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16/05/2013

KR'TNT ! ¤ 144. / TAV FALCO / ROCKXERRE GOMINA/

 

KR'TNT ! ¤ 144

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

16 / 05 / 2013

 

 

 

ERRATA

La livraison de la semaine dernière était bien la 143 bien qu'elle soit créditée du numéro 142

Emmet Miller est décédé en 1962 et non en 1970. Nous, nous sommes encore vivants. Cherchez l'erreur.

 

 

TAV FALCO / ROCKXERRE GOMINA

 

I

 

Tav Falco & Panther Burns

 

( au Petit Bain (Paris XIII), le 4 mai 2013 )

 

 

BANCO POUR TAV FALCO

 

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Le concert de Tav Falco au Petit Bain venait de prendre fin. Comme le Batofar, le Petit Bain est une espèce d’esquif amarré au pied de la Grande Bibliothèque, dans le XIIIe arrondissement de Paris. J’étais encore sous le choc du set lorsque Philippe me présenta à Tav Falco. Celui-ci me tendit la main et un immense sourire illumina son visage, qu’on aurait dit fardé. Je crus voir ses yeux étinceler. Il semblait être à la fois un personnage chargé de mystère, issu de la commedia dell’arte, et une version modernisée du Chevalier de Balibari, ce joueur de cartes du XVIIIe siècle qui hante les salons du «Barry Lyndon» de Stanley Kubrick. Tav Falco semblait vraiment surgir d’une autre époque. Tout en lui inspirait le plus grand raffinement, la plus extrême élégance et le charme le plus décadent, mais quelque chose de simple dans son allure le rendait aussi profondément humain. Et attachant.

 

Comme ceux d’Elvis, les traits de son visage sont parfaits. Il se dégage de Tav Falco une véritable aura. On se retrouve face à un personnage du même niveau et, pourrait-on dire, des mêmes origines.

 

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Grosso-modo, Tav Falco vient de Memphis. Il baptise son groupe Panther Burns et enregistre son premier album en 1981. Entouré d’Alex Chilton et de Jim Dickinson, il redonne vie au Memphis Sound. Pendant trois décennies, son parcours va rester parallèle à celui des Cramps et s’inscrire dans la légende. Tav Falco bâtit un univers qui ne souffre pas la moindre compromission. Il se forge un style à base de rockabilly, de tango argentin, de mambo et de blues, et pas n’importe quel blues, le blues hypnotique de RL Burnside qu’on appelle aussi le North Mississipi Hill Country blues, un blues hypnotique monté sur deux accords qu’on peut jouer pendant une heure et qui provoque la transe. Tav Falco est l’ami de RL mais aussi de Charlie Feathers auquel il prête une Harley pour des photos qu’on retrouvera sur certaines pochettes de disques. Pendant plus de trente ans, Tav Falco va enregistrer des albums infestés d’hommages aux géants du rockab, du blues et du r’n’b, comme Johnny Burnette, Cordell Jackson, Leadbelly, Muddy Waters, Roy Orbison, Benny Joy, Allen Page, Wanda Jackson, Sir Mac Rice et des tas d’autres. Par chance, un petit label allemand (Stag-O-Lee) vient d’entamer la réédition complète du catalogue de Tav Falco et pour les amateurs de vinyle, c’est une bénédiction : les rééditions sont abordables et bien foutues. C’est une façon d’échapper aux requins du web qui vendent les albums originaux à prix d’or. Pour l’heure, deux rééditions : «Behind the Magnolia Curtain» (premier album couplé au fabuleux «Blow Your Top EP») et «The Sugar Ditch Revisited EP» couplé avec «The Snake Rag EP». Et en prime, Stag-O-Lee publie un double 25 cm, «Live au 100 Club», enregistré à Londres en 2011, et sur lequel on entend la formation actuelle des Panther Burns : Grégoire Guarrigues (guitare), Laurent Lanouzière (basse) et la reine des Mille et Une Nuits, Giovanna Pizzorno (drums).

 

Mais il serait parfaitement injuste de réduire la trajectoire des Panther Burns à celle d’un groupe de reprises. La vision de Tav Falco est d’une toute autre portée. Dès qu’il est entré en contact avec le photographe Bill Eggleston et qu’il l’a accompagné en reportage dans le Sud profond, Tav Falco a senti vibrer les racines de la modernité au contact des vieux bluesmen oubliés. Littéralement fasciné, Tav Falco apprit à jouer de la guitare et à chanter, mais il n’allait pas rester un simple imitateur. Il sentit qu’il fallait pousser le bouchon. D’instinct, il se projeta à l’avant-garde. Plutôt que devenir lanterne rouge, Tav Falco préférait jouer les locomotives. Voilà son coup de génie. Ceux qui le suivent depuis le début le respectent infiniment pour ça. Et avoir des coups de génie à Memphis, c’est gonflé, car on sent que la messe est dite depuis longtemps. Mais non. Quelqu’un s’est dévoué pour perpétuer la tradition, et c’est le fabuleux Tav Falco

 

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Pour l’anecdote, on peut évoquer son premier passage sur scène. Tav Falco reprit le «Bourgeois Blues» de Leadbelly et, pour finir, découpa sa guitare électrique à la tronçonneuse. Après quoi, il s’évanouit.

