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25/05/2016

KR'TNT ! ¤ 283 : MORLOCKS / CHAOS E. T. SEXUAL / COWARDS / CULT OF OCCULT / LONG CHRIS & JOHNNY HALLYDAY

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 283

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

26 / 05 / 2016

 

MORLOCKS / CHAOS E.T. SEXUAL

COWARDS / CULT OF OCCULT

LONG CHRIS & JOHNNY HALLYDAY


BOURGES / 06 – 05 - 2016
WILD AND CRAZY COSMIC TRIP FESTIVAL
MORLOCKS

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MORLOCKS NESS

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Pour son vingtième anniversaire, le Cosmic de Bourges s’est fendu d’une belle affiche : King Kahn & BBQ, Thee Legendary Shack Shakers, les Morlocks pour le premier soir, les Jackets, les Monsters, Heavy Trash et les Kaisers se deuxième soir. Une affiche de rêve. Même si on a déjà vu tous ces géants plusieurs fois, on apprécie de les revoir dans les meilleures des conditions. L’ambiance du Cosmic est bonne. On s’y rend pour faire la fête.

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En plein milieu de soirée voilà qu’arrive sur scène l’immense Leighton Koizumi, pur produit des sixties à l’Américaine, une vraie dégaine de sex god à la Jim Morrisson, très haut, massif, crinière noir de jais sur les épaules, gilet de cuir, chemise à motifs, jean moulant et boots en bananes. Eh oui, ça nous change des groupes de MJC.

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Ils sont cinq sur scène dont deux mecs des Gee-Strings, le batteur et le guitariste. Sur scène, Leighton Koizumi bouffe tout, comme dans ses meilleurs disques, il chante au gras et screame au gras, c’est l’un des grands barbares du garage, l’un de ceux qu’on n’aimerait pas rencontrer au coin du bois, au moyen-âge. Il ne sourit jamais et ne semble même pas connecté au public. Il a des absences. Il aligne une belle série de classiques, «My Friend The Bird», «Body Not Your Soul», «Easy Action», une reprise excitante de «Teenage Head». Il chante d’ailleurs «My Friend The Bird» avec de faux airs de Lizard King. Leighton Koizumi est certainement le dernier bastion de revival garage californien des années 80.

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Ses disques indiquent assez clairement le niveau de son purisme. Il complète ce bel aspect avec une dégaine de monstre sacré. Comme Iggy, Lux et quelques autres, il suffit de le voir sur scène pour comprendre qu’il est né pour ça. Il dégage un vrai parfum de légende. Et dans la grande salle du Cosmic, ça danse et ça ovationne. Tous les garagistes de France et de Navarre sont venus célébrer le culte des Morlocks. Son groupe a trente ans d’âge, mais on ne sent aucun signe de ralentissement. Leighton nous rabâche ses vieux hits de juke avec une foi inébranlable et met hors d’état de nuire tous ceux qui prédisent la fin du rock. Comme Lemmy, il ira sans doute jusqu’au bout et il remplira des salles pour donner de nouvelles fêtes païennes. C’est vraiment tout ce qu’on lui souhaiter.

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Les Morlocks sortent de la scène de San Diego, au Sud de Los Angeles. Au commencement, il y avait les Gravedigger V, hébergés par un certain Greg Shaw sur son label Voxx. Sans la présence d’esprit de Greg Shaw, les Gravedigger V seraient passés à la trappe du Père Ubu, comme des milliers et des milliers d’autres groupuscules garage qui en ces temps reculés pullulaient aux États-Unis.

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Leur seul album paru en 1984, «All Black And Hairy» mérite de figurer en bonne place dans toute collection de disques digne de ce nom. Car en matière de garage cra-cra, c’est un chef-d’œuvre.
La face A réserve quelques bonnes petites surprises, comme par exemple «No Good Woman» que chante Leighton - Yeah I’m tolkin’ tu yuuu !! - Il chante vraiment comme la pire des sales petites frappes, une vraie saloperie gluante et mauvaise, ah, quelle horreur ! On entend des guitares fantômes au fond du studio, et pour être tout à fait franc, ça sonne bien les cloches. L’autre abomination de cette face A, c’est «She’s A Cur». Encore un cut absolument dégoûtant de saleté garage ! Ce mec est si repoussant qu’il donne envie de gerber. Mais tout cela n’est rien à côté de la face B. C’est un coup à tomber dans les pommes, tellement le garage y est repoussant, puant, collant, enfin, comme il doit être quand il est bien frais. Si on considère qu’un cut garage repoussant peut atteindre au génie, alors il faut écouter «Searching». C’est du son maudit, malveillant, l’un des plus violents de l’histoire de l’humanité. Ça stompe avec mauvaiseté et ce vil coquin de Japonais dépasse les bornes de la délinquance. Mais ça ne s’arrête pas là, car avec «She’s Gone», il revient déverser tout son fiel et sa hargne de psychopathe. On pense aux Seeds, mais en mille fois plus dégradé mentalement. Encore une horreur avec «Don’t Tread On Me», tartiné à la pire fuzz et au tambourin rouillé, un vrai dégueulis de yeahhh et de chœurs à la vieille ramasse. Ah quel spectacle, les amis ! Il faut avoir le cœur bien accroché ! Il reste encore un truc à écouter si on a le courage : «She Got», une immonde saleté qui part dans tous les sens à cause de ses échappées de guitares et on retrouve cette manie qu’ils ont de vouloir pulser l’organique, comme les Seeds. Franchement, beeerk !

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Les méfaits du groupe ne devaient pas s’arrêter là. Un deuxième album parut un peu plus tard, une sorte de compilation intitulée «The Mirror Cracked». En face A se trouvaient les chutes de studio du premier album et de l’autre côté, on tombait sur un enregistrement live. Les chutes de studio se trouvaient bien entendu dans la lignée de ce qu’on avait entendu sur le premier album, dont un «Be A Caveman» qui donnait le frisson. Leighton se prenait pour Jim Sohns des Shadows Of Knight, c’est dire si ! Avec «It’s Spooky», ils passaient au heavy groove déviant et traîné par les cheveux dans une cave humide et sans lumière. Quelle ambiance ! Ces gens battaient tous les records de mauvaise conduite. Côté live, on retrouvait le fameux «Searching» du premier album joué quasiment sur les trois accords de Gloria. Ils terminaient avec un «Tomorrow Is Yesterday» joué sec et serré, bien puant comme on l’imagine et typique une fois encore des Seeds.

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On passe aux Morlocks avec «Emerge» qui reste considéré par les Pairs de France comme un classique du garage-rock intemporel. C’est vrai que ce brave disque regorge d’insanités, à commencer par «Project Blue» qui se planque comme une sale bestiole dans l’ombre humide de la face B. Leighton nous l’arrose de dégueulis de scream. Voilà encore un cut incroyablement malsain, distordu, atroce, mauvais, décharné. Si on craint les maladies, il vaut mieux éviter de s’en approcher. Le cut qui ouvre le bal de la face A relève du même problème bactériologique. Avec «By My Side», on soupçonne les Morlocks d’avoir atteint le stade ultime du garage, le stade du non-retour. Comme l’ont fait les Chrome Cranks. Les Morlocks bravent tous les interdits. Scream Dracula scream ! Ils attaquent pourtant avec un beat à la Gloria, mais ils jettent toute leur fuzz pourrie dans la balance et ça tourne à l’orgie inflammatoire. Leighton se prend pour l’héritier de Van Morrison dans «In The Cellar». Il a raison, car sa gouaille l’emporte. Il se dégage encore de ce cut une bonne odeur de bas-fonds, un mélange capiteux d’odeurs de bière, de tabac froid et de pisse. Encore du rampant granuleux avec «24 Hours Every Day», tartiné de fuzz et de tortillades de solos bancales, presque velvetien tellement le mauvais esprit rôde. Notons au passage qu’ils sont sur le fameux label Midnight qui est aussi le label des Fuzztones, des Zantees et des Outta Place. En B, ils se prendraient bien pour les Stones avec «It Don’t Talk Much». Leighton s’y révèle le grand spécialiste mondial du wouaaaahhhh ! Mais pour une fois, le groupe joue un beat souple et racé, ce qui ne leur ressemble pas. Quant à l’«One Way Ticket» qui referme la marche, on penserait plutôt aux Stooges, tant le poids du pounding prévaut. En purs prévaricateurs, les Morlocks s’attaquent à la civilisation.

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Qu’on se rassure, malgré sa pochette immonde, le «Submerged Alive» paru en 1987 n’est pas très bon. On n’y risque pas grand chose. Leighton semblait vouloir faire des efforts pour paraître civilisé, si bien qu’un cut comme «She’s My Fix» sonne comme le «Green Onions» de Booker T & the MG’s. C’est exactement le même riff. Alors là bravo ! Avec «Black Box», ils nous font une grosse mélasse de garage à la saucisse, alors on en bouffe, ça dégouline de fuzz. On les sent préoccupés de grooves lysergiques, sans idée de cap précis. Ils reviennent en terre de connaissance avec une version bien sonnée du «Leavin’ Home». De l’autre côté, Leighton recoiffe sa couronne de roi du wouahhhhh dans «Body Not Your Soul» et avec «Two Wheels Go», ils développent un son assez gluant, d’autant que le guitariste joue au long. Alors ça dégénère en un horrible psyché verdâtre d’inspiration maladive, tout ce qu’on aime. Ils finissent avec un «Empty» tendu au pur binaire. Non, les Morlocks ne sont pas des loques. Ils tiennent bien la rampe. Ils sont gras comme des frites de fête foraine et nous gavent de solos de lousdé lardé de dégueulis d’Angola.

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«Uglier Than You’ll Ever Be» est un live enregistré à San Francisco en 1985. Cette horrible petite fiotte japonaise de Leighton nous met tout de suite le museau dans le garage le plus gras avec «I Need You». Il fait bien ses wouahhhh et le solo s’envenime comme il faut. Même chose avec l’atroce «You Mistreat Me» des Outsiders. Ils continuent de bombarder les cervelles avec une version explosive de «Leavin’ Here». Ils ne reconnaissent aucune loi. Il faut ensuite attendre «Ourside Looking In» pour retrouver ce qui nous intéresse, c’est-à-dire le gros rave sixties à la Seeds, entêté et revendicateur, fantastique et hurlé à la hurlette. On frise l’apothéose de l’épitome de tome de chèvre. Quelle classe intrinsèque et quelle force dans le sec du causse ! Ils attaquent «The K» au violent garage de crocodile vengeur. C’est dur et vénéneux, bien rampant sous le tapis, une vraie horreur de garage joué à la vie à la mort. On est au cœur du problème et ça pleut de partout, ça solote dans la fournaise de la maison Fournaise sur l’île de Chatou. On a plus loin un «Cry In The Night» noyé de guitares. Ah le travail ! Ces mecs-là ne respectent rien. Ils déversent une sorte de purée épouvantablement scintillante, le chant est couvert. Avec «By My Side», ils reviennent au pur jus de garage, ils visent une sorte d’intemporalité des choses. Admirable car l’échappée est belle.
En 1997, Leighton disparut des écrans radar pendant dix ans. On le disait mort. En fait, il s’était trouvé mêlé à une sale histoire de dope et il se prit dix grosses années de placard dans la barbe. Il sortit enragé, remonta une nouvelle équipe de Morlocks et se remit en route pour de nouvelles aventures.
Il serait certainement arrivé la même chose à Jim Morrison s’il avait été jugé à Miami : les grosses années de placard lui pendaient au nez. L’injustice et le rock délinquant ont toujours fait bon ménage.

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C’est sur «Easy Listening For The Underachiever» paru en 2006 qu’on trouve l’incroyable reprise de «Teenage Head». Avec celle de Sean Tyla et des Ducks DeLuxe, c’est la version la plus digne du grand Roy. Ils l’explosent et la feutrent dans le couloir de la menace. Ils régénèrent l’un des mythes les plus sales de l’histoire du rock. L’autre grande surprise de cet album est une chanson intitulée «My Friend The Bird». On sort du cadre garage et on va sur quelque chose de plus ambitieux, de beaucoup plus entreprenant - My friend the bird never to return - On y renifle des relents de Sister Morphine et la chanson envoûte, indiciblement. Dans «Sex Panther», on trouve le riffage des Troggs et le parfum des caves humides avec des chœurs à la Dolls. Alors ça réchauffe le cœur. Il y coule aussi une admirable dégueulade de solo. Voilà ce qu’il faut bien appeler un chef-d’œuvre de binarisme bien tempéré. On reste dans l’extrême violence garage avec «You Burn Me Out», pulsé par une bassline redoutable, et farci d’incursions de gimmicks mortels. Leighton se met à screamer pour de vrai, histoire d’introduire un solo à l’orientale malaisé. Wow, ça hurle dans la fumée de la bouillabaisse ! Sixties Sound à l’état pur pour «Cat (On A Hot Thin Groove)», car oui, ça scie à l’Anglaise et les Kray Twins viennent trucider le long break à coups de rafales de solo. On croirait entendre les Animals avec les Stooges, ça trogglodyte dans la dynamite, ça coupe quand il ne faut pas, ça patauge dans la purée de fuzz, maillots rayés, maracas, la sauce habituelle, l’étincelle dans la sainte-barbe et on attend une nouvelle preuve de l’existence de l’Apocryphe, Saint-Joseph, protégez-nous ! Garagiquement parlant, il ne manque rien. Comme d’ailleurs dans tous les disques des Morlocks. N’oublions pas que dans Morlocks, il y a mort, loque, morve et more, tout l’attirail de la mythologie garage.

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«Play Chess» est un disque touchant. En tous les cas, ça partait d’une bonne intention : rendre hommage au label Chess. Leighton s’en tire plutôt bien lorsqu’il tape dans «I’m A Man», mais ça reste tout de même en dessous de la version des Pretty Things avec Eddie Phillips. On l’attend au virage pour «Help Me». Saura-t-il rivaliser de démesure avec Alvin Lee et le Colonel J.D. Wilkes ? Non ! Il ne hurle même pas. La bonne surprise, c’est «Smokestack Lightning» de Wolf, car il s’en va hurler à la lune et ça lui réussit plutôt bien. Mais tout le monde n’est pas Cézanne/ Nous nous conterons de peu/ L’on pleure et l’on rit comme on peut/ Dans cet univers de tisane. Ils font une version de «Who Do You Love» à la Quicksilver tellement chargée de reverb que ça ne fonctionne pas. Le seul gros cut de ce disque raté se trouve de l’autre côté : une belle reprise de «Sitting On Top Of The World» traitée au garage sale. C’est l’un des faits les plus marquants de l’ère des Morlocks. Notons pour conclure qu’à chaque fois qu’ils tapent dans Chuck - trois fois - ils se vautrent comme des andouilles.


Signé : Cazengler, loque tout court


Morlocks. Wild And Crazy Cosmic Trip Festival. Bourges. 6 mai 2016

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Gravedigger V. All Black And Hairy. Voxx Records 1984
Gravedigger V. The Mirror Cracked. Voxx Records 1987
Morlocks. Emerge. Midnight Records 1985
Morlocks. Submerged Alive. Epitaph 1987
Morlocks. Uglier Than You’ll Ever Be. Voxx Records 1997
Morlocks. Easy Listening For The Underachiever. Olde Hat Records 2006
Morlocks. Play Chess. Fargo Records 2010

*

Me faisais une joie de mon week-end. De superbes concerts un peu partout dans un rayon de cent kilomètres. Que de bons groupes ! Pour vendredi soir, c'était réglé comme du papier à musique. La petite Yuki m'avait donné rendez-vous. Je déteste faire attendre les demoiselles. Petit bémol, je n'étais pas le seul à recevoir l'invitation, l'était adressée à tous les fans de Klaustrophobia. Et ils sont nombreux. Aux dix-huit Marches à Moissy-Cramayel, avec trois autres combos et une surprise en plus. Grosse note de tristesse, c'était le dernier concert des Klaustro, une des meilleures formation métal-rock de la région. L'arrive souvent que les chemins divergent à l'intérieur d'un jeune groupe, c'est la vie, c'est le rock, mais ils jurent de continuer leur combat rock, je promets que nous garderons un œil sur la suite de leurs aventures.
C'est vendredi après-midi à seize heures douze minutes précises que l'alligator s'est jeté sur moi, sans prévenir. Je tousse, je mouche, je m'étouffe, je morve, je pleure des yeux, je monte en fièvre, mes forces m'abandonnent, mes jambes flageolent, la mort dans l'âme, la vie éteinte dans mon corps, je me couche à huit heures... les dieux du rock and roll m'ont abandonné. Le problème c'est que le samedi soir, l'amélioration n'est guère prometteuse. Moi qui avais projeté de voir les Cactus Candies à Gometz – Le - Châtel. Je déclare forfait. Trop loin, trop faible.
Maintenant ne faut pas me lancer des défis idiots. Tiens, il y a une soirée trois groupes à Roissy-en-Brie, pas très loin de la maison, en ligne droite, des inconnus certes, mais quelle est cette mention attentatoire à l'orgueil de tout rocker qui se respecte : notre attention est attirée sur le fait que ce soir les groupes joueront particulièrement fort ? Et puis quoi encore, confondrait-on les passionnés de métal électrique avec les amateurs distingués de la musique de chambre ?
La teuf-teuf se montrera compatissante, quand ma vue décroche de la réalité objective du monde, au lieu de se perdre dans les images oniriques qui me traversent le cerveau sans préavis, elle reste stoïque les quatre pneus plantés dans le bitume. Je peux la remercier.
Un jeune couple prend ses billets devant moi. Sont gentiment prévenus, on leur propose et refile un sachet de protection auditive, des bouchons plastiques à s'enfiler dans les oreilles. On aura tout vu, des préservatifs pour les esgourdes, je ricane dans mon coin. Ce fachisme rampant à visage humain m'ulcère. D'un côté l'on se préoccupe de prévenir le moindre de vos bobos et de l'autre l'on vous envoie les gardes-mobiles pour vous faire accepter à coups de tonfa dans la gueule des lois iniques qui vous enjoignent d'accepter une régression sociale digne du dix-neuvième siècle. De toutes les manières avec ma trogne de grand malade, l'on doit penser que mes heures sont comptées, et l'on me laisse affronter le Godzilla sonore promis, les tympans à découvert.

