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23/12/2012

KR'TNT ! ¤ 124. ROLLING STONES

 

KR'TNT ! ¤ 124

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

27 / 12 / 2012

 

 

 

ATTENTION !

KR'TNT ! part en vacances ! Comme nous ne voudrions pas que vous soyez en manque de votre dose hebdomadaire, nous mettons en ligne dès ce dimanche 23 décembre notre numéro 124 prévu pour le jeudi 28 décembre. N'en oubliez pas pour autant la saine lecture du N° 123 du 13 / 12 / 12. Nous devrions être de retour dès le jeudi 03 janvier 2013.

JOYEUSES SATURNALES ROCK'N'ROLL !

 

 

 

CINQUANTE ANS DE STONES

 

 

LE LIVRE DES ROLLING STONES

 

 

FRANCOIS DUCRAY / JACQUES LEBLANC / UDO WOEHRLE

 

 

ALBIN MICHEL * ROCK&FOLK / 1978

 

 

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Aucune envie spéciale de parler des Stones. Et puis l'actualité est venue me prendre par la main. Sur une brocante, un vendeur sympathique qui me refile des photos de Marcel Proust ( les rockers possèdent parfois des centres d'intérêt divergents ) pour trois euros. Trois euros ! A ce prix-là je passe les dix mètres carrés de l'étalage au peigne fin, de gros cartons remplis de bouquins – plutôt littérature fin de siècle – jetés là un peu n'importe comment. Tiens des disques ! Des trucs pop inécoutables des années 80, avec coincé entre deux pochettes de Supertramp ( quand je dis inaudible, je suis large d'esprit ) Le Livre des Stones de la collection Rock'n'Folk, paru en 1978. A l'époque, l'état de ma fortune personnelle ne m'avait pas permis de me l'offrir... mais vu la présente évolution de mon porte-feuille d'actions cotées en bourse, tel un trader flairant la bonne aubaine, je décide sur le champ – en fait sur la Place de la République locale – que je ne dois point résister à l'acquisition d'un tel fleuron rock'n'rollien, puisque au dire des analystes financiers des grosses banques d'affaires la conjoncture économique n'a jamais été aussi favorable à l'enrichissement des riches... collectionneurs. Nanti d'un tel trésor sous le bras, je dois l'avouer, tandis que je rejoins d'un pas serein la teuf-teuf mobile, je me fous des pauvres... malheureux qui ne possèdent pas encore ce collector indispensable à la survie de l'espèce humaine. Excusez-moi de parler d'argent, je sais que cela ne se fait pas entre gens bien ( comme nous ), mais avec les Stones il s'agit d'une première pierre d'achoppement inévitable sur laquelle l'on se casse à tous les coups les dents.

 

 

TROIS MOUSQUETAIRES

 

 

François Ducray n'est pas tombé de la dernière averse. A suivi le parcours classique du journaliste rock qui a fait carrière, début chez Best et Rock'n'Folk, recyclage journaleux grand public cultivé via Télérama pour finir aux Inrock. Des livres pour assurer la tambouille chez Librio ( Gainsbourg, Beatles, Pink Floyd ) et plus fine bouche un Led Zeppelin et tout dernièrement un Dylan et le Country-Rock au Castor Astral.

 

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Jacques Leblanc, la même début de route, Best, Extra, et très vite cet esprit fiévreux de recherche encyclopédique qui le mènera à devenir le spécialiste des french sixties, à fonder Juke Box Magazine, puis le CIDISC : Convention Internationale des Disques de Collection, et à rééditer en précieux tirages limités les raretés du catalogue rock français, notamment au travers du label Magic. Un véritable activiste rock.

 

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Udo Woehrle est davantage un fantassin de l'édition. Cherche les sujets qui marchent. Produit plus qu'il n'écrit. Deviendra très vite le rédacteur en chef du magazine Géo, un must dans les années 70 – 80 pour cette petite-bourgeoisie friquée que l'on n'appelait pas encore les bobos. Aujourd'hui il assure la transposition des produits de presse français en version allemande... Nous le subodorons davantage préoccupé par le business que par le rock'n'roll.

 

 

Se sont partagés les taches. Woehrle a calibré le projet – il y avait déjà chez le même éditeur, Les Rolling Stones de Philippe Bas-Rabérin – faites-lui confiance pour l'optimisation de la rentabilisation de l'affaire, Jacques Leblanc a emmené la doc, et tous deux ont confié avec juste raison le soin de le rédaction à François Ducray. C'est qu'il ne suffit pas de rapporter les faits dans leur ordre chronologique ni de présenter les pochettes des 45 Tours les plus rares à des lecteurs ébahis, faut encore une écriture qui suscite le rêve et la légende. Et seul quelqu'un qui a vécu et intériorisé la saga dont il parle peut la restituer en en décryptant les enjeux originels et les conséquences ultimes.

 

 

1978

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1978 ! Que c'est loin ! leur restait à vivre encore ( au moins ) deux fois le laps de temps qu'ils venaient d'arpenter. Pouvaient pas le savoir, nos Stones. Françoy Ducray non plus. Cette ignorance change les perspectives. Le livre s'achève alors que nos moutons noirs viennent de sortir leur quatorzième album studio, Miss You. Leur plus grosse vente. Tout semble aller pour le mieux. Mais c'est le dernier feu d'artifice. Moi-même en allant vérifier dans mes étagères me suis surpris. I got the record. M'en rappelais plus. Pochette splendide. Gravure impeccable. C'est que je n'ai pas dû l'écouter beaucoup. Suis-je- allé jusqu'à deux ? Je ne m'en souviens pas. J'ai les précédents aussi. Le calamiteux Black and Blue, le décevant It's Only rock'n'roll ( but we like it ), et le totalement raté Head Goat Soup. Les ai systématiquement achetés, ou plutôt me les suis procurés, comme on disait chastement à l'époque. J'étais comme eux. Je vivais sur leur passé.

 

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Déjà ils louchent sur ce qui se faisait à côté. Mais se trompent de side. Ils cherchent le groove, l'aseptisé, celui que l'on entend sur les disques de Stevie Wonder, musique noire blanchie à l'extrême qui a troqué sa force séminale contre le ahanement du bit castré pro disco. Veulent rester jeunes. Comme dirait Bowie, ils donnent le change. Ont oublié de regarder de l'autre côté, la bonne face. 1976, 1977 : le rock est en ébullition, dans chaque cave londonienne, les punks essaient de jouer plus vite et plus fort que les Stones, dans le seul espoir de les égaler. Tu parles ( my King ) Charles ! Au bout de deux ans la preuve était établie. Les petits jeunes pouvaient remballer, le concours était fini. Avant d'avoir commencé. Perdu aussi pour les Stones qui n'ont pas compris qu'ils avaient l'opportunité, à ne pas laisser passer, de devenir les New York Dolls anglaises. Dans les deux cas, c'est le public qui n'était pas au rendez-vous.

 

 

RE-PLAY

 

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Ne me dites pas que c'est du passé. Aujourd'hui même viennent de commettre le même style d'erreur. Le copain a télechargé leur dernière compil. Grrr ! 27 euros dans le commerce, pour des morceaux d'anthologie qu'il possède déjà en six ou sept rééditions différentes. Avec bien sûr, pour délester les fans, deux inédits. «  Pas mal du tout, juge-t-il, du bon rentre dedans, bien rock ! » puis il ajoute «  j'ai effacé tout le reste bien sûr. N'ai gardé que ces deux-là ! » L'a raison de ne plus vouloir cracher au bassinet. Je me prends à rêver, j'aurais été le premier à courir au magasin s'ils avaient sorti les deux dernières pépites sur un single vinyl avec une belle pochette surprise. En plus avec une bonne promo ils en auraient vendu des semi-remorques à gogo et auraient redoré leur aura. Ternie depuis longtemps. Au vert-de-gris dollarisé. Mais il y a longtemps que les Stones ont abandonné le rock'n'roll pour le tiroir-caisse.

 

 

LA PREMIER PIERRE

 

 

La faute à qui ? Ne m'attendez pas pour jeter la première pierre à Jagger. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi l'on parle encore de l'Iguane mais plus jamais du Jaguar. Même les pisse-copie généralistes qui n'y entravent que couic mais qui recopient les fonds d'articles de la presse spécialisée, ne ressortent plus le fauve des cages du rock'n'roll circus. L'est vrai que les griffes du Mick se sont bien émoussées. Les a échangées contre des serres crochues. Il est venu un moment où le jeune homme en colère n'a plus eu faim.

 

 

C'est humain. Mais pas très rock'n'roll. S'en foutent. Ont toujours été plus proches du rhythm and blues. On les comprend. Quelque part c'est plus facile que le rock et le rockabilly. On a besoin de moins de technique vocale mais de davantage de feeling. Se sont toujours recommandés du bluesman inconnu mais n'ont pas cherché les subtilités du style. Z'ont compris, et vraisemblablement Andrew Loog Oldham d'abord, qu'ils n'arriveraient jamais à égaler les maîtres du genre. Ont tout misé sur le son. Un peu ce que faisait Phil Spector pour les groupes de Doo wop dont il a totalement renouvelé l'esthétique. Les a remodelés à la mode collège. Tout en les gonflant au Spector sound. Suffit d'avoir un joli minois pour décrocher une place.

 

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Eux ils avaient la sale gueule. Tristes tronches de petite gouape sans ambition. Le mur du son n'en serait que plus épais. Fallait les cacher derrière les briques sonores. N'y sont pas arrivés tout de suite. Ont été sauvés par Charlie Watts. Un batteur sans imagination. Une machine déréglée imperturbable. Un demi-temps de retard à chaque frappe. Faites-le jouer sur un tempo ultra-rapide et puis sur un blues languissant. Dans tous les cas, vous offrira toujours son demi-temps de retard sur le beat espéré. Les intellos ont essayé d'expliquer cette monstruosité rythmique. Cela viendrait de ses origines jazzistiques, ne peut donc posséder la frappe primaire du rocker qui tape sur sa caisse claire comme un malade. Vous pouvez écouter la disco complète d'Elvin Jones, n'a jamais un seul semi-battement de retard. Ou alors c'est voulu et contrôlé de bout en bout, pas du tout mécanique, se rattache alors à l'art du contre-temps. Du contre-point. Dentelle.

 

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Z'avaient pris soin de virer Ian Stewart le pianiste. Jouait le boogie comme un dieu. Juste et sans faute. Avec lui au clavier, l'on pouvait pas garder Charlie, même un sourd aurait entendu son retard métronomique. A dû donc jouer les utilités. Pas Charlie, Stewart, avec les Stones rien n'est jamais juste, ça tombe toujours à côté comme Charlie, mais en fin de compte ça finit par s'arranger pile-poil. Donc Ian chauffeur, secrétaire ( poli et déferrent ), on peut même l'entendre sur les disques, dans le lointain, sert de bruit de fond à la cacophonie générale. Ne surnage dans tout ce capharnaüm que l'arythmie congénitale de la batterie perceptible justement par le bruit que fait ce demi-silence retardataire à ne jamais chuter à l'instant exact où on l'attendrait.

 

 

Une pulsation particulière qui est devenue comme la marque de fabrique de la musique des Stones. Si vous ne me croyez pas, écoutez le piano de Nicky Hopkins – car pour reproduire le bruit de fond à l'identique sur scène, afin de suppléer aux micros enregistreurs manquants du studio, l'on a adjoint toute un bataillon de musicos afin de remplir l'espace sonore. Hopkins ne joue pas à proprement parler. Il remplit les vides, descend les tons comme on dégringole dans les escaliers. Musak d'ambiance d'ascenseur et de supermarché.

