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13/12/2016

KR'TNT ! ¤ 307 : PIXIES / EL CRAMPED / CULTURE LUTTE / NO HIT MAKERS / RUST / ROCK'N'BONES / LES CHAMPIONS / PRESIDENT ROSKO / POGO CAR CRASH CONTOL / SIDNEY BECHET /

 

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 307

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

15 / 12 / 2016

PIXIES / EL CRAMPED /

CULTURE LUTTE / NO HIT MAKERS / RUST

ROCK'N'BONES / LES CHAMPIONS / PRESIDENT ROSKO

POGO CAR CASH CONTROL

SYDNEY BECHET

Have you seen the little
Pixies crawling in the dirt ?

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En apparence, les Pixies n’ont pas vraiment de lien direct avec les Beatles qui, rappelez-vous, nous chantaient «Piggies» sur l’Album Blanc. Il s’agissait d’un subtil hommage aux petits cochons qui se vautrent dans la bouillasse. Mais si on y regarde de plus près, le parallèle devient vite évident. Prenons justement l’Album Blanc comme point de repère. Les Pixies sont à l’image des Beatles de l’Album Blanc : divers, c’est-à-dire pop, rock et surtout novateurs, parfois exotiques, toujours fascinants, parfois diablement raunchy, mélodiques et surtout capables de miracles. Pour ceux qui ont grandi en écoutant l’Album Blanc, le souvenir des moments d’écoute quasi-religieuse reste très présent. Avec les Pixies, c’est exactement la même chose. Leur reprise de «Head On» vaut bien le carnage d’«Helter Skelter». La magie de «Letter To Memphis» vaut bien celle de «Why My Guitar Gently Weeps». On se pelotonnait à l’époque dans le confort de ce double album magique, de la même façon qu’on se pelotonnait dans les années 90 dans le confort de Trompe Le Monde. Car c’est l’un des chefs-d’œuvre absolus de l’histoire du rock.

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On ne compte pas moins de quatre coup de génie sur cet album, notamment cette version vertigineuse du «Head On» des Mary Chain. Le gros donne libre cours à sa folie - I’ll take myself to the dirty part of town/ Where all my troubles can’t be found - et s’en va valser dans les orties. Tous ceux qui ont joué «Head On» dans un groupe ont vite laissé tomber la version originale des Mary Chain - trop balloche - pour revenir à celle-ci, à condition bien sûr de disposer du chanteur qui allait avec. S’ensuit un «U-Mass» aussi fatal - Oh kiss the sky/ Oh kiss my ass - joué au stomp pixique, qui est l’une des spécialités du gros - It’s educational ! - On ne se rendait pas compte à l’époque comme le gros nous gâtait. C’est souvent comme ça, quand on traverse une tranche de vie heureuse, on ne sait pas mesurer la chance qu’on a. Et puis bien sûr, on finit par tomber sur «Letter To Memphis» qui reste certainement l’un des sommets de l’art pixique. On y vit en direct une descente dans l’enfer du paradis des guitares de rêve. C’est une aubaine inégalable. Frank Black devient ici une sorte de visionnaire du rock comme le fut Dylan en 1965, et le trying to get to you se fond dans l’épiderme du cortex qu’aiguillonnent encore les tortillettes de Joey Santiago. On a là du pur génie sonique. Le gros nous embarque au-delà des modes, au-delà du temps et des choses. Comme savait si bien le faire John Lennon. On a encore des merveilles à savourer sur ce disque, comme «Palace Of The Brine», hit admirable d’I saw the crawling of the famous family et les infra-sons gorgent la peau de frissons. Le gros nous saccage «Planet Of Sound» à coups de riffs vengeurs et nous chante ça à la niaque des cavernes. En B, on tombe dans les bras de «Bird Dreams Of The Olympus Mons», une belle pop de caractère, comme tendue vers l’horizon. Mais avec le gros, ça se déploie et ça tourne au vertige. Et puis on a ce «Space» amené aussi comme un hit avec son Jeffrey with one f, et ça vire au classique dans l’instant. Le gros n’en finit plus d’emmener sa horde à l’assaut des hit-parades. Quand on écoute «Distance Equals Rate Times Time», on sent bien l’absolutiste, le tenace qui ne cédera jamais à la médiocrité. Il reste encore un cut magique sur cet album, «Motorway To Roswell» qui sonne d’emblée comme un hit planétaire - Last night he coundn’t make it/ he tried hard but he couldn’t make it - Le gros fait un hit d’un aveu d’impuissance et bascule dans le grandiose. On entend tout simplement chanter un géant radieux.

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Trompe Le Monde fut leur dernier album, et Come On Pilgrim le premier. Mis à part «Caribou», on s’y ennuie comme un rat mort. Le gros chante son Caribou à la dégueulade angélique. Jon Dolan : «Le chant de Francis dans ‘Caribou’ est la meilleure punk rock physical comedy depuis Johnny Rotten.». Toutes les caractéristiques de son génie s’y bousculent déjà au portillon. En réalité, Come On Pilgrim fut un mini-album tiré d’une démo intitulée The Purple Tape enregistrée à Fort Apache. Paul Kolderie affirme que tous les grands hits des Pixies existaient déjà à cette époque : «Subbacultcha», «Dig For Fire» et «Here Comes Your Man» que Frank et les autres appelaient le Tom Petty song, car trop poppy. C’est en écoutant The Purple Tape qu’Ivo Watts-Russell, le boss de 4AD à Londres, craqua pour les Pixies et qu’il les signa sur son label. C’est donc un Anglais qui mesura aussitôt le potentiel du gros. Les labels américains n’avaient rien compris, à l’époque.

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Dans leur recueil de témoignages intitulé Fool The World - The Oral History Of A Band Called Pixies, Josh Frank & Caryn Ganz vont même très loin en affirmant que les Pixies sont le groupe quintessentiel de l’époque et que leur son à base de hurlements, de textes surréalistes, d’alternances de calme et de tempête, de guitare surf, de délicates basslines et de pilonnage de caisse claire est tout simplement resté inégalé. Sans les Pixies, pas de Nirvana. James Iha, le guitariste des Smashing Pumkins, ajoute que Nirvana et les Pixies avaient en commun ce goût de la demented pop, mais Nirvana était beaucoup plus commercial que les Pixies. Il faut savoir que le gros avait une sainte horreur des vidéos commerciales et qu’il refusait de mimer le chant devant une caméra. No way !
Tout le monde sait que Buñuel le fascinait. Mais David Lynch aussi. L’art libre de Frank Black ne sort pas de nulle part, et surtout pas de la cuisse de Jupiter. Il cite David Lynch comme l’une de ses principales influences : «Il te montre quelque chose, sans avoir à l’expliquer.». Tanya Donelly raconte qu’une nuit à Berlin, le gros n’avait pas envie de dormir. Alors, il lui fit une proposition : «Roulons dans Berlin toute la nuit en écoutant ‘The Passenger’ d’Iggy.». Ce qu’ils firent. «The Passenger» over and over and over again. Tanya fut enchantée : «It was just a really nice night !»

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C’est avec «Where Is My Mind» qu’il attaque son set au Zénith de la porte de Pantin, par ce beau soir de novembre. Revoir les Pixies sur scène, c’est un peu comme aller au cirque quand on est gosse : on sait d’avance qu’on va bien s’amuser et qu’on va bien se régaler.

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Adulte, on sait qu’on va voir un génie à l’œuvre, un gentil géant descendu de sa montagne pour nous faire passer une bonne soirée. Les concerts des Pixies ont toujours été des concerts exceptionnels, au moins autant que ceux des Stooges et du Velvet. Les Pixies font partie des groupes qui atteignent le sommet de ce qu’on pourrait appeler l’art rock, ce singulier mélange d’invention, de puissance, de son et de mélodie.

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Frank Black a toujours su diversifier ses chansons et créer de l’émotion. L’amie qui m’accompagnait ce soir-là ne connaissait pas très bien les Pixies, et pourtant, elle a dansé pendant presque deux heures, comme ballottée par une marée de son. Frank Black remue les esprits et les corps, et lorsqu’il hurle, il crée une sorte d’osmose cathartique à laquelle personne ne peut se soustraire. Avec le temps, son art atteint de nouveaux sommets. On pense à un capharnaüm grandiose imaginé par Piranese, on pense à une tour de Babel dressée dans le monde moderne par ce Breughel du rock qu’est Frank Black On le sait depuis longtemps, cet homme ne se connaît pas de limites, et il nous offre ce sentiment d’infinitude en partage. Il a créé son monde pour le partager avec nous, comme s’il cuisinait un gâteau extraordinaire et qu’il nous conviait à venir le déguster. Chez lui, on se sent en sécurité. On va même chez lui les yeux fermés.