 

Le groupe prit son envol et chaque fois qu’il le pouvait, Tav Falco partageait la scène avec ses héros, Charlie Feathers, Cordell Jackson ou Sonny Burgess. Pour tous ces artistes tombés dans l’oubli, ce fut une aubaine. Au fil du temps, Tav Falco va monter un répertoire parfois exotique. Il va explorer des contrées inconnues, saupoudrer son set de morceaux baroques et étranges, et rester fidèle à sa vision, celle d’un art vivant, «un lien entre le blues du bayou (swamp blues) et l’agressivité du troisième millénaire», comme il le déclarait.

 

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En 2000, son album «Panther Phobia» remit les pendules à l’heure. Il y reprenait «Cockroach», l’instru dévastateur de Charlie Feathers, et «Streamline Train» de Jessie Mae Hemphill qu’il transformait en pétaudière.

 

Compositeur, guitariste, chanteur, photographe, réalisateur (ses films sont aujourd’hui référencés à la Cinémathèque), motard, danseur de tango, Tav Falco est aussi (et surtout) écrivain. Ghosts Behind the Sun : Splendor, Egnima & Death, paru en 2001, est un roman fascinant consacré à Memphis. Tav Falco s’y dédouble (comme le fait Michel Houellebecq dans Les Particules Elémentaires) et envoie son double Eugene Baffle se battre dans les rangs des troupes confédérées du Général Nathan Bedford Forrest, monté sur un cheval emprunté à un cousin fermier et armé d’une lame de faux transformée en sabre et attachée autour de sa poitrine avec une corde. Attention, Tav Falco, ne plaisante pas. Il plante le décor, en jetant sur Memphis le seul éclairage qui vaille, celui de l’histoire. Il propose une galerie de portraits hallucinants, des gibiers de potence, des Hell’s Angels, des poètes puis on finit par tomber sur des figures plus familières (et donc plus rassurantes), comme Sam the Sham, Jerry Lee, Sam Phillips et Charlie Feathers. Il donne carrément la parole à Paul Burlinson, qui au long de plusieurs pages, va retracer le parcours fulgurant du Johnny Burnette Rock’n’Roll Trio. Furry Lewis, Howlin’ Wolf et Albert King sont là, salués jusqu’à terre. Et puis et surtout Jim Dickinson, guitariste, pianiste et producteur légendaire, auquel Tav Falco dédie son livre («D’origine divine, protecteur, inspirateur et camarade. Sa passion pour la musique de Memphis et tout ce qui s’y rattache est indiscutable. Il est toujours présent, c’est sûr, comme l’indique l’épitaphe qu’il a fait graver sur sa tombe : Je ne suis que mort. Je ne suis pas parti.»). Jim Dickinson évoque Elvis, le rockab et le souvenir de Dan Penn au long de pages qu’il faut bien qualifier de magiques. Tav Falco remonte dans le temps jusqu’à nous et tous ceux qui adorent Big Star, Alex Chilton et les Cramps seront gâtés. C’est l’ouvrage qu’il faut lire si on veut essayer de saisir l’importance du rôle qu’ont joué les musiciens de Memphis dans l’histoire du monde moderne. L’écrivain Falco a du souffle. A l’image de la photo de couverture, sa prose est véritablement hantée. On sort de ce chef-d’œuvre excentrique un peu sonné, comme on l’est au terme d’un set au Petit Bain.

 

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Le dernier album studio de Tav Falco n’est pas d’un abord facile. «Conjurations: Seance For the Deranged Lovers», enregistré à Paris et dédié lui aussi à la mémoire de Jim Dickinson, fourmille de rengaines sombres et d’hommages à Orson Welles, Jorge Luis Borges, Lee Hazlewood ou encore Maldoror. Victor Hugo et Alfred Jarry sont cités en exergue. Tav Falco commente lui-même chacun des morceaux, dans un style superbe qui rappelle celui d’Edgar Poe. «Tango Fatale», dit-il, «est un tango mortel dansé avec un couteau. Falco l’a enfoncé dans les côtes de sa partenaire... qui sent le bouc et qui est deux fois plus méchante qu’un bouc.» L’un des titres phares (dans la nuit) s’intitule «Gentleman in Black». Tav Falco y brosse le portrait d’un personnage mystérieux évoquant à la fois Arsène Lupin, Melmoth, Zigomar et Maldoror. Un homme sans racines qui voyage seul. «Un éclat de lumière sur ses cheveux noirs à reflets bleus, c’est juste un éclair dans une vie de désespoir.» C’est riffé sur deux accords. Sur scène, alors que la section rythmique tient le beat sur les deux accords, Tav Faco joue longuement en solo et observe le public qui l’observe. On dresse l’oreille. Mais qui est ce mystérieux personnage vêtu de noir ? Alors Tav reprend le chant, «et si vous n’avez pas encore deviné, cet amuseur vêtu de noir, c’est moi !»

 

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L’autre point fort du set, c’est la reprise de «Brazil», un classique composé par Ary Barroso en 1944 et qu’on entend dans le fameux «Brazil» de Terry Gilliam. Tav Falco nous entraîne dans un univers de fête universelle. Il fait l’unanimité, avec cet air gai et romantique. Il met la chose à sa sauce. Et soudain, une ligne de basse hautement énergétique injecte dans cette féérie un shoot dynamique qui donne le frisson. Moment poignant. Un drive de basse musclé et Tav Falco embarque tout le monde avec lui dans les étoiles. Imparable. Il n’a pas de voix, mais il arrache la beauté du ciel. Ce genre de phénomène porte un nom : sortilège.

