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30/04/2013

KR'TNT ! ¤ 142. / VINCE TAYLOR / BILLY POORE /

 

KR'TNT ! ¤ 142

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

02 / 05 / 2013

 

 

ATTENTION !

Cette livraison 142 arrive avec deux jours d'avance, la 143 risque d'avoir un ou deux jours de retard ( n'en profitez pas pour oublier d'apprendre par coeur la 141 ) nous sommes en effet en mission ultra-secrète pour le compte du SRR.

Keep Rockin' Till Next Time !

 

 

 

VINCE TAYLOR / BILLY POORE

 

 

JET BLACK MACHINE ( ii )

 

 

LE DERNIER COME-BACK

 

DE

 

VINCE TAYLOR

 

 

JEAN-MICHEL ESPERET

 

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Apparemment, je dis apparemment car je ne l'ai pas eu entre les mains, il s'agit d'une réédition d'un livre paru en auto-édition chez Praelego ( sorti le 28 / 08 / 2012 ) intitulé Come-back, Roman Biographique sur Vince Taylor et repris sous le titre monozigotique Le Dernier Come-back de Vince Taylor, tout de suite suivi de la mention roman. Ce qui a son importance. Et publié en avril 2013 chez L'Ecarlate.

 

 

L'Ecarlate est une maison d'Editions liée aux Editions de L'Harmattan. Ce qui est un peu ironique puisque Guillaume Chassang fondateur de Praelego avait fondé son propre espace littéraire après avoir clashé avec L'Harmattan dont il réprouvait les méthodes éditoriales. Penserais plutôt que ce sont des dissensions d'ordre politique qui auront précipité cette incapacité de collaboration. Jacques Chassang s'inscrivant dans la mouvance très droitiste de Philippe de Villiers et L'Harmattan très engagé dans la défense d'une Afrique en proie aux tourments du néo-colonialisme...

 

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Roman donc. S'agit ni plus ni moins d'une biographie. Mais roman, car au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture les personnages secondaires disparaissent peu à peu. Un lecteur peu au fait de l'histoire de notre rocker n'y prendra peut-être pas garde puisque le projecteur se resserre sur la figure centrale de Vince Taylor et il ne lui viendra peut-être pas à l'idée de se demander pourquoi les témoins les plus immédiats de sa vie ne sont plus que des ombres invisibles et anonymes.

 

 

C'est que Vince Taylor reste la mauvaise conscience du rock français, je ne parle pas du show-biz, dans ces milieux d'affaires et de gros sous tous les coups sont permis et si l'on étend le tapis rouge sous les pieds des gagnants, l'on n'éprouve aucune pitié pour les perdants. Mais des fans. Qui se sont comportés d'une manière exemplaires. Je ne dis pas qu'il n'y eut pas chez certains quelques arrières pensées de profit immédiat mais la majeure partie de la carrière et même de l'existence de Vince Taylor fut portée à bout de bras par de petits groupes de fans de la première heure qui tentèrent de le remettre en piste. Mais à l'impossible nul n'est tenu, ils ne possédèrent jamais la puissance financière et le carnet d'adresses nécessaires à leur rêve de come-back triomphant. Leurs échecs – car ils n'essayèrent pas qu'une seule fois – causa bien des colères. L'on s'accusa de tous les mots, les noms d'oiseaux volèrent à tire-d'ailes et aujourd'hui trente ans après la mort de Vince les plaies ne sont pas toujours refermées. Très précautionneusement Jean-Michel Esperet n'a pas voulu rouvrir les blessures et permettre aux querelles de rebondir. L'ombre de Vince n'a point besoin de ce genre de déballage. Les noms ont été effacés, délibérément omis. Dans quelques années peut-être sera-t-il possible de rendre à chacun la pleine et entière responsabilité de ses agissements en faveur de Vince.

 

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Mais le lecteur ne se plaindra pas de cet étrange parti-pris biographique. Imaginez tout de même que vous racontiez la vie d'un de nos présidents de la République en vous abstenant de mentionner le nom des ministres de son gouvernement ! Etrangement ce resserrement de l'écriture autour du héros a contribué à l'instiller d'une dose non négligeable de condensation poétique. Le personnage de Vince Taylor en devient encore plus exemplaire et héroïque.

 

 

IN THE BEGINING

 

 

Pourtant l'on ne peut pas dire que Jean-Michel Esperet soit en admiration béate devant Brian Maurice Holden. Ne lui passe rien. Je le taxerai même d'injustice, il s'en faudrait d'un chouïa qu'il ne l'accusât d'être venu au monde dans une famille prolétarienne ! Si en plus de leurs propres fautes les enfants doivent se charger des péchés de leur père, nous nageons en pleine théologie ultra-calviniste. Sont-ce les accointances de Jean-Michel Esperet avec la République Helvétique – il réside en Suisse depuis 1995 - qui l'auraient influencé ?

 

 

N'a pas eu une enfance heureuse le petit Brian. L'est né le quatorze juillet ( extraordinaire marque de prédestination française ! ) 1939, juste à temps pour connaître les joies du Blitz, sirènes, bombardements, fuites vers les abris... Mais cela n'est rien, lorsque la guerre s'arrêtera, il comprendra que l'amour familial n'est pas au rendez-vous. Il est le petit dernier d'une couvée de cinq, la bouche de plus à nourrir quand on considère le problème sous son aspect le plus pragmatique.

 

 

Emigration aux Etats-Unis, en 1946. Assez tôt pour entendre encore gamin Frankie Laine à la radio et être touché de plein fouet par le phénomène Elvis en pleine adolescence. Le père qui a trouvé du travail dans les mines préfèrera bientôt rester à la maison pour téter de la bouteille. Dans la famille alcoolo, passez-moi the father, mais n'anticipons pas. La mère se tue à faire les ménages. Le petit Brian se trouve très vite deux dérivatifs : l'école en laquelle il s'américanise à souhait, et la piscine, il y apprend si bien à nager qu'à dix-sept ans il devient maître-nageur. Beau garçon, chéri de ces demoiselles il perd aussi vite qu'il la leur hôte sa virginité.

 

 

LE DESTIN

 

 

L'est bien parti pour finir directeur de la piscine municipale. Mais l'ange du destin veille. Apparaît sous la forme du beauf bienveillant. L'a maqué sa blondinette de soeur en tout bien tout honneur. Pousse même la gentillesse jusqu'à verser une pension alimentaire au père et promet de s'occuper du l'ado monté en graine au devenir incertain. Le pire c'est qu'il tient ses promesses et emmène la famille à Hollywood.

 

 

Le futur roi des blousons noirs parisiens mènera une vie de blouson doré. Existence facile, n'a qu'à ouvrir la bouche pour avoir ce qu'il veut. Désire tout et n'importe quoi. Devient un assisté de luxe qui se fatigue très vite de ses foucades. Le goût méritoire de l'effort lui est inconnu. En bout de piste il décide de devenir aviateur comme son frère aîné, mais lors de son premier vol sans accompagnateur pour l'obtention de son premier brevet il n'arrive pas à arrêter son engin qui s'en vient percuter les coucous du club... Tombe de haut.

 

 

C'est alors qu'il se souvient de son succès au bal du lycée quand avec un groupe de copains il a repris quelques morceaux d'Elvis. Il sera donc chanteur de rock.

 

 

ENGLAND

 

 

Le beauf n'est pas idiot puisque Presley tient la première place aux States il serait illusoire de vouloir le détrôner en son pays, tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, le jeune Brian atterrira avec une longueur d'avance. Retour au pays natal en 1958, avec le beau-frère qui tient le rôle du Colonel Parker.

 

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Le projet peut paraître aventureux mais avec de l'oseille en poche, de l'audace et un peu de chance, pourquoi pas ? Il est vrai que lorsqu'il arrive on ne l'attend pas, Johnny Kidd, Billy Furyy, Marty Wilde, Cliff Richard sont déjà au boulot. Mais Brian Holden devenu Vince Taylor va coup sur coup réussir deux coups d'éclats. Parvient à recruter un peu au hasard un fameux quatuor de musicos qui prendra le nom de The Playboys. Donnera de ce fait quelques shows particulièrement sauvages qui attireront l'attention sur lui. La firme de disques Parlophone le contacte pour enregistrer... produira deux disques dont le second comporte un des plus beaux classiques du rock'n'roll Brand New Cadillac.

 

 

Nous sommes en avril 1959, mais la soupe ne prend pas. La carrière de Vince patauge déjà dans la semoule. La cadillac reste au garage, seuls les amateurs la connaissent. Mais Vince est sûr de lui, il rompt avec le beau-frère et la manne financière qu'il représentait : désormais il se débrouillera seul comme un chef. A part que c'est Cliff Richard qui s'affirme de plus en plus comme le Presley anglais...

 

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L'a beau emballer les minettes, l'a beau tirer des plans sur la comète, l'a beau enregistrer Jet Black Machine chez Palette un deuxième classique immortel les engagements se font rare et la situation plaît de moins en moins aux Playboys, elle devint si tendue que sur un coup de tête Vince repart aux USA. L'on imagine les sourires sarcastiques du beauf... Vince le vaincu repart au début de l'année 1961 faire patte blanche aux Playboys qui le reprennent comme chanteur d'appoint puisqu'ils en ont embauché un autre, Duffy Power, moins performant. Les sept et huit juillet la tournée fera un crochet vers Paris. Vince est en marche vers son destin.

