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29/05/2013

KR'TNT ! ¤ 146. SUBWAY COWBOYS / CREPY-EN-VALOIS

 

KR'TNT ! ¤ 146

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

30 / 05 / 2013

 

 

 

SUBWAY COWBOYS / ATOMICS / GHOST HIGHWAY

NELSON CARRERA & HOT ROCKS / GLENN TAYLOR

 

 

 

LONGJUMEAU / 24 – 05 – 13 /

 

 

BAR L'EXCUSE

 

 

THE SUBWAY COWBOYS

 

 

La teuf-teuf mobile cahote allègrement vers Longjumeau, Mister B profite honteusement du ralentissement causée par un accident pour lier conversation avec de jeunes et jolies conductrices esseulées, comme quoi les rockers n'ont aucun sens moral et profitent des situations les plus tragiques pour assouvir leurs instincts les plus primaires.

 

 

Nous avons toujours une Excuse pour aller à Longjumeau. La dernière fois c'était pour Hot Rhythm and Booze ( voir livraison 104 du 28 / 06 / 12 ), l'avant-dernière pour Burning Dust ( N° 101 du 07 / 06 / 12 ), pour l'antépénultième vous vous reporterez au soixante et unième chapitre du 14 / 07 / 11 de notre saga rock'n'rollienne qui vous offrira le compte-rendu du passage d'Eazy Lazy «  C » and his Silver Slippers .

 

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Ce coup-ci, c'est pour les Subway Cowboys, on ne connaît pas, on a trouvé l'info sur Rockarocky et nous n'avons pas fouiné à l'avance sur leur facebook pour nous concocter une idée toute faite. Bien que dans les westerns nous ayons tendance à nous ranger du côté des indiens, nous ne professons aucun a priori envers les cowboys picardiens.

 

 

Huit heures tapantes – la légendaire exactitude des rockers – nous sommes devant L'Excuse, nos garçons vachers n'ont pas encore établi leur campement, un entassement d'amplis, d'étuis à guitares et un embrouillamini de fils électriques encombre la vitrine. Pour tuer le temps l'on croquerait bien une sémillante dorienne sur la banquette arrière de la teuf-teuf mobile, mais faute de gent féminine volontaire pour participer à de tels ébats récréatifs nous nous rabattons sur deux gros grecs graisseux que nous dévorons à belles dents dans une kebab turc. Comme nous sommes maintenant de vieux clients – la garçon nous a reconnus - le café nous est gracieusement offert par la maison. Perfecto ! nous exclamâmes-nous, ce qui n'est pas du latin de cuisine, mais de pur rocker cicéronien.

 

 

ENTREE EN MATIERE

 

 

Retour à la case départ, devant la vitrine de L'Excuse. Avant d'entrer l'on admire l'affiche – si réussie que je l'emporterai en partant - tout autant pour la photo, qui ne représente point le groupe des Subway Cowboys, mais qui donne dans la note country décalée d'une devanture de magasin exhibant toute une galerie de cadavres d'opossums de Virginie pendus haut et court par les pattes arrières, que pour le texte qui l'accompagne et qui se peut entendre comme un manifeste musical revendicatif.

 

 

Le voici recopié in-extenso : «  De Hank Williams à Johnny Cash, la musique de celui qui a perdu sa femme, son boulot, son chien, qui a tué ou qui va tuer, qui est en prison, à la rue, qui espère que la bouteille ne le laissera pas tomber, qui a sa distillerie dans les bois, sa guitare chez le prêteur...Un trio qui revisite l'âge d'or du Honky Tonk ! » Tout un programme ! Le sex drug and rock'n'roll du pauvre et des paumés en quelque sorte. Encore est-il nécessaire de savoir évaluer les maux les uns par rapport aux autres. Que la damoiselle se soit enfuie c'est autant de liberté retrouvée, autrement plus grave nous paraît l'irremplaçable et fatale disparition du mâtin fidèle... Tout emplis de cette profonde méditation philosophique nous poussons la porte.

 

 

Diable ! ( comme disait Robert Johnson ) Fred le patron a fait des frais. Sas d'entrée, double-vitrage, insonorisation du plafond. En a eu marre de voir défiler les plaintes du voisinage et les flics aux contraventions plus lourdes qu'un troupeau de long horns farcis, les soirs de concert. L'a pensé au bien-être des clients et à la continuité de la musique. Entre le rock'n'roll et le silence mortuaire des cités de banlieue endormies à huit heures du soir, Fred a opté pour le tohu-bohu et la frénésie de ces mélopées sataniques qui parfois débordent sur la (maré)chaussée. Faut dire que chez Fred se réfugient tout ce que la ville compte d'individus hauts en couleur et aux goûts divers et variés mais qui détestent s'ennuyer et se coucher tôt... Une ambiance chaleureuse et bruyante, explosive parfois, qui correspond parfaitement à l'esprit du honky tonk originel made in the United States of the America.

 

 

Nous tombons à point, The Subway Cow-boys se lèvent de table – ont eu droit, eux les veinards, au privilège de la fine tambouille de Fred – et se dirigent vers la scène située maintenant dans la salle d'entrée du café.

 

 

THE SUBWAY COWBOYS

 

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L'espace n'est pas immense mais c'est beaucoup mieux que dans la pièce du billard sans fenêtre des concerts précédents. Comme tout contrebassiste qui se respecte Matt est relégué au fond contre la vitrine, Fab le lead guitar est devant, et par la force mathématique des choses Will se retrouve au centre derrière sa guitare rhymique et le micro. Dépasse ses deux acolytes d'une tête et dès qu'il entonne le premier couplet de Johnny Cash il monopolise l'attention. C'est quoi c'est ovni vocal ? Il y a deux minutes de cela il parlait calmement en français comme tout le monde et le voici par le miracle de son accentuation transformé en amerloque plus vrai que nature. Nous révèlera plus tard entre deux sets son secret : a vécu plusieurs années en Ecosse et aux Etats-Unis. Suffit pas d'avoir l'accent, faut encore une belle voix. L'en est doté, un timbre chaud et rauque merveilleusement adapté au répertoire countrysant du groupe.

 

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Ne se contente pas de chanter, présente chaque morceau, cite son interprète, définit en quelques mots le style et agrémente le tout d'une anecdote ou d'une rapide explication. Didactique appréciable. Beaucoup de groupes de rockabilly s'enferment dans une tour d'ivoire intransigeante de morceaux inconnus dénichés avec un soin maniaque dans la discographie de chanteurs oubliés par la plupart des amateurs... C'est que les Subway Cowboys ne revendiquent pas l'appellation estampillée pure rockabilly d'origine contrôlée Sun – Meteor.

 

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Se réclament du honky tonk. Traduirai cela par bordel musical généralisé. Les cats n'y retrouvent pas leurs petits, ou alors il y a des tas de bâtards qui grouillent. Le rock est né dans cette matrice. C'est un sang mêlé. Mélange instable de blues, de country, de swing, de jazz, de gospel, de jump, de bop, de variétoche, ne vous prenez pas la tête pour les proportions. Puisez au hasard, ce qui en ressortira sera toujours meilleur que ce que vous espérez. Donnez-vous quelques limites, mais sachez les transgresser. Les Subway Cowboys ont jeté leur prédilection sur les années quarante et cinquante. Sans s'y enfermer à double tour de vis.

 

 

Nous feront plusieurs Presley mais ne posent pas Elvis en tant que colonne vertébrale de leur répertoire. Le pilier du temple des Subway c'est Hank Williams. Bâtissent autour de lui. Il est le tronc, et ils remontent autant vers les racines Mississipi John Hurt que vers les feuillages les plus hauts. Trois sets époustouflants, des reprises, Merle Hagard, Merle Travis, Waylong Johnny, Bob Wills ( dont presque personne ne se revendique en douce France ), Johnny Cash, des morceaux connus mais interprétés de main de maître.

 

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La focale sur le vocal de Will ne faut pas s'y attarder même s'il pousse de temps en temps le yodel. Pourrait même davantage, à notre humble avis. Au niveau musical les Subway crépitent de petites merveilles. Le jeu des grattes d'abord. Au début l'on flashe sur la Martin de Will, quel son ! De toute beauté ! Une superbe résonance. Ne se contente pas d'accompagner au sens strict du terme. Ne balade pas la main de haut en bas et de bas en haut, style-j'assure-le-bruit-de-fond, en joue comme d'une guitare solo. L'on ressent combien il a souvent dû se débrouiller en solitaire dans les rues, au long-cours de son aventureuse jeunesse... L'on a même l'impression que sur sa Gibson, Fab n'a pour rôle que de déposer quelques précieuses ciselures de notes perlées sur les festons de la rythmique.

 

 

Fausse donne. Sûr que Fab n'en rajoute jamais, mais quelle sûreté, quelle précision ! Me demande seulement pourquoi il n'a pas adapté sur son instrument de bigsby vibratoire pour prolonger le son de quelques notes en fin de coda. Tout en finesse, ne sort pas le gros riff de derrière les fagots à tout bout de champ, joue en suivi, une phrase qui ne s'achève pour ainsi dire jamais, même s'il connaît tous les artifices des clausules finales. Sacré guitaro ! Aurait mérité que l'on s'intéressât uniquement à ses interventions durant toute la soirée. Au retour Mister B louera longuement l'exactitude et la connaissance de son jeu. Tombons tous deux d'accord sur la qualité des recherches requises pour parvenir à une telle aisance. Sait tout faire, ah ! ces parties de bottleneck blues et ces syncopes alternantes sur les deux standards de jazz !

 

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Subway Cowboys nous divulgue un honky-tonkabilly qui swingue entre riffs-rock esquissés et jeu-jazz jeté en jactance. Pas étonnant que Matt et Fab soient aussi membres de Swinging Dice un groupe – qui l'eût cru ! - de swing-jazz. Matt ne domine pas sa double-basse de toute sa hauteur. Peut l'opérer sans anesthésiant mais ne la maltraite pas. Fouille du regard au niveau des entrailles, la scrute, étudie la situation en praticien qui s'essaie à résoudre des problématiques dont il refuse au hasard le droit de les dénouer. Savant pas fou qui poursuit ses recherches. Intellectualise avec méthode. Nous délivrera quelques solos, très jazz mais sombres et ténébreux comme des menaces de mort. N'emploierai pas le terme de rythmique à proprement parler pour évoquer son jeu. N'accompagne pas, est sur une ligne parallèle de soutien et d'attaque. Cheval léger qui décide de son propre engagement, franc-tireur qui débusque les pièges et infléchit la course orchestrale du trio.

 

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Peu d'amateurs dans le public qui n'est pas à même d'estimer - ce qui ne l'empêche pas de trépigner et d'applaudir à tout rompre mais parfois un peu pesamment - à leur juste mesure les choix d'interprétation expressément voulus par le triumvirat des musicos. Subway Cowboys nous a impressionné par sa richesse créatrice. Des reprises certes, mais ô combien intelligemment adaptées. Pas de batterie, nous sommes dans une orchestration pré-rock, voire même pré-Rhythm and Blues comme pour symboliser la finesse d'un jeu qui n'a nullement besoin de n'être ni soulignée ni ponctuée à grands coups grosse caisse.

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Cette soirée sera un régal rarement égalé ces derniers temps. Il n'est pas de plus grand plaisir que de découvrir un nouveau combo droit dans ses bottes. Subway Cowboys ne sont pas exactement des nouveaux-nés – ont commencé par jouer dans le métro d'où leur nom - mais ils évoluent habituellement en région picardienne au nord de la Seine & Marne ce qui ne sera pas une excuse pour ne pas retourner les écouter. N'ont pas encore enregistré de disques mais commencent à envisager l'opportunité d'un tel moment.

 

 

Un groupe à suivre. Un de plus. Décidément la french scene rockabilly se révèle de plus en plus riche au fur et à mesure que nous poussons nos investigations.

 

 

( Pour les photos on a fauché sur leur facebook des photos de concerts précédents )

 

 

Damie Chad.

 

 

CREPY-EN-VALOIS / 26 – 05 – 2013 /

 

 

5 TH ROCK'N'ROLL AFTERNOON

 

 

ATOMICS / GHOST HIGHWAY

 

NELSON CARRERA & HOT ROCKS

 

 

SUPERBES PHOTOS D'EDONALD DUCK

 

PRISES SUR LE FACEBOOK DE NELSON CARRERA

 

 

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Au grand Meaux, les grands remèdes, la teuf-teuf mobile enfile tous les sens interdits de la cité à contresens, mais ce n'est pas grave puisqu'elle roule dans la bonne direction. Pas besoin d'en rajouter une couche nous voici à Crépy avant d'avoir à faire Valoy notre bon droit. N'empêche que la teuf-teuf fait la gueule, à l'entrée ils n'ont jamais voulu croire qu'elle était une voiture de collection, et ils nous ont refoulé dans un parking adjacent. M'en fous, j'ai mon arme secrète, la Salsette qui s'en va batifoler aux quatre coins de l'immense pelouse à la recherche de caresses. Y aurait-il eu la première Cadillac d'Elvis en exposition qu'elle n'aurait pas eu davantage de succès. De plus, alors que je piétine sagement devant un stand en attente de mon ramequin de frites, elle aboie si vindicativement que comme par miracle la file devant moi accélère l'allure et que deux minutes plus tard elle a déjà avalé ses trois saucisses brûlantes. Three Hot Dogs for a Wild Hound Dog. Beau titre rockab. Je tiens un hit. Me manque plus que les paroles et la musique.

 

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La Sainte Agathe du Parc a dû prier pour les rockers. L'a réussi à ce que le soleil daigne briller, pas très fort mais tout l'après-midi. L'orga avait bien prévu un plateau toilé pour les musicos, mais combien d'aficionados seraient restés à découvert à prendre leur douche sous les prairiales giboulées ? Une cinquantaine de vieilles carrosseries en exposition, près de deux cents motos alignées, une rangée de boutiques de fringues – n'est-ce pas dingue ? - un espace bouffe – n'est-ce pas ouf ? - des bikers qui discutent dans tous les coins, des dizaines de familles au complet avec les gosses qui courent partout ( dans le vain espoir de se faire kidnapper ), la cohorte habituelle de fans que l'on retrouve à tous les concerts des Ghost, plus un important public rock made in Picardie, et il restera encore en fin de journée des ares de pelouse où le gant noir du rocker n'aura – selon la formule qui me botte - jamais posé la mexicaine.

 

 

THE ATOMICS

 

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Les Atomics sont sur scène. M'étais promis de les revoir. Les voici à l'aise, souriants, détendus, sur ce vaste plateau ont presque trop de place. N'occupent que la moitié gauche de l'espace. Dialoguent avec le public, dédient les morceaux aux Ghost, et aux amis. Jouent aussi de la musique. Plutôt de la bonne. Et même de la très bonne. Raphaël est au chant et à la guitare solo. Faut pas l'entendre, faut l'écouter.

 

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S'appuie du solide. Derrière Mister Drum est à l'affut sur ses fûts. Ne le lâche pas du regard, pas le genre à arriver en retard ou à partir à l'avance. Laisse tomber au moment pile où il se doit de faire face à l'interstice ménagé par Raphaël, le temps que ce dernier enclenche sur une autre note. Visage angulaire, barbichette en pointe, il présente ce petit côté diabolique de celui qui s'en vient lutiner là où l'on attend le moins par un écho de caisse claire qui s'en vient prolonger ou contrecarrer la vibration du cordage. Parfois l'on a l'impression qu'il s'amuse, comme le boxeur sur son ring qui fait pleuvoir une grêle de coups pour pousser Raphaël dans ses cordes et l'obliger à mordre plus fort à la prochaine contrattaque.