ROISSY-EN-BRIE / 21 – 05 - 2016
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COWARDS / CULT OF OCCULT
CHAOS E.T. SEXUAL

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Pas grand monde ce soir. Faut dire que question métal, a débuté à dix-huit heures à l'Empreinte de Savigny-Le-Temple, dans la série 22 h 22 / Concert Inter Lycées, une de ces mémorables soirées qui attirent toute la jeunesse du département avec Clouds On Fire et Fallen Eight... Et puis ici, c'est un peu particulier, c'est du sludge. Le genre de musique bourdonnante qui vous prend la tête et vous la fracasse méthodiquement à longs coups de marteaux pesants assénés avec force et lenteur.

CHAOS E. T. SEXUAL

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Petite déception, ne sont que trois sur scène. Pour l'apocalypse bruitique annoncée c'est un peu maigre. Et en effet le son restera dans des limites tout à fait supportables. Enfin presque. C'est du lourd, de l'entêtant, ça vous entoure le corps comme un boa constrictor et ça vous serre méthodiquement par à-coups, à peine si vous vous apercevez que la cadence du rythme s'accélère. Chaos : et vous pensez désordre, c'est une erreur, imaginez plutôt l'eidos platonicienne de l'obsession. Vous ont pris à la première seconde, ne vous lâcheront plus qu'à la fin. Au moment où vous ne l'espérez plus. Mais cela ne vous intéressera plus. Vous ont enlevé, vous êtes entraîné dans une sorte de vertige extra-terrestre horizontal d'un vaisseau spatial qui vous amène aux confins de l'univers. Attention pas d'extase sexuelle qui vous permettrait d'atteindre à une autre dimension. Une musique qui bande mais qui n'éjacule pas – comme l'on vous apprend dans les initiations tantriques. Ce qui explose se délite et perd de sa puissance. La puissance en acte est une retenue. Massue masturbatoire. Einstein nous l'a explicité, c'est le carré lumineux de la masse qui détient l'énergie.
A part que chez Chaos E. T. Sexual, la lumière n'existe pas. L'avenir est aussi sombre que le passé. Le set débute par la voix de Salvador Allende s'adressant au monde depuis la tribune de L'Organisation des Nations Unies. Une façon d'exposer le no future punk d'une manière un peu plus politique. Nous connaissons la fin sanglante de l'histoire. Le putsch de Pinochet. The dream is over. Ne reste que la noirceur du monde et de notre présent. Le sludge n'est pas une musique guillerette.

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Yves et Humbert sont à la guitare. Tirent des riffs épais comme les eaux boueuses du delta charriant des milliers de cadavres d'hommes et d'animaux emmêlés lors de la grande crue de 1927. Le Sludge est un bras mortuaire du blues. Le balancement régulier de la misère qui passe et repasse sans cesse. Tarik est au centre, debout, officie derrière sa console, boite à rythmes et croque morsure du rock. Lui aussi se laisse peu à peu entraîner dans le rythme assourdissant qu'il produit. Mais attention, au-delà du vacarme, il faut comprendre que notre oreille peut s'entrouvrir à d'autres rivages sonores inouïs. Se plient tous trois en avant, éperdus en une espèce de danse de sioux au Soleil inversée, il ne s'agit pas de ployer en arrière pour recevoir la lumière divine en pleine face mais de se courber vers le sol, comme pour indiquer que la profondeur de la terre est le dernier réceptacle humain. Le cul de basse force dans lequel tout périclite.
Chaos E. T. Sexual produit une musique qui vous guide vers la transe. Ni joyeuse, ni libératrice, vous tient dans l'éternel retour de son cercle infini. Pas répétitive car la cadence de la marche est toujours présente, toujours un pas en avant, toujours un rythme en avant, cette lourdeur installée sur les épaules qui vous oblige à avancer coûte que coûte, à continuer votre chemin intérieur tout droit, même si dans l'espace mental toute ligne droite finit par épouser la forme de la courbe fatidique.

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Devant les guitares s'allonge une ribambelle de fuzz et de pédales. Le son se doit d'être torturé si vous voulez qu'il corresponde à vos états d'âme. Et à l'état du monde extérieur qui ne va pas mieux que vous. Plus que de la musique, Chaos T. E. Sexual produit une vision. Noire, peuplée de cauchemars informes mais que vous identifiez sans problème car ils vous ressemblent tellement qu'ils sont vos portraits crachés. Miroirs suis-je si laid ? Oui mon fils de pute, le plus laid de tous les derniers des hommes. Est-il vraiment besoin d'ajouter quelque chose ? La guitare est abandonnée, elle gît comme un objet inutile, telle l'arme rouillée au pied du chevalier mort. Le guitariste est à terre, couché de tout son long, trifouille les fuzz comme si plus rien n'avait d'importance. Tarik a quitté sa table de commandement, bye-bye les témoins lumineux qui clignotent sans fin, le vaisseau amiral agonise dans les stériles paysages d'une planète perdue.
Plus personne sur scène, ne reste que le battement du coeur mort qui bat encore l'on ne sait pourquoi puisque toutes les fonctions vitales ont cessé d'émettre... Chaos E. T. Sexual, le groupe qui n'admet aucun survivant. Aucune survivance.
Silence triomphal. Grosse impression. Grande pression.



COWARDS


Pour des Cowards, je préfère vous prévenir ils n'ont peur de rien. Vous les retrouverez d'ailleurs sur la scène du Hellfest. Mais en attendant ils sont là, et bien là. Sludge certes, mais avec une bonne dose de rock and roll hardcore. Question lenteur, c'est mal barré. Pas de temps à perdre à vous serrer le cou pendant une heure pour que vous ayez le temps de vous sentir mourir tout doucement à petit feu. Ne sont pas cruels, du genre expéditif, trois gnons bien placés, c'est bon au suivant, vous pouvez visser le couvercle du cercueil. Pas de temps mort pour les morts. T. A. et A.L. sont à la guitare. G. T. à la basse, et C.L. à la batterie. Leurs noms et prénoms sont réduits à leurs initiales, jeunes gens pressés. Peut-être aussi le signe d'une éthique anti-rock and roll stars.

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C.L. est tout au fond coincé entre deux murs de baffles. Difficile de l'apercevoir. Est-ce pour cela qu'avec son micro J. H. se tourne si souvent vers lui lorsqu'il chante ? Ou peut-être pour nous signifier que ce qui leur importe c'est leur musique et que nous, spectateurs, ne sommes que des épi-phénomènes adjacents. Un peu comme ces écrivains qui déclarent qu'ils n'écrivent que pour eux-mêmes. Très vite les deux guitaristes adapteront le même cérémonial. L'union fait la force des rituels. Plus vous libérez d'énergie, davantage le point focal et initial d'expulsion doit être resserré.
En tout cas, l'on en profite et le public jubile. Vous envoient les morceaux à la volée, un peu comme les Empereurs Romains qui faisaient balancer les cadeaux les plus précieux au bas-peuple relégué dans les gradins du haut. Ne s'arrêtent même pas quand les scuds se finissent. Ça se bouscule au portillon. Une véritable trombe de titres plus énergisants les uns que les autres. Fork You, Never to Shine, Frustation, Hoarse, Anything, Beyond, Bend the Knee, Birth, and Wish. Quand c'est fini, sans préavis ils éteignent les amplis et descendent sans plus de cérémonie de la scène.

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On se croyait au milieu du set, mais non, faut se contenter de ce qu'on a reçu. On ne peut pas dire que c'est peu, car ils nous ont envoyé quarante minutes d'uppercuts rock comme on a l'habitude de ne pas en réceptionner souvent sur le coin du museau. Une puissance apocalyptique. Un chanteur qui feule comme un tigre en rut que vous venez imprudemment déranger alors qu'il est en train d'honorer sa femelle. Des guitares aux griffes lacérantes, une basse panthère noire à la robe souillée de sang et un batteur fou qui bétonne de l'énergie solide.
Question son, c'est du costaud, mais rien de médicalement répréhensible. Certes ce n'est pas la flûte aigrelette de Bonne nuit le petits, c'est juste du rock and roll qui traverse tous les genres et tous les sous-genres. De l'énergie authentique et on aime cela. Quittent le plateau comme des voleurs qui ont emporté notre joie de vivre. Notre haine aussi. Le rock ne saurait être une oasis de béatitude pour imbéciles heureux. Cowards débite en tranches saignantes un rock sans concession face à la laideur du monde. Le refus d'une certaine médiocrité existentielle, l'exaspération devant des temps qui semblent marcher à reculons, tous ces ferments de venin vipérin, Cowards les véhicule dans son attitude.

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Cowards c'est la boue qui coule des cratères en feu lors des éruptions volcaniques. Ces fleuves de tourbes impavides qui vous enserrent dans leur gangue de glaise avant que la cendre brûlante ne pleuve sur votre carcasse et vous ne pétrifie à jamais dans votre statue d'argile cuite. Ne fuyez pas devant ce désastre annoncé, le sludge est né au pays des zombies et l'énergie irradiée par le groupe vous permettra d'attendre à l'ultime transmutation que vous désirez au-delà de vos peurs les plus obscures. Un grand moment de rock.

 

INTERSET


Etrange, autour de moi, tout le monde parle mais l'on n'entend plus rien. L'on croirait assister à la projection d'un film muet. Ce n'est pas mon système auditif qui est tombé en panne, c'est le guitariste de Cult Of Occult qui vérifie si son engin est bien accordé. Mon voisin était en train de nous révéler la légende maudite du groupe, là où ils passent, ils ne repassent pas, ce sont des Attila sonores, des monstres surgis des forges de Vulcain, n'exagérons rien, oui ils jouent fort, mais aucun acouphène n'est venu squatté le trou de mon oreille gauche. L'orifice de la droite non plus.

 

CULT OF OCCULT

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Cult Of Occult. Tout un programme. Le nom s'affiche sur le fond de la scène. Dès que le groupe commencera à jouer une image s'imposera, celle de leur album Five Degrees of Insanity, cinq visages interpénétrés, figés l'un dans l'autre qui dardent sur vous le bleu froid de leurs regards cruels. Etrangement, mais pas du tout bizarrement, l'esthétique du dessin rappelle la pochette de In The Court of King Crimson, l'homme fragmenté du Roi Cramoisi n'est peut être pas si éloigné de l'état morbide des âmes contemporaines. Ces drôles de cyclopes à deux yeux communicants ne vous veulent que du mal. N'espérez aucune mansuétude. Ce sont de mauvais fils du diable. L'image revient sans arrêt, tremble sur elle-même indéfiniment, comme pour mieux vous rappeler qu'il existe des portes battantes qu'il vaudrait mieux pour votre sécurité psychique que vous ne les ouvriez point tout à fait. Parfois, vous avez droit à un flash d'image noire, des pentacles invocatoires et sataniques, une potence au crochet de fer menaçants, et une seule fois, une silhouette noire levant un verre de libation en l'honneur de qui vous savez. J'ose espérer qu'il ne s'agit pas de vin de messe frelaté mais de sang coagulé des premières menstrues d'une vierge sacrifiée au Prince des Ténèbres. Pour ceux que ce genre d'icônes effraie, rabattez-vous sur de saines et courtes lectures, de simples vocables en lettres gotho-runniques barbelées qui s'affichent à intervalles réguliers, l'on pourrait appeler cela des encrages psykotiks destinés à vous tatouer l'intelligence par diffusion lente...

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La lenteur est le signe de la noblesse des Dieux affirmait Aristote. Je ne sais s'il avait raison, mais il me semble que d'après Cult Of Occult elle est aussi l'attribut du Mal. Quatre encapuchonnés sur scènes qui nous servent un long et lent rituel d'une noirceur absolue. Ne le prenez pas mal. Le satanisme est une médecine douce, une opérativité homéopathique qui consiste à soigner le mal par le mal, à injecter une touffeur de mal dans le mal généralisé du monde. Opérations difficiles. Qu'il convient de maîtriser parfaitement. Si l'on ne veut pas déclencher des catastrophes. L'équivalent d'une menée alchimique par la voie rapide, dite sèche.

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Lent mais violent, une énergie qui se déploie en orbes concentriques, du doom domestiqué, du sludge suintant de maléfices. Quatre sur scène. Batteur, guitare, basse et micro. Un hurleur de carrefour, chaque cri comme une invocation démoniaque à Hécate. Sous leur capuches silencieuses ils sont comme une confrérie d'anti-moines voués aux allégeances des profondeurs méphitiques. Se rapprochent les uns des autres, donnent l'impression de se chuchoter d'immondes secrets couverts par le bouclier sonore qu'ils opposent au monde qui les entoure. Le chanteur est plié en deux, comme terrassé par le haut-mal, comme s'il tenait à se rapprocher des puissances infernales. Le sludge est né dans la zone de diffusion du vaudou. Cult Of Occult sonne comme un retour aux sources boueuses du rock and roll.

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Peut-être du cinéma, mais pas de cirque. Les interrupteurs sont méthodiquement éteints un par un et les musiciens descendent de l'estrade et se fondent dans le public. Fin de non-recevoir. Un peu comme ses enterrements sans fleur ni couronnes, expédié dès que le cercueil est descendu dans la fosse. Public admiratif et approbatif.

 

RETOUR

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Une grande claque cette soirée. En attendant c'est moi qui prend mes cliques et mes claques et qui m'éclipse vers mon clic-clac. La teuf-teuf fidèle me ramène, illico presto. N'empiète pas trop à part quelques embardées sans conséquence sur les visions de cauchemar qui hallucinent mon regard. Minuit quarante-cinq pile, je rentre sain et sauf à la maison. Je commence à croire à la légende des morts-vivants. Oui, mais j'ai raté Yuki.


Damie Chad.

JOHNNY
A LA COUR DU ROI

LONG CHRIS

( Filipacchi / 1986 )

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Encore un vieux bouquin sur Johnny, mais celui-ci écrit en 1986 par Long Chris. Une manière de côtoyer l'actualité puisque Long Chris était ce samedi 21 Mai chez Rock Paradise qui vient de sortir en CD son mythique album Chansons Etranges pour Gens Bizarres paru en 1966. Merci Patrick Renassia ! Long Chris est un personnage mythique du rock and roll français, était là au tout début bien avant que Jean-Philippe Smet ne devienne Johnny Hallyday. Même si une trentaine d'années plus tard un froid glacial s'est installé entre les deux hommes ce livre apporte son lot d'anecdotes et de mises au point sur la naissance du rock national. Mais l'est beaucoup plus que cela, nous livre un portrait intime de Johnny rarement égalé et surtout nous laisse entrevoir la personnalité et le cran d'un homme qui ne mâche point ses mots, ni ne cache ses idées. Long Chris aime à exposer ses points de vue avec une redoutable et saine franchise.

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L'histoire racontée par Long Chris culbute un peu les mythes et en conforte d'autres. Evidemment c'est la faute à Elvis Presley si Christian Blondieau rencontre Jean-Philippe Smet. La chose ne s'est pas faite en un jour. L'a mis du temps à accrocher à Elvis, le jeune Blondieau, lui l'est plus attiré par le western-folk. Ce disque d'Elvis, cadeau d'un GI américain, il le refile même à un copain. Lui faudra plusieurs semaines pour comprendre l'étendue de son erreur. Le temps de devenir un fan de rock and roll. Autrement dit d'Elvis. Elvis deviendra même son premier surnom. La connaissance des autres pionniers viendra plus tard. En attendant son destin bascule à la patinoire : discute cinq minutes avec un grand blond qui lui aussi connaît Elvis et possède ses disques... Bye-bye à la prochaine. Se retrouvent plus vite que prévu. Le blondinet est attendu à la sortie par un groupe de blousons noirs qui lui tombent dessus. N'ont pas tort, l'a volé la fille du chef, sont dix autour de lui et le jeune Blondieau s'en vient le soutenir. Geste héroïque qui se termine par une magistrale branlée pour nos deux héros. Et une amitié scellée dans le sang.

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Une véritable ouverture de film. Vont devenir inséparables. Deux ados qui essaient de grandir. Contrairement à la plupart d'entre nous, vont parvenir à réaliser leurs rêves. Pour Johnny, c'est plus simple mais beaucoup plus difficile. Pour Chris, les choses se mettront en place plus doucement, sera entraîné par le séisme mis en branle par son copain. La personnalité de Johnny est déjà en place, beaucoup de charisme, et beaucoup de pudeur. Le gars qui a systématiquement besoin d'un téléphone pour annoncer les nouvelles importantes à son poteau, et qui parvient à se faire accepter par les parents pratiquement comme un ami de la famille, alors que le père est disons très très vieux jeu... pour ne pas être cruel avec lui. L'a de la présence Jean Philippe, une âme de leader, les filles lui tombent dans les bras, on le sent déterminé à l'on ne sait pas trop quoi. Au moins à bouffer la pomme d'amour et de discorde de la vie jusqu'au trognon. Côté cour : extériorisation :  Elvis et la frénésie triomphatrice du rock and roll, côté jardin : intériorisation : le romantique destin brisé de James Dean.

Alors que Christian passe ses gammes d'étalagiste et de décorateur de vitrine, Jean-Philippe ne quitte plus sa guitare et s'essaie à chanter. Vous attendez à ce que tombe le coup de la carte magique du Golf Drouot. Christian et Jean-Philippe en ont entendu parler, le cherchent, mais ne le trouvent point ! Ce sera l'Astor, une boîte qui laisse le micro ouvert aux jeunes. Justement, y a un certain Jean-Philippe qui susurre une ritournelle pas vraiment glorieuse... Johnny sent qu'il peut faire mieux et le voici parti sur Party, guitare en bandoulière et le public qui acclame. Deux morceaux, un triomphe. Jean-Philippe a trouvé sa voie. Chanteur de rock and roll, et pas autre chose, c'est Lee, le «  frère » américain qui lui refile son pseudo d'artiste Halliday, désormais il sera Johnny Halliday. Desta et Lee prennent le rêve du petit au sérieux, Lee se met en quête de contrats... en vain. Le rock and roll n'intéresse personne. L'imprésario improvisé se heurte à un mur de refus polis mais sans appel...