 

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C'est comme cela que les Stones sont passés du blues au rock'n'roll. L'on peut le dater. Sur Get out off my Cloud. Sensationnel numéro de Charlie qui toutes les quinze secondes se lance dans une démonstration attention-les-gars-je-déroule-mon-kit-en-entier-et-débrouillez-vous- comme-vous-pouvez. Vont se piquer au jeu. Chacun balance sa commission personnelle dans la marmite. Personne ne s'écoute. Mais entre deux roulé bourré de Watts il reste assez de place pour stationner un porte-avions. Ca résonne dur. Jagger s'égosille à qui mieux-mieux. Nous sommes loin du tricotage facile de Satisfaction, tellement plus près de Muddy Waters que personne ne l'a encore jamais fait remarquer.

 

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N'échapperont qu'une seule fois au beat de Watts. Sur Baby Have Seen your Mother Standing In The Shadows. Une avalanche de guitares grondantes hyper speedées comme personne n'en avait alors jamais entendu. Depuis les hard rockers ont fait beaucoup plus fort, et ce morceau qui nous paraissait dantesque à l'époque souffre aujourd'hui – ironique retour de l'Histoire - de la mise sous boisseau de la batterie de Charlie Watts que l'on n'entend pas.

 

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C'est sûrement-là le secret d'un grand groupe de rock. Ce n'est pas la guitare de Jimmy Page qui a créé le son de Led Zeppelin, la turbine sonore du Dirigeable c'est Bonham et sa frappe architecturale. La voix de Plant et la guitare ne font que remplir les espaces. A tel point que sacrilège des sacrilèges, j'en arrive à me demander si ce n'est pas Dickie Harrel qui ordonne le jeu de Cliff Gallup, chez les Blue Caps.

 

 

TOURBILLON

 

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Bref lorsque les pierres se mirent à rouler cela fit mal. Aux Stones pour commencer. Car comment sortir de la quadrature du bon vieux blues du delta carré lorsque l'on se met à tourner en rond sur soi-même ? En arrondissant les angles fut la première réponse apportée. C'est un peu n'importe quoi. Deux monstres, Between the Buttons et Their satanic majesties request furent les deux trente-trois tours qui essayèrent de se livrer à cette impossible translation. On y trouve de tout dessus. De l'antistone même. Mais la lumière noire c'est encore de la lumière.

 

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Jamais trois ratés après deux loupés. Fallut prendre des mesures extraordinaires. L'on congédia le boss. Pas une révolution populaire. Plutôt un pronunciamento militaire. Exit Brian Jones un bon coup de pied au cul qui le renvoya dans sa piscine. Savait plus nager. Mais il n'y avait de bouée de secours livrée avec le parachute doré des royalties.

 

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Embauche immédiate d'un guitariste. Un vrai, pas un simple rythmique. Un sacré joueur de blues mais capable de slider sans problème jusque sur les plans rock les plus meurtriers. Mick Taylor leur permettra d'enregistrer sans coup férir trois monuments du rock'n'roll : Beggar's Banquet, Let it Bleed et Sticky Finger. La suite sera une lente dégradation. Richards prend trop de dope et Jagger le poste de PDG de l'entreprise Rolling Stones.

 

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L'ivresse du fric va peu à peu l'emporter sur la qualité du flacon. Nous refilent du frelaté alors que l'on aurait avalé sans sourciller un alcool de contrebande au venin de crotale. Mieux vaut un tord boyau que de la daube ou de la soupe, même si c'est une spécialité jamaïcaine à la tête de bouc. Richards s'enferme dans le rôle du grand sorcier de l'open tuning qui gonfle tout le monde. Même que Chuck Berry lui demandera de faire moins de bruit. Mais c'est dans ce personnage de super pirate des caraïbes ( ah ! La tête de mort incrustée sur sa guitare noire ! ) qu'il parvient à acquérir une stature capable de faire front au frontman bronzé en pleine forme qui a pris les manettes du commandement. Années cruciales où rien ne se voit mais où tout se joue.

 

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Mick Taylor s'éloigne sans se retourner. L'en avait assez de passer pour le second couteau alors qu'il était le lead guitarist. Personne ne l'a jamais dit mais il me paraît évident que Keith a dû savonner la planche. Ne s'en vantera pas. Les cyniques pratiquent volontiers l'auto-dérision mais arrêtent les frais lorsqu'ils doivent retirer le masque de leurs turpitudes.

 

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1962 – 2012

 

 

Tout cela nous pouvons le dire aujourd'hui avec du recul. Dans le livre de nos trois mousquetaires, personne ne remet en question la suprématie d'artagnesque des Stones. Ont pu commettre des impairs mais l'on attend encore d'eux plus qu'ils ne donneront jamais plus. Life, le livre de Keith, son plus beau solo depuis longtemps, ( voir notre 43 ° livraison du 09 / 03 / 11 ) ne laissait présager rien de bon quant à d'éventuelles retrouvailles pour le jubilé du groupe.

 

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Mais pour leur fortune les Stones nous feraient croire qu'ils ont encore un coeur. A près de soixante dix pages pour les plus jeunes, l'on comprend qu'ils n'ont guère envie de se farcir quatre-vingt dates à la queue leu leu. Ont choisi le minimum vital. Celui qui ne remet pas en cause la survie de la machine à dollars.

 

 

Des malins les Stones, pour rentabiliser le bidule se sont faits sponsoriser : donneront à Paris un concert privé au profit d'un fonds de pension. Dur à écrire, mais c'est ainsi, le rock'n'roll déguisé en pute de luxe qui fait la manche pour quelques centaines de milliers de dollars. Rien ne leur fait peur aux Stones, ils ont vendu l'esprit de révolte à un fonds de pension, à un de ces instruments du libéralisme mondialisé qui s'enrichissent sur le dos des prolétaires. Qui il est vrai ont oublié de s'unir.

 

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Dans le delta il y a des cadavres de bluesmen qui ont dû se retourner dans leur trou de terre noire... Le premier – normal c'est lui qui a payé - à goûter le sel de la situation reste Edouard Carmignac, l'heureux patron du gouffre cent fonds qui porte son nom, qui a tout compris – comme quoi l'argent peut vous rendre intelligent. Sait employer les mots qui (rap)portent : «  Ils vivent avec vous depuis cinquante ans et ils nous parlent de révolte : voici les Rolling Stones  ! ».

 

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Et les Stones ne se se sont pas cassés. Sont rentrés sur scène et ont accepté de cirer les pompes du gros dégueulasse avec le tapis rouge du rock'n'roll ! Se sont mis mêmes à crier de satisfaction. N'ont tout de même pas osé chanter Merci Patron ! d'Henri Salvador. Devaient connaître l'air, puisque la veille ils avaient fait l'aumône au bon peuple de Paris d'un concert de 300 places à vingt euros l'entrée. Que voulez-vous chacun a ses pauvres.

 

 

L'embêtant dans le rock c'est que nous avons aussi nos riches.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

FAN DES ROLLING STONES.

MARINE GUILLIER.

 

CARNET DE CONCERTS.

 

220 PHOTOS INEDITES.

 

CHEMINEMENTS EDITIONS.

 

 

Celui-là ne ne dites pas que vous l'avez. C'est sorti en 2006 et très intelligemment l'éditeur a envoyé le stock invendu au pilon. N'avait pas été assez malin pour se rappeler que deux ans plus tard les Stones fêteraient leur anniversaire.

 

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C'est un livre de fan, fait par une fan. Pour les fans peut-être, mais surtout pour elle-même. Un pari insensé, suivre la tournée des Stones en tant que journaliste accrédité. Perdu sur toute la ligne. Personne ne veut, pire nul n'a besoin d'une gamine ( doit avoir au-dessus de la vingtaine ) sans renommée ou introduction. Qui irait offrir une telle place à une parfaite inconnue alors que des pros du monde entier se battent pour y participer ?

 

 

Mais la folie Stone n'a pas de limite. Donne quelques preuves de sa givre and stoned attitude. Depuis qu'elle a décidé d'être artiste elle ne réalise que des travaux sur les Stones. Des jeux de cartes aux profil stoniens un orchestre Schtroumps-Stones sur une mini-scène en carton et autres babioles du même acabit. N'a pas pensé à une crèche stono-provençale avec Jagger qui ferait l'âne et Keith qui tiendrait le rôle du petit Jésus innocent mais on lui pardonne car elle a sculpté la tête du retors guitariste en terre glaise et en grandeur nature.

 

 

La voici donc partie avec son sac à dos, un porte-feuille aussi plat qu'une galette des Stones en vinyl après la crise pétrolifère de 1974, deux appareils-photos, et la rage de réussir. J'oubliais un rail-road pass européen qui à l'époque permettait aux étudiants de faire le tour de l'Europe pour pas cher du tout.

 

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Se débrouille comme une grande pour entrer dans les concerts et se retrouver juste devant la scène. Ne sera pas présente aux trente cinq shows, mais elle assistera à une bonne quinzaine d'entre eux. Presque deux mois de galère à ne pas manger, à ne pas dormir, mais à voir les Stones. L'en ramènera les photos que l'on peut scruter dans le livre.

 

 

Voudrais pas faire le difficile, mais c'est l'heure des grands concerts dans les stades avec la grue, les avant-scènes les lâchers de ballon et les feux d'artifice. Barnum rock'n'roll. L'on ne sent pas le groupe de rock. Le gang de tueurs, la complicité, c'est terminé. Sont à des kilomètres l'un de l'autre. Et puis, ne sont plus tout jeunes. Atteignent l'âge ingrat : la quarantaine. N'ont plus la morgue insolente de la jeunesse, ni les friperies de la vie sur le visage qu'ils arborent aujourd'hui.

 

 

C'est peut-être la jalousie qui me fait parler. La vengeance du pauvre. Car Caroline Guillier ne partage pas mon propos. Les trouve magnifiques, surtout Keith. Lui chanterait bien let's spend the night together au beau ténébreux néanmoins un tantinet hirsute. Quoique elle cède aussi au charme de Mick le grand manipulateur.

 

 

Je suis très mauvaise langue. Elle essaiera pendant des années de présenter la maquette du book à plusieurs auditeurs. Une des personnes qui sera le plus sensible au projet sera Keith Richards qu'elle rencontrera en 1983 quelques instants grâce à un ami... Ce qui n'en a pas pour autant pressé la sortie du livre. C'est que des photos des Stones le grand Keith, il doit commencer par saturer...

 

 

Bref le bouquin sortira en 2006, beaucoup trop tard, un peu trop tôt... Certes dans l'épopée des Rochers Roulants ce n'est qu'un tout petit cailloux. Celui qui fait mal à la chaussure trouée de votre collection. Ce n'est pas moi qui vous lancerai la première pierre sur vos regrets.

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

JUKEBOX

 

ROLLING STONES / SPECIAL CINQUANTE ANS

 

H.S. Trimestriel. N° 20. Janvier 2013.

 

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Pouvaient pas laisser passer un tel anniversaire, les Stones étaient en couverture du N° 1 du magazine en juin 1984 comme le rappelle Jacques Leblanc dans son éditorial. Pour les lecteurs qui auraient une mémoire alzémérienne nous rappelons discrètement qu'il s'agit du même Leblanc ( voir plus haut ) qui participa en 1978 à l'élaboration du livre des Rolling Stones. Voici un monsieur qui a de la suite dans les idées et qui sait se rester fidèle. Grande qualité.

 

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Quand ils font leurs numéros spéciaux chez Jukebox ils ne courent pas après la copie. Se contentent de farfouiller dans les archives et de ressortir in extenso, séparés par les couves des numéros dans lesquels ils étaient parus, les articles de fonds consacrés à l'idole choisie. N'ont plus qu'à payer l'imprimeur.

