23/12/2012
KR'TNT ! ¤ 124. ROLLING STONES
KR'TNT ! ¤ 124
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
27 / 12 / 2012
ATTENTION ! KR'TNT ! part en vacances ! Comme nous ne voudrions pas que vous soyez en manque de votre dose hebdomadaire, nous mettons en ligne dès ce dimanche 23 décembre notre numéro 124 prévu pour le jeudi 28 décembre. N'en oubliez pas pour autant la saine lecture du N° 123 du 13 / 12 / 12. Nous devrions être de retour dès le jeudi 03 janvier 2013. JOYEUSES SATURNALES ROCK'N'ROLL ! |
CINQUANTE ANS DE STONES
LE LIVRE DES ROLLING STONES
FRANCOIS DUCRAY / JACQUES LEBLANC / UDO WOEHRLE
ALBIN MICHEL * ROCK&FOLK / 1978
Aucune envie spéciale de parler des Stones. Et puis l'actualité est venue me prendre par la main. Sur une brocante, un vendeur sympathique qui me refile des photos de Marcel Proust ( les rockers possèdent parfois des centres d'intérêt divergents ) pour trois euros. Trois euros ! A ce prix-là je passe les dix mètres carrés de l'étalage au peigne fin, de gros cartons remplis de bouquins – plutôt littérature fin de siècle – jetés là un peu n'importe comment. Tiens des disques ! Des trucs pop inécoutables des années 80, avec coincé entre deux pochettes de Supertramp ( quand je dis inaudible, je suis large d'esprit ) Le Livre des Stones de la collection Rock'n'Folk, paru en 1978. A l'époque, l'état de ma fortune personnelle ne m'avait pas permis de me l'offrir... mais vu la présente évolution de mon porte-feuille d'actions cotées en bourse, tel un trader flairant la bonne aubaine, je décide sur le champ – en fait sur la Place de la République locale – que je ne dois point résister à l'acquisition d'un tel fleuron rock'n'rollien, puisque au dire des analystes financiers des grosses banques d'affaires la conjoncture économique n'a jamais été aussi favorable à l'enrichissement des riches... collectionneurs. Nanti d'un tel trésor sous le bras, je dois l'avouer, tandis que je rejoins d'un pas serein la teuf-teuf mobile, je me fous des pauvres... malheureux qui ne possèdent pas encore ce collector indispensable à la survie de l'espèce humaine. Excusez-moi de parler d'argent, je sais que cela ne se fait pas entre gens bien ( comme nous ), mais avec les Stones il s'agit d'une première pierre d'achoppement inévitable sur laquelle l'on se casse à tous les coups les dents.
TROIS MOUSQUETAIRES
François Ducray n'est pas tombé de la dernière averse. A suivi le parcours classique du journaliste rock qui a fait carrière, début chez Best et Rock'n'Folk, recyclage journaleux grand public cultivé via Télérama pour finir aux Inrock. Des livres pour assurer la tambouille chez Librio ( Gainsbourg, Beatles, Pink Floyd ) et plus fine bouche un Led Zeppelin et tout dernièrement un Dylan et le Country-Rock au Castor Astral.
Jacques Leblanc, la même début de route, Best, Extra, et très vite cet esprit fiévreux de recherche encyclopédique qui le mènera à devenir le spécialiste des french sixties, à fonder Juke Box Magazine, puis le CIDISC : Convention Internationale des Disques de Collection, et à rééditer en précieux tirages limités les raretés du catalogue rock français, notamment au travers du label Magic. Un véritable activiste rock.
Udo Woehrle est davantage un fantassin de l'édition. Cherche les sujets qui marchent. Produit plus qu'il n'écrit. Deviendra très vite le rédacteur en chef du magazine Géo, un must dans les années 70 – 80 pour cette petite-bourgeoisie friquée que l'on n'appelait pas encore les bobos. Aujourd'hui il assure la transposition des produits de presse français en version allemande... Nous le subodorons davantage préoccupé par le business que par le rock'n'roll.