 

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A parti du moment qu'il dialogue avec sa contrebasse Mister Double Bass a l'air de se contreficher du monde entier. Mais pas de nous, car encore un qui sert la marchandise dorée sur tranche à son soliste. Rien ne dépasse. Du cousu main. Pas de la camelote bêtement repiquée à la machine automatique. Ne mange pas de ce pain-là. S'adapte à la situation. Tout peut arriver. La maison assure. Ne ronronne pas dans son coin. Tisse des motifs qui s'harmonisent dans le jeu de Raphaël. Fais pas l'aumône quand il passe la donne, ramone plutôt sérieusement. En voici un qui a compris la signification de l'amplification du son. Il ne s'agit pas de pousser le bitonio pour jouer plus fort mais d'épaissir la note en la tenant serrée jusqu'à ce qu'elle coule, roucoule et exulte en catapulte.

 

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Ne sont que trois et se débrouillent pour sonner comme un seul homme. Ne vous en mettent pas plein la vue, personne n'y va de son petit solo -admirez-moi-comme-je-suis-le-plus-fort. N'aiment pas se servir des copains comme faire-valoir. Un véritable groupe. Soudé. Qui produit une seule et même musique. Et laissez-moi vous dire que ça cavalcade sec. Vous aimeriez que ça ne s'achève jamais. Je me prends à rêver d'un disque des Atomics qui ne soit que musical. Pas de vocal ou alors sur le premier et le dernier morceau, encore que je préfèrerai toute une suite d'un seul tenant. Ce n'est pas qu'ils se dépatouillent mal au chant. Au contraire. Mais le combo possède une telle cohésion, ils enchevêtrent si bien leurs instruments que l'on a l'impression d'avoir affaire à un monstrueux soliste qui descend les gammes à la kalachnikov. Racines indéniablement rockab mais son outrageusement électrique. Et aucune de ces deux postulations ne fait de l'ombre à l'autre.

 

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Plus tard Will des Subway Cowboys résumera la situation en disant que ce sont des perfectionnistes. Pas le genre de gugusses à bâcler l'à peu-près d'un morceau pour rallonger le répertoire. Sont comme le boa, ils ingèrent leurs reprises jusqu'à ce qu'elle acquière le son breveté des Atomics. Produisent leur musique qualité Bio-Atomics.

 

 

Suis surpris quand ils annoncent le dernier morceau. M'a semblé qu'ils n'étaient sur scène que depuis un quart d'heure. En plus malgré les applaudissements et un trop court rappel ils se dépêchent de laisser la place. Fair-play et modestes. Les aurais bien laissés batifoler une heure de plus.

 

 

 

NELSON CARRERA & HOT ROCKS

 

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Du monde sur scène. Nelson se chargera des présentations. Dominique Sorel des Cool Cats – bonjour la nostalgie des années 80 – est à la rythmique, sobre et efficace durant tout le set. Les Hot Rocks ont changé de batteur. C'est Bob Vintage qui assure la forge. Plus rockabilly que lui, tu meurs ( du cerveau ). Kit de batterie aux futs customisés reprod peau de léopard, veste rouge avec col et revers de manche en imitation du même tonneau. Monsieur Loyal et la cage aux fauves à lui tout seul. Pas du tout le clown de service. Super batteur, l'a du métier et de l'imagination. Ne se laisse pas prendre au dépourvu. Remarquable.

 

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C'est qu'il n'a pas intérêt à s'amuser. Alexis Mazzoleni est à la guitare solo. Pas un rigolo. Une des plus fines gâchettes de la profession. Vous lui refilez n'importe quel coucou et il vous en ressort le son voulu et la note adéquate, si proche de la perfection que vous ne pouvez qu'en être jaloux. Doit avoir un truc l'animal. Vingt ans à minima de travail assidu, et une réflexion poussée car il ne joue pas qu'avec ses doigts agiles. Se sert aussi de son intelligence.

 

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Francis Gomez est à la contrebasse. S'y appuie nonchalamment dessus. L'on se demande si elle ne va pas casser sous la stature de ce géant placide qui lui administre sans méchanceté une kyrielle de grandes claques amicales qui vous feraient sauter les yeux de la figure. Ca cogne méchant dans les amplis, mais il a la mine sereine d'un papa gâteau qui murmure une comptine pour endormir son bébé.

 

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Avec un tel quatuor à ses côtés aucun french Trafalgar en vue pour Nelson Carrera. Lui aussi possède sa rythmique mais c'est sa voix qui monopolise l'attention. A vite fait de vous entourlouper. L'on est loin de la fureur sauvage mais l'on a la force tranquille. Maîtrise sa partie à la triple croche près. Vous enfourne dans sa poche sans que vous vous en aperceviez. Raconte des blagues qui ne font rire personne mais que vous écoutez les oreilles grand ouvertes comme des pavillons tendus d'éléphant.

 

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Connaît son métier sur le bout des doigts. Un Forty Days à en lécher le crâne tondu d'une moine syphilitique, un Gene Vincent en l'honneur de Jean-William Thoury présent dans l'assistance – vous le retrouvez régulièrement dans les bonnes pages de Rock & Folk et Jukebox Magazine, vous connaisez par coeur sa bio de Gégène au Camion Blanc, vous avez souscrit à son prochain opus sur les films de bikers – dans les deux cas Alexis vous ressort tous les plans de Chuck et de Cliff comme si c'était lui qui les avait inventés.

 

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Nelson Carrera ne tire pas la couverture à lui, en attendant la venue de Raphaël des Atomics, il laisse la place libre au Hot Rocks. C'est alors que le volcan se réveille et souffle son feu le plus brûlant. Vous n'êtes pas allés à la montagne, alors elle fond sur vous et vous dévaste l'âme en deux minutes trente-cinq de bonheur. Les potentiomètres ont dû virer au rouge vif. Le colosse indolent qui tapotait amicalement sa contrebasse s'est subitement transformé en tornade meurtrière. King Kong a brisé ses chaînes et se déchaîne. Francis Gomez est entré en action, des millions de tonnes de rocs vous écrasent et vous réduisent en bouillie, et vous ne vous êtes jamais senti aussi bien.

 

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Et puis tranquille il relâche son micro dans lequel il éructait un tremblement de terre et tapote gentiment le manche de sa basse comme vous caressez d'une main précautionneuse les souples ondulations de l'échine de votre chat. N'a plus rien à prouver, alors il refile le paquet cadeau à Mazzoleni pour qu'il nous interprète sa dernière composition. Me demande comment Alexis va s'en tirer après la secousse sismique que le Francis a abattu sur nos abattis.

 

 

Comme un chef. Une démonstration éloquente. Tout ce que l'on peut faire à la guitare en rockabilly. L'on oublie en moins de deux la grosse secousse qui nous a déboîté la comprenette pour suivre les aventures de Mister guitare. Ce n'est pas sa dextérité qui est fascinante mais l'adéquation parfaite qu'il établit entre le style de morceau qu'il entame et la sonorité idéale qui définit ce genre de musique précis.

 

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Plus tard lorsque Raphaël montera enfin sur scène faudra attendre la deuxième chanson pour que la connivence se fasse entre les deux solistes, et que chacun laisse à l'autre non pas le temps matériel mais l'espace mental idiosyncratique nécessaire à tous les deux pour se côtoyer sans se marcher sur les pieds.

 

 

Une fois ces intermèdes achevés Nelson Carrera reprend la main comme si de rien n'y était. S'impose et persuade très vite son auditoire. La preuve en sera apportée par tous les disques que les spectateurs viendront en nombre lui acheter et se faire dédicacer.

 

 

GHOST HIGHWAY

 

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Les Ghost Highway clôturent l'après-midi. De belle façon. Un tour de chant charnière, entre l'ancien répertoire et le contenu du nouveau disque. Faut retrancher et faut rajouter. Equilibre alchimique à réaliser. Qui ne s'improvise pas. Le problème n'est pas de combiner la meilleure set-list possible. Ce serait trop simpliste. S'agit pas de bazarder dix nouveaux titres sur un CD et coucou nous revoilou, on est aussi fou qu'avant. Ne vous inquiétez pas les copains l'on n'a pas changé.

 

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Les groupes de rock font des disques de rock, mais il faut comprendre que le prédicat de base est réversible. Ce sont les disques qui font aussi les groupes de rock. Lorsque l'on se répète, l'on stagne et l'on recule. Faut évoluer, non pas en se reniant mais comme le serpent qui acquiert une nouvelle peau, parce qu'il est devenu plus grand et plus fort. Les psychanalystes disent qu'il faut savoir tuer le père pour grandir. Le problème pour les groupes de rock c'est qu'ils sont leur propre père, entre tuer et muer la différence n'est pas si grande. S'enfoncer un couteau dans le coeur tout en restant en vie, afin de l'aiguillonner et non le stopper. Se planter sans se planter. Un cran, mais pas d'arrêt.

 

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Les Ghost ont grandi. Sortent de leurs gonds. Sont en terrain pas si conquis que cela. Beaucoup les connaissent mais une grande partie du public les découvre. A la fin du set nombreux sont ceux qui s'interpellent, la mine gourmande et repue mais curieuse «  D'où ils viennent ? D'où sortent-ils ? ». Mais ce n'était pas gagné d'avance. N'y avait qu'à voir Zio pour comprendre. Sérieux comme un pape. Concentré sur sa contrebasse comme jamais. On ne l'a pas entendu de la soirée. Je parle de Zio mais pas de sa bécane à quatre cordes. Parce que celle-là il l'a faite bosser sans répit, un bourdon grondant, un moteur d'avion qui survole avant de tirer sur ses cibles. Ce n'est que dans les rappels qu'il nous a régalés de ces regards d'enfant malicieux et facétieux. L'a porté le groupe sur ses ailes.

 

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Mais c'est quoi les Ghost Highway au juste ? La réponse est facile. Un groupe de rockabilly, pleinement rockabilly. C'est-à-dire avec un retour vers le son originel des roots. Mythique bien sûr, ne serait-ce que parce que la répétition du Même n'est déjà plus le Même comme disent les philosophes. Et toute la grandeur des Ghost Highway réside dans cet essentiel décalage. Ce n'est plus la réverbe de chez Sun, mais l'impact de la modernité sur l'écho du passé, et cela les Ghost Highway l'ont intuitivement compris et mis en oeuvre, ce qui explique pourquoi le groupe tape aussi bien dans l'oreille des amateurs du pure rockabilly que des néophytes habitués à des sonorités différentes.

 

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Reste que maintenant je suis de ceux qui pensent que l'essence d'un morceau de rockabilly estampillé authentic fifty ne réside pas absolument dans son accompagnement musical mais dans l'interaction et l'impaction entre celui-ci et la voix du chanteur et que c'est cette dernière qui prime et emporte l'adhésion de l'auditeur. C'est cette difficulté majeure que les Ghost ont parfaitement réussi à surmonter, leurs morceaux sont toujours subtilement amenés et aménagés selon les parties de leurs deux solistes, Jull et Arno. Sont parvenus à tisser une adéquation parfaite entre les voix et le background vraisemblablement due à une instillation ou plutôt pour faire davantage southern comfort une distillation country du meilleur aloi. Un retour aux sources du rockab certes mais en même temps l'adoption d'un genre musical très plastique qui se plaît à toutes les avancées.

 

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Arno et Jull sont donc à la croisée des chemins – c'est par là que toujours surgit le diable – de la chevauchée des Ghost. La rythmique d'Arno qui apporte toujours son parfum d'authenticité roots et la Gretsch de Jull ouverte à toutes les aventures, mais chacune prête à épauler l'autre dans ses errements préférés. Chez les Ghost l'on n'oublie jamais d'où l'on provient mais l'on marche toujours vers l'avant. Et le set des Ghost cette après-midi en fut la parfaite illustration.

 

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L'on a l'impression que les morceaux sont plus courts que d'habitude, compactés à l'extrême et envoyés en pleine face comme des uppercuts qui vous cueillent au menton et vous envoient au tapis avant même d'avoir pu réaliser que l'on est déjà passé au suivant. Je n'ai jamais vu Arno envoyé autant de sauce sur sa sèche Gibson, la dépiaute sévère et quand il s'approche du micro faut s'accrocher car il envoie du gros calibre. Idem pour Julien, un peu moins de riffs mais une attaque tout azimut qui pulvérise les lignes harmoniques, quant au chant c'est l'intumescence démesurée qui débouche sur de longs cris de rage non contenue. Fallait-être là pour le Burnin Love que je qualifierai de cherokee. Fièvre indienne.

 

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La clope au bec, Phil n'a pas l'air de s'affoler, le genre de gars qui galope au milieu d'un ouragan en ayant l'air de trouver la situation tout à fait normale. Vous jette même de temps en temps des sourires torves du genre on vous a bien eu et vous n'avez pas fini d'en entendre. Je ne sais pas comment il fait mais entre Zio qui bourdonne à mach 2, les deux autres ostrogoths qui foncent sur l'autoroute à cimetière grand ouvert, sans se départir d'un came olympien, à chacun de ses coups de baguettes magiques le grand Phil recolle les morceaux et vous remet de l'ordre dans le chaos.

 

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Croyaient s'en tirer comme cela, avec les honneurs de la guerre, devront faire une demi-heure de rappel supplémentaire. La prochaine fois ce sera une heure et demie. Ca leur apprendra à être trop bons.

 

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FIN DE PARTIE

 

 

Pas envie de partir après une telle tornade, l'on boit un coup avec les opossums des Subway Cowboys qui sont venus faire un tour. ( Aucun mérite ils sont du coin, eux ! ). J'en profite pour passer un message personnel : Sara Stridsberg : Darling River, Livre de poche 32719 sorti en 2012, sous-titré Les variations Dolores, un bouquin qui se lie avec ardeur.

 

 

Sur le chemin du retour Salsa me confie que les Ghost ont tout intérêt à enregistrer Three Hot Dogs for a Wild Hound Dog et qu'avec une simple pub de trois cents euros dans Trente Millions d'Amis ils en vendraient autant d'exemplaires.

 

Damie Chad.

 

 

LA BALLADE DE GUEULE TRANCHEE

 

GLENN TAYLOR

 

( Grasset 2010 )

 

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My Glenn Taylor is rich

 

 

A la fin d'un long mail, Alain, amateur de rock éclairé et chroniqueur passionné, me recommande la lecture d'un roman, «La Ballade de Gueule Tranchée». Il ajoute : «... d'un certain Glenn Taylor, picaresque romance bluesy qui devrait vous plaire». Habituellement, je me méfie de ce genre de recommandation, surtout quand rôde l'épithète «picaresque». Peut-être vous souvenez-vous du désastre des traductions en langue française des Contes de la Folie Ordinaire de Charles Bukowski (deux tomes parus au Sagittaire en 1977)... Depuis je fuis comme la peste les traductions en français d'auteurs anglais ou américains. Trop de déperdition. Le travail du traduction est en fait une recherche constante de compromis. À la lecture, le texte coule de source, mais la transformation, c'est une autre paire de manches. On hésite en permanence entre le souci d'exactitude et le confort du lecteur. Il existe mille manières de remanier une phrase. Les choix se font dans une sorte de constant bras-de-fer intellectuel et là, un grave danger nous guette : on perd de vue l'essentiel, l'énergie du texte. Un prof de langues orientales me disait à une époque que Pouchkine restait intraduisible, en dépit de tentatives successives, et qu'il valait mieux faire l'effort d'apprendre le Russe pour le lire, plutôt que de se contenter d'une piètre approche, qui dans tous les cas ne refléterait jamais l'éclat de son génie poétique.

 

Bref, ça tombait bien. J'étais à Paris pour mettre le grappin sur quelques bonnes vieilles galettes de vinyle. Pourquoi ne pas en profiter pour faire un raid éclair dans la librairie à 5 étages du boulmich' ? Banco ! Et même bingo puisqu'une grosse vendeuse sympathique me dénicha une édition d'occasion du roman de Glenn Taylor. Je repartis guilleret vers la gare. Installé dans le train, je sortis le livre de ma besace et l'ouvris, pour me faire une idée rapide. Introduction, épilogue, exergue, tout ça ne me disait rien qui vaille. Le préambule nous sert sur un plateau l'histoire d'un vieux schnock qui se coud la bouche avec du fil de pêche. En tournant la page on tombe sur un exergue d'une rare débilité («Qu'on me descende à coups de canon ou de fusil») et en allant feuilleter les dernières pages, on se régale d'un épilogue incompréhensible. Le texte de quatrième de couverture n'est d'aucun secours, il sent la retape de camelot, comme tous les textes de quatrième de couverture. Je me souviens d'avoir murmuré une phrase du genre : «Oh la la....». Rien à voir avec les Faces, bien sûr. L'idée de renvoyer ce livre dans la besace et de le remplacer par le nouveau numéro de Shindig me traversa l'esprit, et puis non. Il fallait en avoir le cœur net. Don't juge a book by looking at the cover, disait fort justement Bo Diddley, le Platon du rock. Je me remis droit dans le siège et réexaminai l'objet. En découvrant la photo de Glenn Taylor imprimée sur le rabat, je pris comme prétexte qu'il avait une mine mimi et je m'y mis aussi sec.