 

Bien sûr, Tav Falco ne sera pas au goût de tout le monde. Il s’adresse principalement à ceux qui recherchent un peu d’authenticité. On va le voir jouer sur scène comme on va voir Jerry Lee, Andre Williams ou Ron Asheton (quand il était encore en vie), histoire de toucher du doigt la réalité d’une légende, celle qu’on appelle depuis cinquante ans la légende du rock.

 

Signé : l’obséquieux Cazengler

 

 

 

Tav Falco & Panther Burns au Petit Bain (Paris XIII), le 4 mai 2013.

 

Tav Falco : Ghosts Behind the Sun : Splendor, Egnima & Death. Creation Books 2011

 

Tav Falco & the Unapproachable Panther Burns : Conjurations: Seance For the Deranged Lovers. Stag-O-Lee 2010

 

L’illustration existait, mais elle comportait une grave erreur. On s’était trompé de moto. Tav Falco roulait en Norton et non en Triumph. Nous profitons donc de l’occasion pour réparer cette erreur.

 

 

II

 

ROCKXERRE GOMINA ( III )

 

 

Centre Culturel d'APPOIGNY

 

 

JALLIES / BLACK PRINTS / ATOMICS

 

CHRIS ALMOADA AND THE BROKEN HEARTS

 

GHOST HIGHWAY & FRIENDS

 

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pour Mathias,

 

sans qui rien n'aurait eu lieu

 

 

La teuf-teuf mobile avale les kilomètres aussi facilement que Johnny Cash ses pills bien-aimées, telle un guépard bondissant sur sa proie elle vole au-dessus du recouvrement bitumeux des autoroutes en route pour Appoigny. Troisième Rockxerre Gomina, un rendez-vous rockabilly qui défrise, pas question de le rater. Pour arriver à l'ouverture des portes Mister B et Damie Chad ont sacrifié leur traditionnel déjeuner de douze heures tapantes, mais c'est ainsi, les rockers sont prêts à briser les rituels ancestraux pour assouvir leur vénéneuse passion. Sur la banquette arrière la chienne sommeille les quatre pattes en l'air, le ventre rempli d'un demi-poulet qu'elle n'a pas manqué de croquer avant de nous accompagner pour cette nouvelle aventure.

 

 

Alors que nous sommes en train de rêver à des sandwichs longs comme des jours sans pain, la teuf-teuf mobile vire sec sur sa gauche et aborde l'ère de stationnement du Centre Culturel ( qui ose encore prétendre que le rock'n'roll est une sous-culture ? ) d'Appoigny. Voitures de collection – notamment une Pontiac jaune panari, pardon canari - sur notre droite, mais notre arrivée soulève des cris d'enthousiasme, bingo ce sont les deux-tiers de l'escadron féminin des Jallies qui se précipitent sur nous. L'on se dépêche de baisser les vitres pour recevoir une chaleureuse bise d'accueil, mais n'ont rien à faire de nous, elles hurlent de joie, toute excitées «  La teuf-teuf ! La fameuse teuf-teuf ! on ne l'avait encore jamais vue ! » Et elles vous y font une de ces teufs à la teuf-teuf, presque indécente, la Vaness vautrée sur les ailes et la Céline qui ne rougit pas de lui tapoter les portières d'une manière équivoque.

 

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Puisque l'on ne veut pas de nous, un peu mortifiés mais l'air de rien, nous descendons apporter notre soutien moral à Julien le contrebassiste attitré de ces demoiselles. Tiens voici Phil des Ghost qui déboule dans sa voiture. Je ne le jurerais pas mais je suis sûr qu'en passant il a tenté d'écraser Salsa qui ne bougeait pas d'une oreille, sagement plantée qu'elle était au milieu de la route.

 

 

Quatorze heures tapantes lorsque nous pénétrons dans le hall d'accueil. Nous ressentons un certain flottement au niveau de l'accueil, courent partout pour amener la caisse ( non, pas la teuf-teuf mobile mais la boîte à sous ). Nous mettent au courant du décalage horaire, oui le premier groupe devait passer à quinze heures, mais ce sera après dix-huit heures... Pas grave, des têtes connues de tous les côtés, l'on n'aura pas le temps de s'ennuyer.

 

 

INTERLUDE

 

 

Du coup l'on aura droit à la balance. Mister Jull s'active aux manettes, manitou du sound check ( avec provision ). Les Atomics nous envoient deux instrumentaux entre les dents, à vous décoller les implants mammaires. Ca promet pour la suite. Plus tard ce sera une entrée en masse dans la salle – car beaucoup jactent au soleil sur la pelouse - pour voir quel est l'ostrogoth qui propulse un rockab de série A, genre crime et châtiment, sans préavis réglementaire de tempête force 10. Je n'aime guère les délateurs mais je vous livre le nom du coupable, c'est Chris Almoada qui nous a brisé le muscle cardiaque en trois coups de riffs bien appuyés.

 

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Un bonheur n'arrive jamais seul. C'est quoi ce truc verdâtre qui s'écoule sur une table au fond de la salle ? Malédiction de la tache noire, ce sont les Black Prints qui nous offrent la primeur de leur nouveau CD. N'en dis rien maintenant because la chronique de cette merveille est à la suite de cet article. En plus les Ghost les ont invités à passer sur scène dans la soirée. L'on pressent que l'on ne va pas s'ennuyer.