 

 

FRANCE : ACTE I

 

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La chance sourit-elle à ceux qui ne le méritent pas ? Eddie Barclay ne décolère pas. Les disques Philips viennent de décrocher le contrat de Johnny Hallyday qu'il voulait à tout prix. Ne sait pas comment il se vengera de cet affront mais il n'aura pas le temps de laisser refroidir le plat, le six juillet il est invité à la répétition des Playboys à l'Olympia. Il n'en croit ni ses oreilles, ni ses jeux. Voici des musiciens qui jouent mille fois mieux que tous les français réunis et cette espèce d'étalon fougueux, habillé de cuir noir, avec son gros médaillon autour de cou possède un jeu de jambe et de hanche au moins égal à celui d'Elvis. Petit Johnny a du souci à se faire. Dès la fin du set il les attend dans la loge, le stylo et le contrat à la main.

 

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Faut battre le fer quand il est chaud : en sept séances Vince et les Playboys enregistrent vingt-trois morceaux. Jean-Michel Esperet est bien sévère avec le résultat des premières sessions, ces titres dispatchés sur les premiers quarante-cinq tours français de Vince Taylor étaient de par leur qualité d'une valeur sans égale avec tout ce qui s'était enregistré en notre pays jusqu'à lors. L'on peut affirmer que les originaux de Chuck Berry, Buddy Holly, Little Richard, Eddie Cochran, sont inégalables mais ces versions furent pour toute une partie du french public le premier accès direct au rock'n'roll américain qui ne soit pas de seconde main. Il fut ressenti par tous les amateurs que Vince Taylor possédait une légitimité que nos rockers nationaux n'avait pas.

 

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Cette force naturelle de Vince Taylor fut aussi sa principale faiblesse. Pour une fois si Eddy Barclay ne manqua pas de flair il commit une erreur de stratégie notoire. Pour qui avait observé l'évolution du showbiz aux Etats-Unis et en Angleterre d'un oeil avisé, il était évident qu'en 1961, l'acte I du rock'n'roll sauvage s'achevait. L'industrie du disque s'acheminait vers une aseptisation pop. Déjà l'on avait limé les griffes de Presley et de Cliff Richard. Lâcher en liberté sur le territoire français la panthère noire du rock'n'roll n'était pas un bon calcul.

 

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Les premiers mois Vince Taylor fit illusion. Johnny eut du souci à se faire, même si c'était le profilage de sa carrière qui épousait le sens de l'histoire. Vince possédait un charme fou, toutes les jeunes femmes cédaient à ses sourires carnassiers et les blousons noirs en firent leur idole. Terrible caution qui attira le déchaînement de la presse et qui pesa très lourd ultérieurement pour ses futurs come-back car sa base de fans était prête à crier à la trahison au moindre relâchement rock...

 

 

PLUS DURE SERA LA CHUTE

 

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Vince ne vit rien venir. Tout lui souriait, les filles, le whisky, l'alcool, les cigarettes, les joints, les amphés... tout était bon et contribuait à sa légende dorée. Mais en face l'on s'activait avec efficacité, Salut Les Copains, le magazine et l'émission d'Europe 1 choisirent leur camp : celui de Johnny, plus consensuel, qui dès 1964 partirait sagement au service militaire... Ce fut une conspiration du silence ( radio ) savamment orchestrée et d'une redoutable efficacité. Rien n'y fit pas même la pétition des fans adressés aux disques Barclay pour que Vince puisse enregistrer un nouveau disque. Eddie Barclay retirait ses billes. Il est humain de se tromper mais miser sur un cheval condamné est une pure folie...

 

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La pente glissante de l'enfer toujours pavée de bonnes intentions commence dès 1963 avec déjà un come-back annoncé. Les Playboys ont été rachetés par Johnny et sa thunderbird noire par... Claude François. En 1965 avec Vince ! Taylor enregistre le plus beau trente-trois tours du rock'n'roll français... qui sortira dans l'indifférence générale. N'y a que les Rolling Stones qui s'aperçoivent lors de leurs trois shows à l'Olympia que passer après leur première partie est difficile. Entre chauffer le public et faire un tabac il existe une marge à ne pas franchir. Prendront soin de rayer le nom de Vince Taylor des étapes suivantes de la tournée. Play with fire, d'accord mais tant que le feu ne brûle pas.

 

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C'est la chute, Vince habite chez des copines, il boit de plus en plus, dépression, cachets, séjour en clinique, le LSD lui laissera des séquelles à vie, crise de mysticisme, tout se dérègle... n'est plus capable de tenir sur scène, même s'il trouvera épisodiquement jusqu'à sa fin des bars de dix-septième catégorie et des boites pourraves qui acceptent de prendre le risque de le faire passer car il déjà une légende...

 

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Vince n'est plus qu'un tourbillon dans sa tête, mais dans celle des autres il reste le grand, l'inimitable, the first Vince Taylor. L'on n'a pas su retenir Gene Vincent en France alors une chaîne de solidarité va se créer, fans et musiciens vont s'associer pour essayer de remettre la vieille locomotive essoufflée sur les rails. Sortiront quelques albums notamment chez Big Beat sous la houlette de Jackie Chalard qui contiennent quelques merveilles. Le seul à ne pas à croire à sa résurrection reste Vince lui-même. N'est pas christique, serait plutôt du côté de Sader Masoch. N'en rate pas une pour tout faire capoter. L'alcool aidant l'on dirait qu'il le fait exprès. Fatigue les plus dévoués.

 

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SUISSE

 

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Un silence complice s'était établi sur les quatre dernières années de Vince Taylor en Suisse. Lui-même n'avait-il pas déclaré à un journaliste que c'était là les plus belles années de sa vie ? La légende disait qu'il était devenu mécanicien d'avion. Qui aurait été fou pour monter dans un avion réparé par Vince Taylor ! Mais non, ce ne fut pas une ère de paix.

 

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Recueilli in-extremis par une ancienne fan il mena une double vie de poivrot et de coq en pâte. Chouchoutée par une jeune femme qui l'aima au point de lui sacrifier sa vie et sa fortune il continua à boire et à rouler dans sa tête brumeuse les phantasmes d'un impossible retour... Il s'éteignit le 27 août 1991, les os rongés par le cancer. Je vous laisse lire la superbe épitaphe que lui dresse Jean-Michel Esperet à la dernière ligne de son bouquin. Rien que pour elle il vous faut acheter le bouquin. Elle a la concision et la force des meilleures sentences relevées sur les tombeaux grecs antiques.

 

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FRANCE

 

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C'est notre plus grand rock'n'roller. Merci à Jean-Michel Esperet de lui avoir consacré ce livre. Sans concession. Soulève un à un les langes de la légende et elle n'en est que plus noire. Que davantage rock'n'roll.

 

Damie Chad

 

 

( PS : ce Jet Black Machine II n'est pas la chronique que je vous avais promis à la suite de du J.B.M. I - voir livraison 52 du 12 / 05 / 11 - elle paraîtra plus tard intitulée J.B. M. III. Simple logique aristoto-euclidienne )

 

 

ROCK-A-BILLY / BILLY POORE

 

A Forty-year Journey

 

( Hal Leonard Corporation / 1998 )

 

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Le Rock à Billy

 

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Pendant que la teuf-teuf mobile fonçait vers la capitale et qu'une mémé acariâtre remplissait un seau d'eau de javel pour arroser Damie Chad venu voir les No Hit Makers aux Combustible on se prélassait confortablement dans un canapé avec un bon livre. Comme dirait Bourdieu, jouer les grosses feignasses, oui, mais avec un objectif ! Et quel objectif ! Traverser les quarante ans de souvenirs de Billy Poore, rassemblés dans un gros ouvrage format 21 x 27, paru en 1998. L'ouvrage s'intitule Rockabilly, A forty-Year Journey. Trois cents pages d'une rare densité, qui tiennent bien le lecteur en haleine, un livre qu'on voudrait sans fin, tellement qu'il sent bon le fan. Billy Poore commence à rédiger ses mémoires en 1954, à l'âge de dix ans. Comme d'autres gosses de sa génération, il va prendre Elvis en pleine poire, d'où ce penchant fatal. Il fera comme Bob Luman voyant Elvis sur scène pour la première fois : il décidera de consacrer sa vie au rockabilly. Bob Luman deviendra le rockab légendaire que l'on sait et Billy, lui, organisera à partir de la fin des années soixante concerts avec tous les géants du genre en activité, de Charlie Feathers à Conway Twitty, en passant par Jack Scott, Narvel Felts et Janis Martin. Billy Poore est l'un des témoins clés de cette aventure. Il redit l'importance viscérale du rockabilly à maintes reprises, au fil des pages, et au moins aussi bien que le fait Max Décharné dans son Hipster's Guide To Rockabilly Music, A Rocket in My Pocket ( fraîchement traduit en français et chroniqué par Damie Chad – qui doit bien être le seul à s'être penché sur la chose ).