 

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La couverture vaut le détour. Charlie qui tire sur sa cigarette et Bill Wyman qui accuse déjà son âge s'en tirent les mieux. Gueules de prolos anglais, dignes mais ravagés par une sombre tristesse venue du fond des âges. Font un peu tache. Beaucoup tâcherons. C'est pour cela qu'on les a relégués à l'arrière. Vaudrait mieux ne pas regarder le rang des premiers de la classe. Premier parti, premier servi. Brian Jones, s'est mis au centre. Pour être sûr qu'on le remarque s'est coiffé d'un galuron blanc. L'on ne voit que lui. Le chapeau cloche. Vous dirai pas qui fait la cloche car je ne veux pas me faire d'ennemis. Non ce n'est pas Brian, mais Keith. Ressemble à un pasteur protestant. S'est attifé d'un feutre noir, bon chic, bon genre. Avec ses lunettes rondes et ses yeux mi-clos il est le portrait craché de John Lennon. Un Rolling Stones que l'on confond avec un Beatles, entre nous c'est un peu la honte. Jagger est à part. Loin des autres. Le regard dédaigneux, la tête ( à claques ) en biais pour que l'on puisse admirer la froideur bleutée de ses yeux. La pose parfaite de l'étudiant d'Oxford qui vient de réussir sa troisième année. Ca un groupe de rock ? Vous voulez rire ! Heureusement que Brian qui semble frigorifié a enfilé une paire de pantalons à rayures – un peu moins larges que celles de David Lee Roth, plus tard, mais un peu plus colorées. Nous rapproche davantage du Rolling Stones Circus, Brian.

 

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Ben oui, ils étaient comme cela les Rolling Stones à leurs débuts. Et encore je suis gentil avec vous, vous ai pas décrit les photos avec les vestes à pieds de poule ( de véritables cocottes ) et les ignobles cravates tipycally very bad Englih Style. Des perdreaux de l'année endimanchés. Fagotés à la Margaret Tatcher. Arrêtez de rigoler stupidement. Accoutrés comme des godiches, oui. Mais des amateurs de blues comme l'on n'en fait plus. C'est qu'aujourd'hui des guitaristes de blues qui jouent dix fois mieux que Keith et Brian au début des années 60, rien qu'en France, on en trouverait une bonne cinquantaine sans se fatiguer. Sont malheureusement trop doués. Leur manque la rusticité du delta. Comment ces cinq casse-couilles s'y sont-ils pris pour réussir du premier coup à créer non pas une copie à l'identique mais une équivalence électrique, je ne saurais le dire. Mais le fait est là, indubitable. Les premières reprises des Stones ne sont pas charmantes. Mais charmeuses, au sens de envoûtantes. Ne sont pas en place, ne tiennent pas debout, mais à peine le disque est-il terminé que l'on éprouve la nécessité de remettre le morceau afin de comprendre. Ne valent jamais les originales, mais sont toutes originales.

 

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Plus tard ils auront la hargne. Celle du rock'n'roll. Auront compris que pour se démarquer de leurs modèles il faudra mettre toute la gomme. L'on ne dépasse Muddy Waters en mettant poliment son clignotant. Faut le passer à fond les gamelles, par surprise, en plein tournant, avec un trucker en face, mais en marche arrière. Idem pour Chuck Berry qui n'admettra jamais que ce sale petit blanc-bec de Keith joue plus vite que lui. Et l'autre qui ralentira pour lui laisser mener la course !

 

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Grande magnanimité de Keith. L'a mis du temps à comprendre. D'abord serrer le blondinet sur le bas côté. Deux guitares c'est toujours une de trop. Ensuite course à mort avec ( cours plus vite ! ) Charlie . Facile, roule à vitesse constante, suffit de se poster à sa hauteur pour le dépasser. Guitares en avant, c'est cela le son Stones, par-dessus la batterie qui mène un train d'enfer. Un beat increvable avec toujours son petit temps mort qui permet de fuseler des riffs de derrière les fagots.

 

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Au cas où il y aurait un pépin dans le carbu - mais avec Charlie pas de lézard c'est du garanti label exploration inter-galactique – devant l'on a mis la grande folle. Pas eu besoin de le pousser, s'est planté là et n'a laissé sa place à personne. Brian pouvait faire tout ce qu'il voulait derrière pour capter l'attention – et je t'agite le tambourin, et je te sors les castagnettes et tu admires mon cithare - trop tard avec ses lèvres en clef à pipes l'autre l'a devancé. Ne chante pas super bien – rien à voir avec les descentes d'octave feulées de Robert Plant – a le gosier limité et les cordes vocales pas très longues, mais qu'est-ce qu'il sait bien s'en servir ! Minidose mais maximum de rendement. Connaît ses limites mais met en avant tout ce qu'il a. En plus il chante avec tout son corps, qu'il pousse ses mains, ses pieds, ses jambes et ses bras, c'est encore plus torride qu'une belle fille qui bouge son cul. Rien à dire le gars est expressif. Surtout dans les registres du blues. Mais à l'étage au-dessus. L'ironie est sans cesse présente dans le blues. Jagger la transformera en cynisme. Vous voulez rigoler ? Je vais commencer par me foutre de votre gueule. Et le public maso en redemande... pour cinquante ans.

 

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Reprennent à plusieurs fois, enregistrements puis disques – ce qui n'est pas tout à fait la même chose les premières années. Ne dites pas que vous connaissez par coeur, je suis sûr que vous pécherez un ou deux petits détails que vous ignorez. Pour moi ce sera dans l'article sur les reprises des Stones en français. Pouvez pas le rater, c'est juste au-dessus de la pochette de Elle m'attend de Ronnie Bird ( voir livraison 47 du 08 / 04 / 2010 ), fastueuse version de The Last Time, la repro de l'unique 45 tours en 1965 de Marc Humbert en 1965, avec la reprise de la B-side de Time is on my side. On nous le présente comme un émule de Ronnie et Noël Deschamps - ( voir livraison 46 du 30 / 03 / 2010 ) - duquel il arbore la même coupe de cheveu, mèche sur le front – assez pour piquer ma curiosité. Suis déjà en recherche sur le net. Vous tiendrai au courant.

 

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Damie Chad.

 

 

20/12/2012

KR'TNT ! ¤ 123. 45 T. PUNK / JOSEPHINE BAKER

 

KR'TNT ! ¤ 123

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

20 / 12 / 2012

 

 

45 T. PUNK / JOSEPHINE BAKER

 

 

BLITZKRIEG

 

HISTOIRE DU PUNK en 45 TOURS

 

GEANT VERT

 

( HOËBEKE / SEPTEMBRE 2012 )

 

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Je vois d'ici les gros fainéants et les petits lecteurs s'extasier : enfin un livre rock dont on ne lit qu'une page sur deux. Facile, une fois à gauche, une fois à droite, la repro du 45 tours – pleine feuille puisque le livre épouse le format de nos vinyls préférés, ne reste plus de place pour le Géant Vert, surtout qu'avec les blancs, le nom du groupe écrits en gros et les titres surlignés en jaune, n'a plus qu'un espace réduit à remplir. De toutes les manières au bout du quatre-vingtième ne doit plus avoir quelque chose de bien original à glavioter, rien ne ressemble plus à un single qu'un autre single. Tournez-le comme vous le voulez, c'est un peu toujours la même chose. Encore plus avec des punks incapables d'aligner deux accords sans se planter...

 

 

Tout faux. Des heures et des heures de lecture. Police ( un mot que l'on ne devrait pas employer pour parler des punks ) minuscule mais très lisible et l'histoire racontée est tellement pleine de bruits et de fureurs que vous en redemandez encore et encore. Même que lorsque ça s'arrête, vous vous demandez pourquoi notre haricot vert coupe le fil si subitement. Certes La petite Souris Déglinguée sort juste de son trou, mais nous sommes en octobre 79, à l'extrême limite des filandreuses eigthies. Mais commençons par le commencement.

 

 

GEANT VERT

 

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L'est pas géant parce que sa maman lui refilait du potage au cresson dans son biberon quand il était bébé dodu. Mais parce qu'il est normand d'origine. C'est ainsi que les natifs surnommèrent les parachutistes américains qui tombèrent du ciel un matin de juin 44. Ne phantasmez lui, il est issu d'une pluie spermatozoïdale plus récente, venu au monde au tout début des sixties. L'a raté les années soixante mais s'est débrouillé pour avoir quinze ans en 1976.

 

 

Bref un brave petit – pas tout à fait, s'il ne dépasse pas la tour Montparnasse il avoisine tout de même les deux mètres – gars bien de chez nous qui a mal tourné. Lorsqu'il a commencé ses parents sont devenus aussi jaunes de honte que la pochette française de Never Mind The Bollocks et n'ont pas voulu qu'il signe ses diatribes de son véritable nom. D'où ce pseudonyme de Géant Vert. Par pure provocation, car il suffit de lire trois lignes pour comprendre qu'il n'a pas la fibre militariste. Mais peut-être l'amour des armes, car il fit ses premières en fondant un célèbre groupe de pistoléros nommés Parabellum. C'est lui qui a écrit ce brûlot du mouvement alternatif que sont les paroles de France Profonde. Ne puise pas son inspiration que dans les lyrics d'outre-tombe il s'inspire aussi de la chanson réaliste française. Les lecteurs de Rock'n'Folk ne ratent pas sa rubrique habituelle sur la bande dessinée déjantée du mois.

 

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Donc a quinze ans il est happé par le train du punk qui passe à toute vitesse. En deviendra un militant de base. En chiraquie. De toutes les outrances mais avec un regard intérieur qui cherche à ne pas être dupe de ses propres phantasmes. Avec l'âge il est devenu un tout peu plus cynique. Un zeste, comme pour se souvenir que les plus belles utopies sonnent souvent du même creux que votre-porte-feuille que les marchands de gadgets vous ont aidés à vider...

 

 

BLITZKRIEG

 

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La couverture tinte un peu comme ces brassards à svastikas que les punks s'amusaient à porter. Provocation ultime pour notre pays libéré de quatre ans d'occupation nazie. N'y cherchez aucune entourloupe idéologique, la germanique guerre éclair ne fait que reprendre le titre de Blitzkrieg Bop du premier 45 tours des Ramones qui ouvre le bal des maudits. L'on pourrait se demander pourquoi Bop et pas Rock. Serait-ce une manière de revendiquer un héritage rockabilly, davantage culturel, l'adoption de l'uniforme des Perfectos par exemple, que musical ? N'oublions pas que le psychobilly descend du punk comme l'homme remonte au singe.

 

 

Géant vert ne donne pas dans la critique objectale. Cherche souvent plus avant que son objet d'étude. Un disque est le produit d'un groupe qui possède sa propre histoire. L'on assiste donc à une véritable relecture de l'ensemble du mouvement punk de sa pré-éclosion à son certificat de décès dument authentifié. C'est un véritable labyrinthe dans lequel il est facile de tourner en rond à l'infini. Parfois quand vous croyez avoir trouvé une issue de secours vous n'en êtes pas pour autant sauvé car le chemin qui vous emmène à l'air libre se révèle être un stérile cul-de-sac qui débouche sur l'inanité du vide.

 

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Autant vous donner quelques pistes de lecture avant de vous enfoncer dans le dédale. Pour cette chronique nous privilégierons trois axes de recherche, l'instinct de la découverte, the french Touch, et le retour à la terre première.

 

 

LE CHOIX DU ROI

 

THE CORTINAS

 

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Me suis amusé à un blind test un peu particulier. J'ai éliminé tous les groupes que je connaissais et en regardant uniquement les pochettes me suis décidé d'en élire un et de rechercher sur le net ses enregistrements. Ai opté pour les Cortinas. Non ce ne sont pas des sud-américains, ont bien une tronche de prolos made in United Kinkdom. Comme l'on ne se refait pas ils ont un look plutôt rockers and mid-sixties que punk, mais si Géant Vert leur a délivré un certificat punk authenticity nous ne mégoterons pas. De toutes les manières leurs titres parlent pour eux Fascit Dictator and Television Families, tout ce que ces fils d'anarchy détestait le plus au monde : le pouvoir politique et la cage institutionnelle de la famille.