Le rock and roll est un rêve américain. Long Chris s'accroche à ce mantra. Le traduire en français serait une trahison. Ne sont que quelques centaines sur Paris à vénérer cette musique. Forment une bande, une famille, une secte. Le rock and roll est leur unique bien, leur refuge. Une citadelle indomptable au pied de laquelle viennent se briser les vagues menaçantes d'une société qu'ils refusent d'instinct. Johnny ne l'entend plus de la même oreille. Deux ans qu'il galère sans succès, commence à comprendre que s'il veut atteindre le public, il doit chanter en français, délaisser les purs et les durs. L'éternelle querelle des anciens et des modernes... Est-ce le hasard ou la nécessité qui initie la rencontre de Johnny et de l'éditeur de musique Claude Salvet qui vend les partitions américaines d'Elvis, et chez celui-ci la rencontre avec Pierre Mendelshon qui le fait passer dans son émission radio Paris Cocktail à la suite de laquelle il est contacté par le duo de paroliers Jil et Jan ? Qui écrivent leurs textes dans la langue de Molière.

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Nous sommes en 1960 et la carrière de Johnny Hallyday est lancée. Ne faut peut-être pas tout prendre au pied de la lettre. Le livre a été rédigé à l'instigation de Johnny à qui Chris relisait ses pages. On n'écrit pas l'histoire, on la réécrit. On passe sous silence les faits gênants, il existe des biographies non-autorisées qui comblent les vides. Pour nous, nous regretterons seulement l'absence de Philippe Duval qui fut le premier guitariste de Johnny. Pas tout à fait un simple accompagnateur. Chantaient à tour de rôle... Mais en 1960, un choix est fait : celui de privilégier Johnny. Duval, s'éloigne. On le retrouvera plus tard travaillant chez Claude Salvet...

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Je n'ai jamais aimé les disques de Johnny chez Vogue. Fut un temps où Johnny lui-même n'aimait pas les rééditions qui en étaient faites. Trouvait que cela nuisait à son image... Long Chris ne se gêne pas, n'y va pas de main morte. Se montre catégorique, à part Une Boum chez John et Oui, Mon Cher, il n'hésite pas à vomir sur cette daube qu'il qualifie de variété indigne d'un rocker. Certes, l'on peut arguer que Johnny est tout jeune, que sa voix n'a pas la maturité requise, mais plus que ces défauts de jeunesse c'est ce que nous nommerons l'idéologie prégnante cucul-la-praline des paroles fadasses qui le débectent. Reconnaît toutefois à son corps défendant que ce sont les stupidités à la noix de coco éventée comme Itsy Bitsy Bikini qui assirent la popularité de Johnny... Comme il est particulièrement teigneux il ne modère pas non plus ses acrimonies lorsqu'il aborde la première période chez Philips, le twist, le madison, le mashed potatoes et tout le reste des danses à la mode, il les exècre. Du rock perverti. Du rock abâtardi. Du rock dégénéré. Ne reprend goût à la vie pratiquement qu'en 1964 avec Les Rock les plus Terribles, qui d'après lui permettent à Johnny de récupérer le public des puristes qui l'avaient abandonné depuis son premier disque. L'oublie tout de même de préciser que toute une partie de ces amateurs de real rock and roll sont en train de se focaliser à cette même époque sur les pionniers américains qu'ils vont suivre et soutenir grâce à de minuscules fanzines ronéotypés durant la longue traversée du désert qui s'ouvrent pour ces devanciers submergés par la vague anglaise, près de quinze ans, jusqu'à l'éclosion des Stray Cats.

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Eprouve toutefois une certaine tendresse pour Sings American Rockin' Hits enregistrés à Nashville avec Shelby Singleton, qui plus tard reprendra les disques Sun, en 1962. Par contre n'est pas tendre avec le premier public jeune qui fréquente le Golf-Drouot. Trop propret, trop gentillet, trop minet. Rien à voir avec une génération d'outlaws en rupture de ban ! Heureusement que les filles préfèrent les bad boys. Se présentent lui et Johnny comme le cheval de Troie qui permettra l'intrusion d'un public un peu plus porté sur le rock and roll, l'intuition géniale d'Henri Leproux n'est guère mise en évidence dans le récit... La saga que rédige Long Chris n'est pas un traité sur l'éclosion du rock and roll en France durant les années soixante, à peine si nous entrevoyons la haute silhouette moqueuse et condescendante du grand Schmall, celui qui deviendra Eddy Mitchell. Le live ne fourmille d'aucune d'indication sur les groupes qui s'engouffrèrent dans la brèche ouverte par Johnny. L'évolution musicale de Johnny lui-même est supposée connue du lecteur. A lui de comprendre avec les simples noms des musiciens successifs qui l'accompagnent sur scène.

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Le succès venu, Johnny n'oublie pas les copains. Long Chris se voit bombardé secrétaire personnel de l'idole. Participe de près à l'épopée des premières campagnes de France. Décrit avec soin ce phénomène qui transforme le jeune chanteur en patron. Johnny comprend très vite que tout repose sur ses épaules. Intériorise la situation. Assume totalement. L'est le chef de la bande, des musiciens, des proches et du staff qui se met en place autour de lui. L'aime cette situation de leader, s'en délecte, elle lui permet de s'épanouir, touche à cette plénitude de jouissance que la volonté de puissance en actes permet d'atteindre. Sans être machiavélique, Johnny n'est pas sans être dépourvu d'une légère dose de perversité. Aime bien pousser les gens à bout, adore envenimer les situations, et une fois que les œufs sont montés en neige, il s'éclipse et vous laisse vous dépatouiller tout seul. L'est un peu manipulateur, mais n'en use point qu'à mauvais escient, vous pousse dans vos derniers retranchements, parfois pour vous mettre en face de vos incohérences mais souvent aussi pour vous permettre de franchir le pas que vous n'auriez jamais osé effectuer de vous-même.

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Ainsi Long Chris est sommé de se mettre au boulot. Comprenez de devenir chanteur. Dans toutes les maisons de disques, désormais l'on est à l'affût de nouvelles têtes, le rock est à la mode, faut sauter sur l'occasion. N'y a qu'un problème pour Chris, ne se sent pas l'âme d'un rocker, serait plutôt attiré par ce que l'on nomme le folk et le country. Publiera quelques disques, mais n'a pas le goût des projecteurs, le rôle de second couteau lui suffit amplement. Lui ce qu'il aime, ce sont les vieux objets inanimés qui ont une âme et les soldats de plomb, profite des tournées pour faire les boutiques de province... Plus tard, il sera antiquaire au Village Suisse. Johnny n'abandonne jamais une bonne idée. Certes Long Chris peut à l'occasion faire une excellente première partie, mais il vaut peut-être mieux s'en servir comme régiment de soutien logistique. Hallyday dresse ses plans de campagne, c'est avec des chansons qu'un chanteur remporte ses victoires. S'il n'écrit pas ses paroles Johnny n'en est pas moins attentif à ce qu'il chante, Chris se voit intimer l'ordre de sortir son stylo et de parapher des lyrics au pied levé. Et Chris s'exécute, lui écrira, et parfois en quelques minutes, quelques uns de ses plus beaux morceaux de La Génération Perdue à Je Suis Né dans la Rue, et de ses succès les plus remarquables de Voyage au pays des vivants à Gabrielle... C'est au début de cette époque que Long Chris produit ses mythiques Chansons Etranges pour Gens Bizarres.

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Long Chris aura été présent aux deux époques les plus symboliques de la carrière de Johnny, des débuts incertains mais fondateurs à celle qui le sacrera prince indéboulonnable du rock français qui débute après la tentative de suicide de 1966 et que nous ferons terminer avec la venue de Michel Mallory comme parolier ( voir KR'TNT ! 278 du 21 / 04 / 2016 ). C'est que rien ne va plus pour Johnny. Le départ à l'armée n'a pas été effectué de gaité de cœur. Le rocker passe sous les fourches caudines du Système qui ne lui aurait pas pardonné un refus... Rentre dans l'âge adulte et responsable. L'idole des jeunes se marie. Mais l'étalon fou ne tarde pas à ruer dans les brancards matrimoniaux. Y a désormais deux carrières à gérer, celle de Sylvie et la sienne. Notre jeune marié a du mal à abandonner sa vie de jeune célibataire, l'est auprès des filles comme un chien égaré dans un jeu de quilles, les fait tomber avec sa queue... Long Chris pousse l'analyse plus loin, les séquelles de l'enfance resurgissent : l'enfant délaissé par ses parents aspire à un foyer stable et uni mais lorsqu'il accède à cette stabilité affective il ne peut s'empêcher de reprendre ses galopades solitaires qui lui ont permis de survivre et d'accéder à son statut de star... Embrouillamini de couple, Sylvie essaie de faire le vide autour de Johnny, Long Chris est dans sa ligne de mire. Intuition et perfidie féminine ! Le vieil et antique adage de la guerre des cœurs sera appliqué dans toute sa rigueur : séparer pour mieux régner. Chris s'éloigne pour laisser les coudées franches à son ami qui le rappellera trois ans plus tard. L'en profitera pour embrasser la profession d'antiquaire spécialisé dans les militaria.

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Ce n'est que bien plus tard que Johnny retrouvera paix et sérénité grâce à la rencontre avec Nathalie Baye. Une embellie affective qui ne durera que trois années. Notre rocker retournera à ses vieux démons. L'existe trop de belles filles dans le monde pour s'en priver définitivement... Johnny parcourt l'Amérique et Nathalie l'attend à la maison... Un soir c'est Johnny qui s'en vient sonner à la porte de Chris avec ses valises et ses guitares... La lune de miel a tourné à l'aigre. Chris accueille son ami. Ne s'en doute pas, vient de faire rentrer le loup dans la bergerie familiale. Sa fille Adeline qui n'a que quatorze ans est éblouie par ce grand garçon triste... Plus tard ils se marieront, et là encore la comédie tournera au drame. Chris restera auprès de sa famille, il n'a jamais admis ce mariage, la différence d'âge entre la tourterelle et l'aigle blessé lui semble promesse de tempête future... Ainsi se clora une amitié de trente ans... No comment. Cela ne nous regarde guère. Même si nous soulevons un coin du voile en voyeurs vicieux. Les personnages publics ne s'appartiennent plus tout à fait. Et de toutes les façons dans le rock and roll, honneur à celui par qui le scandale arrive.

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Tout cela se déroulera quatre années après la parution du livre. Chris nous livre un portrait de Johnny en pleine métamorphose. Le rocker est toujours un rocker mais au contact de l'actrice Baye, il s'adonne à l'autre moitié de son rêve, le cinéma. James Dean ne mourra jamais. Une deuxième carrière se dessine, acteur. L'a tourné Détective avec Godard, le réalisateur branchouille de génie qui réconciliera un court laps de temps Johnny avec les intellectuels, mais le livre se termine alors que Johnny vient d'achever le tournage de Terminus, un Mad Max à la française qu'il sera de bon ton de décrier dans les rangs de l'intelligentsia...
Pour Chris tout va bien. Son ami est au faite de sa popularité. Johnny est en forme, même que Nathalie accepte de le revoir... L'on connaît la suite de l'histoire. Ce qu'il y a de bien avec Johnny, c'est qu'avec lui nous sommes sûrs que les orages chateaubriandesques que nous désirons tous pour égayer nos pâles existences ne tarderont guère à se lever...
Au final, un beau livre d'amour et d'amitié. Si c'était un western ce serait La Flèche Brisée...


Damie Chad.

 

18/05/2016

KR'TNT ! ¤ 282 : THE KING KHAN & BBQ SHOW / MISS VICTORIA CROWN / SOUTHERNERS / SPUNYBOYS / THE DISTANCE /BETH DITTO

KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 282
A ROCKLIT PRODUCTION
LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM
17 / 05 / 2016

THE KING KHAN & BBQ SHOW
MISS VICTORIA CROWN / SOUTHERNERS
SPUNYBOYS / THE DISTANCE / BETH DITTO

 

BOURGES06 / 05 / 2016
WILD AND CRAZY COSMIC TRIP FESTIVAL
THE KING KHAN & BBQ SHOW

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God save the King Khan & BBQ Show !

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Il se pourrait bien que King Khan & BBQ soient nos héros du XXIe siècle, les Dupont & Dupont du garage, les Butch Cassidy & le Kid du trash, les Edmond & Jules de Goncourt des temps modernes, les Mandrake & Lothar de la pétaudière, les Boule & Bill dont on a toujours rêvé, les Blake & Mortimer de l’underground, les Laurel & Hardy du Grand Guignol de notre belle époque. En vérité, ces trashers qu’on croit sortis de la cuisse de Jupiter sont tombés du ciel. Eh oui, à l’origine des temps, nos amis étaient des Spaceshits, c’est-à-dire les merdes de l’espace, un combo canadien affreusement puant dans lequel il convenait de marcher du pied gauche.
Qui d’autre que Long Gone John pouvait sortir des albums des Spaceshits ? Tim Warren ne s’y serait jamais risqué. On ne parle même pas d’Estrus qui se réfugiait derrière une orthodoxie trash-punk frisant la rigidité protestante. Quels albums ! On en frissonne encore, vingt ans après.

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«Winter Dance Party» parut en 1997. C’est un disque de débutants, très bordélique et surtout mal produit. Il faut attendre «That’s The Way» pour reconnaître la patte de BBQ, cette espèce de trash-rock monté en épingle à coups de yeah yeah yeah. Autre belle pièce, «Cassie», doté d’une bassline d’excellence et gorgé d’énergie. Ils drainent le limon rockab dans le grand jus garage. Ils font aussi une reprise d’un grand classique rockab, «The Raging Sea» de Gene Maltais. De l’autre côté, vous trouverez une belle dégelée de garage infernal, «Showdown On 3rd St». On sent une tendance à poppiser dans les brancards. Ils poppisent de plus belle avec «At The Drive In», monté dans les octaves, avec toute cette énergie de bas étage qui va ensuite les caractériser. Leur «Betty Page» tombe dans la pure pop de rang princier et ils finissent avec un fantastique coup de boogaloo, «Bacon Grease», effervescent et admirablement bien drivé.

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«Misbehavin’» percute nettement plus. Ils attaquent avec un superbe «Can’t Fool With Me» et un riff piqué aux Beatles et enchaînent avec «We Know When Girls Are» presque stoogy, époque Williamson. Et paf, c’est parti ! Dans «C’mon Let’s Suicide», BBQ sort son meilleur doo-wopping et pose des jalons pour le futur. Dans «Won’t Bring You Back», ils tapent des chœurs à la Yardbirds. Wow ! Quel album, avec un son tout en profondeur et une énergie considérable. Encore un cut majeur avec «Jungle Beauty» et son ambiance touffue digne du Douanier Rousseau, et ce son qui semble fourmiller d’idées de son ! La fête continue de l’autre côté avec «Turn Off The Radio», trash-garage haut de gamme et BBQ pousse sa voix haut dans le ciel. Ils passent à la pure violence garage, celle des Pretties, avec «Piss On Your Grave». Ils sont dessus, à la goutte de stupre près, ils lancent même des accélérations de basse et des ponts déments. Ils n’en finissent plus d’effarer. Ils bouclent leur bouclard avec «Tell Me Your Name», bien vu car pris à l’étau des deux voix, l’une colérique et l’autre qui rappelle au calme.
BBQ et King Khan se sont ensuite installés en Europe et chacun a suivi son petit bonhomme de chemin. Tagada tagada pour BBQ avec son doo-wop et ses ballades Sun enchantées, en one-man band de luxe (eh oui, car trop doué), et clip clop clip clop comme dans Zorro Est Arrivé pour King Khan, avec ses colliers de dents de tigre du Bengale, son casque à pointe et sa grosse Bertha, c’est-à-dire les Shrines.

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Et le jour où nos deux héros ont décidé de réunir leurs efforts, alors le ciel nous est tombé sur la tête, comme au temps des gaulois. On les voit cavaler dans la rue, bras dessus bras dessous, sur la pochette de leur premier album, «The King Khan & BBQ Show», qui reste probablement l’un des plus disques les plus importants de l’histoire du rock, par son souffle, sa science du désossé et l’édifiante aisance avec laquelle ils réinventent l’art du garage. En gros, ils vont d’un coup de génie à l’autre. Ça commence avec «Waddin’ Around», un gros mid-tempo battu au tambourin de pied, riche de son et des harmoniques du grand BBQ, doo-wopper expert qui monte à l’octave frémissante, alors que derrière lui, l’aimable King Khan wap-doo-wappe et tire des notes épouvantablement malsaines de grandeur épistémologique. Dès lors, on comprend que le royaume du garage leur revient de droit. «Fishfight» est devenu au fil du temps l’un de leurs classiques. On a là du pur jus de garage farci d’incursions enragées et gluantes. On les voit braqués tous les deux comme deux travailleurs de la mer sur leur beat diabolo et King Khan joue à lancer des petits phrasés arrogants, pendant que BBQ officie à la cisailleuse. Ils flirtent avec le stomp. Ils incarnent tout ce qui fait la grandeur du garage. Deux guitares et un tambourin au pied : voilà le son. On remonte dans les nues de l’apogée avec «Hold Me Tight», monté sur un beat têtu et revanchard, sevré de sale niaque, vraiment narquois, du genre auquel il ne faut jamais tourner le dos, car sait-on jamais, chargé d’accords de contrebande grattés à la sauvette, et le tout se noie dans les retours d’Hold Me Tight. King Kahn opère des raids dans la fournaise à coups de notes de bas de manche. On monte encore d’un cran dans la pulpeuse excellence avec «Got It Made», et là, on assiste au spectacle du génie vocal de Mark Sultan, alias BBQ. Ce genre de cut s’appelle un tube planétaire. Il remonte au sommet d’un détour mélodique pour tournicoter un effet magique en forme de virevolte. Il est aussi voluptueux que Dion DiMucci ou les Flamingos. Il va chercher l’onctueux au moment le plus stratégique de l’assaut su ciel. Quel enchanteur ! À ce moment-là, il est bien certain que King Kahn doit frémir dans sa culotte. S’ensuit une véritable ode à la vérité funeste, à l’amoralité aristocratique avec «Take Me Back» - I don’t want no Cadillac car/ I don’t need no big cigar/ I don’t need to be a rock star/ I play on my old guitar - Ils s’y mettent à deux et postillonnent leur crédo dans le micro, et soudain, King Khan part en solo vitupéré d’avance. Inutile d’espérer que ça va se calmer. Avec «Pig Pig», ils nous replongent le museau dans le plus jouissif des brouets, dans ce garage véritablement endiablé. King Khan y mène le bal des urgences - C’mon baby c’mon girl - Il joue pointu et chante à l’absolu du garage-punk dévoyé. Les voilà de nouveau penchés sur leur beat comme deux vautours sur une charogne. Encore un éclair garage de génie avec «Lil Girl In The Woods», bardé de toutes les dynamiques de la descente à la cave, d’awites déliquescents et d’échanges à la titube. Ah la dégaine du cut, il faut voir ça ! Bien balancée des hanches et chantée à la morgue de la rue Morgue. Ils se payent même le luxe de chanter «Outta My Mind» avec la hargne la plus sournoise des sixties. C’est le swing des faubourgs joué à la régalade, un mélange d’accords clairs type Shadows et de gimmicks torturés dans les caves de la Sainte Inquisition. King Khan fait issir les moelles de ses gimmicks. Mais en réalité, ils pulvérisent toutes les formules. Ils réinventent le garage. Et dans «Mind Body And Soul», ce diable cornu de King Khan passe un solo de génie à l’orientale. Ce mec est doué, au delà de toutes les espérances. Il rivalise de delirium avec le Cyril Jordan qui montait jadis la fin de «Jumping Jack Flash» en mayonnaise d’arpèges.