 

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Billy Poore vous fera sauter d'émotion en émotion, tel le cabri de rocher en rocher. Ses grandes pages bien remplies fourmillent d'images justes et rondes comme des notes de slap. Justement, il attaque avec Elvis et une double révérence : le fameux son de Sam jamais reproduit ailleurs et le jeu de jambes d'Elvis jamais égalé. C'est exactement là que toute la folie du rockab prend sa source. Pour Billy, le second disque d'Elvis, Good Rockin' Tonight, est le plus grand rockab de tous les temps. Le ton est donné. A partir de là, Billy tient son lecteur par les couilles. Et il ne le lâchera pas. Billy rend ensuite hommage à Carl Perkins qu'il hisse sur un piédestal : l'un des plus grands guitaristes de l'histoire de la musique, pas moins. Et il n'exagère pas tant que ça. Il suffit d'écouter le solo sublime que Carl joue en picking dans Movie Magg.

 

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Furtive évocation de Meteor Records, l'antre du rockab primitif : Narvel Felts nous fait baver en affirmant qu'on trouvait ses disques dans tous les juke-boxes du Sud des Etats-Unis. Meteor toujours, avec cette anecdote croustillante : Sam veut que Charlie Feathers devienne aussi célèbre que George Jones dans la Country et pour Charlie, c'est hors de question. Il ne vit que pour le rockabilly. Alors, il claque la porte de Sun Records et file enregistrer Long Tied Jill et Bottle To The Baby chez Meteor. Quand Sam l'apprend, il pique une crise de rage et va chez Charlie pour l'abreuver d'injures. Hélas, Billy refuse de nous dévoiler le détail de la harangue.

 

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Justement, Charlie Feathers s'octroie la part du lion dans ce livre. Le chapitre Charlie en est même le coeur palpitant. Billy Poore lui rend le plus grand des hommages. Magistrale évocation de carrière, mais aussi des souvenirs qui valent leur pesant d'or. Charlie et son fils Bubba se retrouvent enfermés dans la cave de Billy Hancock lors d'un déplacement à Washington DC. Ils parviennent à s'évader. Episode hilarant. Billy raconte aussi dans le détail l'enregistrement d'un album de Charlie pour Elektra, avec Ben Vaughn, en 1990. Par trois fois, Charlie menace de rentrer chez lui, à Memphis. Chaque fois, Billy réussit à le ramener au studio. Pour les fans de Charlie, ces pages sont un pur régal. Une véritable bénédiction. Là il faut faire une pause pour écouter One Hand Loose.

 

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Gros chapitre consacré à Gene Vincent. Votre petit coeur battra la chamade avec cette tournée au Japon, quand 10 000 fans àccueillent Gene à l'aéroport. Billy va loin, ici encore. Il compare Gene et Elvis. Pour lui, Elvis a la tête du mec qui va séduire votre fille aînée. Gene la tête du mec qui va la violer.

 

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Sam Phillips réapparaît sans cesse, comme l'Arlésienne : dans le gros chapitre consacré aux frères Burnette qu'il trouvait trop country, comme dans celui consacré à Warren Smith, qu'il considère comme le chanteur de country le plus pur, aussi capable de sortir le meilleur rockab.

 

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Les personnages de légende se succèdent à un rythme hallucinant : le petit Larry Collins, onze ans, boule de feu, capable de décocher les gimmicks de guitare les plus rapides de son époque, pendant que sa soeur, Lorrie Collins tissait en secret une relation sentimentale avec Ricky Nelson. Lequel Ricky piquait l'orchestre de Bob Luman ( James Burton et James Kirland ) pour enregistrer ses hits rockab de 1957 ( dont certains composés par les frères Burnette ). En 1985, pris d'une soudaine envie de revenir au rockab, il va récidiver en piquant l'orchestre de James Intveld. Mais cela ne lui portera pas chance parce que son avion s'écrase dans les montagnes. Il avait racheté cet avion à Jerry Lee Lewis qui n'en voulait plus. L'avion avait sacrément besoin de réparations et Jerry Lee en avait une peur bleue. Comme le dit si bien Billy Poore, c'est la seule chose dont Jerry Lee ait eu peur dans sa vie...

 

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On vous a prévenu, c'est un festival incessant. On voit rôder Matt Lucas, batteur et chanteur, voyou et amateur de drogues, et comme Chuck Berry, envoyé au placard à l'âge de treize ans. Hommage appuyé à Alan Freed, inventeur du rock'n'roll, personnage clé de l'histoire du rock et accusé de corruption en 1960. Un type de la commission d'enquête lui demande : « Si on vous propose une Cadillac, vous la refusez ? » Alan Freed rétorque : «  Ca dépend de sa couleur ». On s'en doute, l'humour d'Alan a tapé dans le mille. Il meurt quatre ans plus tard, sans un rond, malade et abandonné de tous ses amis. Billy en fait évidemment un héros. Bon, bref, ils sont des centaines dans ce gros pavé. Tout le monde aura sa dose. Les admirateurs de Buddy Holly, de Big O ou d'Eddie Cochran sont eux aussi très bien servis. Indigestion garantie.

 

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Billy raconte sa période biker et comment il a osé quitter son poste de secrétaire des Pagans, au péril de sa vie. Comme il est américain, il s'intéresse aussi à des choses qui nous échappent comme le Creedence Clearwater Revival et Linda Ronstadt. Il consacre un gros chapitre aux revivalists, comme Robert Gordon et les Stay Cats dont il aime bien la moitié du premier album. Et il rend un hommage appuyé à Dave Edmunds dont l'album Git It reste au rock ce que Stendhal est à la langue française : un symbole de la perfection.

 

 

Le pompeux Cazengler

 

 

( P.S. : a aussi signé deux dessins mais l'ordi n'a laissé passer que l''en-tête Rock-A-Billy Poore : information secrète du SRR – Services du Renseignement Rock )

 

 

 

 

 

25/04/2013

KR'TNT ! ¤ 141. / NO HIT MAKERS / BIG WIREMAN / RIVERSIDETRIO / MATHIAS RICHARD LESTER BANGS

 

KR'TNT ! ¤ 141

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

25 / 04 / 2013

 

 

THE BIG WIREMAN / NO HIT MAKERS / RIVERSIDE TRIO / MATHIAS RICHARD

 

 

ROCKERS KULTURE

 

LES COMBUSTIBLES / PARIS / 20 /04 / 13

 

 

THE RIVERSIDE TRIO / NO HIT MAKERS /

 

THE BIG WIREMAN

 

 

La teuf-teuf mobile hennit au paddock, l'a compris qu'elle ne salirait pas ses pneumatiques dans les plaines fangeuses de la Brie mais qu'elle allait mordre le bitume de la N. 4, direction Paris. On ne la retient plus, se prend pour un pur-sang à l'arrivée de Longchamp. Dès que l'on débouche dans les encombrements de la banlieue, elle se lance dans une course à tombeau ouvert entre les feux rouges avec une porsche. Mister B se cramponne à son siège à chacun des arrêt brutaux et des démarrages foudroyants. Remporte la mise d'une courte tête au dernier poteau.

 

 

Une fois garée on lui tapote les ailes en la priant de ne pas faire la folle en nous attendant. Et l'on s'en va se faire un bel Hellène. Epargnez-nous vos réflexions sur une supposée sexualité déviante, en des termes moins smarts nous nous jetons comme des lions affamés sur un sandwich grec. Un chacun, car les rockers en sortie ne lésinent pas sur la dépense.

 

 

Reste à retrouver la rue Abel. Le garçon poissonnier à qui nous demandons le renseignement nous sort son sourire de requin marteau rusé N° 15, avant de s'enquérir sur notre exacte destination : «  Je suppose que vous dirigez vers les Combustibles », que zoui, que zoui, gazouillons-nous avant que ne tombe sa définitive sentence «  Je m'en doutais ! » tandis que ses yeux ricochent sur nos blousons. Quand bien même se confondrait-il avec les murs, un rocker ne passe jamais inaperçu.

 

 

LES COMBUSTIBLES

 

 

C'est le seul endroit de Paris où l'on n'organise pas une chasse hystérique envers les fumeurs. Au contraire, on en prend soin, on les protège, on les chouchoute, on les parque sous un auvent bâché. A peine vous êtes-vous éloigné de cet abri précaire qu'un videur vous enjoint poliment de regagner la zone de sécurité ultime. Aux étages supérieur une mémé acariâtre qui n'aime pas le rock laisse à intervalles réguliers tomber des seaux d'eau ou de javel sur les imprudents qui stationnent hors du périmètre de protection. C'est le lot habituel du rocker de vivre dangereusement.

 

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Passage à la caisse – dix-huit euros, tarif capitale, pour trois groupes, en fait deux et demi – coup de tampon – une jolie marguerite hippie, pour des rockers ils auraient pu trouvé une tête de mort - ce qui vous permet de sortir et de rentrer à volonté, sans supplément ajouté pour la douche gratuite. Nous montons à l'étage nous en jeter un au comptoir du resto, clientèle séparée pas très rock, genre bobos qui viennent d'encanailler sans risque. Tout compte fait, malgré de tenaces légendes le rocker est un être pacifique. Maintenant ne vous essuyez pas non plus vos mains sur son blouson.

 

 

Descente aux Enfers. La cave est une fournaise. Devant la scène est minuscule, au fond le bar est trois fois plus large. Que voulez-vous, dans la vie il y a des priorités. Pour vous aider à consommer plus, l'on a dû installer un chauffage d'appoint vers le service boisson car la température y dépasse allègrement les quarante degrés. Celsius. Doit y avoir des amateurs de chaleur tropicale car l'espace ne désemplit pas.