 

On plonge dès le début du premier chapitre dans la Virginie de 1903. Plouf. À partir de cet instant précis, je n'ai plus lâché ce roman. Il est comme on dit inlâchable. Sauf pour sortir de la gare, récupérer la teuf-teuf (clin d'œil appuyé à Damie Chad) et rentrer au bercail. Et là, lecture d'un trait, cul sec. Je suis prêt à parier que tous ceux qui auront ce foutu roman dans les pattes finiront comme ça : ivres, hagards, mauvais, la bave aux lèvres, prêts à fuir dans les montagnes.

 

C'est un roman qu'on ne lâche plus, mais en vérité, c'est le personnage qu'on ne quitte plus d'une semelle. Le pouvoir du romancier, c'est de donner vie à un personnage. L'écrivain Glenn Taylor réussit ce tour de force. Il donne vie à Early Taggart.

 

Pauvre gamin... Sa mère, dévote givrée, tente de le noyer en le jetant dans une rivière gelée, sous la couche de glace. Re-plouf. Puisque le père est parti, elle est persuadée que son enfant est l'œuvre du diable. Miracle ! Une veuve récupère l'enfant gelé un peu plus loin et le ramène à la vie. C'est ce qu'on appelle un départ dans la vie un peu compliqué, mais le romancier doit frapper un grand coup, s'il veut ferrer son lecteur. C'est d'ailleurs le seul reproche qu'on pourrait faire à ce texte : un premier chapitre peu crédible et laborieux. Nager sous la glace quand on a quelques mois et y attraper la maladie des gencives qui vaudra au héros son surnom, voilà qui n'a rien d'évident. L'expression «Gueule Tranchée» doit être un compromis de traduction (Trenchmouth, dans la version originale), car le baby sauvé des eaux n'a pas la gueule tranchée (comme l'avaient ces malheureux poilus filmés dans les hôpitaux de la Grande Guerre) mais la gueule pourrie. Nuance. Cette notion de pourriture (odeur, vermine, spectacle insoutenable des gencives pourries qu'il faut sans cesse dissimuler) va cavaler tout au long du roman. C'est la raison pour laquelle notre héros se coud la bouche au fil à pêche à la fin de sa vie. Il laisse juste un trou pour passer une paille et ces fameuses Chesterfield qu'il aime tant fumer.

 

Après une entrée en matière pour le moins chaotique, ce fantastique roman se met en route. Gueule Pourrie grandit et on grandit avec lui. Mieux, il se produit une sorte de transfert lacanien, puisqu'on voit à travers ses yeux, grâce à sa fameuse vision élargie, qui lui permet de viser juste. La veuve qui l'élève nous fait baver d'envie : on aurait bien aimé recevoir son éducation et surtout goûter sa fameuse gnôle. La veuve s'appelle Ona Dorsett. Elle est la clé du mythe. Le personnage rayonne littéralement d'intelligence sauvage. Elle gère tout à l'instinct et enseigne le dur métier de survivre à Gueule Pourrie et à Clarissa, sa fille, elle aussi trouvée et adoptée. Ona Dorsett distille de l'alcool de contrebande et soigne les gencives pourries du gamin en les imbibant d'alcool. Comme la louve, elle protège ses petits de tous les dangers, et notamment du père venu récupérer son fils. Elle le tue pour sauver sa vie et l'enterre sous ce que Glenn Taylor appellera tout au long du roman les toilettes extérieures, c'est-à-dire la cabane des chiottes au fond du jardin, et qui va devenir l'une des composantes du mythe de Gueule Pourrie. Six ans plus tard, intrigué par l'odeur, notre héros déterre le cadavre en creusant à mains nues. Mise devant le fait accompli, Ona Dorsett lui dit la vérité : le gosse vient de déterrer le cadavre de son père. Pas grave, puisque, comme l'écrit si joliment Glenn Taylor, «tous les jours de sa jeune existence il avait pissé et chié sur son propre père. Ce qui lui convenait parfaitement, décida-t-il.»

 

Là, on commence à prendre le personnage très au sérieux. On ne le quitte plus des yeux. On le suit à la trace. Adolescent, il se retrouve dans une église locale un peu spéciale. On y tripote des serpents, symboles vivants du mal absolu. Gueule Pourrie ne les craint pas. Les vipères cuivrées ne le mordent pas. Il les charme. Ébahies, et par nature hystériques, les femmes affiliées à cette secte s'arrachent notre charmeur de serpents. Mais comme sa bouche les répugne, elles refusent de l'embrasser et lui fourrent directement la tête entre leurs cuisses, sous les volumineuses jupes d'époque. Comme le précise si pudiquement Glenn Taylor, «Gueule-Tranchée découvrit la religion dans les parties infernales de cette femme».

 

Dans les années 20, la Virginie est une région de mineurs. Glenn Taylor nous sert un petit pan d'histoire socio-économique américaine : comme chez Zola, les mineurs font grève pour demander une amélioration de leur condition et les brutes patronales envoient des briseurs de crânes régler le problème. À cette époque, tout le monde est armé. On roule en Ford Model T et ça canarde dans tous les coins. Gueule-Tranchée tire sur les briseurs de grève, profite du rififi pour buter un ennemi ou deux et, pour échapper aux poursuites, il s'enfuit dans la montagne. Et là, comme par miracle, il disparaît pendant un quart de siècle.

 

On tombe alors en pleine mythologie. On quitte le demi-monde sauvage d'Hasil Adkins pour entrer dans l'univers sacré de Jeremiah Johnson. Gueule-Tranchée quitte ce monde des collines où, plus qu'ailleurs, toutes les races se métissent, pour aller vivre comme une bête sauvage dans la montagne. La force de Glenn Taylor est telle qu'il parvient à nous mettre en osmose avec son personnage. Les détails de sa survie sont d'une précision hallucinante. Ceux qui ont défié le temps dans la solitude absolue savent que la folie les guette, et les souvenirs finissent par devenir des mots vides de sens. Glenn Taylor illustre bien l'état de fatigue psychologique de son personnage lorsqu'il écrit : «les ouvriers, les chevalements de mine, les mules et les toilettes extérieures, les parties infernales des femmes, les serpents, tous ces gens qui parlaient dans des langues inconnues, les Ford Model T. Tout cela relevait de la plus pure imagination». Gueule-Tranchée et Robinson Crusoé même combat ? Allez savoir.

 

Puis un jour, pouf, notre homme des bois découvre une cabane habitée au pied d'une falaise. Un couple vient tout juste de s'y installer. Un noir, une blanche et leurs enfants. Gueule-Tranchée vient à leur rencontre en criant : «S'il vous plaît, n'ayez pas peur. Je m'appelle Chicopee.» Il change de nom pour entrer dans une nouvelle vie. Les amis du couple sont des musiciens noirs. Parmi eux se trouve Johnnie Johnston. Oui, parfaitement, le pianiste qui mettra le pied de Chuck Berry à l'étrier.

 

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Notre héros s'appelle maintenant Chicky d'Or et il joue de l'harmonica. Il retourne à la civilisation avec les musiciens, et c'est là où les Athéniens vont s'atteignir, comme on dit, et où tous les amateurs de musique roots américaine vont se régaler : Glenn Taylor nous décrit, à travers le parcours biscornu de cet homme des bois aux pieds nus la genèse de la musique populaire américaine. Si on veut humer le terreau dans lequel le rock et le blues américains plongent leurs racines, c'est là, dans ce type de roman. Comme dans «Le Petit Arpent du Bon Dieu» d'Erskine Caldwell, où l'on kidnappe les albinos, puisque certains les disent doués de dons surnaturels.

 

Chicky d'Or va circuler dans les États, il va jouer dans des stations de radio et même échouer à Saint-Louis où bien sûr, il ne manquera pas de rencontrer Chuck Berry, alors à l'aube de sa carrière. Séquence elliptique bien sûr, mais d'une terrible efficacité. Pas besoin d'entrer dans le détail de la vie de Chuck Berry. Chicky d'Or jamme avec lui et on n'en perd pas une miette. Plus tard, Chicky d'Or croisera Hank Williams dans des circonstances abracadabrantes, comme vous allez pouvoir le constater.

 

Glenn Taylor nous retrace une partie de l'histoire du comté de Mingo, situé en Virginie Occidentale. C'est aussi fin, précis et documenté qu'une histoire de la Frontière signée Hugo Pratt. Petite cerise sur le gâteau, Glenn Taylor ramène du passé des paroles de chansons ouvrières qui pourraient très bien sortir du répertoire de Woody Guthrie. Ne manque que la musique...

 

Tout au long du récit, l'auteur veille à ce qu'on reste à proximité du corps svelte de Gueule-Tranchée. Comme lui, on assure ses pas. Comme lui, on affine sa vision en plissant les yeux. Comme lui, on essaye de prendre les bonnes décisions. Comme lui, on saigne des gencives. Comme lui, on soigne la douleur avec de l'alcool. Comme lui, on sent l'énergie dans la musique. Chicky d'Or ou le degré zéro de la musique des Appalaches : un harmonica, des airs qu'on joue à l'oreille, les pieds nus et une bouteille de gnôle. Pas besoin de Cadillac rose. Il est sorti des bois après s'être taillé la barbe et les cheveux au couteau. D'ailleurs, il retournera dans les montagnes, comme d'autres repartent à zéro. Les épisodes émouvants se succèdent jusqu'à la fin du roman. Tous plus émouvants les uns que les autres. Vous irez de surprise de taille en surprise de taille. On aimerait que ça continue longtemps. D'ailleurs, s'il devait mourir, il serait déjà mort. Tant que Glenn Taylor reste dans les parages, il ne mourra pas. C'est même peut-être l'inverse. L'auteur ne décide plus de rien. Gueule-Tranchée va encore changer de nom. Il va traverser d'autres époques. C'est lui qui décide, ça saute aux yeux.

 

Avec une telle matière, Glenn Taylor aurait pu nous pondre 300 pages de plus et rivaliser de réalisme sibérique avec les gros romans russes, mais non, il préfère les chapitres bien ramassés, comme s'il se limitait à l'essentiel. Il fait dans le frugal. Un sac datant de la Guerre de Sécession sur le dos, le strict nécessaire pour survivre un quart de siècle. Bel exploit que de raconter une vie comme celle-ci en 300 pages. Après ça, pas facile de revenir à la vie normale, au monde numérique et à ses petites fadeurs.

 

 

Signé : Cazengler, aventurier raté.

 

 ( il y avait un superbe illustration de la main de notre aventurier pas si raté que cela, mais l'ordi l'a refusée, on essaiera de vous la donner en prime à la prochaine livraison )

 

Glenn Taylor. La Ballade de Gueule-Tranchée. Grasset 2010.

 

23/05/2013

KR'TNT ! ¤ 145. COMIC TRIP FESTIVAL / MYSTERY TRAIN

 

KR'TNT ! ¤ 145

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

23 / 05 / 2013

 

 

THE JACKETS / THE MONSTERS

 

 

HARMONICA FRANK / ELVIS / RONNIE HAWKINS / CASH

 

 

COSMIC TRIP FESTIVAL

 

THE WILD'N'CRAZY ROCK'N'ROLL FESTIVAL

 

9 - 12 mai 2013 / Bourges (18)

 

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LA PETAUDIERE DES MONSTERS

 

Comme tous les fervents amateurs de garage, nous nous sommes transportés les 10 et 11 mai derniers jusqu'à la bonne ville de Bourges, où se tenait le 17e Cosmic Trip Festival, sous-titré The Wild'n'Crazy Rock'n'Roll Festival. Quand on part de Normandie, on doit malheureusement traverser les épouvantables contrées désertiques de la Beauce. Si bien qu'on arrive à Bourges fourbu, hagard, avec le gosier aussi sec qu'un parchemin. On se jette donc sur le premier pichet venu. Un conseil : testez le Reuilly, rouge ou gris. Idéal pour réhydrater une cervelle.

 

Se balader dans les rues de Bourges, c'est une façon comme une autre de changer d'époque. Certains quartiers datent certainement du Moyen-Age. L'herbe pousse entre les pavés des ruelles et on s'attend à voir surgir Lucien de Rubempré au carrefour suivant. Hélas, mille fois hélas, de grosses berlines de bourges nous ramènent bien vite à la triste réalité des temps modernes.

 

Vu que le premier groupe commençait à jouer vers 22 heures, ça nous laissait le temps d'aller nous goinfrer à la Cantine Berrichone (table chaudement recommandée). Reuilly aidant, nous dissertâmes longuement des vertus du cornichon berrichon, pas encore clôné, comme le sont les cornichons que vous trouvez dans les bocaux de votre super-marché habituel.

 

Après avoir longé un petit cours d'eau, l'Auron, nous atteignîmes le Palais d'Auron, où se tenait le festival. Une jolie foule se pressait aux buvettes et devant les stands des disquaires, notamment celui de Sébastien, boss de Rocking Bones et de Beast Records, un petit label indépendant qui monte très vite en puissance. (Parmi les dernières parutions, on trouve les deux excellents albums de Chicken Diamond, one-man band qui a tout compris, et celui des Primevals, prestigieux garage-band écossais de retour aux affaires).

 

King Salami ouvrait le bal, suivi des Autrichiens Wild Evel & the Trashbones. Belles clameurs garage, mais il nous semblait avoir déjà vu ces groupes mille fois. Le problème avec le garage, c'est que ça tourne souvent en rond. Wild Evel est une sorte de clone non pas de cornichon, mais de Question Mark. Il se démène bien sur scène, il secoue un tambourin et il connaît toutes les ficelles du garage. Hélas, les musiciens qui l'accompagnent restent figés comme des statues de sel, ce qui gâte le spectacle. Rien de pire qu'un(e) bassiste appliqué(e).

 

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Pendant que sur la grande scène les techniciens installaient le matériel du groupe suivant, un groupe jouait dans une petite salle attenante, la jungle room, en guise d'entracte. Grand bien nous prit d'aller y jeter un œil. Ce fut un véritable choc garage. Un trio occupait la petite scène. Une gonzesse chantait et jouait de la guitare. Disons 25 ans, brune, Loulou de Pabst avec une couette à la verticale sur le haut du crâne, le maquillage d'Alice Cooper (ou de Hank Von Helvete, au choix) autour des yeux, un petit costard noir, une chemise blanche et une bonne voix bien rude. Elle ruait dans les brancards et chantait avec une hargne édifiante. A côté d'elle, un blondinet jouait de la basse avec un son bien gras et en mélodie. Il enroulait sa ligne de basse avec une perfidie à peine croyable. On se serait cru dans un pub de Londres en 1964, quand les étudiants échappés des Art-schools se prenaient pour de sales petites frappes. Ce groupe s'appelle The Jackets. Ils viennent de la Suisse. Ne partez pas, car ce n'est pas tout. Elle a fini son couplet et soudain, pouf ! elle a disparu ! Il fallut vite fendre la foule pour aller voir ça de près. Wow ! Freak Out, wouaaaaaahhh it's the only way out ! Elle se tortillait au sol pour jouer un solo de dingue, les jambes en l'air. Elle avait tout pigé. Elle s'est relevée pour revenir au chant, même aplomb, même classe insolente, même génie garage directement issu de la délinquance juvénile de nos rêves les plus humides. Ceux qui voyaient les Them au Maritime Hotel de Belfast en 1964 devaient ressentir la même extase cutanée. Rien d'aussi jouissif que de voir jaillir la sauvagerie sur scène. Johnny Burnette et elle, c'est la même race. Indomptable. Ça hennit dans la prairie.