Se sont partagés les taches. Woehrle a calibré le projet – il y avait déjà chez le même éditeur, Les Rolling Stones de Philippe Bas-Rabérin – faites-lui confiance pour l'optimisation de la rentabilisation de l'affaire, Jacques Leblanc a emmené la doc, et tous deux ont confié avec juste raison le soin de le rédaction à François Ducray. C'est qu'il ne suffit pas de rapporter les faits dans leur ordre chronologique ni de présenter les pochettes des 45 Tours les plus rares à des lecteurs ébahis, faut encore une écriture qui suscite le rêve et la légende. Et seul quelqu'un qui a vécu et intériorisé la saga dont il parle peut la restituer en en décryptant les enjeux originels et les conséquences ultimes.
1978
1978 ! Que c'est loin ! leur restait à vivre encore ( au moins ) deux fois le laps de temps qu'ils venaient d'arpenter. Pouvaient pas le savoir, nos Stones. Françoy Ducray non plus. Cette ignorance change les perspectives. Le livre s'achève alors que nos moutons noirs viennent de sortir leur quatorzième album studio, Miss You. Leur plus grosse vente. Tout semble aller pour le mieux. Mais c'est le dernier feu d'artifice. Moi-même en allant vérifier dans mes étagères me suis surpris. I got the record. M'en rappelais plus. Pochette splendide. Gravure impeccable. C'est que je n'ai pas dû l'écouter beaucoup. Suis-je- allé jusqu'à deux ? Je ne m'en souviens pas. J'ai les précédents aussi. Le calamiteux Black and Blue, le décevant It's Only rock'n'roll ( but we like it ), et le totalement raté Head Goat Soup. Les ai systématiquement achetés, ou plutôt me les suis procurés, comme on disait chastement à l'époque. J'étais comme eux. Je vivais sur leur passé.
Déjà ils louchent sur ce qui se faisait à côté. Mais se trompent de side. Ils cherchent le groove, l'aseptisé, celui que l'on entend sur les disques de Stevie Wonder, musique noire blanchie à l'extrême qui a troqué sa force séminale contre le ahanement du bit castré pro disco. Veulent rester jeunes. Comme dirait Bowie, ils donnent le change. Ont oublié de regarder de l'autre côté, la bonne face. 1976, 1977 : le rock est en ébullition, dans chaque cave londonienne, les punks essaient de jouer plus vite et plus fort que les Stones, dans le seul espoir de les égaler. Tu parles ( my King ) Charles ! Au bout de deux ans la preuve était établie. Les petits jeunes pouvaient remballer, le concours était fini. Avant d'avoir commencé. Perdu aussi pour les Stones qui n'ont pas compris qu'ils avaient l'opportunité, à ne pas laisser passer, de devenir les New York Dolls anglaises. Dans les deux cas, c'est le public qui n'était pas au rendez-vous.
RE-PLAY
Ne me dites pas que c'est du passé. Aujourd'hui même viennent de commettre le même style d'erreur. Le copain a télechargé leur dernière compil. Grrr ! 27 euros dans le commerce, pour des morceaux d'anthologie qu'il possède déjà en six ou sept rééditions différentes. Avec bien sûr, pour délester les fans, deux inédits. « Pas mal du tout, juge-t-il, du bon rentre dedans, bien rock ! » puis il ajoute « j'ai effacé tout le reste bien sûr. N'ai gardé que ces deux-là ! » L'a raison de ne plus vouloir cracher au bassinet. Je me prends à rêver, j'aurais été le premier à courir au magasin s'ils avaient sorti les deux dernières pépites sur un single vinyl avec une belle pochette surprise. En plus avec une bonne promo ils en auraient vendu des semi-remorques à gogo et auraient redoré leur aura. Ternie depuis longtemps. Au vert-de-gris dollarisé. Mais il y a longtemps que les Stones ont abandonné le rock'n'roll pour le tiroir-caisse.
LA PREMIER PIERRE
La faute à qui ? Ne m'attendez pas pour jeter la première pierre à Jagger. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi l'on parle encore de l'Iguane mais plus jamais du Jaguar. Même les pisse-copie généralistes qui n'y entravent que couic mais qui recopient les fonds d'articles de la presse spécialisée, ne ressortent plus le fauve des cages du rock'n'roll circus. L'est vrai que les griffes du Mick se sont bien émoussées. Les a échangées contre des serres crochues. Il est venu un moment où le jeune homme en colère n'a plus eu faim.
