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20/12/2012

KR'TNT ! ¤ 123. 45 T. PUNK / JOSEPHINE BAKER

 

KR'TNT ! ¤ 123

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

20 / 12 / 2012

 

 

45 T. PUNK / JOSEPHINE BAKER

 

 

BLITZKRIEG

 

HISTOIRE DU PUNK en 45 TOURS

 

GEANT VERT

 

( HOËBEKE / SEPTEMBRE 2012 )

 

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Je vois d'ici les gros fainéants et les petits lecteurs s'extasier : enfin un livre rock dont on ne lit qu'une page sur deux. Facile, une fois à gauche, une fois à droite, la repro du 45 tours – pleine feuille puisque le livre épouse le format de nos vinyls préférés, ne reste plus de place pour le Géant Vert, surtout qu'avec les blancs, le nom du groupe écrits en gros et les titres surlignés en jaune, n'a plus qu'un espace réduit à remplir. De toutes les manières au bout du quatre-vingtième ne doit plus avoir quelque chose de bien original à glavioter, rien ne ressemble plus à un single qu'un autre single. Tournez-le comme vous le voulez, c'est un peu toujours la même chose. Encore plus avec des punks incapables d'aligner deux accords sans se planter...

 

 

Tout faux. Des heures et des heures de lecture. Police ( un mot que l'on ne devrait pas employer pour parler des punks ) minuscule mais très lisible et l'histoire racontée est tellement pleine de bruits et de fureurs que vous en redemandez encore et encore. Même que lorsque ça s'arrête, vous vous demandez pourquoi notre haricot vert coupe le fil si subitement. Certes La petite Souris Déglinguée sort juste de son trou, mais nous sommes en octobre 79, à l'extrême limite des filandreuses eigthies. Mais commençons par le commencement.

 

 

GEANT VERT

 

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L'est pas géant parce que sa maman lui refilait du potage au cresson dans son biberon quand il était bébé dodu. Mais parce qu'il est normand d'origine. C'est ainsi que les natifs surnommèrent les parachutistes américains qui tombèrent du ciel un matin de juin 44. Ne phantasmez lui, il est issu d'une pluie spermatozoïdale plus récente, venu au monde au tout début des sixties. L'a raté les années soixante mais s'est débrouillé pour avoir quinze ans en 1976.

 

 

Bref un brave petit – pas tout à fait, s'il ne dépasse pas la tour Montparnasse il avoisine tout de même les deux mètres – gars bien de chez nous qui a mal tourné. Lorsqu'il a commencé ses parents sont devenus aussi jaunes de honte que la pochette française de Never Mind The Bollocks et n'ont pas voulu qu'il signe ses diatribes de son véritable nom. D'où ce pseudonyme de Géant Vert. Par pure provocation, car il suffit de lire trois lignes pour comprendre qu'il n'a pas la fibre militariste. Mais peut-être l'amour des armes, car il fit ses premières en fondant un célèbre groupe de pistoléros nommés Parabellum. C'est lui qui a écrit ce brûlot du mouvement alternatif que sont les paroles de France Profonde. Ne puise pas son inspiration que dans les lyrics d'outre-tombe il s'inspire aussi de la chanson réaliste française. Les lecteurs de Rock'n'Folk ne ratent pas sa rubrique habituelle sur la bande dessinée déjantée du mois.

 

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Donc a quinze ans il est happé par le train du punk qui passe à toute vitesse. En deviendra un militant de base. En chiraquie. De toutes les outrances mais avec un regard intérieur qui cherche à ne pas être dupe de ses propres phantasmes. Avec l'âge il est devenu un tout peu plus cynique. Un zeste, comme pour se souvenir que les plus belles utopies sonnent souvent du même creux que votre-porte-feuille que les marchands de gadgets vous ont aidés à vider...

