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27/02/2014

KR'TNT ! ¤ 178 : DAVE WYNDORF + MAGNUM MAGNET / WARLOCKS / AMENAZA TORMENTA / AKUPUNKTURA / FUCKING FUCKERS

 

KR'TNT ! ¤ 178

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

27 / 02 / 2014

 

 

DAVE WYNDORF + MONSTER MAGNET

WARLOCKS/ AMENAZA TORMENTA

AKUPUNKTURA / FUCKING FUCKERS

 

 

LA FLECHE D'OR / 08 - 02 - 14 / PARIS

 

 

MONSTER MAGNET

 

 

DAVE NE WYNDORF QUE D'UN OEIL

 

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Dave Wyndorf est un héros mythique des temps modernes, comme Odin l’était autrefois pour les guerriers nordiques.Il règne sur les galaxies soniques de son invention et sur nos oreilles. C’est l’empereur du rock de l’apocalypse, c’est-à-dire des écroulements de bâtisses dans des mers de flammes. Dave Wyndorf est l’homme de tous les extrêmes. Il réincarne une tradition autrefois très prisée, celle du seigneur barbare extrêmement raffiné. Traits fins, peau lisse, moustache en croc réduite à un fil, cheveux lissés et noirs de jais, bras de brute et bracelets hérissés de clous aiguisés.

 

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Son groupe s’appelle Monster Magnet. Trois lieutenants l’encadrent, deux guitaristes et un bassman. Il fait appel à de bons batteurs pour compléter le line-up. Dave Wyndorf porte des vêtements de cuir noir et une imposante Croix de Malte orne sa poitrine. Il nous observe à travers les verres opaques de ses énormes Ray-Ban noires à montures métalliques.

 

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Il balaye ses ennemis d’un simple revers de la main. Il ne craint ni le diable ni la fin des temps. Il cultive une sorte de space-rock insidieux. Il se plaît à pulvériser les distances et à concasser les décibels. Il ne jure que par la violence sonique et le viol de l’anti-matière. Le cuir de son pantalon est brodé de flammes.Sur le cuir noir de ses bottes danse la lueur des torches. Sa braguette est barricadée par de solides lacets. Dave Wyndorf peut lever des tempêtes soniques. Monster Magnet dégage plus d’énergie que Motörhead et Blue Cheer réunis. Et c’est bien peu dire...

 

Dave Wyndorf pourrait régner sur la terre, mais ça ne l’intéresse pas. Il ne vise que la démesure, la vraie, celle de l’espace. Deux mots sont bannis de son vocabulaire : frontière et loi. Plutôt que de taper du poing sur la table pour faire entendre sa colère, il préfère plaquer des power-chords sur sa guitare noire.

 

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Ce soir de février, nous entrâmes dans la Flèche d’Or comme dans un temple. Il y régnait une chaleur infernale. L’endroit était noir de monde. Tous les adeptes de Dave Wyndorf s’étaient donné rendez-vous. Ça nous paraissait même surprenant de retrouver Monster Magnet dans une salle aussi petite. Ils se sont rapidement installés sur scène, le gros Phil Caivano avec sa Les Paul brune au fond à droite, Bob Pantella derrière les fûts, cette grande perche fraîchement enrôlée de Chris Kosnick à la basse (et quel bassman ! - une sorte de sosie de Dennis Dunaway qui jouait dans l’Alice Cooper Band des années 70) et l’impressionnant Garrett Sweeny sous nos yeux, armé de sa Les Paul noire, bras couverts de tatouages et blouson denim sans manches marqué Motörhead/England dans le dos (comme ça au moins les choses sont claires). Puis Dave Wyndorf est arrivé dans une clameur. Assez petit, vêtu d’un blouson de cuir noir et l’œil perçant. On avait sous les yeux l’un des plus grands rockers américains vivants. Ils ont enfilé méthodiquement tous les morceaux de leur dernier album, «Last Patrol». Ils sont donc entrés par la dernière porte des enfers, la moins spectaculaire.

 

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Nous étions tous pendus aux lèvres de Dave Wyndorf, comme l’étaient les paysans égyptiens rassemblés au pied de l’autel du grand prêtre d’Osiris.

 

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«Last Patrol» est pourtant un disque assagi, par rapport à toute la pétaudière qui précède. Il démarre avec «I Live Behind The Clouds» suivi de «Last Patrol» qui sont des morceaux atmosphériques riches de leurs seules ambiances. «Three Kingfishers» est une petite pièce psyché que Dave Wyndorf se plaît à interpréter à la manière du ménestrel sommé de jouer pour un baron aviné et cruel. «Hallelujah» renoue avec les forges des enfers et Monster Magnet semble enfin déployer ses ailes. Des ailes immenses capable de cacher la lumière du jour. C’est même un stomp monolithique du delta. Dave Wyndorf sonne exactement comme le Muddy Waters des enfers. Il est vite rejoint par ces guitares juteuses qu’on adore par dessus tout, ce gras fluide qui tourbillonne dans l’air. «Mindless Ones» est monté sur un pounding digne d’Odin. On retrouve enfin cette bonne vieille bestialité intersidérale d’antan. Monster Magnet reste le groupe le plus puissant d’Amérique. Pour «The Duke Of Supernature», Dave Wyndorf retrouve ses accents chauds et graves à la John Kay.

 

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Mais c’est le rappel qui va mettre l’assemblée au tapis, et notamment une reprise de «Space Lord» absolument démente. Une rumeur monte du public qui psalmodie en même temps que Dave Wyndorf, cheveux collés au visage par la sueur : «I’ve been stuffed in your pocket for the last hundred days/ When I don’t get my bath I take it out on the slaves/ So grease up your baby for the ball on the hill/ Polish them rockets now, and swallow those pills.» (Je suis resté dans ta poche pendant les cent derniers jours, quand je ne prends pas mon bain, je m’en prends aux esclaves, enduis ta compagne de graisse pour le bal sur la colline, astique ses seins et avale ces pilules). Dave Wyndorf plonge son regard dans celui des filles du premier rang. Il les fixe intensément une par une, et soudain, il déclenche l’émeute cérébrale : «And sing... Awwww....Space Lord Motherfucker !» Communion d’un héros avec sa horde de fans sur fond de marche aux tambours lancinante. «I lost my soul when I fell to earth/ My planets called me to the void of my birth/ The time has come for me to kill this game/ Now open wide and say my name» (J’ai perdu mon âme quand je suis tombé sur la terre, mes planètes m’ont jeté dans le néant de ma naissance, le moment est venu d’arrêter ce jeu, maintenant ouvre ta bouche et dis mon nom : Seigneur de l’Espace Motherfucker !)

 

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Pour avoir une petite idée de l’extraordinaire pouvoir sonique de Monster Magnet, il suffit simplement d’écouter l’album «Monolithic Baby» enregistré en 2004. «Slut Machine» ouvre ce bal des vampires. Un violent gimmick détruit aussitôt les couches atmosphériques.C’est une architecture solide plantée sur des pieux d’accords saturés.L’infâme Ed Mundell qui était lead guitar à cette époque profite d’un break pour partir en solo, errant dans la tempête comme un Yéti virtuose.

