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31/01/2013

KR'TNT ! ¤ 129. JALLIES / POSTERS ROCK / JOSE MARTINEZ

 

KR'TNT ! ¤ 129

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

31 / 01 / 2013

 

 

THE JALLIES / POSTERS ROCK / JOSE MARTINEZ

 

 

ON THE ROAD AGAIN !

 

 

Quel est donc cet éclair vif-argent qui fonce sur la chaussée neigeuse parmi l'écume tourbillonnante des flocons et les plaines ombreuses de la Brie profonde ? Le lecteur attentionné aura reconnu la teuf-teuf mobile lancée à toute vitesse sur les routes gelées pour emmener l'équipe de choc de Keep Rockin' Till Next Time vers son premier concert de l'année, très loin, là-bas, à l'autre bout de la nuit.

 

 

Mais pourquoi tant de hâte et d'imprudence à chevaucher la tempête hivernale déchaînée ? Volent-ils vers Paris assister aux prestation des Ghost Highway, des Spunyboys et de Yan The corrupted ? Au Rock'n'Boat, au pied du zouave du Pont de l'Alma ? Que nenni, braves kr'tntreaders, ils délaissent les lumières de la ville capitale pour s'aventurer, sans une nano-seconde d'hésitation, dans les confins de l'Oise sauvage, sous les frondaisons de la froide forêt de Chantilly.

 

 

C'est que nos intrépides chevaliers-servant du rock accomplissent une mission sacrée. Tiennent une promesse solennelle, gravée en lettres de sang mémoriel sur le marbre noir de la nuit du premier décembre 2012, sur la terrasse du pub Le Be Bop, à Montereau sur Yonne... que les mécréants incrédules se rapportent à notre livraison KR'TNT 121 du 08 / 12 / 12. Bref, ils courent à leur rendez-vous, avec trois beaux brins de filles. Mesdames, Messieurs, nous avons nommé,

 

 

THE JALLIES

 

 

26 / 01 / 13 / BAR ST VINCENT /

 

60 740 / SAINT MAXIMIN

 

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Faut se rendre à l'évidence. La file de voitures stationnées le long de la rue nous indique que l'on ne sera pas les seuls à êtres venus malgré les frimas de l'hiver entendre les Jallies. La curiosité et la rumeur ont emmené la foule des grands soirs. Le bar n'arrête pas d'accueillir de nouveaux arrivants. Bikers, cats, amateurs, gens du coin, enfants qui courent partout, rires, discussions, retrouvailles, alcools, chili con carne, petits prix, concert gratuit, staff plein d'humour, règne une joyeuse ambiance sympathique, un lieu que l'on retrouve avec plaisir.

 

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Les Jallies montent sur scène. Hellboy le discjockey arrête sa musique. Le public se pousse vers l'estrade. Elles ont casé le garçon derrière elles. Dans le coin, sa contrebasse le cache déjà à moitié. L'on ne voit de lui que sa figure et sa casquette qui lui mange le visage qu'il appuie contre la tête joliment sculpté de son instrument. Ne le prenez pas pour un meuble de famille dont on aurait un peu honte et dont on n'oserait se débarrasser pour ne pas peiner Tante Edwige. Il est un peu le pilier central, la poutre maîtresse, supprimez-la et tout s'écroule. C'est qu'avec les trois sauvageonnes devant, Julios a un sacré boulot. Faudrait pas que les oiselles s'envolent trop haut. Faut de temps en temps leur tenir le caquet et leur fournir l'assise mouvante du swing. Le mouvement si perpétuel qu'il se confond avec le moteur immobile d'Aristote.

 

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Devant on en prend plein les mirettes. Savons plus où donner des yeux. Céline, silhouette gracile toute longue dans sa robe rouge, princesse énigmatique échappée d'une toile de Bernard Buffet, ses boucles qui retombent comme deux ailes de papillon énervé. Vanessa, cheveux blonds de petite fille au regard mutin, feu d'artifice de vivacité, tambour major qui tape sans faillir sur sa caisse claire, donne le rythme, l'envol et la fantaisie. Ady, lionne au sein généreux, voix rauque et griffes acérées de velours, panthère sur Gretsch aux yeux aigus comme des flèches. Si Vanessa est la fauvette joyeuse, Ady est le fauve hiératique au coup de patte mortel. Toutes trois se savent belles et fascinantes. En jouent. Juste pour s'amuser. Sans ostentation ou orgueil déplacé. Simples, naturelles. Tout au service de leur chant.

 

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Car elles chantent, et c'est pour cela qu'on les regarde. Rockabilly, mais avec touches de jump, relents de boogie, éclats de swing. Trois voix distinctes mais qui se mélangent avec une telle souplesse que la soliste devient choriste et que celle-ci prend la place de la lead-voice si adroitement que vous vous en apercevez avec un temps de retard. Plus des morceaux qu'Ady présente comme étant davantage rock'n'roll.

 

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De toutes les manières, les deux sets seront menés à train d'enfer. Et le public ne se fait pas prier pour monter dans les wagons. Applaudissements nourris à la fin de chaque morceau, participation collective aux refrains. Des reprises, mais aussi leurs propres compos. Ce sont ces dernières qui – nous donnons notre avis – doivent se retrouver sur le mini CD de présentation qu'elles comptent enregistrer dans les semaines qui viennent. D'abord parce que ces titres comme Shave your pussy – dédié aux Spunyboys, il y a des garçons qui ont de la chance – passent très bien la rampe, ensuite et surtout parce qu'autant une reprise permet d'étoffer un répertoire live, autant elle devient vite un piège une fois figée dans un disque. Trop proche de l'original, elle n'apporte rien de nouveau, trop éloignée elle attire les critiques des puristes à cheval sur les tables de la loi.

 

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Leurs versions de Be Bop a Lula et de Money Honey, un savant conglomérat ni jazz ni rock ( mais beaucoup des deux ) foutrement balancé qui emportera l'adhésion de la salle – pas étonnant que nos Jallies les reprennent puisque la première rock song est un savant démarquage de la seconde – seront-elles aussi efficaces sur un CD ? C'est que les Jallies bousculent les genres et les époques, l'on saute d'un morceau Chalerston Swing très années 20 à une adaptation de Rehab d'Amy Winehouse sans prévenir.

 

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S'installent en filles dans une musique que l'on dit taillée pour les mecs. Bousculent un peu les genres de l'intérieur. Opèrent de savants mélanges. Transgression assurée. Mais avec la grâce et la légèreté. Si intelligemment présentés que vous ne pouvez pas dire non. Il y a de la finesse dans leur façon de doser les ingrédients. Peuvent reprendre du Presley comme des Stray Cats, dans les deux cas elles essaient de garder l'esprit du morceau sans se demander si elles sont les héritières d'une pureté originelle à conserver dans le formol des traditions ou les adeptes forcenées d'une modernité destructrice. Se contentent d'être hommagiales sans se poser trop de questions. Des fonceuses qui tirent toujours leur épingle du jeu. Qu'elles vous plantent dans votre coeur de rocker comme s'il était un vulgaire coussinet.

 

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Leurs interprétations sont à l'image de leur pratique instrumentale. Chacune a sa préférence. Mais elles sont sans cesse dans le don et l'échange. Guitares et baguettes passent de main en main, à tous les morceaux l'on assiste à une redistribution des rôles. Pas de pose machiste à la guitar hero qui s'accroche solitairement à son manche. Elles ne jouent pas, elles s'amusent. Que dis-je ? Elles musent. Et nous inspirent.

 

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Un petit défaut. Qui est passé inaperçu dans la fièvre du set. Vu les progrès qu'elles ont fait en moins de deux mois, suis sûr qu'elles vont le corriger en vitesse. Et puis si on ne dit que des compliments aux filles, elles deviennent vite insupportables. Les guitares sont utilisées comme des rythmiques. Jeu pas assez marqué. Les riffs mériteraient davantage d'ampleur. S'il existe une continuité rock entre le rockabilly et le hard rock elle réside dans la distinction du riff. Est mis en avant. Se découpe selon le pointillé des notes. C'est que les voix de nos trois coccinelles montent haut. Comme un filet aérien, sensible à la moindre brise, c'est en ces moments somptueux et harmoniques que Julios les ramène sur le plancher instable du rythme dont elles ne doivent point se départir. C'est en ces instants que devrait intervenir le riff salutaire qui ponctue et distribue en sectionnant le territoire musical.

 

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Mais voici que Vanessa, tout sourire enjôleur, tout fou rire and rolleur, vous découpe au chalumeau de sa voix rauque, de sa voix rock, et Céline qui renvoie comme giclée de balles sur blindage d'échos, ou alors c'est Ady qui nous rajoute un shoot de blues hurlé, rentre dedans et en avant la musique, poussée d'adrénaline et la salle qui chavire de bonheur. L'on batifole sec avec ces babies folles.

 

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Tout le monde était sous le charme. Le charisme mais pas l'esbroufe. Il y a le talent, mais aussi l'envie, l'entrain et le plaisir de partager. On n'a pas voulu les laisser partir. C'était trop bien. Hot and cool, in the same time. Nous ont tout de même quittés sur un dernier cadeau, le Jump, Giggles and shout, de Gene Vincent. Se sont éclatées sur les cassures rythmiques, et envolées sur les reprises survitaminées. Un gâteau fondant avec un coulis de lames de rasoir à vous rendre maboul boy. Suis sûr que si Gégêne les avait vues il les aurait embauchées comme clapper girls.

 

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Bref après un tel délice on a bien été obligé de les voir s'éloigner dans la nuit froide et inhospitalière. On aurait mieux fait de les kidnapper et de les garder rien que pour nous, mais on n'est pas comme ça, nous les rockers. On sait se tenir avec les demoiselles. De toutes les manières on a décroché un rendez-vous. Le huit février, au Saint Sauveur ( 4, rue Saint Sauveur ) à Ballainvilliers dans le 91. Ne le dites à personne. Il risque d'y avoir trop de monde.

 

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Damie Chad.

 

P.S. : Saint Vincent, Saint Maximin, Saint Sauveur, comme quoi pour écouter du bon rock'n'roll il vaut mieux se fier aux seins des Jallies qu'au Dieu de la Bible ! Tudieu, encore un blasphaime !

 

P.S. : pour les images on a fauché des photographies des anciens concerts des Jallies que l'on a fauchées sur leur facebook.