 

 

Flair de rockers. Nos jeunes gens – ont tout juste seize ans quand ils commencent – déménagent un max. Se mettent au punk en attrapant le wagon de queue au dernier instant, mais tout ce qu'ils ont appris en essayant d'imiter les Stones et les New York Dolls leur servira quand ils entreront dans la mouvance crétinoïde. Savent si bien jouer qu'ils se retrouvent en première partie des Stranglers au Roxy. Sur le coup Stop Forward Records les signe pour un premier45 tours meurtrier suivi d'un second tout aussi criminophile. La machine s'emballe, passage à la BBC, et signature sur une major CBS. Ie faux pas de trop. Abandonné par le public qui y voit une trahison, le groupe se retire en 1978. Leur 33 Tours True Romance tire un peu trop vers la pop... Dommage car le combo balançait la sauce à coups de grandes cuillères. Mais les temps étaient sans pitié. Beaucoup retireront leur épingle à nourrice du jeu pour la cacher dans le flou artistique de la New Wawe. Trop jeunes, nos bristoliens ne surent négocier le virage entre la credibility punk et la necessary survivance adaptation. Même les Pistols pourtant managés par Malcom McLaren le cynique théoricien de la manipulation des médias et des great companies ne pourront se maintenir bien longtemps. Trop purs, trop putes, le Capitole est tout près de la Roche Tarpéïenne.

 

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THE FRENCH CONNECTION

 

ASPHALT JUNGLE

 

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Le premier groupe français arrive un an après la bataille. En juin 76. J'ai encore le disque chez moi. Peux même me vanter d'avoir été le premier à me le procurer sur Toulouse puisque après avoir fait tous les disquaires de la ville j'ai fini par le récupérer... chez un libraire du centre ville qui s'était mis en tête de monter un rayon disques. L'a vite abandonné ce projet farfelu quand il a vu défiler tous les peluts parfumés au patchoulis plus tous les perfectos crétés du coin qui venaient farfouiller dans son présentoir de singles ( n'avait pas de 33 tours ) aussi large que deux boîtes à chaussures ( taille 36 ). L'ai écouté deux fois et n'y ai plus jamais touché depuis. J'avais trouvé cela peu convainquant.

 

 

Le groupe est mené par un cador du mouvement rock français : Patrick Eudeline qui fit les beaux jours de Best avant d'être récupéré par Rock'n'Folk dont il est devenu un peu la conscience morale ce qui est un comble pour un théoricien de l'attitude rock'n'roll destroy. A par exemple refusé d'assister aux derniers concerts parisiens des Stones. Sait résister à la tentation.

 

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Reviens de You Tube me rafraîchir les oreilles. Le titre éponyme du 45 tours est crédité de 180 passages, comme quoi nos contemporains ne sont pas curieux. Pas si mauvais que ça, Géant Vert n'a pas tort, ni plus ni moins que du bon vieux rhythm and blues. C'est ce qui avait dû me décevoir à l'époque, je cherchais du nouveau, du punk et suis tombé sur un genre ultra rabâché... Eudeline a eu raison de privilégier le stylo au micro. Y est beaucoup plus original et percutant.

 

 

STINKY TOYS

 

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N'ai jamais supporté. Phénomène de mode. Les ai toujours trouvés petits-bourgeois qui s'amusent avec un joujou qui ne leur était pas destiné. Maintenant, après être allé faire un petit tour sur leur premier 45 et un grand sur leur 33, je reconnais que les guitares sont assez bien en place. La voix d'Elli est plutôt criarde ce qui ne dépare en rien dans le punk. En plus ils ont eu la bonne idée de casser leur pipe avant leur tour, ce qui est une foutrement faute de bon goût en rock'n'roll. Remontent dans mon estime les jouets puants. Peut-être que je vieillis.

 

 

METAL URBAIN

 

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Vais pas vous en parler longtemps. Parce qu'ils sont trop bons. En leur genre. Destroy politic punk. Et puis une biographie de leur geste éminemment rock'n'roll vient de sortir. Il est prévu que KR'TNT leur consacre une proximale krocknick. Un des groupes les plus radicaux qu'ait produit le rock français. Même si je ne suis pas fan des batteries électroniques. Même s'ils s'en servent plutôt bien. S'ils étaient une rose ils seraient l'épine, s'ils étaient un groupe politique, beaucoup plus de chance que ce soit Action Directe que le Parti Socialiste. Quand j'étais étudiant j'aidais à la diffusion d'un fanzine lycéen qui se nommait Crève Salope ! Ont aussi un titre similaire. Comment voudriez-vous que ces anciens jeunes gens ne m'interpellent pas !

 

 

STARSHOOTERS

 

 

Peux pas les voir. A plus fort les entendre. Parle même pas de ce qu'ils sont devenus. Kent, le gendre idéal qui s'est recyclé dans la bande dessinée très peu bandante. Artiste trois étoiles – caution sagesse du coeur – chez France Inter. Géant Vert ne leur reconnaît de bon que leur premier 45 tours. C'est toujours comme ça avec les gros balèzes, vous croyez qu'ils vont tout casser, mais ce sont de véritables nounours, des sentimentaux à la larme facile, suffit qu'ils évoquent leur jeunesse pour trouver tout beau. Même les étrons au bord du sentier.

 

 

Un groupe préfabriqué, avec EMI la maison de disques qui a payé pour avoir les quatre pages avec photos couleurs dans Rock'n'Folk. Pleins de stupides arrogances qui se croyaient arrivés avant d'avoir commencé. Z'avaient programmé de remporter le Tremplin du Golf Drouot, se sont cassés les dents sur un groupe ( de copains ) venu d'Ariège, Olaf dont je vous raconterai les hauts-faits une autre fois. Shootées les étoiles ! La honte. Ont mis un an pour comprendre, mais ont fini par retourner dans leur pays, celui de la variété.

 

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Tant qu'on descend les sacs poubelles l'on n'oubliera pas de passer dans le vide-ordures le Ca plane pour moi de Plastic Bertrand. A la réflexion, gardez-le si vous avez des enfants en bas-âge. Idéal pour les surprises parties de fin d'année en dernière classe de maternelle.

 

 

LES OLIVENSTEINS

 

 

Dans les années 70 vous ne pouviez regarder la télé sans que ne se radine la grosse gueule bilieuse de Claude Olivenstein. L'avait toujours un jeune à sauver de la drogue. C'était le spécialiste numéro 1, le seul qui savait ce qu'il fallait faire pour tirer notre pauvre jeunesse décadente des griffes de l'héroïne. A l'écouter le Centre de Marmottan c'était la montagne sacrée de l'Atlantide retrouvée.

 

 

Voudrais pas critiquer mais quand on voit les progrès exponentiels de la consommation de drogues diverses dans le pays, je n'ai pas vraiment l'impression qu'il ait contribué à stopper le mouvement. Pense même que son insupportable discours proto-chrétien du genre Olivenstein- est-venu-sur-cette-terre-pour-te-sortir-de-ton-enfer aurait plutôt contribué à renforcer la consommation des produits...

 

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On le lui aurait pardonné. Du moins on aurait fait semblant. Mais ce bon docteur possédait un défaut encore plus terrible que son addiction à la rédemption médicale des drogués. Pas une once d'humour. L'a suffit qu'un groupe de rock se nommât Les Olivensteins pour qu'il pète un plomb. Les a menacés d'un procès s'ils continuaient à usurper son identité... L'est mort depuis quelques années Claude Olivenstein, grand mal lui fasse, tout le monde s'en fout.

 

 

N'ai jamais compris pourquoi la justice de mon pays ne l'a jamais poursuivi de son vivant pour homicide collectif de personnes en groupe. Car les Olivensteins ont dû interrompre une carrière prometteuse. En plus c'était des gars très bien ils étaient Fier de ne rien faire. Ils étaient même dans la mouvance d'un des plus grands groupes de rock'n'roll français les Dogs.

 

 

Morale de cette histoire : méfiez-vous de ceux qui cherchent à vous faire du bien sans que vous ne le leur ayez demandé. N'oubliez jamais que ceux qui s'en prennent au sex et aux drugs ne visent en dernier et hypocrite ressort que le rock'n'roll.

 

 

LA SOURIS DEGLINGUEE

 

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Le bouquin se termine sur LSD. Comme quoi une montagne peut bien accoucher d'une souris. N'ai pas grand chose à dire sur La Souris Déglinguée. Trop alternative pour moi. Pas assez rock à mon goût. Sonne trop français. Des gens qui ont une éthique que je respecte, mais c'est du côté de l'esthétique que ça pêche. Comme disait le poisson dans le bocal. Ai poussé le devoir jusqu'à écouter le simple présenté par Géant Vert. Haine. Haine. Haine. Que ça s'appelle. Sympathique. De bonnes intentions. Je n'ai pas aimé. Mais je n'ai pas détesté non plus. Ce qui est plus embêtant. Je suis comme le Seigneur. Je recrache les tièdes.

 

 

DAYS OF THE FUTURE PASSED

 

IAN DURY

 

 

Rien ne prédisposait Ian Dury à devenir une idole punk. L'est né en 1942 – à peine sept ans après Gene Vincent - et se met gaillardement en route vers la quarantaine quand l'explosion atomique punk se produit. Lui, il fait partie de la génération précédente; celle du pub-rock. Plus proche des Pirates de Johnny Kidd qui ouvrit la route à Dr Feelgood que du combo de Wilko Johson lui-même. L'a même joué en première partie des Who.

 

 

Ian Dury s'est senti appelé à quitter son job de professeur dans une école d'art le jour de la mort de Gene Vincent. Le lecteur futé fera les connections nécessaires avec notre chronique de la semaine dernière et la thèse défendue par Mik Farren. Ian Dury se séparera en 1975 de son premier groupe Kilburn and The High Roads pour former Ian Dury and the Blockheads, plus proche de ses aspirations. Coup sur coup il sortira en 1977 deux singles qui marqueront les esprits.

 

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Nous n'épiloguerons pas sur Sex, Drugs and Rock au titre lapidaire et définitif. Jamais une définition aussi concise et aussi outrageuse du rock n'avait été formulée jusques à lors. Le pire c'est que depuis, personne n'a trouvé mieux. Sweet Gene Vincent remit les pendules à l'heure. Sans doute à un niveau intimement personnel y avait-il une identification sentimentale entre le leader des Blockheads et le meneur des Blue Caps. Dury souffrait, depuis sa petite enfance, d'une malformation de la jambe... ne vivra pas vieux dans son corps rabougri à tendance mongoloïde et ravagé par la maladie.

 

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Mais ce morceau très inspiré des brisures rythmiques chères à Gene Vincent rappelait à tous que la colère punk n'était pas très éloignée de l'explosion rock des années cinquante. Même impatience, même hargne dévastatrice, même si vingt ans après 1956, la jeunesse a perdu beaucoup de sa naïveté et de son optimisme.

 

 

X

 

 

Où l'on retrouve Gene Vincent. Comme quoi les cats du rockabilly peuvent bien accoucher des chiens du punk ! Tyson Kindell accompagnera Gene Vincent sur scène en 1971. Guitariste studio, reconnu comme un des plus grand gratteux rock, toutes générations confondues, il est aussi un véritable sorcier de l'ampli. Vous le connaissez mieux sous le nom de Billy Zoom qu'il adotera en 1977 lorsqu'il fondera à Los Angeles le groupe X après s'être enthousiasmé pour le premier 45 t des Ramones.