 

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Dave Wyndorf connaît les arcanes de l’apothéose comme le fond de sa poche. «Super Cruel» est un stoner bien appuyé et aussitôt noyé dans le glougloutage.On croirait parfois entendre Dickie Peterson, l’autre mamelle de la barbarie sonique. Le refrain est battu à la cloche et le lieutenant Mundell s’élance pour enfoncer un pieu brûlant dans le cœur de ce morceau draculesque. Dave Wyndorf sonne comme un dieu des ténèbres. Il laisse chuinter la fin du refrain et retombe en faisant ooooh yeaaaahhh, comme s’il connaissait une extase chamanique.Il ne parle que d’enfer, de mort et de destruction - «Take me Jesus, take me Allah, rape me in your room !» (Prends-moi Jésus, prends-moi Allah, viole-moi dans ta chambre). Le refrain de «On The Verge» est une merveille de poésie nihiliste - «Got to dance in my own heaven on the verge of all out hell.» L’atmosphère du morceau reste à la fois sombre, plombée et éclatante. Dave Wyndorf emmène son équipe dans les accélérations suborbitales et la chose s’en va se désintégrer dans les étoiles.

 

Monster Magnet est un groupe qui nous fait voyager dans toutes les dimensions.Pas besoin d’aller au Futuroscope.«Unbroken» sonne comme un classique. C’est le genre de chanson qui traversera les siècles. «Radiation Day» est une horreur saturnale. Aussitôt après le gros gimmick, la purée gicle.Le rock de Monster Magnet sent l’ère glaciaire et le cuir.

 

Mais attention, voilà «Monolithic», introduit par une basse qui broute. C’est ce qu’on appelle un hit tentaculaire. La basse broute à longueur de couplet. C’est une pure stoogerie. Dave Wyndorf envoie la purée : «Monolithic baby ! Monolithic ba-by !» et le lieutenant Mundell fait son poisseux. Le second couplet est une autre merveille : «You’re from the suck generation/ like a dodgy with a bone/ You like your lame fuckin’ music/ You love talkin’ on your phone ! (Tu es de la génération pourrie, t’es un drôle de zig avec ton os à ronger, tu aimes écouter de la daube et parler dans ton téléphone). Et cette basse qui broute ! Infernal ! «You want a new load of garbage/ I’d love to drop it at your door/ You’re gonna eat it little piggy/ You always gotta have some more ! You’re stone monolithic ! (Tu veux encore de la merde, j’aimerais bien en déposer à ta porte pour que tu la manges, petit porc, et tu en voudras encore, car t’es complètement borné). Dave Wyndorf s’en prend aux mômes abrutis de la génération pourrie. Il ne leur fait pas de cadeaux. Il détache toutes ses syllabes pour que les kids visés reçoivent bien le message. Il enfonce ses clous d’acier à coups redoublés dans les chairs blanches des crucifiés.

 

«The Right Stuff» est une reprise de Robert Calvert. Voilà ce qu’il faut bien appeler une monstruosité sonique - «I’m the right stuff baby/ the right stuff». Pur génie. Puis de violents accords démonoïdes introduisent «Ultimate Everything». Les guitares sont saturées à l’extrême. C’est salement stompé. Voilà la plus heavy des bombes, un vrai stoner en rocher des Rocheuses - «And I’ll be laughing when they’re/ Singing the blues !» (Et je vais me tordre de rire quand ils vont chanter le blues).

 

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Leur premier album «Spine Of God» sonnait comme un sérieux avertissement. Ils exploraient déjà les dimensions impalpables de la mad psychedelia («Pill Shovel») et nous servaient sur un plateau d’argent du heavy circonstancié : «Black Mastermind» est un morceau encore plus gras qu’une côte de porc achetée chez Mutant. On entend les solos couler en permanence, un rêve pour les oreilles, le whawhatage se déroule à l’infini, encore plus gras et vicieux que celui de Jimi Hendrix. La morve fuzz coule à jets continus et croise des remontées de basse extravagantes. Puis ils font basculer «Spine Of God» dans l’horreur grandiose - Yeah Yeah - et Dave Wyndorf s’arrache la glotte, alors qu’un solo serpent s’enroule autour de son cou, et tout ça dans une fumée âcre. «Snakedance» est une chose furieuse et expéditive - «Go go go I’m so fucking stoned !» suivie d’un rouleau compresseur («Sin’s Good Man’s Brother») qui bat pas mal de records de monstruosité. Les hurlements sont sincères. On reçoit les accords comme des coups dans l’estomac et déjà Dave Wyndorf envoie ses ordres - Yeah Yeah Yeah !

 

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«25... Tab» date aussi de la préhistoire Magnetique. «Tab» s’étend sur une face entière et bien sûr ce truc est destiné aux forcenés du trip. Les autres peuvent aller voir ailleurs. Tu veux tripper Bob ? Alors Tab c’est pour toi. Avec Tab t’as tout. C’est du bon Bob. Vas au bout, Bob. Tab, c’est du brut. Tab c’est une bête. Et sur l’autre face, on tombe sur un trip battu sec à la Hawkwind, «25». Le batteur est mixé devant. On entend rarement ça. L’autre moment fort de cet album est «Longhair», un fier instro bardé de riffs bien gras et bien gluants et de guitares vibrillonnantes qui louvoient dans le graillon de la fournaise.

 

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«Superjudge» date aussi de l’âge de pierre. Voilà un disque bourré à craquer de heavy psyché de rêve. Dave Wyndorf réactualise le doom des sixties. Il nous gave de notes lourdes et lentes, suspensives et brûlantes. On frise l’indigestion avec des horreurs psyché comme «Cyclops Revolution», «Twin Earth» et «Superjudge». Alors que se déroule l’écheveau glouglouté de «Dinosaur Vacum», Dave Wyndorf chevauche son dragon à travers les rivières de feu. «Face Down» vous écrasera comme une punaise. C’est le vrai hit garage psyché doomique, violacé, vivace, revêche, clouté et transpercé de solos fumants.

 

Une chose est sûre : quand on écoute un album de Monster Magnet, on ne s’ennuie pas. Bien au contraire.

 

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On entre ensuite dans l’âge d’or Magnetique avec une série d’albums dont fait partie «Monolithic Baby» déjà évoqué.«Dopes To Infinity» est une véritable caverne d’Ali-Baba. Dave Wyndorf avoue qu’il voit par un trou dans la tête. Il mord ses lieutenants et il mord aussi ses chiens. Des solos s’écroulent dans une mer de lave. Avec «Dopes To Infinity» (morceau-titre), le ton est donné. L’emballement qu’on trouve dans «Negasonic Teenage Warhead» est celui de Jack Bruce qui chante «Tales Of Brave Ulysses». «Ego The Living Planet» est du heavy à la con et on prend des coups sur la tête. Ça explose dans certaines gares du cerveau, celles où les trains ne s’arrêtent jamais. Ça psychette dans les neurones. Ça flippe les billes d’acier. Hallucinant. Digne du Poinçonneur des Lilas. «Third Alternative» est le truc le plus heavy de tous les temps. Ça hurle tellement qu’on se croirait dans les caves de la Sainte Inquisition espagnole, la pire de toutes. Voilà vraiment l’Everest du heavy rock. Les Melvins peuvent aller se rhabiller. Black Sabbath aussi. Cette pièce d’heavyness est monstrueuse d’américanité. Il faut entendre Dave Wyndorf hurler ses fins de sometiiiiimes ! «I’ve ever known», battu par les vents noirs du néant et il hurle sans fin dans la tourmente. Ça n’en finit pas. Il faut reprendre son souffle pour continuer à écouter un tel album. «I Control I Fly» est un morceau dément de puissance. Voilà encore une pièce bombastique et whawhatée par derrière, emmenée par des énergies fondamentales et relancée par des coups de reins titanesques. Le son suinte par les écoutilles. C’est riveté à l’ancienne, stoogien sur la fin et magmaté à la whawha. Il n’existe pas de groupe américain qui puisse se mesurer à ça. À partir de là, Monster Magnet va nous gaver d’albums classiques.