C'est humain. Mais pas très rock'n'roll. S'en foutent. Ont toujours été plus proches du rhythm and blues. On les comprend. Quelque part c'est plus facile que le rock et le rockabilly. On a besoin de moins de technique vocale mais de davantage de feeling. Se sont toujours recommandés du bluesman inconnu mais n'ont pas cherché les subtilités du style. Z'ont compris, et vraisemblablement Andrew Loog Oldham d'abord, qu'ils n'arriveraient jamais à égaler les maîtres du genre. Ont tout misé sur le son. Un peu ce que faisait Phil Spector pour les groupes de Doo wop dont il a totalement renouvelé l'esthétique. Les a remodelés à la mode collège. Tout en les gonflant au Spector sound. Suffit d'avoir un joli minois pour décrocher une place.
Eux ils avaient la sale gueule. Tristes tronches de petite gouape sans ambition. Le mur du son n'en serait que plus épais. Fallait les cacher derrière les briques sonores. N'y sont pas arrivés tout de suite. Ont été sauvés par Charlie Watts. Un batteur sans imagination. Une machine déréglée imperturbable. Un demi-temps de retard à chaque frappe. Faites-le jouer sur un tempo ultra-rapide et puis sur un blues languissant. Dans tous les cas, vous offrira toujours son demi-temps de retard sur le beat espéré. Les intellos ont essayé d'expliquer cette monstruosité rythmique. Cela viendrait de ses origines jazzistiques, ne peut donc posséder la frappe primaire du rocker qui tape sur sa caisse claire comme un malade. Vous pouvez écouter la disco complète d'Elvin Jones, n'a jamais un seul semi-battement de retard. Ou alors c'est voulu et contrôlé de bout en bout, pas du tout mécanique, se rattache alors à l'art du contre-temps. Du contre-point. Dentelle.
Z'avaient pris soin de virer Ian Stewart le pianiste. Jouait le boogie comme un dieu. Juste et sans faute. Avec lui au clavier, l'on pouvait pas garder Charlie, même un sourd aurait entendu son retard métronomique. A dû donc jouer les utilités. Pas Charlie, Stewart, avec les Stones rien n'est jamais juste, ça tombe toujours à côté comme Charlie, mais en fin de compte ça finit par s'arranger pile-poil. Donc Ian chauffeur, secrétaire ( poli et déferrent ), on peut même l'entendre sur les disques, dans le lointain, sert de bruit de fond à la cacophonie générale. Ne surnage dans tout ce capharnaüm que l'arythmie congénitale de la batterie perceptible justement par le bruit que fait ce demi-silence retardataire à ne jamais chuter à l'instant exact où on l'attendrait.
Une pulsation particulière qui est devenue comme la marque de fabrique de la musique des Stones. Si vous ne me croyez pas, écoutez le piano de Nicky Hopkins – car pour reproduire le bruit de fond à l'identique sur scène, afin de suppléer aux micros enregistreurs manquants du studio, l'on a adjoint toute un bataillon de musicos afin de remplir l'espace sonore. Hopkins ne joue pas à proprement parler. Il remplit les vides, descend les tons comme on dégringole dans les escaliers. Musak d'ambiance d'ascenseur et de supermarché.
C'est comme cela que les Stones sont passés du blues au rock'n'roll. L'on peut le dater. Sur Get out off my Cloud. Sensationnel numéro de Charlie qui toutes les quinze secondes se lance dans une démonstration attention-les-gars-je-déroule-mon-kit-en-entier-et-débrouillez-vous- comme-vous-pouvez. Vont se piquer au jeu. Chacun balance sa commission personnelle dans la marmite. Personne ne s'écoute. Mais entre deux roulé bourré de Watts il reste assez de place pour stationner un porte-avions. Ca résonne dur. Jagger s'égosille à qui mieux-mieux. Nous sommes loin du tricotage facile de Satisfaction, tellement plus près de Muddy Waters que personne ne l'a encore jamais fait remarquer.
N'échapperont qu'une seule fois au beat de Watts. Sur Baby Have Seen your Mother Standing In The Shadows. Une avalanche de guitares grondantes hyper speedées comme personne n'en avait alors jamais entendu. Depuis les hard rockers ont fait beaucoup plus fort, et ce morceau qui nous paraissait dantesque à l'époque souffre aujourd'hui – ironique retour de l'Histoire - de la mise sous boisseau de la batterie de Charlie Watts que l'on n'entend pas.