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Leur deuxième album s’appelle «What’s For Dinner». Sur la pochette, Marc Sultan porte un turban pour faire le sultan et King Kahn porte l’incroyable perruque rose qu’il arborait à cette époque sur scène. Cet album moins dense que le précédent propose quand même quatre raisons de se prosterner jusqu’à terre. «Treat Me Like A Dog» pour commencer, entêtant et enragé, une sorte de garage désossé que BBQ tape des deux pieds et qui serait capable de faire danser tous les squelettes des catacombes. Puis «Zombies» - I don’t give a fuck ! - Et là on voit King Khan piquer une belle crise de colère. Le cut file avec l’évidence de l’éclair et l’apparat du génie trash. On trouve de l’autre côté un autre classique garage, «Captain Captain», gratté dans les règles de l’art, doté d’un petit éclat de démesure, chanté avec une sorte d’élégance qui titube au bord d’un abîme de décadence. On se régalera aussi de «The Ballad Of», un balladif étrange et soutenu, visité par la grâce, une incroyable mélasse lumineuse bardée de descentes de blues en La. Dommage que le reste de l’album ne soit pas du même niveau.

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Pour leur troisième album, «Invisible Girl», ils se payent les services du peintre Johnny Sampson pour la pochette. King Khan et BBQ y figurent en forme de créatures sous-marines. L’affreuse pieuvre BBQ tient le fille invisible dans ses tentacules et sur la pochette intérieure, on voit que King Khan coiffé de son casque à pointe vole au secours de la malheureuse. C’est sur cet album qu’on trouve «Animal Party», l’un des hits du siècle, chanté à la dépouille extrême - Who’s there ? Groin Groin ! Mr Pig ! - Les invités viennent faire la fête et comme ce sont des animaux, ils s’annoncent par les cris qui les caractérisent - I say who’s there ? Hi han Hi Han ! - Et BBQ reprend le chant par dessus et cette façon qu’ils ont de décharner le son avec leurs deux guitares. Pur génie ! Le morceau titre vaut lui aussi le détour, avec un son jingle-jangle bien tambouriné du pied et mélodiquement magique. Ces deux mecs sont capables de nous édifier au plus haut point. De l’autre côté, King Kahn nous rappelle dans «Truth or Dare» qu’il est l’un des rois du killer solo et «Lonely Boy» sonne littéralement comme un hit de Beach Boys. Nos deux héros ne reculent devant aucune extravagance.

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Johnny Sampson peint aussi la pochette du quatrième album «Bad News Boys» qui nous montre nos deux héros en singes royaux installés dans un trône à deux places. L’album est moins capiteux que les précédents, mais ça reste d’un niveau nettement supérieur à la moyenne. On les retrouve arc-boutés sur le beat dans «Alone Again» et ils truffent la couenne du cut de doo-bah-doos. Avec «Illuminations», ils jouent toujours comme des jumeaux en grattant leur ramalama de concert, avec un sens inné du doo-wop. Le seul hit du disk fait l’ouverture du bal de B : «When Will I Be Taned». Ils reviennent à l’âpreté du grattage des origines et King Khan passe l’un de ses meilleurs solos éclairs. Avec leur gratté raclé et leur beat sévère, ils incarnent tout simplement l’art suprême du garage.

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Quelle joie de les retrouver sur scène après tant d’occasions manquées (auto-destruction d’un set au Gibus, deux concerts complets à la Méca). Ils jouent dans la Jungle Room du Cosmic, ce qui permet de les approcher. Trois sets sont prévus dans la soirée, en alternance avec les groupes programmés sur la grande scène. King Kahn apparaît en tenue de grand apparat et s’assoit sur une petite banquette pour jouer aux cartes. Le premier set est flingué. Il ne se passe rien. On revient pour le deuxième set. BBQ branche sa guitare. Ils portent tous les deux leurs atroces costumes SM, ceux qu’ils portent sur la pochette intérieure de leur dernier album, avec des perruques blondes. King Khan ventripote de mieux en mieux. Il accorde une vieille guitare noire, et soudain, ça part. On prend «Fishfight» en pleine gueule. Assis, BBQ joue les locos et secoue la tête en rythme. Ces deux mecs ne plaisantent pas. Ils tapent dans le garage le plus explosif qu’on puisse imaginer. Ils enchaînent leurs standards et redeviennent l’espace d’une demi-heure les incontestables rois du grand tapage cabalistique. Il fait une chaleur à crever dans le Jungle Room, mais dans les premiers rangs tout le monde saute et danse. C’est l’hystérie collective. Impossible de rester en place. Nos deux héros réveillent tous les bas instincts. Une fille essaie de baisser le calbut de King Khan. Le set prend des proportions orgiaques, c’est le paradis sur la terre, ces deux mecs dégoulinent de génie et on se goinfre de leur énergie. Quelle incroyable maîtrise de l’apocalypse !

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King Khan reste concentré. On le voit passer ses accords avec soin et doubler au doo-bee-doo wha le chant magique de BBQ. On pense à un archer mongol en train d’ajuster sont tir, monté sur un cheval lancé au triple galop. Oui, King Khan a cette maîtrise. Quant à BBQ, c’est l’inverse, tout son corps bat le beat, la peau de grosse caisse rebondit en continu sous les coups de pédale, il gratte sa petite guitare comme un possédé et secoue violemment la tête pour lancer les cuts qu’il ne chante pas. Ces deux mecs sont dedans jusqu’au cou. Avec les Monsters, c’est que vous verrez de mieux aujourd’hui sur scène. Aucune trace de frime chez eux, au contraire, ils tournent tout le manège rock en dérision, et de ce fait, ils deviennent intouchables. Comme les Cramps, les Dolls et les Monsters, ils ont réussi l’exploit d’entrer dans la catégorie supérieure du rock, celle du Grand Guignol. Tout avait été dit et redit dans les sixties et les seventies, avec les Stones de Brian Jones, les Stooges de Ron Asheton, les Groovies de Roy Loney et Cyril Jordan, les early Who, Screamin’ Jay Hawkins, tous ces monstres sacrés mirent nos imaginaires à feu et à sang. Il fallait donc passer au stade supérieur. King Khan et BBQ n’ont certainement pas ce genre de prétention, mais ils passent de fait.

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Signé : Cazengler, King Kon & BabaKool

The King Khan & BBQ Show. Wild And Crazy Cosmic Trip Festival. Bourges. 6 mai 2016
Spaceshits. Winter Dance Party. Sympathy For The Record Industry 1997
Spaceshits. Misbehavin’. Sympathy For The Record Industry 1999
The King Khan & BBQ Show. ST. Hazelwood Records 2005
The King Khan & BBQ Show. What’s For Dinner. In The Red Recordings 2006
The King Khan & BBQ Show. Invisible Girl. In The Red Recordings 2009
The King Khan & BBQ Show. Bad News Boys. In The Red Recordings 2015

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TROYES14 / 03 / 16
BE BOP ROCKABILLY / PARTY 3


MISS VICTORIA CROWN
SOUTHERNERS / SPUNYBOYS

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Vous n'y pouvez rien. Dans la vie, certains gars sont plus malins que d'autres. Penchons-nous avec une précision d'entomologie humaine aguerrie sur le cas de Billy. A priori, un rocker parmi tant d'autres, comme il en existe des milliers en France, des millions dans le monde. Oui, mais il a un truc. Pas en plume, en plus. L'organise des concerts de rockabilly. Un par an, pas plus, un sage qui a compris qu'en toutes choses la modération est un plaisir suprême.
Vous le plaignez, vous pensez aux groupes qu'il faut payer, à la salle qu'il faut louer, la Sacem à régler, la buvette qu'il faut tenir, les affiches et la pub à régenter... vous tremblez pour lui, vous vous demandez s'il rentrera dans ses frais, vous glissez son nom dans vos prières, vous brûlez un cierge à l'Eglise rien que pour lui. De bonnes intentions totalement inutiles. Billy, vous le faites rire, le cachet des musiciens, il en rigole, la salle il s'en moque, la buvette, il ne commande même pas une Orangina. Billy, lui ne s'occupe que de l'organisation. Vous ne comprenez pas.
Je vous explique. Non, ce n'est pas un esclavagiste qui fait bosser les copains gratos pour la cause. L'a juste un deal. Voici trois années la municipalité l'a contacté. Monsieur Billy, au secours, l'on est dans le caca jusqu'au cou, nous voulons organiser un spectacle de rockabilly, est-ce que vous accepteriez de nous aider, s'il vous plaît, nous aimerions que vous vous chargiez de la programmation. Et depuis trois ans, Billy vous offre un spectacle de rockabilly, clef en main. Qui ne lui coûte rien. Si ce n'est le plaisir de composer le programme.
Un véritable chef d'orchestre, des rockabilly bands Billy pourrait vous en citer trois centaines, sans prendre le temps de réfléchir, alors sa programmation il mijote aux petits oignons, l'a la patience d'un maître japonais d'Ikebana, l'on aimerait se promener dans ses neurones pour comprendre comment il mêle les senteurs et les épices, on rêverait qu'il nous invite à son Cat No Yu intérieur, cette variante typiquement rockab du Cha No Yu de l'Empire du Soleil Levant, on l'imagine tel Des Esseintes devant son orgue composant sa symphonie rock and roll pour le bien-être futur de notre humanité.
Cette année Billy nous a offert une composition pastorale, d'un doigté inimaginable, Victoria Crown, Southerners, Spunyboys, je pressens qu'un commentaire est nécessaire pour que vous vous hissiez à la subtilité de cette offrande : d'abord les jeunes pousses – vous noterez cette adresse diabolique qui met en premier le futur – en position médiane les racines originelles – notez ensuite cet honneur rendu aux vétérans à qui est dévolue la tâche de succéder à leurs successeurs, un renversement des valeurs dune témérité purement nietzschéenne – et en final, les plants robustes qui assurent la perpétuation de l'espèce – la présence confirmative de la stricte continuation, sur la plus haute marche du podium afin d'anticiper la survie de leur implication strictement immédiate. Billy nous a décliné l'éternité en mélangeant ses déclinaisons temporelles.
Béatrice ferme le 3B. L'est temps pour l'équipe habituelle, de se rendre au travers du vieux Troyes, en groupe, en ligue et en procession au lieu de recueillement adéquat, la Chapelle Argence. Waouh! Le style ! Vaste cour intérieure cernée d'une austère architecture, plus belle, plus grande, plus classe que la Place des Adieux de Napoléon du Château de Fontainebleau. Tout au fond, l'auvent vitré, avec le personnel qui vérifie les sacs des dames et vous palpe les poches au cas où vous cacheriez un dangereux terroriste sous le mouchoir. Sourire des hôtesses de la billetterie et les huissiers sérieux comme le premier moutardier du pape qui vous tamponnent le poignet avant de vous tenir les battants de la porte. Le grand luxe sécuritaire de notre frileuse société.
Rokers, teddies, bikers, près de trois cents amateurs s'entassent sur le devant de la vaste scène. Tout un manipule fait le siège de la buvette, trop tard Billy présente Miss Victoria Crown.

MISS VICTORIA CROWN

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Pur mensonge. N'est pas là. Vous ne croyez tout de même pas que l'on va vous offrir la diva, comme cela, tout de go. Pour le moment, vous vous contenterez des boys. Pas longtemps, trente secondes le temps d'un générique et la voici qui se précipite dans sa robe de roses rouges rehaussées de son fond noir vers le micro. Un regard mathématique sur la réalité musicale ne saurait être une hérésie. Cinq sur scène, que vous disposerez en plusieurs sous-ensembles inclusifs : la vieille garde, Thierry aux drums et Vincent à la rythmique, les deux complices Nico et Zio au plus près l'un de l'autre, sourires complices échangés à tous moments, changez de braquet, Vincent, Thierry et Zio en arrière fond, et Victoria et Nico dans le médaillon en forme de coeur tout devant, gros plan sur Nico, Gretsch rouge et beauté de prince avec par éclair la mise en évidence d'une ressemblance persistante dans son évanescence avec l'Eddie Cochran romantique de certains shootings réalisés pour sa carrière cinématographique interrompue si brutalement, enfin focale toute sur Miss Victoria, reine de la fête.

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Pratiquement deux ans que nous ne l'avions vue, l'a grandi, gagné en assurance, une aisance incroyable, enchaîne les morceaux avec une facilité déconcertante, ne passe plus en force comme quand elle avait à peine treize ans, se joue des difficultés, rebondit de swing en swing. C'est que les quatre gaillards derrière ne lui laissent aucun répit. Le son s'est rock and rollisé à mort, je désigne les fautifs de cette mutation : Zio et Nico. Zio qui slappe à mort, commence par installer son son de contrebasse si particulier, cette masse sonore qui vous enveloppe comme un rayon de lumière chaude et une fois que vous êtes englué dans ce bien-être d'abeilles vrombissantes, il lance la danse rythmique, accrochez-vous au petites branches, car c'est rapide, pas d'arrêt, point de ralentissements ni de brusques freinages, une espèce d'ouragan infini, quand il ne touche plus les cordes vous avez l'impression que le temps s'arrête que votre coeur est en suspend mais non, de deux grandes claques il vous redonne à profusion cet oxygène bondissant dont il vous a privé deux secondes.

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Nico est au boulot. En quelque sorte tout repose sur lui, les autres tissent, lui il dessine les motifs. L'est le responsable de l'animation, quand un orchestre dégomme à fond, l'ennui et la monotonie peuvent survenir, tout devient question de doigté, c'est au guitariste d'insuffler la différence, de creuser et d'infléchir, de souligner et de rehausser le relief. Dispose de peu de temps mais il convient d'agir à bon escient, la patte de l'ours qui happe et arrache le poisson de l'onde écumeuse du torrent qui dévale le flanc de la montagne. Un travail d'orfèvre, peu d'espace entre le tempo de l'orchestre et la voix de Victoria, mais ces quelques secondes Nico sait les remplir judicieusement. Un style qui n'est pas sans rappeler les guitares crépitantes et entêtantes de Bill Haley. Toujours là, qu'il dessine le riff d'entrée ou qu'il intervienne en bref soli flamboyants, quelques notes, concises, mais d'une précision telles que vous vous dites que c'est exactement cela qu'il fallait, le lick qui tue, proprement et sans bavure, une maîtrise d'égorgeur professionnel qui vous saigne l'âme et vous entaille la gorge sans répandre une goutte de sang. Le plus terrible c'est quand on réalise sa jeunesse et qu'il a encore dans les mains une marge de progression infinie.

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Vincent et Thierry sont comme en arrière, tous deux usent d'une même stratégie. Celle de la discrétion. Si vous n'y faites pas gaffe, ne sont pas du genre à s'imposer dans vos oreilles. Maintenant si vous êtes futé de la feuille, vous vous rendez vite compte de leur présence obsédante. Sont là, tout contre, comme ces serviteurs zélés dans les cocktails qui vous remplissent le verre sans que vous vous en aperceviez. Ne vous refilent pas du bas de gamme, le drummin' de Thierry vous martèle les tempes avec tant de précision que vous avez l'impression d'un massage thaïlandais, le genre de gars qui cogne en douceur et vous étend sur le plancher et vous croyez vous prélasser dans un édredon en plumes d'oie.

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Quant à Vincent l'a opté pour la frénésie hypnotique, le regard du serpent qui vous endort malgré le sourire fourchu qui tressaute sur ses lèvres. Avec ces deux-là, la chanteuse est tranquille, le moindre cafouillage ressort de l'impossible.

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Ce n'est pas poli, j'ai fait passer les messieurs d'abord, c'est que la demoiselle se défend très bien toute seule. N'a pas peur de s'attaquer aux icônes. Un peu de Brenda Lee, envoyé au saut du lit, et tout de suite un Jambalaya en guise de déjeuner, rythme et humour, vous en reprendrez une seconde assiette, mais un That's All Right qu'elle mitonne à sa manière, ni blues, ni rock mais très Crown, rapidité et facilité, un titre en français, L'Homme à la Moto ( de Leiber et Stoller ), préfère ne pas évoquer comment Zio et Nico vous font pétarader la Ducati, un superbe Three Steps To Heaven – à la demande spéciale de Billy – une belle version qui frôle la ballade country qui laisse présager que la voix de Miss Victoria s'en peut batifoler dans d'autres tessitures que celles dans lesquelles elle se complaît depuis ses débuts. D'ailleurs tout de suite elle retourne à un petit Boogie Woogie Bugle Boy des Andrews Sister et splank ! le piège se referme sur Nico qui adore sa guitare.

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Exigé au micro pour chanter en duo, Jackson – c'est sur ce titre que Johnny Cash fit sa demande en mariage à June Carter – tout un symbole, dont notre couple se tire avec honneur, l'on remarque toutefois le soulagement de Nico dès qu'il a ses parties de guitare à assurer... Sur ce Victoria enchaîne un Folsom Prison Blues suivi d'un Rave On ravageur et du programmatique These Boots are Made For Walkin. Et la salle entière marche comme un seul homme. My Crazy Dream une des rares compos du set qui ne dépare pas l'ensemble, un Rollin' and Tumblin' bluesy à souhait et c'est la fin avec un Tainted Love qui emporte la foule et pour rappel un Great Balls of Fire tonitruant qui soulève l'enthousiasme général. Merci Jerry Lou. Victoire totale pour Victoria.