 

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Comme «Powertrip», justement, qui s’ouvre avec le démoniaque «Crop Circle». Comme si un mauvais plaisant nous avait poussé dans le dos alors qu’on se penchait au-dessus du gouffre des enfers pour jeter un petit coup d’œil. «Crop Circle» serait presque du garage infernal mais il y règne une sorte de puanteur psychédélique : les solos de whawha sentent véritablement le brûlé. Dave Wyndorf chante cette énormité cabalistique qu’est «Space Lord» avec l’extraordinaire diction d’un gangster de l’espace : «You’ve been drinking my blood/ Well I’ve been licking your wounds.» (tu as bu mon sang et j’ai léché tes plaies). Il part en boogie-blues et soudain ça explose. Dave adore le delta. Il s’y ressource. Comme il est né sous l’eau, il s’y sent bien. «Bummer» sort des cavernes. Puissant et barbare. L’archétype rocheux et humide qui renvoie Black Sabbath dans le bac à sable. «You’re looking for the one who fucked your mother/ It’s not me, it’s not me !» (Tu cherches celui qui a violé ta mère, c’est pas moi !) Pur génie, une fois de plus. De toute façon, il vaut mieux s’habituer à l’idée qu’on rencontre le génie à tous les coins de rues, dans ce genre de disque. On dégringole dans les abîmes avec Dave Wyndorf, et franchement, ça vaut le coup. Dans «3rd Eye Landslide», on trouve l’un des refrains du siècle - «Talkin’ about a free ride !» Encore des traces de génie pur dans «Tractor» : «I’m driving the tractor on the drug farm - get down». Dave Wyndorf conduit son tracteur dans la ferme de ses rêves, il cultive les drogues et il chante avec des intonations à la Ian Anderson. N’oublions pas que Dave Wyndorf a fait une petite overdose en 2006. La dernière grosse pièce de cet album s’appelle «Atomic Watch». C’est monstrueusement évocateur. Il préfère rester dans son cratère en attendant les prochaines bombes nucléaires. «So lay me out in my crater/ And nuke me till I glow.» (Laissez-moi dans mon cratère et bombardez-moi jusqu’à ce que je rayonne).

 

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On grimpe encore dans les étages avec l’album «God Says No». Et l’effarant «Melt». «I’ll never trust myself again but I don’t care !» (Je ne me ferai plus confiance, mais je m’en branle !) Véritable classique. Break et solo liquide. Fantastique concasserie. «I could die yeah yeah !» L’hymne des pompes funèbres. C’est hallucinant de puissance atmosphérique et c’est perforé de solos vénéneux. «Heads Explode» est une bombe à retardement. C’est d’une puissance barbare sans égale. Ils brisent les reins des accords sur leurs genoux. Ce sont des brutes chevelues qui portent des bracelets de cuir clouté et qui sentent le fauve. La mort est leur muse, le doom leur âme et la barbarie leur credo. Ambiance crépusculaire avec «Doomsday». C’est à tomber dès les premiers accords. «Rip your wound a little wider/ So all the dirt can get it !» (ouvre encore un peu ta plaie pour faire entrer la saleté). Ils nous entraînent dans un vertige de génie dément avec des spirales de whawha. Ils réussissent à plomber la fin des haricots. «It’s absolute apocalypse, you stupid fucking cow !» En vrai seigneur, il traite son interlocutrice de putain de vache stupide. (Si John Kay était le diable, il nous chanterait «God Says No». Si c’est un clin d’œil à Steppenwolf, alors c’est réussi). Dave Wyndorf sort son bottleneck pour «Gravity Well». Il rote et du coup ça sonne comme Beefheart. Magnifique de primitivisme. «My Little Friend» est monté sur d’énormes power-chords bruts de fonderie. On se retrouve une fois encore avec une menaçante monstruosité sur les bras. Un véritable Assommoir qui ne doit rien à Zola. Le tempo de «Queen Of You» est beaucoup plus enveloppé, comme le sont les sabots des chevaux la veille d’un assaut. «Down In The Jungle» est un festival de trash Magnetique. Dave reprend les rênes du bestiau polymorphe pour une partie de garage gorgonnique digne de DMZ. On retrouve en effet le riffage Mono-Maniaque de «Jump On Me Mother». C’est un peu comme si on tombait dans l’essoreuse. Ce disque semble être une horreur planifiée par les plus hautes instances.

 

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Nouveau champ de mines fatal avec «4-Way Diablo». Le un qui donne son titre à l’album ne fait pas de prisonniers. Bien claqué à l’accord et fracassé par un solo torpille d’une extrême violence, un peu à la Wayne Kramer. Tout aussi violemment mortel, «Wall of Fire», lancé par une intro fulgurante - «I got a cock made of platinum !» Dave l’invincible sort sa queue en platine. À peine deux morceaux et on sent déjà une nourriture trop riche. Ils reprennent le riffage de DMZ sur «You’re Alive». C’est le riffage le plus violent de l’histoire du garage. «Cyclone» est plombé dès la première note. Une véritable horreur crépusculaire. Accords d’acier et voix d’airain. Le morceau semble avancer pas à pas, chargé d’armures. Il écrase les escargots. Dave nous plonge la tête dans le néant. On voit tout en technicolor. On sent souffler les vents du Nord. On sent l’immatérielle puissance de l’au-delà. C’est une énormité septentrionale. C’est l’un des rares morceaux de rock noir à pouvoir atteindre les limites du possible. Dave hurle dans les immensités mercuriales. On distingue l’hallucinante phosphorescence des choses à travers l’iris moucheté et la whawha coule comme la rivière sans retour. Derrière, ça bat comme un cœur fidèle. Ils reprennent le cultissime «2000 Light Years From Home» des Stones et l’expédient au firmament du space-rock. C’est du gâteau pour le prince des ténèbres. Il s’enfonce les syllabes dans le gosier et trace sa voie lactée. L’effrayant drumbeat de «No Vacation» réveillerait tous les morts enterrés au cimetière Montparnasse, y compris Pierre Louÿs et Baudelaire qui en ont pourtant vu des vertes et des pas mûres. «Feed the vampire !» Dave Wyndorf est donc un vampire ? Stupéfiant ! «Jump in the reactor and melt away !» Ils vont très loin dans le registre du boogaloo. «Solid Gold» est un superbe mid-tempo de grande ampleur, dingue, dur et diabolique. On assiste à une charge de mammouths dans l’instro «Freeze & Pixillate». La charge s’étend jusqu’à l’horizon. «Slap In The face» est une véritable agression - «You want to creep away/ Don’t even think about it !» (tu crois que tu vas pouvoir t’en aller en rampant ? N’y pense même pas). Sans foi ni loi. Dave se transforme en Max la menace et il ne fait pas bon traîner la nuit dans la rue.