C'est sûrement-là le secret d'un grand groupe de rock. Ce n'est pas la guitare de Jimmy Page qui a créé le son de Led Zeppelin, la turbine sonore du Dirigeable c'est Bonham et sa frappe architecturale. La voix de Plant et la guitare ne font que remplir les espaces. A tel point que sacrilège des sacrilèges, j'en arrive à me demander si ce n'est pas Dickie Harrel qui ordonne le jeu de Cliff Gallup, chez les Blue Caps.
TOURBILLON
Bref lorsque les pierres se mirent à rouler cela fit mal. Aux Stones pour commencer. Car comment sortir de la quadrature du bon vieux blues du delta carré lorsque l'on se met à tourner en rond sur soi-même ? En arrondissant les angles fut la première réponse apportée. C'est un peu n'importe quoi. Deux monstres, Between the Buttons et Their satanic majesties request furent les deux trente-trois tours qui essayèrent de se livrer à cette impossible translation. On y trouve de tout dessus. De l'antistone même. Mais la lumière noire c'est encore de la lumière.
Jamais trois ratés après deux loupés. Fallut prendre des mesures extraordinaires. L'on congédia le boss. Pas une révolution populaire. Plutôt un pronunciamento militaire. Exit Brian Jones un bon coup de pied au cul qui le renvoya dans sa piscine. Savait plus nager. Mais il n'y avait de bouée de secours livrée avec le parachute doré des royalties.
Embauche immédiate d'un guitariste. Un vrai, pas un simple rythmique. Un sacré joueur de blues mais capable de slider sans problème jusque sur les plans rock les plus meurtriers. Mick Taylor leur permettra d'enregistrer sans coup férir trois monuments du rock'n'roll : Beggar's Banquet, Let it Bleed et Sticky Finger. La suite sera une lente dégradation. Richards prend trop de dope et Jagger le poste de PDG de l'entreprise Rolling Stones.
L'ivresse du fric va peu à peu l'emporter sur la qualité du flacon. Nous refilent du frelaté alors que l'on aurait avalé sans sourciller un alcool de contrebande au venin de crotale. Mieux vaut un tord boyau que de la daube ou de la soupe, même si c'est une spécialité jamaïcaine à la tête de bouc. Richards s'enferme dans le rôle du grand sorcier de l'open tuning qui gonfle tout le monde. Même que Chuck Berry lui demandera de faire moins de bruit. Mais c'est dans ce personnage de super pirate des caraïbes ( ah ! La tête de mort incrustée sur sa guitare noire ! ) qu'il parvient à acquérir une stature capable de faire front au frontman bronzé en pleine forme qui a pris les manettes du commandement. Années cruciales où rien ne se voit mais où tout se joue.
Mick Taylor s'éloigne sans se retourner. L'en avait assez de passer pour le second couteau alors qu'il était le lead guitarist. Personne ne l'a jamais dit mais il me paraît évident que Keith a dû savonner la planche. Ne s'en vantera pas. Les cyniques pratiquent volontiers l'auto-dérision mais arrêtent les frais lorsqu'ils doivent retirer le masque de leurs turpitudes.
1962 – 2012
Tout cela nous pouvons le dire aujourd'hui avec du recul. Dans le livre de nos trois mousquetaires, personne ne remet en question la suprématie d'artagnesque des Stones. Ont pu commettre des impairs mais l'on attend encore d'eux plus qu'ils ne donneront jamais plus. Life, le livre de Keith, son plus beau solo depuis longtemps, ( voir notre 43 ° livraison du 09 / 03 / 11 ) ne laissait présager rien de bon quant à d'éventuelles retrouvailles pour le jubilé du groupe.
Mais pour leur fortune les Stones nous feraient croire qu'ils ont encore un coeur. A près de soixante dix pages pour les plus jeunes, l'on comprend qu'ils n'ont guère envie de se farcir quatre-vingt dates à la queue leu leu. Ont choisi le minimum vital. Celui qui ne remet pas en cause la survie de la machine à dollars.