 

 

THE BIG WIREMAN

 

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The Big Wireman n'est pas si gros que son appellation incontrôlée le laisse accroire. L'est tout seul. Se déguise sous le nom un peu ronflant de OneManBand. En rock dès qu'on sort un mot d'anglais ça en jette, mais lorsque l'on traduit le résultat de l'équation ne varie pas, le groupe à un seul homme. C'est une tradition qui remonte à loin, le chanteur de blues et de rue qui essaie de survivre avec sa guitare. S'y est greffé des aspects que j'aime moins : l'homme orchestre, regardez tout ce que je sais faire à moi tout seul, numéros de médecine-shows fauchés et la dérive music-hall. L'extraordinaire prestation de l'artiste-total qui finira dans les attractions foraines, les clowns s'en empareront.

 

 

Rien à voir avec le folkleux et sa guitare irrémédiablement umplugged qui mime le Dylan des tout débuts. Une tradition qui se perd, par ces temps-ci. Que voulez-vous depuis l'électrification des campagnes, ma pauvre dame, le monde n'est plus pareil. L'on est ailleurs, à mi-chemin entre le courage et l'esbroufe. Je ne cache pas quelques préventions envers ce mode opératoire. Autant j'admire le côté seul est l'indompté, un contre tous, moi contre le monde entier, postulation sans faille du héros romantique, autant au niveau musical j'émets en général quelques doutes sur la validité rythmique des résultats obtenus.

 

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Guitare sèche électrifiée et tambour à pédale pour le pied droit. Wireman donne dans la sobriété, ne se promène pas avec grosse caisse sur le dos, ni une cymbale sur la tête. Ni harmonica autour du cou, ni pipeau dans les narines. Généralement c'est le genre d'artiste qui ouvre les festivals. Ca permet au public de s'installer, ça meuble le fond sonore et ça ne coûte pas cher à défrayer. Mais arrêtons d'être méchant.

 

 

The Big Wireman s'en tire bien. J'ai l'impression que toute une partie du public s'est déplacée pour lui. Preuve qu'il a ses fans. Ne chante pas mal, gratte plutôt fort et tape avec un minimum de subtilité. Beaucoup de hoquet-hou pour ponctuer les morceaux et reprendre souffle qui auront tendance à disparaître une fois que la voix sera chauffée. Ne sonne pas country, malgré le chapeau de cow-boy - qui fait un peu ustensile de scène artificiel et couleur locale garantie - mais beaucoup plus moderne avec tout de même un léger parfum roots. L'on sent que le bonhomme est passé par de multiples aventures avant d'en arriver à usiner en solitaire.

 

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Ne joue pas au malheureux, a la répartie facile, manie l'humour et l'auto-dérision avec dextérité. Avec ses favoris qui lui mange la moitié des joues, il arbore une gueule sympathique. Le comble c'est que l'on préfèrerait le voir en invité unique pour une soirée qui lui serait spécialement consacrée. En début de concert son apparition crée de facto une espèce de déséquilibre, un peu comme si l'on nous mangeait la moitié de notre hors-d'oeuvre.

 

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A la fin de la prestation je retrouve Mister B qui partage le même avis, sympathique en soi-même mais pas transcendant. Ca manque d'épaisseur pour une ouverture de concert. Davantage une erreur de programmation que la faute de notre loner. Dans un tel contexte The Wireman n'aura convaincu que ses propres aficionados. Avant de quitter la scène, il rappelle son CD en vente pour la modique somme de cinq euros avec des morceaux à la guitare électrique. Peut-être aurait-il été plus judicieux d'emmener la cafetière à micro pour cette prestation.

 

 

THE RIVERSIDE TRIO

 

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Je pressens la mal-donne alors qu'ils sont en train de s'installer. Deux grands-pères s'affairent su le côté gauche. Un papy gentil derrière ses caisses et son absence de rasage poivre et sel - le préféré des enfants, celui qui leur passe tout - et le vieux bougon devant qui surveille sa fender d'un oeil mauvais – lui il doit distribuer les punitions et pas les bonbons. Un organisateur monte sur la scène un disque à la main. Explique que ce trente-trois a changé son existence. En 1985, ce qui ne rajeunit personne. Surtout pas le chanteur qui sur la pochette de ce Flat Broke, Songs for A new Depression – beau sous-titre - ressemble comme deux gouttes d'eau à Brian Setzer, pas celui d'aujourd'hui, celui de la couve du premier album judicieusement baptisé Stray Cats, banane outrageante, moue dédaigneuse, tatouages colorés... L'en est passé de l'eau dans la rivière depuis ces anciens temps. Tellement qu'aujourd'hui ils sont quatre sur scène.

 

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Se jettent à dans l'onde rock sans retenue. Difficile de les suivre. Tantôt western swing, tantôt pionniers, tantôt rockab, tantôt rock'n'roll, forties, fifties, sixties, toute la gamme est déployée, certes toutes ces étiquettes sont mouvantes, mais l'on dirait une formation toute jeune qui n'arrive pas à se cantonner dans un style défini. J'ai prononcé le mot qu'il ne fallait pas, excusez-moi. Sont au point, quoique Mister B parlera d'approximation dans le jeu des guitares. Mick le lead singer se la donne à fond pour faire monter la mayonnaise. Mais elle ne prend pas. Belle voix tout de même, guitare rythmique d'acier et même deux morceaux à l'harmonica. Essaie de communiquer avec le public, mais son anglais à couper au couteau reste lettre morte pour nos oreilles de franchouillards peu doués pour les langues étrangères. Si je devais n'en sauver qu'un ce serait lui. Le contrebassiste est trop passe-muraille, assure avec sérieux mais sans un brin de fantaisie. Le groupe manque d'un vecteur essentiel : la fougue et l'énergie de la jeunesse.

 

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Je ne peux m'empêcher de penser à la semaine précédente, l'est sûr que le Riverside Trio en a dans la bouteille, mais combien ils sont loin d'un combo aussi juvénile que les Whacks. Leur reprise de Diddley est vachement mieux foutue que les passages de jungle beat qui ponctuaient le set des Whacks - faut reconnaître que quand le méchant pépé Chris s'en donne la peine il ne tricote pas mal du tout sur sa machine - mais avec les Whacks, il y avait en plus les orang-outans en folie qui saccageaient le paysage et des tigres altérés de sang qui déchiraient leur proie pantelante sous les arbres. C'était wild à souhait. Ici les singes géants et les gros chats rayés se sont endormis, roupillent comme des marmottes et ronflent avec régularité.

 

 

Après le concert Mister B évoquera les Stargathers ( voir notre livraison 115 du 25 / 10 / 12 ), déjà une légende vivante tellement ennuyante que les neuf dixièmes de la salle étaient sortis pour discuter le coup... Le Riverside Trio s'épargnera un tel camouflet, mais leur honnête prestation ne satisfera pas grand monde. Deux rappels un peu téléguidés par les organisateurs, mais l'on ressentira leur fatigue et leur soulagement à la fin du deuxième. Ce n'est pas qu'ils furent mauvais, c'est qu'ils ne furent pas bons. Un peu pathétiques, peut-être.

 

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Auraient dû passer en deuxième position, en un set un peu plus ramassé. Ou alors en soirée hommagiale avec guest stars invités, spécialement conçue pour les âmes nostalgiques qui courent après leur jeunesse perdue sans espoir. Les combos s'étant succédés à de courts intervalles, à minuit et quelque tout était terminé. Nous reste un goût amer d'une nuitée ratée, trop tôt achevée et qui n'a pas tenu ses promesses.

 

 

NO HIT MAKERS

 

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N'ai pas voulu trop vous déprimer. J'ai interverti les numéros afin de rallumer la flamme de l'espérance éteinte dans votre coeur mélancolique. No Hit Makers sont passés en deuxième position mais je vous les offre en final. Possédaient tout ce qui manque à leurs acolytes d'un soir, l'impact du nombre et l'énergie du rock'n'roll.

 

 

Leur nom est déjà une provocation. Ne revendiquent pas la première page de journaux lus par Monsieur Tout le Monde. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas confiance en eux-mêmes – ils en débordent – mais ils savent que leur parti-pris d'un rock ravageur leur ferme les portes des hit-parades de notre époque. Ne feront peut-être pas de hit mais rallieront le public des connaisseurs.

 

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Frenchies comme leur nom ne l'indique pas. Eric est au chant, casquette et boucle d'oreille, pas très grand mais une présence et une vitalité sans borne. Tient la rythmique – Gretsch sèche à l'ouverture triangulaire – tête de serpent ou sexe de femme je vous laisse choisir entre le yin et le yang - mais peut se reposer sur Vince le lead guitar. Ce tueur doit se jacker directement sur le 6000 volts car il envoie méchant. Une guitare qui sonne et un maestro qui combine les plans plus osés. Avec un seul branché de cette espèce dans un combo de rock, vous êtes déjà certain de vous classer vers le haut du panier.

 

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Contrairement à beaucoup de rockabilly drummer Dan s'est aperçu que sa batterie ne comportait pas uniquement une caisse claire. Se sert de tous les toms et ça vous envoie des tonnes dans les oreilles. Vince peut expectorer du jus par devant sur sa Gretsch orange mécanique, pas de problème il y a quelqu'un derrière à la réception qui bétonne un barrage sonore afin que rien ne se perde.