 

 

BLITZKRIEG

 

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La couverture tinte un peu comme ces brassards à svastikas que les punks s'amusaient à porter. Provocation ultime pour notre pays libéré de quatre ans d'occupation nazie. N'y cherchez aucune entourloupe idéologique, la germanique guerre éclair ne fait que reprendre le titre de Blitzkrieg Bop du premier 45 tours des Ramones qui ouvre le bal des maudits. L'on pourrait se demander pourquoi Bop et pas Rock. Serait-ce une manière de revendiquer un héritage rockabilly, davantage culturel, l'adoption de l'uniforme des Perfectos par exemple, que musical ? N'oublions pas que le psychobilly descend du punk comme l'homme remonte au singe.

 

 

Géant vert ne donne pas dans la critique objectale. Cherche souvent plus avant que son objet d'étude. Un disque est le produit d'un groupe qui possède sa propre histoire. L'on assiste donc à une véritable relecture de l'ensemble du mouvement punk de sa pré-éclosion à son certificat de décès dument authentifié. C'est un véritable labyrinthe dans lequel il est facile de tourner en rond à l'infini. Parfois quand vous croyez avoir trouvé une issue de secours vous n'en êtes pas pour autant sauvé car le chemin qui vous emmène à l'air libre se révèle être un stérile cul-de-sac qui débouche sur l'inanité du vide.

 

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Autant vous donner quelques pistes de lecture avant de vous enfoncer dans le dédale. Pour cette chronique nous privilégierons trois axes de recherche, l'instinct de la découverte, the french Touch, et le retour à la terre première.

 

 

LE CHOIX DU ROI

 

THE CORTINAS

 

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Me suis amusé à un blind test un peu particulier. J'ai éliminé tous les groupes que je connaissais et en regardant uniquement les pochettes me suis décidé d'en élire un et de rechercher sur le net ses enregistrements. Ai opté pour les Cortinas. Non ce ne sont pas des sud-américains, ont bien une tronche de prolos made in United Kinkdom. Comme l'on ne se refait pas ils ont un look plutôt rockers and mid-sixties que punk, mais si Géant Vert leur a délivré un certificat punk authenticity nous ne mégoterons pas. De toutes les manières leurs titres parlent pour eux Fascit Dictator and Television Families, tout ce que ces fils d'anarchy détestait le plus au monde : le pouvoir politique et la cage institutionnelle de la famille.

 

 

Flair de rockers. Nos jeunes gens – ont tout juste seize ans quand ils commencent – déménagent un max. Se mettent au punk en attrapant le wagon de queue au dernier instant, mais tout ce qu'ils ont appris en essayant d'imiter les Stones et les New York Dolls leur servira quand ils entreront dans la mouvance crétinoïde. Savent si bien jouer qu'ils se retrouvent en première partie des Stranglers au Roxy. Sur le coup Stop Forward Records les signe pour un premier45 tours meurtrier suivi d'un second tout aussi criminophile. La machine s'emballe, passage à la BBC, et signature sur une major CBS. Ie faux pas de trop. Abandonné par le public qui y voit une trahison, le groupe se retire en 1978. Leur 33 Tours True Romance tire un peu trop vers la pop... Dommage car le combo balançait la sauce à coups de grandes cuillères. Mais les temps étaient sans pitié. Beaucoup retireront leur épingle à nourrice du jeu pour la cacher dans le flou artistique de la New Wawe. Trop jeunes, nos bristoliens ne surent négocier le virage entre la credibility punk et la necessary survivance adaptation. Même les Pistols pourtant managés par Malcom McLaren le cynique théoricien de la manipulation des médias et des great companies ne pourront se maintenir bien longtemps. Trop purs, trop putes, le Capitole est tout près de la Roche Tarpéïenne.