( Photos : Pascal Seher )

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( Photos : Pascal Mitchellcity : Billy + Nico : )

THE SOUTHERNERS

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Billy s'est fait plaisir. L'a invité sa jeunesse sur scène. Les Southerners qu'il suit depuis 1981. Ne calculez pas dans votre tête, vous vous feriez mal. La formation originelle. Les vétérans du rock, l'emploie même une appellation moins glorieuse, mais plus affectueuse, Billy, les papies du rock, qu'il répète par deux fois. Les Southerners n'en semblent guère offusqués, sont juste venus pour montrer ce qu'ils savent faire. N'ont pas endossé leur drape jacket de Teddy Boys, juste les tuniques rouges et bleues avec les étoiles du Sud. Nous apprécions les gens qui ne renient pas leur drapeau.

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Vivi à la batterie, Michel à la rythmique sur votre gauche, Pascal en figure de proue très légèrement en avant, sa contrebasse en position très latérale, tout très près Thierry à la lead, un pas en retrait comme s'il ne voulait pas se montrer. N'ayez crainte, vous allez l'entendre. Rentrent dans le vif du sujet avec Eileen, tout de suite vous comprenez, Southerners c'est le teddy bop des teddies boys, cette pumpin' music qui se désarticule en quinze secondes, un squelette désossé et ricanant qui entrechoque ses côtelettes et vous entraîne dans une joyeuse danse macabre. C'est que le bop ne meurt jamais, l'est même le symbole de la survivance du rock and roll, le bop c'est le boogie qui se coupe en deux et qui miraculeusement à chaque coup de hache qui lui tranche la tête reprend miraculeusement vie, à chaque fois que vous y portez le coup mortel qui devrait définitivement l'achever il rebondit sur ses pieds et vous entraîne dans sa sarabande infinie.

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Catapulte sur scène, P'tit Loup s'empare du micro. Les Southerners possèdent deux chanteurs. P'tit Loup est son propre clapper boy. Il chante, comme tout le monde en rugissant du gosier, mais aussi sans proférer une parole, lorsque Pascal s'empare du vocal. Pourrait en remontrer à bien des hip hoppers, lui, c'est l'homme élastique, s'écrase sur scène tel un avion qui rate son atterrissage, vous penseriez à appeler les pompiers, mais non, se relève je ne sais comment d'une étrange torsion reptatrice du torse, le voici sur pied six secondes, le temps de se cramponner au micro et de prendre des poses à la Gene Vincent, de véritables flashs mémoriels, mais déjà bondissant aux quatre coins de la scène.

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Pink & Black un vieil hot dog brûlant de Sony Fisher, suivi d'un Hot Rod Man de Tex Rubinowitz, juste pour nous mettre en appétit. P'tit Loup nous avertit, un léger amuse-gueule pour nous mettre en bouche. L'on se demande comment ils vont pouvoir passer la vitesse supérieure au train où ils filent. Allongent le galop comme pour une chasse à courre au renard avec Tally Ho d' Ernie Nolwin, le bop boppe à rallonge, les Southerners nous emportent dans un raid à la Quantrill, une de ces chevauchées sans foi ni loi, qui forment l'ossature de tout western qui se respectent.

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Ne vous ai encore rien dit de Pascal, de son chant. J'adore, vous prend un de ces airs patibulaires à vous faire creuser votre tombe pour y échapper. Hors-la-loi sans pitié, crache ses lyrics comme les colts des frères Jesse James leur plomb mortuaire. Frappe sur sa big mama comme s'il servait une mitrailleuse gatling gun, le rictus démoniaque de Lee Van Cleef sur son profil. Certains pensent que le rock and roll est une musique just for fun, cela se peut, je ne le nie pas, mais Pascal appuie là où ça fait mal, fait ressortir son vieux fond de méchanceté, son passé trouble et le monde de violence que fut la gestation de l'Amérique. Forme un couple terrible avec son comparse P'tit Loup. Pascal le méchant, P'tit Loup le truand, un gangster qui vous escamote vos royalties sans que vous y preniez garde, le gars qui bouge tellement bien qu'il emporte vos dernières illusions, non jamais vous n'atteindrez à cette féline souplesse de mouvement ni à la justesse de ce chant qui tombe à pic, comme un coup de pioche dans vos oreilles et qui vous déchire le tympan.

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Ne vous affolez pas le Bon n'est pas loin. Virtuose de la guitare. Thierry, vous abat un travail de titan, faut entendre son engin couiner, saute de note en note comme un kangourou géant, vous construit des lignes harmoniques à vous arracher les amygdales, l'explore des sentiers inouïs, fait tinter les grelots du rockabilly comme jamais. Parfois il court rejoindre Michel et les voici face à face, le temps de se rendre compte de l'assise rythmique octroyée par l'ondoyante Fender de Michel infatigable.

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Maintenant faut avouer qu'il n'y aurait pas de bop sans batterie et Vivi nous colle sur ses drums un hachis de tambourinade à faire frémir les murs.

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P'tit Loup nous prévient. Vous n'allez peut-être pas apprécier le morceau suivant. Sait parfaitement que dans la salle se trouvent un maximum de puristes. Mais qui oserait ne pas aimer Eric Burdon. Pleuvent les premiers accords bluesy de The House of the Rising Sun, la voix profonde de P'tit Loup subjugue l'assistance et tout à coup le standard part en live, boppé à mort, survitaminé à la dynamite. Une version ultra speedée, durant laquelle le soleil n'aura jamais le temps de se lever sur les décombres de nos jours.

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C'est la fin, l'apothéose, le tohu-bohu, Pascal rejoint le public avec sa contrebasse, pour suivre P'tit Loup lui aussi sorti du bois qui s'en vient hurler à la lune noire du rockabilly parmi l'assistance en délire. Un Motorbike à fond la caisse, un Rockabilly Rebel repris par tout le monde et deux Burnette pour finir en beauté, un Tear it Up à verser des larmes de sang et un Train Kept A Rollin' qui nous emporte dans les affres bestiales du délirium tremens. Les papies du rock nous ont mis à genoux. Ceux qui n'avaient jamais eu l'occasion de les voir, se demandent s'ils ne viennent pas de rêver.

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( Photos : Sergio Kazh )

 

SPUNYBOYS

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Trois tout seuls sur la vaste scène. Ne rutilent guère avec leurs instruments blancs et leurs chemises marron clair. Sacrée gageure que de passer après les Southerners. N'ont pas l'air émus. Sont sûrs d'eux. Juste le temps de prendre la mesure de la grande scène, un plaisir pour nous de les voir ainsi et non dans l'enclos restreint d'un café. Ça change tout. D'un coup l'on se croirait à Vienne, aux temps de l'Empire autrichien, Rémi s'est saisi de sa big mama et lui fait traverser la scène comme s'il ouvrait le bal avec, lovée dans ses bras, une chaste princesse tourbillonnante dans son ivoirine robe d'opaline emportée sur les sentiers de la perdition charnelle dans l'enivrement méphistophélesque d'une valse diabolique.

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Les Spuny nous la jouent subtil. Les trois pointes du rockabilly – aussi acérées que le trident de Poseidon – alliée à la fragmentaire syncope de la rythmique Ted. Bien sûr cette dernière s'accélère à volonté, pouvez passer par les différentes étapes, transique, extatique, hypnagogique, mais les Spuny ont aussi une autre tactique, manient la syncope comme un alexandrin, ne coupent pas à répétition au milieu de la divine césure aussi attendue que l'omnibus de 16 heures 05, préfèrent démantibuler, plier en les charnières les mieux inconvenues, pianoter forte sur des cahin-caha distordus, découper des patterns sémantiques réputés insécables, bref laisser grand ouvertes les portes à l' inspiration du moment. Genre de fantaisie que vous ne vous permettez que si vous dominez parfaitement votre instrument. Peut-être pour signifier cela, Rémi se perche-t-il au sommet de sa contrebasse. Joue à l'ibis en équilibre sur sa seule patte, la slappe comme le pivert entêté, ou tournoie sur lui-même comme un vol d'hirondelles autour de la manche d'un épouvantail... Mais non, ne confondez point le jeu avec les amusements, la musique avec le show, même si tous deux sont indissociables et chacun nécessaire à l'autre.

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La largeur de l'estrade permet d'isoler chacun de nos mousquetaires. Ne sont pas quatre, ce dernier serait totalement inutile, et puis chacun joue si serré que l'on se demande où il pourrait caser la moindre note. Au centre Guillaume officie, batterie sur piédestal, le roi sur son trône. Un drummin' prononcé et racé. Ne tient pas le rythme, construit une armature symphonique, englobe la production de ses partenaires, leur construit des caisses de résonance, des cages d'or massif ou d'osier tressé et torsadé. Les morceaux défilent, mais il semble n'en tenir aucun compte, comme s'il composait ses propres séquences autonomes. Bien sûr il leur forge des écrins d'orichalque usinés au micron près, mais sa frappe déborde, comme s'il donnait un véritable concert, avec mouvements andante peligroso époustouflants. Faut appréhender cette beauté physique de la frappe, l'est tapi derrière ses fûts et brusquement il surgit, requin qui troue la surface des vagues pour s'emparer de sa proie, et le voici, s'écroulant sur ses caisses les bras en croix pour arrêter le grondement métallique de ses cymbales. L'éclairagiste a compris, à chaque fois il darde notre drummer d'un spot blanc illuminescent qui accentue l'aspect prédateur de son affalement de squale affamé.

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Eddie ne reste pas dans son coin, vient souvent se planter au milieu du plateau, à l'intersection des diagonales sonores, encore un sacré musicien. Ne me dites pas qu'il joue de la guitare, non il s'exprime, il compose du son. Un jeu étonnamment moderne, l'a décomposé la musique en deux plots d'égales intensité, la note et le silence. Le tout est de les rapprocher au maximum, faire en sorte que ne subsiste entre eux que le minimum d'espace. Un jeu en quelque sorte quantique, ne trace point une ligne mélodique, détermine des éminences de sons qui fusent comme d'eux-mêmes, ne prend jamais le temps de leur laisser achever leur courbe descendante. Le tigre qui saute dans le cercle enflammé que tient le dompteur c'est celui-la qui vous intéresse, pas le précédent qui a fini son exercice et qui rejoint son tabouret. Eddie dévore l'espace qui sépare et relie le bruit au silence. Les oreilles distraites ne savent différencier en musique l'espace du silence, l'est étonnant que ce soit un musicien de rockabilly – cette musique par excellence si fruste ( sic ) - qui entreprend cette démarche expérimentale que l'on pourrait qualifier de bruitiste, si l'on part du principe que le bruit inharmonique est la matière brute de toute musique. Pendant que Rémi s'en ira batifoler dans la salle, je garderai toujours un oeil sur Rémi et une esgourde sur Guillaume, ces deux lascars se livrent à une joute contrapuntique des plus fraternelles. La règle est d'une simplicité absolue et d'une efficience titanesque, s'agit de ne laisser à l'autre que le minimum vital d'expression. Non pas dans le but stupide de se pavaner en première ligne pour écraser le copain mais pour lui donner la possibilité de s'emparer avec d'autant plus de force de la moindre parcelle de temps libre. C'est pour cela que la musique des Spunyboys possède cette efficacité meurtrière qui reste leur marque de fabrique.

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Ne pensez pas que Rémi, se contente de passer le sel ou de saupoudrer le sucre sur les crêpes. Hormis le fait que sa contrebasse se paie le luxe de monter au plafond de temps en temps, elle a sacré un boulot à effectuer la big mama. N'est pas à la maison de retraite. Sert de contrechant à la voix de Rémi – elle, dans sa robe blanche, apporte le fluide noir d'un son polylithique, qui s'insinue dans le phrasé de son maître. Rémi tire les cordes et s'en détachent comme des tentacules polyrithmiques qui viennent s'entrecroiser avec sa voix. Une flexion de plus en plus assurée, distincte, qui ne mâchouille pas de l'american chewing-gum. Apporte une clarté irrévérencieuse dans les lyrics, détache les mots comme des balles de fusil. Tireur d'élite qui place à tous les coups dans le coeur de la cible, en plein milieu de la tonitruance des deux acolytes. L'amène par un jeu plus élastique, le liant nécessaire à l'éclosion du groove. C'est qu'un rockab qui oublierait de swinguer se pétrifie très vite dans l'ennui des immobilités stériles, des lenteurs d'escargots paresseux. Les Spuny sont devenus une terrible machine de précision, chacun semble tirer à hue et à dia dans son coin, mais leur musique se déplace à une vitesse indépassable. Ne visent pas la célérité en elle-même pour elle-même, c'est la cohérence de leur démarche qui produit cette sensation de catapulte énergisante. Vous décrassent le répertoire, révisent le turbo et vous requinque le rockab comme personne d'autres. Respect aux vieux hits d'autrefois, mais avec un carénage qui ne s'interdit pas les fulgurances d'aujourd'hui.

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Billy a bien intuité son programme. L'a tout compris. Rémi en rajoute une couche, Rockers, Bikers et Teddies, trois musiques différentes, mais un seul rock and roll. Après le rappel, les Boys offrent encore un étourdissant et érotikon Going Home de Gene Vincent, qui introduisit le rock and roll en douce France. Un bel hommage pour un groupe qui commence à entrevoir une notoriété européenne.

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Une soirée heureuse. Trois groupes valeureux, trois cents participants, tout le monde repart content. Plus rien à ajouter. Si le meilleur pour la fin. Merci Billy.


( Photos : Lolo Fiore )

Damie Chad.

THE DISTANCE

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in ROCKHARD N° 165
( Mai 2016 )

 

Cette notule pour signaler les deux pleines pages consacrées par RockHard à The Distance, ce groupe que nous avions tant aimé à Roissy-en-Brie à la fin du mois de mars dernier ( voir KT'TNT ! 275 du 31 / 03 / 2016 ). Vous n'oublierez pas non plus la kro de leur dernier CD Radio Bad Receiverde Charlélie Arnaud en fin de numéro. Une belle interview de Mike ( guitare et chant ) par Charlélie Arnaud qui permet de revisiter le parcours du groupe depuis sa fondation.
Mike insiste sur ses origines prédilictive grunge, tout en étant très conscient – et en cela il rejoint l'analyse de son interviewer – de la caractéristique du son du groupe. Une subtile alchimie entre le grunge, hardrock et rock. Mais je ne déflorerai pas davantage la teneur des propos échangés, vous laisse découvrir le plaisir addictif de découvrir par vous-même.
Ce qui est sûr, c'est que The Distance est un groupe à surveiller. A ne pas quitter du coin de vos deux yeux. Ces gars-là ont l'intelligence du rock and roll dans la peau. Promettent beaucoup mais ont déjà donné des preuves suffisantes de leur inscription dans le futur du rock. A suivre intensément.


Damie Chad.


BETH DITTO


DIAMANT BRUT


( Michel Jalon / 2012 )

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Rencontre de poids dans le bac à soldes. Le nom me disait vaguelettement quelque chose. Avais déjà croisé ce nom, quelque part, il y a longtemps, peut-être dans la rubrique télégrammes de Rock & Folk. Gossip, oui c'est cela, pour être franc à part les Gossips de Stéphane Mallarmé présentés par Lloyd James Austin, je ne connaissais rien d'autre. J'ai suffoqué de honte en lisant le dos de la couverture, groupe punk américain, j'étais au-dessous de tout. Comment un trou encore plus grand que celui de la couche d'ozone dans ma culture rock ? j'ai rougi comme une jeune mariée s'apprêtant à passer le seuil de la chambre nuptiale, de retour à la maison me suis précipité sur You Tube pour combler la faille incommensurable de mon ignorance.
Punk, je veux bien, mais si vous désirez ma pensée profonde, je classerais cela dans la série pseudo ersatz de R'n'B, jolie voix de fille sur un accompagnement binaire des plus primaires, guitare + batterie, pas de cuivre... mouais c'est du rock. Pour les premières communiantes, qui n'ont jamais quitté le couvent. Et qui dorment en chambres séparées pour ne pas céder aux tentations saphiques. J'allais passer outre, j'ai ouvert le titre au hasard, page 29, et j'ai tout de suite été happé par la première phrase : « Quand on a l'accent du Sud, il est difficile de prononcer quoi que ce soit en une seule syllabe. » Je ne savais pas où j'allais, mais j'ai tout de suite compris que je plongeais au coeur de l'Amérique Profonde. Pour être très précis dans un roman de William Faulkner ou d'Erskine Caldwell.