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Dans l’univers de Frank Black, il n’existe pas la moindre petite trace de médiocrité. Il veille à ce que tout reste bien baudelairien, au sens du calme, du luxe, de la volupté, et du scream. Sur scène, il enfile tous ses hits comme des perles, les «Break My Body», les «Gouge Away», les «Monkey Gone To Heaven» et là, juste à côté de nous pauvres pêcheurs, deux filles dansent mollement et entrent en transe, avec les yeux blancs, et puis «Caribou» justement, un véritable enchantement, la magie de gros se répand sur Paris qui redevient l’espace de deux minutes la ville lumière, et «Wave of Mutilation» que tout le monde semble connaître par cœur, et «Tame», hurlé à la vie à la mort, et bien sûr l’immensément immense «Debaser» et tout autour jaillissent des chiens/ andalou/sia, et puis voilà l’it’s educational de «U-Mass» qui nous tombe sur la tête comme le ciel au temps des Gaulois. Ah ça ne finira donc jamais, comme disait Moloudji au temps de l’album communard ? Ils reviennent pour deux titres, le «Vamos» des débuts, et nous envoient rôtir en enfer avec «Into The White».

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Le deuxième album des Pixies parut en 1988. Bientôt trente ans ! Il s’appelait Surfer Rosa. Ivo Watts-Russell recommanda Steve Albini pour produire l’album. Mais il se trouve qu’Albini n’aimait pas la musique des Pixies. Il était à l’époque une sorte de radicaliste au crâne rasé, amateur de hardcore, de Pistols et de Ramones. Mais il trouvait Kim Deal très douée et le gros assez unique. Dès «Bone Machine», les Pixies donnaient libre cours à leur groove têtu. On avait même l’impression que l’affreux Frank Black tordait le bras de son groove pour le faire grimacer. Il poussait des petits cris de hyène andalouse. C’est dingue ce qu’à l’époque il pouvait adorer Buñuel. Et ça virait à l’excellence, avec ce chant à deux voix. Bienvenue au twisted world des Pixies ! Les compos du gros ont une sacrée particularité : elles sonnent souvent dès les premières mesures comme des hits. Exemple : «Break My Body», monté sur un riff impérieux. Le gros a l’art et la manière d’allumer un hit comme on allume un spliff. L’autre bombe de l’A, c’est bien sûr le «Gigantic» que chante Kim Deal, «Gigantic» d’autant plus énorme qu’elle chante ça à l’ingénue édulcorée et que Joey Santiago y place un spectaculaire solo ambiancier. En B, on tombe tout de suite sur l’un des grands hits pixiques, «Where Is My Mind», une traînarderie insidieuse. Le gros s’amuse à torturer la fille des muses, il lui fait subir les pires outrages sur fond de beat bass-drum très ralenti. Au travers de ces morceaux, les Pixies bâtissent un nouveau monde.

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Les hits pullulent sur Doolilttle qui parut l’année suivante. Coup de génie d’entrée de jeu avec «Debaser», hit universel. Ce qui fait sa grandeur, c’est le décalage entre la folie du gros - chien andalousia - et la pureté du thème mélodique. Le gros fut le seul à l’époque à réussir un coup pareil. Le festival se poursuit avec «Tame», un savant mélange de démence dans la partance et de beat poppy. La force du gros, c’est de savoir ouvrir un abîme et de s’y jeter avec tout son orchestre. S’ensuit «Wave Of Mutilation», un autre hit universel monté sur un thème glorieux et pulsé comme il se doit. Kim Deal joue une bassline de rêve et le gros chante à l’éclat du temps. Fucking genius ! À l’époque, on appelait ça de la pop indé, mais c’est probablement ce qui s’est fait de mieux depuis l’âge d’or des Beatles. Il reste encore un hit puissant et bien martelé sur cette face : «Monkey Gone To Heaven». On y assiste à une magnifique progression vers le firmament. Rien ne pouvait alors résister aux Pixies. On trouve d’autres hits, de l’autre côté, comme «Crackety Jones», ou un «Gouge Away» chanté une nouvelle fois au bord de l’abîme, mais la démesure de l’A fait défaut.

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Avec les Pixies, on s’habitue vite aux coups de génie. Bossanova qui parut un an plus tard en proposait au moins trois, à commencer par «Rock Music» qui bat tous les records d’insanité. Il faut entendre le gros hurler comme un porc - My brain ! - C’est un pur chef-d’œuvre d’insanité pulsative. En B, se niche l’effarant «Down To The Well», écarlate de puissance, oh qui dira l’immensité du don ? Qui dira la démesure du scream par delà les frontières du réel, qui dira la puissance du gros et la portée de sa vision ? Il achève son hit à coups de screamadelica. Tout aussi énorme, voilà «The Happening», joué au heavy beat sur une progression bien lourde. Voilà un joli poids jeté dans la balance du rock sempiternel. «Hang Wire» sonne aussi comme un hit profond et généreux qui s’adresse à la terre entière. Ces albums révèlent une profonde humanité, une épaisseur de la chair, à l’image du gros. «Velouria» sonne comme un hit pop. Comme ceux des Beatles, ce hit entre dans l’inconscient collectif. Le monde entier connaît l’air de «Velouria». Le gros amène aussi «Is She Weird» au beat de la menace. Grâce à la basse de Kim Deal, on a une profondeur de son extraordinaire. Le gros met ses dynamiques en route pour mieux broyer le cortex du contexte. Voilà la grande force des popsters de haut vol : il savent imposer un thème pour qu’il sonne comme un hit. Même chose avec «All Over The World», doté de la même puissance mélodique. Si ce n’est pas un hit, alors qu’est-ce que c’est ? Le gros finit l’album avec «Havalina» qui est le chant du paradis. Celui qu’on entend lorsqu’on meurt enfin.
Dans la presse anglaise, un nommé Mat Snow qualifia les Pixies de maîtres de l’incongruité calculée. Et Ian Gittins dans feu le Melody Maker affirmait bien haut que les Pixies étaient le meilleur groupe de la planète. Here we go !
Oh et puis vint le split. Le gros vira Kim Deal qui, pétée, avait raconté des conneries dans une interview. Le gros annonça la fin du groupe par fax : «Je ne voulais pas de confrontation avec les autres. Je ne voulais pas qu’on discute de ça dans une réunion. Je n’étais pas heureux dans ce groupe et je l’ai quitté.». En fait, il fit bien d’arrêter le groupe à temps. Comme dirait J. Mascis : «J’imagine qu’on peut rester dans une groupe jusqu’au bout et, comme les Ramones, tous mourir d’un petit cancer.»

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On n’y croyait plus, et pourtant le miracle a fini par s’accomplir : les Pixies sont retournés ensemble en studio pour y enregistrer un nouvel album, l’excellentissime Indie Cindy. Deux cuts sortent du lot, «Blue Eyed Hexe» et «Andro Queen». Hexe parce que ça sonne tout de suite comme une extravagance riffale à la «U-Mass», avec en prime des paroles aventureuses. Le gros nous fait même un couplet entier à la hurlette, comme au temps béni du concert à l’Olympia, quand il passait la tête sous le micro pour hurler comme un goret qu’on tire par les oreilles pour le hisser jusqu’au croc. Andro parce que joué à la reverb magique - Have you ever seen Andro Queen/ Wandering all for her ruby - Voilà ce dont est capable cet immense poète surréaliste qu’est Frank Black. Il perpétue une essence perdue depuis l’éviction d’Artaud du Groupe Surréaliste. Ce cut est joué aux infra-basses dans une extraordinaire tension poétique. Vous ne trouverez pas ça ailleurs. Les bons cuts pullulent sur ce double album qui se joue en 45 tours. Le gros retape dans sa belle veine mélodique avec «What Goes Boom» et provoque quelques belles montées de fièvre - Grace in her face - C’est l’un des songwriters les plus doués d’Amérique. On reste dans l’excellence mélodique pour «Greens And Blues» qu’il chante d’une voix apaisée, presque duveteuse. Mais cette fois, il laisse la démesure au vestiaire. Retour aux vieux accents colériques pour le morceau titre - Indie Cindy be in love with me/ I beg for you to carry me - On retrouve la belle colère de «Subbacultcha». Puis on l’entend enflammer la fin de «Bagboy», un cut joué au bass-drum de hip hop et on tombe en bout de B sur une autre merveille, un «Silver Snail» en trois dimensions : poétique, dramatique et mélodique - I could sleep with a loaded gun/ In a room with a lightbulb sun - Pure magie qui vaut bien le «Happiness Is A Warm Gun» de John Lennon, n’est-il pas vrai ? Il faut hélas bien se rendre à l’évidence : tous les cuts sont bons sur ce disque. On est une fois encore confronté à un problème d’une extrême densité. Trop d’oxygène, comme dans les textes de Picabia. Écoutez la belle pop lumineuse de «Ring The Bell» ou encore celle de «Snakes». Tout ce qu’il compose passionne profondément. Il finit cet album éprouvant pour les sens avec «Jaime Bravo», une mélodie fusionnelle qui flirte dangereusement avec le firmament. Mais chez le gros, c’est une spécialité.