 

 

Question disque je dégote un 33 de Wyonnie Harris, Mr Blues is Coming to Town, j'en parle dans une prochaine kronique au frigo pour les temps de disette scriptique, un 45 de Ron Haydock – vous raconterai une prochaine fois – un pressage anglais de Gene Vincent, sur le stand de Micheline et Jacques Bodin ( prix abordables, michelineetjacques@orange.fr pour les collectionneurs ) et complète mon service de fumigatiphores indiens à l'association Regagner Les Plaines, allez jeter une lance sur leur facebook. N'oubliez jamais que les véritables rednecks d'Amérique vivaient libres et heureux avant la venue des visages pâles. Le nom de l'assos provient du titre d'un album de Pow Wow dans lequel officiait Alain Chennevière qui réalisa la pochette du précédent 25 cm de Ghost Highway. Suffit de suivre les flèches pour voir que tout se tient. En plus, on a raté l'expo de peinture de Chennevière chez Rock Paradise.

 

 

THE JALLIES

 

 

Mettre les Jallies en début de concert c'est comme si vous commenciez le repas par les gâteries sucrées du dessert. Vous dis pas le monde qui se précipite dès qu'elles montent sur le plateau. Sont là toutes les trois, sourires mutins aux lèvres, Julien comme d'habitude privé de micro et relégué au second plan avec sa grosse dondon de contrebasse. Pauvre mémère, peut pas rivaliser avec la taille de guêpe de nos amazones du rock-gal-billy swing. Pour ceux qui ne maîtrisent pas l'argot américain je précise que gal signifie fille, pas très loin de notre garce national quand on se penche sur l'étymologie du vocable.

 

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N'ont même pas entonné leur hymne revendicatif, we are the Jallies, que l'on sent le peps de ces pestes qui pulsent. Profitent de la sono, à fond. En deux morceaux, elles ont la salle dans la poche. Faudrait dire ils, premièrement parce quoi qu'en médisent nos amazones le masculin l'emporte toujours sur le féminin, deuxièmement parce que Julien se la donne à mort. Peut pas en placer une par devant, alors il leur sort sur canapé à ressort un nappé de gymnastique swingante du meilleur effet. Entre ses mains la big mama ronronne de plaisir. Le Jullios lui tire sur les cordes vocales une à une et elle en miaule de désir. Elle doit aimer l'amour vache et le pauvre doit opérer un transfert. Comme il ne peut pas frapper ses trois tourmenteuses en public il se venge sur sa mandoline géante qui a plutôt l'air d'apprécier ces mauvais traitements.

 

 

Tout le monde y gagne car, sûres de ce magma incandescent qui les accompagne sans faillir d'une seconde, nos trois princesses improvisent les gracieuses et multiples figures d'un ballet de roses – corolle bleu roi d'Ady, pétales rouge safran de Vaness et Céline - épanouies. Je te passe la guitare et tu t'empares de la caisse claire, tu te débrouilles avec la rythmique et je me branche sur l'électrique, coucou le micro, j'y suis, je n'y suis plus. En tout cas nous on suit avec attention. Des yeux et des oreilles.

 

 

Des petites merveilles. Mais non pas nos esgourdes, bandes de gourdes ! Tiens, plutôt cette reprise de Peggy Lee – tout de suite la fièvre monte – quand la chanson vous ordonne de donner tout ce qu'un homme peut ( yes, we can ! ) sûr que vous lui offririez votre chemise ( et tout le reste ) sur l'heure, mais vous rêvez avant tout de vous envoler sur le trampoline de cette voix parfumée d'un zeste de piment infiniment évocateur, qui monte et rebondit en des tourbillons vibratoires de grande dame sophistiquée... Longs applaudissements d'un public conquis par la fraîcheur trépidante de cette version. Le problème quand on s'attaque à de tels monuments ce n'est pas d'oser, mais de réussir.

 

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Ady s'arrache la voix sur Janis Martin. Reine du swing shouter, secoue salement son gosier et vous emmêle les tripes à ne plus pouvoir les dénouer, que ce soit sur Johnny Gots A Boom-Boom d'Imelda ( ça tombe bien nous sommes au joli mois de ) May ou sur la Lula de Gene Vincent dont elle accentue la désarticulation rythmique tout en dynamisant l'expressivité jouissive des paroles déjantées. Elle a le swing Ady, mais aussi le blues, les deux mamelles du rockabilly originel américain, qui n'en finit pas de passer de l'une à l'autre, car tout ce qui entre fait ventre. Comprenez sexe, au sens de feu sous la cendre. De flamme dans le sang.

 

 

Céline l'autre racine, provient du rameau d'or du jazz. Plus posée, en le sens métaphysique de ce qui ne repose pas sur du sable d'opinion. En totale oscillation entre d'où elle vient et où elle va, ce qui lui permet de percevoir l'écart à ne pas dépasser. Il y a chez Céline une maîtrise de la juste mesure du tempo. Elle intervient toujours à temps, créant le pont et le point de jonction entre les deux autres voix. Ady et Vaness sont deux cavales folles prêtes à courir à hue et à dia, Céline est le timon qui les retient et qui trace le chemin de la sagesse. A toutes les trois, elles sont vraiment trio belles ces petites pépites palpitantes.