 

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«Mastermind» bat de nouveaux records d’énormité. Plus heavy que «Hallucination Bomb» ? Ça n’existe pas. Heavy et fracassé par les solos d’Ed Mundell, dans la veine psyché heavy blues, pur jus Magnetique et les textes percutent les particules du néant de nos vies - «Always have the best hallucinations, baby/ Cobras and Fire» (Il faut toujours avoir les meilleures hallucinations, baby, des cobras et des flammes). «Bored With Sorcery» est stompé à la soudarde. Tempo démentoïde - «Baby I think I lost my mind/ I’ve been cryiogenic for a long long time !» (baby, je crois que j’ai perdu l’esprit, je suis resté au congélateur trop longtemps). Puissant et dévastateur. On ne se lasse pas de l’imaginaire de Dave Wyndorf, bardé d’images d’héroïc-fantaisy et de situations barbares transposées dans l’univers d’Alien. Il mord si bien le trait qu’il finit par incarner ses fantasmes. Il nous ramène au temps où la vie ne valait pas cher. Il transforme le plomb des ténèbres en or du rock. Dave Wyndorf est une sorte de Nicolas Flamel croisé avec Gou, dieu de la guerre et du fer travaillé. Il recrée une atmosphère mythologique pour «The Titan Cried Like A Baby» et on passe à cette abomination qu’est «Mastermind» - «Hey baby get in focus/I’m talking to you !» (Hey baby, regarde-moi bien, je te parle !). Toujours cette façon seigneuriale de rappeler les gens à l’ordre. Et puis cette méchante horreur nous sonne les cloches, au propre comme au figuré : «You gotta trust your mastermind/ And keep ringing that bell !» (Tu ferais mieux de me faire confiance et de sonner à ma porte). C’est sûr, baby, t’as vraiment intérêt à croire ce qu’il te dit et à sonner à sa porte. C’est carrément une injonction diabolique. Le drummer Bob Pantella emmène «100 Million Miles» directement en enfer. Il bat comme un fou échappé de l’asile, avec une violence jusque-là inconnue. Encore une pièce d’anthologie avec «Perish In Fire» : «Baby’s got a fuzzbox/ I think she should use it now !» (Ma copine a ramené une fuzzbox, elle devrait l’essayer tout de suite). Chaque fois que Dave Wyndorf beugle une phrase, il crache des flammes. Ce morceau est un hit planétaire, mais personne ne le sait. Le riff derrière est mortel, fausse fin et ça repart de plus belle. On trouve rarement des disques aussi denses. Encore un chef-d’œuvre heavy avec «When The Planes Fall From The Sky» et on retrouve le génie lyrique de Dave Wyndorf. Tout est bâti là-dessus, sur cette prodigieuse faculté de conteur. Il crée avec très peu de mots des atmosphères cinémascopiques - «Press the button baby/ Watch the bacon fry/ That’s the way !» (Appuie sur le bouton, baby, regarde comment le bacon rissole, ça se passe comme ça). Et c’est généralement suivi d’un solo dément, un torrent de lave qui éclaire la nuit. Personne ne veut croire que Dave Wyndorf descend d’une très ancienne lignée de seigneurs de la guerre et qu’il est aujourd’hui installé au sommet d’une tour si haute qu’on n’en voit pas le sommet.

 

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Les dévots Magnetiques auront aussi écouté l’album de démos paru en 1989. Dans des morceaux comme «Eight Ball», on sent les prémices du doom qui arrive. Ils essaient de se faire passer pour des brutes en chantant comme des soudards de l’antiquité. Petite reprise d’Hawkwind avec «Brainstorm» et joli solo de malade qui croise un solo de basse. Version historique. On trouve aussi sur ce disque un heavy blues digne de Blue Cheer : «Freakshop USA». C’est gras et lourd, et même plombé d’avance. Il existe aussi un bootleg live intéressant : «If Satan Lived In heaven He’d Be Me». On y retrouve les gros classiques comme «Atomic Clock», «Powertrip» et surtout «Melt», qui est l’un des gros hits Magnetiques, et certainement l’un des morceaux les plus puissants de l’histoire du rock. Ils semblent y fondre l’air du temps, ils y fondent l’essence même du rock. Sur la face B on retrouve dans «Crop Circle» des passages d’accords qui rappellent ceux de «Kick Out The Jams Motherfuckers». «God Says No» sonne comme du Steppenwolf. On retrouve aussi le fabuleux «Negasonic Teenage Warhead» qui sonne comme un hit de Cream, et puis «Tractor», pure stoogerie chauffée à blanc qui aurait très bien se retrouver sur «Vincebus Eruptum».

 

À la fin, on s’y perd. Parfois il vaut mieux se perdre. Il vaut mieux aller se perdre dans le cosmos, par exemple, en compagnie de Dave Wyndorf, plutôt que de rester planté là comme un con. Ce n’est pas très élégant de rester planté comme un con. Surtout quand il s’agit d’un con aux abois qui ne travaille que pour payer des impôts et qui attend son tour pour aller se faire greffer un foie tout neuf.

 

Signé : Cazengler, le cosmique troupier

 

Monster Magnet. La Flèche d’Or. Paris XXe. 8 février 2014

 

Monster Magnet. 25... Tab. Glitterhouse Records 1991

 

Monster Magnet. Spine Of God. Glitterhouse Records 1991

 

Monster Magnet. Superjudge. A&M Records 1993

 

Monster Magnet. Dopes To Infinity. A&M Records 1995

 

Monster Magnet. Powertrip. A&M Records 1998

 

Monster Magnet. God Says No. A&M Records 2000

 

Monster Magnet. Monolithic Baby ! Steamhammer 2004

 

Monster Magnet. 4-Way Diablo. Steamhammer/SPV 2007

 

Monster Magnet. Mastermind. Napalm Records 2010

 

Monster Magnet. Last Patrol. Spinning Goblin Productions 2013

 

Monster Magnet. If Satan Lived In heaven he’d Be Me.

 

Monster Magnet. Demos 1989. Ricca 1989

 

 

L'ABORDAGE / 20 - 02 – 14 / EVREUX

 

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LES WARLOCKS INTERLOQUENT

 

Il régnait une atmosphère de début de règne au palais impérial de Rock City. L’archiduc Von Bee et l’archiduchesse Sissi nous accueillirent sur les marches de l’immense perron. Un petit lévrier, pareil à un diamant noir, jappait et bondissait. Nos hôtes nous conduisirent aussitôt à la salle d’apparat dont les immenses poutres vernies s’harnachaient de mille lustres étincelants. Le parquet ciré nous incitait à une prudence extrême et bientôt nous fumes happés par un tourbillon de notes de guitares électriques viennoises du meilleur effet. L’archiduc leva l’index et une nuée de petits laquais noirs comme l’ébène accoururent vers nous, portant des plateaux chargés de caviar, «le meilleur de l’empire !» s’empressa de préciser l’archiduc, le sourcil arqué. Nous goûtâmes ces mets essentiels et nous sentîmes nos palais frissonner. Une nouvelle nuée de jeunes laquais noirs fondit sur nous, porteurs de petits flacons givrés et de minuscules godets de cristal qu’ils remplirent avant de nous les proposer sur des plateaux d’argent. «Vodka paillettes d’or !», clama l’archiduc avec une délectation non feinte. Nous sentîmes ce nectar des anciens dieux de Sibérie nous embraser le gosier et une bien bonne vague de chaleur remonta aussitôt des profondeurs de nos entrailles. Un extraordinaire bien-être s’empara de nos cervelles chavirantes et avant que nous n’ayons pu reprendre souffle, les petits indigènes nous tendaient de nouveaux godets remplis. Cette atmosphère de fête nous étourdissait pour de bon. Sur injonction de l’archiduc, un préposé jouait des singles de Charlie Feathers et d’obscures maniaqueries vaudou. Voilà ce qu’il fallait bien appeler un modèle d’hospitalité.

 

Nous nous rendîmes ensuite ensemble à l’Abordage pour assister au show des Warlocks, fine équipe de Californiens venue prêcher la parole du psychout intersidéral en cette rude contrée de Normandie. D’une certaine façon, les Warlocks évoquaient les missionnaires qui s’enfonçaient jadis tout seuls dans des forêts peuplées de tribus cannibales. Prêcher la parole de l’Évangile n’était guère chose facile en ces temps reculés, et prêcher aujourd’hui la bonne parole du psychout intersidéral, c’est peut-être moins risqué, mais les probabilités de succès sont encore plus réduites.