 

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THE FRENCH CONNECTION

 

ASPHALT JUNGLE

 

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Le premier groupe français arrive un an après la bataille. En juin 76. J'ai encore le disque chez moi. Peux même me vanter d'avoir été le premier à me le procurer sur Toulouse puisque après avoir fait tous les disquaires de la ville j'ai fini par le récupérer... chez un libraire du centre ville qui s'était mis en tête de monter un rayon disques. L'a vite abandonné ce projet farfelu quand il a vu défiler tous les peluts parfumés au patchoulis plus tous les perfectos crétés du coin qui venaient farfouiller dans son présentoir de singles ( n'avait pas de 33 tours ) aussi large que deux boîtes à chaussures ( taille 36 ). L'ai écouté deux fois et n'y ai plus jamais touché depuis. J'avais trouvé cela peu convainquant.

 

 

Le groupe est mené par un cador du mouvement rock français : Patrick Eudeline qui fit les beaux jours de Best avant d'être récupéré par Rock'n'Folk dont il est devenu un peu la conscience morale ce qui est un comble pour un théoricien de l'attitude rock'n'roll destroy. A par exemple refusé d'assister aux derniers concerts parisiens des Stones. Sait résister à la tentation.

 

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Reviens de You Tube me rafraîchir les oreilles. Le titre éponyme du 45 tours est crédité de 180 passages, comme quoi nos contemporains ne sont pas curieux. Pas si mauvais que ça, Géant Vert n'a pas tort, ni plus ni moins que du bon vieux rhythm and blues. C'est ce qui avait dû me décevoir à l'époque, je cherchais du nouveau, du punk et suis tombé sur un genre ultra rabâché... Eudeline a eu raison de privilégier le stylo au micro. Y est beaucoup plus original et percutant.

 

 

STINKY TOYS

 

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N'ai jamais supporté. Phénomène de mode. Les ai toujours trouvés petits-bourgeois qui s'amusent avec un joujou qui ne leur était pas destiné. Maintenant, après être allé faire un petit tour sur leur premier 45 et un grand sur leur 33, je reconnais que les guitares sont assez bien en place. La voix d'Elli est plutôt criarde ce qui ne dépare en rien dans le punk. En plus ils ont eu la bonne idée de casser leur pipe avant leur tour, ce qui est une foutrement faute de bon goût en rock'n'roll. Remontent dans mon estime les jouets puants. Peut-être que je vieillis.

 

 

METAL URBAIN

 

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Vais pas vous en parler longtemps. Parce qu'ils sont trop bons. En leur genre. Destroy politic punk. Et puis une biographie de leur geste éminemment rock'n'roll vient de sortir. Il est prévu que KR'TNT leur consacre une proximale krocknick. Un des groupes les plus radicaux qu'ait produit le rock français. Même si je ne suis pas fan des batteries électroniques. Même s'ils s'en servent plutôt bien. S'ils étaient une rose ils seraient l'épine, s'ils étaient un groupe politique, beaucoup plus de chance que ce soit Action Directe que le Parti Socialiste. Quand j'étais étudiant j'aidais à la diffusion d'un fanzine lycéen qui se nommait Crève Salope ! Ont aussi un titre similaire. Comment voudriez-vous que ces anciens jeunes gens ne m'interpellent pas !

 

 

STARSHOOTERS

 

 

Peux pas les voir. A plus fort les entendre. Parle même pas de ce qu'ils sont devenus. Kent, le gendre idéal qui s'est recyclé dans la bande dessinée très peu bandante. Artiste trois étoiles – caution sagesse du coeur – chez France Inter. Géant Vert ne leur reconnaît de bon que leur premier 45 tours. C'est toujours comme ça avec les gros balèzes, vous croyez qu'ils vont tout casser, mais ce sont de véritables nounours, des sentimentaux à la larme facile, suffit qu'ils évoquent leur jeunesse pour trouver tout beau. Même les étrons au bord du sentier.

 

 

Un groupe préfabriqué, avec EMI la maison de disques qui a payé pour avoir les quatre pages avec photos couleurs dans Rock'n'Folk. Pleins de stupides arrogances qui se croyaient arrivés avant d'avoir commencé. Z'avaient programmé de remporter le Tremplin du Golf Drouot, se sont cassés les dents sur un groupe ( de copains ) venu d'Ariège, Olaf dont je vous raconterai les hauts-faits une autre fois. Shootées les étoiles ! La honte. Ont mis un an pour comprendre, mais ont fini par retourner dans leur pays, celui de la variété.