 

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( C : Amelia Photo )

 

Les Jackets ont disparu aussi vite qu'ils sont arrivés. Le public en voulait encore, mais non, impossible, le timing imposait sa dictature impitoyable et tout le monde refluait vers la grande scène où King Khan, tête d'affiche de la soirée, allait faire son apparition. Un set sans surprise pour les habitués, avec des Shrines égaux à eux-mêmes, élégants, solides, irréprochables, vêtus de noir avec les sempiternels colliers de dents de requin autour du cou. King Khan screamait ses James-Browneries jusqu'à l'os et il nous gratifia en rappel de sa fabuleuse reprise du «Know Your Product» des Saints. Le seul qui ose toucher à ça, c'est lui...

 

Le lendemain soir, le samedi, Powersolo ouvrait le bal. Quelques passages d'une belle intensité, mais comme beaucoup d'amateurs, nous n'étions là que pour les Monsters. Par un curieux hasard, les Monsters jouaient aussitôt après Powersolo, laissant la tête d'affiche de la soirée aux Fuzztones. Comment peut-on oser monter sur scène après les Monsters ? C'est tout bonnement impossible et les malheureux Fuzztones allaient faire les frais de cette grave erreur de programmation.

 

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Si vous ne le connaissez pas encore, sachez que le Révérend Beat-Man officie dans une paroisse suisse. Il porte non pas une tiare mais trois casquettes : en premier lieu, il est one-man-band de réputation mondiale et prêche partout le «primitive blues trash» (issu de la doctrine la plus orthodoxe qui soit). Depuis son plus jeune âge, ce mystique invétéré s'adonne sans relâche à sa vocation et officie pour le compte de la célèbre Blues Trash Church (toute nouvelle forme d'œucuménisme vociférant), dont il est à la fois le père spirituel, le père fondateur, l'épiscopat et le corps séminariste. Infatigable et pour ainsi dire hanté, il prêche à travers le monde l'évangile du «primitive rock'n'roll» et du «gospel blues trash». On a vu des foules se prosterner à ses pieds. Nombre d'albums dispensant la sainte parole sont disponibles dans les principaux lieux de culte, les basiliques comme les cathédrales psychédéliques, mais aussi dans les couvents modernes, là où les Carmélites érudites brûlent des cierges à la gloire de Clovis Trouille et du divin Marquis.

 

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En second lieu, le puissant Révérend préside à la destinée d'un superbe label discographique, Voodooo Rhythm Records. Alors attention au porte-monnaie, chère ménagère, car le catalogue de Voodoo Rhythm est à l'adulte déraisonnable ce que la vitrine du pâtissier est à l'enfant gourmand : une horreur, au sens de la tentation. Et comme le disait si bien Oscar Wilde, le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est encore d'y céder. Les pochettes rivalisent entre elles de génie graphique, ce qui peut sembler naturel dans un pays où pullulaient jadis les typographes de renom planétaire. Les amateurs d'art graphique se régaleront, rien qu'en tripotant ces grosses pochettes cartonnées. Mais ce n'est pas tout. Le puissant Révérend attire sur son label tout ce que le monde compte d'artistes étranges, inclassables, primitifs, galeux, boiteux, loufoques, zébrés, difformes, vermoulus, barbus, basanés, comme les Guilty Hearts, véritables héritiers du Gun Club, Hipbone Slim & the Knee Tremblers, The Come N'Go. Pouf pouf, on reprend son souffle. Et puis voilà deux albums fantastiques du John Schooley One-Man-Band (l'ex Hard Feelings du Texas), Bob Log III, l'expat DM Bob, ils sont tous là, vétérans de la scène garage la plus inventive, King Automatic rescapé de Thundercrack, Roy & The Devil's Motorcycle (déjà 3 albums !), une belle pincée d'albums de Lightning Beat-Man et du Révérend Beat-Man et bien sûr... les Monsters. Car le Révérend est aussi l'incontrôlable leader des Monsters (troisième casquette), ce gang helvétique qui dégage les sinus aussi sûrement que l'explosion d'un bâton de dynamite.

 

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Quand il arrive sur scène, le Révérend nous fait penser à l'autre Révérend, le Texan, l'Horton Heat des enfers. Bonne bouille, bien ronde, mine joviale, un peu gamine, on sent le farceur, celui qui pince les fesses des filles et qui les fait rire. Il lui reste une petite houppette de longs cheveux filasses sur l'avant du crâne. Il a lui aussi cette allure de pépère artisan à la retraite, de petit bonhomme qui lève son chapeau pour vous saluer au coin de la rue. On l'imagine avec son caniche blanc, le matin, allant chercher son journal et son paquet de clopes sans filtres au bureau de tabac. Il porte une veste rouge à revers noirs comme celles que portent les musiciens dans les fanfares, avec un écusson cousu sur la poitrine. Bien entendu, la veste est trop courte et le pantalon gris foncé semble lui aussi très fatigué. Il porte des chaussures deux tons et une grosse guitare en bois électrifiée en bandoulière. Peut-être va-t-il interpréter quelques yodellings de ses montagnes natales, semblables à ceux que les colons suisses ont transporté jusqu'aux contreforts des Appalaches et qui plaisaient tellement à Howlin' Wolf gamin, lorsqu'il entendait Jimmie Rodgers ululer dans le poste de radio. Ses collègues le rejoignent sur scène, vêtus eux aussi de vestes rouges et de pantalons gris. Ils ont des têtes d'agents du Trésor Public. Le Révérend les accueille en leur serrant la main. Les deux batteurs s'installent face à face, derrière leurs batteries collées ensemble à l'avant de la scène et le bassiste fait claquer une corde. Blonk. Et là attention, le Révérend annonce la couleur : «Babiiii... I want...... You !».

 

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Pendant une heure, les Monsters vont secouer les cocotiers accrochés au fond de la grande scène. Ils vont aussi nous secouer la paillasse. Les Monsters déferlent. Littéralement. Ils jouent le garage le plus dévastateur, le plus rugueux, le plus âpre, le plus primaire qui soit. Ils sodomisent les oreilles. Très vite, le nez du Révérend goutte de sueur. Il fait voler sa houppette comme la lanière d'un fouet. Solo ! Ses jambes tricotent des 8, diablerie de la sauvagerie ultime, il saute sur place comme un marsupilami échappé du cabinet du docteur Caligari, il noie ses notes dans le trash le plus cru, son corps ondule, et il reprend le chant comme si de rien n'était. A la fin de morceau, il s'adresse avec un grand sourire au public en transe : «Bonchoir madames zé méchieux ! Next one is punk-rock !» C'est le moment de fendre la foule pour aller vibrer aux pieds de ce messie du trash. La chanteuse des Jackets est déjà là, en pleine danse de Saint-Guy. Quelle chance elle a d'avoir un tel compatriote ! Méchante veinarde ! Oh ! Ils attaquent «Blow Um Mau Mau». C'est pilonné comme à la forge du Creusot, ça pogote de plus belle dans la fosse. Il faut tout de même préciser que rester immobile, c'est absolument impossible. On a forcément un truc qui remue. La queue ? Ouaf Ouaf ! Ça hurle, ça siffle, ça sue. Cavalcade infernale, le Révérend enfile ses classiques garage-punk comme des perles, à une folle allure, sans jamais s'accorder la moindre seconde de répit. L'animal dégouline. Il y a quelque chose de surhumain dans cet homme qu'on voit gesticuler et ruisseler de sueur. Au Moyen-Age, on l'aurait brûlé vif, c'est certain. Fin de couplet, il jette le buste à l'arrière et laboure les cordes de sa guitare. Fin du morceau, il secoue les doigts, comme s'il avait mal. Fabuleux showman, héritier des bêtes de scène du Sud profond, animé du seul désir d'étourdir ses adorateurs. Grâce au Révérend, on réalise que le garage est l'expression moderne de la connaissance des limbes et de la sagesse. Les contorsions du Révérend expriment les entrelacs de la félicité. Il chante à sa façon l'harmonie du monde invisible, il restitue l'effervescence spirituelle baignée de lumière, celle que brossèrent jadis Dante Gabriel Rossetti et la Burne-Jones. Il saupoudre les âmes de poussière stellaire, truffe son garage d'énergie christique, bat comme plâtre la béatitude, enfonce ses clous avec l'ardeur maladive des crucificateurs. Il jette ses classiques iconoclastes au ciel et nous autres pauvres hères en nage ne pouvons que reluquer le clinquant des reliques écarlates. On se laisse riffer à vif, on pantèle à vue, on ravale sa glotte à gogo, et à chaque coup d'épaule, le Révérend pousse les colonnes du temple vers l'abîme.

 

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Signé : le très pieux Cazengler

 

 

The Monsters. Pop Up Yours ! Voodoo Rhythm Records 2011.

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The Jackets. Way Out. Soundflat Records 2012.

 

 

MYSTERY TRAIN

 

GREIL MARCUS

 

 

( FOLIO ACTUEL  )

 

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Premier livre de Greil Marcus un des rock critics américains les plus renommés dont nous avons déjà chroniqué, dans notre cent trente-sixième édition du 21 / 03 / 13, le Lipstick Trace. Rassurons nos lecteurs, ce Mystery Train est d'un abord bien plus facile à lire que ces zébrures de rouge à lèvres fiévreusement repérées par notre auteur dans toute la contre-culture européenne du vingtième siècle.

 

 

L'architecture du livre est une compilation de six articles de plus ou moins vaste ampleur sur six artistes appartenant de près ou de loin à la rock'n'roll music. Mais comme nous le révèle le titre in-extenso relégué en quatrième de couverture sur cette traduction française due à Héloïse Esquié, Justine Malle et Guillaume Godard, Greil Marcus les a choisis comme de représentatives Images De l'Amérique A Travers Le Rock'n'Roll. Une Amérique mythique et essentielle dont on retrouvera les germes dans les livres de Mark Twain et Herman Melville. Entre nous soit-dit j'ai plutôt l'impression que cette vue de l'esprit, si elle en impose par ses prétentions littéraires, est surtout une excuse pour réunir en un seul volume divers écrits qui n'entretiennent pas obligatoirement de fortes relations entre eux.

 

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Chaque monographie est accompagnée de notes discographiques rejetées en fin de bouquin. En 1975, date de sa sortie, ces dernières devaient occuper un modeste espace, mais soigneusement complétées et réécrites pour une réédition américaine en l'an 2000, elles s'étalent désormais sur cent quatre-vingt pages réduites au maximum par l'emploi d'une minuscule corps de caractère. Elles se présentent non pas sous la forme d'une simple discographie mais comme un commentaire sur la nécessité de posséder ou de ne pas acquérir tel ou tel coffret de compilations. Les compagnies de disques sont douées d'une rare rouerie pour éparpiller les raretés sur divers opus qui du coup deviennent pour un ou deux titres indispensables... Que le collectionneur ne dédaigne pas cet amas de notices, elles fourmillent de renseignements biographiques et de réflexions de fond - qui ne sont pas exemptes de jugements à l'emporte-pièce discutables - sur la vie, l'oeuvre et l'entourage de leur idole.

 

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HARMONICA FRANK

 

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Question à deux euros. Quel est le premier blanc qui chantait comme un noir que Sam Phillips enregistra ? Inutile de lever le doigt. Ce n'est pas Elvis. C'est Frank Floyd beaucoup plus connu sous son nom de guerre Harmonica Frank. N'est plus un jeune homme lorsque le gourou de Sun le fit entrer dans son studio en 1951. L'est né en 1908, aurait pu être le père de Presley. C'est un blanc mais qui a connu une vie de chien errant. Orphelin, très tôt il a couru la route avec sa guitare et son harmonica. S'est appris à jouer tout seul, capable de tenir son instrument entre la moitié droite de ses dents et de chanter avec sa moitié gauche. Numéro qui tient un peu des medecine shows et des vaudevilles, mais Frank Harmonica ne fraie pas vraiment avec les noirs. C'est un solitaire. Partage leur pauvreté et le blues, mais tape aussi dans tout le legs populaire hillbilly blanc.

 

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Mille misères, mille boulots et mille chansons au coin des rues. N'a pas le temps de s'alanguir dans la tristesse du blues ou la mélancolie du country, fonce en avant, un rythme sautillant qui n'est pas s'en rappeler celle de Charlot le hobo sur ses vieux films... Harmonica Frank Floyd sera un des chaînons essentiels de ce que l'on pourrait appeler le rockabilly blues à un moment où le rockabilly n'existe pas encore. Sam Philips a dû faire écouter ses prises à Presley... Redécouvert en 1972 par Stephen C Lavere, alors que l'on retrouvait ses enregistrements sur des compilations d'earlier blues noir, Harmonica Frank se vantera d'avoir chanté du rock'n'roll sans le savoir bien avant l'invention du genre... Finira sa vie de manière plus agréable qu'il ne l'avait débuté, reconnu par tout un milieu d'amateurs de blues, en Amérique et en Europe.

 

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ROBERT JOHNSON

 

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Le grand ancêtre. De tous les américains. Sauf d'Elvis Presley serais-je tenté de dire. Mais l'on reviendra sur ce paradoxe. Greil Marcus ne parle pas de blues pour qualifier la musique de Johnson. Emploie l'expression country blues. En un sens plus juste car elle explique bien qu'au départ blues et country étaient beaucoup plus proches qu'on ne s'est employé à les séparer par la suite. Une manière aussi d'augmenter la dose de blues dans les racines du rock'n'roll blanc. Ce n'est pas un hasard si Sam Phillips élevé dans une plantation commença par enregistrer des chanteurs de blues sur Sun. Les ésotéristes ne se priveront pas d'évoquer le culte conceptuel du soleil noir en le mettant en relation avec le revitalisme des cérémonies vaudous. Rappelons que Papa Legba est le lwa des carrefours. Robert Jonhson en savait peut-être plus sur le diable qu'il ne le prétendait dans Crossroad.

 

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Mais Greil Marcus n'explore pas cette piste. Juste un petit paragraphe lorsqu'il donne, parmi d'autres, une version de l'agonie de Robert Johnson, empoisonné par un mari jaloux, à quatre pattes sur le plancher aboyant comme un chien, victime vraisemblable d'une pratique magique. Passe vite sur cette image qui défie notre rationalisme. Toutefois - s'en est-il rendu-compte à la relecture ? - toute l'analyse empreinte de subjectivisme signifiant qu'il opère des morceaux de Johnson est acté par la figure mythologique des chiens d'Hécate, la terrible déesse proto-grecque des carrefours. Quel que soit le chemin que vous empruntez, vous ne rencontrerez sur votre route Robert Johnson que sur les accotements d'un croisement.

 

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Reste encore à définir la rencontre qui s'opère dans l'oeuvre même du guitariste. Facile de la projeter dans le temps en rappelant son influence sur les guitaristes et les groupes du british blues, Eric Clapton et Rolling Stones en tête. Greil Marcus ne cède pas à cette facilité généalogique. Ne porte pas ses regards et ses oreilles si loin. Ne s'en vante pas en toutes lettres mais il faut comprendre que d'après lui l'oeuvre qui entre le plus en résonance avec celle de Johnson réside en les cinq singles d'Elvis enregistrés chez Sun.

 

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Au travers de leurs titres c'est un peu le fantôme de l'Amérique qui se lève. Une Amérique sans espoir fallacieux, vide de toute promesse, une tombe sans fleur ni couronne. Ni plus ni moins que la dénonciation du rêve américain. Mais tout cela Greil Marcus l'atténue par la sémentale évocation des Feuillets d'Herbe de Walt Withman. Nous grands mangeurs de grenouilles nous nous amuserons à considérer cet optimisme outrancier des Amerloques comme un remake de Ma Verte Prairie de Long Chris. L'espérance christique des pionniers. Cette foi rudimentaire, legs encombrant de vaseline puritaine qui n'a jamais quitté Elvis, grand amateur de gospel, mais qui ne semblait pas être le souci majeur de Robert Johnson. Les pauvres diables se tournent vers ce qui leur ressemble le plus, l'Adversaire de l'establishment qui leur ouvre les bouteilles et le lit des femmes.