 

Mais d’où sortent ces courageux Warlocks ?

 

Ils ont débarqué sur nos rivages en l’an 2000, au beau milieu du revival garage, mais ceux qui voulurent les y amalgamer firent une grossière erreur. Le garage et les Warlocks, ça fait deux. Les Warlocks taperaient plutôt dans le psychédélisme marmoréen. Ce groupe californien se distinguait aussi par ses effectifs pléthoriques. Cette horde comprenait à l’époque de son arrivée parmi nous deux batteurs, au moins quatre guitaristes, des claviers, un sitar et une basse.

 

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Quand on examinait la pochette du premier album («Rise And Fall»), on ne pouvait pas s’empêcher de ricaner : «Ha ! Encore des hippies camés à la con qui jouent d’interminables morceaux foireux de vingt-cinq minutes !» C’est vrai qu’on gardait un très mauvais souvenir des albums du Grateful Dead.

 

Mais «Rise And Fall» fut une bonne surprise car c’est un excellent album.

 

Le chef de cette horde s’appelle Bobby Hecksher : cheveux noirs de jais et visage à l’ovale parfait. Bobby Hecksher a grandi dans les marécages de la baie de Tampa, en Floride. La nuit, on y entend des hurlements de fantômes : ce sont les chants de mort des guerriers Séminoles exterminés jusqu’au dernier par les tuniques bleues du Capitaine Wyatt. Bobby s’est ensuite installé en Californie pour naviguer dans les eaux troubles des milieux sectaires à forte odeur de soufre. Il monta paraît-il les Warlocks le jour où Anton LaVey cassa sa pipe.

 

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Des quantités de musiciens sont passés dans ce groupe qui aurait dû s’appeler The Spanish Tavern. Les effectifs ont fondu avec le temps et le groupe ne comprend plus aujourd’hui que cinq membres.

 

Bobby Hecksher a pas mal traîné dans les dope-parties de Thimoty Leary, l’autre mamelle de l’enfer californien. Bobby avale goulûment les acides et ça s’entend sur «The Phoenix Album», le second album des Warlocks. Si on veut se plonger dans un tiède océan de mantras psychédéliques régénérateurs, alors c’est le disque qu’il faut écouter. Ça commence en beauté avec un heavy doom intitulé «Shake The Dope Out» et qui, par son côté explicite et décidé, ravira les forcenés du tripping. On se retrouve immédiatement dans une rue de Chelsea, en 1967, chaussé des souliers mauves et scrutant les perspectives fluctuantes à travers des verres orangés. C’est avec délice qu’on s’immerge dans cette musique lancinante et rayonnante qui fait rejaillir le flot irisé des souvenirs de cette époque bénie des dieux. Les Warlocks sonnent comme les Spiritualized qui sonnent comme les Spacemen Three qui sonnent comme les Monster Magnet qui sonnent comme Hawkwind. Les boucles se bouclent à l’infini rougissant de nos chimères alambiquées.

 

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Pour la première fois, on entend dans «Hurricane Heart Attack» une guitare feuler à l’intro. Puis le morceau s’ébranle dans toute l’épaisseur frissonnante de sa gelée mauve et orange, un peu à la manière d’un Airplane qui aurait mangé des épinards. C’est furieux et bon, heavy comme ce n’est pas permis, balayé par des tornades fuzz qui déchirent l’azur du ciel californien. On plonge dans un océan de doom interstellaire. Ce qu’on entend monte et descend lentement sur un étrange balancement d’accords. Les accords ventripotent et cette monstruosité pantagruélique couverte de vase semble surgir des abysses lovecraftiennes. En plus, c’est secoué de coups de boutoir.

 

Le sitar sonne la charge pour «Baby Blue». Ce disque est idéal pour voyager. Nous voici arrivés sur le chemin de Katmandou, avec du khôl plein les paupières et des foulards de soie noués autour du cou. «Stickman Blues» est une nouvelle pépite fabuleuse, en dépit du côté déjà-vu de la structure rythmique. Mais enlevé ainsi, à la hussarde et avec les deux batteries en avant, ça épate. On note la présence du grand trippeur Sonic Boom des Spacemen Three sur ce morceau. «The Dope Feels Good» sonne comme une petite pop des catacombes. C’est une pièce entraînante et bien vue ponctuée de ces Ahh que poussent les mecs qui planent. C’est du vécu et on nous sert en prime le killer solo lévitatif de bonne augure. Dans «Moving And Shaking», des solos acides semblent ramper derrière les couplets. On hallucine pour de bon, cette fois. Et puis, on voit arriver l’attaque meurtrière des solos et on se protège comme on peut. «Inside Outside» nous refait le coup de l’Airplane revu et corrigé par Syd Barrett revu et corrigé par les EdenChildren revus et corrigés par le West Coast Pop Art Experimental Band revu et corrigé par Barry Melton. C’est une farandole extraordinaire de guitares qui sonnent comme des cornets de l’antiquité. On pourrait même appeler ça la musique du diable. C’est puissant, beaucoup trop puissant. C’est même du psyché de malade mental. L’étalon du genre. Ça peut pulvériser une cervelle fragile et c’est noyé d’harmo sur le tard.

 

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«Stone Heads» bascule dans la pop californienne de haut rang. Ça souffle, c’est excellent et ça sonne comme le hit dont les Byrds ont toujours rêvé, car ça éclate de partout, avec des bulles et de la réverb, une démesure psychédélique et des solos qui coulent comme des rivières de miel sur les blessures de la vie. Pure magie psyché empreinte des audaces de bord de gouffre. Folie à l’état pur. Du coup, on commence à prendre les Warlocks très au sérieux.

 

«Rise And Fall» est un album du même niveau. Hommage à Nico pour commencer, avec «Song For Nico». On y retrouve les accords de «Waiting For The Man» en plus joyeux. Avec le beau final en bouquet de distorse, on se retrouve en territoire ami. «Cocaine Blues» vire vite à l’andouille psyché. Admirable doom et solo délié dans un océan de tripes fumantes. Retour à la puissance avec «Caveman Rock», un rock californien épais, admirable, bienvenu, celui qu’on préfère car issu du fameux california hell, domaine d’un diable bronzé et source intarissable de mythes en tous genres. Pour ça les Californiens sont très fort : ils n’ont pas d’histoire - au sens où l’entend la vieille Europe - mais ils ont réussi à fabriquer du vertige temporel. Il est des gouffres au-dessus desquels vous devriez éviter de vous pencher, même par curiosité.

 

Autre monstruosité nichée sur cet album : «Jam Of The Witches». Nous voilà conviés au grand sabbat des sorcières et plongés dans une nuit d’Apocalypse à la Jerome Bosch. Effet garanti, pour ce qui est de la mad psychedelia. Peu de groupes savent offrir ce genre de trip mortel. En fin de face, ils rééditent l’exploit avec une autre jam, celle des zombies. On est littéralement emporté par une tempête sonique d’une rare violence. Pas de problème. On adore ça.