 

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We're Desperate produit par Dangerous Record est leur premier simple. Du pur punk, mais joué par des maîtres. Avec au chant John Doe ( + bass ) et sa petite amie Exene, le groupe enfonce les portes fermées de la réussite. Très vite, trop vite, il sera remarqué par Ray Manzarek des Doors - souvenons-nous de l'amitié qui unit Gene Vincent et Jim Morrison pour comprendre la signifiance généalogique de cette rencontre – qui les fera enregistrer chez Elektra. On eut préféré que X ait poursuivi son chemin tout seul, par ses propres moyens. X possédait d'office tout ce que, à leur début, l'amateurisme des Cramps les força à inventer. Trop doué, le groupe ne sut jamais comprendre les attentes du public. Il leur manqua ce zeste d'improvisation souveraine et de folie furieuse qui fait toute la différence. Ils auraient pu inventer le psychobilly, mais ils n'eurent pas le réflexe de déposer les brevets. Ces dernières années, très symptomatiquement le groupe est rentré au bercail country sous le nom de Knitters. Rien de tel que l'écurie de départ pour jouir d'une paisible retraite.

 

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THE NIPPLE ERECTORS

 

 

Comme par hasard c'est un des groupes britanniques les plus bordéliques qui aient jamais existé qui réalisèrent sur notre continent la première fusion réussie du punk et du rockabilly. Rien à voir avec les reprises d'Eddie Cochran par Sid Vicious qui ne sont que des resucées de ce qu'avaient déjà effectué les Who, voire presque dix ans auparavant les Blue Cheers, car c'était là des avancées vers la déclinaison des prémisses du hard rock plus qu'un retour aux bases du rockabilly.

 

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Le premier simple des Nipple Erectors, The King of the Bop, nous aide à comprendre l'appellation Bop du Blitzkrieg des Ramones. C'est tout simplement un morceau de Rockabilly joué par des punks, les guitares à fond et pas le temps de marquer les syncopes. Un peu comme si vous accélériez la bande d'un vieux Crazy Cavan. Si vous voulez une autre comparaison, c'est comme du Cochran expédié à toute vitesse parce que la piste qui vous reste ne peut contenir qu'une minute vingt-huit secondes de cent-quinze secondes du C'mon Everybody, mais que vous désirez à tout prix saisir en son intégralité. Avez-vous remarqué que dès que l'on commence par parler de Vincent, Cochran, se radine. Inséparables.

 

 

Mais les Nipple Erectors menés par Shane Mcgowen – un échappé du Bromley Contingent qui finira par fonder the Pogues – étaient trop foutraques pour s'arrêter en si bonne compagnie. Comme beaucoup de groupes – tels les Flamin'Groovies ou les Cramps – ils ne cessèrent d'osciller entre le retour vers un rock originel d'origine américaine et la rhythm'n'bluerisation survitaminée ou la popérisation adoucissante que lui lui firent subir les britih combos entre 1965 et 1967...

 

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Trop instables les Nipples Erectors se feront damer le croupion par les Cramps qui les précédèrent, mais surtout par les Stray Cats de Brian Setzer... Mais ceci est une autre histoire. En attendant tout le mal que je puisse vous souhaiter est que le gentil Papa Noël à la robe sanguinolente n'oublie point de déposer ce BLITZKRIEG PUNK du Géant Vert dans vos petits souliers. En croco. Qui puent.

 

Damie Chad.

 

 

 

IL ETAIT UNE FOIS JOSEPHINE BAKER.

 

CLAUDE DUFRESNE.

 

Michel Jalon. 2006.

 

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Née en 1906, douze ans après Bessie Smith, à Saint Louis la ville du blues et de Chuck Berry. Nous ne nous attarderons pas sur son enfance de misère. Cela lui forgera le caractère. Elle aime la vie plus que tout. Deux fois mariée à seize ans. Ne regarde jamais en arrière ce qui ne signifie pas qu'elle oubliera d'où elle vient. Veut croquer la vie à pleine dents. La grosse pomme aussi. Cessez de penser à ce qui se cache sous la ceinture. De bananes. Je ne faisais allusion qu'à New York.

 

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Elle est montée à la métropole pour faire fortune. Elle parvient à se faire embaucher dans la troupe qui donne Shuffle Along à Broadway. Une opérette entièrement jouée par des noirs. Elle n'est qu'une gamine parmi tant d'autres. Se fait remarquer, non pas à New York, car elle débute dans la seconde division, dans la troupe d'appoint, celle qui tourne dans les villes de province. Ce qui est peut-être sa chance. Car elle peut prendre davantage de liberté avec la chorégraphie. Délurée, exubérante, à force de grimaces et de cabrioles diverses elle capte l'attention du public... et de Caroline Dudley qui n'est autre que l'épouse de l'ambassadeur des Etats-Unis en France. Ce qui explique pourquoi elle débarque en notre pays au mois d'octobre 1925.

 

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Jusques alors Joséphine Baker est la digne héritière des Minstrels et du Vaudeville noir. Elle est ce que l'on pourrait appeler une danseuse comique. Ce qui ne fait pas l'affaire du directeur du Théâtre des Champs Elysées. Quand il a vu débarquer cette tribu de nègres en folie – elle emmène avec elle un certain Sydney Bechet qui aura le rôle de vendeur de cacahuètes dans le spectacle - Claude Daven s'est un peu inquiété. Mais une fois les bons sauvages en répétition son moral tombe en berne. Sont trop sages. Imaginez que la vedette numéro 1 de la troupe Maud de Forest est une chanteuse de blues ! Et c'est avec cette tristesse que vous voulez amuser le gai Paris ! En plus leurs danses sont d'un conformisme déplorable. Y a plus d'érotisme feutré dans un menuet libertin du temps de Louis XIV que dans leurs timides trémoussements.

 

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Foin de la prude Amérique ! Mort au puritanisme protestant ! Heureusement que cette petite négresse au bout de la file n'a pas froid aux yeux. L'aurait plutôt le cul torride. Même que ça ne la dérange pas de l'exhiber sous toutes les coutures à tout le monde. Et même au monde entier.

 

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La Revue Nègre sera un immense succès. Elle lance la carrière de Joséphine Baker. Elle secoue salement le cocotier des conventions bourgeoises. Ce n'est que du charleston, mais quand on pense au tohu-bohu qu'engendrera le twist trente cinq ans plus tard, l'on peut se faire une idée de scandale.

 

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Sans doute La Revue Nègre n'aurait jamais connu un tel succès si elle n'avait été suscitée et encadrée et défendue par toute une élite culturelle : souvenons-nous des masques nègres dont la mode est lancée par Picasso et Fernand Léger et les thèmes de blues et de jazz développés par Debussy et Ravel...

 

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Joséphine Baker continuera la carrière que l'on connaît. Amants, maris et succès se succèdent. Elle jette l'argent par les fenêtres et réalise tous ses caprices. Avec elle l'on ne s'ennuie jamais, son guépard qui saute dans la fosse d'orchestre en plein spectacle, son chien qui passe la douane sous son manteau de fourrure... Plus les années passent plus son corps se couvrira de somptueuses et extravagantes toilettes. De même sa danse noire s'européanisera peu à peu. Ses chansons ressembleront davantage à Mistinguett qu'à celles de Bessie Smith... Le public lui restera fidèle. Ruinée, elle mourra, pratiquement sur scène à l'âge de soixante neuf ans. Au terme d'un parcours semé d'embûches mais sans faute. Française d'adoption elle participera dans les services secrets de la France Libre à la Résistance, elle sera aussi aux côtés de Martin Luther King pour la longue lutte des Droits Civils. Une vie très rock'n'roll remplie de sexe et de loufoquerie...

 

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Elle se lança vraiment dans la chanson en 1931, ignorez ses grands succès procurez-vous plutôt ses enregistrements de l'an de grâce 1927. Elle y est accompagnée par le Jacob's Jazz Band, un groupe belge avec Kenny Durand à la basse, Sacha Grauman aux drums, Leon Jacobs à la trompette, Napolitano à la clarinette, Marcel Raskin au piano, Oscar Thisse au saxophone, et René Lovinfosse au Trmbonne, un véritable orchestre de jazz qui fait bonne figure quand on le compare aux formations américaines. Certains morceaux sont accompagnés par le Olivier'Boys Jazz mais l'on remarque surtout la présence de Marc Bragiotto ( décédé en 1996 ) qui fit une importante carrière internationale, notamment aux Etats-Unis - tant en compositeur et interprète de musique classique que populaire. N'est pas tout seul puisqu'il forme un duo de pianistes avec Jacques Fray. C'étaient alors des jeunes gens qui avaient du flair, tous deux rendront visite à Gershwin lors de sa venue à Paris en 1928 dans le but de recueillir la parole du maître. Par la même occasion Gerswhin rencontrera Prokofiev et Kurt Weil. Tout le monde se souvient de l'adaptation d'Alabama Song de Kurt Weil sur le premier disque des Doors... Le monde est vraiment petit. De même l'un des morceaux de ces sessions sera repris par Amy Whinehouse. Etrangement Jacques Fray est aujourd'hui surtout connu pour son portrait réalisé par Auguste Renoir alors qu'il n'était qu'un... bébé !

 

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Si ces années 20 furent appelées années folles c'est peut-être parce que pour la première fois la grande culture européenne blanche osa flirter avec la musique populaire noire afro-américaine... Dans cette même période qui assista à la montée du fachisme... Si rien n'est jamais perdu, rien n'est jamais gagné.

 

Damie Chad.

 

 

 

13/12/2012

KR'TNT ! ¤ 122 GENE VINCENT / THE ATOMICS

 

KR'TNT ! ¤ 122

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

13 / 12 / 2012

 

 

GENE VINCENT / THE ATOMICS

 

 

THE ATOMICS / BAR DES TROIS COMMUNES

 

07 / 12 / 2012 / THORIGNY-SUR-MARNE

 

 

L'on est passé prendre Mister Jull au L B R à Fontenailles. Lampes Bandes, Ruban – je ne sais si ma mémoire a restitué le tiercé dans l'ordre - c'est la petite merveille de studio d'enregistrement que le maître guitariste de Ghost Highway est en train de fignaliser. Toutes les chances sont réunies pour que cet anonyme village du fin-fond sud de la Seine & Marne devienne un des hauts-lieux de l'enregistrement rockabilly made in France.

 

 

Pendant que la teuf-teuf mobile piaffe d'impatience et ronge son frein ( à main ), nous prenons notre temps, petits essais de réverbe de guitare, ingurgitation d'un café revigorant, inspection méthodique de l'étagère à Vinyls, perdu parmi la collection Big Beat un petit original 25 cm Vogue de Johnny en public des plus rares...

 

 

Ensuite c'est la course dans la nuit au milieu des champs enneigés pour rejoindre Thorigny- sur-Marne. Quoique la Teuf-teuf fasse le taxi l'on n'a pas vu la Marne mais l'on a trouvé Thorigny. Lorsque la Teuf-Teuf mobile s'arrête à un feu rouge, notre regard est attiré par un groupe discutant sur le trottoir. Des têtes connues ! Nous sommes arrivés.

 

 

ENTREE

 

 

Aucun bruit ne sort de l'établissement. Serions-nous parvenus à l'heure ? L'on nous détrompe ( d'éléphant ), juste l'entracte après le premier set. Toute honte bue je me hâte d'aller noyer mes regrets et mon chagrin au fond de ma médecine préférée. A peine ai-je poussé la porte que je comprends l'ampleur de la catastrophe.

 

 

Non la foule massée devant le troquet ne nous attendait pas pour former une haie d'honneur, non ce n'était même pas non plus le lieu de relégation des fumeurs invertébrés. L'intérieur est étroit comme un ver solitaire mais beaucoup moins long. Entre le comptoir et le mur il reste à peine un espace d'un mètre cinquante, rajoutez au fond une salle aussi vaste qu'une kitchenette de résidence universitaire et vous aurez au centimètre carré près la superficie du local.