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Et pouf, voilà que tombe du ciel Head Carrier, un nouvel album des Pixies. C’est inespéré. Pourquoi inespéré ? Parce qu’on y trouve deux nouvelles preuves de l’existence de Dieu : «Bel Esprit» et «All I Think About Now» chanté par Paz Lenchantin, la petite brune qui a remplacé Kim Deal. Les Pixies ont joué ces deux merveilles au Zénith, et je vous prie de croire que les frissons nombreux étaient au rendez-vous. Sur «Bel Esprit», le gros partage le chant avec Paz. Ils renouent avec l’ambiance magique de «Letter To Memphis». Joey crée l’ambiance avec son titillement mélodique et le gros suinte le chant qui en réalité est un chef d’œuvre d’auto-dérision - He’s not much of a bel esprit/ She can’t seem to understand him/ A bit more like a chimpanzeee - Et il ajoute, stoïque - That’s the way of this man - Oui, il faut le prendre comme il est, pas très bien dégrossi. On reste dans la magie pure avec «All I Think About Now». Paz chante au filet de voix comme Kim - If I could go to the begin/ ing/ I would be another way - Devant un tel chef d’œuvre de délicatesse mélodique, on pense bien sûr à John Lennon qui après avoir composé des merveilles comme «Dear Prudence» ou «Sexie Sadie» était capable de revenir quelques années plus tard avec «Jealous Guy». C’est la raison pour laquelle il faut suivre le gros à la trace. C’est l’un des derniers artistes capable de faire des miracles, en Occident. Et quand on entend un truc comme «All I Think About Now» dans la fosse du Zénith, on pense bien sûr à un miracle. Le reste de l’album se tient à un très bon niveau pixique, ne serait-ce que par le morceau titre qui fait l’ouverture, monté sur un heavy beat finement teinté d’harmonies à la Roswell. Quel magnifique chanteur que ce gros lard. Encore typique de l’attaque pixique, voici «Classic Masher». On y voit le gros affronter la mélodie comme il sait si bien le faire. Il envoie sa chanson papillonner par dessus les toits, avec la grâce d’un Paul Verlaine du rock moderne, suprêmement dopé à la fantastica. Puis il revient à sa chère folie dévastatrice dans «Ball’s Back». On retrouve cette hurlette vacharde qu’on aime tant. Wow, quel merveilleux mécontent, quelle belle boule de pus colérique ! Le gros fait ce qu’il veut du rock, depuis toujours, et sans produire le moindre effort, comme le souligne Bowie dans Gouge. «Talent» glisse tout seul, comme huilé, c’est un rock oblong qui file à travers les étoiles. Ils terminent cet album fascinant avec «All The Saints» monté sur une merveilleuse bassline dodue et bien douce. Paz sait jouer, c’est une bath du bassmatic.

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Les fans des Pixies sont gâtés : il existe un DVD paru en 2004 qui propose un concert des early Pixies à Londres et Gouge, un documentaire racontant leur histoire. Le concert vaut bien sûr le détour, car Frank Black est encore très jeune, il a tous ses cheveux et porte un T-shirt trempé de sueur. Kim chante en rigolant et Joey joue sur une Les Paul en or. Ils sont tout simplement fascinants, car ils ont déjà les chansons. Dès «Levitate Me», les cuts se mettent à sonner comme des hymnes et «Caribou» vire à la magie pure. Le moment le plus intense de ce vieux concert est certainement celui du cut de Kim, «Gigantic». Elle est poignante, et ça marche à tous les coups. Chaque fois qu’elle attaquait «Gigantic» en concert, le public chantait avec elle. Puis le gros revient faire des siennes avec «In Heaven». L’ancienne définition de la puissance était la suivante : se tenir au coin d’une rue et n’attendre personne. La nouvelle : Frank Black chantant «In Heaven». Et ils terminent avec un hommage mythique aux Beatles, avec «Wild Honey Pie», comme par hasard. Frank Black : «‘Wild Honey Pie’ n’est pas ‘Hey Jude’ ni ‘Revolution’, c’est juste un truc bizarre qu’ils ont enregistré un jour sur une cassette.». C’est une façon de dire qu’il aime bien travailler ainsi. Sur ce DVD on voit aussi un docu intitulé On The Road, mais il ne s’y passe rien de très intéressant. C’est Gouge qui emporte la palme, car les Pixies et des gens comme Bowie, Tim Wheeler, les mecs de Blur et de Radiohead, Bono et PJ Harvey racontent l’histoire de ce groupe hors du temps - A band incredibly clever - Oui incroyablement intelligent, tout est dit ! PJ avoue que Surfer Rosa est son album préféré, elle se dit fascinée par Charles, c’est-à-dire le gros, à travers les paroles qu’il écrit. Et Bowie n’en finit plus de rendre hommage au génie des Pixies - It’s done so effortlessly - Il a tout compris, les Pixies ne font aucun effort, c’est dans leur nature d’être géniaux, et il ajoute : One of the strongest songs I’ve heard is «Debaser» - et il conclut avec un dernier hommage au gros : On stage, he’s a mass of screaming flesh - Nouvelle définition de la puissance.
Bowie ne croit pas si bien dire, car le gros écrit ses paroles sur une nappe en papier cinq minutes avant de les enregistrer : «Des fois c’est bon, des fois c’est pas bon. That’s just the nature of that songwriting.»

 

Signé : Cazengler, pixé de la ruche


Pixies. Zénith. Paris XIXe. 23 novembre 2016
Pixies. Come On Pilgrim. 4AD 1987
Pixies. Surfer Rosa. 4AD 1988
Pixies. Doolilttle. 4AD 1989
Pixies. Bossanova. 4AD 1990
Pixies. Trompe Le Monde. 4AD 1991
Pixies. Indie City. Pixiesmusic 2014
Pixies. Head Carrier. Pixiesmusic 2016

Josh Frank & Caryn Ganz. Fool The World - The Oral History Of A Band Called Pixies. Virgin Books 2008
Pixies. DVD 2004


Viva El Cramped

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La scène se déroule en 2037, dans l’une des loges du Budokan, à Tokyo. Au terme de vingt ans de tournées dans le monde entier, El Cramped, célèbre cover-band des Cramps, y donnait son concert d’adieu. Ah c’est sûr, le Professor et le Loser ont pris un sacré coup de vieux, mais ils n’ont rien perdu de leur manie de vouloir s’amuser coûte que coûte. Ils sifflent une dernière bouteille au goulot avant d’aller coucher au panier.