 

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Le meilleur album du groupe restera sans doute «Surgery», bourré à craquer de chansons inspirées, comme on en voit rarement passer dans le quartier. On sent une très grosse influence des Mary Chain, mais ça leur va plutôt comme un gant. Notamment sur des morceaux comme «Come Save Us» ou «Evil Eyes Again», petites pop-songs bien droniques plongées dans des atmosphères pesantes, et bien martelées par les dieux de la forge des temps anciens. «Evil Eyes Again» signale un retour au slow spectorié, presque du happy when you’re honey in the rain, ou un truc dans le genre, on les sent vraiment inféodés aux Écossais. «It’s Just Like Surgery» sonne aussi comme du bon vieux Mary Chain avec sa mélodie prise dans le chaos sonique. Ils ne s’embêtent pas. C’est vraiment bon et bien brouté par la distorse. Exceptionnel et déterminant. Et même emporteur de suffrages. Du coup on dresse l’oreille car ça sent le bon disque. «Gypsy Nightmare» est effectivement une perle, avec sa mélodie descendante. Le joli thème bien rabâché à la guitare grasse gonfle les voiles de notre mélancolie et nous emmène loin au large. Cet album plaira aux plus démunis. «Angels In Heaven Angels In Hell» fait pop sixties effarée-yeux-ronds du petit matin. Cette belle pop cligne des yeux dans le brouillard druggy des descentes de mauvais trips. Admirable de mélodie et somptueusement mythique, si l’on se réfère à l’esprit des nuits d’hôtel sans lendemain. Romantique et puissant, avec une couche de solo gras qui coule là-dessus comme une crème anglaise. On croit rêver et ça donne faim. On entend rarement des pop-songs aussi ambitieusement belles et puissantes. Autre surprise de belle taille avec «The Tangeant», joliment gratté à la sèche en intro mais vite rattrapé par une horrible guitare au son gras comme un saucisson du Rouergue. C’est une fois encore une jolie pièce inspirée, tant mélodiquement que dans l’esprit du temps. On retrouve ce bon vieux son dépenaillé qu’on aime tant et ce chant adolescent troublant et perceur de cœur. Bobby est très fort. Il balance de formidables giclées de fuzz sur les cuisses pubères de son chant. Ça s’écoule sur l’infinie pureté. Personne avant lui n’avait réussi un coup pareil. Et il nous sert en guise de cerise sur le gâteau un final paranormal. Jusqu’à la fin du disque, on reste en confiance, avec des morceaux étonnants et fiables qu’on écoute avec recueillement. Ces gens-là savent. Ils détiennent la connaissance. À leur façon, ils chamanisent le rock californien.

 

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Bizarrement, les Warlocks vont se tarir avec le temps. On aurait aimé qu’ils dégénèrent et qu’ils explorent les territoires du psychisme carbonique, mais apparemment, ils ont opté pour un son plus pépère qui évoque Yo La Tengo et des Mary Chain aseptisés. Pourtant, les titres des albums restent assez barbares, comme par exemple «Heavy Deavy Skull Lover» et les pochettes ne font rien pour favoriser la paix des ménages. Malgré son titre prometteur, «The Valley Of The Death» sonne comme une vieille rengaine de Led Zep. Avec son ouverture en arpèges trapézoïdaux, «Moving Mountains» semble vouloir rester immobile, en dépit de ce qu’indique le titre. La chose semble oubliée des dieux, un peu lointaine, comme si elle boudait dans son coin. C’est ouvragé, c’est vrai, mais on s’ennuie. On commence à bâiller quand soudain ça se met en route et malheureusement, on reste coincé. Ça vous est déjà arrivé de rester coincé en bâillant ? Ça fait horriblement mal. Il faut attendre que l’articulation de la mâchoire se remboîte. Et après, on se méfie, évidemment. Le problème, c’est qu’avec la suite, on bâille en permanence. Avec son ambiance frelatée, «So Paranoid» sonne comme du Yo La Tengo mou du genou. Heureusement, deux morceaux tapis sur la face B vont sauver l’album. D’abord «Slip Beneath», pièce de stoner montée sur une ligne de basse mastodontique et chantée en laid-back, un peu à la façon dont chante Jim Reid. Ils recréent cet immobilisme latent balayé par des vents de fuzz. Et le punchy «Zombies Like Lovers» contient les riffs de la révolution industrielle. On y retrouve le pulsif dynamique des vieux pistons en fonte à double détente. C’est le grand sauveur d’album qui arrive au triple galop, pareil au Septième de Cavalerie qui surgit du canyon alors que les Apaches commençaient à scalper les rares survivants de la patrouille du lieutenant Bascop.

 

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L’album suivant, «The Mirror Explodes», ne réveillera pas les morts. «The Midnight Sun» est un morceau de mad psyché qui semble avancer comme une coulée de gelée verdâtre sous le ciel orange du remake de King Kong. Ah ça pour avancer, elle avance. Mais il faut bien s’armer de patience. Bobby aime beaucoup les chansons mentalement retardées. Il retape dans les atmosphères jouissives jadis explorées par Yo La Tengo, dans ces brouillards mélodiques qu’ils nous jetaient dans les yeux - comme d’autres jettent de la poudre magique - et qui nous faisaient tous braire à la lune. On reste interloqué avec «Slowy Disappearing». Car Bobby n’a pas compris que cette musique était complètement dépassée. Elle n’intéresse plus personne, aujourd’hui. Cette forme de laid-back psychédélique a déjà été exploré en long, en large et en travers par les Telescopes, par les Spacemen Three, par Yo La Tengo et les Mary Chain, par Loop et donc le compte est bon. La messe est dite. Les dés sont jetés. Mais Bobby doit être breton. Il continue quand même. Vas-y Bobby, fais tes dooms et vautre-toi bien dans l’inutilité des choses. Avec «Standing Between The Lovers Of Hell», on réalise à quel point Bobby va mal. Sa pop doomesque semble s’extraire d’une chrysalide d’accords mortifères. Il parle d’incision dans le crâne. Son doom grouille de scarabées et sent la chair brûlée. Le morceau sauveur d’album se trouve sur la face B, un instro nommé «Frequency Meltdown». Morceau presque joyeux, avec une basse qui joue dans son coin. Parfois elle reprend le thème, mais le plus souvent, elle s’en éloigne et c’est généralement ce qu’on attend d’une basse : éloigne-toi du thème, vas cavaler dans les prés, sois folle, affirme-toi en tant que basse, libère tes énergies, défends tes valeurs, rejoins l’élite des francs-tireurs, ne te laisse pas enfermer dans le carcan social ni écraser par le poids de la morale jésuite.

 

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Et puis voilà que «Skull Worship» débarque chez les disquaires, du moins chez ce qu’il en reste. Joli gatefold psychédélique, mais une fois de plus, c’est un disque un peu mou du genou. Pour ceux qui aiment bien le mou du genou, c’est du pur bonheur. Pour les autres, la situation se complique. «Chameleon» sonne comme du Robert Wyatt. La voix de Bobby se réduit à un filet. On le sent las de la vie, prêt à lâcher prise. Il faut attendre la face B pour voir se produire un sursaut. «He Looks Good In Space» s’énerve un peu, monté sur un petit riff insistant. Bobby chante d’une voix faible et c’est peut-être ce qui finit par créer une sorte de charme intimiste. On aimerait bien pouvoir protéger le pauvre Bobby, lui donner un verre de jus d’orange et un peu d’argent de poche, pour au moins le voir sourire, mais les morceaux qui suivent sont tellement mauvais qu’on préfère laisser tomber. Que le diable l’emporte.

 

En entrant à l’Abordage ce soir-là, on priait les dieux pour qu’ils ne fassent pas la promo du dernier album, qui n’est pas très bon. Pourvu qu’ils tapent dans les trois premiers !

 

Si vous voulez obtenir des choses dans la vie, faites appel aux dieux. Vous verrez, ça marche à tous les coups, mais à une seule condition : ne pas se tromper de dieux.

 

Les dieux ancien de la Sibérie nous entendirent.

 

Trois guitares, basse, batterie, les Warlocks ne faisaient pas dans la demi-mesure. Bobby Hecksher semblait extrêmement timide. Il jouait sur sa jolie Gretsch de délicates structures psycho-byzantines. Malgré son look de rockstar, il conservait une bouille enfantine.