Des malins les Stones, pour rentabiliser le bidule se sont faits sponsoriser : donneront à Paris un concert privé au profit d'un fonds de pension. Dur à écrire, mais c'est ainsi, le rock'n'roll déguisé en pute de luxe qui fait la manche pour quelques centaines de milliers de dollars. Rien ne leur fait peur aux Stones, ils ont vendu l'esprit de révolte à un fonds de pension, à un de ces instruments du libéralisme mondialisé qui s'enrichissent sur le dos des prolétaires. Qui il est vrai ont oublié de s'unir.
Dans le delta il y a des cadavres de bluesmen qui ont dû se retourner dans leur trou de terre noire... Le premier – normal c'est lui qui a payé - à goûter le sel de la situation reste Edouard Carmignac, l'heureux patron du gouffre cent fonds qui porte son nom, qui a tout compris – comme quoi l'argent peut vous rendre intelligent. Sait employer les mots qui (rap)portent : « Ils vivent avec vous depuis cinquante ans et ils nous parlent de révolte : voici les Rolling Stones ! ».
Et les Stones ne se se sont pas cassés. Sont rentrés sur scène et ont accepté de cirer les pompes du gros dégueulasse avec le tapis rouge du rock'n'roll ! Se sont mis mêmes à crier de satisfaction. N'ont tout de même pas osé chanter Merci Patron ! d'Henri Salvador. Devaient connaître l'air, puisque la veille ils avaient fait l'aumône au bon peuple de Paris d'un concert de 300 places à vingt euros l'entrée. Que voulez-vous chacun a ses pauvres.
L'embêtant dans le rock c'est que nous avons aussi nos riches.
Damie Chad.
FAN DES ROLLING STONES.
MARINE GUILLIER.
CARNET DE CONCERTS.
220 PHOTOS INEDITES.
CHEMINEMENTS EDITIONS.
Celui-là ne ne dites pas que vous l'avez. C'est sorti en 2006 et très intelligemment l'éditeur a envoyé le stock invendu au pilon. N'avait pas été assez malin pour se rappeler que deux ans plus tard les Stones fêteraient leur anniversaire.
C'est un livre de fan, fait par une fan. Pour les fans peut-être, mais surtout pour elle-même. Un pari insensé, suivre la tournée des Stones en tant que journaliste accrédité. Perdu sur toute la ligne. Personne ne veut, pire nul n'a besoin d'une gamine ( doit avoir au-dessus de la vingtaine ) sans renommée ou introduction. Qui irait offrir une telle place à une parfaite inconnue alors que des pros du monde entier se battent pour y participer ?
Mais la folie Stone n'a pas de limite. Donne quelques preuves de sa givre and stoned attitude. Depuis qu'elle a décidé d'être artiste elle ne réalise que des travaux sur les Stones. Des jeux de cartes aux profil stoniens un orchestre Schtroumps-Stones sur une mini-scène en carton et autres babioles du même acabit. N'a pas pensé à une crèche stono-provençale avec Jagger qui ferait l'âne et Keith qui tiendrait le rôle du petit Jésus innocent mais on lui pardonne car elle a sculpté la tête du retors guitariste en terre glaise et en grandeur nature.
La voici donc partie avec son sac à dos, un porte-feuille aussi plat qu'une galette des Stones en vinyl après la crise pétrolifère de 1974, deux appareils-photos, et la rage de réussir. J'oubliais un rail-road pass européen qui à l'époque permettait aux étudiants de faire le tour de l'Europe pour pas cher du tout.
Se débrouille comme une grande pour entrer dans les concerts et se retrouver juste devant la scène. Ne sera pas présente aux trente cinq shows, mais elle assistera à une bonne quinzaine d'entre eux. Presque deux mois de galère à ne pas manger, à ne pas dormir, mais à voir les Stones. L'en ramènera les photos que l'on peut scruter dans le livre.
Voudrais pas faire le difficile, mais c'est l'heure des grands concerts dans les stades avec la grue, les avant-scènes les lâchers de ballon et les feux d'artifice. Barnum rock'n'roll. L'on ne sent pas le groupe de rock. Le gang de tueurs, la complicité, c'est terminé. Sont à des kilomètres l'un de l'autre. Et puis, ne sont plus tout jeunes. Atteignent l'âge ingrat : la quarantaine. N'ont plus la morgue insolente de la jeunesse, ni les friperies de la vie sur le visage qu'ils arborent aujourd'hui.