 

 

Etrange histoire où le petit blanc est plus fidèle à l'Eglise de son enfance que le petit noir qui préfère gambader dans les jambes des joueurs de blues... Rôles inversés.

 

 

RANDY NEWMAN

 

 

Greil Marcus s'autorise des privautés avec la chronologie. De Robert Johnson l'on saute au Band et à Sly And The Family Stone. De premier il nous paraît plus logique d'en parler après Elvis, quant au second nous l'avons traité isolément dans une livraison à venir intitulée Soul & Sly. Enfin nous avons droit à la grosse incongruité du bouquin : Randy Newman.

 

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De peur de commettre une erreur ou d'être victime d'une déficience mémorielle, je me suis rendu sur You Tube. Chers lecteurs, vous ne saurez jamais jusqu'où peuvent m'amener les scrupules moraux. Mes souvenirs étaient bons. C'était bien cet artiste de variété inodore auquel je pensais, une sorte d'Elton John sans saveur, et les Dieux n'ignorent point mon profond dégoût envers Elton.

 

 

Le pire c'est que Greil Marcus n'est pas loin de partager mon avis sur Randy. Au début tout va bien. Loue ses talents de paroliers. L'est plus à même que moi de juger. J'ai zieuté les traducs, c'est sans complaisance envers soi-même et le public. Cynisme très middle-class de ces petits-bourgeois intellectuellement besogneux des années 80 qui pensaient que le libéralisme les enrichirait. Ont bien déchanté par la suite. Greil Marcus aussi. Pas pour des motifs économiques mais pour des raisons artistiques. Le cynique de service s'est mis à caresser le public dans le sens du poil. N'y a pas perdu son âme, car il n'en avait pas. Bref Greil Marcus n'en dit plus que du mal. L'aurait été plus honnête de bazarder l'article dans la poubelle. Si Randy Newman est un indicateur artistique censé nous dévoiler la face cachée de l'Amérique, il vaut mieux fermer les yeux. Ni paradisiaque, ni infernale. Médiocre. Et nous sommes comme le Seigneur de la Bible ou plutôt, pour employer une image plus consensuelle, comme les punks nous crachons sur les tièdes.

 

 

ELVIS PRESLEY

 

 

Faut se souvenir d'un détail qui a son importance : lorsque Greil Marcus écrit son livre Elvis Presley est encore vivant. Un pied dans la tombe certes, lui reste encore deux années à vivre, mais trop addict aux pilules pour pouvoir faire marche arrière. Le King s'enfonce inexorablement vers le tunnel final, englouti sous son propre poids.

 

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Pourrait l'être mais Marcus s'en garde bien, possède trop de tendresse envers l'Idole pour être sévère envers lui. Le défend, Elvis se meurt d'ennui. Elvis n'est plus que l'image d'Elvis. Portrait cloné ou hideuse caricature, l'aspect importe peu. Il est une icône du rêve américain et même déchirée en mille morceaux et jetée par la fenêtre, elle possède toujours sa place appropriée dans le panthéon de l'Amérique. La première, la plus importante. Il est le Dieu et tous les autres ne sont que des petits saints de campagne dont les noms commenceront à s'effacer, à peine auront-ils définitivement fermé l'oeil. Une preuve parmi tant d'autres : il se publie davantage de livres sur Presley que sur Kennedy.

 

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Faut dire que s'il ne s'est pas vanté comme les Beatles d'être plus célèbres que le Christ, lui Elvis il est passé aux actes. Pas des apôtres. N'a jamais joué les seconds couteaux. S'est contenté de refaire le coup de la résurrection. En vrai, en couleurs, et en direct à la télé pour que tout le monde puisse y assister. D'ailleurs personne n'a osé mettre la chose en doute. Les Amerloques ça leur a foutu le cerveau en loques pour un bout de temps. Greil Marcus comme les autres retourné tel un steak sur la grille d'un McDonald. Le burger était trop gros à avaler.

 

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Pensaient tous qu'Elvis s'était fourvoyé. Entre parenthèses ils avaient raison. Comme tous les déçus Greil Marcus en rajoute, n'accorde pas la moindre valeur aux films que Presley a tournés. Trop méchant à notre goût. Ses westerns ne sont pas mauvais, sont même bons. Mais Marcus ne veut rien entendre. Jette le boudin avec l'eau du caca. Comparé à nous, l'était aux premières loges pour vérifier. Un traumatisme pour le citoyen de base américain, le King qui s'exile sur les plages de sable fin et qui ne se soucie plus de ses sujets. Transparaît aussi entre les lignes que son orgueil national est blessé par la suprématie des petits englishs, Beatles et Rolling Stones, dans les charts.

 

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N'en croit pas ses oreilles que le King puisse sortir de si mauvaises bandes-son. Il est à l'affût. En 1967 des bruits avant-coureurs se font entendre, coup sur coup Big Boss Man de Jimmy Reed, real bluesman alcoolisé, Guitar Man et U.S. Male de Jerry Reed country rocker as du pikin' guitar. Marcus exulte. Ce ne peut être que prophétique ! Je préfère ne pas décrire son exaltation pour les deux années qui suivent : les shows télé qui surprennent tout le monde – ne se retient plus, avance que certains de ses premiers morceaux hillbilly revisités sont plus classes et plus forts que les originaux - les first shows à Las Vegas, sans parler du trente-trois centimètres From Elvis In Memphis...

 

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Greil n'en demande pas plus. La longue descente qui s'en suivit, il n'en a rien à faire. Un homme qui a été capable de ressusciter une première fois peut tomber gravement malade. Les docteurs et les spécialistes peuvent même tirer des mines d'enterrement, pas d'inquiétude à avoir, Elvis possède la recette du miracle. Le phénix renaîtra de ses cendres où il voudra et quand il voudra. La banque de la confiance absolue lui ouvre un crédit illimité.

 

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Les esprits chagrins se demanderont toujours comment Elvis qui a commis les plus belles pépites de l'american popular zique a pu s'enliser dans les sombres profondeurs de la variétoche la plus désolante. Renvoie la balle d'une façon imparable Marcus, très simple : Elvis aimait la musak. Il appréciait tous les genres, le blues et le rock, le gospel et le country, les chants de Noël et la variété grand public. L'alcool de contrebande au venin de mamba comme le sirop de grenadine sans colorant délayé dans vingt-cinq volumes d'eau plate. Insurpassable dans tout ce à quoi il a touché, le meilleur de tous dans le meilleur de la musique et meilleur que n'importe qui dans tout ce que la chansonnette peut véhiculer de pire. Et pour la deuxième postulation tellement bon dans le genre que s'il n'a pas été le pire il a atteint l'essence du pire. Ce qui est encore pire que tout.

 

 

SUNRISE

 

 

Mais ce Presley indépassable dans la beauté comme dans l'horreur, aurait-il été l'incomparable Elvis, l'indétrônable Roi, s'il n'y avait pas eu les séances Sun. Le jeune gars qui débarque dans le studio miteux de Sam Phillips ne sait pas où il met les pieds. Sur le crotale du rock'n'roll, mais ce n'est pas son affaire. D'instinct lui, il préfère les ballades country. Greil Marcus ne prend pas les pincettes pour expédier les slows insipides à la I Love You Because ou à la I Forgot To Remember To Forget qu'il ne peut pas blairer. Ce n'est pas que ce soit carrément mauvais, c'est que c'est franchement inutile. Pas étonnant que Presley se soit entiché de musak sirupeuse à Las Vegas. Le bacille était en lui depuis le début. Les long-horn de la ballade country ont poussé leurs malheureuses cornes dans ces pistes immortelles.

 

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Oui bien sûr, mais à côté de ces horreurs se trouvent des incandescences comme That's All Right Mama, Milk cow blues ou Mystery Train, qui donne son titre au livre de Marcus. Des trucs inouïs au sens étymologique du mot, que personne n'avait encore entendu. Greil insiste sur le dosage en testostérone blues dont elles ont bénéficié. Nous n'ergoterons pas. La comparaison avec les country langoureux n'est guère à l'avantage de l'héritage blanc. C'est tout de même passer un peu vite sur les racines hillbillies du jeune cat.

 

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Quelle est la différence entre le chant et le jeu de guitare d'Elvis Presley et ceux d'Harmonica Frank ? Frank Wright chante du hillbilly avec application et surtout parce que c'est son boulot, se dirige vers la cinquantaine et ne sait faire que cela. Elvis s'amuse, il ne chante pas, il joue, il s'auto-parodie et dans son salmigondis de génie il touche aux racines du blues d'avant le blues, remonte jusqu'aux numéros, sketchs, danses et chansons entremêlés des vaudevilles, n'est pas si loin que cela de Tin Pan Alley, n'oublions pas qu'il était fan de Dean Martin et que la carrière de Bing Crosby s'imposait à l'époque à tout auditeur de radio. Elvis réalisa l'impossible jonction alchimique, de toutes les écorces mortes de l'entertainment, il obtint un nouveau précipité, la pierre philosophale du rockabilly était née. Plus tard on le chargera d'un autre nom, on l'appellera rock'n'roll, un peu pour en cacher ses origines campagnardes, beaucoup pour l'orienter selon le tumulte des grandes métropoles. Le cat des villes finira par occulter le cat des champs.

 

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Pourquoi fut-il le premier ? Parce qu'il eut la chance d'habiter Memphis la même ville que Sam Phillips, et peut-être plus que tout parce que Phillips était en recherche et qu'il n'a pas économisé sur le temps nécessaire aux tâtonnements. Quelques heures à peine, mais dans un studio new-yorkais où l'on enregistrait à la chaîne, l'aurait fallu libérer les lieux à la fin du créneau imparti. C'est en tant que musicien de studio qu'Eddie Cochran parvint à créer son propre son et son propre style. Eut le temps de réfléchir et d'essayer. Elvis ne bénéficiera pas d'un tel privilège. N'est pas sorti de derrière le micro de Sun que déjà il part en tournée. Lui qui plus tard se confinera dans Graceland roule sa bosse par monts et par vaux, sillonnant sans fin les routes du Tennessee. N'a plus l'espace de respirer. S'il se met si facilement sous la coupe du Colonel c'est en partie parce que celui-ci se charge de toutes les formalités administratives et qu'il s'attèle à préparer un plan de carrière dont le gamin n'aura plus à se préoccuper. Toutefois en signant chez RCA Elvis se coupe de ses racines rockabilly sans qu'il ait le temps de réaliser. C'était aussi ce qu'il voulait, l'était prêt à payer le prix mais lorsqu'il eut au bout de dix ans fini de régler la facture, le montant de l'addition lui laissa un goût saumâtre dans la gorge.

 

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Elvis eut la main libre sur ses premiers enregistrements chez RCA, Hound Dog, Heartbreak Hôtel, I got a woman et Tutti Frutti sont des merveilles finement ciselées, la quintessence de la mise en place, mais très vite la compagnie imposa ses choix et le King laissa faire. Lui le créateur du rock'n'roll n'était pas un rocker dans l'âme. Ne rua pas dans les brancards. Tendit les lèvres vers les deux autres tétons du rock, sex and drugs.

 

 

THE BAND

 

 

En France c'est Dylan qui fit la renommée du Band. Fut son groupe d'accompagnement pendant dix ans. Dans sa période la plus faste, entre 1965 et 1976. Dylan les engagea lorsqu'il décida d'électrifier sa musique. Les folkleux purs et durs lui tirèrent une gueule de vingt cinq milles de long, le traitèrent de traître, se levaient en guise de protestation dès qu'il entamait son second set électrique mais le troubadour du vingtième siècle avait compris que le folk était une cause perdue face à la déferlante rock.

 

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Au début le public n'avait d'yeux que pour Dylan et tout le monde se foutait un peu de ses accompagnateurs. Vexés – on les comprend – pour signifier qu'ils n'étaient pas de simples faire-valoir ils se choisirent un nouveau nom. The Band, comme tous les autres bands qui existaient de par le monde, mais eux ils étaient si bon qu'il leur était inutile d'adopter un titre particulier. Suffit de dire le Band pour qu'on reconnaisse le groupe dont on parle. Car il n'y a qu'un seul Band digne de cette appellation sur notre planète bleue.

 

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Vous avoue que Dylan, j'aime bien mais qu'il ne me fait pas vibrer, de même pour le Band que j'ai toujours tenu pour des tâcherons, des bûcherons puisqu'ils sont originaires du Canada, des gars sympathiques, qui assurent, qui connaissent leur métier sur le bout des ongles, quelques bons morceaux par ci par là, mais pas plus. Greil Marcus les admire. Nous fait la même entourloupe que pour Randy Newman, se pâme sur leur premier disque Music From Big Pink sorti en 1968 puis rabat un peu de son enthousiasme à chaque parution de nouvel album.

 

 

RONNIE HAWKINS

 

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Zoui mais. C'est que comme l'ignoraient tous les babas et les hippies de l'époque, derrière Dylan et The Band se cachaient Ronnie Hawkins and The Hawks. Les Hawks fut le premier nom du Band, sans doute l'abandonnèrent-ils car il devait sonner un peu trop vieille époque pour le public branché de Dylan, petits-bourgeois à prétention révolutionnaire qui se sentaient mal dès qu'on employait le mot rock'n'roll qui sent un peu trop fort la sueur des travailleurs de force...

 

 

Peut-être s'en dessaisirent-ils aussi car il semblerait qu'ils ne l'aient pas choisi, Ronnie Hawkins ayant pris très tôt l'habitude d'affubler ses divers groupes d'accompagnement de la générique appellation de The Hawks. Ronnie Hawkins et ses Faucons. Cousin du célèbre Dale Hawkins l'immortel créateur de Suzie Q Ronnie Hawkins est un pionnier du rock à part entière. Refusé par les disques Sun il n'en a pas moins travaillé avec Jerry Lee Lewis, Conway Twitty, Roy Orbison et Carl Perkins.

 

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L'on peut se prendre la tête qui d'Elvis ou de Bill Haley a créé le premier morceau de rovck'n'roll. Né en 1935 comme Elvis et Gene Vincent, Ronnie Hawkins a toujours prétendu qu'il avait gravé en 1952 un single avec la première version de Bo Diddley avant même son ami Bo Diddley. Mais l'on n'a jamais retrouvé un exemplaire de ce 45 tours mythique ou mystificateur.

 

 

Hawkins finit par se fixer au Canada où il jouit d'un véritable prestige. C'est là qu'il rencontra en 1959 les musiciens qu'il embaucha et qui plus tard deviendraient The Band. C'est ainsi qu'ils apprirent le métier. Hawkins qui faisait essentiellement des reprises tournait beaucoup et incluait chaque semaines de nouveaux titres à son répertoire. Mais en 1963 le temps de l'apprentissage étant terminé, Robbie Roberston, Rick Dano, Richard Manuel, Garth Hudson, Levon Helm, en gaillards faucons épris d'aventures, s'en furent voler de leurs propres ailes...

 

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Ils n'oublièrent jamais d'où ils venaient et surent renvoyer l'ascenseur. En 1976 Ronnie Hawkins se retrouvera sur scène avec Dylan, Clapton et Muddy Waters pour leur concert de séparation dont fut tiré le film The Last Waltz, disponible en vidéo. Ronnie diversifia ses activités, il sur devenir un acteur reconnu er recherché. Il tint son plus beau rôle dans le chef-d'oeuvre de Mickaël Cimino, le magnifique Heaven'Gates qui fut démoli par la critique en 1980 avant même sa sortie. Fallut attendre trente ans avant que la version intégrale du film soit accessible...

 

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A l'heure où nous écrivons Ronnie Hauwkins est toujours vivant. Il est un des derniers survivants de la grand époque. N'a pas laissé un titre qui soit devenu un véritable classique mais il fut un infatigable promoteur du rock'n'roll toute sa vie. Un passeur générationnel indispensable, à qui nous tenions à rendre ce bref hommage.