 

 

Thierry Credaro me tape sur l'épaule pour me signaler qu'il apprécie leur reprise De Jumps, Giggles and Shouts de Gene Vincent. Rien à voir avec une copie conforme. Comme ce sont des filles elles ont défait les coutures du morceau pour en redessiner un patron qui leur convienne mieux. Un peu plus à la mode Jallies. Le swing, le bop, le jump, la danse, la frénésie, sont en pièces détachées, chacune s'empare du fragment qui lui convient, et le morceau a l'air de revenir à ses multiples origines. La formule miracle des Blue Caps qui avaient réussi à fondre en une pièce unique les éléments dispersés de ce qui était en train de s'amalgamer en rockabilly les Jallies nous en refont à l'envers l'inventaire de vive voix. Chacun y retrouve son chaton préféré et c'est peut-être en cela que réside le secret de l'attrait du groupe.

 

 

Jal pour Janis Joplin – le choix d'Ady – lie pour Billie Hollidays – le choix de Céline, le s pour les serpents qui sifflent sur la tête de la Méduse, car elles sont médusantes nos trois fillettes. De sacrées langues de vipères, l'on ne compte plus les morsures venimeuses à l'encontre de ce pauvre Julien, mais ça fait partie du jeu. Et tout le monde s'amuse de ces trois chipies, toupies virevoltantes, et de Julien enfermé dans son rôle de clown triste. La guerre des sexes revue et corrigée façon comedia dell arte, mais à la sauce rockab. Un rappel du vaudeville américain si l'on farfouille au fin-fond de sa mémoire. L'on imagine le titre du numéro : Dr Jekill et ses trois Misses Hyde. Ce qui est sûr c'est que le public – ici composé en sa quasi majorité de connaisseurs et d'amateurs – apprécie et accroche. Trois rappels. Pour le quatrième, il reste encore quatre groupes à passer.

 

 

Les Jallies ont encore frappé. Mais on en redemande.

 

 

INTERLUDE

 

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Les Black Prints s'installent sur scène. Comme un détail qui cloche. Quel est donc ce grand blond aux boots noires qui s'en vient taper l'incruste ? Une tête connue. Mais oui c'est Phil de Ghost Highway qui vient remplacer Yann qui s'est fait porter pâle ( un comble pour un Black Prints ). A moins qu'à l'arrivée Phil n'ait réussi à l'aplatir comme une vulgaire crêpe sur la chaussée, Yann n'a pas dû avoir les réflexes salvateurs de Salsa. Prennent leur temps, avec Mister B l'on a le temps d'engloutir un américain – c'est comme un sandwich français mais totalement recouvert d'une couche de dix centimètres de frites – qui maintenant gît au fond de notre estomac telle l'épave du Titanic dans les eaux glacées de l'Atlantique nord.

 

 

THE BLACK PRINTS

 

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Donc Phil derrière la batterie, Olivier derrière le micro et à la Gretsch, Thierry aux percus sous son chapeau de cow-boy, Jean-François à la basse, solitaire dans son coin, et tiens ! encore un intrus, un deuxième Thierry, Credaro, qui a déjà dégainé en renfort amical sa Fender blanche. N'ont pas achevé quatre mesures que je me sens victime d'une hallucination auditive. Encore Phil qui fait des siennes. Expression des plus mal venues, car justement il s'amuse à ne pas être lui et l'on reconnaît la frappe de Yann, si caractéristique, à s'y méprendre. C'est frappant si j'ose dire. A croire que Yann est revenu au dernier instant reprendre sa place derrière les futs.

 

 

Au bout de trois morceaux Phil regagnera sa cadence personnelle et habituelle, cette rythmique pratiquement métronomique qui vous géométrise une partoche et offre aux restants de l'orchestre une assise inexpugnable, un socle d'aimantation et d'orientation insubmersible sur lequel il est possible de se reposer à tout moment. Difficile de saisir en quoi ce changement de voilure affecte le jeu de guitare d'Olivier. Semble continuer sur sa lancée, imperturbable.

 

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C'est peut-être Jean-François qui devra modifier son approche bassique. Phil lui laisse moins d'espace que Yann pour dialoguer, et cette fois il n'aura pas l'occasion de se lancer dans quelques sombres solos ravageurs de haute acrobatie dont il est coutumier, et que pour ma part j'adore. N'ont pas eu droit en tant qu'invités à un set aussi long que les autres – le monde est rempli d'injustices – et malgré les trois rappels demandés à corps et à cris par le public, l'espace mental du set trop exigu nous aura laissés sur notre faim.

 

 

Est-ce parce qu'il a vécu au Canada qu'Olivier prononce l'anglais tout autrement que le commun des petits franchouillards jamais sortis de leur trou aux mille fromages ? N'écrase pas les mots, n'allonge pas les voyelles plus de raison et n'engraisse pas les diphtongues. Une diction parfaite, une plasticité étonnante, une vélocité qui n'est pas s'en rappeler celle d'un Vince Taylor ou d'un Gene Vincent. Il ne crache pas les mots, il en restitue le profilé phonique. Les glisse et les retire avec une virtuosité sans faille

 

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Derrière Thierry Credaro épaissit le son. Pas de soupe qui noie le poisson, le contraire de la bouillabaisse, le cristal des riffs perlés sur les fils de la rythmique imposée par Olivier. Thierry n'en rajoute jamais, mais il double et ourle les effets. Il brode autour, avec finesse et délicatesse, et c'est dans cette trame des guitares que viennent s'insérer les maracas ou la washboard de Thierry Clément. Davantage élément de profusion rythmique que de percussion.