 

 

 

Attention jeunes gens. L'article qui suit n'est pas illustré par des posters sortis tout droit du bouquin lui-même. Avons pris la décision, dans le seul but d'accroître votre culture graphique, de vous donner à voir quelques encres de chine réalisées par un ami, le peintre JOSE MARTINEZ. Une infime partie de son travail, mais qui nous semble teintée d'un esprit rock-psychédélique en accord avec l'esprit de bien des oeuvres présentées dans son livre par Mick Farren et Dennis Loren. Nous vous parlerons une autre fois de JOSE MARTINEZ.

( Certaines images seront peut-être coupées au montage, mais nous vous les redonnerons in extenso dans un prochain article si nécessaire )

 

 

 

CLASSIC ROCK POSTERS

 

1952 – 2012

 

60 ANS D'AFFICHES ROCK

 

 

MICK FARREN and DENNIS LOREN

 

 

( Editions Stéphane Bachès / Octobre 2012 )

 

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Ne circulez pas, il y a à voir. C'est du lourd. D'ailleurs pour le tirer en notre noble langue françoise les Editions Stéphane Bachès sont allés à Londres chasser l'Eléphant. Ne croyez surtout pas que la fumée dans les yeux un plantigrade me regarde. Quoique avec les effets secondaires... C'est que les Editions Elephant sises à Londres semblent s'intéresser de très près aux inhalations bienfaisantes, si je m'en réfère au titre évocateur d'une de leur collection Majijuana & Medical Majijuana – mais oui doctor, je me soigne – et pour les non-fumeurs dans le rayon Pop Culture ils offrent aussi The incredibily strange history of Ectasis.

 

 

C'est un peu la jungle en folie chez Elephant avec des zèbres comme les Beatles et Jimmy Hendrix qui se promènent sur les rayons. L'on ne s'étonnera donc pas d'y retrouver Mick Faren – pour les amnésiques se reporter à notre livraison 122 du 13 / 12 / 13 – l'activiste rock par excellence que l'on aperçoit depuis quarante ans dans tous les mauvais coups concoctées au sein de ces engeances malsaines engendrées par l'apparition de cette musique diabolique.

 

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Chez Stéphane Bachès l'on s'est amusé à refaire la couverture. Z'ont aussi dû embaucher Stan Cuestas pour les traductions. Pas un inconnu ce Stan Cuestas, auteur, chanteur, traducteur... spécialiste de la chanson française et s'intéressant à des tas d'artistes « rock » dont on ne parle jamais dans KR'TNT. Premièrement parce que l'on ne peut pas causer de tout, deuxièmement, et surtout, parce que l'on ne les aime pas. Du tout.

 

 

STORY OF THE ROCKERS

 

 

Pendant longtemps le rock a été une affaire terriblement simple. Tout le monde s'en foutait. Lorsque vous aviez réussi à réunir dix quarante-cinq tours et trois articles découpés dans la presse, vous étiez le roi de la ville. Mais cinquante ans plus tard les choses ont bien changé. Le paysage hillbillique originel et paradisiaque s'est transformé en zone industrielle. Les révolutions technologiques se sont succédées. L'électrification à outrance des années soixante, puis la frappe à grande échelle des métaux lourds dans les seventies ont donné naissance à des milliers de petites entreprises individuelles dont certaines sont devenues des trusts conglomériques. Diversifications et multiplication par 10 000 de la production... Le rock est partout, il est enseigné dans les universités et les artistes de toutes tendances s'en sont emparé... Ont été précédés et suivis par les marchands du temple...

 

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Aujourd'hui les fameux serpents de Jim Morrison se mordent la queue. Sucent aussi la vôtre. Sont trop gras, trop gros, pour être encore méchants. A plus de soixante balais, sponsorisé par la génération des baby-boomers qui l'ont reçu dans leurs premiers biberons, le rock, tel un vieux combattant rescapé de la dernière guerre indienne, n'en finit plus de raconter sa légende. L'on enchaîne les rééditions de disques – quand elles ne sont pas jubilatoires toute leur qualité documentaire réside en leur historicité. C'est bien connu, le client qui passe à la caisse enregistreuse finit par l'avoir dans le cul.

 

 

Faut pas rigoler. Faut transmettre l'héritage aux jeunes. Et chacun de taper sur son ordinateur ses souvenirs pieux. L'on racle les fonds de tiroirs et l'on révise, une dernière fois, les généalogies. Travail de tricheur. Ou d'orpailleur. Les choses ne se sont jamais passées exactement comme on vous le jure. C'était beaucoup plus chaud que les repros sur papier glacé. L'on essaie de faire cadrer notre reflet distordu dans le miroir. Qui réfléchit de son côté. Toujours se méfier des intellectuels. Sont moins bêtes que la moyenne. Plus vicieux, si vous préférez.

 

 

AFFICHES

 

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Donc une nouvelle histoire du rock'n'roll. Mais sans rentrer dans le saint des saints de la salle de concert. L'on reste devant à bader les affiches. Un beau découpage en huit parties. Tous styles appréhendés. N'aurais pas fait mieux. Signe d'intelligence et de grande réflexion avec en plus une grande adéquation entre le titre et les images choisies. J'aurais bien aimé me transformer en petite souris d'ordinateur pour assister aux discussions et aux échanges d'e-mails entre Mick Faren et Dennis Loren qui fut et qui reste le chef de file du poster psychédélique dans les années soixante à San Francisco.

 

 

LES DEBUTS DU R&B, DU ROCK'N'ROLL,

 

ET DE LA SOUL

 

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Peu de pages. Les affiches des pionniers et ceux qui les précédèrent ont leur charme. Rustique dirons-nous. Ce sont de simples affiches informatives. Pas des oeuvres d'art. Du lettrage avant tout. Sans fioritures. Le jaune et le rouge – couleurs voyantes par excellence dominent. Fonds blancs ou noirs. Photos d'identité des artistes format timbre-poste, parfois l'on se contente de la tête seule découpée, décapitée. Seul Elvis a droit à son entière silhouette, mais il est vrai qu'il est le roi.

 

 

Dès 1956 les Anglais emboîtent le pas avec Tommy Steele et toute l'écurie Parnes. Imitation des américains. Mais avec une touche de légèreté et de fluidité que l'on ne remarque pas chez les Amerloques. L'on s'apitoiera sur l'affiche du concert de Jerry Lee Lewis. La plus laide de toutes. Mais Jerry Lee ne sera pas sur la scène de Doncaster ce 17 juin 1958, obligé de rentrer chez lui lorsque les rosbeefs indignés auront appris qu'il était marié avec sa jeune cousine de treize ans.

 

 

BRITISH BEAT, SURF, BLUES & FOLK

 

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Ca ne change guère au début de la suprématie anglaise. Les Beatles aère leur rock'n'roll, le rendant plus policé, plus festif, mais faudra attendre la vague Mods et les Who pour bousculer les habitudes. Pour le moment le seul changement provient du nom de certains groupes qui à lui tout seul mange le tiers de l'affiche. C'est que l'organisation des concerts est en train de se modifier. Ce n'est plus jusqu'à une douzaine d'artistes qui se suivent à la queue leu leu après avoir entonné une à six chansons. Les groupes ont désormais assez de matériel et d'expériences pour tenir plus longtemps. Les affiches vont s'individualiser et très logiquement leurs concepteurs vont s'essayer à traduire graphiquement l'identité musicale de la formation à présenter. La photographie prend de plus en plus d'espace mais c'est surtout toute l'histoire de la peinture moderne de Toulouse-Lautrec à Vasarely qui pointe le bout de son nez. De l'affiche on passe à l'image rétinienne.

 

 

ROCK PSYCHEDELIQUE

 

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Mais l'on a encore rien vu. Brusquement, entre 1965 et 1972, l'affiche rock cesse d'être une affiche. Elle devient une oeuvre d'art. A part entière. La plus belle partie du livre. San Francisco. L'été de l'amour. Les psychotropes. La révolution hippie. Soudainement un élan de créativité emporte tout sur son passage. Temps utopiques. Chacun est un artiste qui a le devoir de ne pas s'ignorer. Des inconnus pondent des images sublimes. Chacun veut faire mieux.

 

 

La musique n'est plus un alignement de sons. Elle est sagesse et philosophie. Elle conduit votre âme, votre crayon et votre pinceau là où ils auraient cru ne jamais pouvoir aller. Les lettres enflent et se gondolent. Elles ne veulent plus rien dire. Elles se contentent d'étaler les méplats esthétiques de leurs contours opulents. Dessinées pour être vues et non pour être lues. La forme prend le pas sur le sens. American Beauty se confond avec American Reality. La beauté du monde l'emporte sur sa triste réalité. Les bulles du rêve englobent l'existence toute entière.

 

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Certains n'en perdent pas pour autant le sens des réalités. Un homme comme Bill Graham qui manage la célèbre salle de concert du Filmore East a compris qu'une superbe affiche attire le public. Il saura laisser venir à lui de jeunes artistes prometteurs. Si certains désirent agir en lonesome cow-boy beaucoup se regroupent en collectif comme la fameuse Family Dog qui leur apporte réconfort et émulation. C'est l'âge d'or de l'affiche rock.

 

 

ROCK GRAND PUBLIC, PROGRESSIF,

 

ET METAL

 

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Les riches heures de la musique rock. Efflorescence de groupes. Le rock se distille. Il devient précieux. Satisfait il se regarde le nombril. Il progresse clament les uns. En fait il s'éloigne de lui-même, mais il ne s'en aperçoit pas. Une aubaine pour les concepteurs d'affiches. Chaque groupe possède son univers. Pratiquement son peintre préféré. Relève anglaise. L'on ne rejette pas l'apport californien mais on l'humanise en y intégrant collection d'objets concrets. Ou de personnages aussi délicieusement pervers que les ombres chinoises d'un conte de Lewis Carroll, mais toujours un pied dans l'opacité terne des existences terrestres. Les ailes multicolores du papillon si vous voulez. Mais le corps noirâtre de l'insecte aussi. Comme la prémonition futuriste de lendemains inquiétants qui ne chanteront pas. Plus on avance vers la seconde moitié de la décennie les nuances du songe s'évaporent. Arêtes froides et métalliques d'architectures futures inquiétantes et menaçantes.

 

 

PUNK ET NEW WAWE

 

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Le rêve s'est évanoui. La crise est là. Souterraine pour beaucoup. Le côté arty est délibérément jeté aux poubelles. Retour infantile à la bande dessinée. Régression esthétique. Mieux vaut se taire que proférer des mensonges mielleux. L'on bâillonne la reine et on lui bande la vue. Plus personne ne veut voir la réalité par ses yeux. Les punks ne mettent pas d'adoucissants dans la machine à rendre les mensonges plus blancs. Retour à l'enfance du rock. Les grosses lettres que l'on découpe dans les journaux. Car l'on ne chante plus, on exerce l'art du chantage. La grande escroquerie du rock'n'roll. Tout est dit. Visages de goules agressives sur les affiches placardées sur les murs ont l'air de vous attendre pour vous mordre. Sinon au mieux silhouettes fantomatiques qui se dressent toutes pâles comme déjà grignotées par le néant.