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Beth Ditto est née en 1981 en Arkansas. Autant dire le trou du cul du monde. En deux siècles d'existence, à part Johnny Cash, l'état n'a jamais rien produit de bon. Mentalité réactionnaire, arriérée, conservatrice et rétrograde. Dans les années soixante les jeunes se cachaient au fond des bois pour écouter des disques de rock et danser. Deux genres d'activité hautement répréhensibles. Dernier détail d'importance, une chape de plomb religieuse imprègne les consciences. Puritanisme obscurantiste obsédant...
N'a pas choisi la bonne famille non plus, la petite Beth. Foyer éclaté et dissocié. La mère collectionne amants de passage et ponte régulière d'enfants. Ne critiquez pas, c'est la règle communautaire du quart-monde. On copule sans pilule et ça pullule. Les dames accueillent les compagnons de passage et n'ont pas le temps de s'occuper des mioches. On s'en débarrasse en les confiant à la tante, à le grande soeur, à la grand-mère. Les gamins dorment au mieux sur les divans de la salle de séjour, au pire sur le plancher. Les oncles sont libidineux et s'occupent très activement de l'éducation des petites filles et des adolescentes. Ne vous inquiétez pas pour les petits garçons les grands frères ou les cousins se chargent des initiations. Un peu gênant, mais c'est ainsi depuis des générations. Ne vous plaignez pas, la justice se retournera contre vous. Les psychologues appellent cela la théorie de la patate chaude – ici elles sont brûlantes - vous transmettez à votre progéniture ce que vous-même avez subi. Dans la nature rien ne se perd. Tout se conserve. Surtout les mauvaises habitudes.
Beth n'a pas de chambre à elle, ni de lit, ni d'habits personnels sinon un vieux T-shirt. Mais ce n'est pas ce qui lui manque le plus. Son problème c'est la privation d'affection. Se raccroche comme elle peut à sa mère et à sa tante enfermées dans leurs propres pathologies affectives et narcissiques. Alors elle comble le vide, avec ce qu'elle trouve. Chez maman pas grand-chose à se mettre sous la dent, chez la tantine des paquets de gâteaux à foison, mauvaise bouffe à bon marché dont elle se goinfre. N'aura jamais la taille mannequin.
Des rondeurs enveloppantes. La grasse du parfait boudin. Situation idéale pour se faire rejeter par les élèves à l'école, au collège, au lycée. La solitude est une armure qui vous rend plus fort. Elle aiguise votre lucidité et développe votre sens critique. L'on prend le temps pour choisir ses amis. L'on développe un sixième sens qui permet de voir au-delà de l'écorce du paraître. Mais c'est au contact des autres que l'on apprend à se connaître soi-même. Beth tâtonnera, son petit ami Anthony est gentil, mais on est loin de la fureur amoureuse, quand son amie Jennifer lui révèle que son copain Jeri ne met aucune ardeur à l'embrasser, elle prend toute la mesure de sa propre homosexualité. Lui faudra encore du temps avant de passer à l'acte.
L'est autre chose qui vient de rentrer en elle. La musique. L'a toujours aimé chanter. Avec Anthony elle monte le groupe Little Miss Muffet. Ne restera pas dans les anales, mais cette expérience lui permet de rencontrer ceux qu'elle appellera sa deuxième famille : Jeri, Kathy, Nathan et Jennifer qui s'éloignera doucement... Au fin fond de l'Arkansas, le rock est une denrée rare, Beth suit l'actualité musicale avec quelques années de décalage, elle qui était fan de Mélanie et de Mama Cass se met au Grunge grâce à Nirvana et devient fan du mouvement Riot Grrrls ( voir KR'TNT ! 277 du 14 / 04 / 2016 ). Cette rencontre idéologique sera déterminante pour Beth, aura le féminisme chevillée au corps, n'aura plus honte de son obésité, s'accepte comme elle est et devient vis-à-vis du monde très vindicative. La meilleure des défenses reste encore l'attaque.
Kathy a choisi son université : à Olympia, dans l'état de Washington, la ville d'éclosion du mouvement Riot Grrrl et du label Kill Rock Stars. Un an plus tard ils sont tous les quatre réunis dans cette ville qui leur paraît mirifique. De jeunes punks traînent un peu partout, lors d'une soirée elle rencontre Tobi Vail des Bikini Kill et ancienne compagne de Kurt Cobain, saine émulation qui les emmène à créer Gossip. Le groupe fait ses concerts sur la région d'Olympia et serait probablement restée inconnue si la chance ne s'était manifestée. Carrie Brownstein de Sleater-Kinney les invite en tournée avec eux.

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Sleater-Kinney est un groupe de la mouvance Riot Grrrls, trois beaux brins de filles, accrochées aux ferments des idéologies libertaires du punk, qui décline un rock pop propre sur lui, un peu châtré de toute virile violence, bien envoyé, bien balancé, mais tout de même dépourvu de tout vertige suicidaire. Le chaînon manquant qui nous explique pourquoi Gossip pourra se revendiquer de l'étiquette punk. Gossip a la surprise de tourner devant des publics de 2000 à 3000 personnes. Expérience irremplaçable. La petite Beth se révèle être un gros animal de scène.

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Le conte de fée ne s'arrête pas là : Kill Rock Stars ( KRS ) leur propose d'enregistrer un album et les aiguille sur l'agent qui s'occupe des tournées de Sonic Youth et de Sleater-Kinney. Ont bien vécu, se sont bien amusés, mais le retour à la maison est moins glorieux. Survivent à Olympia en travaillant dans des magasins de fringues ou la restauration. Jobs précaires qui ne rapportent guère.

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Le second album Movement permettra à Gossip de tourner en Ecosse. Gossip se retrouve à Portland, une grande ville d'Oregon. C'est le retour du bâton pour Beth, tous les manques de l'enfance refont surface, les paillettes du rock ne cachent pas tout. Dépression, mutilation. Elle en arrive même à ne plus peser que soixante-cinq kilos, elle qui voisinait avec le quintal. Son état catatonique empire et nécessite une hospitalisation. S'en remettra. Kathy quitte le combo en 2005. Gossip change de direction, le groupe se professionnalise. Le nouvel opus Standing In The way of Control entre dans les charts...

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ACCEPTATION


L'autobiographie ne va guère plus loin. Le groupe continuera de tourner un peu partout aux USA et en Europe. Les succès s'enchaînent... une pop de plus en plus sucrée. Ditto annoncera son arrêt en février 2016. L'a d'autres centres d'intérêt. Après tout elle n'est qu'une femme. Attirée par les fanfreluches et obnubilée par le rayonnement de son apparence physique. Pose nue sur les couvertures des magazine de mode, crée sa marque de prêt-à-porter, sa gamme de maquillage, fournit des musiques à Dior, collabore avec Jean-Paul Gaultier... un drôle de chemin, du grunge au capitalisme. Précipite-toi compagnonne, le vieux monde est devant toi. L'était une chanteuse, l'est devenue un produit. L'a son créneau commercial.

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Le discours féministe recyclé à l'encan de l'artifice modal. Tout se vend puisque tout s'achète. Une bonne fille, l'a offert un super mobil-home à sa maman, l'est marraine d'une association pour les petites filles malheureuses, décomplexe toutes les grosses nanas, s'est mariée avec sa copine, est devenue un segment de ce discours politiquement correct totalement insupportable... Fillettes, arrêtez de vous plaindre, Beth est la preuve incontournable qu'avec un peu de ténacité, toute une chacune parvient à surmonter ses handicaps... Jeu publicitaire très subtil, l'a été modelée en reine de laideur. Elle est la belle et la Beth en même temps. Deux femmes objets pour le prix d'une. Parfait exemple des dérives individualistes du mouvement Riot Grrrls...

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C'est fou comme la société post-industrielle parvient à récupérer ses propres déchets sociaux et à vous les transformer en articles de consommation courante à l'usage des masses décérébrées. Dans le film Soleil Vert on donnait les morts à manger aux vivants, aujourd'hui vous achetez la révolte en barquettes rockcocalatées aseptisées, inoffensif pour le système, mais conséquences dévastatrices sur le cerveau : vous persuade que vous valez autant que votre reflet que vous apercevez dans le miroir de votre chambre d'ado et dans les écrans complaisant du marketing. Comme tout le reste, le rock peut devenir un produit édulcoré, et même une marchandise aux effets édulcorants. Kill the rock stars si vous voulez, mais ne les remplacez pas par une armée de clones pailletés.

N'y a plus qu'un maigre espoir. Qu'un jour la Beth se réveille.


Damie Chad.

 

 

11/05/2016

KR'TNT ! ¤ 281 : GIUDA / 1990s / ATOMICS / CRAMPS / JOHNNY CASH / O. HENRY

KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 281
A ROCKLIT PRODUCTION
LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM
12 / 05 / 2016

GIUDA / 1990s / ATOMICS / CRAMPS
JOHNNY CASH / O. HENRY

LE DERNIER COMBAT DES GLAMDIATORS

GIBUS / PARIS ( XI° ) / 15 - 04 – 2016
GIUDA

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Dieu a confié à cinq Italiens la périlleuse mission de ressusciter la scène glam. Ils s’appellent Giuda. Ils viennent de sortir un troisième album salué jusqu’à terre par la presse anglaise. Nos cinq Italiens commettaient une petite faute de goût en se déguisant en roller-ballers sur leur pochette de leur deuxième album, «Let’s Do It Again». Il ne viendrait jamais à l’idée d’un Anglais d’aller rechercher l’outrance du glam dans des vêtements de sport. C’est vrai qu’on trouve quelques belles glammeries sur ce disque. «Wild Tiger Woman» sonne comme un coup fourré à la menthe. Le chanteur Tenda et ses associés jouent la carte d’un glam énervé et énergétique. Il savent rouler des accords gras comme on le voit avec «Yellow Dash», mais il leur manque l’éclat des grands glamsters d’Angleterre. Leur glam est à la fois trop latin, trop plan-plan et tragiquement cousu de fil blanc. On retrouve l’inévitable drumbeat de Gary Glitter dans «Hold Me Tight» et là, on commence à comprendre qu’ils ne font rien d’autre que de singer les anciens. On retrouve le petit cling-a-long de Marc Bolan dans «Hey Hey» et de toute façon, ça ne peut pas marcher.

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«Racey Roller», leur premier album, proposait quelques petites friandises prometteuses. «Number 10» sonnait comme une belle lampée de glammy glamour dotée de chœurs idoines, ça frisait l’esprit pailleté, mais la voix du chanteur était trop mâle. La petite étincelle leur faisait défaut. Il pompaient goulûment T Rex pour «Get It Over» et en face B, on tombait sur un «Tartan Pants» bien foutu, pour ne pas dire bien monté. On les sentait volontaires. Puis ils allaient au cocotage avec un «Speak Louder» un brin mélodique sur les pourtours. Tout cela se voulait solide, bien bâti et dûment jointé de mortier, mais l’étincelle d’or brillait toujours par son absence. Leur principale erreur fut de ne pas savoir affecter le chant. Ils voulaient se rapprocher de la frange sportive du glam anglais, celle des supporters d’équipes de foot. Sans doute devaient-ils cette inclination à leur racines italiennes, au vieil appel des cirques de Rome et de la tragique virilité des combats de gladiateurs. Nos cinq amis affichent en effet de belles trognes de soudards.

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Ils reviennent à la charge cette année avec un nouvel album et un passage au Gibus. L’album s’appelle «Speaks Evil». Ils trimballent toujours des allures de skins anglais et n’ont de glam que les grosses godasses colorées à talonnettes. Ils démarrent avec un boogie glam intitulé «Roll The Ball» qui renvoie plus aux Status Quo qu’aux glamsters des mid-seventies. On note au passage le côté insipide du son de guitare. À l’opposé des Sirens, Giuda ne joue pas de reprises. Ils font une allusion aux Status Quo dans «Bad Days Are Back» (une fille qui met une pièce dans un juke-box) et ils tapent dans les pires clichés avec «Mama Got The Blues» (It’s all right Jack/ I run with the pack). Le «Watch Your Step» n’est pas celui de Bobby Parker que reprenaient les Move en fin de set, mais un pompage éhonté des accords de Norman Greenbaum. De l’autre côté, ils repartent en boogie motion avec un «Working Class Man» qui ne doit rien à John Lennon et qu’ils farcissent d’un son de guitare à la Henry Vestine, celui qu’on entend dans «On The Road Again». On pourrait céder à l’envie de trouver le mélange capiteux : Rossi, Vestine, Lennon et plus loin, ils jouent aussi avec Jools/Jook dans une chanson qui s’appelle «Joolz». On retrouve du Gary Glitter dans le cocotage de «You Can Do Everything» et du Mott pur dans «My Lu». Joli melting pot, mais pour tous ceux qui gardent un mauvais souvenir des Status Quo, les choses se compliquent.

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Et sur scène, ça ne pardonne pas, surtout si on se pointe au Gibus avec un gros coup de fatigue. On perd rapidement patience. C’est vrai, Giuda chauffe bien la salle, mais leur boogie musclé se radicalise et les dernières traces de glam disparaissent. On comprend clairement au bout de quatre morceaux que le glam n’est pas leur propos. Ça ressemble à un gros malentendu.

 

1990s

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Pour faire du glam, il vaut mieux commencer par être anglais, c’est plus prudent. Ou écossais, comme les fabuleux 1990s de Jackie McKeown.

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En 2007 et 2009 sont parus deux albums extraordinaires : «Cookies» et «Kicks». Rien qu’avec les titres de ces deux albums, on flairait quelque chose d’assez jooky. Jackie McKeown et ses deux amis se sont dit un beau matin :
— Hey les gars ! Réinventons le glam !
— Ouais ! Glammons le glam des temps modernes !
Et paf ! «You Make Me Like It» sonne comme le pur glam décadent de nos rêves les plus inavouables. Ils jouent avec du cran et Jamie McMorrow sort une ligne de basse absolument somptueuse. Ils claquent tous les trois le beignet du glam, pif paf dans la gueule du mythe. Ils jettent tout leur poids dans la balance.
Le festival continue avec l’ahurissant «See You At The Lights».
— Stompons dans la rivière Kwai !
— Stompons jusqu’à la mort du petit cheval !
Pour eux, c’est facile, car ils ont la classe. Ils hissent leur pavillon très haut dans le ciel d’Écosse. Ils savent donner de l’envergure à leurs harmoniques.
— Boogaloorisons le glam !
— Fabulons comme Zébulon !
— Frisons le scandale de Frison-Riche !
— Éclatons à la face du monde !
Avec «Cult Status», ils stompent de plus belle. Quelle horreur !
— Pétons le crâne du père fouettard !
— Éjaculons nos giclées de glam ! Kiss me alive !
— My cult status keepsss me alive !
— My cult status makesss me fucking my wife !
Avec «Arcade Precinct», ils se montrent carrément dignes du Lou Reed de «Transformer».
— Jouons des balades fabuleuses !
— Taillons des costards mélodiques et let’s be des dauphins just for one day !
— Ne jouons que des hits satellites of love !
— Transformons les transfos, les wild sides et les boots vernies, yeah !
Nouveau festival d’indécence avec «You’re Supposed To Be My Friend».
— Okeyons comme des cons !
— Boostons le drumbeat du stomp et laissons éclore les ah-ahh de la planète Mars !
— Laissons la basse rouler des pelles aux poules de groove !
— Jouons des solos d’antho à Toto !
— Descendons dans les enfers du jouissif et remontons dans les chœurs d’artichauts de la pire espèce !
— Montrons notre puissance incantatoire et incomparable !
Sur cet album épuisant, on trouvera encore une violente merveille, «Thinking Of Not Going» montée sur une basse éléphantesque. Si on apprécie la pulsion démente, on est bien servi avec ce morceau sans prétention.

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On trouvait aussi pas mal de friandises glam sur leur second album, «Kicks», comme ce «Tell Me When You’re Ready» qui semble suspendu dans le temps, ou encore «I Don’t Even Know What That Is» bien stompé au beurre par l’admirable Michael McGaughrin. «Kickstrasse» sonne comme un hit, avec son chant kické et sa ligne de basse mastodontique. C’est même magnifique de glam déviant et de très haut niveau. On pourrait presque parler de Graal du glam. Encore du glam de haut vol avec «The Box», un glam encore bien plus pur que celui de Marc Bolan, subtile combinaison de stomp et de chœurs d’artichauts, au croisement de Sweet et de Jook, et nappé d’apothéose sucrée. L’affaire se corse avec des chœurs ascensionnels et on se retrouve ébahi par l’excellence des petits arrangements qui créent l’illusion d’une féérie. Voilà bien un modèle absolu de pounding et de contrôle mélodique. «The Box» est un hit lancinant d’encorbellements, avec sa rondeur de son et le juvénile de ses intentions. C’est le cœur vivant, l’essence même du glam. On retrouve leur beau pouding écossais dans «Giddy Up». Encore un morceau qui craque bien sous la dent de l’amateur de glam. Pur régal, délectation garantie, car une fois de plus, tout y est : l’entrain, le regain, le bon grain, le bon fretin, le perlinpinpin, le stomp divin, l’enfantin et le sybillin.

Depuis quelques années, des experts en détritus vont fouiller dans les poubelles du rock anglais. Ce qu’ils remontent du fond des cloaques indescriptibles de puanteur ressemble souvent à des pépites d’or glam.

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«Glitter From The Litter Bin - 20 Junk Shop Glam Rarities From The 1970s» parut en 2003. On y trouvait quelques pépites du style «Do That» de Barry Ryan, glammy et softy, ou encore «My Revolution» par Renegade, une glammerie monstrueuse de puissance et bonne comme une femme aimante, animée par un solo licencieux passé dans la descente d’accords. Ces mecs étaient bons, ils sonnaient à la fois comme Slade et comme Gary Glitter. Ils avaient un sens aigu du stomp. On trouve aussi les imbattables «Alright With Me» et «King Capp» de Jook sur cette compile. Magnifique ambiance de rock anglais, avec les clap-hands, le gimmickage de Trevor White, les dynamiques internes et externes, et la profusion d’extra-polishing de shoes. C’est un jackpot de junk jive de joie givrante. On le sait désormais, les quatre Jook figurent parmi les héros oubliés du rock anglais. La bonne surprise vient de «The Flying Saucers They Landed» par Paul St John - une pièce énorme tant aux plans sonique qu’intentionnel - et de «Butch Things» de Billy Hamon, doté d’une belle attaque au chant et d’un climat étrange.

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L’année suivante sortait l’excellent «Glitterbest - 20 Pre Punk’n’Glam Terrace Stompers» sur RPM. Phil King lançait le manège avec «You Really Got Me» des Hammersmith Gorillas. Rien d’aussi ravageur que ce here we go ! Dans Streak, on retrouve Alan Merrill des Arrows, et donc «Bang Bang Bullet» sonne comme un classique de rock anglais. Jook toujours, avec l’énorme «Aggravation Place». Mickie Most est derrière ce hit interplanétaire. S’ensuit «Nothing To Do With Us» de Jet, premier surper-groupe glam, mais hélas, ça n’a pas marché pour eux. Même chose pour Milk’n’Cookies, quatre glamsters talentueux de Long Island contactés par John Hewlet, l’ex-John’s Children devenu manager de Jet. Leur «Good Friend» dégouline de bonne purée glam. À la fin de Jook, Trevor White tenta la carrière solo avec un single magique, «Crazy Kids». C’est un hit qui colle au palais, très axé sur le soin du son, doté d’un refrain fascinant, racé et très fin. On trouve aussi «I Need You» d’Helter Skelter, une antique mouture des Hammersmith Gorillas. Leur morceau créait l’événement avec un son dans le gras de la couenne. C’est poundé par Darryl Read avec une extrême détermination. Leur son s’inscrit dans la démesure. On retrouve la trace de Mickie Most derrière «Pogo Dancing» de Chris Spedding And The Vibrators, classique imparable et bien gratté par Knox le héros. C’est ramassé au vieux cocotage et ça reste du pur génie. Knox toujours dans «Sweet Sweet Heart» de Despair, son énorme et grésillé. Knox gratte sévèrement. On sent déjà la génie knoxien à l’œuvre, cette façon de composer un hit et de le jouer un peu à la manière de Lou Reed. Sur cette compile extraordinaire, on trouve aussi Crushed Butler - préhistoire des Gorillas - et England’s Glory - premier groupe de Peter Perrett. Et pour finir, une autre énormité : «Sick On You» des outstanding Hollywood Brats qui par sa classe hargneuse frise le pur génie.