 

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Larbi ne perd pas une seconde. Il slappe avec méthode et furie. Pas le temps de faire son cinéma, sa main tape et rebondit sans arrêt sur les cordes. Concentré et comme en pilotage automatique dans un rêve intérieur dont nous ignorons tout, mais dans lequel ça doit bastonner dur car on le sent préoccupé par une inaccessible bagarre dont il traduit la chorégraphie intime à grands coups de battoirs rageurs. Tourne presque le dos à ses acolytes tellement il est penché sur sa contrebasse. Combat avec l'ange.

 

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L'ensemble dépiaute sévère. Une onde de choc qui se précipite à votre rencontre comme les chevaux de Poseidon et vous submerge. Pas psycho, mais presque. Un plein wagon de vitamines punk par en-dessous, afin d'arracher les poils de la bête sauvage à pleines poignées. Si vous désirez imiter, faites-nous la grâce de ne pas oublier les accointances rhythm and blues d'une telle musique. Ont Her Love Rubbed Off de Carl Perkins à leur répertoire, le morceau a aussi été repris par les Cramps. C'est un peu cela No Hit Makers, le grand écart entre les racines et l'électricité. Je reviens sur Vince, dans le final, son auriculaire ganté de son étui métallique qui glisse en slide tandis que les autres doigts de la même main traquent les cordes à toutes vitesse. Un pianotage d'orfèvre pour un grondement de mammouth en rut.

 

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Johnny Burnette bien sûr ( existe-t-il un groupe de rockab qui ne reprend pas du Burnette ) mais à leur manière, rugissante. Reculent un peu les frontières puisqu'ils vont chercher le, All I Can Do Is Cry de Wayne Walker - Burnette et son trio se feront les dents sur son Sweet Love On My Mind – comme s'ils voulaient remonter aux racines du rock'n'roll pour mieux lui faire subir un traitement de choc. Offrent le même traitement au Boogie Chillen de John Lee Hooker, mais la modernisation est peut-être moins apparente sur ce titre, le blues bien plus que le rock - quelque part plus proche du jumpin' swing - est par ricochet à l'origine de l'électrification à outrance du rock'n'roll. No Hit Makers ont opéré un choix judicieux. Un son néo-rockabilly résolument moderne.

 

 

Lorsque la prestation s'achève ça râle dur dans la salle. On les aurait bien gardés une petite heure de plus. Quittent la scène sous les acclamations du public qui n'en revient pas de cette maîtrise supersonique qui leur permet d'allier déluge de feu et sobriété élégante. Un set sans équivoque ou bavure. Parfaitement en place du début à la fin. Rien à reprocher. Tout à applaudir.

 

 

RETOUR

 

 

Un petit détour pour dire au revoir aux copains avant de partir. Mumu et Billy en retard comme d'habitude, mais ce coup-ci les Dieux du rock les ont punis puisqu'ils se seront privés de No Hit Makers, n'ont assisté qu'au Riverside Trio. Billy prend la chose avec placidité, de toutes les manières ils jouent mieux que moi !

 

 

Voici Eddie des Ol' Bry dont j'avais oublié de signaler la présence la semaine passée au concert des Howlin Jaws. Puisque je parle des Hawlin, l'on me fait remarquer que j'ai transformé le prénom du guitariste Lucas en Eddie. C'est vrai que Lucas est bien sa dénomination officielle, mais lorsqu'il crapahute sur sa Gretsch je lui trouve la même mine concentrée que Cochran, et comme il joue foutrement bien mon neurone fatigué l'a surnommé Eddie. Acte inconscient et révélateur.

 

 

Toujours les mêmes, et toujours des nouveaux. Notamment un fort pourcentage de présence féminine cette fois. Me fais féliciter plusieurs fois pour mon T-shirt Gene Vincent, mais la teuf-teuf mobile nous attend, et nous repartons vers de nouvelles aventures que nous ne manquerons pas de vous rapporter une prochaine fois.

 

 

Damie Chad.

 

(Pour les photos des No Hit Makers on a choisi sur leur facebook dans une série signée par Audrey Wnent, allez voir sur son facebook personnel ses séries punk, squat, concert et pin-up, la demoiselle est douée, il n'y a pas photo ! )

 

Look books !

 

 

MATHIAS RICHARD

 

 

MACHINE DANS TÊTE

 

 

( editions vermifuge / 2012 )

 

 

Tout se passe dans la tête. Pouvez faire un petit tour dehors si vous le désirez, cela ne changera rien. Le livre en est une parfaite illustration. Commence dans la bonne ville de Tours pour se terminer à Tours. Entretemps l'on s'est payé du mauvais temps, une petite boucle en Croatie aller-retour.

 

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Petit voyage en Europe. Pas organisé par un operator-tour, plutôt au bout de la nuit. C'est à l'intérieur que l'obscurité du monde est la plus sombre. Vous fais grâce du couplet initiatique. Le jeune Dorian Durand n'en sait pas plus quand il revient que quand il est parti. Ironie du destin : pourquoi s'infliger tant de peine pour n'en rien retirer ! Pourquoi se donner un mal de chien à courir après d'improbables horaires d'avion, de bus, ou de train pour n'en réaliser aucun bénéfice !

 

 

C'est que Dorian Durand vit à côté de notre monde marchand. Proclamation de rébellion à la fin du livre. Ne marche pas dans la combine de l'échange monétaire. Pas de tiers payant entre les rapports humains, rapports d'individus à individus, selon les trois mamelles de tout contact. Indifférence, amitié, sexe. Avec des chemins qui se tracent de l'un à l'autre pour mieux se rapprocher ou s'éviter. Tout dépend des circonstances, que nous ne sommes pas les seuls à vouloir maîtriser. Les autres ont aussi leur mot à dire. Savonnent ou obstruent la pente plus souvent qu'ils ne la facilitent.

 

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Parce que Goran lui propose de venir le retrouver au festival de Motovun en Croatie, Durand s'y rend. L'appel de l'amitié a bon dos. Dorian file à Motovun pour mieux se fuir. Ne le présente pas tout à fait comme cela. D'autant plus que dans la valise de sa boîte crânienne il ne lui vient même pas à l'idée de se séparer d'un ou deux axes de sa problématique existentielle. Emporte tout avec lui. Situation critique mais pas de rupture envisageable. Car rompre serait casser les amarres de la réalité et basculer dans la folie. Du monde ou de désespoir.

 

 

Dorian a souscrit à la double option. Kaos partout. Peut traverser tous les cercles, reste toujours en enfer. Peut-être parce que c'est là qu'il se sent le mieux. A débattre. Pays ravagé par la guerre et jeunesse sans futur. Génération after-after-after punk mais toujours sans une once d'avenir. Le monde est malade et Dorian tombe malade. A son tour. Ne peut plus parler. Simple angine ou impossibilité de déclarer quelque chose qui fasse sens. Les antibios guérissent le symptôme mais pas le cancer de la vie qui court vers sa propre mort. Processus imparable, auquel Dorian n'a rien à opposer. Que des corps convoités de jeunes filles qui ne sont pas au rendez-vous, ou alors des mots. Des mots comme la dernière barrière que l'écrivain peut dresser entre lui et l'absurdité du monde moderne. Mais quand on y repense à tous les âges, le monde a toujours semblé moderne à ses contemporains.

 

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Le monde est le cadavre, et nous sommes les vers. Mais il y a pire. Nous aussi nous sommes cadavres, et nous avons un gros ver dans la tête. Même que certains l'appellent le cerveau. Mais cette dénomination fleure bon l'ancien temps. Entretemps nous avons bricolé. C'est une machine qui occupe notre tête. En pilotage automatique. Deux ou trois boutons à notre disposition. Mais sans trop d'interactions possibles. Nous bombarde de programmes que nous ne souhaitions pas vivement.

 

 

Le plus terrible c'est que l'on ne peut pas l'éteindre. Flot continu. Pouvez baisser le son mais les images vous manipulent et même pas à votre insu. Le vieil animal raisonnable de Descartes a perdu la raison, mais pas la conscience. Ruine de l'âme ! Alors en fin de compte ne vous reste plus qu'à accepter la défaite de votre impuissance.

 

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Cent cinquante pages. Aurait pu faire plus, mais ce n'est pas la peine. Il arrive un moment où vous comprenez que l'on n'arrête pas la terre de tourner, même si votre tête tourne en sens inverse. Pas d'équilibre possible. Une pluie diluvienne d'images et de pensées s'abat sur vous en une longue phrase interminable. La vie ne propose pas de point à la ligne. Des séquences, mais pas d'arrêt sur image. Mathias Richard déclenche l'apocalypse. Dorian Durand ne sortira pas vivant de son mode d'être car il est impossible qu'il s'en évade et surtout impossible qu'il meure dans le sien. L'on ne s'échappe pas de soi-même. Si ce n'est par l'artefact de la rébellion qui n'est qu'un leurre, la carotte pour faire avancer le troupeau d'ânes que nous sommes quand le bâton de l'ordre établi ne suffit plus. Toujours un pas de plus dans le vain espoir insensé de trouver le chemin de la sortie.