 

 

HIP-HOP & DANCE

 

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Des débuts difficiles. Des affiches noires et blanches. Peu de dessin. Puis les couleurs noires, marron et brunes qui prédominent comme s'il fallait revendiquer une identité tribale dans les quartiers pauvres de Londres. Dans un deuxième temps le hip-hop ramène les couleurs de l'arc-en-ciel. Joie de vivre, exubérance de certains dessins et emprunts à tous les mouvements qui ont précédé. Le grand mix.

 

 

ROCK ALTERNATIF, HEAVY METAL,

 

TRASH, GRUNGE, GOTH, & INDé

 

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1980 – 2000. Tout se mêle et s'entremêle. Les mouvements se suivent et ne cherchent pas à se doter d'un code graphique. L'habitude est prise de se servir dans les placards des prédécesseurs. Chacun prend ce qui lui plait. Point de galvaudage. L'on refait. L'on tient compte des leçons. L'on refuse la parodie. Du sérieux. L'on cherche l'inspiration mais l'on ne copie pas. L'on ne triche pas, l'on ne pille pas. L'on puise des éléments de langage un peu partout mais l'on essaie de parler sa propre langue. Faren et Loren n'hésitent pas à parler d'un second âge d'or. Nous n'irons pas plus loin que le vermeil.

 

 

L'ERE CONTEMPORAINE

 

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Retour à la pleine réalité de notre monde. Retour à l'objet. Travesti. Etiqueté et momifié lorsque la pub impose ses représentations. Sinon l'on emprunte à la bande dessinée. L'on ne cherche pas le scénario signifiant mais l'image seule. Comique ou énigmatique. Et puis retour à un certain classicisme. L'image représente l'objet dessiné. Tout simplement. Mais avec expressivité. L'on recherche l'effet. Surprise et approbation. L'artiste veut qu'on le remarque. Clin d'oeil appuyé.

 

 

ET LE ROCK DANS TOUT CELA ?

 

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Force du merchandising oblige. Les annonces de concert sur le net. L'affiche est inutile. On ne la colle plus sur les murs comme oiseau d'annonce nouvelle. On vous la vend à la fin du concert. L'habitude de consommer est si forte que la musique ressentie ne suffit plus. Faut encore un objet contondant pour se raccrocher à la fugacité des deux heures du spectacle déjà passées. Vous pouvez aussi commander en cliquant directement sur les sites adéquats. Source de revenus pour les plasticiens de tous styles... Ce qui m'a le plus étonné en feuilletant ce très beau livre c'est que plus les années passent plus il apparaît clairement que le rock n'est qu'un prétexte au talent des artistes.

 

 

Faut passer par la médiation du chanteur pour retrouver la dimension rock de toutes ces affiches que l'on ne perçoit plus comme des affiches qu'elles ne sont plus mais comme des oeuvres d'art, voire des reproduction de tableaux, qu'elles sont devenues. Comme si le rock n'était pas encore muséifiable. S'arrête à la porte, mais il s'interdit d'entrer. Preuve qu'il garde encore de sa puissance et qu'il n'est pas tout à fait prêt à se couler sagement dans les petites cases colorées.

 

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Repart dans la rue. C'est seulement du rock'n'roll. Mais c'est pour cela que nous l'aimons.

 

 

Damie Chad.

 

45 TOURS ROCK

 

 

HERVE BOURHIS

 

 

( Dargaud / Novembre 2012 )

 

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Hervé Bourhis, le nom ne me disait rien. J'ai ouvert l'album au hasard, en plein milieu. Après l'éblouissance des Classic Posters Rock que je venais de feuilleter, ces petits croquis rapidement exécutés aux coloriages hâtifs paraissaient pour le moins rudimentaires. J'allais reposer, quand en soulevant la couverture, j'ai aperçu en première page la bouille de jeune Gene Vincent en coin de pochette. Pouvais plus ne pas prendre. Un individu qui pose le Screamin Kid en début de son bouquin mérite respect et intérêt. L'ai acheté sur le champ. Entre parenthèses, pas vraiment cher, onze euros.

 

 

Plus tard quand j'ai commencé à lire, ça m'est revenu. Le dessin me rappelait quelque chose. Mais oui bouffi, j'ai déjà un truc de ce mec, le gros livre rouge et carré qui raconte l'histoire du rock en bande dessinée – ça s'appelle Le Petit Livre Rock - que l'on m'avait offert – il existe encore des bienfaiteurs de l'Humanité – et que je n'ai jamais eu l'idée de chroniquer. Pas mal fait du tout. Tout comme ce dernier. Et qui trahit une bonne connaissance du rock. Assez étonnante d'ailleurs pour un gars qui est nés en 1974. L'on jugerait qu'il a vécu les successives métamorphoses du monstre en direct depuis le début des années soixante.

 

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Un passionné. Sur son site perso, l'espace réservé à l'exposition des 500 pochettes des plus prestigieuses galettes de rock est plus important que celui dans lequel il présente ses propres oeuvres ! Oui, mais sur le net il ne met que la photo de la pochette et n'en dit pas un mot de plus. Alors que là, il s'est fait plaisir.

 

 

D'abord il recrée les pochettes, à l'identique mais avec son cachet à lui. Y met sa patte, un peu tremblée et pseudo-maladroite car il ne copie pas il restitue un équivalent bouhrisien, sa vision intérieure. Puis il se laisse emporter par sa fougue. Un petit texte explicatif rempli d'humour incisif ou de sous-entendus mastodontes. Une bande-dessinée en bas de page, manière de jeter un clin d'oeil imagé à la vie de l'idole susnommée, une petite séquence C'est quoi le rapport ? destinée à nous en apprendre plus, exemple quand c'est autour de Wanda Jackson il en profite pour remémorer la lointaine figure de Lavern Baker. Excellente façon d'ouvrir une deuxième porte dans le labyrinthe rock.

 

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Parfaite introduction pour les néophytes qui s'aventureraient dans le continent rock. Un hit en cache toujours un autre. Cascade de découvertes garanties. Même que parfois il triche un peu. Selon le titre il ne devrait parler que de singles, mais il déborde souvent sur les grands formats. Personne ne s'en plaint. Véritable histoire du rock. Dans le désordre avec des retours vers le futur et des prospections dans le passé. L'ordre chronologique n'est pas son fort. A privilégié l'alphabet. Pas celui des chanteurs. Ce serait trop facile. Celui des titres. Une super idée.

 

 

D'abord cela vous fait tourner les pages à toute vitesse pour retrouver l'idole éternelle de votre coeur, ensuite c'est plus que bien vu. Un grand morceau de rock n'appartient pas par essence à son créateur. Le titre transcende l'interprète. Même si celui-ci se l'est approprié pour l'éternité. Qui pourrait chanter Like a Rolling Stone, mieux que Dylan ? En ai écouté des dizaines de versions, aucune n'égale celle de Bobby, mais le morceau a traversé tant de milliers de coeurs et de cerveau qu'elle ne lui appartient plus. Un bon titre de rock est une entité à part entière.

 

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Très bon choix. Hervé Bourhis a créé un fabuleux jukebox. L'on en oublierait presque qu'il manque la bande son. Indéniablement souveraine. Nécessairement obligatoire. Mais l'on parvient à s'en passer. Ca chante déjà dans notre tête et l'on est vite pris par le jeu des vignettes biscornues qui nous emportent dans un jeu de piste très rock'n'roll. Pouvez chipoter, Big Star méritait-il sa place ? Plus que Neil Young certainement, mais moins qu'Eddie Cochran. L'est vrai que le premier guitar héros de notre favorite musique est cité sur la page Elvis, mais enfin n'est-ce pas une hérésie ?

 

 

Les pionniers, le garage, le punk, l'essentiel du glam et du mod forment l'ossature de la sélection. N'y a pas qu'eux, mais Bourhis a su avantager les virus toxiques par rapport aux brontosaures les plus massifs. Impertinence kamikase et espièglerie suicidaire, l'esprit du rock est respecté. En plus il a – comme nous, voir notre livraison 63 du 08 / 09 / 11 – flashé sur le Do the Bop-Bop de Maynard Horlick présenté par Baru dans son livre CD Rock'n'Roll antédiluvien, un signe qui ne trompe pas.

 

 

Damie Chad.

 

 

24/01/2013

KR'TNT ! ¤ 128. ROCK & FOLK HISTORY

 

KR'TNT ! ¤ 102

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

24/ 01 / 2013

 

 

ROCK & FOLK HISTORY

 

 

ROCK & FOLK

 

 

HISTORY / 1966 – 2012

 

 

ALBIN MICHEL / ROCK & FOLK / Octobre 2012

 

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Rock & Folk est sans contexte la revue de rock la plus haïe de France. C'est aussi la plus lue. L'un n'empêche pas l'autre, toute réussite entraîne au choix, reconnaissance, flagornerie et jalousie. Il est certain qu'en notre hexagonale patrie l'on aime et les perdants magnifiques et les seconds couteaux dont le nom n'apparaît qu'en tout petit dans les génériques. Alors un mensuel dédié à une musique aussi fluctuante que le rock'n'roll qui dure depuis plus de quarante ans et qui en est à l'heure où j'écris ces mots à son cinq cent quarante cinquième numéros vous reconnaîtrez qu'il y a de quoi susciter bien des envies et des rancoeurs... On lui plante d'autant plus de couteaux dans le dos qu'elle n'est plus ce qu'elle a été. Ayez un moment de faiblesse, soyez sûr que l'on ne vous le pardonnera pas. L'on ne respecte que les forts. Evidemment l'on tape sur le symptôme pour mieux fermer les yeux sur la maladie qu'il dénonce. Inutile d'accabler la revue de tous les mots, c'est le public rock français qui s'est désagrégé ces dernières décennies, mais cela beaucoup refuseront de l'admettre, car il est des problématiques idéologiques qu'il vaut mieux ne point soulever...