 

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Tant qu'on descend les sacs poubelles l'on n'oubliera pas de passer dans le vide-ordures le Ca plane pour moi de Plastic Bertrand. A la réflexion, gardez-le si vous avez des enfants en bas-âge. Idéal pour les surprises parties de fin d'année en dernière classe de maternelle.

 

 

LES OLIVENSTEINS

 

 

Dans les années 70 vous ne pouviez regarder la télé sans que ne se radine la grosse gueule bilieuse de Claude Olivenstein. L'avait toujours un jeune à sauver de la drogue. C'était le spécialiste numéro 1, le seul qui savait ce qu'il fallait faire pour tirer notre pauvre jeunesse décadente des griffes de l'héroïne. A l'écouter le Centre de Marmottan c'était la montagne sacrée de l'Atlantide retrouvée.

 

 

Voudrais pas critiquer mais quand on voit les progrès exponentiels de la consommation de drogues diverses dans le pays, je n'ai pas vraiment l'impression qu'il ait contribué à stopper le mouvement. Pense même que son insupportable discours proto-chrétien du genre Olivenstein- est-venu-sur-cette-terre-pour-te-sortir-de-ton-enfer aurait plutôt contribué à renforcer la consommation des produits...

 

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On le lui aurait pardonné. Du moins on aurait fait semblant. Mais ce bon docteur possédait un défaut encore plus terrible que son addiction à la rédemption médicale des drogués. Pas une once d'humour. L'a suffit qu'un groupe de rock se nommât Les Olivensteins pour qu'il pète un plomb. Les a menacés d'un procès s'ils continuaient à usurper son identité... L'est mort depuis quelques années Claude Olivenstein, grand mal lui fasse, tout le monde s'en fout.

 

 

N'ai jamais compris pourquoi la justice de mon pays ne l'a jamais poursuivi de son vivant pour homicide collectif de personnes en groupe. Car les Olivensteins ont dû interrompre une carrière prometteuse. En plus c'était des gars très bien ils étaient Fier de ne rien faire. Ils étaient même dans la mouvance d'un des plus grands groupes de rock'n'roll français les Dogs.

 

 

Morale de cette histoire : méfiez-vous de ceux qui cherchent à vous faire du bien sans que vous ne le leur ayez demandé. N'oubliez jamais que ceux qui s'en prennent au sex et aux drugs ne visent en dernier et hypocrite ressort que le rock'n'roll.

 

 

LA SOURIS DEGLINGUEE

 

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Le bouquin se termine sur LSD. Comme quoi une montagne peut bien accoucher d'une souris. N'ai pas grand chose à dire sur La Souris Déglinguée. Trop alternative pour moi. Pas assez rock à mon goût. Sonne trop français. Des gens qui ont une éthique que je respecte, mais c'est du côté de l'esthétique que ça pêche. Comme disait le poisson dans le bocal. Ai poussé le devoir jusqu'à écouter le simple présenté par Géant Vert. Haine. Haine. Haine. Que ça s'appelle. Sympathique. De bonnes intentions. Je n'ai pas aimé. Mais je n'ai pas détesté non plus. Ce qui est plus embêtant. Je suis comme le Seigneur. Je recrache les tièdes.

 

 

DAYS OF THE FUTURE PASSED

 

IAN DURY

 

 

Rien ne prédisposait Ian Dury à devenir une idole punk. L'est né en 1942 – à peine sept ans après Gene Vincent - et se met gaillardement en route vers la quarantaine quand l'explosion atomique punk se produit. Lui, il fait partie de la génération précédente; celle du pub-rock. Plus proche des Pirates de Johnny Kidd qui ouvrit la route à Dr Feelgood que du combo de Wilko Johson lui-même. L'a même joué en première partie des Who.