 

Coiffé comme William Reid, chétif et hanté, John Christian Rees tissait d’infâmes textures psychédéliques sur son Epiphone noire. Il jouait ses parties rythmiques avec flamboyance. De l’autre côté de la scène se dressait le spectral Earl V Miller, occupé à touiller des gargouillis spatio-temporels du meilleur effet sur sa demi-caisse noire. Son ombre dégingandée et ses mèches rabattues sur le visage donnaient aux Warlocks une touche sleazy très sayante. Christopher et George assuraient la fonctionnement d’une machinerie rythmique admirablement bien huilée. Il ne pas oublier que les Warlocks partent en voyage quand ils montent sur scène et ils emmènent pas mal de passagers, alors pas question de tomber en panne.

 

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Et pour le bonheur de nos oreilles bien réchauffées par la vodka de l’archiduc, nous entendîmes le meilleur choix de morceaux warlockiens. Nous nous régalâmes du heavy doom de «Shake The Dope Out», des tornades fuzz de «Hurricane Heart Attack», de la petite pop des catacombes de «The Dope Feels Good», des tripes fumantes de «Caveman Rock», du prodigieux clin d’œil au Velvet, «Song For Nico», du punch de «Zombies Like Lovers», enfin bref, on en vit de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres, des roses et des moins roses, on peut dire qu’on y vit que du feu, et qu’il y avait là suffisamment de répondant pour noyer toute révolte dans l’œuf.

 

Il ne nous restait plus qu’à aller s’envoyer un bon ballon de Carmélite chez la reine des espions et à trinquer à la santé des grands projets impériaux.

 

 

 

Signé : Cazengler, le warloqueteux

 

Warlocks. L’Abordage. Evreux (27). 20 février 2014.

 

Warlocks. Rise And Fall. Bomp Records 2001

 

Warlocks. Phoenix. Birdman Records 2002

 

Warlocks. Surgery. Birdman Records 2005

 

Warlocks. Heavy Deavy Skull Lover. Tee Pee Records 2007

 

Warlocks. The Mirror Explodes. Tee Pee Records 2009

 

Warlocks. Skull Worship. Zap Banana Records 2014

 

 

 

TRIBULATIONS D'UN ROCKER( II )

 

 

J'ai vendu la teuf-teuf mobile. Un très bon prix. Pour être exact, je l'ai échangée. Contre un avion. Un Airbus, un A 320. J'ai tout de suite voulu l'essayer. Je n'allais tout de même pas partir à Memphis ou à Nashville comme une vulgaire rock star. J'ai laissé la copine choisir la destination, elle a opté pour l'Espagne. Elle a regretté. Sans le savoir, on avait retenu un hôtel en plein milieu du quartier gay. Des dizaines de beaux garçons me jetaient des regards concupiscents. C'est ce que l'on appelle le prestige du Perfecto. Je ne sais pourquoi, la copine m'a fermement pris par le bras et extrait manu militari de ce guêpier de stupre et d'effondrement moral. Comme je chantonnais la douce chanson de Verlaine «  Je suis l'Empire à la fin de la décadence » elle a décidé de me changer les idées en m'emmenant visiter le Prado.

 

 

Faut me cultiver qu'elle a dit. Mais à la cinq cent soixante dix-septième mise au tombeau du Christ, il y avait déjà longtemps que j'avais enterré le christianisme et fait une croix sur la peinture espagnole. C'est alors que je lui ai rappelé que les grands maîtres du vingtième siècle avaient apposé leurs chefs d'oeuvre sur les pochettes des disques de rock'n'roll et qu'il était plus que temps de partir à la recherche de tels trésors.

 

 

Quelques cochranesques curiosités et une rareté vincenale plus tard, l'on s'est intéressé au sort de l'Espagne moderne. Une nation en pleine régression. Je ne parle pas de l'économie, parce que dans ce pays, comme dans tous les autres, heureusement les riches n'en finissent pas de devenir de plus en plus riches, mais du recul civilisationnel en train de s'opérer : une loi contre l'avortement en votation et un projet de deux ans de prison pour les vendeurs ambulants en préparation. Il est vrai que la pratique du premier méfait est en contradiction avec les saintes lois de la religion catholique et apostolique, et que les praticiens de la vente à la sauvette sont surtout des africains affamés qui n'ont pas eu le bon goût de chavirer en plein milieu de la Méditerranée comme leurs frères dont on retrouve les cadavres assagis et repus d'eau salée sur les plages maltaises.

 

 

Bref, allez savoir pourquoi, l'on s'est retrouvés dans un local de dangereux anarchistes. Z'avaient des tas de brochures, une bibliothèque de prêt, et plein d'expériences de luttes antisystémiques à raconter. Vendaient aussi des CD. Deux, trois euros. Production locale de groupes autochtones. Nul besoin d'être titulaire d'un diplôme universitaire de langue castillane pour comprendre à la noirceur des boîtiers que nous naviguions en zone punk. Dix minutes ne s'étaient pas écoulées que l'on nous rencardait pour un concert.

 

 

LA GATONERA / 21 - 02 - 14 / MADRID

 

 

AMENAZA TORMENTA / AKUPUNKTURA

 

 

FUCKING FUCKERS

 

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Karamanchel. Le quartier populaire par excellence. Loin du centre. Sans notre guide nous n'aurions jamais trouvé la Gatonera. Juste une porte ouverte dans une rue déserte. Mais il suffit de franchir le seuil pour changer de monde...

 

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Un peu d'étymologie pour mieux comprendre. La Gatonera c'est juste le contraire d'une ratonera, la souricière des souris blanches d'élevage vouées à l'expérimentation animale. Comprenez le symbole des hommes soumis à l'exploitation capitaliste. Ici dans la chatterie, tous les chats sont noirs et batifolent en toute liberté. Ont d'étranges coutumes un peu en opposition avec le monde des hommes dits civilisés. L'entrée est à trois euros, mais personne ne vous surveille. La recette est dans un grand verre au milieu de la table. Vous donnez ce que vous voulez. Tout compte fait, les choses n'ont d'autre valeur que l'importance que l'individu leur octroie. Si nécessaire, vous cherchez vous-même votre monnaie au fond du récipient. L'on vous rappelle... juste pour vous offrir en cadeau le CD d'Akupunktura.

 

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Tables à opuscules incendiaires et un gouffre noir qui semble descendre vers les entrailles de la terre. Un escalier aux marches inégales et très vite vous êtes à pieds d'oeuvre. La salle est assez grande et remplie de jeunes gens. Filles et garçons. Un mélange hétéroclite de cheveux courts, de tignasses ébouriffées, de crêtes iroquoises, des t-shirts aux slogans cinglants ou auréolés d'impressions explosives, des blousons de cuir ou en peau de bébés skaï, tous les genres sont un peu mélangés, du punk estampillé au hardos breveté, pas d'uniformisation, citations goths, psycko, bikers... chacun selon envie. Tout ce petit monde se côtoie sans problème, l'ambiance est fraternelle, respect mutuel et indépendance naturelle.

 

 

Au fond une espèce de stand, les gobelets sont larges comme des pots de fleur, les prix à discrétion, le service amical. Devant, la scène est encombrée d'instruments et d'amplis. Amenaza Tormenta ouvre le bal.