 

 

IMAGES 66 – 12

 

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Ne se sont pas fatigués pour le texte. Devrais plutôt dire, ne s'est pas crevé pour les commentaires, car c'est Philippe qui est à la Manoeuvre. Tout seul comme un grand. Quatre pages en gros caractères à l'orée de chaque nouvelle décennie, plus un éphéméride récapitulatif des évènements politiques et culturels de toute nouvelle année. Ce n'est pas un livre à lire mais à regarder. Toutes les couves – attention, elles ne sont pas toutes là - de Rock & Folk répertoriées une à une, certaines en pleine feuille mais la plupart à quatre par pages. Pour les hors-séries en fin de volume, il en manque encore une dizaine, tout cela fait un peu économie de bouts de chandelles, l'on a l'impression que l'on a enlevé la couche de sucre glace sur notre millefeuille préféré.

 

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Je vous laisse libre de vos jugements esthétiques ou à l'emporte-pièce. Evitez de vous écrier que plus les années passent plus David Bowie ressemble à une drag-queen brésilienne, et qu'Amy Winehouse toute maigrelette a le charme d'une pendule à roulettes, car vous risquez de choquer votre entourage de moins en moins rock'n'roll et plus en plus à cheval sur les règles des déclamations politiquement correctes. Si vous voulez mon avis personnel, je n'ai jamais été un grand fan des grandes gueules d'artistes placardées en une des revues de rock'n'roll. Cela me semble facile. J'ai lu des centaines de numéros de Rock'n'Folk, mais je ne me suis jamais attardé plus de cinq secondes sur la couve. Certes l'intention peut être hommagiale et respectueuse mais je perçois trop les stratégies d'appel et de captation financière du public... Je reconnais toutefois que certaines couvertures peuvent être des provocations et des risques. Nous en reparlerons. Préfèrerais des images plus symboliques, des oeuvres imaginatives de graphistes et de peintres, tout ce que vous ne retrouvez pas dans KR'TNT !

 

 

SIXTIES

 

 

Philippe Manoeuvre a beau se vanter que Rock'n'Folk ait paru un an avant la prestigieuse et américain Rolling Stone, la revue arrive un peu tard. Rappelons que Gene Vincent passe à l'Olympia en décembre 1959 et quand le numéro spécial de Jazz Hot déboule dans les kiosques en aôut 66 dans les kiosques, c'est un peu après la première bataille.

 

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C'est un jeune nancéen Jean-Claude Berthon qui allumera la mèche avec son mythique Disco Revue en septembre 1961. Gloire lui soit rendue. Lorsque sa revue meurt en 1967, Disco Revue a plus que largement ouvert la route, elle a permis l'émergence d'un premier public indispensable à l'éclosion du rock en France, mais elle a surtout défini les cadres conceptuels d'une certaine réception très intellectuelle du rock en notre gaullienne nation. D'une manière d'autant plus surprenante que les articles de la revue sont souvent au ras des pâquerettes. De très jeunes gens qui ne possèdent aucune sensibilité littéraire et qui n'ont pas compris que pour écrire sur le rock l'on se doit de se forger une écriture rock. C'est grâce à Disco Revue et Jean-Claude Berthon que l'on révèrera particulièrement les pionniers en France. Et la revue, encline à aucun passéisme, accueillera très naturellement Beatles et Rolling Stones.

 

 

Moins d'un an après son lancement, Disco Revue se voit doubler sur sa droite par Salut les Copains. Nous ne sommes plus dans la même dimension. Au niveau économique Salut les Copains bénéficie des appuis d'Europe 1 et Frank Ténot, un de ses fondateurs venu des milieux de l'édition, apporte une expérience familiale qui n'a rien à voir avec l'amateurisme d'un Jean-Claude Berthon. Mais en privilégiant le Yé-Yé français Salut Les Copains ouvre un boulevard rock'n'roll au futur Rock'n'Folk.

 

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L'ostracisme de Boris Vian vis-à-vis du rock'n'roll pèsera tellement lourd sur les esprits de la rédaction de Jazz Hot qu'il faudra attendre sept longues années après sa mort pour qu'une équipe de jeunes loups menés par Philippe Koeklin ose sortir un numéro spécial enfin favorable à cette «  nouvelle » musique qui emporte l'adhésion d'un public pas obligatoirement stupide malgré sa jeunesse. Rock & Folk en titre et en gros et en haut, mais la mention Numéro Spécial Jazz Hot est en bas à droite, en un fin lettrage très discret... il n'est jamais bon de mélanger les serviettes avec les chaussettes ( noires ).

 

 

Une revue rock qui s'intitule rock, cela coule de source. Pour le folk, c'est moins évident. La loupe de l'actualité n'est guère prophétique, mais nous sommes en 1966 et Dylan est en pleine ascension, il vient d'électrifier son folk, le rock et la folk-music semblent s'engager à partager une longue vie commune. Il n'en sera rien. Mister Rock s'acoquinera à de nombreuses autres maîtresses dans les années qui suivront, mais qui peut connaître l'avenir ? Dylan se retrouve en couverture du numéro 0 de Rock'n'Folk. L'on allait tout de même pas miser sur ce pantin d'Elvis en perte de vitesse, ou les Beatles connu de tous, ou les Stones encore un peu trop voyous ! Et puis Dylan c'est tout de même le porte drapeau d'une écriture rock de qualité. Un véritable chanteur à textes. Quelqu'un que l'on peut opposer à la grande chanson française si près de la poésie !

 

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Le virage anglo-saxon ne sera pris que dans les seventies. Sur les trente cinq premiers numéros les frenchies occupent la couve une fois sur deux, quatre fois Hallyday, trois fois Eddy Mitchell, Dick Rivers apparaît sur une couverture partagée avec des anglo-saxons, deux fois Dutronc, deux fois Polnareff ( dès le numéro 1 ), une fois Hughes Aufray, une fois Sylvie Vartan... L'on ne s'en vante guère dans les colonnes actuelles de R &F, sauf pour Johnny qui a toujours bénéficié d'un traitement de faveur jusqu'à la dernière livraison... Par contre l'on se gargarise encore du malheureux numéro 20 avec Brel, Brassens et Ferré et la fameuse photo historique... Plus qu'un crime es rock'n'roll, une erreur. Une faute de goût. Une horreur anti-rock'n'roll ! Pour mieux signer le crime, ils ont encore refourgué la mine du vieux-anarcho-con-servateur de Brassens sur le 34. Remarquez celle de Gainsbourg n'avait rien à faire par là, non plus. Me feront jamais avaler qu'il n'y avait pas une photo des Yardbirds qui traînait sur la table à maquette.

 

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Côté anglais les Stones et les Beatles dominent. Dylan chez les Amerloques. Otis Redding reçoit en cadeau de consolation une couve six mois après sa mort, Hendrix qui est encore vivant décroche la sienne, c'est la moindre des choses, félicitations pour Julie Driscoll, tout le monde l'a oubliée, mais cette nana reste une de mes rockeuses préférées.

 

 

De tous les pionniers seul Elvis – mais le King n'est-il pas hors-catégorie ? - a droit à sa couverture. Pour les autres on met leur nom sur la couve mais ils n'émargent pas au suprême honneur. Le nom de Vince Taylor apparaît sur le numéro 1, suivis dans l'ordre de Jerry Lee Lewis, Little Richard, Buddy Holly, Carl Perkins, Chuck Berry, Lary Williams, Screamin Jay Hawkins, Gene Vincent, Eddie Cochran ( deux fois de suite ), Fats Domino, Chuck Berry. Ray Charles est lui aussi gratifié d'une couverture, on l'a manifestement préféré à Bo Diddley plus rugueux et moins consensuel.

 

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La réussite de Rock & Folk créera des émules. EN 1968 naissent deux grandes revues appelées à jouer en nos franchouillardes frontières un grand rôle dans la diffusion du rock'n'roll et de la musique noire : Best et Soulbag. Cette dernière toujours en activité.

 

 

SEVENTIES

 

 

Rock'n'Folk aborde sa décennie magnifique. Le tirage finira par tourner autour de cent trente mille exemplaires. Le rock explose et se démultiplie. Tous les six mois une nouvelle tendance. Mais le magazine a réponse à tout. Il s'éloigne des rivages étriqués des pionniers – et ce partant il fera l'impasse sur le blues, le country et le rockabilly – pour aborder les rives nouvelles. A babord l'on suit in vivo les fondations du hard-rock Who, Deep Purple, Led Zeppelin, à tribord l'on commente les dérives progressives, Pink Floyd, King Crimson, Genesis, Emerson, Lake and Palmer, Yes. Le gros du public suit d'ailleurs cette dernière pente.

 

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Par la qualité de ses rédacteurs Rock'n'Folk draine des cohortes de gentils étudiants séduits par le vernis culturel sécurisant – et peut-être même sécuritaire – de cette écriture qui ne se contente pas de rapporter les évènements mais qui essaie de réfléchir sur leur signification. Une fêlure invisible se dessine dans le public. Chacun trouve encore à boire et à manger. Chaque courant bénéficie de son petit espace privilégié où les amateurs dénichent les informations les plus pointues. Plus que dans ses articles la force de la revue réside en ses chroniques de disques. Suffit de regarder la signature en fin de colonne pour ré-interpréter la critique selon vos propres goûts. Exemple : un disque descendu plus bas que terre par Vassal est susceptible de faire le bonheur du fan de rock.

 

 

Rock'n'Folk ne prend pas parti. Elle devient une revue généraliste. Les yeux sans cesse tournés vers l'horizon à la recherche du nouveau. Tout en perdant conscience de ce qui se passe tout près d'elle. Dire qu'elle n'a pas vu venir le punk serait une erreur. Yves Adrien l'a pressenti en toutes lettres dès 1973, mais quand la tornade Sex Pistols s'abat sur le monde du rock pachydermique comme la petite vérole sur le bas-clergé, le magazine n'a pas la prescience de l'importance du phénomène. Quoique trépassé depuis plus de quinze ans c'est le concurrent Best qui aujourd'hui encore se prévaut, avec raison, de sa propre réactivité.

 

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Les médias ont inventé un nouveau mot. Rock'n'roll est encore connoté trop négativement. Désormais nous écouterons de la pop music. Se dépêchent d'éclore toute une série de magazines porteurs de la nouvelle estampille : Pop Music, Spécial Pop, Le Pop... Sur Rock & Folk invasion anglo-américaine : Who, Zappa, Creedence Clearwater Revival, Stones, Led Zeppe, Jimi, Roxy Music, Neil Young, Doors, Grateful Dead, Johnny Winter, Alice Cooper, Rod Stewart, Santana, Lou Reed, Bob Marley, Iggy, Queens, Sex Pistols, Patti Smith, Eric Clapton, Debbie Harris... le gotha du meilleur et du pire.