 

 

Ne font pas leur répertoire habituel. Nous aurons droit toutefois à notre lot de classiques sans lesquels nous sommes incapables de survivre et un titre de leur album, le Two Tones Shoes écrits et composé par leur frère au début des années 80, au bon vieux temps des Dixie Stompers. Ont laissé à Phil le choix des morceaux et comme ce dernier répugne à imposer ses préférences c'est le public qui demandera ses titres fétiches. L'on aura ainsi la chance d'admirer la grâce naturelle d'un « miaou » de gouttière des plus dévergondés. Un délicieux Stray Cat aux pattes de velours noir.

 

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Trois misérables quarts d'heure de bonheur et les Black Prints quittent la scène sous les vivats du public qui triplerait la dose sans tergiverser. Plus je les écoute, plus les Black Prints montent dans le hit-parade personnel de mes groupes préférés. Réussissent le difficile amalgame du battement ted avec l'impact foudroyant du rock cat. Une synthèse que presque aucun combo ne réussit à réaliser avec une telle efficacité.

 

 

CHRIS ALMOADA

 

AND THE BROKEN HEARTS

 

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Chris Almoada est en grande forme. L'on ne peut pas faire trois pas sans tomber sur lui, gesticulant à tout crin, le visage barré d'un immense sourire, courant de tous les côtés, une pile atomique en pleine éruption. L'est manifestement heureux d'être là. Lui que nous avons connu d'habitude si réservé nous confiera tout à l'heure sur scène les raisons de son ravissement. L'a retrouvé deux bons vieux copains de Blois, des années quatre-vingt et du temps de son premier groupe de rockabilly.

 

 

Le voici sur scène en sa chemise rouge, sa guitare marquée à son nom en grosses lettres noires, prêt à en découdre avec les fantômes de son passé et les fantoches du présent. Restera bien deux heures sur le plateau. En a toujours un petit avant-avant-avant-avant l'après-dernier sous le coude. Ca démarre au quart de tour et ça se termine aussi brusquement qu'un morceau des Ramones. De l'énergie, et pas de temps mort. On brûle les ponts et l'on galope après le riff que l'on vient de dépasser.

 

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Chris mène le train. Les Broken Hearts n'ont pas le temps de respirer un grand coup après leur précédente palpitation que Chris lance le riff d'intro de la suivante. Jean-Pierre Cardot est tellement aspiré par le rythme qu'il a du mal à boucler la sangle de sa guitare lorsqu'il quitte son piano Roland. Mais il reste placide et souriant.

 

 

C'est un peu le secret des Coeurs Brisés. Me suis régalé de voir Pascal Freyche jouer de sa basse. Serai incapable de parler de son style, je n'ai même pas jeté un regard sur ses mains en action. Qu'il se débrouille comme il peut, tout compte fait c'est son travail de musicos. Non je me suis intéressé à l'acteur. Bouge pas, ni d'un centimètre, ni d'un poil de sa barbichette. Tout se passe à l'intérieur. Inutile d'imposer des mouvements hâtifs à sa longue silhouette. Debout dans son costume de cow-boy, il se contente de visionner les images qui passent dans son cerveau. Faciles à décrypter car il retrace tout sur son visage, pourtant immobile.

 

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Faut savoir observer. En fait, il mime tout ce que fait et dit Chris Almoada. Imperceptible mouvement des lèvres il chante en sourdine, déhanché d'un millimètre sur le côté et il imite les attitudes et la pose du maître. Il vit la chanson et le chanteur, il est l'ombre de la lumière. Dans son rêve et sacrément là, au bon moment, un tempo de régulateur SNCF. Car Gaël le batteur ne donne pas le rythme, il intervient dramatiquement à chaque ponctuation de l'action. Des gestes saccadés qui se traduisent par une avalanche de coups émotionnants. Frappe lyrico-wagnérienne. Les Broken Hearts sont bien les romantiques de leur appellation contrôlée.

 

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Chris est au milieu de cette dramaturgie comme un requin dans la piscine. Occupe tout l'espace que ne lui dispute aucun de ses acolytes. Même Jean-Pierre Cardot qui se démène sur les rares parties de piano qui passent à sa portée reste étrangement statique dès qu'il passe la sangle de sa rythmique par-dessus son cou. Z'ont un son reconnaissable entre tous, qui flirte davantage avec la Nouvelle-Orléans qu'avec la réverbération Sun. Instrumental avant tout. L'on a l'impression que la voix est juste là comme un accompagnement, un peu pour enjoliver les lignes mélodiques, au demeurant hyper-speedées.

 

 

Il y a un peu de cérémonial vaudou dans cette façon de faire. Très agréable en surface, peuplée d'alligators affamés par en-dessous. A vous de savoir où vous mettez les pieds. Pays sans assurance pour vous faire rembourser votre prothèse de jambe. Chris et ses Broken Hearts se moquent bien de la fragilité de votre corazon. Vous emportent dans une farandole de zombies. Ont su exprimer l'âme mouillée de l'extrême-sud. Rock endiablé et poisseux. Sortilèges garantis.

 

 

THE ATOMICS

 

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A peine rentré à la maison j'ai ouvert l'ordinateur pour relire la chronique 122 du 13 / 12 / 12. Cherchai confirmation. Etait-ce le même groupe que je venais de voir ? Il y a plus d'un chat qui s'appelle minou. Mais non, je ne m'étais pas trompé, les mêmes et les pareils. Même que ce que j'ai écrit il y a cinq mois correspond à peu près à ce que j'ai regardé à Appoigny. Mais pas du tout à ce que j'ai entendu.