 

 

Ian Dury s'est senti appelé à quitter son job de professeur dans une école d'art le jour de la mort de Gene Vincent. Le lecteur futé fera les connections nécessaires avec notre chronique de la semaine dernière et la thèse défendue par Mik Farren. Ian Dury se séparera en 1975 de son premier groupe Kilburn and The High Roads pour former Ian Dury and the Blockheads, plus proche de ses aspirations. Coup sur coup il sortira en 1977 deux singles qui marqueront les esprits.

 

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Nous n'épiloguerons pas sur Sex, Drugs and Rock au titre lapidaire et définitif. Jamais une définition aussi concise et aussi outrageuse du rock n'avait été formulée jusques à lors. Le pire c'est que depuis, personne n'a trouvé mieux. Sweet Gene Vincent remit les pendules à l'heure. Sans doute à un niveau intimement personnel y avait-il une identification sentimentale entre le leader des Blockheads et le meneur des Blue Caps. Dury souffrait, depuis sa petite enfance, d'une malformation de la jambe... ne vivra pas vieux dans son corps rabougri à tendance mongoloïde et ravagé par la maladie.

 

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Mais ce morceau très inspiré des brisures rythmiques chères à Gene Vincent rappelait à tous que la colère punk n'était pas très éloignée de l'explosion rock des années cinquante. Même impatience, même hargne dévastatrice, même si vingt ans après 1956, la jeunesse a perdu beaucoup de sa naïveté et de son optimisme.

 

 

X

 

 

Où l'on retrouve Gene Vincent. Comme quoi les cats du rockabilly peuvent bien accoucher des chiens du punk ! Tyson Kindell accompagnera Gene Vincent sur scène en 1971. Guitariste studio, reconnu comme un des plus grand gratteux rock, toutes générations confondues, il est aussi un véritable sorcier de l'ampli. Vous le connaissez mieux sous le nom de Billy Zoom qu'il adotera en 1977 lorsqu'il fondera à Los Angeles le groupe X après s'être enthousiasmé pour le premier 45 t des Ramones.

 

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We're Desperate produit par Dangerous Record est leur premier simple. Du pur punk, mais joué par des maîtres. Avec au chant John Doe ( + bass ) et sa petite amie Exene, le groupe enfonce les portes fermées de la réussite. Très vite, trop vite, il sera remarqué par Ray Manzarek des Doors - souvenons-nous de l'amitié qui unit Gene Vincent et Jim Morrison pour comprendre la signifiance généalogique de cette rencontre – qui les fera enregistrer chez Elektra. On eut préféré que X ait poursuivi son chemin tout seul, par ses propres moyens. X possédait d'office tout ce que, à leur début, l'amateurisme des Cramps les força à inventer. Trop doué, le groupe ne sut jamais comprendre les attentes du public. Il leur manqua ce zeste d'improvisation souveraine et de folie furieuse qui fait toute la différence. Ils auraient pu inventer le psychobilly, mais ils n'eurent pas le réflexe de déposer les brevets. Ces dernières années, très symptomatiquement le groupe est rentré au bercail country sous le nom de Knitters. Rien de tel que l'écurie de départ pour jouir d'une paisible retraite.

 

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THE NIPPLE ERECTORS

 

 

Comme par hasard c'est un des groupes britanniques les plus bordéliques qui aient jamais existé qui réalisèrent sur notre continent la première fusion réussie du punk et du rockabilly. Rien à voir avec les reprises d'Eddie Cochran par Sid Vicious qui ne sont que des resucées de ce qu'avaient déjà effectué les Who, voire presque dix ans auparavant les Blue Cheers, car c'était là des avancées vers la déclinaison des prémisses du hard rock plus qu'un retour aux bases du rockabilly.