— À la vôtre, Professor !
— C’est dommage qu’on arrête le groupe, Loser, on s’amusait drôlement bien...
— Oui, c’est vrai, mais regardez-vous, Professor, vous ressemblez au Père Noël, maintenant, et moi aussi d’ailleurs. On a vraiment l’air cons tous les deux avec nos grandes barbes blanches ! Même si on aime bien Lux et jouer les vieux cuts des Cramps, je crois qu’il faut se faire une raison et lâcher l’affaire... Mais n’ayons aucun regret, car si vous y réfléchissez bien, vous constaterez que nous n’avons que des bons souvenirs !
— Ça paraît logique, Loser, puisque nous n’avons joué que dans des Lux Lives. Ça nous a comme qui dirait immunisé contre la médiocrité. No sell out ! Ahhh quand j’y repense, qu’est-ce que j’ai pu adorer notre premier Lux Lives à Glasgow ! Putain, les boîtes de bière qui volaient partout, les mecs nous balançaient des chaises, vous vous souvenez comment j’ai failli prendre une brique en pleine gueule ? Yurk !
— C’était chaud mais quelle rigolade ! Ah les Écossais y savent faire la fête !
— Et la hache qui s’est plantée dans l’ampli basse, comme au concert de Suicide ! On se serait cru dans un western, quand les Indiens attaquent Fort Navajo !
— Vous avez raison Professor, c’est l’un de nos meilleurs souvenirs !
— Sean m’avait prévenu : s’ils sont contents, ils vont lancer des haches ! C’est comme ça à Glasgow. Et il avait ajouté : essaye de ne pas te trouver dans la trajectoire ! ha ha ha !
— Franchement, Professor, je préfère voir arriver une hache plutôt que d’entendre hurler toutes ces dingues de Japonaises ! Elle m’ont pété les oreilles, enfin ce qu’il en reste !
— J’aime bien ces gamines japonaises en uniformes, elles me font penser à la collégienne-killer de choc de Kill Bill. Puisqu’on parle de chair fraîche, vous souvenez-vous de ces belles gonzesses à poil qui dansaient au premier rang, au Lux Lives de Miami, sur la plage ? J’avais même pas besoin de leur faire l’article en leur chantant Naked Girl, ha ha ha ! Dommage que le vieux Marcel n’ait pas pu voir ça !
— Vous saviez que Duchamp avait du mal à pisser ?
— C’est pour ça qu’il a exposé un urinoir ?
— Oui, il adorait uriner sur le rat nu d’Uranus !
— Revenons aux choses sérieuses, Loser ! Vous souvenez-vous du Lux Lives qu’on a fait à Munich, et de ce mec qui nous a balancé des tas de têtes de chat ?
— Ah votre copain Michael ! Lui au moins, il avait tout compris ! Crampologue averti, teenage tiger éternel, aussi goo-goo que vous, Professor. Quelle rigolade ! Si seulement la SPA avait pu voir ça, oh la tronche qu’ils auraient tiré, les béni-oui-oui !
— Et le Lux Lives de Boston, Loser ! Quand on a tout cassé sur scène, la basse, la Gretsch, tout y est passé, un concert fabuleux ! Franchement digne des Who en 1966 !
— Et vous savez qui a ramassé les morceaux ?
— Yep ! Kogar ! Il a même fait plusieurs voyages pour tout récupérer, y compris le pied de micro que j’ai réussi à tordre en huit, ce que Lux n’avait jamais réussi à faire. Oh et puis le Lux Lives de Bangui ! Vous vous souvenez, ce dingue de blackos qui l’organisait m’avait offert un boa constricteur et me l’avait installé autour du cou, là comme ça, splouch ! Il m’a confondu avec Alice Cooper, cet abruti ! Pendant tout le début du set, ce putain de boa n’a pas bougé, et en plein New Kind Of Kick il a commencé à me serrer le kiki ! Yurk ! Méchante saloperie ! Il a bien failli m’étrangler ! Ahhh la vache ! Je ne pouvais plus m’en débarrasser ! Et personne n’est venu à mon secours ! Personne n’a bougé le petit doigt ! Ah elle est belle la solidarité dans les groupes ! On peut crever et tout le monde s’en bat les couilles, hein ?
— Mais il fallait bien continuer à jouer, Professor ! Mais vous étiez fantastique, car c’est la seule fois où vous avez vraiment hurlé kiiiiiiiiiiiiick et que vous vous êtes roulé par terre ! Vous sembliez vraiment possédé par le voodoo des Cramps ! C’était absolument fa-bu-leux ! C’est un guide de brousse présent au concert qui vous a sauvé la vie. Il a sorti sa machette de l’étui et tranché la tête du boa d’un seul coup. Tchak ! Le concert devait l’intéresser et il voulait sans doute voir la fin.
— C’est vrai qu’un tribute aux Cramps doit sortir de l’ordinaire, Loser, au fond, vous avez raison. Ce n’est pas la même chose qu’un tribute à Stong, hein ? Oh et le Lux Lives de Madrid que mon vieux pote Lindsay avait organisé ! Vous vous en souvenez Loser ? On était tous déguisés en minotaures, encore une de vos idées à la con, on a failli crever sous ces grosses têtes de carnaval !
— C’était un double hommage à Picasso et à Fellini. Vous verrez un minotaure en chair et en os dans le Satyricon. J’ai toujours pensé que Lux naviguait au même niveau que Picasso et Fellini. Au commencement, ces gens-là ont une vision, Professor, et sans vision, on ne va pas très loin.
— Bon, vous n’allez pas me refaire votre Raymond la Science à l’heure qu’il est, après un concert au Budokan ! Vous me fatiguez. Oh mince ! La bouteille est vide, Loser !
— Attendez, je crois qu’il en reste une dans mon sac... Vous vous souvenez du premier Lux Lives qu’on a fait, Professor ?
— Attendez voir... Où c’était déjà... J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien...
— Faut manger du poisson, Professor ! Notre premier Lux Lives, figurez-vous que c’était à Évreux, dans la ville où vous viviez, en ce temps-là... Vous vous rappelez la petite maison, avec le portail de traviole...

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— Ahhhh oui ! On avait joué dans une salle toute neuve ! Ouiiii, vous avez raison, ça me revient tout à coup, une petite salle encaissée, bien dimensionnée, sans doute dessinée par un architecte... Ah oui, quelle rigolade ! Avec toute une ribambelle de groupes qui passaient avant nous ! Ahhh oui...
— Les groupes étaient contents de jouer, rappelez-vous, c’était plutôt bon esprit. Et comme nous montions sur scène pour la première fois, on avait joué la sécurité avec une set-list ultra-courte...
— On démarrait avec «I’m Cramped», puis «Goo Goo Muck», si mes souvenirs sont bons...
— Exact, on avait aussi des trucs comme «Human Fly», «Naked Girl» et des choix à vous, Professor, «Walked All Nite», «Lonesome Town» et «Get In Your Pants». On finissait avec «New Kind Of Kick» et «Can’t Find My Mind».
— Ah on peut dire que depuis, la set-list a bien évolué ! On a dû jouer tout ce que les Cramps ont joué en leur temps !
— Et dans tout ce tas de hits, lequel est votre préféré, Professor ?
— «Ain’t Nothing But A Gorehound !»
— Vous vous foutez encore de ma gueule ? Parfois, vous avez parfois un humour dévastateur, Professor. Comme le jour où vous m’annonciez que vous aviez transmis une photo de répète à un torchon local.
— Et vous, Loser... What’s the loser’s fave ?
— Depuis la première fois où je l’ai entendu, c’est «Garbage Man» avec son petit bruit de moteur à l’intro et cette manière infiniment subtile de rendre hommage à cet art suprême qu’est le rockabilly. Et puis «Human Fly» bien sûr, car c’est du Wolf schtroumphé à la fuzz. On vendrait son père et sa mère pour un son comme celui-là. En ce temps-là, les Cramps créaient un monde.
— Pour revenir au premier Lux Lives, vous ne paraissiez pas bien concentré, ce soir-là, Loser...
— Outta my mind on a saturday night !
— Sauf que là, c’était un vendredi, mon pauvre Loser !
— Ah vous adorez couper les cheveux en quatre ! Mais au fond, vous avez raison, il faut savoir rester précis en toute chose...
— Vous ne l’étiez pas sur «I’m Cramped», en tous les cas !
— Comme dit Will Carruthers dans son livre, j’avais l’impression de jouer avec trois mains gauches. Fantastique ! Ça permet de faire plein de choses qu’on ne fait pas habituellement, mais à un moment donné, on ne sait plus quelle est la vraie main.
— Quelqu’un m’avait dit à l’époque qu’il vous avait vu repartir d’un pas hésitant et qu’en cherchant votre bagnole, vous étiez tombé dans l’Iton.
— Aucun souvenir. Ah si, attendez voir, une scène me revient : trois ou quatre mecs absolument extraordinaires qui sont restés pour discuter et boire un dernier coup sur le trottoir, devant la salle. Ils avaient bien aimé le trash d’El Cramped. Celui qui portait du cuir noir et des chaînes était encore plus défoncé que moi. Tellement défoncé qu’il nous proposait d’aller boire un coup chez lui et de faire tourner sa copine.

Signé : Cazengler le loser


El Cramped. Lux Lives In Evreux #1 (27). 9 décembre 20

 

MONTREUIL / LA COMEDIA
SURIMI PARTY / 09 – 12 – 16
CULTURE LUTTE / NO HIT MAKERS
RUST / ROCK 'N' BONES

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Ne vois-tu rien venir, petite teuf-teuf d'amour ? Que nenni, my dear Damie, ni route, ni bas-côté, ne serait-il pas plus prudent de retourner ? Teuf-teuf, tu le sais, un rocker n'a pas le droit de reculer quand il part en concert, tel un spartiate au combat de l'antique Hellade ! Entre parenthèses, je ne suis pas fier de moi, la brume Seins-et-Marnaise est un fléau plus redoutable qu'un album de Genesis, mais en contrepartie le blues végétatif de la terre plate et infinie ne peut vous atteindre. Z'ont eu beau de ne plus être à côté de la plaque paire ou impaire, et lever cette gesticulation écologique pour le weekend, les autorités nationales ont raté leur coup, peu de monde devant le centre commercial où je gare sans difficulté la voiture, les consommateurs désargentés sont restés terrés chez eux. J'aie une pensée émue pour toutes les multinationales qui n'auront pas fait les bénéfices escomptés des achats de Noël. Pour un peu j'en pleurerai. Des larmes de crocodile.
Retour à Montreuil. A la Comédia, pas divine, mais presque. Le paradis des rockers. Surimi Party sur deux jours, Vendredi et samedi. En mon âme et conscience, après avoir longuement pesé le pour et le contre des deux programmation, j'ai opté lors d'une interminable traversée intérieure des douloureuses et cruelles affres de l'incertitude, pour le samedi. Pas du tout, le choix s'est imposé de lui-même, en moins d'une seconde, aucune hésitation, les No Hit Makers sont en ville !