 

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Rock'n'Folk tire un trait sur la vieille chanson française, Moustaki, Ferré qui s'est pourtant acoquiné avec Zoo, Charlebois qui sent le brûlé, apparaissent en début de décennie. Seront remplacés par Jo Lebb des Variations le premier grand groupe de rock hexagonal, Ange aux ailes brisées qui passe, Téléphone qui ne parviendront jamais à tenir leur promesse de devenir les Stones français, et Bijou le groupe le plus intelligent.

 

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Trois couvertures spéciales : honteuse celle de décembre 71 qui offre un atroce dessein de Joe Cocker bien oublié depuis, alors que la disparition de Gene Vincent est un des articles phares du numéro, l'irremplaçable ( la seule que j'ai regardée plus de cinq secondes ), une belle image sortie tout droit des Rock Dreams de Guy Pellaert, la merveilleuse, cette photo croquis flouté d'Elvis en rockabilly cat qui vient de quitter le siècle qu'il aura marqué à jamais de son feulement de cougar des rocky mountains famélique... 59, 82, 129, numéros loto gagnant pour tous les beautifull loosers.

 

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EIGHTIES

 

 

Le punk a filé un grand coup de balai. Après lui ce ne sera plus jamais pareil. Le public a pris un sacré coup de vieux. L'on préfère fermer les yeux et faire comme si cela n'avait jamais existé. Les vieux groupes ronronnent bien au chaud dans leurs panières à côté des radiateurs à royalties. Les jeunes qui voudraient lever leur tête ne sont pas écoutés. Prudentes les maisons de disques préfèrent les gosses bien élevés propres sur eux. A grands coups de synthétiseurs le rock est châtré, par mesure de prudence car l'on sait que le ventre de la bête est encore fécond.

 

 

Hivernage et pantouflage. Les fans s'occupent du bébé, les ventes s'amenuisent selon une régularité des plus inquiétantes, les journalistes quittent le navire sans bruit. Ceux de Best émargent désormais chez Rock'n'Folk et ceux de Rock'n'Folk frappent à la porte des magazines sérieux : Nouvel Obs, Télérama, Libération... Sauve qui peut généralisé. A tel point qu'il ne restera plus qu'à mettre la clef sous le paillasson. En 1990, Rock'n'Folk est cédé aux Editions Larivière. Un peu comme on se jette à l'eau.

 

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Le bébé du rock, longtemps qu'il est parti. Ne restent plus que les derniers de la classe. Renaud, Daho, Lio, Mitsouko, Niagaro, Charlelo Couturo, Noiro Désiro et tous les zéros que vous voulez. L'est sûr qu'au niveau international c'est aussi la dèche, Sting, Collins, Boy George, Madona, Depeche Mode, George Mikael, U2, pas très bono tout ça ! C'est à la même époque que les politiques ont inventé l'expression je vois le bout du tunnel. Z'avaient de la chance, car du côté du rock l'on ne voyait rien venir in the main stream. C'était même la mouise noire. Le cambouis qui tue.

 

 

Dans sa préface Philippe Manoeuvre tisse des couronnes de lauriers à cette nouvelle revue «  indépendante » qui pendant une dizaine d'années siphonnera le lectorat de Rock'n'Folk. M'en suis toujours méfiée. Font semblant d'aimer le rock pour pousser à petites saccades insensibles le lecteur vers la pop. L'alibi culturel sentait la récupération social-démocrate à plein nez. Dès les premiers numéros. Aujourd'hui les Inrock sont clairement devenus ce pourquoi ils étaient nés : une succursale du Parti Socialiste néo-libéral. De toutes les manières le rock n'était pas plus dans les resucées abâtardies de Rock'n'Folk que dans la soi-disante intransigeance des Inrocks.

 

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En ces temps-là le rock était ailleurs. Dans les garages survit un punk underground destroy qui se politisera de plus en plus à la fin de la décennie. L'on assiste à une alliance improbable entre les résidus idéologiques du gauchisme des années 70 et les volitions anarchisantes d'autonomes en pleine déroute politique qui se rattraperont aux petites branches de la subversion culturelle du rock'n'roll. C'est de ce milieu disparate que naîtra dans les années quatre-vingt dix le rock français alternatif. Avec le temps la hargne revendicative laissera place à un vouloir vivre beaucoup plus festif.

 

 

L'émotion suscitée par la mort d'Elvis, l'incroyable et inespéré succès international des Stray Cats, le travail obstiné des vieux fans clubs de rock'n'roll, tout se conjugue pour favoriser dans l'ensemble des pays occidentaux un mouvement rockabilly qui renaît de ses cendres. Mythiques. Donc d'autant plus opératives. Ce phénomène s'articule aussi sur le renouveau Ted made in england.

 

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Aiguillonné par le succès d' AC/DC, de nombreux adolescents se transforment en hordes infatigables de bulldoggers. Les assises du continent hard rock sont encore sous-marine, mais rien n'enrayera cette lente mais entêtante levée de légions de l'ombre... Rock'n'Folk ignore tout cela. Les Inrockruptibles aussi.

 

 

 

NINETIES

 

 

Le retour. Philippe Manoeuvre se retrouve bombardé conseiller spécial de la nouvelle équipe concoctée par les Editions Larivière. Son influence occulte se manifestera pleinement lorsque en juin 1993 il en devient le rédacteur en chef. L'a du flair. A souvent un coup d'avance sur l'attente du lecteur. Sa devise est simple : mieux vaut précéder le mouvement que le suivre. A ce petit jeu il pourra se prévaloir de bons scoops populaires.

 

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A souvent plusieurs fers au feu. Z'avaient pas vu le punk en 77, ne laisseront pas passer le grunge. Hélas le leader de Nirvana ne supportant pas la pression tire sa révérence alors que la vague n'avait pas encore atteint son niveau culminant. Qu'à cela ne tienne Rock'n'Folk a son produit de remplacement Noir Désir. Le côté désirant de la force obscure. Sympathique, mais ne me serait jamais venu à l'esprit l'idée de les ranger dans le rayon rock. Plus grave l'on accueille à bras ouvert les premiers groupes électro. De grosses promesses pour finir par de la musique d'ambiance à la Michel Jarre...

 

 

Sur les couves Daho, Miossec, Manu Chao, Daft Punk, Air, M, avec en cadeau Bonux le désir toujours aussi noirâtre... je tais quelques noms, par pitié. Plus les héros bien-aimés des sixties, Bowie qui vieillit mal, Keith de plus en plus beau, Robert Plant toujours en expérimentation. La revue s'est remise sur roue. Mais ses hot rails ne mènent plus to hell. Elle redevient un magazine de qualité mais d'un rock ignorant de ses racines.

 

2000-2012

 

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Je n'en ai pas parlé mais durant les vingt dernières années évoquées le rock a changé. Musicalement il s'est éventé. Le crotale que l'on avait enfermé dans le flacon de bourbon a profité que la bouteille soit restée ouverte trop longtemps pour prendre la poudre d'escampette. S'est réfugié où il a pu. Au fin fond des garages, chez les adorateurs des grosses ondes satanistes et ophidiques qui l'ont accueilli comme le nouveau messie, niche aussi dans le creux des contrebasse, l'adore entendre chanter Mystery Train, se croit déjà de retour au pays.

 

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Mais de tout cela Rock'n'Folk n'en parle que par la bande. Pas celle des anciens revox en tout cas. Tout a changé, le matos et les manières de faire. Le rock est une industrie. Tous comme les petits commerçants des années cinquante n'ont pas vu arriver les hypermarchés des années 70, les majors sont à la traîne, l'informatique et le net les ont dépossédées de leur pouvoir. Tout un chacun peut jouer à l'apprenti-sorcier du Do It Yourself.

 

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Philippe Manoeuvre est devenu un personnage médiatique. Parade dans des émissions de télé très variétoc... Beaucoup le lui reprochent. Moi je leur reprocherai surtout d'avoir une télé. Si encore ils ne la regardaient pas ! Bronca terrible lors de l'affaire des baby-rockers. Désolé, ce n'est pas un scandale pédophilique caractérisée. De simples soirées hebdomadaires organisées au Gibus pour permettre à de jeunes groupes parisiens de rencontrer leur public. Naast, BB Brunes, Plasticines en couve ! Un scandale ! C'est à ce moment-là que j'ai recommencé à lire la revue. Enfin un truc qui dérangeait ! Oui ils n'étaient pas au niveau des Stones en 63 et sonnaient aussi aigrelets que nos Pirates ( pas ceux de Johnny Kidd, mais de Danny Logan) de l'époque, mais qu'est-ce qu'ils ont secoué les certitudes ouatées d'un public rock assoupi depuis trop longtemps ! L'on ne remerciera jamais assez Manoeuvre pour cette bouffée d'air frais.

 

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C'est que le rock est revenu. Libertines et White Stripes ont permis à toute une nouvelle génération de sortir de la voie sans issue du rap commercial ou spasmodique des cités, de s'échapper des envolées électroniques petites-bourgeoises des romantismes de pacotille et avant tout de recoller les morceaux d'une filiation perdue. Pas toute la jeunesse, ce qui est mieux. Le rock se doit de rester une musique minoritaire. C'est sa seule chance de survie. Ce qui ne le tuera pas, le rendra plus fort. Le mouve rockab et la wawe hard qui ont pratiqué des formes de d'auto-productions autarciques et, vis-à-vis du monde extérieur hostile la politique de la terre brûlée, sont devenus des citadelles inexpugnables qui se sont développées et affirmées en marge des médias.

 

 

LA CHEVRE ET LE CHOU

 

 

L'on ne survit pas cinquante ans dans le monde de la presse sans ménager la chèvre folle du rock'n'roll et la soupe au chou du business. Rock'n'Folk c'est un peu l'Histoire officielle du rock'n'roll. Toute légende y trouve un jour ou l'autre son conte. Mais toute bénéfique réussite y possède son compte. Faut la prendre comme elle est. Souvent un train de retard et parfois une locomotive d'avance.

 

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Cet amoncellement de couvertures fera office de Radio-Nostalgie pour les vieilles générations. L'on râle mais faute de mieux on y revient. Les nouveaux arrivants en tireront de multiples enseignements. De belles surprises aussi. Risquent de voir se modifier les perspectives. De toutes les manières les choses ne signifient que ce que l'on veut qu'elles signifient.

 

 

Soyez comme Damie Chad. Sectaire, injuste, menteur, de mauvaise foi, calomniateur, vindicatif, péremptoire et dénonciateur. C'est encore la meilleure façon de se sentir vivant. Bouffez le chou et sodomisez la chèvre. C'est alors que vous serez rock'n'roll !