 

 

Parfois l'on s'imagine qu'il existe un point focal d'encrage, qu'il serait possible de rebrousser chemin vers le commencement de la vraie vie ou de l'amour. Mais ce n'est qu'une hypothèse d'école ( comme disent les jésuites ) à partir de laquelle nous sommes enclins à échafauder la casuistique de notre victoire, mais la machine tourne, tourne, tourne et nous prouve que nous n'avons ni fin, ni commencement, ni queue ni tête, seulement une machine.

 

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*

 

 

Un livre de Mathias Richard fondateur de Caméras Animales ( allez voir le site ) et du Manifeste mutantiste – un des rares ouvrages théoriques intelligents écrits depuis ces vingt dernières années – un livre ultra-punk – mais un punk / destroy / electro – pour ceux qui veulent se faire idée : voir la chronique de Mister Tomer sur Hocico ( livraison 134 du 07 / 03 / 13 ), qui est le seul des artistes dont nous ayons parlé, qui soit mentionné dans la bande-son proposée en fin de volume. Donc pas très rockabilly, mais foutrement rock'n'roll. Psycho.

 

 

A lire de toute urgence.

 

 

Damie Chad.

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

 

ROCK & FOLK. N° 549.

 

Mai 2013.

 

 

Philippe Manoeuvre fête son anniversaire. Vingt ans qu'il dirige le magazine. Pense qu'il s'en sort pas mal. Moi itou, même si j'ai vomi mon petit déjeuner ce matin à cause de lui. Bien sûr je n'ai pas lu l'interview qu'il consacre à Daft Punk – de toutes les manières à part le topo sur les trente labels prestigieux du rock'n'roll, n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent dans ce numéro. Mais je ne lui en ai pas voulu, faut bien vendre et savoir faire des concessions aux maisons de disques, ça permet à l'éditeur d'éponger les grosses factures, et de subsister. En plus parfois les couleuvres doivent être dures à avaler, comme la pub sur M qui bouffait la couverture du 548. Les fourches caudines de la nécessité financière.

 

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Mais lorsque à sept heures vingt et une précise le speaker de la radio annonce Daft Punk, j'omets de tourner le bouton, peut-être est-ce écoutable après tout. Las ! Trois fois hélas ! Un son aigrelet d'engin de chantier qui recule envahit la pièce. Est-ce possible, ce sont ces sortes de plates indigences qu'écoutent nos contemporains ! Je comprends pourquoi aux infos ils viennent de dire que le pays s'enfonce dans la crise. Recul industriel peut-être, mais récession musicale indiscutable !

 

 

Me suis à peine remix de mon malaise que dix minutes plus tard la tentative de démoralisation nationale frape un nouveau coup. Doivent avoir la couve de R&F sous les yeux car maintenant ils annoncent le titre du bas, la huitième merveille du monde, Phoenix – je décide de boire la coupe jusqu'à la lie et je reste. Côte Ouest qu'ils disent fièrement pour appâter l'auditeur, si c'était un livre je dirais que ce serait la collection Harlequin, orchestration cucul la praline, romantisme à l'eau de rose fanée, de très loin ça ressemble aux Beach Boys mais désolé les filles il manque et la plage et les garçons.

 

 

Damie Chad.

 

 

JUKEBOX. N° 317.

 

Mai 2013.

 

 

Heureusement que j'ai l'antidote à la maison. Un article sur le Star-Club de Jerry Lee Lewis. Le truc qui vous requinque un cadavre. Un complément indispensable au bouquin de Jo Bonomo de traduit par Patrick Cazengler que nous avons chroniqué dans notre livraison 134 du 07 / 03 / 13, surtout pour les photos couleur, un peu les mêmes que les nôtres...

 

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Sinon les rubriques habituelles, une vieille interview de Giorgio Gomelsky – nous lui devons les Rolling Stones et les Yardbirds – j'avoue que même moi j'ai pas pu faire mieux. Une interview de Jesse Garon qui se la pète à un point inimaginable, et surtout le reprint du N° 2 de Best du 5 octobre 1968, avec l'abécédaire des artistes qui mange la moitié de la pagination et tout de même deux pages de texte sur l'autre moitié.

 

 

Ce qu'il y a de terrible avec Jukebox c'est que même si vous connaissez tout, tout, tout du rock vous tombez toujours sur une information que vous ignoriez. A collectionner.

 

 

Damie Chad.

 

 

BLUES MAGAZINE. N° 68.

 

Avril / Mai / Juin 2013.

 

 

Notre petit trimestriel préféré. Du blues mais aussi du rock. Notamment la suite de la fois précédente : Partie 2 de Du blues dans le Rock'n'roll en Arkansas. Le mot est à prendre au sens métaphorique de tristesse. S'intéresse aux petits pionniers. Ceux qui ont débuté chez Sun sous la férule de Sam Phillips... et qui ont été remerciés plus vite qu'ils ne l'espéraient. Part One Billy Lee Riley, Part Two : Sonny Burgess. Tout le monde n'est pas Elvis Presley. Ni Jerry Lee Lewis. D'ailleurs eux aussi ont fini par quitter le nid. Sais bien que les amerloques sont des entrepreneurs dans l'âme, mais je me mets à la place du US banquier made in 1956 à qui un enregistreur de musique sauvage venait demander des liquidités. Ce n'était pas que la cause était perdue, c'est qu'elle devait paraître bien aléatoire et bien peu rentable... Phillips n'avait aucune garantie à offrir ni biens à hypothéquer. D'ailleurs Sam lui-même se hâtera de réaliser ses bénéfices pour les investir dans les Holyday Inns, un placement beaucoup moins aventureux.

 

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Avec des Si l'on mettrait Memphis + le Tennessee + l'Arkansas dans une même bouteille de Jack Daniel. Il est inutile de s'interroger : si le patron des écuries du Soleil avait mis le paquet sur Billy et Sonny, seraient-ils devenus Presley Bis et Presley Ter ? Ne voudraient pas rabaisser leur talent mais il faut savoir sinon se vendre du moins se laisser acheter. Le problème c'est qu'il n'y a pas eu d'offres en face. Ont donc essayer de survivre comme ils ont pu. A coups de concerts dans les bars et en enregistrant des morceaux que les labels ne prenaient même pas la peine de sortir. La mode du rockabilly n'a été qu'un feu de paille aux USA. Le rock mène à tout à condition de sortir : dans sa plus grande période d'abattement Sonny Burgess se reconvertira en représentant de dentelles pour robes de mariées...

 

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Comme pour Billy Lee Riley c'est l'Europe qui sauva Sonny Burgess de l'oubli. Très symboliquement l'article est écrit par Bernard Boyat à qui nos connaissances hexagonales du rock doivent tant. Fait partie de ce noyau de fans qui ont porté à bout de bras le rock des pionniers et ce dès les années soixante. C'est en 1958 que Bernard Boyat alors en quatrième découvre Little Richard... la qualité et la richesse de ses articles est aujourd'hui reconnue par les spécialistes américains qui disposent pourtant d'une manne de documents incommensurables.

 

 

Donc un article incontournable. Deux interview à lire de près, celui de Jack Bon l'ancien leader de Ganafoul, un des grands groupes de blues rock français des années 70 et l'inusable Little Bob qui évoque Blues Bastards son groupe consacré au blues déjà aussi légendaire que la Story. Ce qui se fait de mieux par chez nous. Et pourtant la nébuleuse blues nationale est d'une richesse insoupçonnée. Vous faudra déjà deux bons mois pour assimiler et enquêter sur tous ces héros méconnus dont Blues Magazine se fait l'écho.

 

 

Damie Chad.

 

 

18/04/2013

KR'TNT ! ¤ 140. / JALLIES / HOWLIN JAWS / WHACKS / LESTER BANGS

 

KR'TNT ! ¤ 140

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

18 / 04 / 2013

 

 

JALLIES / HOWLIN JAWS / WHACKS ! / LESTER BANGS

 

 

AUBERGE DU PRINTEMPS / GUERARD / 12 – 04 – 2013 /

 

 

THE JALLIES

 

 

Pensais que c'était un truc qui n'arrivait que dans les vieux films genre Le Prince des Vampires, vous savez cette scène d'ouverture dans laquelle le jeune et naïf héros demande à l'autochtone le chemin le plus court pour atteindre la résidence du Comte Dracula, et le pauvre paysan appuyé sur sa fourche change de couleur, passe du bleu de peur au vert de trouille, se teinte du rouge honteux de la trahison ( une séquence très difficile à jouer pour les acteurs du noir et blanc ), puis à mots couverts met notre innocent damoiseau en garde contre l'horreur indicible qui l'attend.

 

 

Suis seul dans la teuf-teuf mobile à Mourrou – une des dernières zones géographiques de la Seine & Marne non encore répertoriée dans l'Atlas Universel - et les six habitants envers qui je m'enquiers de la localisation de Guérard – les deux communes se jouxtent – pâlissent ( je le vois très bien puisqu'il fait déjà sombre ) et perdent contenance. En deux cents mètres j'ai droit à six directions différentes... Puisqu'apparemment tous les chemins mènent à Guérard je fonce droit devant au premier carrefour. La teuf-teuf cahote, il est vrai que ça ressemble à une piste saharienne, heureusement que je longe une rivière, au moins je ne mourrai pas de soif.