CULTURE LUTTE

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L'est des semi-minutes qui résument tout un projet. N'ont pas encore commencé, l'on vient de tester en un tour de main les instrus un par un, quand la sono, demande une vue d'ensemble. Se regardent comme embarrassés, mais J-hell dissipe cet instant de doute après avoir jeté un coup d'oeil à la set-list – une espèce de rouleau d'un bon mètre de long qui gît à terre comme le serpent tentateur de la Genèse, au pied du fameux pommier de la connaissance du Bien et du Mal. Ce sera Police, juste l'intro. Assez pour nous faire comprendre que nous ne sommes pas en présence d'un groupe de folkleux acoustiques, une giclée de sève qui tombe sur vous comme les pavés sur les rangs des CRS au joli mois de mai. Eux la pomme pourrie du Mal, ils l'ont identifiée, l'est suspendue du mauvais côté des barricades policières et mentales qui triquent et étriquent nos existences de paisibles citoyens. Devenus enragés. Bref, le Police de Culture Lutte ce n'est pas le J'ai Embrassé un Flic des imbéciles.

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Nous le font savoir très fort. Charge de batterie de pOOp, molotovs de guitare de Loïc, et enfonçage des lignes de la basse de Heil Nönö. Bien en place, cohésif et superbement bien envoyé, le tout magnifié par J-hell au micro. Encore un qui déchire les slogans de la révolte. L'a adopté, par rapport à nous sur le devant de la scène, la position de profil, peut-être pour être face à la majorité du public massé, vu l'implantation des lieux, sur la largeur de l'estrade. Se définissent en tant que Trash de pneu, un peu à l'image de ces traces noir-anar de pneumatiques qui empiètent sur toutes les parties interdites des chaussées. Pas une fusion, sont à l'endroit le plus dangereux du carrefour où se croisent les sentiers perdus du rock'n'roll, du trash, du hardcore, du punk, tous ces courants jusqu'au-boutistes du rock qui refusent de respecter les panneaux de limitation de vitesse. Superbe prestation de J-hell, s'appuie sur les braises qu'alimentent ses compagnons derrière lui, leur souffle dessus de sa voix puissante, se courbe et recule au début de chaque morceau, comme s'il rentrait en lui-même avant de faire cracher le lance-flamme, des mouvements de bras étonnants qu'il allonge comme s'il cherchait un appui sur l'air afin de propulser avec encore une plus grande violence ses lyrics de feu.
Un set impeccable qui paraît bien court, dommage que le public ne sera pas encore au complet lors de leur passage, s'est privé d'une des deux meilleures parts du gâteau amphétaminé de la soirée.

NO HIT MAKERS

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No Hit Makers, un de mes groupes préférés de la mouvance rockabilly actuelle. Les puristes leur reprocheront leurs accointances psychobilly. Querelles d'initiés qui refusent de mettre un seul pied hors de leur chapelle. Mais c'est vraisemblablement cette ouverture qui leur permet de faire un tabac au milieu de cette programmation hardcore. Une leçon de savoir-faire. La différence entre le rockabilly et le rock de toute énergétique brutalité professée par les autres groupes de la soirée, est facile à définir pour ceux qui auraient envie d'y participer. Ce n'est pas une superficielle question d'instrument, comme la contrebasse de Lardi imposant sa masse volumineuse à l'entrée de la réponse. L'énergie est commune. La même hargne, la même urgence à la faire mousser dès les premières secondes. Mais le rockabilly ne vous bourre pas le mou par la soudaine et irréversible implantation d'un unique instrument chargé de vectoriser tout le reste de l'instrumentation sur la véhémence de son implantation souveraine dans une coulée de lave sonore. L'essence rockabilly réside en une intrication empreinte d'une plus grande subtilité, le jeu se joue au minimum à deux et l'idéal est que chacun y assume son rôle à part égale. Dans le hardcore, c'est un peu toujours la même passe qui revient, la trapéziste s'est élancé dans les airs et vous êtes sûr que là-haut son partenaire la réceptionne d'une prise solide. Accrochage sans défaut. Parfaitement bien huilé. En rockab, vous vivez, pour ceux qui savent entendre, des moments d'angoisse. La trapéziste vole au-devant de son partenaire qui tend des bras accueillants et salvateurs... qui refuseront la prise salvatrice. La loi de la gravité entraîne notre ballerine céleste vers la terre, l'est quasi certain qu'il ne lui reste plus qu'à s'écraser sur le sol. Tout est foutu. On l'a dans le Q de l'angoisse. Mais voici qu'au moment que l'on n'attend plus, un doigt se glisse sous la bretelle du soutien-gorge de la miss et lui influe le retour d'équilibre énergisant dont elle avait besoin pour rejoindre son perchoir. Sauvetage non dépourvu d'un discret et envahissant parfum d'érotisme qui crayonne exactement cette ligne de démarcation qui sépare l'essence du rock de l'appuyé pornographique du blues. Distinction affirmée qui explique que les No Hit Makers se définissent aussi comme un groupe de rockin'blues.
Et cela les No Hit Makers le mettent en pratique dans la majorité de leurs morceaux. Une rythmique d'ensemble qui filoche à cinq mille noeuds et soudain la brisure. Tout s'arrête, accident funéraire d'infinie perdition. Mais c'est Vincent qui relance la machine, deux notes de Gretsch, dans la seule fraction de seconde qui précède le naufrage inéluctable déjà programmé dans la tête du spectateur, et hop la truite arc-en-ciel du rockab rebondit de ses mille luisances diaprées par le soleil et le combo repart dans le vif du courant. Ou alors c'est Jerôme qui bat de deux coups de caisse claire le rappel décisif qui vous rejette sur la crête de la vague. Faut entendre le murmure de plaisir qui monte de la foule massée devant la scène. Le soulagement de l'extase comblée. Non pas la catharsis finale du dégonflement cessatif du désir mais l'acmé de sa complétude jouissive.

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Lardi descend ses deux mains jointes le long de son manche. Masturbe sa basse me théorisera un spectateur enthousiasmé par ce lien éminemment érotique qui traduit gestuellement l'osmose parfaite qui devrait exister entre l'instrumentiste et son instrument. Je lui laisse la responsabilité de sa vision. Le désir est trop souvent une projection individuelle qui rend difficile toute analyse objectale. L'est une autre marque de fabrique des No Hit Makers. Rajoutent un plus à leur rythmique effrénée. Pas le swing, mais quelque chose qu'il est plus difficile d'entremêler aux rythmes des balancements binaires ou ternaires. Le serpent d'une mélodie qui glisse entre les branches épineuses sans jamais s'écorcher la peau. La mélodie, un fin collier de perles prêt à se briser au moindre heurt, c'est Eric au chant qui se charge de ce reptile de verre. Faut un timbre d'or pour cette délicate tâche, pas question d'amoindrir ou d'adoucir, voire d'affadir la sauce, au contraire cette note sucrée est destinée avant tout à faire ressortir les aigreurs du rock and roll. Une voix tour à tour pleine ou nasale qui rampe et qui crampse, flexible, qui se coule autant dans la moindre des anfractuosités qu'elle épouse la forme des protubérances les plus aiguisées.
Un set impeccable qui emporta l'adhésion de la salle mais surtout des quatre prestations de cette soirée, la plus accomplie. Ne font peut-être pas des hits, mais quoi qu'ils touchent lui font subir des transmutations alchimiques de rêve. Un Frenzy à faire sortir Screamin' James Hawkins de sa tombe, un Long Black Shiny Car rutilant qui vous permet de comprendre pourquoi la petite amie de Mike Page l'a laissé tomber comme une vieille chaussette au profit de l'heureux propriétaire de cette bagnole que les Makers pilotent comme un hot Rod on the evil Road et une vingtaine d'autres merveilles du même tonneau.