 

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Le premier simple des Nipple Erectors, The King of the Bop, nous aide à comprendre l'appellation Bop du Blitzkrieg des Ramones. C'est tout simplement un morceau de Rockabilly joué par des punks, les guitares à fond et pas le temps de marquer les syncopes. Un peu comme si vous accélériez la bande d'un vieux Crazy Cavan. Si vous voulez une autre comparaison, c'est comme du Cochran expédié à toute vitesse parce que la piste qui vous reste ne peut contenir qu'une minute vingt-huit secondes de cent-quinze secondes du C'mon Everybody, mais que vous désirez à tout prix saisir en son intégralité. Avez-vous remarqué que dès que l'on commence par parler de Vincent, Cochran, se radine. Inséparables.

 

 

Mais les Nipple Erectors menés par Shane Mcgowen – un échappé du Bromley Contingent qui finira par fonder the Pogues – étaient trop foutraques pour s'arrêter en si bonne compagnie. Comme beaucoup de groupes – tels les Flamin'Groovies ou les Cramps – ils ne cessèrent d'osciller entre le retour vers un rock originel d'origine américaine et la rhythm'n'bluerisation survitaminée ou la popérisation adoucissante que lui lui firent subir les britih combos entre 1965 et 1967...

 

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Trop instables les Nipples Erectors se feront damer le croupion par les Cramps qui les précédèrent, mais surtout par les Stray Cats de Brian Setzer... Mais ceci est une autre histoire. En attendant tout le mal que je puisse vous souhaiter est que le gentil Papa Noël à la robe sanguinolente n'oublie point de déposer ce BLITZKRIEG PUNK du Géant Vert dans vos petits souliers. En croco. Qui puent.

 

Damie Chad.

 

 

 

IL ETAIT UNE FOIS JOSEPHINE BAKER.

 

CLAUDE DUFRESNE.

 

Michel Jalon. 2006.

 

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Née en 1906, douze ans après Bessie Smith, à Saint Louis la ville du blues et de Chuck Berry. Nous ne nous attarderons pas sur son enfance de misère. Cela lui forgera le caractère. Elle aime la vie plus que tout. Deux fois mariée à seize ans. Ne regarde jamais en arrière ce qui ne signifie pas qu'elle oubliera d'où elle vient. Veut croquer la vie à pleine dents. La grosse pomme aussi. Cessez de penser à ce qui se cache sous la ceinture. De bananes. Je ne faisais allusion qu'à New York.

 

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Elle est montée à la métropole pour faire fortune. Elle parvient à se faire embaucher dans la troupe qui donne Shuffle Along à Broadway. Une opérette entièrement jouée par des noirs. Elle n'est qu'une gamine parmi tant d'autres. Se fait remarquer, non pas à New York, car elle débute dans la seconde division, dans la troupe d'appoint, celle qui tourne dans les villes de province. Ce qui est peut-être sa chance. Car elle peut prendre davantage de liberté avec la chorégraphie. Délurée, exubérante, à force de grimaces et de cabrioles diverses elle capte l'attention du public... et de Caroline Dudley qui n'est autre que l'épouse de l'ambassadeur des Etats-Unis en France. Ce qui explique pourquoi elle débarque en notre pays au mois d'octobre 1925.

 

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Jusques alors Joséphine Baker est la digne héritière des Minstrels et du Vaudeville noir. Elle est ce que l'on pourrait appeler une danseuse comique. Ce qui ne fait pas l'affaire du directeur du Théâtre des Champs Elysées. Quand il a vu débarquer cette tribu de nègres en folie – elle emmène avec elle un certain Sydney Bechet qui aura le rôle de vendeur de cacahuètes dans le spectacle - Claude Daven s'est un peu inquiété. Mais une fois les bons sauvages en répétition son moral tombe en berne. Sont trop sages. Imaginez que la vedette numéro 1 de la troupe Maud de Forest est une chanteuse de blues ! Et c'est avec cette tristesse que vous voulez amuser le gai Paris ! En plus leurs danses sont d'un conformisme déplorable. Y a plus d'érotisme feutré dans un menuet libertin du temps de Louis XIV que dans leurs timides trémoussements.