 

 

Mouvement de foule, les Atomics ne vont pas tarder à monter sur scène. Le goulot d'étranglement se remplit en cinq secondes. Nous sommes aussi serrés que les célèbres cachets dans leur tube d'aspirine. J'ai de la chance, une jolie fille devant et une mignonne derrière. Plus une ravissante serveuse qui positionne une coupelle de chips juste devant ma main droite posée sur le bar. Ce n'est pas le bonheur, mais ça y contribue.

 

 

THE ATOMICS

 

 

Les Atomics doivent être sur scène. Même sous la torture je ne pourrais témoigner de leur véritable présence. Après tout pourquoi ne serait-ce pas la fanfare des Beaux-Arts de Ris-Orangis ? Des armoires de rockers massés aux avants-postes encombrent le paysage. Me faudra un quart d'heure avant de comprendre que les Atomics ne sont que trois.

 

 

Du batteur je n'entreverrai, qu'à de très rares intermittences, le bouc qui souligne et cerne le menton, pour son kit de batterie ne comptez pas sur moi pour en donner la marque. La tête du bassiste scotchée au manche de sa contrebasse et celle du guitariste, collée derrière son micro, toutes deux porteuses de lunettes à la Buddy Holly, seront les deux seuls attributs visibles des deux acolytes.

 

 

Rien vu, mais tout entendu. Cartonnent un max. Longtemps j'ai cru qu'il devait y avoir une rythmique. Mais non, la contrebasse se charge du rôle. Elle assure la lourdeur et le tangage. Swingue et abat la cadence. A la guitare, Raphaël, fait des miracles. Un son magnifique. Une fender japonaise qui s'est faite débrider les yeux, tellement elle assure comme une américaine.

 

 

Ne sonnent pas pure rockabilly – mais la pureté est une pure vue de l'esprit. Mister B définira le style comme du rhythm and blues. Personnellement j'opterais pour un son électrique à la Flamin'Groovies même si je doute que les Atomics se soient intéressés à ce groupe américain des mid-sixties.

 

 

Sont en place, c'est un régal. Un son que je qualifierai d'anglais, non pas pré-Beatles car cette appellation les mettrait trop en perspective avec les Shadows, mais pré-aroud-Beatles, assez proche quant à la rondeur orchestrale des sonorités de la production anglaise de Gene Vincent. En beaucoup plus roots. Leur morceau entièrement musical ensemencé sur le terreau rythmique de Bo Diddley mais pimenté de délicieuse excroissances mélodiques est à l'image d'un style exigeant tendu vers une certaine rotondité de note, jamais jouée pour elle seule mais toujours dans la continuité d'une série d'effets si vite successifs que la curiosité de l'auditeur est maintenue en éveil comme tirée en avant vers la résolution d'un problème qu'il n'a pas le temps de se poser. Un jeu très électrique où tout est donné avant même d'être demandé.

 

 

Tout compte fait ne pas voir les musiciens oblige à unebien plus grande concentration d'écoute !

 

 

ENTRACTE

 

 

Le café se vide ce qui permet d'étudier la décoration. M'aperçois que rabattu contre le bar mon propre corps m'empêchait de voir la pochette du 33 tours Big Beat consacrés aux séquences BBC de la tournée Eddie Cochran-Gene Vincent, plus quelques beaux minois d'actrices des années cinquante et les compromettantes photos de pulpeuses nudités de rockabilly girls des plus affriolantes. Il est évident que le patron aime l'ambiance et la musique rock. Ne suit pas la mode, en provoque toutes les outrances.

 

 

DEUXIEME SET

 

 

Sans surprise, et toujours aussi bon. Me rappelle que Mister Jull vient d'enregistrer les Atomics, dès que le disque sera sorti, je pressens qu'il risque de tourner en boucle à la maison. Mais puique l'on parle du Jull... le voici demandé au micro. L'est suivi par Phil, la moitié des Ghost Higway se retrouve au turbin avec le tiers restant des Atomics. Une fois que Phil s'est assis sur le tabouret du batteur, il est effacé de mon champ de vision. Pour Jull il lui est plus difficile de se cacher. Gros plan sur ses mains sur la simili Fender.

 

 

N'a même pas eu le temps de la trafiquer, que le nouveau combo attaque. Surprise générale. L'on ne parlera que de cela après le set. La preuve que ce n'est pas la guitare qui fait la renommée du musicien mais le musicos qui fait sonner la guitare à son image. L'on se croirait dans un concert des Ghost. Ce même Jull qui au début de la soirée nous avait longuement expliqué, riffs à l'appui, comment il se dépatouillait réglage après réglage pour obtenir sur sa Gretsch le son idoine, nous le ressort tel quel sur une gratte empruntée au débotté.

 

 

Et comme pour parfaire la démonstration lorsque au bout de deux morceaux Raphaël récupèrera son bien, en moins de trois secondes il nous restituera son propre son sans aucun effort. Il est sûr que nous ne sommes pas en présence de moitiés de sous-doués, mais passez la séquence à la TV et tout le monde pensera à un trucage. Tellement la différence est énorme. Quoique instinctif le rock'n'roll est autant une musique savantee. Là aussi le contenu médiatisé et le média humain ne font qu'un.

 

 

Même avec le rappel le set sera trop court. Mais voici que l'on propulse devant le micro un jeune inconnu. Pour moi. L'avais déjà remarqué durant l'entracte, plein d'énergie, sans arrêt le mot rock'n'roll à la bouche. Raphaël lui intime l'ordre de chanter un morceau dont il ignore les paroles. Pas du genre à se dégonfler. C'est peut-être du yaourt, mais au jus de cobra. Tétanise tout le monde. Nous re-pond après le pont recouvert par les applaudissements un deuxième couplet du même acabit au venin de vipère. Descend de scène sous les acclamations. Aussi court qu'une piqûre de serpent minute mais l'on aurait bien pris un rappel. Je vous refile son identité au cas où il passerait près de chez vous, Eddie guitare rythmique et vocal chez les Ol' Bry. Un petit moment que j'entends parler d'eux et que je cherche à les voir un de ces week ends...

 

 

AU NOM DE LA LOI

 

 

La suite est un peu décevante. Point de baston de meufs qui se griffent le visage pour l'amour d'un beau gosse. Même pas deux rockers en train de s'enfoncer dans le dos leur cran d'arrêt rouillé. Aucune course poursuite en Harley-Davidson en se canardant au fusil à pompe... Non, ça papote tranquille devant le café. Ca tire un peu, mais uniquement sur les cigarettes et personne ne laisse tomber son mégot sur le trottoir en signe de rébellion. Sur ma gauche l'on échange des numéros de téléphone et sur ma droite l'on parle des enfants. Il n'est même pas minuit et le concert est terminé.

 

 

Coups de frein et gyrophares bleutés. The world turned blue comme chante Gene Vincent. L'on ne compte plus les uniformes. Prévenante et soucieuse du bien-être de ses concitoyens la police viendrait-elle nous évacuer pour cause de fin du monde avancée de quelques jours au dernier moment ? Non la voici qui s'engouffre à l'intérieur du bar ( où une tablée de trois dangereux terroristes sont en train de boire un chocolat chaud ). Dehors ils nous regardent d'un air méchant... comme personne ne fait attention à eux, ils se sentent obligés de ranger leur matraque. Mais les voici qui ressortent avec la patron. Evidemment cet individu est très dangereux. Il est tatoué. Et armé. D'une autorisation de la mairie, signée en bonne et due forme pour un concert jusqu'à une heure du matin.

 

 

Oui mais un voisin aurait téléphoné, empêché de dormir qu'il aurait été par les stridences des guitares. Au bout d'une demi-heure la caravane des chasseurs de tête s'en va. Obligée de constater qu'au seuil du troquet l'ambiance initiale avait peu de chance de tourner à l'émeute de rue. L'affaire n'est pas terminée. Il y aura un rapport écrit. Peut-être une contravention. La justice tranchera. Dans le vif. Force doit demeurer à la loi.

 

 

En attendant la révolution. ( Certains mauvais esprits la prétendent plus certaine que la fin du monde du calendrier maya. ) Souhaitons qu'avec un peu de chance elle soit rock'n'roll !

 

 

Damie Chad.

 

 

GENE VINCENT

 

THERE'S ONE IN EVERY TOWN

 

 

MICK FARREN

 

 

( Camion Blanc / 138 pp / Novembre 2012 )

 

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Pas d'affolement dans la cambuse, l'on ne vous fait pas le plan de vous refiler un vieil article déjà donné dans notre vingt-septième livraison du 18 / 11 / 10. Me disais, pas plus tard que la semaine dernière, qu'il y avait longtemps que je n'avais pas parlé de Gene Vincent et que cela me manquait. Sur cette déprimante pensée je me décidais à rejoindre les bras de Morphée, lorsque pris d'une inspiration subite je décidai de regarder par acquis de conscience les nouveautés de Camion Blanc. Bingo ! Intuition de rocker, There's One In Every Town de Mick Farren, enfin disponible en version française. J'avais déjà chroniqué l'english book, mais cette version in french style due à Patrick Cazengler est tellement plus facile d'accès !

 

 

MICK FARREN

 

 

Pourrais pas vous raconter grand chose sur Patrick Cazengler sinon qu'il a traduit plusieurs livres pour Camion blanc et fait paraître chez ce même éditeur le recueil Cent Contes Rock que je n'ai point lus mais qui me semble exiger moultes connaissances littéraires. Comme par hasard sa version du livre de Mick Farren nous paraît des plus fidèles et des mieux venues. N'y a que le titre pour lequel il aurait pu faire un effort supplémentaire.

 

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Serai plus disert sur Mick Farren. C'est ce que l'on pourrait appeler un dangereux activiste rock. Doublement dangereux car à la pratique il a ajouté la théorie. L'a des idées résolument rock, ne donne pas dans la pop. Il trace des généalogies encombrantes qui culbutent les notions de frontière et de genre. En plus il sait de quoi il parle. A rédigé une vingtaine de bouquins mais est aussi un musicien.

 

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Une trajectoire d'autant plus étincelante que restée dans l'ombre pour nous pauvres petits français. Fit partie de l'équipe rédactrice d'International Times, le journal underground d'avant-garde beaucoup plus connu sous ses simples initiales, IT. Le lecteur se rapportera à notre 96 ° Livraison du 03 / 05 / 2011 sur l'Histoire de l'Underground londonien de Barry Miles pour en savoir plus sur cette singulière aventure éditoriale. IT ne fut pas seulement un magazine, plutôt une officine d'agitation culturelle qui organisa notamment des concerts psychédélics dont la nouveauté radicale bouleversa par ricochets la conscience de centaines de milliers de jeunes occidentaux.

 

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Né en 1943 Mik Farren qui fut un des fers de lance de ces manifestations ne tarda pas à monter dès 1967 son propre groupe : the Deviants. Un groupe expérimental peu connu en notre hexagone mais dont les Pink Fairies et Hawkwind et par-delà ce dernier Motorhead furent en quelque sorte les descendants. Les Deviants furent un groupe hybride : selon les morceaux l'on peut y retrouver les pires errements d'une époque qui vit aussi bien fleurir le Between the Buttons des Stones que surgir la noirceur singulière de Monster de Steppenwolf. Un groupe déviant par rapport à lui-même et à son propre projet pourrait-on dire. Au bout de trois albums Mick Farren stoppera l'expérience des Deviants quitte à la reprendre sous d'autres formes à de longs intervalles. Comme il n'y a pas de hasard dans l'histoire du rock'n'roll, nous prélèverons cette rencontre en 1987 entre Mick Farren et Wayne Kramer le guitariste de MC 5.