 

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Damie Chad.

 

ROCK'N'FOLK.

 

METAL. Hors Série. N° 28.

 

Décembre 2012.

 

 

Cadeau de Noël de l'année. Non ce n'est pas donné. Ou alors contre 7,50 euros au point presse du coin de la rue. Pour le Hors-série de l'année R & F a sorti la grosse artillerie. Blindage épais. Spécial Métal. Attention tout le monde n'est pas invité. Huit élus plus deux medleys pour le Hair et le Black métaux. Lot de consolation pour tous les autres en fin de revue, dans la discographie sélective.

 

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On ne s'aventure pas dans les groupes inconnus, l'on ne cherche pas à rivaliser avec Metallian qui peut vous sortir de son armure trente groupes plus destroy les uns que les autres dont vous n'aviez jamais entendu parler auparavant. Valeurs sûres. Par ordre chronologique, enfin presque, d'apparition publique.

 

 

Black Sabbath donne le la, funèbre. Cheveux longs et idées noires. A l'époque tout le monde rigole. Rock un peu primate. A fond la caisse. Et quand le morceau est fini, l'on en recommence un autre. Similaire. N'y a que des gamins de treize ans sans culture qui peuvent aimer cela. Les grands-frères sont barrés plus loin. Tripent encore sur les Beatles, ou autres chansonnettes. Vous pouvez ne pas aimer le sabbat noir – Ah ! Ah ! Ce satanisme de pacotille – n'empêche que l'Histoire du rock leur ont donné raison. Ils ont défini les codes.

 

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L'on a déjà tout dit sur Led Zeppelin, alors Denis Parent nous raconte l'effet dévastateur des deux premiers opus du Dirigeable sur son cerveau de gaminos de quinze ans qui attend que le monde se révèle à lui et qui connaît l'illumination lorsque déboule sur son tourne-disque le riff incandescent de Whole Lotta Love. S'en est jamais remis. En bafouille encore quarante ans plus tard. Lui ce n'est pas grave. Mais Led Zeppe non plus. La fêlure au coeur du fan. Certes Led Zeppe a commis nombre de monstruosités merveilleuses conne cet Achille Last Stand, par exemple, mais ce n'était plus pareil. Des artistes. Des ciseleurs de riffs. Mais ne bétonnent pas assez. L'on regrette les grosses pelletées de ciment qui vous arrivent sur la gueule et vous l'arrachent en moins de deux. Le Zeppelin nous a joué de bien sales tours, le plus grand groupe de hard. On applaudit. Mais le plus grand combo progressive de la planète aussi. Meilleur en tout. Blessure secrète. L'on reste radical dans ses choix. Pas radicool.

 

 

Deep Purple. N'ont pas su s'arrêter comme le précédent. Changement de personnel incessant. L'arbre généalogique est aussi compliqué que celui des Valois. Eux aussi ils ont oscillé, se sont chauffés au tout électrique. Mais comme radiateurs ils se sont servi d'un réacteur nucléaire. Avec explosions en chaîne. Et en même temps jouaient aux écolos avec des orchestres classiques. J'avais un copain qui trichait: il copiait ces disques en ne gardant que les parties électrifiées. N'empêche que des galettes comme Machine Head, In Rock et le riff ( beethovenien ) de Smoke on the water en ont amoché plus d'un d'une sale manière.

 

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Blue Öyster Cult. Le plus grand groupe de hard de tous les temps. A part qu'ils se sont lamentablement cassé la gueule à leur quatrième album. Agents of fortune avec son succès the Reaper qui leur a fauché toute l'énergie. C'était leur premier tube. Une douceur pralinée, un truc mentholé entre les Beach Boys, les Byrds et le Summertime de Gene Vincent. N'auraient jamais dû le sortir. Auraient dû détruire la bande. D'un coup ils ont balayé leur trois premiers albums. Tyranny and Mutation, c'était le titre du second. Tout un programme. Des idées en avance sur leur temps. Avaient pigé que tout est une question de son. Et de guitares. Par la suite ils ont tenté de recoller les morceaux. Mais ce ne fut plus jamais pareil. Ne sont plus qu'un bon groupe de scène. Sympathiques mais un tantinet has been. Quand on voit tout ce que Kiss mille fois moins doués ont réussi à tromper le public pendant quarante ans, l'on se dit qu'ils ont raté le coche.

 

 

Je passe rapidement sur AC / DC, les copains les ont tellement écoutés que je n'ai jamais éprouvé le besoin de posséder un seul de leurs disques. Motörhead. Pas vraiment du métal, mais un combo rock comme on les aime. Avec Lemmy qui joue son rôle de rocker, bête et méchant, cradingue et violent, tellement à la perfection qu'il ne sait plus quand il est lui-même ou quand il est son propre reflet. Avev Lemmy, vous doutez de tout sauf du rock'n'roll et de l'authenticité de son attitude.

 

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Je vous laisse découvrir le reste du numéro par vous-même. Après tout vous êtes assez grands pour vous dépatouiller tout seuls. Un conseil méfiez-vous de Metallica et de Pantera. Portent bien leurs noms.

 

 

Damie Chad.

 

 

17/01/2013

KR'TNT ! ¤ 127. BB KING

 

KR'TNT ! ¤ 127

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

17 / 01 / 2013

 

 

 

KING OF THE BLUES

 

 

B.B. KING / SEBASTIAN DANCHIN

 

 

( Editions du LIMON / 1993 )

 

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Fallait pas hésiter, c'était écrit en gros : Eddy Mitchell présente Les Rois du Rock, y avait déjà eu Chuck Berry et Bo Diddley dans la série, j'étais mineau mais dans le dictionnaire du jazz que je possédais B.B. King était bien répertorié parmi les neuf grands rockers du siècle avec Bill Haley, Elvis, Gene, Buddy, Eddie, les deux susnommés et cette grande folle de petit Richard. Mes économies du trimestre y passèrent mais ce n'était rien à côté de ce qui m'attendait.

 

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B. B. King, je ne connaissais que de nom. A l'époque pouvais pas confondre avec Albert King ou Freddie King, le blues était un continent noir où je n'avais guère eu l'occasion de traîner les pieds. Un tout petit peu dans le Delta avec la séquence blues du Pop Club de José Arthur, mais Pierre Lattès qui présentait ne montait jamais jusqu'à Chicago. Bref j'étais aussi innocent que l'enfant qui vient de naître et que Seigneur s'apprête à plonger dans notre monde de turpitudes.

 

 

Méfiant, j'avais attendu d'être seul avant de poser la chère galette sur le pick up. Rien de plus malvenu que des commentaires parentaux et insidieux sur la musique de sauvages que je me mettais à écouter. Surtout que, à franchement parler, le sourire en coin de l'artiste sur la pochette n'était pas des plus honnêtes, vous regardait un peu trop par en dessous. Photo en noir et blanc des plus classiques, rien de délirant, col de chemise et veste de velours côtelé des plus insignifiants, mais comme disent les grand-mères, à mauvais chic, mauvais genre. Ce qui n'était pas du tout pour me déplaire.

 

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J'avais fait coup double, deux disques pour le prix d'un. M'a fallu réécouter plusieurs fois pour entendre la version subliminale. Enregistrement public, je supposai au pire des claquements de mains polis à la fin des morceaux ou au mieux un frénétique bruit de fond tout le long de la prestation. Je n'y étais pas. Un truc hallucinant. Le disque était monophonique mais me sauta aux oreilles l'évidence de deux enregistrements concomitants. Au fond il y avait bien un gars qui chantait et qui jouait de la guitare, plutôt bien d'ailleurs, mais ce n'était pas cela le plus important.

 

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Devant il y avait le blues. Je ne l'ai compris qu'après. Ce n'est que quelques jours plus tard que j'ai mentalement enlevé la mention rock et apposé l'étiquette Blues sur B. B. King. Incroyable, B. B. jouait et chantait et le public donnait l'impression de n'en avoir rien à foutre. Semblait se passionner pour autre chose. Gueulait, hurlait, criaillait, applaudissait de manière fort impromptue sans compter les vociférations de trois ou quatre femelles en rut qui s'égosillaient sans fin. Avec en plus cette évidente certitude, cette foule n'était nullement hostile ou vindicative, mais y prenait au contraire un plaisir jubilatoire pour ne pas dire éjaculatoire, et idolâtrait le chanteur dont elle semblait ne pas faire fi. Un comportement déstabilisant. C'était le blues. Aujourd'hui quand quelqu'un me parle des racines noires du rock'n'roll, je sais ce que l'expression signifie.

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Différente, une musique différente, à part, le blues. Quelque part il existait une réalité objectivement séparée de mon vécu de petit blanc européen, une culture hors de moi, mais une frontière ouverte qu'il suffisait de vouloir franchir pour se retrouver aussitôt dans un ailleurs aussi accueillant que chaleureux.

 

 

Mais sur le deuxième sillon de cette fausse stéréo il y avait du monde aussi. Une guitare qui prenait toute la place, à tel point que d'abord j'ai pensé que B. B. King chantait mal. A ma décharge il est important de préciser que la voix n'est que le contrepoint de la note délivrée par les cordes, chant et guitare sont à écouter ensemble, comme un binôme inexpugnable. L'atome originel que personne ne parviendra à couper. L'une parle et l'autre répond, l'une dit et l'autre souligne. Chacune comme le contrefort arc-bouté sur la paroi de l'autre. Toute l'énergie contenue dans ce duo intarissable. Avec ce mystère tremblé qui fait que quand l'une prend la parole, l'autre ne se tait pas, même si elle laisse tout l'espace à l'autre, on ne l'entend plus mais toute sa présence réside en son attente, en notre attente. Car c'est nous qui sommes le manque et puis le réceptacle de cette absence qui se solidifie dans le cocon de notre désespoir, car toute attente est par essence désespérée, même si l'on est sûr qu'elle sera, l'espace d'une seconde séculaire, comblée. C'est ainsi que le blues nous parle, que nous entrons en communication avec lui et que nous nous posons en plein milieu de la conversation.

 

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Passionnante. Tellement pris par le feu roulant des réponses sans questions que l'on en oublie, tout le reste. L'orchestre, la batterie, la basse, les deux saxophones, sont là, font partie du paysage, le ponctuent et le délimitent mais se fondent tellement en lui qu'on ne les perçoit pas. L'on en revient toujours sur le timbre du B.B., il crie, notre blues-shouter, mais la voix ne force jamais, elle est comme étranglée, porteuse et porte d'angoisse et en même temps soupape de sécurité. Qui laisse échapper le trop plein d'énergie mais qui détient et retient l'incertitude avérante de l'explosion, pour mieux la guider vers sa concentration maximale.