 

 

AMENAZA TORMENTA

 

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La tempête menace. Levez-vous vite, orages désirés ! s'exclamait le jeune Chateaubriand, mais il ne savait pas que son impatience n'était que la prescience de la révolution française qui avançait à grand pas. Amenaza Tormenta est sur le pied de guerre. Sont pressés, la contestation européenne émerge peu à peu et ils ont décidé d'en écrire la bande-son. Sont cinq, deux guitares, basse, batterie et un chanteur. Un hurleur, micro en main il arpente la scène à grandes enjambées, fait des sauts à toucher le plafond et court d'une extrémité à l'autre sans avoir peur de se fracasser contre les murs.

 

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Pour la musique c'est simple, un batteur locomotive qui n'arrête jamais, une basse qui envoie des ondes maléfiques et deux guitares qui ont oublié que l'on peut aussi jouer sur un tempo lent. La tempête menace. Vous voulez rire ! Vous êtes au coeur de l'ouragan, Eole lance ses coursiers et galope en tête de la horde sauvage. Le son vous enveloppe et secoue votre houppelande mentale. Déluge sonore. L'électricité flambe. La musique ne vous abasourdit pas, au contraire elle vous énergise. Pogo de fous au milieu de la salle.

 

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Chante en espagnol mais dans le souffle dévastateur de l'hurricane en action les paroles restent incompréhensibles, il est toutefois facile d'en saisir l'ironie mordante et l'urgence du propos. Ils ont des titres qui parlent d'eux-même : Tout et Maintenant ou Le Bonheur n'a jamais été Synonyme de Paix. Punk à fond et hardcore à bras le corps. Ne savent que foncer droit devant eux, una, dos, tres, le rythme sautille quatre secondes et la tornade déboule sans préavis. Inutile de chercher à vous sauver, vous êtes balayés comme des fétus de paille dans le chaudron du diable. Rock primitif mais à effet maximaliste. Ni trêve, ni répit. C'est la fin. Jouent si vite que l'on n'a pas vu filer l'heure. Le chanteur résume la situation en un seul mot : ANARKIA ! Jeté à la face du monde comme une menace bienfaisante.

 

 

AKUPUNKTURA

 

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Attention, ce n'est pas de la médecine douce. Changement de caisse claire, accordage des instruments et réglage des larsens en cinq minutes. Ne sont que quatre. Guitare, basse et batterie. Sur leur disque il y a un trompettiste en plus, mais manifestement ce soir ils n'ont pas besoin de lui pour sonner la charge. Plus un chanteur qui ne fait que chanter, bien sûr car sur ce genre de musique ultra-speedée vous ne pouvez être à la fois et sur la meule bruissante de l'instrument et sur les ailes d'airain du vocal. Faut un temps pour s'habituer, le temps nécessaire à l'élimination des acouphènes engendrés par le set de Amenaza Tormenta.

 

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Puertolas est à la batterie, une frappe sèche qui coupe et découpe le flux musical. Très vite le rythme s'affine et l'on comprend que l'on est face à un véritable architecte. Impulse ses plans, en un premier temps il désorganise le puzzle sonore et les cordes foncent dans le tunnel chaotique libéré sans se soucier de ce qui s'en suivra, mais il n'a mélangé toutes les pièces que pour en proposer brutalement une nouvelle reconstruction, ce qui permet au vocaliste de donner une nouvelle impulsion à son chant. Reprendre souffle et crier encore plus fort.

 

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La musique d'Akupunktura est méchamment élaborée – je ne veux pas dire préparée à l'avance. Au contraire elle avance comme une série de métamorphoses incessantes. Le serpent ne mord pas la queue de la linéarité métronomique, il n'en finit pas de changer de peau. Au passage vous pouvez reconnaître quelques motifs – reprises métal, écrasement punk, halètement hardcore – mais à peine avez-vous réalisé que basse et guitare vous propulsent en avant à toute vitesse jusqu'au prochain aiguillage.

 

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Dans la salle ça pogote à gogo. Les corps se rapprochent, se heurtent, s'expédient au loin et reviennent comme attirés par une force érotique trop puissante pour trouver un repos redouté. Micro en main Pablo attise l'ardeur de cette danse abrasive. Lui-même ne peut résister et il se lance dans le tourbillon dont il s'extirpera pour remonter sur la scène et crier sa rage et sa hargne à cent lieues à la ronde.

 

 

Nous laissent sur les rotules. La conscience dévastée par tant de colère déversée. Akupunktura nous a piqués au vitriol. La foule exulte et malgré l'heure avancée ils ont droit à rappel pharamineux.

 

 

FUCKING FUCKERS

 

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Etaient déjà sur un coin de la scène à s'accorder pendant le rappel d'Akupunktura. Deux guitares, une basse, batterie et Yto. L'est sûr qu'ils ne veulent pas prendre le train de la révolution en marche. Préfèreraient lui faire exploser la chaudière qu'arriver en retard. Tête rasée, yeux méchants, tatoués comme un guerrier maori, et atomes d'énergie irradiant de tout son corps, Yto mène le groupe.

 

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Musique à poings de fer fermés. Balancent rapide et dur. Yto à la voix de stentor surmonte toute l'instrumentation. Et pourtant, il y a un sacré guitariste qui malmène sa guitare juste à côté de moi. Lamine sec et sans arrêt. Je n'arrive pas à comprendre comment il peut envoyer tant de plans si différents sans aucune hésitation. Il enchaîne sans répit. Attaque en piqué et bombarde en même temps. Ses doigts rasent les cordes et décochent des missiles bourrés de TNT.

 

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C'est sur ce déluge de combustibles irradiants qu'Yto déverse sa haine. Ne se déplace que sur une moitié de la scène. Va et vient mais avec la régularité appliquée d'une mitraillette qui arrose consciencieusement son champ de tir. Force brute en action. Il invective les pogoteurs qui n'en peuvent plus mais qui se relancent dans l'entremêlement pandémonique des corps dégoulinants de sueurs.

 

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The Fucking Fuckers pratiquent le hardcore orgasmique. Déversent dans vos oreilles des tonnes de sons qui se transforment en barres de plaisir énergétiques qui se plantent dans votre cerveau pour vous faire accéder à la conscientisation active de la nécessité survitaminée de la révolte. Baisez le système avant qu'il ne vous baise. Le message est clair, mais l'urgence de sa réception absolue. Musique violente à l'image des pressions attentatoires que la société exerce sur vous.

 

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Les Fucking Fuckers vous attrapent dans leurs tenailles d'acier et ne vous lâchent plus, du début du set jusqu'à la dernière note. Impossible de vous échapper. Vous prennent dans le réseau de vos propres contradictions. Cette musique primale – que certains aimeraient définir comme primaire au sens le plus péjoratif de ce mot – qui en appelle aux pulsions quasi-pavlovtiques de la danse et du défoulement, et qui ne cache pas sa gratuité coroscante sous le sceau amoindrissant d'une iconique virtuosité incapacitante, vous force à réfléchir sur l'origine et l'essence même du rock'n'roll comme réaction de survie à des situations initiales d'oppression sociale et de dominations économiques.

 

 

LA GATONERA

 

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La Gatonera fêtait son sixième anniversaire. Il est à craindre qu'elle ne fasse point de vieux os. Sous prétexte d'un incendie dans un lieu similaire la Mairie brandit la menace sécuritaire. Les autorités aimeraient bien que de tels lieux de liberté et de musique sauvages disparaissent. On les comprend. Il ne faudrait pas que ces ilots où sont expérimentées des pratiques de vie différentes fassent tache d'huile. J'ai beaucoup aimé ce lieu d'électricité radicale où le rock est entré en résistance active.

 

 

Damie Chad.

 

( Photos de scène prises sur le facebook des grouppes ne correspondant pas au concert 

traduction en espagnol in KR'TNT 179 du jeudi 06 mars 2014 )

 

 

 

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