 

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Avec Wayne Kramer nous touchons à ce rock de rébellion qui s'auto-instrumentalise en tant que prise de conscience politique. Dés les premiers numéros de IT Mik Farren tentera de susciter en Grande-Bretagne l'apparition du White Panther Party qui fut une émanation du MC 5. Au début des années 70 Mike Farren aura l'intuition que rien ne laissait présager d'une proximale éclosion d'un rock plus brutal et plus intransigeant qu'il habille déjà du mot punk. Et tout cela à partir d'une réflexion approfondie sur la naissance du rock'n'roll aux Etats-Unis. Son essai sur Gene Vincent – tout comme ses livres sur Elvis – paru en 1978 s'inscrit dans cette démarche d'une passation du flambeau de la révolte de la jeunesse entre la première génération des pionniers et la troisième celle du no future punk.

 

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Fidèle à ses idées, Mick Farren s'imposera trente ans d'auto-exil à New York et aux Etats-Unis, refusant de vivre dans l'Angleterre tatchérienne et ultra-libérale...

 

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THERE'S ONE

 

 

Lorsque l'on a enlevé la discographie et le poème sur la mort de Gene Vincent, l'on se retrouve avec un texte qui n'excède pas les cent pages. Certes Vincent est mort à trente-six ans mais après une existence si pleine que l'on pourrait quadrupler sans peine la mise de départ. Mais Mick Farren ne vise aucunement à l'exhaustivité. Cherche à décrire au plus près la courbe d'une trajectoire et peut-être plus encore le retentissement de cette vie menée à cent à l'heure sans rail de sécurité.

 

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Y réussit parfaitement. Le livre s'ouvre sur sa propre expérience initiatique : en 1961, Mik Farren assiste à un concert de Gene Vincent. Déflagration totale. N'importe quel imbécile peut vivre un événement extraordinaire sans s'en rendre compte. C'est d'ailleurs pour cela que la plupart des êtres humains resteront tout leur vécu cantonnés dans leur native imbécillité - étymologiquement parlant leur faiblesse débilitante - incapables qu'ils sont de s'apercevoir qu'ils se devraient de s'approprier la volonté d'héroïser leur existence. Farren possède cette chance de comprendre qu'il traverse un élément fondateur de sa propre vie, toute son existence à venir consistera chaque jour qu'il vivra à ré-insuffler du sens dans le non-sens chaotique de cette scène primitive. Les choses ne sont que ce que nous en faisons. Mais en agissant ainsi nous oeuvrons avant tout à nos propres métamorphoses.

 

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Un. Un seul. Dès l'adolescence la vie de Gene ressemble à celle de ces êtres qui encore loin d'avoir atteint leur équilibre naturel sont contraints de se fuir eux-mêmes pour échapper à leurs manquements existentiels essentiels. Lot habituel de nombreux adolescents issus des classes défavorisées sans arrêt en partance vers des rêves de rattrapage social...

 

 

Gene est un poisseux. Un gars qui ne maîtrise aucune des règles du jeu social. Suffit qu'il tende la main vers un des plus simples objets manufacturés à sa portée – une Triumph par exemple - pour que la situation s'envenime et devienne comme par malédiction atrocement compliquée. Voire complexe. C'est sur son lit d'hôpital qu'il décide de devenir chanteur. Comme il ne peut pas faire comme tout le monde, il réussira au-delà de toute attente. Mais il est déjà trop tard. L'aurait mieux fait de stipuler une place de garde-barrières dans un bled perdu. Une sinécure de tout repos. Non, veut se la jouer à la Elvis qu'il a eu le bonheur d'admirer sur scène. Avec une jambe à l'os brisé soutenue par une atèle en fer, c'est un peu plus difficile que la moyenne nationale. Injustice du sort qui ne relève pas de sa faute. Une femme qui a brûlé un feu rouge. C'est surtout sa jambe qui ne cessera plus jamais de brûler. Les médecins lui conseillent l'amputation. Mais c'est chanteur qu'il veut être, pas pirate. Un entêté, un dur. Un cabour qui n'en fait qu'à sa tête, qu'à sa jambe.

 

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La traînera sur toutes les plateaux du monde. Plus les dégâts collatéraux : médicaments, alcool, amphétamines. En tirera un jeu de scène fantastique. Une dramaturgie imparable. Le gamin qui ne lit que des bandes dessinées de qualité très médiocre met au point une performance artistique de haut niveau. Chorégraphe de la douleur.

 

 

ROCKY ROAD BLUES

 

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L'associal de service est devenu un héros. Qui n'a renié aucun de ses défauts. Mais il a trouvé son dérivatif : la route. Une vie de rock'n'roll star. Un seul problème : il ne sera la star que d'un seul succès. Capitol sera incapable de gérer la carrière du fauve qu'elle a lâché dans la nature. Dès que les évènements deviendront incontrôlables Sam Philips refilera le bébé Elvis a RCA. Plus sensitif Presley a déjà eu le réflexe de s'attacher au premier garde-fou qui passe, Parker, faux colonel de son état, mais le petit gars de Tupelo avait compris que la situation était tellement grave qu'elle méritait l'intervention de l'armée.

 

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Gene ne rencontrera que des amateurs, son impresario de départ Sheriff Tex Davies réalisera au plus vite ses actifs dès qu'il comprendra que l'ancien matelot Vincent a mis le cap sur les quarantièmes rugissants. L'on est toujours trahi par les siens. Très vite les musiciens mettront les voiles pour le mouillage pépère de la maison. C'est que les tournées sont épuisantes, des milliers de kilomètres, aucune équipe de préparation et d'accueil à l'arrivée, personne pour prendre en charge les musicos après les concerts. C'est le do it yourself américain dans toute sa splendeur, si tu as faim tu vas t'acheter un sandwich à la station service du coin.

 

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Gene aurait pu se contenter de faire comme tout le monde, s'intégrer dans une cordée de quinze artistes et bazarder Be Bop A Lula et deux ou trois autres pépites sur sa rythmique, plus ou moins accompagné par l'orchestre de la tournée, voire local. Ne voit pas le truc comme cela. C'est Gene Vincent and the Blue Caps, tradition directement issue des groupes country mais appliquée à l'échelle d'un continent.

 

 

Ses prestations relèvent de l'action commando. Faut que les gamins en ressortent marqués. Ne peut pas compter comme les groupes actuels sur la troupe supplétive des symphonies de projecteurs organisés en super light-shows ou des effets pyrotechniques dernier cri, simplement l'impact électrique des instruments et la théâtralisation expressionniste du jeu des acteurs sur scène.

 

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Dès la seconde mouture des Blue Caps ce sera l'apparition des clapper boys. Véritable dramatisation des choeurs. Le soliste devient le coryphée d'une mini-représentation mimétique qui touche à l'essence du théâtre grec. Instinctivement Gene retrouve les ressorts de la fable antique, le héros enfermé dans l'incomplétude de son triste état d'homme qui s'affronte à la fatale grandeur inaccessible des Dieux.

 

 

Gene ne possède aucun des codes culturels qui lui permettrait de comprendre les ressorts intimes de sa tragédie. Plus tard en Angleterre Jack Good lui fera endosser le costume de Richard III. Toute sa vie il ignorera qu'il incarne le rôle shakespearien du personnage d'Hamlet même s'il a tout de suite compris que son intransigeance d'adolescent enkysté dans le rock'n'roll ne pouvait mener qu'à la mort. Pour seul partage il recevra la monnaie de la pièce qu'il interprète sans aucune distanciation. L'obole du trépas que l'on vous fourre dans la bouche pour vous empêcher de parler ou d'entonner à tout jamais le chant du cygne post-mortem de l'autre côté du miroir que vous avez cassé sans vous rendre compte que votre image n'était que le reflet d'une réalité vitale insaisissable. Car la vie coule de nos mains comme le sang d'une blessure purulente.

 

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Une des subtilités de Farren est de piger que si Elvis et ses suiveurs descendent de Dean Martin – il s'agit de gérer une carrière – tout en se ménageant une digue protectrice, un Graceland, un nid douillet dont les portes refermées vous isolent de la folie du monde - Vincent procède d'une autre généalogie, moins citadine, plus rurale c'est-à-dire moins artificieuse. Celle de Hank Williams et par-delà lui, la figure de Robert Johnson. Le premier morceau enregistré par Gene se nomme emblématiquement Race with the Devil. Johnson, Williams, Vincent, une même particularité les réunit, mettriez pas un feuillet de cigarette entre leur personnage et leur vie. Vivent sans armures. Res privata et res publica sont indissociablement liées.

 

 

Reconnaissons que pour Elvis la pression sera si forte que la fiction de l'intimité volera vite en éclats et que le roi se retrouvera très vite nu... Mais la tragédie engoncée dans le strass des paillettes et des limousines tournera au pathétique. Il y a du grotesque dans la fin d'Elvis et ceux qui ne l'aiment pas croiront le dénigrer en le traitant de burlesque. Oublient simplement que le blues naît dans la farce des minstrels. Terrible retour aux origines pour ce petit blanc qui chantait comme un noir.

 

 

Pour Gene l'on ne mélangera pas les genres, l'on restera dans l'horrible.

 

 

EUROPEAN TOUR

 

 

L'industrie du showbizz et les autorités gouvernementales parviendront à briser la première vague du rock'n'roll. Prennent le taureau par les cornes mais pas de front. Bottent en touche. Refilent le bébé à l'Europe. Additif au plan Marshall non prévu au départ. Mais tous les coups fourrés sont permis pour retarder le redressement de vos plus chers amis.

 

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Gene est totalement grillé aux USA. Fini, usé, has been. Débarque en Angleterre ( et en France ) dès 1959. Il est perçu comme une légende vivante. C'est avec lui que le public comprend pour la première fois que le rock'n'roll n'est pas une simple musique d'agrément. Il contient en germe l'idée qu'il est avant tout un art de vivre, autrement. En rupture avec l'idéologie sécuritaire dominante. Très vite le rock'n'roll s'insère dans un back ground anarchisant typiquement européen. En France où cette composante basique du mouvement ouvrier affleure toujours à la surface des contestations systémiques, la figure de Gene est magnifiée. Les Américains engourdis par le rêve de la société de consommation mercantile attendront quatre ou cinq ans de plus pour que la jeunesse réalise la portée révolutionnaire du rock'n'roll.

 

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Inutile de rêver non plus. Tous les adeptes des musiques populaires américaines ne sont pas des gauchistes. Ces mouvements sont même traversés par des courants d'extrême-droite d'origine populiste encouragé en sous-main et de plus en plus idéologiquement par les autorités politiques. Le country de par son implantation géographique très localisée flirte avec les miasmes d'un patriotisme exacerbé. Dans les milieux populaires de basse extraction sociale et petite-bourgeoise l'on tourne plus facilement sa colère vers le voisin – noir, arabe, jamaïcain ou pakistanais - embauché dans la même galère que soi - que vers les patrons qui vivent à mille lieues de votre lieu de travail... En France beaucoup d'amateurs de musique fifties ou teddies envisage le rockabilly comme une musique essentiellement blanche. Alors qu'elle a, en ses origines, pris le meilleur à des mamelles noires qu'elle a tétées fort goulûment. Très sensibles aux conditions de survie économique difficiles que très souvent la vie leur ménage, ils s'enferment dans une idéologie de ressentiment qui les isole, et les console, tout en les maintenant dans leur enfermement social.

 

 

GENE AND EDDIE

 

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La mort d'Eddie fut une catastrophe affective pour Gene. Mik Farren essaie d'analyser ses conséquences sur la carrière discographique de Vincent. Malgré les premiers succès engrangés en Angleterre le moral de Gene ne s'améliore guère. Trop de fatigue qui se traduit par une augmentation des douleurs de sa jambe. La dépendance à l'alcool devient tragique. Ses effets ont le don de dynamiser le côté versatile de son caractère tout en en accentuant les tendances paranoïaques. Gene est difficile à vivre. Les musiciens et les témoins directs évoquent souvent une personnalité à double face, schizophrénique.