 

 

Je brûle, un panneau Guérard ! Je rectifie : je rentre en zone tiède parce que pour les dix carrefours suivants je ploufe, Ploum Des Biches La Saint Sabot, La Cabagnaud Ploum Bêche, je prends, ainsi en a décidé le destin aléatoire de la comptine enfantine, ce petit chemin vicinal ( goudronné en 1923 ) et, n'est-ce pas un exemple magnifique, une irréfutable preuve scientifique, du légendaire flair du rocker en quête de concert : au bout de dix kilomètres, je déboule dans la rue principale de Guérard.

 

 

Si je me lance en solitaire dans si lointaines et hasardeuses contrées, vous l'avez deviné ce n'est pas par pure charité philanthropique, je suis comme ces chevaliers de la Table Ronde à la recherche du graal, et ce soir l'insigne objet de ma passion est à portée de ma main, sis à l'Auberge du Printemps, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, j'ai nommé... les Jallies !

 

 

L'AUBERGE DU PRINTEMPS

 

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Une seule auberge mais elle a fait mon printemps. Même que la pluie s'est arrêtée de tomber lorsque j'ai poussé la porte. J'ai la main dans la poche sur mon cran d'arrêt, avec un nom comme cela qui fleure le film de karaté l'on ne se méfie jamais assez. Je respire, derrière le bar le patron n'est pas en habit de samouraï, pas de sabre à la main mais un franc sourire sur les lèvres, l'est en train de disposer tout le long du comptoir des bols de biscuits d'apéritifs presque aussi grands que des soupières, ici l'on ne lésine pas avec le bien-être du client.

 

 

Ce n'est pas la quarantaine d'attablés sur ma gauche qui mastiquent consciencieusement leur pitance qui me contrediront. A voir leur mine réjouie et à humer les effluves qui s'échappent de la cuisine, l'on devine que c'est bon. Je reste au bar, un rocker en mission ne mange jamais, par contre le règlement n'interdit pas de boire. Dans la deuxième salle j'entraperçois Céline des Jallies qui dévore à pleines dents.

 

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Le repas tire à sa fin, le dessert sera servi entre les deux sets, il est temps pour les Jaillies de se préparer et de revêtir leur vêture d'apparat. Elles font cela discrètement à l'abri des regards inquisiteurs. Mais ici se passe une scène délicate totalement indépendante de la volonté de votre blog-rock favori, si nous la rapportons c'est qu'elle ne sera pas sans conséquence sur le déroulé du concert. Les personnes sensibles peuvent s'abstenir de lire ce paragraphe en entier. Eloignez tout de même les enfants. Votre épouse aussi si vous la soupçonnez d'être d'humeur folâtre. Paulo a laissé tomber son pantalon. Déambule sans pudeur dans son bermuda vert pomme. Tonnerre d'applaudissements dans la salle, nous sommes en pays de connaisseurs.

 

 

Comme par hasard le bar s'est rempli. Alors que les dîneurs nous paraissent être des villageois entre deux âges, pas spécialement entichés de rock'n'roll, qui s'offrent une agréable soirée récréative mensuelle, il l'est rentré tout un public nettement plus rock, attitudes, accoutrements, conversations, tout les trahit, Séverine - c'est l'épouse ô combien charmante du patron – s'active à la pompe à bière.

 

 

THE JALLIES

 

 

Je vous avertis tout de suite, elles ont été mauvaises. Affreuses, atroces, à vomir. Je ne parle pas du concert, qui fut splendide mais de... N'anticipons pas. Les voici donc devant nous. Paulo lui essaie de se faire oublier comme il peut en se coinçant entre le mur et sa contrebasse. Et devant le trio de choc, belles, ravissantes, craquantes. A peine sont-elles sur scène que déjà elles ont conquis tous les coeurs. Vous les auriez vues que vous les auriez demandées en mariage, toutes les trois ensemble ( sinon rien ). Un bouquet de fleurs épanouies. Elles sourient et l'assistance devient euphorique.

 

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Vous dis pas quand elles commencent à chanter. En trois mesures elles emportent le morceau. Avoueront plus tard qu'elles manquent de répétitions, ça ne s'est pas senti. Fougue et swing, à l'arrache si elles veulent, mais quelle énergie, quelle vitalité, quelle joie ! Peut-être le meilleur concert que j'ai vu d'elles, et j'en ai chroniqué beaucoup et ils étaient tous bons. C'est la magie des Jallies, elles emballent tous les publics, des hordes de bikers fous aux citoyens landa, des rockers purs et durs à l'amateur de tout autre genre de musique. Elles ont le truc, le punch qui leur permet de jeter leur griffe sur tout ce qu'elles touchent et s'approprient.

 

 

En plus elles composent. Nous ont présenté de nouveaux morceaux qu'elles sont en train d'enregistrer. Un Swing des Hanches à vous faire installer une prothèse dans les deux mois qui suivent si vous parvenez à tenir le rythme. Il y a de tout dans ces titres mais ce qui en ressort avant tout c'est un son Jaillies, une manière d'entrecroiser les voix qui n'appartient qu'à elles. Jolies minois vous mettent en émoi mais grand talent est davantage étincelant. Vocalises jazz, je ne parle pas de ces ennuyeux exercices de style perfectionnistes qui ennuient tout le monde jusqu'à l'artiste qui donne l'impression de bailler dès qu'il ouvre la bouche, mais de cette flexibilité qui vous fait monter et redescendre les étages à la vitesse d'Eddie Cochran dans Twenty Flight Rock, du halètement à l'explosion, de la compression à la libération, pas un hasard si elles ont du Gene Vincent à leur répertoire, les coups de boutoir de Gallup et les reprises rythmiques des clapper boys. Sûrement pas du rockabilly originel, mais un original swingabilly dont elles sont en train de jeter les bases.

 

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De bleu et blanc vêtue, couleurs classiques, mais un corsage trop échancré pour un corps sage. Ady est comme la musique que j'aime, elle vient du blues, et elle y retourne dès qu'elle hurle dans le micro. Ne geint pas, ne se plaint pas, ça vient des tripes, colère rentrée d'un coup jetée et expectorée à la face du monde. Pas du tout l'esclave gémissante dans les champs de coton, mais la fureur de la guerrière libérée de ses chaînes qui assouvit sa vengeance.

 

 

Céline, ciel de sang dans sa robe amarante, beauté froide des amantes d'Edgar Poe, et braise de volcan à l'intérieur. S'amuse comme une folle avec un air de reine impassible. Intellectualise le monde pour mieux le mettre en désordre. Construit pour mieux détruire. Torche sans flamme qui allume tous les incendies. Elle détient les clés du scat qu'elle laisserait allègrement tomber dans les brisures du Dirigeable.

 

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Vaness, l'infante ultime, lutine et mutine, sourire de miel et voix de poivre. Fragilité d'angelot et demoiselle de fer. Voix rauque de rockeuse, douceur de biche apprivoisée et aboiements de chiennes d'Hécate celles qui mènent la chasse au carrefour de Robert Johnson. Candeur enfantine et tirs de barrage à la kalashnikov dès qu'elle entonne un refrain. Vous croyez qu'elle vous fait le coup du charme, en fait elle vous assassine.

 

 

Prenez les trois, la Guerrière, la Reine et l'Infante, mélangez et vous obtenez comme dirait Baudelaire la divinité diabolique de la Femme. Et je n'exagère pas. Je le répète ce soir elles ont été mauvaises. Pas par rapport à nous, les petites enjôleuses joyeuses, nous ont comblés. Mais le Julot, il en a pris pour son grade. Des méchantes, des perverses, des tarentules. Vaness a même proposé de l'abandonner au public sitôt la prestation terminée. Aux cris d'approbation jouissive de la gent féminine de l'assistance, j'ai pensé qu'il était en futur danger d'épuisement létal... Ca n'a pas eu l'air de lui déplaire. Avec ces trois harpies sur les bras, il est devenu stoïcien Julio, supporte tout avec une égalité d'âme parfaite. Il a définitivement compris qu'avec cette redoutable trinité à ses basques, le pire est toujours certain et à venir. Joue de la basse en philosophe. Faudra un jour le décorer pour son abnégation. Tout le monde a compati. Peut-être que sa petite déambulation en tenue légère a aidé mais au final il a remporté la plus grosse ovation et pourtant les trois princesses ont été acclamées comme les premiers astronautes américains revenus de la lune et paradant dans les rues de New York.

 

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C'est qu'elles nous ont gâtés, une soirée de rires et de rythme, avec cette complicité établie en trois minutes avec le public ravi. Vous fais pas la set-list, vous la rechercherez dans les livraisons précédentes. Ce qui compte est indescriptible, c'est l'ambiance, cette osmose entre les spectateurs et les musicos, naturelle, sans vulgarité de la part des premiers et sans compromission de la part des seconds.

 

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FIN DE SOIREE

 

 

Faut que j'en parle dès que je suis arrivé j'ai maté la table de mixage. Aussi grosse qu'un paquebot de croisière de luxe. Avec équaliseur sur tablette informatique de poche. Facile d'avoir les détails, un groupe de copains, un combo de rock, une association Rock Motors, des services de pro que ma copine retrouvera dès le lendemain au Salon du Livre de Provins dont ils ont assuré l'espace sonore des spectacles.

 

 

Plein de gens sympa et créatifs dont nous aurons à reparler. L'Auberge du Printemps organise une soirée de cet acabit tous les mois, je sens que nous y retournerons. Petite info : le 14 juin, ce sont les Spykers qui s'y collent. Rockabillyband. Bien entendu.