 

 

MYSTERY TRAIN

 

 

Le train mystérieux du rock'n'roll reprend son voyage. Ce livre de Greil Marcus nous a moins convaincu que son Lipstick Traces, plus disparate, moins cohérent, mais il regorge de renseignements et d'anecdotes indispensables...

 

 

L'on terminera par le prologue, cette évocation de Little Richard invité à une émission littéraire qui trépigne d'impatience devant l'interminable dispute qui oppose un critique et son auteur, jusqu'au moment où excédé le petit Richard s'empare du micro pour leur jeter à la ( baby ) face que dans vingt ans personne ne se souviendra d'eux, alors que lui, the Great Little Richard, il a par son chant bouleversé le siècle...

 

 

Ce qu'il y a de terrible, c'est qu'il avait raison.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

JOHNNY CASH

 

 

UNE VIE [ 1932 – 2003 ]

 

 

REINHARD KLEIST

 

 

Dargaud / 2008

 

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Bande dessinée. En noir et blanc. Et des gris. L'a laissé les couleurs de l'arc-en-ciel dans la palette. Personne n'y aurait cru. Avec Johnny Cash, pas besoin d'en rajouter. Le drame se suffit à lui tout seul. Reinhard Kleist l'a compris. Quelques paroles de morceaux scénarisés pour décrire l'univers mental, c'est tout ce qu'il s'est autorisé.

 

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Pas plus de deux cents pages pour raconter la vie de Cash, c'est peu. Reinhard a fait ses choix. L'enfance, les débuts, la lente et irrémédiable désagrégation du mariage avec Vivian Liberto, l'addiction aux pills, l'enregistrement de Folsom Prison Blues, les dernières séances du vieillard pas plus sage que quand il était jeune avec Rick Rubin. N'oublie pas de rendre hommage à Luther Perkins, Marshall Grant, Carl Perkins, mais obligatoirement il y a des coupes sombres. Surtout la plus lumineuse – selon Cash – car nous les européens, on la stigmatise très vite de bondieuserie ahurissante. Cash est un scotch à double-face. Nous préférons et de loin le côté obscur de la force. Parce que le Christ à Tibériade une fois que l'on a admis qu'il a marché sur les pierres, il n'en reste plus grand-chose. Ce qui nous rassure c'est que Cash lui-même avait de solides appétences pour crapahuter dans l'ombre. He walked the line, but the dark line.

 

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Mais très beau portrait intérieur de Johnny Cash. Reinhard s'est surtout préoccupé de comprendre le fonctionnement du bonhomme, le mot malhomme conviendrait mieux. Mentalité américaine. Difficile à admettre sur notre continent. De peu de foi, dès que quelque chose ne tourne pas rond, nous avons le réflexe d'accuser Dieu. C'est pas nous, c'est Lui. Les Amerloques restent des puritains invétérés. Ne rejettent pas la faute sur le Lointain. Même pas sur le prochain. Endosse toute la responsabilité. Il y a du masochisme dans cette attitude. De la fierté aussi, pas besoin du Diable non plus pour me dédouaner. Suis capable à moi tout seul de me faire le plus grand mal possible.

 

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Et la politique dans tout ça ? Car elle nous rattrape toujours, dans nos moindres faits et gestes. Cash est troublant. Son regard est impitoyable, mais il n'est pas un révolutionnaire. Ne s'intéresse pas aux groupes. Seul le concerne l'individu. Nous sommes ici aux racines de l'individualisme conservateur américain. Mais Cash ne porte pas d'oeillère idéologique. L'est du côté du Cow-boy et du côté de l'Indien, sans discrimination. A partir du moment où chacun combat pour sa liberté. Mais cette expression n'est guère cashienne, sent la phraséologie bien-pensante de la gauche molle, cette New-Left qui surgit dans les années soixante aux Etats-Unis gorgée de promesses et qui finira par installer un pacte de non-agression avec le libéralisme triomphant. Si Cash n'est pas de gauche. Il n'est surtout pas mou. Cash aurait plutôt dit à partir du moment où chacun essaie de se tirer du guêpier de son existence. N'aurait pas ajouté les vocables creux de courage et de dignité. Personne n'est digne de la misère, ni matérielle, ni sociale, ni intellectuelle, ni même spirituelle. Si Dylan a fini par incarner la bonne conscience de l'Amérique, Cash en restera la mauvaise. Celle qui ne mise sur aucune rédemption. Du côté des boys, mais pas de la guerre. Si les premiers trempent leurs doigts dans le sang, ce ne sont pas eux qui font la seconde. Ce Cash qui se voulait si près du Christ se tient dans l'ombre de Ponce Pilate, qui s'en lave les mains. Dans une eau un peu trop sale, a real muddy water, inconfortable situation pour un chrétien. Mais Cash s'en fout autant que de la réserve naturelle que par inadvertance il enflamme. Préfère pêcher – je n'ai pas écrit pécher - qu'appeler les secours. Après tout si Cash a souvent jeté de l'huile sur le feu, n'a jamais pensé que son rôle était de l'éteindre. Incendiaire oui, pompier volontaire non. Spécialiste des rings of fire. Un peu les feux de l'amour des autres. Beaucoup de la haine de soi. La meilleure façon de s'aimer, à en croire Cash.

 

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Un livre à posséder. Vous ai pas parlé de la finesse et de la force du talent de Reinhard Kleist, c'est que moi – contrairement à l'idiot qui regarde le doigt qui lui montre la lune - lorsque l'on me tend un dessin de Cash, je ne vois que Cash.

 

 

Damie Chad.

 

16/05/2013

KR'TNT ! ¤ 144. / TAV FALCO / ROCKXERRE GOMINA/

 

KR'TNT ! ¤ 144

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

16 / 05 / 2013

 

 

 

ERRATA

La livraison de la semaine dernière était bien la 143 bien qu'elle soit créditée du numéro 142

Emmet Miller est décédé en 1962 et non en 1970. Nous, nous sommes encore vivants. Cherchez l'erreur.

 

 

TAV FALCO / ROCKXERRE GOMINA

 

I

 

Tav Falco & Panther Burns

 

( au Petit Bain (Paris XIII), le 4 mai 2013 )

 

 

BANCO POUR TAV FALCO

 

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Le concert de Tav Falco au Petit Bain venait de prendre fin. Comme le Batofar, le Petit Bain est une espèce d’esquif amarré au pied de la Grande Bibliothèque, dans le XIIIe arrondissement de Paris. J’étais encore sous le choc du set lorsque Philippe me présenta à Tav Falco. Celui-ci me tendit la main et un immense sourire illumina son visage, qu’on aurait dit fardé. Je crus voir ses yeux étinceler. Il semblait être à la fois un personnage chargé de mystère, issu de la commedia dell’arte, et une version modernisée du Chevalier de Balibari, ce joueur de cartes du XVIIIe siècle qui hante les salons du «Barry Lyndon» de Stanley Kubrick. Tav Falco semblait vraiment surgir d’une autre époque. Tout en lui inspirait le plus grand raffinement, la plus extrême élégance et le charme le plus décadent, mais quelque chose de simple dans son allure le rendait aussi profondément humain. Et attachant.

 

Comme ceux d’Elvis, les traits de son visage sont parfaits. Il se dégage de Tav Falco une véritable aura. On se retrouve face à un personnage du même niveau et, pourrait-on dire, des mêmes origines.

 

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Grosso-modo, Tav Falco vient de Memphis. Il baptise son groupe Panther Burns et enregistre son premier album en 1981. Entouré d’Alex Chilton et de Jim Dickinson, il redonne vie au Memphis Sound. Pendant trois décennies, son parcours va rester parallèle à celui des Cramps et s’inscrire dans la légende. Tav Falco bâtit un univers qui ne souffre pas la moindre compromission. Il se forge un style à base de rockabilly, de tango argentin, de mambo et de blues, et pas n’importe quel blues, le blues hypnotique de RL Burnside qu’on appelle aussi le North Mississipi Hill Country blues, un blues hypnotique monté sur deux accords qu’on peut jouer pendant une heure et qui provoque la transe. Tav Falco est l’ami de RL mais aussi de Charlie Feathers auquel il prête une Harley pour des photos qu’on retrouvera sur certaines pochettes de disques. Pendant plus de trente ans, Tav Falco va enregistrer des albums infestés d’hommages aux géants du rockab, du blues et du r’n’b, comme Johnny Burnette, Cordell Jackson, Leadbelly, Muddy Waters, Roy Orbison, Benny Joy, Allen Page, Wanda Jackson, Sir Mac Rice et des tas d’autres. Par chance, un petit label allemand (Stag-O-Lee) vient d’entamer la réédition complète du catalogue de Tav Falco et pour les amateurs de vinyle, c’est une bénédiction : les rééditions sont abordables et bien foutues. C’est une façon d’échapper aux requins du web qui vendent les albums originaux à prix d’or. Pour l’heure, deux rééditions : «Behind the Magnolia Curtain» (premier album couplé au fabuleux «Blow Your Top EP») et «The Sugar Ditch Revisited EP» couplé avec «The Snake Rag EP». Et en prime, Stag-O-Lee publie un double 25 cm, «Live au 100 Club», enregistré à Londres en 2011, et sur lequel on entend la formation actuelle des Panther Burns : Grégoire Guarrigues (guitare), Laurent Lanouzière (basse) et la reine des Mille et Une Nuits, Giovanna Pizzorno (drums).

 

Mais il serait parfaitement injuste de réduire la trajectoire des Panther Burns à celle d’un groupe de reprises. La vision de Tav Falco est d’une toute autre portée. Dès qu’il est entré en contact avec le photographe Bill Eggleston et qu’il l’a accompagné en reportage dans le Sud profond, Tav Falco a senti vibrer les racines de la modernité au contact des vieux bluesmen oubliés. Littéralement fasciné, Tav Falco apprit à jouer de la guitare et à chanter, mais il n’allait pas rester un simple imitateur. Il sentit qu’il fallait pousser le bouchon. D’instinct, il se projeta à l’avant-garde. Plutôt que devenir lanterne rouge, Tav Falco préférait jouer les locomotives. Voilà son coup de génie. Ceux qui le suivent depuis le début le respectent infiniment pour ça. Et avoir des coups de génie à Memphis, c’est gonflé, car on sent que la messe est dite depuis longtemps. Mais non. Quelqu’un s’est dévoué pour perpétuer la tradition, et c’est le fabuleux Tav Falco

 

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Pour l’anecdote, on peut évoquer son premier passage sur scène. Tav Falco reprit le «Bourgeois Blues» de Leadbelly et, pour finir, découpa sa guitare électrique à la tronçonneuse. Après quoi, il s’évanouit.

 

Le groupe prit son envol et chaque fois qu’il le pouvait, Tav Falco partageait la scène avec ses héros, Charlie Feathers, Cordell Jackson ou Sonny Burgess. Pour tous ces artistes tombés dans l’oubli, ce fut une aubaine. Au fil du temps, Tav Falco va monter un répertoire parfois exotique. Il va explorer des contrées inconnues, saupoudrer son set de morceaux baroques et étranges, et rester fidèle à sa vision, celle d’un art vivant, «un lien entre le blues du bayou (swamp blues) et l’agressivité du troisième millénaire», comme il le déclarait.

 

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En 2000, son album «Panther Phobia» remit les pendules à l’heure. Il y reprenait «Cockroach», l’instru dévastateur de Charlie Feathers, et «Streamline Train» de Jessie Mae Hemphill qu’il transformait en pétaudière.

 

Compositeur, guitariste, chanteur, photographe, réalisateur (ses films sont aujourd’hui référencés à la Cinémathèque), motard, danseur de tango, Tav Falco est aussi (et surtout) écrivain. Ghosts Behind the Sun : Splendor, Egnima & Death, paru en 2001, est un roman fascinant consacré à Memphis. Tav Falco s’y dédouble (comme le fait Michel Houellebecq dans Les Particules Elémentaires) et envoie son double Eugene Baffle se battre dans les rangs des troupes confédérées du Général Nathan Bedford Forrest, monté sur un cheval emprunté à un cousin fermier et armé d’une lame de faux transformée en sabre et attachée autour de sa poitrine avec une corde. Attention, Tav Falco, ne plaisante pas. Il plante le décor, en jetant sur Memphis le seul éclairage qui vaille, celui de l’histoire. Il propose une galerie de portraits hallucinants, des gibiers de potence, des Hell’s Angels, des poètes puis on finit par tomber sur des figures plus familières (et donc plus rassurantes), comme Sam the Sham, Jerry Lee, Sam Phillips et Charlie Feathers. Il donne carrément la parole à Paul Burlinson, qui au long de plusieurs pages, va retracer le parcours fulgurant du Johnny Burnette Rock’n’Roll Trio. Furry Lewis, Howlin’ Wolf et Albert King sont là, salués jusqu’à terre. Et puis et surtout Jim Dickinson, guitariste, pianiste et producteur légendaire, auquel Tav Falco dédie son livre («D’origine divine, protecteur, inspirateur et camarade. Sa passion pour la musique de Memphis et tout ce qui s’y rattache est indiscutable. Il est toujours présent, c’est sûr, comme l’indique l’épitaphe qu’il a fait graver sur sa tombe : Je ne suis que mort. Je ne suis pas parti.»). Jim Dickinson évoque Elvis, le rockab et le souvenir de Dan Penn au long de pages qu’il faut bien qualifier de magiques. Tav Falco remonte dans le temps jusqu’à nous et tous ceux qui adorent Big Star, Alex Chilton et les Cramps seront gâtés. C’est l’ouvrage qu’il faut lire si on veut essayer de saisir l’importance du rôle qu’ont joué les musiciens de Memphis dans l’histoire du monde moderne. L’écrivain Falco a du souffle. A l’image de la photo de couverture, sa prose est véritablement hantée. On sort de ce chef-d’œuvre excentrique un peu sonné, comme on l’est au terme d’un set au Petit Bain.

 

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Le dernier album studio de Tav Falco n’est pas d’un abord facile. «Conjurations: Seance For the Deranged Lovers», enregistré à Paris et dédié lui aussi à la mémoire de Jim Dickinson, fourmille de rengaines sombres et d’hommages à Orson Welles, Jorge Luis Borges, Lee Hazlewood ou encore Maldoror. Victor Hugo et Alfred Jarry sont cités en exergue. Tav Falco commente lui-même chacun des morceaux, dans un style superbe qui rappelle celui d’Edgar Poe. «Tango Fatale», dit-il, «est un tango mortel dansé avec un couteau. Falco l’a enfoncé dans les côtes de sa partenaire... qui sent le bouc et qui est deux fois plus méchante qu’un bouc.» L’un des titres phares (dans la nuit) s’intitule «Gentleman in Black». Tav Falco y brosse le portrait d’un personnage mystérieux évoquant à la fois Arsène Lupin, Melmoth, Zigomar et Maldoror. Un homme sans racines qui voyage seul. «Un éclat de lumière sur ses cheveux noirs à reflets bleus, c’est juste un éclair dans une vie de désespoir.» C’est riffé sur deux accords. Sur scène, alors que la section rythmique tient le beat sur les deux accords, Tav Faco joue longuement en solo et observe le public qui l’observe. On dresse l’oreille. Mais qui est ce mystérieux personnage vêtu de noir ? Alors Tav reprend le chant, «et si vous n’avez pas encore deviné, cet amuseur vêtu de noir, c’est moi !»

 

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L’autre point fort du set, c’est la reprise de «Brazil», un classique composé par Ary Barroso en 1944 et qu’on entend dans le fameux «Brazil» de Terry Gilliam. Tav Falco nous entraîne dans un univers de fête universelle. Il fait l’unanimité, avec cet air gai et romantique. Il met la chose à sa sauce. Et soudain, une ligne de basse hautement énergétique injecte dans cette féérie un shoot dynamique qui donne le frisson. Moment poignant. Un drive de basse musclé et Tav Falco embarque tout le monde avec lui dans les étoiles. Imparable. Il n’a pas de voix, mais il arrache la beauté du ciel. Ce genre de phénomène porte un nom : sortilège.