 

 

Je rappelle que dans le minuscule café de nous étions serrés comme dans une boîte à sardines. Mais je n'avais pas réalisé que c'était aussi une boite à sourdine. Aurais pu y penser en début d'après-midi lorsque durant la balance ils nous avaient balancés deux instrumentaux brut de décoffrage. Mais là, en direct live, sur la grande scène de la vaste salle c'est totalement transformé. J'ai toujours plaint les tordus qui visionnent un western tourné en kinopanorama sur l'écran de leur portable. A Thorigny-sur-Marne les Atomics m'étaient apparus comme un groupe sympathique. En Appoigny ils se sont transformés en un gang de tueurs électriques.

 

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Dans la salle sont loin de jouer à la rock'n'roll star. Se mêlent au monde, incognito. Thierry – vous laisse deviner lequel – dira même qu'ils sont presque timides, oui mais une fois derrière leur instrument, ce sont des maestros du manche. Combo de base : contrebasse, batterie, guitare. C'est Raphaël le soliste qui assure le chant. Envoie aussi de superbe roquettes avec sa Gretsch Penguin au lettrage lamé d'or. Me suis éloigné de tout devant pour me mettre à la même distance que dans le café. Ca claque de tous les horizons. Tornade rock se pointe sur vous. Inutile de courir vers les abricotiers, ils bazardent des pruneaux, gros comme la mort.

 

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Ne sont que trois, mais ça forme un tout indissociable. Ca sonne comme un groupe anglais de la belle époque. Commence à comprendre pourquoi leur nom revient toujours avec respect dans les conversations. De tous les groupes de la soirée ils sont celui qui tire le plus vers le psychobilly même s'ils n'en possèdent pas l'apparence anarchisante – et peut-être même n'en partagent-ils pas la philosophie - qui va de pair. Et en même temps très respectueux des racines.

 

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Pour moi c'est la découverte de la soirée. A regarder de près. Nous y reviendrons. Un set trop court car il se fait tard et il reste encore un groupe à passer. Le public décrochera un dernier morceau, mais rien de plus.

 

 

GHOST HIGHWAY & FRIENDS

 

 

Un trou dans le gruyère passe inaperçu, mais un absent chez les Ghost ça se remarque aussitôt. Un + un + un, on a beau raconter ce que l'on veut, ça ne fait que trois. L'en manque un. Avons déjà croisé Jull et Phil et même papoté avec Zio autour d'un sandwich. C'est donc Arno, en vacances nous explique Jull au début du set. Pas de panique Lucas - celui que je surnomme parfois Eddie - des Howlin' Jaws est déjà sur scène guitare sèche sur la poitrine.

 

 

Vont se débrouiller comme des chefs. Un set de toute beauté. Sautent les morceaux habituellement chantés par Arno et puiseront dans les classiques pour combler les trous. Très vite Jull passe sa guitare à Lucas et la reprendra un peu plus tard sous les rires de l'assistance qui les traite de Jallies. Si vous voulez mon avis personnel Lucas aurait pu prendre une seconde gratte électrique ce qui n'aurait pu qu'enrichir le son. Se lancent dans Country Heroes leur morceau de bravoure. Country Heroes sans l'harmo d'Arno faut oser. Jull est au chant et Lucas à la manoeuvre sur la Gretsch, c'est à lui que revient la difficile tâche de réorchestrer le morceau, improvise avec doigté et émotion, de l'autre côté de la scène à peine Zio frissonne-t-il les cordes de la contrebasse, silence dans la salle jusqu'à ce que s'élève le sifflement de Phil qui libère la tension contenue. Applaudissements à tout rompre.

 

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Ensuite c'est un festival de bonheurs. J'admire le jeu de Jull, davantage aux premières loges que dans un concert des Ghost traditionnel. Cette façon bien à lui d'amener le riff au moment opportun, et peut-être plus difficile, de le ranger, de le mettre au placard alors qu'il serait si facile de jeter de la poudre aux yeux de l'assistance en le faisant miroiter et flamboyer sous toutes ses faces encore et encore. Jeu d'équipe, le plus ardu est de dégager aux compagnons l'espace où s'exprimer pour ensuite mieux relancer la machine, mais selon une autre structure rythmique. Jull utilise le riff en contrepoint. Ne tisse pas avec, tire comme l'archer, une flèche après l'autre selon la nécessité mais sans les gaspiller à la va-vite. Science économique du riff chez Jull, ne l'employer qu'à bon escient. Un cheval de guerre ne tire pas la charrue. Faut une sacrée maîtrise d'égo et un sens exceptionnel de l'architecture du morceau. Savoir comment mais surtout connaître d'instinct quand.

 

 

Les friends arrivent en masse pour le boeuf. Trois électriques sur le plateau et Jull à la rythmique. Chaque soliste y va de son solo, et nous n'avons pas affaire à des manchots. Ni à des tricoteurs de l'infinie impuissance. Un Lucas des Hawlin, un Raphaël des Atomics, un Thierry Credaro ont compris depuis longtemps que la créativité ne se complaît pas dans les méandres de la langueur, faut être incisif et ne pas s'attarder pour éviter de se répéter. Seront tour à tour chaudement applaudis mais voici que Jull lève sa sèche vers le micro, et entame son petit solo pratiquement à stacato, n'a pas la puissance de la Gretsch ni le feuilletté tonifiant des micros adaptés au jeu personnel du musicos, mais il n'y a pas que la technique industrielle, existe aussi – car acquise après une infinie patience de répétitions similaires et d'expérimentations aventureuses – la résolution instinctive de questions que l'on a appris à se formuler à soi-même afin d'être capable d'y répondre.