C'est peut-être la jalousie qui me fait parler. La vengeance du pauvre. Car Caroline Guillier ne partage pas mon propos. Les trouve magnifiques, surtout Keith. Lui chanterait bien let's spend the night together au beau ténébreux néanmoins un tantinet hirsute. Quoique elle cède aussi au charme de Mick le grand manipulateur.
Je suis très mauvaise langue. Elle essaiera pendant des années de présenter la maquette du book à plusieurs auditeurs. Une des personnes qui sera le plus sensible au projet sera Keith Richards qu'elle rencontrera en 1983 quelques instants grâce à un ami... Ce qui n'en a pas pour autant pressé la sortie du livre. C'est que des photos des Stones le grand Keith, il doit commencer par saturer...
Bref le bouquin sortira en 2006, beaucoup trop tard, un peu trop tôt... Certes dans l'épopée des Rochers Roulants ce n'est qu'un tout petit cailloux. Celui qui fait mal à la chaussure trouée de votre collection. Ce n'est pas moi qui vous lancerai la première pierre sur vos regrets.
Damie Chad.
JUKEBOX
ROLLING STONES / SPECIAL CINQUANTE ANS
H.S. Trimestriel. N° 20. Janvier 2013.
Pouvaient pas laisser passer un tel anniversaire, les Stones étaient en couverture du N° 1 du magazine en juin 1984 comme le rappelle Jacques Leblanc dans son éditorial. Pour les lecteurs qui auraient une mémoire alzémérienne nous rappelons discrètement qu'il s'agit du même Leblanc ( voir plus haut ) qui participa en 1978 à l'élaboration du livre des Rolling Stones. Voici un monsieur qui a de la suite dans les idées et qui sait se rester fidèle. Grande qualité.
Quand ils font leurs numéros spéciaux chez Jukebox ils ne courent pas après la copie. Se contentent de farfouiller dans les archives et de ressortir in extenso, séparés par les couves des numéros dans lesquels ils étaient parus, les articles de fonds consacrés à l'idole choisie. N'ont plus qu'à payer l'imprimeur.
La couverture vaut le détour. Charlie qui tire sur sa cigarette et Bill Wyman qui accuse déjà son âge s'en tirent les mieux. Gueules de prolos anglais, dignes mais ravagés par une sombre tristesse venue du fond des âges. Font un peu tache. Beaucoup tâcherons. C'est pour cela qu'on les a relégués à l'arrière. Vaudrait mieux ne pas regarder le rang des premiers de la classe. Premier parti, premier servi. Brian Jones, s'est mis au centre. Pour être sûr qu'on le remarque s'est coiffé d'un galuron blanc. L'on ne voit que lui. Le chapeau cloche. Vous dirai pas qui fait la cloche car je ne veux pas me faire d'ennemis. Non ce n'est pas Brian, mais Keith. Ressemble à un pasteur protestant. S'est attifé d'un feutre noir, bon chic, bon genre. Avec ses lunettes rondes et ses yeux mi-clos il est le portrait craché de John Lennon. Un Rolling Stones que l'on confond avec un Beatles, entre nous c'est un peu la honte. Jagger est à part. Loin des autres. Le regard dédaigneux, la tête ( à claques ) en biais pour que l'on puisse admirer la froideur bleutée de ses yeux. La pose parfaite de l'étudiant d'Oxford qui vient de réussir sa troisième année. Ca un groupe de rock ? Vous voulez rire ! Heureusement que Brian qui semble frigorifié a enfilé une paire de pantalons à rayures – un peu moins larges que celles de David Lee Roth, plus tard, mais un peu plus colorées. Nous rapproche davantage du Rolling Stones Circus, Brian.
