt lorsque la cuve est prête à exploser. Brutalité et précision, les deux errements antinomiques du rock'n'roll.

 

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Mais le set est encore d'une plus grande perversité. Que ce soit Pascal Albrecht ou Red Dennis, tous deux sont à l'extrême limite de leur instrument, à ce stade-là ne reste plus qu'à tout envoyer bouler à grands coups de pieds ou à fracasser sur scènes, leur manque la porte de sortie, la sortie de secours naturelle du rock 'n'roll, la sublimation vocale, le chant. La mue finale. Le passage à un autre état de la matière. La sublimation alchimique. Mais pour Al Willis qui assure le chant et la guitare, l'on devine qu'entre le chanteur, la guitare et le vocal, l'un des trois éléments est de trop. Faudrait dés-oblitérer la partie instrumentale du timbre vocal qui n'apporte rien d'essentiel à la raucité sonore de l'instrument. Tous les trois sont boderline, deux dans le manque de ce qui leur est retranché et un autre dans l'ajout de ce qui ne lui est pas supprimé.

 

 

Le public leur réserve la grande ovation. Avec des morceaux totalement revisités comme Big Fool, Angelina, Goin' Mad ou Goin' Mad, ils nous ont menés au point de rupture. Ne reste plus au serpent du rock'n'roll qu'à retourner sur ses pas ou à se mordre la queue.

 

 

THE SOUTHERNERS

 

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Apparemment ils sont attendus. Le pourcentage de densité au mètre carré de la population rock'n'roll augmente subitement de façon exponentielle devant la scène. N' y a que le plateau qui semble étrangement désertique. Sont annoncés depuis cinq minutes mais il n'y a de présent que Vivi sagement assis derrière la batterie. Les autres vont et viennent d'une démarche hésitante. Tapotent l'air de rien sur les micros comme si la situation était normale. Faut se rendre à l'évidence, il en manque un. Le contrebassiste. L'arrive enfin et l'on comprend tout. Mais oui ! C'est bien lui, c'est Pascal Albrecht qui vient de livrer un set frénétique avec Al Willis. On lui pardonne le temps qu'il lui a fallu pour endosser une chemise propre et se réhydrater. En tout cas les Southerners ont un gros défi à relever et ils sont responsables ( à 33, 33 % ) de la rude tâche qui leur incombe. Entre nous, paraissent pas inquiets.

 

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Moi par contre, je me fais du mouron pour P'tit Loup. Quand je me remémore l'espace qu'il a occupé sur l'estrade du New Morning voici deux semaines je me soucie fort de la possibilité de sa prestation sur les deux mètres carrés – en comptant très large - de l'étroite bande de terrain encombrée de fils qui lui sont alloués sur le devant de la scène, me demande comment il va faire. Pas le genre d'animal à rester planté derrière son micro. Le confirme tout de suite. Le combo n'a pas démarré depuis plus de quarante secondes que pied de micro en mains, à froid et sans préparation il effectue un grand écart digne d'une danseuse étoile, mais les boots apportent à l'exercice une note stylisée à l'extrême à laquelle des ballerines ne sauraient atteindre, s'en relève d'un saut catapulté en trois dixièmes de seconde et commence à chanter comme si de rien n'était.

 

 

Ce n'est qu'un début. Ne va plus s'arrêter jusqu'à la fin. Sont des vieux routiers, ont compris que l'on ne répond à un maximum de rock'n'roll que par un super maximum de rock'n'roll. La ligne d'horizon est dégagée. N'y a plus qu'à foncer. Leur faudra exactement trois morceaux pour emporter le challenge. Et si le micro de P'tit Loup avait été convenablement drivé à la table de mixage, suis prêt à parier que la prise en main aurait été plus rapide. C'est que les Southerners ont un truc en plus. Ont été précédés par trois bons groupes. Qui ont donné tout ce qu'ils avaient dans le ventre. Mais leur a manqué l'essentiel. Cessez de leur jeter des regards suspicieux. Ils ont rempli leur contrat, eux. Nous et vous, non. Public réceptif, et admiratif. Mais éteint. Pas mal de jeunes pourtant. Mais nous a manqué la fièvre. Pas frileux, mais pas chaud. Et les Southerners vont rallumer la flamme.