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Deux autres compiles voient le jour sur RPM : «Boobs - The junkshop Glam Discothèque» et «Velvet Goldmine - 20 Junk Shop Glam Ravers». Pas mal de redécouvertes en perspectives pour l’amateur de glam, comme le fabuleux «Turtle Dove» des Rats qui sonne comme un hit de Marc Bolan. Le «Wired Up» d’Hector file à grande vitesse, mais rien de définitif à l’horizon du cut. Sous le nom de Motor Boat, Kim Fowley fait une petite prestation solide et bien sentie, «Jimmy Jukebox», et on revient aux Ryan Brothers. Cette fois, c’est Paul Ryan qui décroche la timbale avec «Natural Gas», un glam poundé au stomp et parfumé de sitar, un moment pulsatif assez ultime. C’est le glam anglais dans toute l’intensité de sa perfection, plein de tact et de raffinement, traité au doigté sur un beat fin et palpitant.

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Sur Velvet Goldmine, on trouve l’excellent «Rebels Rules» d’Iron Virgin et surtout «Toughen Up» des Arrows, un croisement fatidique entre le glam et Bo Diddley. Il fallait y penser. Avec les Arrows, on sent tout de suite une différence. Ils ont le son. Alan Merrill est bon. On comprend que Joan Jett l’ait pris comme modèle. Elle vient entièrement de là. N’oublions pas non plus que Nikki Sudden adorait les Arrows. La bonne surprise de cette compile, c’est Simon Turner avec «Baby I Gotta Go», un classique weirdy et dansant, joué aux Caraïbes. Rien de glam là-dedans, mais Simon Turner sonne sacrément bien. Le «Va Va Voum» de Brett Smiley vieillit admirablement bien. On entend aussi Ricky Wilde, le fis de Marty, avec «I Wanna Go To A Disco», mais le malheureux n’a pas de voix. L’autre bonne surprise de la compile, c’est l’extravagant «Bay City Rollers» de Tartan Horde, envoyé façon Beach Boys et assez inspiré. C’est une vraie bénédiction d’adoration. On entend un vrai stomp de glam dans «Shake A Tail Part 1» de Big Wheels, doté de la tension à la Glitter et de coups de guitare terribles. Puis, nouvelle révélation avec Fancy et une version technoïdo-pornographique de «Wild Thing» - c’mon hold me tight - d’une rare sensualité puisque la chanteuse finit par nous jouir dans l’oreille.

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«Killed By Glam» se présente sous une pochette prometteuse : quatre glamsters y exposent le débraillé de leurs poitrines et le clinquant de leur pailleté. La force des grands glamsters était de savoir allier le kitsch d’un look au sérieux d’un son. Leur botte secrète était le stomp qui allait si bien avec les semelles compensées. Des hits comme «Rock It In My Rocket» pétaient bien au nez. L’ami Andy Glenmark savait driver son beat et enfourcher une grosse ligne de basse. Seuls les Suédois le connaissaient car il fut une superstar scintillante au pays d’Abba. Tracey Dean chantait comme Feargal Sharkey, et il faisait avec son solide «Moonshine» du galloping proto-punk. Il vibrait son chant comme d’autres vibrent le béton. «Caterpillar» des Cold Fly fut une pure perle en pure perte. Dommage car ce pur jus de glam à la T Rex aurait pu swinguer les bourrelets des Anglaises, puisque Marty Wilde les produisait. Et puis on remonte le courant des petits ruisseaux underground qui font les grandes rivières underground avec les Soho Jets, et leur «Denim Goddess», l’occasion pour nous pauvres hères d’apprendre qu’après le split des Soho Jets, Grant Stevens monta Razar avec Jim Avery de Third World War. Du coup, on se redresse d’un bond. On trouve ensuite une autre perle power-pop, «Run Run Run» qui n’a rien à voir avec Jojo Gunne, mais les Methods n’en sont pas si éloignés, car la chose court un peu, grasse au chant, duveteuse, et bien tressautée. L’autre révélation de «Killed By Glam», c’est Norman Kenway dont le «Black Lady» glammy et plein d’allant prend la bouche comme le ferait une nympho pressée. C’est du boogie-rock à l’anglaise qui sent bon le rouge à lèvres, très seyant, et qui moule bien les organes génitaux. Et puis voilà Mustard, les rois du Junk Shop Glam, avec Hector (à ne pas confondre avec Jesse) et Iron Virgin, et c’est magnifiquement démolisseur comme doit l’être tout chef-d’œuvre glammy.

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Vient de paraître «Glamstains Across Europe», mystérieux LP orné d’une photo de Jesse Hector en noir et blanc. Apparemment, il n’y aurait rien de légal dans cette affaire. Le premier titre de cette compile est évidemment «Shame Shame Shame» des Hammersmith Gorillas, hit undergroundé à l’extrême, d’une éblouissante efficacité et cocoté judicieusement. Nous n’aurons hélas que deux perles sur cette compile ramenée en contrebande. La première s’appelle «Let’s Go Let’s Go Let’s Rock’n’Roll» et c’est ficelé par un groupe danois qui s’appelle les Walkers. Un nom à retenir, car ce single est une merveille extravagante. Pur jus de glam, avec un chant sucré de rêve et une rythmique serrée. C’est un raver cavaleur relancé par des hey ! hey !, battu sec, un chef-d’œuvre absolu. Un glam de voyous inspirés qui frise le pur génie. L’autre perle n’a rien de glam puisqu’il s’agit d’une monstrueuse version de «You Really Got Me» par des Canadiens qui s’appellent Thundermuck. L’imbécile qui a rédigé les notes de pochette insiste bien pour préciser que ce single est sorti deux ans avant celui des Hammersmith Gorillas et il va même jusqu’à insinuer que Jesse l’aurait peut-être entendu. C’est vrai que la version de Thundermuck est bien trash, mais deux choses ne vont pas : un, cette reprise n’a rien de glam, et deux, on ne touche pas à Jesse Hector. On trouve aussi sur ce disque une reprise d’«Andy Warhol» («Hunky Dory») par Dana Gillespie. Rien à voir non plus avec le glam. Un peu plus loin, on tombe sur un beau hit de Captain Lookheed & The Starfighters qui s’appelle «Ejection», aussi puissant et efficace que «The Right Stuff», mais encore une fois, aucune trace de glam dans cette lookheederie. Deux ou trois autres groupes frisent le bon glam, mais il leur manque l’étincelle : Gumbo («We Don’t Care» qu’on écoutera pour le côté teenage pussy, à condition de bien aimer les moules de bouchot), Bearded Lady («Rockstar», pas aussi bon que Jook, mais le batteur est redoutablement bon), et Hello («Revolution» qui frise le T Rex).
La charogne du glam bouge encore. On la découvre au détour d’un sentier. Les jambes en l’air, comme une femme lubrique, brûlante et suant les poisons, elle ouvre d’une façon nonchalante et cynique son ventre plein d’exhalaisons.


Signé : Cazengler, le glom.


Giuda. Le Gibus. Paris XIe. 15 avril 2016
Giuda. Racey Roller. Dead Beat Records 2010
Giuda. Let’s Do It Again. Fungo Records 2013
Giuda. Speaks Evil. Burning Heart Records 2015
1990s. Cookies. Rough Trade 2007
1990s. Kicks. Rough Trade 2009
Glitter From The Litter Bin. 20 Junk Shop Glam Rarities From The 1970s. Sanctuary 2003
Glitterbest. 20 Pre Punk’n’Glam Terrace Stompers. RPM 2004
Boobs. The Junkshop Glam Discothèque. RPM 2005
Velvet Goldmine. 20 Junk Shop Glam Ravers. RPM 2009
Killed By Glam. 14 UK Junkshop Glam Gems From the 1970s. Vol. 2. Moon Boot 2012
Glamstains Across Europe. Volume 1. Teenage Rampage 2013
Sur l’illustration : les 1990s, Jackie McKeown, Jamie McMorrow et Michael McGaughrin.

TROYES / 07 – 05 – 2016
LE 3B
THE ATOMICS

Retour à Troyes. La teuf-teuf ronronne de bonheur. C'est presque son deuxième garage. Deux mois que nous n'avions pas remis les pieds au 3 B, à l'accueil qui nous est réservé nous comprenons que personne ne nous a oublié. Tout chaud, tout doux à nos coeurs de rockers. Les Atomics se sustentent au fond de la salle. Z'ont raison, vont avoir besoin de forces. Leur dernier concert en ces hot lieux est resté dans toutes les mémoires. Quand on a une réputation atomique à tenir, faut assurer grave.

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Les voici sur scène. Disposés en triangle, pas celui des bermudas, mais chemises hawaïennes de rigueur, avec la devanture ouverte et la journée estivale qui a dardé des rayons de plomb, la température avoisine les quarante degrés au fond du bar. Ramages mauves sur fond blanc pour Renaud sur notre gauche, fleurs étoilées sur un fond de ciel noir pour Pascal, couleurs pète-feu pour Raphaël. Petit côté Blue Hawaï non déplaisant. Pour la petite histoire je rappellerai que le héros ce nanard preleysien se prénomme Chad. Un bien beau nom entre parenthèses.
Avant l'ouverture des festivités Raph tient à délivrer un message personnel spécialement adressé à l'abominable homme du rock qui sévit au 3 B depuis des temps immémoriaux, l'affreux Duduche est sommé de ne pas s'avancer à plus de trois mètres du micro. Menacé d'une balle de taser à l'oeil s'il ose un fatidique pas de trop. Eclats de rire général, même les happy few qui n'étaient pas là ce fameux soir comprennent que Duduche avait dû se surpasser. Pour les esprits avides de connaissance rock, nous renverrons à notre livraison 243 du 03 / 07 / 2015.

SET ONE

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Renaud ouvre le bal, swingue comme un dingue avec sa contrebasse qui semble avoir été piquée par le moustique de la dengue. Le jour où l'on parviendra à colorer les ondes sonores qui s'échappent d'un instrument de musique soyez sûrs que celles qui s'envoleront de la big mama de Renaud vous dessineront des grands-huit et des montagnes russes à n'en plus finir. Virtuosité diabolique. De quoi rendre un jazzman jaloux, et pourtant il reste toujours dans les clous, ne dépasse jamais les lignes blanches, impeccables sur les rythmes binaires et primaires du rockab. C'est en hauteur, en volume qu'il se rattrape, fait mousser la chantilly jusqu'au plafond. Les croches ricochent de partout, une seule grosse basse et vous avez l'impression d'une dizaine de violons qui staccatisent de tous les côtés. Une symphonie de slap qui vous ruisselle dessus.

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Vous avez raté votre soirée puisque vous n'avez ni vu ni entendu Pascal sur Stompin'. L'a adopté la technique du chasseur d'alligator qui se retrouve sans s'y attendre nez à nez avec un mâle de cette espèce prédatrice qui sort son marécage dans l'idée que vous lui serviez de pause sandwich. Froussard comme vous êtes vous vous barrez en courant. Pas Pascal. L'attend sa baguette à la main que Raph lui pousse un riff caïman meurtrier entre les jambes, et au moment où vous vous y attendiez le moins il vous lui refile trois coups rédhibitoires et sèchement appuyés sur le museau, la bestiole estomaquée reflue vers le milieu du bayou, mais elle repasse à l'attaque dans les six secondes qui suivent, et splamf ! Splamf ! Splamf ! Pascal lui re-stompe la gueule illico, autant de fois que ses deux acolytes vont lui renvoyer le bébé vorace. Pour terminer Renaud rajoute sa petite touche personnelle épand un nuage de gouttelettes ensorcelantes sur le tableau final.

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Pour ce premier set les Atomics nous ont soignés, tout en finesse, tout en vitesse, tout en sveltesse. Du pure fifty. Enfin presque, la voix de Raph qui nasille un vieil accent du Sud comme on n'en fait plus depuis le début du troisième millénaire et sa guitare magique qui se moque de nous. Comme dira Mister B dans la voiture du retour, t'as vu l'engin tout simple qu'il a, qu'on le veuille ou non, c'est le musicien qui imprime sa marque et qui fait la différence. Et Raph, il vous raffle le premier prix à chaque morceau. Vous passe les cadors en revue, Holly, Cochran, Perkins, Berry, juste pour vous montrer non pas ce qu'il sait faire, mais ce qu'il peut en faire. Des pièces de répertoire qu'il calibre à son style. Plus tard il rajoutera un Please Don't Touch des Pirates de Johnny Kidd et un Rockin' Gypsy de Joe Maphis juste pour taquiner le goujon de haute mer et la truite sauvage.
Et cette version de What You Gonna Do d'Hayden Thompson, un chef d'oeuvre, une merveille de précision, rien de trop, rien de moins, trois musiciens en totale osmose harmonique. Nous ont gâtés hors de toute commune mesure. Entracte.

SECOND SET ( I )

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On prend les mêmes et l'on ne recommence pas. Changement d'époque. Sur la marelle du rock and roll tous les chemins mènent au paradis. A l'enfer aussi, mais pas ce soir. Changement de décor. Nul besoin de repeindre les murs. Suffit de gratouiller une guitare un tout petit peu différemment pour faire un bon bond dans le temps. Epoque sixty. Mais les toutes premières années, plus vraiment rock an roll, déjà white rock, déjà surfin', déjà garage, mais point trop, juste ce qu'il faut pour s'apercevoir que l'on est sorti de l'éden primordial mais que le monde qui s'offre à nous rutile de merveilleuses promesses. Moins de swing primitif pour Renaud, une accroche différente, moins moelleuse davantage insinuante et reptatrice. Une mue de serpent. Idem pour Pascal dont le drum de dream balance maintenant entre caisse claire et cymbale. A égalité de tom serait-on tenté de dire, la frappe est davantage métallique, saillante et résonnante. Raph est à la fête. Faut voir sa sonorité, faut entendre son coloriage, faut humer les courbes de ses motifs, faut goûter les entrelacs cuivrées de ses notes éparpillées. Synesthésie d'esthète rock qui n'oublie jamais l'énergie hâtive et incendiaire qui reste le grand secret du rock and roll. L'ai déjà ouï jouer beaucoup plus électrique, mais ce soir il atteint une sorte d'équilibre miraculeux entre la beauté du son et le flashy d'une incandescence surprenante.


SECOND SET ( II )

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Trop beau, trop bon. Impossible de rester de marbre devant tant d'effulgence. L'ambiance dégénère. Comprenez que l'atmosphère s'électrise, les danseurs se la donnent à tout berzingue et Duduche joue les Saint Bernard, ravitaille en demis les artistes assoiffés, Raph finit allongé par terre quatre jolies blondes entassées sur lui en des positions équivoques sur lesquelles je ne ferai aucune déposition. Les Atomics ont tout donné, mais Béatrice la patronne déclare que le 3 B n'est pas une maison de retraite. De toutes les manières, l'est déjà demain depuis longtemps. Duduche sauve la situation : s'empare du micro et se lance dans une improvisation sur Blue Suede Shoes à vous couper le souffle. Un peu fatigués les Atomics commencent très doucement et Duduche nous donne en yaourt de canidé une des interprétations les plus lascives et érotiques du classique de Carl Perkins qui m'ait été donné à entendre. Ah ! Ces ouafs ! Ouafs ! Ouafs dubitatifs et mélancoliques dont il ponctue le couplet ! Les punks ont raison, tout le monde peut faire du rock, suffit de se laisser imprégner par le génie de cette musique phantasmagorique. Acclamations admiratives de l'assistance subjuguée.

 

TROISIEME SET

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Z'ont dû déjà nous régaler d'une soixantaine de morceaux, alors les Atomics font semblant de râcler les fonds de tiroirs, et découvrent quelques originaux à eux, genre It's Almost Tomorrow ou Tachychardia à vous demander pourquoi ils n'ont pas de disques à vous vendre. Je ne suis pas pour la société de consommation à outrance mais la préservation des petits trésors du rock and roll devrait être une priorité nationale. Sont à bout, Raph est en train de perdre sa voix, mais chaque revers a sa médaille, ne chante plus qu'un couplet ce qui permet de se régaler de ces instruments si parfaitement assujettis à l'orchestration commune. Quel savoir faire, quelle complicité !
Encore une de ces soirées festives de haute teneur rock dont le 3 B détient le secret. L'est vrai qu'avec une telle bombe Atomics, vous possédez l'arme absolue.


Damie Chad.

( Photos : FB  : Bar le 3B )

 

THE CRAMPS
UNE COURTE HISTOIRE
DES
PSYCHOTIQUES DU ROCK'N'ROLL

DICK PORTER

( Camion Blanc / Novembre 2010 )

 

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Elvis Presley et Gene Vincent sont nés eN 1935. Lux Interior en 1946. Tout est dit. Pourrais achever ma kronic maintenant. Je continue pour ceux qui sont fâchés avec les chiffres. Dix ans après, mais juste à temps pour atteindre la dizaine en 1956, assez de conscience donc pour repérer Be Bop A Lula et Heartbreak Hotel dans ses oreilles. Le genre d'ovnis à saborder une vie. En plus Lux se paie le luxe de la deuxième chance, au cas, où il serait passé à côté, les pavillons en berne. L'a un grand frère qui s'empresse de lui inculquer les mauvaises manières. Le frangin avait eu la révélation au cinéma, Marlon Brando et l'Equipée Sauvage. Avant de se ranger et de devenir soudeur chez Goodyear, s'habille en noir, s'acoquine avec une bande, vole des voitures... et se procure les disques de rockabilly et autres garage bands les plus anonymes. Bon prince, il refilera sa collect à son frérot.

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N'y a pas que le rock dans la vie. Pour un gamin de la fin des années cinquante l'existe encore deux mamelles de Tirésias : la radio et la télé. Alan Freed – l'on ne présente plus – et le disc-jockey Pete Myers surnommé Mad Daddy qui passe les rockabs les plus déjantés de la planète, envoie des Rhythm and Blues déglingués, mirlitone des vers en vitesse ultraspeed, et cause sans cesse de films d'horreur. Tout un programme qui marquera à jamais le petit Lux. Mais entre 1963 et 1966, on the TV, le présentateur fou Ghoulardi passa la deuxième couche : un look incroyable : lunettes noires + perruque collée à un chapeau, extraits de films d'horreurs, et aucune retenue verbale...