 

 

Les contrariétés financières s'accumulent. Le fisc – le malheureux n'a pas eu la prescience de s'attacher dès le début de sa carrière un simple conseiller fiscal - ne le lâche pas, les pensions de divorce tombent à rythme soutenu, l'argent passe entre ses mains mais il est incapable de le retenir et de l'accumuler. Ce sentiment d'être toujours sur le fil du rasoir accentue son instabilité naturelle et le rend violent. La possession d'armes lui donne une sensation de puissance qui lui permet d'éloigner de lui les affres d'une précarité sociale de plus en plus intense. Mais l'inquiétante et menaçante manipulation de revolvers chargés ou de poignards effilés par un individu en crise n'incite guère aux plus cordiales amitiés.

 

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La présence d'Eddie aurait été tutélaire. Vincent est avant tout un interprète, Eddie était un créateur. A eux d'eux ils étaient une formidable machine de guerre. Gene était capable d'entraîner Eddie dans toutes les outrances, mais Eddie avait une autre carrière à ménager. Beau gosse il visait aussi une carrière cinématographique. Face rock et face bizness. Eddie aurait-il eu la force de laisser coexister en lui son versant rugueux à la Vincent et la pente arrondie à la Presley ? Un coup pour les initiés, un coup pour le grand public. Peut-être aurait-il réussi cet impossible pari car il était profondément plus intéressé par la musique que par l'argent qu'il considérait davantage comme une prime au talent que comme un but ou une preuve en soi.

 

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Niveau discographique la période anglaise de Vincent est à reconsidérer. Il y manque une direction. L'on ne sait trop où il veut aller. Le savait-il lui-même ? Il est à craindre que Gene n'ait pas eu le temps d'y réfléchir. Les séances sont rares et espacées. Elles sentent l'improvisation et semblent soumise à l'impulsion du moment. Avec Eddie à ses côtés, les deux amis auraient construit un répertoire et n'auraient pas cédé aux exigences des producteurs. Je serais prêt à parier qu'après la disparition d'Eddie Gene a volontairement – d'une manière plus ou moins consciente – voulu se démarquer de ce qu'il aurait pu mettre en boîte avec Eddie. Au mieux il retourne vers ce qu'il sait déjà faire avec malheureusement des musiciens moins géniaux que les Blue Caps ce qui nous donne des titres comme le King of Fools ou Goin' home.

 

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Sinon Gene me semble, avec des titres comme Temptation Baby, regarder vers les derniers enregistrements de Buddy Holly. Plus pop, très près de ce que les Beatles feront plus tard de cette influence hollienne dans Revolver par exemple et, que lâchant définitivement les amarres, ils déclineront jusqu'au bout jusqu'à la neuvième révolution de Sergent Pepper. Mais Gene n'est plus le maître de ses enregistrement studio, et reste trop imprégné de ses influences country pour donner une nouvelle direction rock à ses enregistrements. C'est de retour aux USA, après plusieurs mois de repos qu'il synthétisera dans Bird Doggin' la mouture idéale du rock anglais, mais il est déjà trop tard. Les Spencer Davis Group, les Them, les Yardbirds se sont entre temps débrouillés tout seuls comme des grands en puisant dans d'autres modèles.

 

 

1967-1971

 

 

Les dernières années de Gene Vincent sont suicidaires. Tout le monde ne lui tourne pas le dos. Mais les maladresses, les déboires et les ratés vont s'accumuler. Les tournées françaises organisées par des fans souffrent d'amateurisme. Ce n'est pas une critique, c'est un constat. Ont fait avec leurs moyens, qui n'étaient pas gros. Il faut aussi rappeler que le public qui est en train de découvrir le rock est particulièrement ignare et ne professe aucun enthousiasme pour les pionniers dont il ignore très souvent jusqu'à l'existence.

 

 

L'on peut aussi se demander ce que sont devenus les cohortes tapageuses des années soixante. Ont disparu dans leur ensemble. Le public s'est évaporé. Reniement ou engluement dans les tourments de la soucieuse vie d'adulte : la femme, les gosses, le turbin, et peut-être pire encore le tiercé et le programme télé... L'en est sans doute de même en Angleterre, quant aux Etats Unis, il vaut mieux ne pas en parler. Seuls quelques professionnels se souviennent de Gene.

 

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Ce qui lui permettra toutefois de rebondir. Après les 45 tours Challenge ce sera le I'm back and proud chez Dandelion en 69. Le disque aurait pu être meilleur, Todd Rundgren le producteur bouscule un peu trop Gene qui aurait voulu davantage de temps et de calme. Pour le coup il aura arrêté de boire, preuve que son immuno-dépendance était aussi d'ordre psychologique. Toutefois et les fans de Gene et le milieu pro américain bouderont ce disque. Aujourd'hui il n'est pas rare de lire dans les revues spécialisées les repentances et les mea culpa de bien d'amateurs qui regrettent d'être passés à côté de la plaque à l'époque. Le trente-trois est rudement bon. Très différent de tout ce que Gene avait jusqu'à lors enregistré mais traduisant une savante connaissance intuitive de toute la musique populaire américaine, du country, blues, folk étroitement emmêlés. Me suis toujours demandé pourquoi les admirateurs du grand Dylan de la première heure n'ont jamais daigné prêter une seule oreille à cette merveille. Rock'n'roll Highway Revisited.

 

 

Mick Farren reverra Gene en Angleterre. Au mieux de sa forme, lorsqu'il tourne The Rock'n'roll Singer pour la BBC avec un splendide concert au London Palladium dont les images seront écartées au montage final. Tout comme l'on ne verra pas la séquence dans le film du festival de Toronto 1969 où John Lenon le rejoint sur scène sur Be Bop a Lula. Près de la fin, la voix brisée, poursuivi par les huissiers contraints de fuir l'Angleterre sur une dernière mise en demeure...

 

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Une fin de partie hallucinante, qui n'a encore tenté aucun cinéaste, Gene seul dans sa maison désertée qui boit plus que de raison à s'en faire péter son ulcère. Et la mort rapide qui survient. Plus l'enterrement pitoyable qui tient autant de la cour du miracle que des dérives sectaires d'une Amérique profondément malade.

 

 

IN EVERY TOWN

 

 

Farren est très réservé sur les deux derniers trente-trois tours de Vincent. Les soumet à une écoute trop rapide, et les écoute par rapport à ce qu'il veut exposer. Ne s'inscrivent pas dans cette perspective farrénique. Le If You could see me today et le The Day the World Turned Blue sont des disques de blues. S'attarder à leur apparence country est une erreur. C'est du blues, mais du blues d'après le blues, quand il ne reste plus qu'une indicible tristesse et la voix pour pleurer. Faut oser le dire mais peu de chanteurs noirs de blues sont parvenus à atteindre à une telle déréliction. Contient tout ce dont vous devez vous méfiez et ne jamais accepter de laisser s'installer dans votre vie : de la colère remâchée et recuite si souvent qu'il ne reste plus au fond de la casserole qu'une écume blanchâtre d'une aigreur insoutenable, de l'ironie retournée contre soi-même, auto-destructrice et auto-mutilante tel un scalpel que l'on s'enfonce entre les cotes pour vérifier si votre coeur n'a pas disparu, et ce savoir ancestral de celui qui a tout vu du monde, tout su de l'homme et jamais rien compris de lui-même.

 

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S'il y a un no future quelque part dans l'oeuvre et dans la biographie de Gene Vincent c'est bien en ces deux ultimes albums crépusculaires qui nous annonce que le nom du dieu qui est mort s'appelait rock'n'roll. Il est étrange que Farren n'ait pas ressenti cela. Mais cela s'explique par ses intentions. Cette bio de Gene est écrit en pleine crise insurrectionnelle. Tout semble à nouveau possible. Le punk est en train de dévaster la planète, il semble que le rock'n'roll est en train de renaître de ses cendres et qu'une nouvelle aire soit en train de s'ouvrir.

 

 

Le phénix du punk se brûlera à ses propres cendres. Le pyromane n'est pas plus tôt né que l'institution ordonnera aux pompiers du show bizness de l'éteindre. Ne durera pas plus que la première éclosion du rock américain. Comme quoi l'Histoire a beau se répéter ses leçons ne sont guère transmissibles. Il n'est de pire cancres que les mauvais élèves du rock'n'roll. Farren en sera si dépité qu'il pliera bagage pour la grande Amérique. Y restera trente ans. A mis du temps pour évaluer à leur juste capacité de nuisance les méfaits de la plus grande démocratie du monde ! Faut avouer qu'avec la mondialisation triomphatrice tout se ressemble de plus en plus. Egalisation par le bas ! Et puis, Où fuir ? Et quelle nuit hagarde Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ? prophétisait déjà plus d'un siècle avant lui, le poëte Stéphane Mallarmé...

 

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Mais il ne faut pas désespérer la jeunesse du monde. Mick Farren n'élude aucun des aspects négatifs de son héros. N'est pas dupe du personnage. Mais il le décrit à la manière de Caractères des Hommes Illustres de Plutarque. L'en dresse un portrait emblématique. Et même si les traits de la vie de Gene peuvent déplaire ou froisser les âmes sensibles, il le statufie et le donne en exemple aux jeunes générations. N'insiste guère sur l'oeuvre elle-même. Tout le monde est assez grand pour se procurer les disques. Pour les moins débrouillards il joint une discographie de vingt pages en fin de volume. Aujourd'hui il vous aurait renvoyé sur le net. Les enregistrements de Gene parlent pour lui. Certes tout le monde n'est pas capable de les entendre, mais alors il ne faut s'en prendre qu'à soi-même.

 

 

Ceci entendu, le legs incontournable et fondateur du rock'n'roll admis, Mick Farren s'occupe avant tout de l'homme qu'il fut. Pas très recommandable si l'on se place selon les canons de la morale petite-bourgeoise étriquée. Remarquons entre parenthèse que la morale est toujours petite. N'avait pas que des qualités. Et n'avait surtout pas la seule qui puisse se reconnaître objectivement en tant que qualité. La maîtrise de soi. Car rien ne sert d'être méchant ou d'être gentil si l'on n'a pas la maîtrise de devenir l'exacte déflagration de méchanceté ou de gentillesse que l'on veut être.

 

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Gene a contourné le problème. Lui qui s'est fait manger la moitié de sa vie par les aléas du métier et les profiteurs de toutes sortes, n'avait pas choisi d'être méchant. Ou gentil. Avait misé sa volonté sur une qualité situé en dehors des affectives volitions humaines. Gene s'est contenté d'être rock'n'roll. He's the greatest pretender par excellence. Ce genre de prétention, naïve, puérile, adolescente, n'entre pas dans les catégories strictement humaine. C'est un peu comme si vous désiriez devenir tasse à café ou dieu de l'Olympe. Ce sont-là attributs qui ne concordent pas avec l'essence de notre nature. Ni infra-, ni sur-humain. Soyez clochard ou général mais faites-nous le plaisir de rester un être humain. Gene Vincent lui s'est accroché à son rêve, toute sa vie il n'a cherché qu' à être rock'n'roll. Et il a parfaitement réussi.

 

 

A payé le prix fort, et l'on s'est arrangé pour qu'il comprenne qu'il payait le prix fort. Mais il n'a jamais dévié.

 

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En plus même mort, pourrissant sous une pierre tombale en déliquescence, il continue à indiquer le chemin. A des milliers de jeunes révoltés qui comprennent mieux ce que signifie l'expression : être rock'n'roll.

 

 

Ce livre de Mik Faren ne vous refilera pas le blues. Attendez-vous plutôt à un choc d'adrénaline contagieuse. Indispensable. A mettre sous son oreiller, à côté du revolver.

 

 

Damie Chad.