 

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La musique élémentale. Sans laquelle rien ne serait. Est indispensable. Mais aussi cet esprit de rébellion constitutif au rock'n'roll. Le rock'n'roll ce n'est pas de la bonne musique qui vous permet de construire votre niche écologique de survie dans un monde pourri que vous rejetez et dont vous cherchez à atténuer les effets dévastateurs sur votre douillette existence. Non le rock'n'roll est une étamine que vous hissez bien haut pour déclarer la guerre au reste du monde. Vous clamez votre unicité et vous la revendiquez haut et fort. Avec leur veste découpée dans le pavillon sudiste les Southerners ne mettent pas leur drapeau dans leur poche. One, Two, Three, Four, Five, Rock 'N' Roll Is Still Alive ! Slogans teddies à l'idéologie douteuses diront certains, mais symboliques d'un rock qui ne veut pas se considérer comme une excellente musique d'écoute. Un rock qui se veut vecteur d'une énergie revendicatrice et rebelle au formatage systémique et consensuel en vogue. C'est en se faisant phagocyter par le mythe de la respectabilité culturelle que le jazz est devenue une musique trop éloignée des préoccupations de la révolte noire pour être encore signifiante et opératoire... Et il ne faudrait pas que le rock s'aventurât sur de telles pentes mortifères.

 

 

Pascal ne slappe pas de la même manière qu'avec Al Willis. N'a plus besoin d'une telle radicalité. Il frappe encore mais tire aussi sur les cordes du bout des doigts. C'est qu'il a retrouvé son exutoire naturel, le chant. Debout appuyé sur sa contrebasse, le visage penché sur le micro parallèle au manche, l'est dans la position de l'orateur qui harangue la foule. Joue un duo fabuleux avec P'tit Loup qui chante et danse. Le corps comme lieu et expression du mime. Dire, et joindre le geste au même instant. Il est en même temps le chant et le reflet du chant. Extraordinaire showman, il ne joue pas un personnage, il exprime ce qu'il ressent, ce qu'il est. Les Southerners incarnent le rock d'une innocence perdue et retrouvée.

 

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Changement de dimension avec tout ce qui a précédé. Toute une partie du public exulte. Chante en choeur. A un moment P'tit Loup se contentera de tenir le micro et lui laissera entonner les refrains et les couplets. Osmose frénétique. N'y aura pas de rappel. Iront d'un seul trait jusqu'au bout du temps imparti, car il est des moments magiques de communion et d'osmose qu'il est inutile de rompre artificiellement. Ont transformé la patate chaude en Patache Chaude. Un véritable brûlot de combat pour le rock'n'roll.

 

 

THE BE BOPS

 

 

Sont bien gentils et sympathiques. Mais après la décharge d'adrénaline que l'on vient de vivre, le compte n'y est pas. Le public s'éclaircit. Moi-même n'irai pas plus loin que le sixième morceau. Le temps de m'apercevoir que le contrebassiste d'un âge respectable, si j'en juge sa calvitie avancée, chante d'une manière plus incisive que le jeune singer lead-guitar à la tête totalement rasée. Un peu poussif. Manquent d'entrain. L'on aurait dû les mettre en tout premier, mais après les montagnes que l'on vient de gravir l'on trouve ces coteaux modérés bien trop plats. Je me donne l'excuse du dernier métro, mais pour n'importe lequel des quatre groupes précédents j'aurais rejoint la teuf-teuf mobile à pieds sans rechigner.

 

 

RETOUR

 

 

Ne regrette pas la soirée. Beaucoup de monde. De belles rencontres. M'attarde sur le souvenir de cette jolie demoiselle assise à mes pieds sur le rebord de la scène. Quand elle a sorti son portable j'ai cru qu'elle allait faire des photos de P'tit Loup, mais non s'est contentée durant tout le set de visionner dans sa banque de données deux auto-portraits de son propre visage. Ma foi très agréable. Comme quoi, tout le monde n'entretient pas le même rapport que moi au rock'n'roll ! C'est tout de même fou comme l'espèce humaine est narcissique ! Mais le rock n'est-il pas un reflet de la fugacité de la jeunesse ?

 

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Damie Chad.

 

( Photos prises sur le facebook des artistes / en partie anciennes pour The Southeners )