RUST

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L'on dirait une vitrine de Noël pour enfants turbulents qui cassent tout ce qu'on leur offre et qui chourrent dans les rayons interdits tout ce qui leur plaît sans rien demander à personne car dans la vie, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Deux guitaristes, un très grand au visage tout embroussaillé de poils à droite, à la guitare un peu noisy, l'autre chétif au caillou largement déserté à gauche, aussi à la guitare davantage riffeur, au milieu Marine placide et discrète, genre rousse incendiaire à la basse, à ses côtés Rachel, un bisped à l'indéniable présence scénique, micro en main, langue bien sortie de la poche du silence, charismatique, et au fond, au centre le batteur. C'est lui qui tient le groupe. Avec ses épaules carrées et sa frappe solide il est à la fois la base et le moteur du groupe. En retrait mais essentiel. Irremplaçable. L'est la proue de la frégate qui trace le sillon et emmène l'assaut. D'une efficacité sans bornes.

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Des punks mais pas des nihilisto-destroys à mort avec des chiens enragés prêts à vous mordre à la moindre caresse. Défendent des causes nobles et sans appel. Rachel les énumère sans discours, sont un groupe tendance dit-elle non sans humour. Vaudrait mieux dire tendancieux. Conjugue véganisme, incestophobie et féminisme. Deux compositions personnelles qui ne jurent pas avec leurs reprises des Hives, des Pixies, de 999, de Billy Idol... une manne pour le public qui reprend en cheour. Rust est manifestement bien aimé, connu et apprécié de tous, contraindront Rachel et ses sbires à un rappel alors que l'heure fatidique approche et qu'il reste encore un groupe à passer.
Devant la scène, beaucoup de garçons gondolent leurs corps à la manière des tôles ondulées des abris de jardin. Sûr que Rachel a un ascendant. Dont elle ne joue nullement d'ailleurs. Un set bien enlevé, de mieux en mieux en place au fur et à mesure de son déroulement, qui déclenche la ferveur partisane de l'assistance. Rien de nouveau, mais le soleil qui réchauffe et vous fortifie l'âme.

ROCK 'N' BONES

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Apparemment le clou de la soirée. L'on n'attend qu'eux. Attaquent dès que la scène est dégagée. Des costauds. Une fille parmi eux, Nath à la basse, deux guitares, Paddy à la batterie. Riko au micro. Arbore une crête à faire crever de jalousie une colonie de porc-épics. Les indianologues affirment que ces pics de cheveux dressés tout droit figuraient pour les indiens la représentation de silhouettes de bisons se profilant sur l'horizon de la verte prairie... Peut-être, mais les Rock'n'Bones pourchassent d'autres gibiers. Appartiennent à la mouvance des Antifas et le font savoir autrement. Leurs titres le proclament sans ambages, A Wind of Revolt, General Strike, Engagé, et pour ne pas se tromper de cible The Real Enemy. Une meute punk prête à toute émeute. Si je vous racontais que leur set s'assimilait à la cérémonie zen du thé, ce serait un mensonge. Là encore c'est la batterie de Paddy qui emporte le tout, les autres embrayant aussi sec, mais très ramassés et étroitement compactés autour de ce monstrueux galop initial. Riko ne screame guère, micro en main il assène les lyrics avec force vigueur et rude rigueur. Sont un peu atteints du complexe Ramones, des morceaux courts, très courts, expédiés les uns à la suite des autres, comme une vedette qui jette méthodiquement ses grenades sous-marines afin de torpiller les idées incapacitantes qui paralysent en catimini votre cerveau. Pas de temps à perdre. Les titres se suivent et se ressemblent, engendrent une certaine monotonie, notre esprit se prend à rêver de changement, mais non à chaque fois c'est le retour du duplicata à l'identique qui revient. Ont la pêche qu'ils vous écrasent sans ménagement sur la trogne, prenez-vous cela en pleine poire, idéal pour vous plonger en une rogne salutaire ! Comment le set aurait-il évolué, sont tout justes arrivés à la moitié de leur set-list lorsque Riko remercie tout le monde et nous annonce que c'est le dernier morceau. Et en effet à la surprise générale, ils entreprennent de quitter la scène non sans ranger les guitares dans leur étuis. Amplis débranchés, pogos terminés, rien ne va plus dans le monde du rock and roll. Nous avaient prévenus dès le début. Le fachisme est partout. Même dans les règlements qui interdisent de faire trop de bruit dans les parties surimiennes. Pas de regrets, la lutte continue.

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( Photos : FB : Constance Ludès )


Damie Chad.

FRENCH SIXTIES

Apache, sans doute la plus grande victoire des tribus indiennes remportée sur notre territoire. Par procuration. Sous forme phantasmatique. Tout cela par la faute de quatre ombres menées par la diabolique et anglaise guitare d'Hank Marvin. En France, ce fut une véritable commotion. Un son nouveau venu d'ailleurs. L'électricité transformée en esthétique. Certes Johnny Hallyday, Dick Rivers qui exhibaient ses Chats Sauvages en liberté sans grille de protection, Eddy Mitchell qui enfilaient ses Chaussettes Noires encore plus puantes que nos camemberts, monopolisaient le devant de la scène, fascinaient les foules, mais c'était si neuf, si troublant, que les oreilles n'en croyaient pas leurs yeux, derrière eux y avaient des musicos qui proposaient quelque chose d'inhabituel. Le rock balbutiait de par chez nous et des milliers d'adolescents s'achetèrent illico une Eko – les plus chanceux s'en adjugeaient une dans les loteries des fêtes foraines - et s'escrimaient à reproduire l'inimitable. Ce fut la grande vogue des groupes instrumentaux. Les maisons de disques ne laissèrent pas passer la poule aux oeufs d'or. Lui arrachèrent jusqu'aux plumes du croupion. C'était aussi une manière de recycler les musiciens anonymes de studio en stars, et puis faut l'avouer aussi des gars capables de chanter rock en notre langue en 1962 y en avait moins que les doigts d'une main. Surtout qu'avec ce diable de Vince Taylor qui vous coulait les bielles en anglais, vous étiez hors-circuit avant d'ouvrir la bouche...
Histoire ancienne. Rien ne se démode plus vite que la mode. Y eut des dizaines de groupes qui accédèrent au studio. Trop, sans doute. Des guitaristes à la pelle mais peu d'expérimentateurs. On interprétait un morceau – plus ou moins bien – parfois l'on avait une idée originale, vite recopiée par les voisins, mais l'on pensait, que l'on sache ou pas lire la musique, encore sous forme de partition, l'on n'avait pas la démarche globale de construire un son. Cinquante ans après, l'est facile de compatir sur ces malheureux, ils enchantèrent en leur temps bien des adolescents et préparèrent les pistes d'atterrissage de la réception des premiers groupes de l'invasion british, furent des pionniers, au sens plein du terme.
Sur les brocantes vous exhumez sans trop de mal d'anciens EP au prix dérisoire d'un euro et le vendeur vous remercie de le débarrasser de ces rossignols qui encombrent depuis dix ans ses cageots...

 

LES CHAMPIONS
Bel Air : 221192
LA LONGUE MARCHE / 1647 METRES G. O.
1293 METRES G. O. / RENDEZ-VOUS AU GOLF DROUOT

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Furent d'abord un groupe vocal formé autour de Willy Lewis transfuge des Chats Sauvages et de l'injustement oublié Jaky Chane ( échappé du château des Fantômes ) au chant, mais en 1963 une nouvelle mouture du groupe, devenu et resté célèbre en tant que combo instrumental regroupe Claude Ciari à la guitare solo, Alain Santamaria à la guitare d'accompagnement, Yvan Ouazana à la batterie, et Benoît Kaufman à la basse. Enregistreront pas moins de onze 45 tours et un vingt-cinq centimètres dix titres. Ont leur titre de gloire inscrit en lettres d'or sur le fronton du rock'n'roll puisqu'ils accompagnèrent Gene Vincent en 1962 au Théâtre de l'Etoile. Furent aussi aux côtés de Vince Taylor et de Danyel Gérard. Le groupe s'éteindra aux abords de l'année 1965. Une page de l'histoire du rock qui se tourne. Définitivement. La mer de l'oubli a englouti l'antique raffut de ces rafiots. L'est bon de plonger sur les lieux de ces surfin naufrage. D'en ramener pépites et pacotilles.