 

Bien sûr, Tav Falco ne sera pas au goût de tout le monde. Il s’adresse principalement à ceux qui recherchent un peu d’authenticité. On va le voir jouer sur scène comme on va voir Jerry Lee, Andre Williams ou Ron Asheton (quand il était encore en vie), histoire de toucher du doigt la réalité d’une légende, celle qu’on appelle depuis cinquante ans la légende du rock.

 

Signé : l’obséquieux Cazengler

 

 

 

Tav Falco & Panther Burns au Petit Bain (Paris XIII), le 4 mai 2013.

 

Tav Falco : Ghosts Behind the Sun : Splendor, Egnima & Death. Creation Books 2011

 

Tav Falco & the Unapproachable Panther Burns : Conjurations: Seance For the Deranged Lovers. Stag-O-Lee 2010

 

L’illustration existait, mais elle comportait une grave erreur. On s’était trompé de moto. Tav Falco roulait en Norton et non en Triumph. Nous profitons donc de l’occasion pour réparer cette erreur.

 

 

II

 

ROCKXERRE GOMINA ( III )

 

 

Centre Culturel d'APPOIGNY

 

 

JALLIES / BLACK PRINTS / ATOMICS

 

CHRIS ALMOADA AND THE BROKEN HEARTS

 

GHOST HIGHWAY & FRIENDS

 

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pour Mathias,

 

sans qui rien n'aurait eu lieu

 

 

La teuf-teuf mobile avale les kilomètres aussi facilement que Johnny Cash ses pills bien-aimées, telle un guépard bondissant sur sa proie elle vole au-dessus du recouvrement bitumeux des autoroutes en route pour Appoigny. Troisième Rockxerre Gomina, un rendez-vous rockabilly qui défrise, pas question de le rater. Pour arriver à l'ouverture des portes Mister B et Damie Chad ont sacrifié leur traditionnel déjeuner de douze heures tapantes, mais c'est ainsi, les rockers sont prêts à briser les rituels ancestraux pour assouvir leur vénéneuse passion. Sur la banquette arrière la chienne sommeille les quatre pattes en l'air, le ventre rempli d'un demi-poulet qu'elle n'a pas manqué de croquer avant de nous accompagner pour cette nouvelle aventure.

 

 

Alors que nous sommes en train de rêver à des sandwichs longs comme des jours sans pain, la teuf-teuf mobile vire sec sur sa gauche et aborde l'ère de stationnement du Centre Culturel ( qui ose encore prétendre que le rock'n'roll est une sous-culture ? ) d'Appoigny. Voitures de collection – notamment une Pontiac jaune panari, pardon canari - sur notre droite, mais notre arrivée soulève des cris d'enthousiasme, bingo ce sont les deux-tiers de l'escadron féminin des Jallies qui se précipitent sur nous. L'on se dépêche de baisser les vitres pour recevoir une chaleureuse bise d'accueil, mais n'ont rien à faire de nous, elles hurlent de joie, toute excitées «  La teuf-teuf ! La fameuse teuf-teuf ! on ne l'avait encore jamais vue ! » Et elles vous y font une de ces teufs à la teuf-teuf, presque indécente, la Vaness vautrée sur les ailes et la Céline qui ne rougit pas de lui tapoter les portières d'une manière équivoque.

 

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Puisque l'on ne veut pas de nous, un peu mortifiés mais l'air de rien, nous descendons apporter notre soutien moral à Julien le contrebassiste attitré de ces demoiselles. Tiens voici Phil des Ghost qui déboule dans sa voiture. Je ne le jurerais pas mais je suis sûr qu'en passant il a tenté d'écraser Salsa qui ne bougeait pas d'une oreille, sagement plantée qu'elle était au milieu de la route.

 

 

Quatorze heures tapantes lorsque nous pénétrons dans le hall d'accueil. Nous ressentons un certain flottement au niveau de l'accueil, courent partout pour amener la caisse ( non, pas la teuf-teuf mobile mais la boîte à sous ). Nous mettent au courant du décalage horaire, oui le premier groupe devait passer à quinze heures, mais ce sera après dix-huit heures... Pas grave, des têtes connues de tous les côtés, l'on n'aura pas le temps de s'ennuyer.

 

 

INTERLUDE

 

 

Du coup l'on aura droit à la balance. Mister Jull s'active aux manettes, manitou du sound check ( avec provision ). Les Atomics nous envoient deux instrumentaux entre les dents, à vous décoller les implants mammaires. Ca promet pour la suite. Plus tard ce sera une entrée en masse dans la salle – car beaucoup jactent au soleil sur la pelouse - pour voir quel est l'ostrogoth qui propulse un rockab de série A, genre crime et châtiment, sans préavis réglementaire de tempête force 10. Je n'aime guère les délateurs mais je vous livre le nom du coupable, c'est Chris Almoada qui nous a brisé le muscle cardiaque en trois coups de riffs bien appuyés.

 

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Un bonheur n'arrive jamais seul. C'est quoi ce truc verdâtre qui s'écoule sur une table au fond de la salle ? Malédiction de la tache noire, ce sont les Black Prints qui nous offrent la primeur de leur nouveau CD. N'en dis rien maintenant because la chronique de cette merveille est à la suite de cet article. En plus les Ghost les ont invités à passer sur scène dans la soirée. L'on pressent que l'on ne va pas s'ennuyer.

 

 

Question disque je dégote un 33 de Wyonnie Harris, Mr Blues is Coming to Town, j'en parle dans une prochaine kronique au frigo pour les temps de disette scriptique, un 45 de Ron Haydock – vous raconterai une prochaine fois – un pressage anglais de Gene Vincent, sur le stand de Micheline et Jacques Bodin ( prix abordables, michelineetjacques@orange.fr pour les collectionneurs ) et complète mon service de fumigatiphores indiens à l'association Regagner Les Plaines, allez jeter une lance sur leur facebook. N'oubliez jamais que les véritables rednecks d'Amérique vivaient libres et heureux avant la venue des visages pâles. Le nom de l'assos provient du titre d'un album de Pow Wow dans lequel officiait Alain Chennevière qui réalisa la pochette du précédent 25 cm de Ghost Highway. Suffit de suivre les flèches pour voir que tout se tient. En plus, on a raté l'expo de peinture de Chennevière chez Rock Paradise.

 

 

THE JALLIES

 

 

Mettre les Jallies en début de concert c'est comme si vous commenciez le repas par les gâteries sucrées du dessert. Vous dis pas le monde qui se précipite dès qu'elles montent sur le plateau. Sont là toutes les trois, sourires mutins aux lèvres, Julien comme d'habitude privé de micro et relégué au second plan avec sa grosse dondon de contrebasse. Pauvre mémère, peut pas rivaliser avec la taille de guêpe de nos amazones du rock-gal-billy swing. Pour ceux qui ne maîtrisent pas l'argot américain je précise que gal signifie fille, pas très loin de notre garce national quand on se penche sur l'étymologie du vocable.

 

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N'ont même pas entonné leur hymne revendicatif, we are the Jallies, que l'on sent le peps de ces pestes qui pulsent. Profitent de la sono, à fond. En deux morceaux, elles ont la salle dans la poche. Faudrait dire ils, premièrement parce quoi qu'en médisent nos amazones le masculin l'emporte toujours sur le féminin, deuxièmement parce que Julien se la donne à mort. Peut pas en placer une par devant, alors il leur sort sur canapé à ressort un nappé de gymnastique swingante du meilleur effet. Entre ses mains la big mama ronronne de plaisir. Le Jullios lui tire sur les cordes vocales une à une et elle en miaule de désir. Elle doit aimer l'amour vache et le pauvre doit opérer un transfert. Comme il ne peut pas frapper ses trois tourmenteuses en public il se venge sur sa mandoline géante qui a plutôt l'air d'apprécier ces mauvais traitements.

 

 

Tout le monde y gagne car, sûres de ce magma incandescent qui les accompagne sans faillir d'une seconde, nos trois princesses improvisent les gracieuses et multiples figures d'un ballet de roses – corolle bleu roi d'Ady, pétales rouge safran de Vaness et Céline - épanouies. Je te passe la guitare et tu t'empares de la caisse claire, tu te débrouilles avec la rythmique et je me branche sur l'électrique, coucou le micro, j'y suis, je n'y suis plus. En tout cas nous on suit avec attention. Des yeux et des oreilles.

 

 

Des petites merveilles. Mais non pas nos esgourdes, bandes de gourdes ! Tiens, plutôt cette reprise de Peggy Lee – tout de suite la fièvre monte – quand la chanson vous ordonne de donner tout ce qu'un homme peut ( yes, we can ! ) sûr que vous lui offririez votre chemise ( et tout le reste ) sur l'heure, mais vous rêvez avant tout de vous envoler sur le trampoline de cette voix parfumée d'un zeste de piment infiniment évocateur, qui monte et rebondit en des tourbillons vibratoires de grande dame sophistiquée... Longs applaudissements d'un public conquis par la fraîcheur trépidante de cette version. Le problème quand on s'attaque à de tels monuments ce n'est pas d'oser, mais de réussir.

 

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Ady s'arrache la voix sur Janis Martin. Reine du swing shouter, secoue salement son gosier et vous emmêle les tripes à ne plus pouvoir les dénouer, que ce soit sur Johnny Gots A Boom-Boom d'Imelda ( ça tombe bien nous sommes au joli mois de ) May ou sur la Lula de Gene Vincent dont elle accentue la désarticulation rythmique tout en dynamisant l'expressivité jouissive des paroles déjantées. Elle a le swing Ady, mais aussi le blues, les deux mamelles du rockabilly originel américain, qui n'en finit pas de passer de l'une à l'autre, car tout ce qui entre fait ventre. Comprenez sexe, au sens de feu sous la cendre. De flamme dans le sang.

 

 

Céline l'autre racine, provient du rameau d'or du jazz. Plus posée, en le sens métaphysique de ce qui ne repose pas sur du sable d'opinion. En totale oscillation entre d'où elle vient et où elle va, ce qui lui permet de percevoir l'écart à ne pas dépasser. Il y a chez Céline une maîtrise de la juste mesure du tempo. Elle intervient toujours à temps, créant le pont et le point de jonction entre les deux autres voix. Ady et Vaness sont deux cavales folles prêtes à courir à hue et à dia, Céline est le timon qui les retient et qui trace le chemin de la sagesse. A toutes les trois, elles sont vraiment trio belles ces petites pépites palpitantes.

 

 

Thierry Credaro me tape sur l'épaule pour me signaler qu'il apprécie leur reprise De Jumps, Giggles and Shouts de Gene Vincent. Rien à voir avec une copie conforme. Comme ce sont des filles elles ont défait les coutures du morceau pour en redessiner un patron qui leur convienne mieux. Un peu plus à la mode Jallies. Le swing, le bop, le jump, la danse, la frénésie, sont en pièces détachées, chacune s'empare du fragment qui lui convient, et le morceau a l'air de revenir à ses multiples origines. La formule miracle des Blue Caps qui avaient réussi à fondre en une pièce unique les éléments dispersés de ce qui était en train de s'amalgamer en rockabilly les Jallies nous en refont à l'envers l'inventaire de vive voix. Chacun y retrouve son chaton préféré et c'est peut-être en cela que réside le secret de l'attrait du groupe.

 

 

Jal pour Janis Joplin – le choix d'Ady – lie pour Billie Hollidays – le choix de Céline, le s pour les serpents qui sifflent sur la tête de la Méduse, car elles sont médusantes nos trois fillettes. De sacrées langues de vipères, l'on ne compte plus les morsures venimeuses à l'encontre de ce pauvre Julien, mais ça fait partie du jeu. Et tout le monde s'amuse de ces trois chipies, toupies virevoltantes, et de Julien enfermé dans son rôle de clown triste. La guerre des sexes revue et corrigée façon comedia dell arte, mais à la sauce rockab. Un rappel du vaudeville américain si l'on farfouille au fin-fond de sa mémoire. L'on imagine le titre du numéro : Dr Jekill et ses trois Misses Hyde. Ce qui est sûr c'est que le public – ici composé en sa quasi majorité de connaisseurs et d'amateurs – apprécie et accroche. Trois rappels. Pour le quatrième, il reste encore quatre groupes à passer.

 

 

Les Jallies ont encore frappé. Mais on en redemande.

 

 

INTERLUDE

 

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Les Black Prints s'installent sur scène. Comme un détail qui cloche. Quel est donc ce grand blond aux boots noires qui s'en vient taper l'incruste ? Une tête connue. Mais oui c'est Phil de Ghost Highway qui vient remplacer Yann qui s'est fait porter pâle ( un comble pour un Black Prints ). A moins qu'à l'arrivée Phil n'ait réussi à l'aplatir comme une vulgaire crêpe sur la chaussée, Yann n'a pas dû avoir les réflexes salvateurs de Salsa. Prennent leur temps, avec Mister B l'on a le temps d'engloutir un américain – c'est comme un sandwich français mais totalement recouvert d'une couche de dix centimètres de frites – qui maintenant gît au fond de notre estomac telle l'épave du Titanic dans les eaux glacées de l'Atlantique nord.

 

 

THE BLACK PRINTS

 

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Donc Phil derrière la batterie, Olivier derrière le micro et à la Gretsch, Thierry aux percus sous son chapeau de cow-boy, Jean-François à la basse, solitaire dans son coin, et tiens ! encore un intrus, un deuxième Thierry, Credaro, qui a déjà dégainé en renfort amical sa Fender blanche. N'ont pas achevé quatre mesures que je me sens victime d'une hallucination auditive. Encore Phil qui fait des siennes. Expression des plus mal venues, car justement il s'amuse à ne pas être lui et l'on reconnaît la frappe de Yann, si caractéristique, à s'y méprendre. C'est frappant si j'ose dire. A croire que Yann est revenu au dernier instant reprendre sa place derrière les futs.

 

 

Au bout de trois morceaux Phil regagnera sa cadence personnelle et habituelle, cette rythmique pratiquement métronomique qui vous géométrise une partoche et offre aux restants de l'orchestre une assise inexpugnable, un socle d'aimantation et d'orientation insubmersible sur lequel il est possible de se reposer à tout moment. Difficile de saisir en quoi ce changement de voilure affecte le jeu de guitare d'Olivier. Semble continuer sur sa lancée, imperturbable.

 

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C'est peut-être Jean-François qui devra modifier son approche bassique. Phil lui laisse moins d'espace que Yann pour dialoguer, et cette fois il n'aura pas l'occasion de se lancer dans quelques sombres solos ravageurs de haute acrobatie dont il est coutumier, et que pour ma part j'adore. N'ont pas eu droit en tant qu'invités à un set aussi long que les autres – le monde est rempli d'injustices – et malgré les trois rappels demandés à corps et à cris par le public, l'espace mental du set trop exigu nous aura laissés sur notre faim.

 

 

Est-ce parce qu'il a vécu au Canada qu'Olivier prononce l'anglais tout autrement que le commun des petits franchouillards jamais sortis de leur trou aux mille fromages ? N'écrase pas les mots, n'allonge pas les voyelles plus de raison et n'engraisse pas les diphtongues. Une diction parfaite, une plasticité étonnante, une vélocité qui n'est pas s'en rappeler celle d'un Vince Taylor ou d'un Gene Vincent. Il ne crache pas les mots, il en restitue le profilé phonique. Les glisse et les retire avec une virtuosité sans faille

 

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Derrière Thierry Credaro épaissit le son. Pas de soupe qui noie le poisson, le contraire de la bouillabaisse, le cristal des riffs perlés sur les fils de la rythmique imposée par Olivier. Thierry n'en rajoute jamais, mais il double et ourle les effets. Il brode autour, avec finesse et délicatesse, et c'est dans cette trame des guitares que viennent s'insérer les maracas ou la washboard de Thierry Clément. Davantage élément de profusion rythmique que de percussion.