Ben oui, ils étaient comme cela les Rolling Stones à leurs débuts. Et encore je suis gentil avec vous, vous ai pas décrit les photos avec les vestes à pieds de poule ( de véritables cocottes ) et les ignobles cravates tipycally very bad Englih Style. Des perdreaux de l'année endimanchés. Fagotés à la Margaret Tatcher. Arrêtez de rigoler stupidement. Accoutrés comme des godiches, oui. Mais des amateurs de blues comme l'on n'en fait plus. C'est qu'aujourd'hui des guitaristes de blues qui jouent dix fois mieux que Keith et Brian au début des années 60, rien qu'en France, on en trouverait une bonne cinquantaine sans se fatiguer. Sont malheureusement trop doués. Leur manque la rusticité du delta. Comment ces cinq casse-couilles s'y sont-ils pris pour réussir du premier coup à créer non pas une copie à l'identique mais une équivalence électrique, je ne saurais le dire. Mais le fait est là, indubitable. Les premières reprises des Stones ne sont pas charmantes. Mais charmeuses, au sens de envoûtantes. Ne sont pas en place, ne tiennent pas debout, mais à peine le disque est-il terminé que l'on éprouve la nécessité de remettre le morceau afin de comprendre. Ne valent jamais les originales, mais sont toutes originales.
Plus tard ils auront la hargne. Celle du rock'n'roll. Auront compris que pour se démarquer de leurs modèles il faudra mettre toute la gomme. L'on ne dépasse Muddy Waters en mettant poliment son clignotant. Faut le passer à fond les gamelles, par surprise, en plein tournant, avec un trucker en face, mais en marche arrière. Idem pour Chuck Berry qui n'admettra jamais que ce sale petit blanc-bec de Keith joue plus vite que lui. Et l'autre qui ralentira pour lui laisser mener la course !
Grande magnanimité de Keith. L'a mis du temps à comprendre. D'abord serrer le blondinet sur le bas côté. Deux guitares c'est toujours une de trop. Ensuite course à mort avec ( cours plus vite ! ) Charlie . Facile, roule à vitesse constante, suffit de se poster à sa hauteur pour le dépasser. Guitares en avant, c'est cela le son Stones, par-dessus la batterie qui mène un train d'enfer. Un beat increvable avec toujours son petit temps mort qui permet de fuseler des riffs de derrière les fagots.
Au cas où il y aurait un pépin dans le carbu - mais avec Charlie pas de lézard c'est du garanti label exploration inter-galactique – devant l'on a mis la grande folle. Pas eu besoin de le pousser, s'est planté là et n'a laissé sa place à personne. Brian pouvait faire tout ce qu'il voulait derrière pour capter l'attention – et je t'agite le tambourin, et je te sors les castagnettes et tu admires mon cithare - trop tard avec ses lèvres en clef à pipes l'autre l'a devancé. Ne chante pas super bien – rien à voir avec les descentes d'octave feulées de Robert Plant – a le gosier limité et les cordes vocales pas très longues, mais qu'est-ce qu'il sait bien s'en servir ! Minidose mais maximum de rendement. Connaît ses limites mais met en avant tout ce qu'il a. En plus il chante avec tout son corps, qu'il pousse ses mains, ses pieds, ses jambes et ses bras, c'est encore plus torride qu'une belle fille qui bouge son cul. Rien à dire le gars est expressif. Surtout dans les registres du blues. Mais à l'étage au-dessus. L'ironie est sans cesse présente dans le blues. Jagger la transformera en cynisme. Vous voulez rigoler ? Je vais commencer par me foutre de votre gueule. Et le public maso en redemande... pour cinquante ans.
Reprennent à plusieurs fois, enregistrements puis disques – ce qui n'est pas tout à fait la même chose les premières années. Ne dites pas que vous connaissez par coeur, je suis sûr que vous pécherez un ou deux petits détails que vous ignorez. Pour moi ce sera dans l'article sur les reprises des Stones en français. Pouvez pas le rater, c'est juste au-dessus de la pochette de Elle m'attend de Ronnie Bird ( voir livraison 47 du 08 / 04 / 2010 ), fastueuse version de The Last Time, la repro de l'unique 45 tours en 1965 de Marc Humbert en 1965, avec la reprise de la B-side de Time is on my side. On nous le présente comme un émule de Ronnie et Noël Deschamps - ( voir livraison 46 du 30 / 03 / 2010 ) - duquel il arbore la même coupe de cheveu, mèche sur le front – assez pour piquer ma curiosité. Suis déjà en recherche sur le net. Vous tiendrai au courant.
Damie Chad.
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