 

 

Alors que le jazz s'applique à maintenir celle-ci en une sempiternelle instabilité, le rock'n'roll s'empresse d'allumer la mèche pour en hâter la libération. C'est en cela que le rock procède du blues. Alors que le jazz qui fait son malin y remonte. N'avaient pas tout à fait tort Barclay and Eddy de classer B.B. King parmi les rois du rock. Ces deux musiques, la brune et la blonde, la bleue et la blanche, sont des soeurs incestueuses.

 

 

SEBASTIEN DANCHIN

 

 

Après cette petite intro, il serait peut-être temps de passer au bouquin de Sébastian Danchin. N'ai que l'édition originale de 1993, l'a retiré en 2003 en version augmentée. C'est que B. B. King est carrément increvable, aujourd'hui âgé de quatre-vingt sept ans il parcourt le monde en donnant des dizaines de concerts, peut-être que l'année prochaine en 2013 Sébastian Danchin nous offrira une deuxième réactualisation.

 

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Question blues Sébastian Danchin n'est pas – si j'ose employer cette expression – un bleu. Passionné de musique noire, il a vécu à Chicago, guitare à la main, réussissant à jouer avec Son Seals dont le père fut musicien de Bessie Smith. Façon transmission et compagnonnage vous trouverez difficilement mieux. A commis plusieurs livres sur des musiciens noirs, d'Earl Hooker – guitariste slide hors-pair, cousin de John Lee, copain de Bo Diddley – dont on ne parle jamais assez, à Prince dont on cause trop. Son Encyclopédie du Rythm & Blues et de la Soul parue chez Fayard reste un must. Pas monomaniaque pour deux ronds de frites il a aussi consacré deux livres à Elvis Presley.

 

 

LES DEUX ROIS

 

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C'est l'autre roi. Car il y en a deux. Celui du rock'n'roll et celui du blues. Ce qui tombe bien, puisque c'est le premier qui écouta le second sur la radio. Retraçant les racines noires du rock'n'roll blanc nous en avons déjà parlé, le jeune Elvis écoutant à la radio le disc-jockey noir sur WDIA. Le livre révèle la face cachée de l'iceberg.

 

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L'iddée était venue à B. B. King en entendant Sony Boy Williamson sur KKFA. Un malin ce Rice Miller, l'avait volé son appellation incontrôlée à... Sonny Boy Williamson, harmoniciste du delta qui l'aurait volontiers trucidé pour ce vol de propriété intellectuelle et de célébrité musicale... Mais surtout bien avant les agences modernes de publicité il avait tout compris de la future société de consommation et de communication. Avait réussi dès 1941 à entrer dans les émissions sponsorisées par le fabricant de farine King Biscuit. B.B. qui criait alors famine dans les rues de Memphis en discuta avec Sonny l'embrouille et pigea très vite la combine. Jouer en direct live sur l'antenne ou présenter quelques disques, c'était l'occasion inespérée d'annoncer jour après jour ses propres concerts et ses propres engagements. Ce qui ne pouvait que l'aider à toucher un large public et surtout ce qui assurait aux bars ou aux salles qui le programmaient une publicité gratuite...

 

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Nous sommes en 1948 et B. B. King travaillera jusqu'en 1953 sur WDIA. C'est ainsi qu'apparaît notre deuxième monarque : Elvis qui a pris l'habitude d'écouter un certain disc-jockey surnommé Beale Street Blues Boy qu'il ne tardera pas à rencontrer dans les clubs de l'artère maudite de Memphis City. B.B. fréquente aussi les studios d'un certain Sam Phillips qui sur sa marque Sun n'enregistre que des artistes de couleur.

 

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Magnifiques symboles, alors qu'Elvis travaille déjà sans en être conscient à la future éclosion du rock'n'roll, son chemin croise celui qui apportera le blues à un large public, et qui comme en une ultime révérence aux lointains débuts du blues se fait sponsoriser par Peptikon une sorte de fortifian miracle qui n'est pas s'en rappeler les voitures itinérantes des medecine shows...

 

 

MAUVAIS DEPARTS

 

 

B.B. a désormais les deux pieds dans les starting blocs du succès. Mais ne croyez pas pas que ce fut une partie de plaisir pour en arriver là. Né en 1925, Riley B King élevé par sa grand-mère, orphelin à neuf ans, la vie de celui que l'on appellera B et plus tard B. B. n'a pas été facile. L'a tout de même pu apprendre à lire et à écrire, écoutera les disques de sa tante, de Blind Lemon Jefferson à Robert Johnson, et sera initié au blues par son oncle, ouvrier agricole qui n'arrête pas d'en chantonner. Ajoutez à cela le gospel à l'église pentecôtiste du coin et le travail dans les champs pour le compte d'Henderson, un propriétaire blanc comme il se doit, et vous aurez la panoplie parfaite de l'enfance d'un roi du blues dans le Mississippi profond.

 

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A la mort de sa grand-mère – il a quatorze ans – il ira travailler chez Flake Cartledge, petit fermier, un oncle des Henderson, qui le traitera avec humanité. Le travail est dur, mais relativement bien payé... B.B. peut s'acheter une guitare, et superbe promotion sociale, à dix-huit ans son nouveau patron chez qui il effectue un service civil – nous sommes en 1943 - lui confie la conduite d'un tracteur... C'est là aussi qu'il entendra pour sur KFFA l'émission King Biscuit Time avec Sony Boy Williamson et Robert Junior, le beau-fils de Robert Johnson...

 

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B. B. a trouvé sa vocation, commence à courir les Juke Joints du coin pour entendre ses idoles radiophoniques mais aussi Muddy Waters et bien d'autres... En 1945, n'y tenant plus c'est la première anabase du King sur Memphis. Trouvera refuge chez Bukka White, un lointain cousin, surtout connu pour être aussi – comme le grand monde du blues est petit ! - le cousin de John Lee Hooker. BB a beaucoup joué dans les rues, y a appris des dizaines et des dizaines de morceaux – du blues le plus noir à la chansonnette de variété la plus pâlichonne, mais la fortune n'a pas été au rendez-vous. En 1947, il rentre à la maison, et passe l'été à ramasser du coton. Economies en poche, il repart à Memphis, nous sommes en 1948...

 

 

LA MONTEE EN FLECHE

 

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Ce coup-ci sera le bon. Doucement mais sûrement... dès 1950 il enregistre au studio Sun son premier single pour RPM des frères Bihari... Three O'Clock Blues entre au Billboard dans les derniers jours de l'année 1951. En quelques mois B.B. King devient la grande vedette du blues. Et l'âge d'or durera dix ans.

 

 

Mais B. B. King est-il un véritable bluesman ? L'histoire officielle affirme qu'il en est le plus talentueux et le plus digne de ses représentants. Ce qui est indiscutable. Mais monté à Memphis, B.B. King n'est plus un coureur de route. Avant de s'électrocuter à Chicago le blues du delta va connaître à Memphis, big city d'étape, sous l'impulsion de B. B. une première transformation. Très modestement notre guitar-hero ne la revendique pas. L'argent qui vient lui permet de recruter et de payer quelques musiciens d'accompagnement. Ce n'est plus B.B. et sa guitare mais B. B. et son orchestre, jusqu'à onze personnes !

 

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L'a pu le faire car il en a eu les moyens financiers. Si tous les premiers bluesmen se sont contentés d'un ou deux accompagnateurs la plupart du temps, ce n'est pas de leur faute. Auraient bien eu envie de s'adjoindre eux aussi une section de cuivre. Z'ont fait ce qu'ils ont pu avec leurs petites mains et leurs vilaines guitares. L'occasion fait le larron. L'on a des témoignages oraux et incertains qui affirment que dans les derniers mois de se vie Robert Johnson avait un backin'group de six musicos...

 

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B. B. King n'est-il pas de fait un des promoteurs du rhythm'n'blues ? N'est-il pas de fait l'inspirateur de Bobby Blue Band qui débuta dans le métier comme son homme à tout faire et son chauffeur. ? Joue sur tous les tableaux, du blues le plus pur à des thèmes beaucoup plus populaireS, ce qui lui permet aussi de mordre peu à peu sur une petite frange du public blanc. Mais aussi de perdre de vue son public de couleur.

 

 

BLUES EN BERNE

 

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Les noirs ne se reconnaissent plus dans les orchestration jazzizantes de B.B. King. A priori ce serait une bonne nouvelle. N'aurait plus qu'à revenir au bon vieux blues d'antan. Mais le problème c'est que justement les noirs qui luttent pour les droits civiques entendent renvoyer aux oubliettes le souvenir des temps maudits et honteux de l'esclavage. Phénomène qui s'accroîtra avec le temps. Aujourd'hui le public du blues est plutôt blanc et européen...

 

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Au début des années 60, B.B. entame une longue traversée du désert. Comme par hasard les meilleurs disques de cette époque furent les lives At the Regal et The Blues is King, il suffit que vous relisiez ci-dessus l'évocation du trésor présenté par le grand Schmall pour comprendre. Le Live At The Regal est considéré par beaucoup comme le plus grand disque de blues jamais enregistré. Ce genre de titre un peu pompeux ne veut peut-être rien dire, mais il faut avouer que le 33 Tour est un chef d'oeuvre absolu. Mais qui vient trop tard, qui ne peut plaire qu'au noyau dur des fans les plus intransigeants de la musique bleue. Pour la petite histoire B.B. King ne partagea jamais l'enthousiasme de ses fans quant à cet enregistrement.

 

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La galette du roi, si succulente fût-elle ne lui permit pas de rebondir...

 

 

LE BLUES DES BLANCS

 

 

Comme toujours le succès vint d'où B. B. ne l'attendait pas. Avant de casser sa pipe en 1965, Sonny Boy Williamson avait trouvé la solution. S'en était allé chez les rosbeefs qui avec les premiers disques des Stones découvraient le blues. Avait tourné avec comme orchestre d'accompagnement les Animals et les Yardbirds. Mais la mort lui avait interdit de capitaliser son succès.

 

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B.B. King mit plus de temps pour comprendre. Ce n'est qu'en 1970 qu'il se risque sur la scène du Fillmore West à San Francisco, en quelques accords notre bluesman est adopté comme leur père spirituel par des milliers de jeunes blancs qui lui font un triomphe. B. B. King devient une icône de la génération rock des années 70. Il jouera avec Jimi Hendrix et se voit offrir la première partie de la prochaine tournée des Rolling Stones... C'est parti, et quarante ans après la pression n'est pas retombée.