 

 

Ne font pas leur répertoire habituel. Nous aurons droit toutefois à notre lot de classiques sans lesquels nous sommes incapables de survivre et un titre de leur album, le Two Tones Shoes écrits et composé par leur frère au début des années 80, au bon vieux temps des Dixie Stompers. Ont laissé à Phil le choix des morceaux et comme ce dernier répugne à imposer ses préférences c'est le public qui demandera ses titres fétiches. L'on aura ainsi la chance d'admirer la grâce naturelle d'un « miaou » de gouttière des plus dévergondés. Un délicieux Stray Cat aux pattes de velours noir.

 

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Trois misérables quarts d'heure de bonheur et les Black Prints quittent la scène sous les vivats du public qui triplerait la dose sans tergiverser. Plus je les écoute, plus les Black Prints montent dans le hit-parade personnel de mes groupes préférés. Réussissent le difficile amalgame du battement ted avec l'impact foudroyant du rock cat. Une synthèse que presque aucun combo ne réussit à réaliser avec une telle efficacité.

 

 

CHRIS ALMOADA

 

AND THE BROKEN HEARTS

 

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Chris Almoada est en grande forme. L'on ne peut pas faire trois pas sans tomber sur lui, gesticulant à tout crin, le visage barré d'un immense sourire, courant de tous les côtés, une pile atomique en pleine éruption. L'est manifestement heureux d'être là. Lui que nous avons connu d'habitude si réservé nous confiera tout à l'heure sur scène les raisons de son ravissement. L'a retrouvé deux bons vieux copains de Blois, des années quatre-vingt et du temps de son premier groupe de rockabilly.

 

 

Le voici sur scène en sa chemise rouge, sa guitare marquée à son nom en grosses lettres noires, prêt à en découdre avec les fantômes de son passé et les fantoches du présent. Restera bien deux heures sur le plateau. En a toujours un petit avant-avant-avant-avant l'après-dernier sous le coude. Ca démarre au quart de tour et ça se termine aussi brusquement qu'un morceau des Ramones. De l'énergie, et pas de temps mort. On brûle les ponts et l'on galope après le riff que l'on vient de dépasser.

 

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Chris mène le train. Les Broken Hearts n'ont pas le temps de respirer un grand coup après leur précédente palpitation que Chris lance le riff d'intro de la suivante. Jean-Pierre Cardot est tellement aspiré par le rythme qu'il a du mal à boucler la sangle de sa guitare lorsqu'il quitte son piano Roland. Mais il reste placide et souriant.

 

 

C'est un peu le secret des Coeurs Brisés. Me suis régalé de voir Pascal Freyche jouer de sa basse. Serai incapable de parler de son style, je n'ai même pas jeté un regard sur ses mains en action. Qu'il se débrouille comme il peut, tout compte fait c'est son travail de musicos. Non je me suis intéressé à l'acteur. Bouge pas, ni d'un centimètre, ni d'un poil de sa barbichette. Tout se passe à l'intérieur. Inutile d'imposer des mouvements hâtifs à sa longue silhouette. Debout dans son costume de cow-boy, il se contente de visionner les images qui passent dans son cerveau. Faciles à décrypter car il retrace tout sur son visage, pourtant immobile.

 

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Faut savoir observer. En fait, il mime tout ce que fait et dit Chris Almoada. Imperceptible mouvement des lèvres il chante en sourdine, déhanché d'un millimètre sur le côté et il imite les attitudes et la pose du maître. Il vit la chanson et le chanteur, il est l'ombre de la lumière. Dans son rêve et sacrément là, au bon moment, un tempo de régulateur SNCF. Car Gaël le batteur ne donne pas le rythme, il intervient dramatiquement à chaque ponctuation de l'action. Des gestes saccadés qui se traduisent par une avalanche de coups émotionnants. Frappe lyrico-wagnérienne. Les Broken Hearts sont bien les romantiques de leur appellation contrôlée.

 

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Chris est au milieu de cette dramaturgie comme un requin dans la piscine. Occupe tout l'espace que ne lui dispute aucun de ses acolytes. Même Jean-Pierre Cardot qui se démène sur les rares parties de piano qui passent à sa portée reste étrangement statique dès qu'il passe la sangle de sa rythmique par-dessus son cou. Z'ont un son reconnaissable entre tous, qui flirte davantage avec la Nouvelle-Orléans qu'avec la réverbération Sun. Instrumental avant tout. L'on a l'impression que la voix est juste là comme un accompagnement, un peu pour enjoliver les lignes mélodiques, au demeurant hyper-speedées.

 

 

Il y a un peu de cérémonial vaudou dans cette façon de faire. Très agréable en surface, peuplée d'alligators affamés par en-dessous. A vous de savoir où vous mettez les pieds. Pays sans assurance pour vous faire rembourser votre prothèse de jambe. Chris et ses Broken Hearts se moquent bien de la fragilité de votre corazon. Vous emportent dans une farandole de zombies. Ont su exprimer l'âme mouillée de l'extrême-sud. Rock endiablé et poisseux. Sortilèges garantis.

 

 

THE ATOMICS

 

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A peine rentré à la maison j'ai ouvert l'ordinateur pour relire la chronique 122 du 13 / 12 / 12. Cherchai confirmation. Etait-ce le même groupe que je venais de voir ? Il y a plus d'un chat qui s'appelle minou. Mais non, je ne m'étais pas trompé, les mêmes et les pareils. Même que ce que j'ai écrit il y a cinq mois correspond à peu près à ce que j'ai regardé à Appoigny. Mais pas du tout à ce que j'ai entendu.

 

 

Je rappelle que dans le minuscule café de nous étions serrés comme dans une boîte à sardines. Mais je n'avais pas réalisé que c'était aussi une boite à sourdine. Aurais pu y penser en début d'après-midi lorsque durant la balance ils nous avaient balancés deux instrumentaux brut de décoffrage. Mais là, en direct live, sur la grande scène de la vaste salle c'est totalement transformé. J'ai toujours plaint les tordus qui visionnent un western tourné en kinopanorama sur l'écran de leur portable. A Thorigny-sur-Marne les Atomics m'étaient apparus comme un groupe sympathique. En Appoigny ils se sont transformés en un gang de tueurs électriques.

 

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Dans la salle sont loin de jouer à la rock'n'roll star. Se mêlent au monde, incognito. Thierry – vous laisse deviner lequel – dira même qu'ils sont presque timides, oui mais une fois derrière leur instrument, ce sont des maestros du manche. Combo de base : contrebasse, batterie, guitare. C'est Raphaël le soliste qui assure le chant. Envoie aussi de superbe roquettes avec sa Gretsch Penguin au lettrage lamé d'or. Me suis éloigné de tout devant pour me mettre à la même distance que dans le café. Ca claque de tous les horizons. Tornade rock se pointe sur vous. Inutile de courir vers les abricotiers, ils bazardent des pruneaux, gros comme la mort.

 

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Ne sont que trois, mais ça forme un tout indissociable. Ca sonne comme un groupe anglais de la belle époque. Commence à comprendre pourquoi leur nom revient toujours avec respect dans les conversations. De tous les groupes de la soirée ils sont celui qui tire le plus vers le psychobilly même s'ils n'en possèdent pas l'apparence anarchisante – et peut-être même n'en partagent-ils pas la philosophie - qui va de pair. Et en même temps très respectueux des racines.

 

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Pour moi c'est la découverte de la soirée. A regarder de près. Nous y reviendrons. Un set trop court car il se fait tard et il reste encore un groupe à passer. Le public décrochera un dernier morceau, mais rien de plus.

 

 

GHOST HIGHWAY & FRIENDS

 

 

Un trou dans le gruyère passe inaperçu, mais un absent chez les Ghost ça se remarque aussitôt. Un + un + un, on a beau raconter ce que l'on veut, ça ne fait que trois. L'en manque un. Avons déjà croisé Jull et Phil et même papoté avec Zio autour d'un sandwich. C'est donc Arno, en vacances nous explique Jull au début du set. Pas de panique Lucas - celui que je surnomme parfois Eddie - des Howlin' Jaws est déjà sur scène guitare sèche sur la poitrine.

 

 

Vont se débrouiller comme des chefs. Un set de toute beauté. Sautent les morceaux habituellement chantés par Arno et puiseront dans les classiques pour combler les trous. Très vite Jull passe sa guitare à Lucas et la reprendra un peu plus tard sous les rires de l'assistance qui les traite de Jallies. Si vous voulez mon avis personnel Lucas aurait pu prendre une seconde gratte électrique ce qui n'aurait pu qu'enrichir le son. Se lancent dans Country Heroes leur morceau de bravoure. Country Heroes sans l'harmo d'Arno faut oser. Jull est au chant et Lucas à la manoeuvre sur la Gretsch, c'est à lui que revient la difficile tâche de réorchestrer le morceau, improvise avec doigté et émotion, de l'autre côté de la scène à peine Zio frissonne-t-il les cordes de la contrebasse, silence dans la salle jusqu'à ce que s'élève le sifflement de Phil qui libère la tension contenue. Applaudissements à tout rompre.

 

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Ensuite c'est un festival de bonheurs. J'admire le jeu de Jull, davantage aux premières loges que dans un concert des Ghost traditionnel. Cette façon bien à lui d'amener le riff au moment opportun, et peut-être plus difficile, de le ranger, de le mettre au placard alors qu'il serait si facile de jeter de la poudre aux yeux de l'assistance en le faisant miroiter et flamboyer sous toutes ses faces encore et encore. Jeu d'équipe, le plus ardu est de dégager aux compagnons l'espace où s'exprimer pour ensuite mieux relancer la machine, mais selon une autre structure rythmique. Jull utilise le riff en contrepoint. Ne tisse pas avec, tire comme l'archer, une flèche après l'autre selon la nécessité mais sans les gaspiller à la va-vite. Science économique du riff chez Jull, ne l'employer qu'à bon escient. Un cheval de guerre ne tire pas la charrue. Faut une sacrée maîtrise d'égo et un sens exceptionnel de l'architecture du morceau. Savoir comment mais surtout connaître d'instinct quand.

 

 

Les friends arrivent en masse pour le boeuf. Trois électriques sur le plateau et Jull à la rythmique. Chaque soliste y va de son solo, et nous n'avons pas affaire à des manchots. Ni à des tricoteurs de l'infinie impuissance. Un Lucas des Hawlin, un Raphaël des Atomics, un Thierry Credaro ont compris depuis longtemps que la créativité ne se complaît pas dans les méandres de la langueur, faut être incisif et ne pas s'attarder pour éviter de se répéter. Seront tour à tour chaudement applaudis mais voici que Jull lève sa sèche vers le micro, et entame son petit solo pratiquement à stacato, n'a pas la puissance de la Gretsch ni le feuilletté tonifiant des micros adaptés au jeu personnel du musicos, mais il n'y a pas que la technique industrielle, existe aussi – car acquise après une infinie patience de répétitions similaires et d'expérimentations aventureuses – la résolution instinctive de questions que l'on a appris à se formuler à soi-même afin d'être capable d'y répondre.

 

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Dans les années soixante certains se trémoussaient sur Leçon de twist, ce soir beaucoup sont restés béats d'admiration devant la démonstration de guitare rockabilly proposée par Jull, les Ghost et les friends. Je rajoute in extremis la trop rapide apparition de Djivan des Howlin' ( décidément à l'honneur ce soir ) qui feule dans le micro avec une feinte nonchalance toute vincetaylorienne avant de nous laisser tomber comme de vieilles chaussettes ( noires ).

 

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THE END

 

 

Quatre heures du matin la teuf-teuf mobile s'arrête devant la maison. Salsa frétille de la queue. S'est amusée comme une folle sur la pelouse et s'est faite carresser par des dizaines de mains câlineuses. Me regarde en coin. Pas besoin d'aboyer j'ai compris la question : «  Rockxerre Gomina IV, c'est pour quand ? » Puis elle a ajouté, vaguement condescendante : «  Je dois avouer que les Jallies ont du chien. »

 

Damie Chad

 

 

CROCKROCKDISC !

 

 

 

THE BLACK PRINTS

 

 

How Much / There's Rock'n'Roll On The Radio / My Chick's Is Punky Doll / That's Life Baby / Two Tones Shoes / Go Back / Blue Jean Girl / Rockin' Truck / Rock'n'Roll Blues / 100 % Rockabilly.

 

Olivier Clement : gt, v / Thierry Clement : p / Jean-François Marinello : b / Yann Leignel : d

 

 

Magnifique objet. De quoi en être vert de jalousie. Me suis demandé à quel artiste les Black Prints avaient confié la pochette, mais c'est Yann qui s'y est mis tout seul. N'est pas tombé dans le piège nostalgie fifty vintage, a pondu un ovni graphique du vingt et unième siècle, simplicité des formes et impactage foudroyant. A l'intérieur, c'est encore plus beau. Unité conceptuelle de l'ensemble, toute la différence entre le dessin qui tend à reproduire le monde et le dessein qui tente d'en infléchir le sens.

 

 

Genre de truc que les groupes rockab qui ont l'intention de sortir un CD dans les mois qui viennent ont intérêt à étudier, risque d'agir comme la datation au carbone, coup de vieux sur les images pieuses de la répétition sempiternelles des clichés des temps passés.

 

 

Veux bien croire que vous soyez davantage intéressés par la musique que par l'art pictural. Sous le sapin de Noël il arrive souvent que le papier d'emballage soit plus beau que la cravate qu'il contient...

 

 

Enregistrer un disque est un instant de vérité pour n'importe quel groupe, mais encore plus pour les combos de rockab qui sont écrasés par l'héritage encombrant parce que quelque part indépassable qu'ils s'acharnent à transmettre pour raisons autant hommagiales que organiques, sous forme de sacro-saintes reprises que parfois l'on exhume comme de précieuses reliques.

 

 

Les Black Prints ont sauté le pas. CD de dix morceaux originaux. La moindre des exigences si l'on veut laisser une trace dans l'histoire du rock'n'roll déjà bien encombrée. Ne reste plus qu'à appuyer sur la touche play...

 

 

Ca commence par du rock'n'roll et ça finit par du rock'n'roll, et entre les deux, faites la grimace si vous n'aimez pas cela, il n'y a que du rock'n'roll. Désolé pour les répétitions, mais c'est l'exacte réalité de ce CD. Premier conseil, c'est écrit au dos de la couve et il faut le suivre, play it loud ! N'hésitez pas à réveiller le bébé de la voisine, de toutes les façons vous ne l'entendrez pas pleurer. Deuxième conseil : écoutez et laisser venir à vous les anges noirs du rock'n'roll. Vont vous entraîner dans une méchante sarabande.

 

 

Du début à la fin, ça file à la vitesse d'une locomotive, droit devant et sans jamais s'arrêter. Et quand ça stoppe vous remettez à la case départ. Dix titres et pas le temps de s'ennuyer. Non pas parce que la vitesse vous emporte mais parce toutes les trente secondes il se passe quelque chose. C'est construit comme une espèce d'oratorio de soli qui se suivent sans se ressembler. Toujours surprenants, montés comme des plans de cinéma d'action que l'on raccourcit au maximum pour vous propulser au coeur du combat et vous surprendre à tout moment.

 

 

Foisonnant de partout, entre la basse reptitlienne qui rampe et ondule sur le sol, la batterie amphionéenne qui édifie des tours de guet, les percus qui assurent les giboulées de neige et les guitares folles qui cavalent dans tous les sens, vous êtes sans arrêt sur le qui-vive, énervé à l'idée que vous pourriez laisser passer un épisode devant tant de profusion. Marche triomphale et héroïque, pas de temps mort, pas de pont que l'on franchit pépère sans se mouiller les pieds, mais des escarmouches à tous les gués qui se présentent. Pas pour rien que l'on a appelé Thierry Credaro et Tonny Marlow en renfort. Et la voix d'Olivier qui mène l'assaut.

 

 

La totale. La carrosserie et le moteur. A explosions. Les Black Prints ont frappé très fort. Un disque qui envoie un grand coup de fouet dans la fourmilière du frenck rockab. Une empreinte noire que l'on n'est pas prêt d'oublier.

 

 

Attention : pour les collectionneurs le disque sera bientôt disponible en vinyl 25 cm.

 

 

Damie Chad.