 

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Dans les années soixante certains se trémoussaient sur Leçon de twist, ce soir beaucoup sont restés béats d'admiration devant la démonstration de guitare rockabilly proposée par Jull, les Ghost et les friends. Je rajoute in extremis la trop rapide apparition de Djivan des Howlin' ( décidément à l'honneur ce soir ) qui feule dans le micro avec une feinte nonchalance toute vincetaylorienne avant de nous laisser tomber comme de vieilles chaussettes ( noires ).

 

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THE END

 

 

Quatre heures du matin la teuf-teuf mobile s'arrête devant la maison. Salsa frétille de la queue. S'est amusée comme une folle sur la pelouse et s'est faite carresser par des dizaines de mains câlineuses. Me regarde en coin. Pas besoin d'aboyer j'ai compris la question : «  Rockxerre Gomina IV, c'est pour quand ? » Puis elle a ajouté, vaguement condescendante : «  Je dois avouer que les Jallies ont du chien. »

 

Damie Chad

 

 

CROCKROCKDISC !

 

 

 

THE BLACK PRINTS

 

 

How Much / There's Rock'n'Roll On The Radio / My Chick's Is Punky Doll / That's Life Baby / Two Tones Shoes / Go Back / Blue Jean Girl / Rockin' Truck / Rock'n'Roll Blues / 100 % Rockabilly.

 

Olivier Clement : gt, v / Thierry Clement : p / Jean-François Marinello : b / Yann Leignel : d

 

 

Magnifique objet. De quoi en être vert de jalousie. Me suis demandé à quel artiste les Black Prints avaient confié la pochette, mais c'est Yann qui s'y est mis tout seul. N'est pas tombé dans le piège nostalgie fifty vintage, a pondu un ovni graphique du vingt et unième siècle, simplicité des formes et impactage foudroyant. A l'intérieur, c'est encore plus beau. Unité conceptuelle de l'ensemble, toute la différence entre le dessin qui tend à reproduire le monde et le dessein qui tente d'en infléchir le sens.

 

 

Genre de truc que les groupes rockab qui ont l'intention de sortir un CD dans les mois qui viennent ont intérêt à étudier, risque d'agir comme la datation au carbone, coup de vieux sur les images pieuses de la répétition sempiternelles des clichés des temps passés.

 

 

Veux bien croire que vous soyez davantage intéressés par la musique que par l'art pictural. Sous le sapin de Noël il arrive souvent que le papier d'emballage soit plus beau que la cravate qu'il contient...

 

 

Enregistrer un disque est un instant de vérité pour n'importe quel groupe, mais encore plus pour les combos de rockab qui sont écrasés par l'héritage encombrant parce que quelque part indépassable qu'ils s'acharnent à transmettre pour raisons autant hommagiales que organiques, sous forme de sacro-saintes reprises que parfois l'on exhume comme de précieuses reliques.

 

 

Les Black Prints ont sauté le pas. CD de dix morceaux originaux. La moindre des exigences si l'on veut laisser une trace dans l'histoire du rock'n'roll déjà bien encombrée. Ne reste plus qu'à appuyer sur la touche play...

 

 

Ca commence par du rock'n'roll et ça finit par du rock'n'roll, et entre les deux, faites la grimace si vous n'aimez pas cela, il n'y a que du rock'n'roll. Désolé pour les répétitions, mais c'est l'exacte réalité de ce CD. Premier conseil, c'est écrit au dos de la couve et il faut le suivre, play it loud ! N'hésitez pas à réveiller le bébé de la voisine, de toutes les façons vous ne l'entendrez pas pleurer. Deuxième conseil : écoutez et laisser venir à vous les anges noirs du rock'n'roll. Vont vous entraîner dans une méchante sarabande.

 

 

Du début à la fin, ça file à la vitesse d'une locomotive, droit devant et sans jamais s'arrêter. Et quand ça stoppe vous remettez à la case départ. Dix titres et pas le temps de s'ennuyer. Non pas parce que la vitesse vous emporte mais parce toutes les trente secondes il se passe quelque chose. C'est construit comme une espèce d'oratorio de soli qui se suivent sans se ressembler. Toujours surprenants, montés comme des plans de cinéma d'action que l'on raccourcit au maximum pour vous propulser au coeur du combat et vous surprendre à tout moment.

 

 

Foisonnant de partout, entre la basse reptitlienne qui rampe et ondule sur le sol, la batterie amphionéenne qui édifie des tours de guet, les percus qui assurent les giboulées de neige et les guitares folles qui cavalent dans tous les sens, vous êtes sans arrêt sur le qui-vive, énervé à l'idée que vous pourriez laisser passer un épisode devant tant de profusion. Marche triomphale et héroïque, pas de temps mort, pas de pont que l'on franchit pépère sans se mouiller les pieds, mais des escarmouches à tous les gués qui se présentent. Pas pour rien que l'on a appelé Thierry Credaro et Tonny Marlow en renfort. Et la voix d'Olivier qui mène l'assaut.

 

 

La totale. La carrosserie et le moteur. A explosions. Les Black Prints ont frappé très fort. Un disque qui envoie un grand coup de fouet dans la fourmilière du frenck rockab. Une empreinte noire que l'on n'est pas prêt d'oublier.

 

 

Attention : pour les collectionneurs le disque sera bientôt disponible en vinyl 25 cm.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

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