 

 

LE ROI DU BLUES

 

 

B.B. King n'est ni un guitariste, ni un chanteur de blues. Il est devenu une légende vivante, l'ambassadeur du blues aux quatre coins de la planète du Canada au Japon, sur tous les continents. Des centaines de concerts, tous les ans sans s'arrêter. A reçu les plus grands honneurs, professeur émérite de plusieurs universités, Dieu en personne, Eric Clapton, l'a reconnu comme son maître, et plus personne n'ose dire du mal de lui...

 

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Du haut de ses quatre-vingt sept ans il assure comme une bête, faut voir comment chaque soir il astique la petite Lucille, sa guitare lui arrachant des miaulements de chatte en chaleur. Son public de rocker a vieilli, s'est fatigué – alors que lui pète une forme d'enfer – mais se renouvelle sans cesse. Aujourd'hui l'on y trouve l'arrière-garde des cultureux qui arrivent longtemps après la bataille, faire amende honorable et s'agenouiller béatement devant le maître. N'écoutent pas le blues, révèrent l'institution.

 

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Mais tout cela n'est que de la foutaise. Seuls les imbéciles se laissent prendre au piège de la renommée. Il suffit de l'écouter jouer, chanter ou même parler trois minutes pour s'apercevoir que chaque matin, lorsqu'il se lève B. B. King, infiniment simple, infiniment modeste, à près de quatre-vingt dix ans, a encore le blues.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

ROLLING STONE N° 50.

 

Janvier 2013.

 

Aux USA ce n'est plus un magazine mais une institution. Presque aussi vieille que les Rolling Stones. A ses débuts en 1967, la revue tente de courir après le mouvement hippie. Elle en propose une version acceptable par le grand public progressiste. Cocktail-molotov pour les tièdes, pétard mouillé pour les militants. S'est constituée à l'ombre du rock des seventies. A toujours soutenu les aspirations les plus libérables de la petite-bourgeoisie américaine. Comprenez qu'elle s'inscrit plutôt dans le camp démocrate que républicain.

 

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Dans ses heures de gloire elle accueilli la crème des journalistes rock comme Lester Bang ou Greil Marcus. Par la suite son premier lectorat vieillissant lui faisant quelques infidélités, elle a tenté de séduire les nouvelles couches de la jeunesse beaucoup plus intéressée par les acteurs des séries télés et du cinéma... Vivant sur son prestige la revue a essaimé, en Europe et notamment en France.

 

 

Le concept est simple : la version indigène repose sur les archives de la maison mère tout en collant le plus possible à la réalité sociologique et la mentalité culturelle du pays colonisé, ce qui se traduit par un mix plus ou moins réussi d'articles traduits ou écrits par des locaux. Comme un fait exprès alors que je m'apprêtais à mettre en ligne l'article sur BB King, Rolling Stone, version française nous offre la traduction d'un papier paru dans the Guardian le six novembre 2012 d'Ed Vulliamy honorable correspondant de The Observer et de The Guardian dans la bonne pomme de New York.

 

 

Ed Vulliamy rend compte d'une entrevue avec BB King en des circonstances présentées comme exceptionnelles, chez lui – enfin presque – à Indianapolis où il passa son enfance et sa jeunesse à ramasser du coton. A quatre-vingt six ans l'on pardonnera à BB King de ne pas se répandre durant des heures. Mises bout à bout ses réponses ne forment pas un texte bien long, mais Ed Vulliamy les englobe si bien à un article de fonds sur toute sa vie, les consolidant de citations d'autres interviewes ou de livres consacrées à notre héros royal que nous avons l'impression qu'il a causé durant des heures.

 

 

Ne dit pas beaucoup. Mais chaque mot porte. Pas du tout la grosse tête. Reconnaît sans numéro de pseudo-fausse modestie que beaucoup de guitaristes sont meilleurs que lui, surtout chez les blancs. Lui, il se contente de jouer comme BB King. Ne sait pas faire plus, mais c'est ce qu'il fait de mieux que tous les autres. Ne détient pas le savoir universel du blues, un gars comme Clapton lui en a remontré sur certains points. Le blues est un idiome universel à la portée de tous. Mais pas de n'importe qui.

 

 

Le chemin du blues n'est pas terminé indique-t-il. Obama n'est pas le bout de la piste. Une étape. Au milieu du trajet. Reste autant de miles à parcourir que tout ce qui a été déjà effectué. Point trop d'illusion, Mister BB. Si les noirs ne se font plus traiter de sales négros à chaque coin de rue, les mentalités et les progrès sociaux n'évoluent que très lentement. N'en dira pas plus mais n'en pense pas moins. Les honneurs et la gloire ne l'ont pas perverti. BB King n'est pas dupe : les fumées d'encens dont on le recouvre sont aussi un moyen de cacher bien d'autres misères.

 

 

C'est tout de même Jimmy Page qui est en couverture. Une photo du bon vieux temps de Led Zeppelin. Faut reconnaître qu'une photo de hard rocker blanc en pleine jeunesse est est un argument de vente beaucoup plus porteur que le portrait d'un bluesman octogénaire... Jamais vu un titre si menteur : Jimmy Page dit tout ! N'en croyez pas un traître mot. Jimmy Page ne dit rien. Garde son droit de retrait. Devant la connerie ambiante. Sait qu'il est inutile de convaincre les imbéciles. Aussi préfère-t-il se taire que tenter de se justifier. Ne donne pas dans la palinodie. Ne regrette rien. Refuse de présenter ses excuses.

 

 

A fait ce qu'il a fait. Point. Barre. Impossible d'y revenir. La vie n'est pas réversible. Inutile de pleurer sur le Dirigeable. L'on aurait pu rajouter quelques légendes à la saga, mais les évènements et les hommes ne l'ont pas voulu. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Led Zeppelin était au-delà de si puériles notions. Vous pouvez toujours rêver d'y rajouter l'épisode manquant, ce qui compte c'est que l'on ne peut rien en retrancher. Il n'aborde même pas le sujet, mais l'on ne peut s'empêcher de penser avec lui que notre époque est bien trop étriquée pour autoriser trop longtemps le stationnement du Dirigeable dans les parc-mètres du sociologiquement correct.

 

 

Connaît l'art de renvoyer les tartes à la crème. Lorsque l'interviewer se laisse aller à une évocation d'Aleister Crowley, rétorque qu'on ne l'interroge jamais sur Dante-Gabriel Rossetti qu'il vénère tout autant que la Bête Magick. La perche est tendue, mais David Frike ne sait pas la saisir. Sans doute ne la voit-il pas. Mais Rossetti ne serait-il pas une figure identificatrice de Robert Plant ? En un sourire Page nous dévoile des abysses de songeries réflexives.

 

 

Côté Frenchies, deux doubles page de Pierre Mikaïloff – voir notre Livraison 121 du 08 / 12 /12 Sur sa belle radiographie du punk – sur les vingt ans de Tostaky l'emblématique album de Noir Désir qu'il n'hésite à qualifier de meilleur disque de rock français. L'erreur est humaine. N'est même pas crédité dans les cents premiers de ma liste perso. Elle n'est pas encore établie, mais c'est tout comme.

 

 

Philippe Barbot nous régale d'un article sur Christophe. Nous joue sempiternellement son même numéro depuis vingt ans, le père Christophe : dandy de la nuit, beau bizarre et mots bleus. Sait soigner son look – admirables photographies de Claude Gassian – et sa prose. A tel point qu'on en oublie de poser les questions les plus intéressantes, celle sur sa deuxième période que tout le monde occulte, l'on se demande pourquoi ( mais je l'imagine très bien ), celle de son premier come back au début des seventies en chanteur minet, moustaches blondes et slows romantiques... le décadentisme en personne.

 

 

Plein d'autres choses : n'ai pas lu l'article sur Lou Reed qui me désole depuis qu'il n'est plus accompagné par Steve Hunter et Dick Wagner. Vous recommande celui sur Creedence Clearwater Revival dans lequel John Fogerty n'est pas présenté comme la sympathique victime du méchant P.D.G. de sa maison de disques...

 

 

Damie Chad.

 

 

 

BLUES MAGAZINE. N° 67.

 

Janvier. Février. Mars. 2013

 

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Mini-format mais panorama complet du trimestre blues. Le précédent. Comme les vacances sont terminées depuis longtemps c'est un peu fatigant de se replonger dans la kyrielle des festivals blues de l'été, oublié depuis longtemps sur l'étagère aux accessoires dépassés. Tout le monde est trop bon, trop top, trop trop... Même les Blues Caravan, trois filles, trop jolies, trop classe, top guitare, les ai jamais entendues mais nos trois demoiselles venues d'Angleterre et du Missouri paraissent surtout le produit «  More girls with guitars » sorti tout droit de la tête de leur promoteur Thomas Ruf. Je dis ces méchancetés parce que je n'étais pas au Billy Bob's voici presque un an, sans quoi comme je me connais suis sûr que j'aurais succombé sous les arguments de ce trio de choc.

 

 

Si vous caressez tous les soirs votre guitare en rêvant d'être la future étoile de la six cordes, ne lisez pas l'article Guitaristes de Blues : la relève. Y en a au moins cent cinquante meilleurs que vous déjà nominés dans Blues Magazine. Le truc à vous filer le bourdon pour trois semaines. Faudrait la moitié de l'existence pour parvenir à se faire une idée si l'on voulait les écouter un par un. A croire que le monde est peuplé de guitaristes de blues. Ca pousse comme la chienlit en Mai 68.

 

 

N'essayez pas de m'accuser de tirer la couverture de laine bleue du blues à moi pour mieux vanter le couvre-lit de soie rouge du rock'n'roll mais le meilleur article du zine, le plus fouillé, le plus précis c'est encore celui consacré à un des pionniers du rock'n'roll Billy Lee Riley. Une carrière en demi-teinte. Partie sous les meilleurs auspices. Puisqu'il fait partie de la mythique écurie Sun. Juste un petit problème. Sam Phillips ne l'aime guère. Caractère peut-être un peu inconstant. Et forte tête en même temps. Carrière en quart de teinte. Jusques à sa redécouverte en Europe par les fans de rockabilly. Flying Saucers Rock'n'roll repris par tous les combos rockab de la planète lui donne l'immortalité que la vie lui a refusé le 2 août 2009... Un pionnier. Un vrai. Un grand.

 

 

Damie Chad.