 

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Foin de la prude Amérique ! Mort au puritanisme protestant ! Heureusement que cette petite négresse au bout de la file n'a pas froid aux yeux. L'aurait plutôt le cul torride. Même que ça ne la dérange pas de l'exhiber sous toutes les coutures à tout le monde. Et même au monde entier.

 

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La Revue Nègre sera un immense succès. Elle lance la carrière de Joséphine Baker. Elle secoue salement le cocotier des conventions bourgeoises. Ce n'est que du charleston, mais quand on pense au tohu-bohu qu'engendrera le twist trente cinq ans plus tard, l'on peut se faire une idée de scandale.

 

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Sans doute La Revue Nègre n'aurait jamais connu un tel succès si elle n'avait été suscitée et encadrée et défendue par toute une élite culturelle : souvenons-nous des masques nègres dont la mode est lancée par Picasso et Fernand Léger et les thèmes de blues et de jazz développés par Debussy et Ravel...

 

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Joséphine Baker continuera la carrière que l'on connaît. Amants, maris et succès se succèdent. Elle jette l'argent par les fenêtres et réalise tous ses caprices. Avec elle l'on ne s'ennuie jamais, son guépard qui saute dans la fosse d'orchestre en plein spectacle, son chien qui passe la douane sous son manteau de fourrure... Plus les années passent plus son corps se couvrira de somptueuses et extravagantes toilettes. De même sa danse noire s'européanisera peu à peu. Ses chansons ressembleront davantage à Mistinguett qu'à celles de Bessie Smith... Le public lui restera fidèle. Ruinée, elle mourra, pratiquement sur scène à l'âge de soixante neuf ans. Au terme d'un parcours semé d'embûches mais sans faute. Française d'adoption elle participera dans les services secrets de la France Libre à la Résistance, elle sera aussi aux côtés de Martin Luther King pour la longue lutte des Droits Civils. Une vie très rock'n'roll remplie de sexe et de loufoquerie...

 

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Elle se lança vraiment dans la chanson en 1931, ignorez ses grands succès procurez-vous plutôt ses enregistrements de l'an de grâce 1927. Elle y est accompagnée par le Jacob's Jazz Band, un groupe belge avec Kenny Durand à la basse, Sacha Grauman aux drums, Leon Jacobs à la trompette, Napolitano à la clarinette, Marcel Raskin au piano, Oscar Thisse au saxophone, et René Lovinfosse au Trmbonne, un véritable orchestre de jazz qui fait bonne figure quand on le compare aux formations américaines. Certains morceaux sont accompagnés par le Olivier'Boys Jazz mais l'on remarque surtout la présence de Marc Bragiotto ( décédé en 1996 ) qui fit une importante carrière internationale, notamment aux Etats-Unis - tant en compositeur et interprète de musique classique que populaire. N'est pas tout seul puisqu'il forme un duo de pianistes avec Jacques Fray. C'étaient alors des jeunes gens qui avaient du flair, tous deux rendront visite à Gershwin lors de sa venue à Paris en 1928 dans le but de recueillir la parole du maître. Par la même occasion Gerswhin rencontrera Prokofiev et Kurt Weil. Tout le monde se souvient de l'adaptation d'Alabama Song de Kurt Weil sur le premier disque des Doors... Le monde est vraiment petit. De même l'un des morceaux de ces sessions sera repris par Amy Whinehouse. Etrangement Jacques Fray est aujourd'hui surtout connu pour son portrait réalisé par Auguste Renoir alors qu'il n'était qu'un... bébé !

 

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Si ces années 20 furent appelées années folles c'est peut-être parce que pour la première fois la grande culture européenne blanche osa flirter avec la musique populaire noire afro-américaine... Dans cette même période qui assista à la montée du fachisme... Si rien n'est jamais perdu, rien n'est jamais gagné.

 

Damie Chad.

 

 

 

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