La longue marche : du tout doux du tout lent, pour ballade romantique au bord de la plage. Des gouttes d'eau qui ruissellent sur le dos de la donzelle. Pas de mélancolie vous l'oublierez aussitôt les vacances finies. Pseudo nostalgique. L' « original » français est d'Eddy Mitchell. Vous pouvez mourir tranquille si vous ne l'avez jamais entendu. Par contre le son de ce vieux sillon sonne étonnement bien. 1647 mètres G. O. : beaucoup mieux, un groove bien balancé à la batterie, magistralement repris par Claude Ciari, on regrettera les deux interventions des choeurs qui dénaturent un peu l'ensemble. Nous l'apparenterons à de la triche, ouïr les poissons rouges des guitares qui tournent en rond dans le bocal instrumental n'est pas obligatoirement ennuyant. Rappelons que 1647 go était la longueur d'onde d'Europe 1, la station de radio qui fut un des vecteurs d'introduction du rock and roll en France. 1293 mètres G. O. : L'on passe à la station concurrente : Radio-Luxembourg. Introduction à la batterie plus tribale cette fois-ci et la guitare qui filoche comme une Floride sur le macadam, l'on amuse par deux fois l'auditeur par des claquements de main Rendez-vous au Golf Drouot : ça commence bien mais ça se poursuit par un riff passepartout vaguement parfumé de relents jazzy. Ciari essaie de nous faire comprendre qu'il n'est pas une brelle, mais on l'avait déjà intuité. Un titre ô combien emblématiquement frenchy rock, mais qui diffuse une vieille musique.


Damie Chad.


PRESIDENT ROSKO
FRENCH CONNECTION / C. B. WRAPPER
Magnet 1981. Diffusé par Polydor

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Me suis rappelé en écrivant la chro sur le 45 tour des Champions que j'avais récupéré ce single – à vue de nez une dizaine d'années – chez Emmaüs. L'avais pris d'office. Ne savais même pas qu'il L'avait enregistré. J'en avais remis l'audition jusqu'à aujourd'hui. M'y suis risqué pour vous. Ne me remerciez pas, c'est inutile. Il est temps de parfaire votre éducation politique. L'année électorale s'approche, s'il vous plaît ne me fendez pas le coeur en me faisant part de votre choix. Quel qu'il soit, il sera mauvais. La France n'a eu qu'un seul président digne de ce nom. S'est exfiltré de lui-même de notre pays en plein milieu des évènements de Mai 1968. L'aurait pris pris peur. Notre citoyen américain n'était pas habitué à ces grands soubresauts populaires et tumultueux des gentils froggies... Venait d'un milieu amerloque aisé et artistique. N'aurait pas supporté la remise en cause des privilèges. En 1790, de nombreux nobles français choisirent l'immigration en terre étrangère, lui il s'exila en son propre pays.
L'avait déjà déchu de statut lorsque Radio Luxembourg lui confia les rênes de sa nouvelle émission censée attirer les adolescents, tous les jours hors week end de seize heures trente à dix-huit heures. Sur Radio Caroline, la fameuse pirate, l'était Emperor Rosco, mais en notre pays de moeurs farouchement républicaines il consentit à s'octroyer le titre de Président Rosko. Le seul Président à qui j'ai jamais consenti à prêter allégeance, fallait lever la main droite devant le transistor et répéter tout fort après lui je jure de n'avoir pour président et pour seul Président que le Président Rosko. A ma connaissance l'unique seul chef d'état qui ne prélevait pas d'impôt et qui vous déversait le contenu de la corne d'abondance du rock and roll sans compter. Minimax c'était un maximum de titres anglais et américains, pour les français tapait beaucoup dans le plus électrique de nos rockers, Ronnie Bird. L'avait l'art et la manière de vous infuser le rock and roll et le rhythm and blues le Président Rosko, un accent à couper au sabre d'abordage, un débit à faire pâlir de honte les flots boueux de l'Amazone, des jingles criards à vous tailler les oreilles en pointe toutes les trois minutes, bref un grand moment quotidien de fébrilité rock and rollienne. N'est même pas resté deux ans en place, mais après lui, la radio française est devenue une morne plaine... L'existe une autre version de son départ plus glamour que nous préférons de loin, l'aurait été remercié quod corrumpet juventum, certains officiels mettant en relation les houleuses fièvres de son émission avec les turbulences effrénées des constructeurs de barricades dans les rues de notre capitale...

Donc ce disque sur Magnet. Une compagnie dont le catalogue comporte des artistes comme Alvin Stardust, Chris Rea, Silver Convention et Matchbox. Si vous ne l'avez pas, inutile de vous défenestrer, ce n'est pas du rock and roll. De la musique de boîte, un bon bon groove, des choeurs féminins à la voix prometteuses d'affriolantes cabrioles, et le flew du President sans défaut, suffirait qu'il ralentisse un peu et s'amuse à syncoper les syllabes pour être un des premiers rappers. Deux titres interchangeables que je n'écouterai plus jamais. Aujourd'hui l'Emperor président devrait écrire ses mémoires. Sous le nom de Mike Prescott l'a tourné dans le milieu discographique français notamment chez Barclay au milieu des années soixante... Je l'avais écouté voici quatre ans, sur sa radio internet, l'avait inversé sa formule – ou je suis mal tombé – c'était un minimum de music et un maximum de blabla à toute blinde totalement incompréhensible pour moi petit frenchie... L'avait encore encore la frite. Même si par chez nous ses carottes étaient cuites depuis longtemps...
Un personnage du rock français dont peu ( je suis très optimiste ) se souviennent lorsque je l'évoque au hasard de conversations informelles...


Damie Chad.


POGO CAR CRASH CONTROL

Quand on a un bon groupe en vue faut en parler. N'ai pas eu besoin de chercher bien loin – sur leur FB pour visionner leur dernier clip – et seulement quelques clics pour retrouver la trace de leur premier dérapage discographique. C'est un album CD collectif qui regroupe douze groupes. Sortie en septembre 2014.

LA PEPINIERE 2014 : DIAMOND FIZZ ( Release ) / POGO CAR CRASH CONTROL ( A quoi ça sert ) / CENTRAL STATION ( This morning ) / PSYCHEDELIC GROOVE ( Take off to the unknow ) / BALTO PARRANDA (Paper maze ) / OK ( Sharks ) / ITHAK ( Totem ) SOUL FAKERS ( Explore ) / STRICKAZ ( Devolution ) / JET BANANA ( Kelly ) / THE JONBORROWS ( Club 59 ) / THE EARL GREY ( The Faith ).

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De qualité, bien enregistré. Propre, net sans bavure. Une aubaine pour des artistes qui cherchent à se faire remarquer, dans l'ensemble se sont rués dessus comme la gale sur la tonsure d'un moine syphilitique. En ont profité et mis les rallonges à la table de ce banquet des mendiants, Z'ont choisi les titres les plus longs de leur répertoire, Ithak est celui qui a tiré le plus sur l'élastique, dépasse les six minutes. Ne sont que deux à ne pas atteindre les trois minutes, Jet Banana avec la dénommée Kelly qui ne doit pas être bien grande, et nos Pogo avec leur 2' 35''. L'est sûr que si ça ne sert à rien, ce n'est pas la peine d'insister et de perdre son temps. Faut être en accord avec ses préceptes philosophiques. J'ai tout écouté du début à la fin. Scrupuleusement, vous connaissez l'honnêteté des rockers qui n'aiment que le rock. Comme par hasard les deux meilleurs titres sont les plus courts. Nous rajouterons les Jonborrows qui tirent leur épingle du jeu. Balancent bien et le chanteur a une belle voix. Au moment où j'écris ces lignes sont en concert à Meaux avec les Wahshington Dead Cats. Nous les croiserons un de ces jours. Me suis remis deux ou trois splits de Kelly Banana avant de me tourner vers les Pogo.

A QUOI ÇA SERT ?


Sont en deuxième piste. Font l'effet de l'aspic sur le sein de Cléopâtre. L'instant crucial. Un larsen pour commencer et un autre cinq secondes après pour vous trancher la gorge. Et tout de suite l'assaut des guitares. Plus tard elles s'emballent comme un gigantesque hachoir mécanique. C'est comme l'Enfer de Dante, laissez vos espérances devant la porte d'entrée. Dans le porte-parapluie. Puisqu'il paraît que l'humour est la politesse du désespoir. Dedans ça machette dur. Une demi-seconde de repos et c'est la chute finale. Bref mais intense. Tiens, vous êtes encore vivant ? C'est sûrement une erreur. Vous n'avez pas su répondre à la question subsidiaire que les paroles klaxonnent. Pourquoi y a-t-il quelque chose et pas rien ? Ah ! vous n'avez pas compris. Vous voulez rentrer chez vous vous mettre au chaud. Ce n'est pas grave. Tenez prenez ce bouquin, Oui-Oui et la Voiture Jaune, il vous aidera à vous endormir. A l'impossible nul n'est tenu. Le rock and roll, ça se mérite.