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Le petit Lux grandit. Adolescent plutôt sage, mais à l'intérieur de sa tête, les neurones bouillonnent un max. L'aiguillon du monde extérieur ne va pas tarder à se faire sentir. L'habite, Akron, Ohio, près de Cleveland, il file en Californie s'inscrire à l'Université ce qui le dispense d'un séjour tout frais payé au Viet-Nam. Programme d'études bien rempli : approfondit sa connaissance des films d'horreur, recherche de vieux disques de rockabilly, consommation accrue de mescaline et de LSD, festivités diverses en compagnie d'une jeunesse en ébullition. La vie n'est pas faite pour s'ennuyer.


CONJONCTION ASTRALE


Il ne le sait pas, mais la coupe n'est qu'à moitié pleine. Elle ne va pas tarder à déborder avec la trépidante arrivée de Poison Ivy. Une jeune auto-stoppeuse habillée très court, et l'histoire de Lux Interior monte d'un cran. Vient de Sacramento, elle aussi a eu un grand frère qui écoutait du rock and roll et qui lui apprend les rudiments de la guitare. Bo Diddley, Chuck Berry et Link Wray deviennent ses mentors. De Link Wray elle retient les deux leçons essentielles : faut que ça fuse et que ça fuzze. Encore une rebelle, à la crinière rousse flamboyante qui a du mal à s'intégrer, systématise un rideau protectif de défonce entre elle et ses contemporains. Nos deux tourtereaux se reconnaissent très vite, chacun est le miroir sexué de l'autre. Films d'épouvante, rock and roll, sapes, concerts... sont des personnalités à part, décalées, dans la bonne ville de Sacramento. Retour vers Akron. Léger détour vers Memphis, Sam Phillips brade ses disques : l'en offre six pour un modeste dollas. Repartent avec la collection complète. Je sais, vous êtes jaloux.
Nous sommes au début des années soixante-dix : plus personne dans leur entourage et dans l'ensemble des States ne s'intéresse au rockabilly. Surtout pas aux anonymes qui officièrent par exemple chez Starday, qui firent trois petits 45 tours et puis disparurent... N'en sont pas pour autant des passéistes, ont les yeux tournés vers l'actualité, assistent à deux concerts à Cleveland qui vont booster leur impatience : celui de T-Rex, guitares speed et maquillage fondant mais surtout celui des New York Dolls. Les poupées auront une influence considérable, leur rock violent et sans concession et leur accoutrement scénique agiront comme un immédiat catalyseur : leur décision est prise : partent pour la Mecque du Rock and Roll, New York City, dans le but évident de monter un groupe de rock. Pour ceux qui douteraient de l'importance des Dolls dans l'évolution du rock and roll...

NEW YORK


Les rêves correspondent rarement à la réalité. La grosse pomme est triste. Eux qui croyaient plonger dans une jeunesse dollisées à l'extrême tombent des nues. A New York, les Dolls sont des inconnus. Viennent même de splitter. Les croyaient au centre d'un maelstrom rock, mais leur impact ne fut qu'une tempête dans un verre d'eau, localisé dans quelques rares clubs borderline, CBGB's et Max' Kansas City... N'empêche que la timbale est en ébullition. Focalisent sur un groupe dantesque et délétère : les Ramones. Etrangement cette évocation, qui ne dépasse pas la trentaine de lignes, de la nuisance rock propagée par les groupe de Foresthill est bien plus forte que les quatre cents pages autobiographiques de Marky Ramones que nous avons chroniquées la semaine précédente...

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Pas d'argent, pas de boulot, esseulés, sans matos ni intruments, les conditions de base ne sont guère favorables... Mais la rage d'en découdre renforce les facteurs chances. Faut un peu de morale dans notre histoire : seront sauvés par le travail. Non ils ne se convertissent pas en jeunes cadres dynamiques : Ivy trouve un job de maîtresse femme dans un club un peu spécialement sado-masochiste et Lux se fait embaucher dans un magasin de disques grâce à ses connaissances en labels perdus et galettes disparues... Sexe et rock and roll, les composantes essentielles de cet espoir qu'Ivy a surnommé The Cramps. Torticolis, en français, cette épine dans votre chair qui se rappelle à vous au moindre mouvement. Rien de christique dans cette dénomination, simplement le rappel que vous avez intérêt à vous remuer salement si vous tenez à vivre pleinement.

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En 1976, le groupe prend forme : Lux sera au chant, d'autorité, Ivy à la guitare naturellement, Bryan Gregory – collègue de travail de Lux – sera le second guitariste puisqu'on ne lui avait pas précisé qu'il devait se munir d'une guitare basse et la soeur de ce dernier Pam Balan sera mise à contribution à la batterie. Petit problème : les deux nouveaux arrivants n'ont jamais touché ni à une guitare, ni à un tambour. L'idéologie dominante de philosophie punk étant le Do It Yourself, le groupe se met au travail illico. C'est en forgeant que... Peut-être cette inexpérience permit-elle à Lux et Ivy d'imposer leur matière d'entrevoir le rock an roll. Des musiciens plus expérimentés auraient vraisemblablement renâclé devant ce retour vers les bases du rockabilly oublié. Cela leur aurait semblé trop passéiste. Bryan résoudra son inexpérience en adoptant un jeu que l'on pourrait qualifier de bruitiste. Les néophytes dépourvus de base classique sont les plus enclins à sauter dans le futurisme le plus absolu. Ce sont les riffs de guitare d'Ivy qui apportent son ciment à l'ensemble. Lux se réfère à son modèle scénique préféré : le grand Iggy. C'est la voix qui recouvre tout qui emporte le morceau. Quant à Pamela, d'instinct dès les premières minutes, elle trouve le truc qui lui permet un drummin de soutien appréciable. Au bout d'un an elle se lasse et refile le job à sa locataire Myriam Linna qui la remplace sans faillir avec un beat serré et pressé qui ne laisse aucun repos à ses condisciples. Restera deux ans, les quittera pour monter le label Norton Records... Sera vite remplacé par Nick Knox durant l'été 77 qui apporte au groupe ce qui lui manquait, une assise rythmique quasi pro qui n'avait rien à voir avec les approximations expérimentales des deux précédentes.

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L'était temps, le groupe progressait : lentement mais sûrement. Le premier concert au CBGB's en première partie des Dead Boys de Stiv Bators sera raté, guitare non accordée, mais le groupe surprend et ils sont embauchés pour assurer huit premières parties durant un mois au Max's Kansas City. Rencontrent ainsi du beau monde : Suicide, Blondie, Mink DeVille... bientôt ils ouvrent pour les Ramones. Les Cramps surprennent, semblent sortir de la préhistoire du rock and roll, mais leur show finit toujours par séduire.

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On aura du mal à les étiqueter : ils déroutent, sont à côté du mainstream de l'underground. Difficile de les prendre au sérieux : sont totalement impliqués dans leur musique mais ne professent aucun message pédagogique particulier. Aucun sous-entendu politique. Sexe, comics et rock and roll, but just for fun, joyeux foutoir et gros bordel, théorie à courte vue, mais implication praxistique sans égal. Font un peu de studio : posent les moutures de leurs futurs hymnes comme Teenage Werwolf et Sunglasses after Dark mais n'en sont point satisfaits.

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Sont récupérés par Alex Chilton qui les emmène à Memphis, à Big Star. En profitent pour enregistrer en tant que backing band pour James Luther Dickinson au studio Sun. Un rêve qui se réalise... Pour leur premier album faudra attendre, Chilton perfectionniste fou qui mixe et remixe sans jamais rien sortir de définitif de ses tripatouillages.. En attendant ils éditent en auto-production leur single Surfin Bird dont ils écouleront très rapidement les six milles exemplaires.

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Se dépêcheront d'en fignoler un deuxième avant fin 78, le fameux Human Fly, la mouche humaine, pas tout à fait empreint du même pathos que La Bombe Humaine de Téléphone. Un tantinet plus destroy si nous nous accordons un léger commentaire.

 

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Tournent de plus en plus, parviennent à sortir chez Illegal Records un EP cinq titres, Gravest Hits issus des sessions Chilton, assez pour faire patienter les fans qui se pressent aux concerts. Sont impressionnés par l'accueil que leur réserveront les anglais. Nul n'est prophète en sa patrie... Retournent en studio chez Illegal Studio avec Chilton et enfin juillet 1980 paraît enfin leur premier album : Songs the Lord Taugh Us. Si vous voulez la suite de l'histoire procurez vous le bouquin. Un grand groupe de rock parvient à maturité. Dick Porter raconte la saga Cramps merveilleusement trop bien. A fréquenté le groupe, se sert des nombreux interviewes données par Lux et Ivy durant les trente années qui suivirent.

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CRAMPED

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Quitteront New York pour s'installer en Californie, changeront de musiciens, tourneront beaucoup, se ménageront de longues coupures sabbatiques... avant d'être une musique, le rock est un art de vivre. Pratiquent un hédrocknisme serein, autant leurs concerts sont chaotiques, autant ils savent prendre le temps de devenir davantage eux-mêmes. Refusent le statut de rock star, préfèrent empiler vinyls, livres, revues, cassettes et vidéos. Avant d'être une musique le rock est aussi une culture. Cestes l'est devenu avec le temps, mais il ne faut point confondre les débuts d'un phénomène avec son origine. L'attitude rock prédomine son historialité comme chez d'autres l'existence précède l'Être.

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L'on ne peut parler des Cramps sans évoquer Hasil Adkins, Charlie Feathers et toute la litanie des grands fêlés du rock. Je vous laisse cette tarte à la crème sans cesse rebattue. Les Cramps me font penser à Bowie. A priori tout sépare nos excités d'Akron du Thin White Duke le maître de l'illusion performative de toute maîtrise. Mais à y regarder de près, les Cramps ont toujours su faire preuve d'une grande lucidité envers leur art. Ne furent jamais dupes d'eux-mêmes. Fous et indociles sur scène, mais ne s'emballent jamais dans la vie. Sont habités d'une étrange sagesse. Sont étonnés de la folie des foules et des individus, analysent froidement la moindre déviance qui s'écarte de ce que l'on pourrait appeler la normalité constituvive mais n'oublient jamais d'user de la froideur de ce scalpel méthodique à leur propre encontre. N'excusent rien, expliquent tout. Usent d'une théorie analylitique que nous qualifierons de prospective des évidences, ou d'expérience raisonnée d'un dérèglement arraisonné et rimbaldien des sens. ( à suivre ).


Damie Chad.


JOHNNY CASH
I WALK THE LINE


SILVAIN VANOT

( LE MOT ET LE RESTE / Mars 2016 )

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Le Mot et le Reste possède un important rayon musique, près de cent trente titres, KR'TNT ! en a déjà chroniqué quelques uns ( Stones, Creedence Clearwater Revival... ), j'étais tout content lorsque j'ai appris qu'ils sortaient un book Cash. L'existe un dieu, non une déesse, pour les rockers, ne voilà-t-il pas qu'il me tombe sous la main en un mag d'occase, pour un prix minimaliste. Certes, mais il n'est pas bien gros et l'on n'a pas ménagé les pages blanches. Et guigne amère sur le gâteau, rédigé par Silvain Vanot. Vanot, c'est pas le top. Se range, dans la catégorie des chanteurs français, vous le placeriez ( remarquez le conditionnel, car une fois que vous aurez lu la fin de cette phrase, vous saurez que jamais vous n'achèterez un de ses disques ) sur votre étagère entre Dominique A et Jean-Louis Murat. Je serai franc, il existe un passage d'un morceau de Murat que j'adore, je ne sais pas le titre, c'est celui où vers la fin l'on entend un canidé aboyer. Cet aboiement de chien est à mon humble avis la seule chose écoutable que Murat ait jamais enregistré. Evidemment, avec le goût déplorable qui le caractérise, Murat l'a mixé en sourdine, faut tendre l'oreille pour l'entendre, mais tout de même ces quinze secondes canines sont le seul moment de sa discographie digne d'être retenu. Oui, mais c'était Cash, alors j'ai pris.

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Silvain Vanot a donc consacré son livre à la chanson I Walk the Line. Nous raconte sa conception, sa création et passe en revue les nombreuses reprises de ce morceau emblématique effectuées tout au long de sa carrière par Cash lui-même. Pourquoi pas ? Je vous livre toutefois le résultat des courses avant leur commentaire : la meilleure version reste celle diffusée ( la deuxième prise ) par Sam Phillips.
Vous ai résumé le projet de Vanot. L'en a un second qu'il n'assume pas. Adore ( à voir ) Johnny Cash. Déteste June Carter. Mais pas franc du collier. Lui décoche sans cesse des vacheries. L'on a même l'impression qu'il s'empresse de la citer uniquement pour le plaisir sadique de lui jeter un oeuf pourri tout de suite après. Pourrait nous expliquer, qu'il la trouve nunuche, qu'il n'aime pas sa voix, son physique, ses toilettes, sa personnalité, ses déclarations, mais non pas un mot. Je devine les lecteurs avides de psychanalyse, Vanot est fou de jalousie, aimerait phantasmatiquement garder Johnny pour lui seul, certains se lancent dans l'hypothèse lacanienne d'un désir honteux d'homosesxualité refoulée... Ne nous égarons pas.
En fait Vanot n'apprécie pas plus que cela Johnny Cash. Lisez avec attention et vous verrez que les compliments sont rares. Belle voix, mais pas très bon guitariste, idem pour Luther Perkins affligé d'une maladresse géniale, mais maladroit tout de même. A l'autre extrémité de la vie de Cash, il n'est pas tendre pour sa voix usée sur les enregistrements avec Rick Rubin. En règle générale il parle davantage des albums qui n'ont pas marché et évite de mentionner ceux qui furent des succès.

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Où est le hic ? Pas de mystère, Silvain Vanot ne supporte pas la religiosité de Cash. Nous non plus. Mais l'on fait avec. L'hystérie du gospel n'est-elle pas une composante essentielle de la musique populaire américaine blanche et du rock and roll ? Lui préfère son côté destroy, l'Homme en Noir, le pénitentier de Folsom et celui de San Quentin. Nous aussi. N'insiste pas trop sur ses addictions, son côté walk on the wild side de la folie. Lui reproche d'avoir été un jeune homme beaucoup coincé du cul, obnubilé par une certaine obsession de pureté intérieure, mais ne le suit point très loin sur les pentes vertigineuses diaboliquement pavées des meilleures intentions... L'aurait peut-être été plus intéressant de fouiller du côté du Man in White, si cher à Johnny Cash... Me semble aussi qu'une comparaison avec Jerry Lee Lewis, hanté par les mêmes démons, s'imposait.
Reste les différents enregistrements de I Walk The Line, celui-ci trop ceci et celui-là trop cela. Oui bien sûr. Et alors ? Que faut-il en déduire ? En conclure ? La pression des maisons de disques qui veulent du mainstream ? Le monde entier s'en doute. Ce qui nous intéresserait ce serait plutôt l'implication métaphysique de ces phénomènes. Un bon enregistrement est-il le résultat aléatoire d'une heureuse conjonction musicale ? Ou alors le signe d'une régression ou d'une avancée êtrale de son principal interprète ?
Si le Seigneur recrache les tièdes comme il est dit dans la Bible, Vanot a du souci à se faire pour sa survie future. Donne l'impression du gars qui trouve tous les défauts à la statue qu'il projette de déboulonner mais qui n'ose pas dévisser les derniers écrous. Pourrait lui tomber dessus. Toute la différence entre Johnny Cash et Silvain Vanot : Cash n'aurait pas hésiter à faire sauter les boulons. C'est uniquement pour cette raison que vous achèterez ce bouquin. Pouvez lui tailler le costard que vous voudrez, Cash est trop grand pour y rentrer dedans.


Damie Chad.


ATTAQUE DE TRAIN : MODE D'EMPLOI
ET AUTRES NOUVELLES DU FAR WEST


O. HENRY

( Mille et une nuits : 2009 )

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Connaissais pas, avant que ça ne me tombe sous la main. J'aurais bien voulu le voler pour me mettre au diapason du titre, pas de chance, c'était gratuit. Le Far West, l'autre pays du country, en plus attaque de train, un petit parfum Sex Pistols / Ronnie Biggs pas du tout désagréable. J'ai commencé par la fin, la bio de O. Henry. Personnage sympathique : naît en 1862 en Caroline du Nord, à vingt ans il fait les quatre cents coups au Texas avant d'émigrer à Austin pour travailler dans une banque. Vous allez croire que j'invente la suite, c'est pourtant la vérité vraie : puise dans la caisse ( jusque là, c'est normal ) pour renflouer sa revue qui porte un titre flamboyant : Rolling Stone ! Le genre de détail qui ne s'invente pas.
Est accusé de vol, bénéficie d'un non-lieu, file prudemment au Mexique, mais revient à New York en 1898, car sa femme se meurt. Ne soyez pas sentimental, cela pourrait vous nuire. La banque a gagné l'appel, se retrouve pour trois ans en prison. Lui reste une dizaine d'années à vivre qu'il emploie à écrire plus d'un demi-millier de nouvelles qui lui apporteront la gloire post-mortem. La tuberculose l'emporte en 1910.

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Quatre nouvelles qui nous dévoilent un monde dur et sans pitié. Pas de quoi pleurer. Préfère en rire. Tout dépend de quel côté du revolver vous vous trouvez. Le chômage transforme les cowboys en bandits. La vie n'a pas trop de prix, surtout si vous êtes mexicain. Mieux vaut être aimé par un crapaud que par une femme. Juste une question de fidélité. Ayez des principes, vous pourrez ainsi en changer. Les riches sont des pleutres et les pauvres trop frustres. Chacun se débrouille comme il ne peut pas dans ce monde cruel. Les rats des villes sont des dégénérés et les rats des champs de sombres brutes. Le Capitalisme est la loi de base, une seule alternative à son emprise : l'idéologie populiste qui enferme tout un chacun dans sa légitime fierté à être et à revendiquer stupidement le peu de ce qu'il est. Une analyse éparpillée en mille réflexions adjacentes qui aident à comprendre cette inquiétante montée des pensées et des attitudes profondément réactionnaire des sociétés européennes d'aujourd'hui de plus en plus soumises à la loi économique et à l'ordre policier initiés par le libéralisme financier qui étend de plus en plus son emprise sur les esprits, les gens et les rapports sociaux. Plus incisif qu'on ne pourrait le croire selon une stricte lecture récréative. Attention, un train peut en cacher un autre.

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Damie Chad.