 

PAROLES M'ASSOMMENT

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Vais pas vous raconter le clip. Une véritable histoire avec un début, un milieu et une fin. Vous êtes assez grand pour le regarder par vous même ( F.B. des artistes ou You Tube ). Ce n'est pas le sujet qui est intéressant, c'est la mise en scène. L'esprit. Les Pogo Car Crash Control sont intelligents. Ont pigé que le rock est un art total. Au miroir d'un opéra wagnérien. Les images, bien sûr. Les fixes et celles qui bougent. Le rock, c'est beaucoup plus subtil que trois guitares qui hurlent. Faut mettre en scène. Pas tout à fait la même chose qu'être sur scène. Ne rien laisser au hasard, les affiches, les pochettes, les clips. Les trailers. Il y a ceux qui n'y pensent pas. Tant pis pour eux. Sont comme les trous sans le gruyère. Ceux qui se trompent, donnent dans l'esthétisme, la futilité du beau. Enfin ceux plus rares qui sont motivés par une esthétique. Pas facile, ça se construit. Faut la penser, la mettre au point. Faut savoir s'entourer. Exemple Baptiste Groazil pour la pochette. Les références sont nécessaires, doivent être là mais en profondeur. Les Dieux qui dorment sont ceux qui portent les projets les plus dangereux. Ne s'agit pas de jacasser, mais de signifier. Un minimum de moyens, un peu de savoir faire, de l'idée, pas des idées à l'épate patate, à la mord-moi-le-noeud de ma cravate tous les dimanches matins. Un profilage. Surtout si vous avez choisi comme les Pogo la coïncidence des contraires, hard trash and bad laugh, z'avez intérêt à ce que l'humour prenne la teinte du masque de la mort rouge d'Edgar Poe, mais version grotesque néronien. Léger décalage. En dents de scie. Coupante. Et aussi un but. Toute action doit être téléologique. Sachez inverser les signes, deuxième exemple, le clip de Paroles m'assomment vous repasse les plats du cinoche muet. Vous êtes tout fier, vous avez trouvé cela tout seul, oui mais il se paie votre tête. Un joyau d'or pur. A bon entendeur salut.


Damie Chad.

SIDNEY BECHET MON PERE

DANIEL-SYDNEY BECHET

EDITIONS ALPHEE – JEAN-PAUL BERTRAND

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Le fils qui rend hommage à son père. N'élude pas ses difficultés. A très peu connu son géniteur. Avait avait à peine cinq ans quand il est mort. L'a dû se fier et se défier des témoignages de ceux qui l'ont fréquenté, parfois admiratifs, parfois rongés par l'envie et la jalousie. L'a aussi interrogé les proches, sa mère qui n'avait point la fibre maternelle et s'en est tout de suite débarrassé ( gouvernante, pensions, famille ), et Jacqueline l'ancienne femme de Sydney qui l'a aimé... N'en est pas resté haineux pour autant. A su faire la part du respect et de l'affection. Créole, l'a reçu dans son sang la méfiance instinctive de ceux qui refusent de voir le monde, tout en blanc, ou tout en noir. Un détail qui ne trompe. Est devenu musicien de jazz. Batteur, remarquez que si Kenny Clarke était venu à la maison et m'avait refilé un coup de baguette magique, moi aussi je... Joue aussi du piano. S'est adonné à plusieurs styles de musique, l'a accompagné de grosses pointures, n'a pas dédaigné les musiques subalternes style, fusion, variétoche et même hard rock...

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Sidney Bechet nous l'avons à peine encontré dans KR'TNT ! incidemment lorsqu'il est venu d'Amérique en 1925, avec Joséphine Baker ( Kr'tnt ! 123 du 20 / 12 / 12 ) pour la fameuse Revue Nègre. Aussi dans la biographie de Moustache ( Kr'tnt ! 262 du 30 / 12 / 15 ) qui raconte en de trop épisodiques pages les premières pérégrinations vers le succès de l'artiste. L'a aussi joué avec Mezz Mezzrow ( voir Kr'tnt ! 106 du 12 / 07 /12 ). Mais pour le plus passionnant, la première partie de sa vie, aux Etats-Unis, les documents font défaut. Daniel recopie de longs extraits de l'autobiographie de son père, Treat It Gentle, traduit en Français sous le titre de La Musique c'est ma Vie parue à La Table Ronde en 1977.

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Sidney n'y raconte pas simplement sa vie. L'inscrit dans la saga de l'esclavage noir. Erige son grand-père en personnage mythique, esclave qui tous les dimanches battaient le tambour et menait la danse sur Congo Square ( Kr'tnt ! 143 du 09 / 05 / 13 ). Une histoire mélodramatique et romantique qui finira mal. Accusé par son maître d'avoir violé sa fille, il sera poignardé par un ami qui tenait à recevoir la prime promise. Qui ne lui fut pas remise.

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Histoire peut-être inventée mais nécessaire à l'histoire de la naissance du jazz entreprise au travers de sa biographie par Sidney. Une invention qui ainsi ne sort pas de la famille. C'est des tambourinades d'Omar le grand-père qui renouait avec le legs rythmique africain que naîtra le ragtime, cet entrecroisement de rythmes de plus en plus sophistiqués, de plus en plus complexifiés. C'est ensuite que s'installe la grande dichotomie, le succès des musiciens blancs qui récupèrent cette musique rebaptisée Dixieland et qui en retirent beaucoup d'argent, l'insécurité matérielles des créateurs noirs qui voient à chaque nouvelle avancée leurs trouvailles leur échapper. Bechet se définit plutôt comme un musicien de blues, mais qu'il adapte à sa clarinette et plus tard à son saxophone ténor. A treize ans, l'est déjà reconnu comme un sujet des plus intéressants. En 1924, le voici en Angleterre dans l'Orchestre de Duke Ellington, sera expulsé pour participation à une bagarre. Dans son livre Bechet se présente comme enfant d'une famille pauvre, créole et responsable. Pas question de traîner avec les voyous du quartier dans la Nouvelle-Orléans. L'était peut-être sage comme une image, mais à la fin de son second séjour en Europe, sera mis en prison pour onze mois, par chez nous, pour avoir réglé un différent avec Mike McKendrick, qui s'était mis à marcher un eu trop sur ses plate-bandes musicales, à coups de revolver en pleine rue... Daniel est formel, son père ne sortait jamais sans son revolver... Ce trait de caractère n'est pas sans évoquer la violence qu'entretenaient entre eux les joueurs de blues dans le Delta.

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Reviendra en France en 1949. Y résidera jusqu'à la fin. L'a trouvé toute une brochette de jeunes artistes plein d'enthousiasme à qui il délivrera bien des connaissances. Pas très patient, si vous ne comprenez pas ce qu'il vous explique, il vous montre en vous prenant l'instrument des mains. Une seule fois, ne supporte pas les esprits obtus. Les orchestres de Claude Luter et d'André Réwéliotty seront ses plus fidèles accompagnateurs. Petite Fleurs et Les Oignons lui permettent d'accéder à un succès mondial que les Etats-Unis lui auraient refusé d'acquérir. Z'étaient un de trop, son caractère tempétueux et les circonstances ont fait que ce fut à Louis Armstrong que fut dévolu le titre emblématique de représentant du jazz, aux States et puis dans le monde entier. En manifesta une sourde rancoeur. Le fils n'hésite pas à le classer parmi les quatre fondateurs du jazz avec King Oliver, Jelly Roll Morton et Louis Amrstrong. Insiste sur ses talents de découvreurs, a su s'entourer de musicien destinés à devenir célèbre notamment Kenny Clarke et Max Roach. Comme par hasard l'a toujours préféré les pianistes et les batteurs à tous les souffleurs... L'on n'est jamais mieux ensemble que lorsqu'on est le seul de son espèce.

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L'est un peu passé de mode. Sa figure d'apparence joviale et bonhomme qu'on lui prêta en France, ses frasques et son mariage carnavalesque sous forme d'un défilé monstre, ont aujourd'hui par un étrange retournement d'image quelque peu désacralisé l'icône. Les souvenirs de Moustache n'ont pas aidé à le monter sur un piédestal... On lui reproche parfois son succès européen, trop populaire pour être honnête. L'on en a conclu à un coupable laisser-aller vers la facilité. Daniel explique que la prolifération des groupes de style New Orleans ont codifié les saveurs exubérantes de ce premier jazz par trop séminal. L'est devenu une musique corsetée, froide, morte qui ne donne surtout pas à l'auditeur l'envie d'explorer les fiévreuses éminences des enregistrements originels. Sidney Bechet est mort en 1959. Son oeuvre est à redécouvrir, notamment ses compostions pour ballet qui n'aboutirent pas.


Damie Chad.

Private P.S. : le tableau de Staël est pour Léa & Patrick.

 

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