 

 

Un dernier scrupule : les Jallies sont-elles si mauvaises que cela alors que Céline et Vaness m'ont offert leur part de gâteau après le concert ? Perfidie féminine ou recherche d'une rédemption humaine ? A vous de méditer. Moi en tout cas je ne raterai pas les Jallies quand elles repasseront dans le coin. Elles seront le 11 mai à Appoigny, avec Ghost Highway. Difficile de trouver mieux d'autant plus qu'il y aura aussi Chris Almodoa et The Atomics.

 

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Damie Chad.

 

( Pour les photos l'on a piqué sur leur facebook des documents ultra-secrets qui les montre en train d'enregistrer leur prochain et premier disque )

 

 

Q. G. QUARTIER GENERAL / OBERKAMPF

 

/ PARIS / 13 – 04 – 13 /

 

 

HOWLIN JAWS / WHACKS !

 

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Changement total. Finies les campagnes perdues, la teuf-teuf mobile est toute fière d'arpenter le goudron de la capitale. Une fois la maserati au paddock il suffit de prendre le métro et de descendre à la station indiquée. Malgré les jérémiades des écolos il n'y a pas que du mauvais dans l'urbanisation. Je vous avertis tout de même, chers lecteurs, l'on reste sur la même planète mais l'on change de continent. Le rock est multiforme.

 

 

QUARTIER GENERAL

 

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Je remonte le boulevard les yeux sur les numéros de façade. Plus besoin de poursuivre le décompte, à cinquante mètres une cohorte de cuirs noirs stationne sur le trottoir. Presque que des garçons, des chevelus, des hirsutes, des cheveux courts, pas de bananes artistiquement ouvragées, pratiquement tous entre vingt et vingt-cinq ans. Une faune bien différente des concerts rockab habituels. Ne font pas la queue pour entrer – c'est gratuit - discutent, fument la clope prennent le frais et l'humidité car il pleuvote par intermittences.

 

 

La porte est grand ouverte. Bar en face de l'entrée – l'on ne sert pratiquement que de la bière – pas de tables, il n'en reste que quelques unes le long des murs. Le local est en L, le Q. G étant en coin de rue, une situation recherchée pour les cafés citadins et parisiens qui ne pouvaient s'offrir de larges terrasses. Parquet sous les semelles mais on n'est pas chez la marquise de Pompadour, les jours de gloire de l'établissement doivent dater. Un peu crado pour tout dire, l'endroit idéal pour écouter du rock.

 

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Les Howlin sont en train de faire la balance. Pas évident, les lieux s'y prêtent mal. Sont secondés par de bien jeunes gens qui s'avèrent être les Whacks ! Une petite heure de tâtonnements et les festivités peuvent commencer.

 

 

HOWLIN'JAWS

 

 

Au premier rebondissement de contrebasse la salle se remplit comme par miracle. Du même coup le public s'est rajeuni et féminisé. Ne nous laissons pas distraire – nous sommes ici pour les Howlin ! Si on l'avait oublié, Eddie nous le rappelle de quelques accords appuyés lancés au hasard. 1, 2, 3, c'est parti, non Djivan arrête tout et présente le déroulé du concert, d'abord les Howlin, puis les Whacks, encore les Howlin, et les deux groupes ensemble pour finir. Nous souhaite et nous promet une bonne soirée. Très sympa ce cassage de la hiérarchie habituelle, les moins cotés d'abord, les plus reconnus en fin de partie. Un petit parfum anarchisant pas du tout déplaisant.

 

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Mais les promesses n'engageant que ceux qui les croient le public entend juger sur pièce. Preuves à l'appui. Elles ne se font pas longtemps attendre. Tonitruantes, Eddie déchaîne l'apocalypse, à peine croyable l'on croirait qu'ils sont deux à se refiler les plans chaque fois que l'un est à bout de course, mais non il est le seul guitariste du groupe. L'a tout compris de la guitare rock, un riff n'a pas fini de résonner que l'on sort déjà le suivant, pas de temps mort, pas de rétro-dégradation rythmique où l'on repose les doigts et où l'on réfléchit quinze secondes ce que l'on va bien pouvoir sortir au prochain service.

 

 

Djivan au four et au moulin, à la contrebasse et au chant. Ne fait pas l'un et puis l'autre, ne diminue jamais d'intensité sur les cordes quand il est au micro. Eddie peut cartonner en toute confiance, laminage basse d'un côté et estampage batterie par derrière. C'est que Baptiste-le-chanceux abat ses baguettes comme des rafales de mitraillettes. Ponctue et sépare les différentes séquences du morceau. Très vite l'on passe aux Sixteen Tons de Merle Travis. L'instant de vérité, la reprise d'une vieilloterie pré-rockab. Ca passe ou ça casse.

 

 

Ca casse. La baraque. L'ambiance monte d'un ton - non de soixante ! - les Howlin ont trouvé le passage de la lampe de mineur à l'éclairage au néon, l'érection électrique sur les fondations du rockab, l'on respecte la grammaire mais l'on modernise le vocabulaire. Produisent un rock d'autant plus aptes à toutes les échappées que sûr de ses assises. Ne peuvent pas se perdre. Aux sourires satisfaits qui s'échangent dans le public il est sûr qu'ils remportent un premier succès d'estime. Ces gars-là se débrouillent bien, c'est indubitable.

 

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Du respect individuel le public va vite passer à l'enthousiasme collectif, car Eddie fait pleuvoir un déluge d'acier, les morceaux s'allongent et deviennent surprenants, à chaque virage d'adrénaline rock l'on entend des cris d'approbation, la salle tangue comme un bateau ivre. Ouragan en vue, mais Djivan lève le bras et annonce le dernier titre. N'en n'ont pas fait dix et l'on fuit devant la tempête... Le sourire carnassier de Djivan nous rassure. Place aux Whacks, n'ayons pas peur tout à l'heure l'on foncera droit dans la tourmente.

 

 

THE WHACKS

 

 

Sont jeunes. Si ça vous fait rire c'est que vous êtes trop vieux pour le rock and roll. Ce n'est pas de leur faute, et c'est un compliment. Les voici face à nous, noirs de blousons, noirs de cheveux, noirs de blues. Car ils puisent là, dans la profondeur originelle. La différence est flagrante dès les premières notes d'avec les Jaws qui ont revisité le rockab.

 

 

Batteur au fond, Khentin a raison de porter son T-Shirt Serial Drummer car il frappe fort, sans défaillir. Guitariste sur votre droite, bassiste sur votre gauche. Surprise au centre, un chanteur qui ne fait que chanter. Même s'il poussera la coquetterie à faire semblant de gratter une pseudo rythmique sur un morceau. Je dirais mieux, un chanteur qui sait chanter. L'attitude, le balancement du corps, la position du micro, l'a tout cela d'instinct. Inspiré. Fun is boring, en grosses lettres blanches sur son blouson. Signe d'intelligence. Se dénomme Teddy Jungle.

 

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Ne seront pas aidés par le son, surtout Teddy dont le micro sera pratiquement inaudible au bout de trois morceaux. Dommage mais pas rédhibitoire. Le rock est avant tout selon un mode d'être et pas une sono de trente mille watts. Et le groupe nous a refilé trente mille whacks d'énergie pure. Ils ont des titres serpents, ceux qui vous enserrent doucement et vicieusement pour vous étouffer à petits feux, et d'autres du genre aspics et mambas qui ne pardonnent pas. Un rock reptilien, qui se détend, siffle et pique à la vitesse d'une lanière de fouets, ou alors menaçant et fascinant, qui vous ingurgite petit à petit. Comme pour nous prévenir du danger, de temps en temps ils nous offrent quelques mesures de jungle beat à la Bo Diddley avant de chavirer dans une orgie électrique déjantée.

 

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Lou Mowgly Jungle est à la guitare. Lourde tâche. Lance les riffs et lance le signal de la charge. S'en tire assez bien pour susciter les premiers pogos dans le public. Ce sont les enfants perdus de la génération after-punk, ce rock garage de plus en plus déglingué à chaque décennie mais qui tient le coup envers et contre tout. La dernière ligne de crête du combat rock. Le jour où cessera ce bouillonnement adolescent, le rock sera mort.

 

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A la basse, Jimmy est plus concentré en lui-même, moins ouvert sur la foule hurlante, à fond dans la musique, suit les lignes et n'en embrouille aucune, de même Kenthin cogne pour lui, fournit le fond sonore mais pas le service après vente, étrange cette section rythmique légèrement autiste, tandis que le lead singer et le lead guitar se chargent de la communication avec les fans enthousiasmés. A peine les ai-je entendus jouer que j'ai pensé aux Stones des tout débuts, je doute que ce soit-là leur influence mais à l'analyse le fonctionnement du groupe n'en est pas si éloigné.

 

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Prestation un peu désordonnée, des temps trop morts entre certains morceaux, mais tout cela n'est que défaut mineur. Le combo rocke bien, balance juste, le courant passe et la fièvre monte. La foule ondule et se presse. Les Whacks ont frappé un grand coup, et comme le fan de base est par définition un être masochiste, l'assemblée entière en redemande... Un groupe à suivre.

 

 

HOWLIN JAWS

 

 

Le retour. Plus vite, plus fort. Tout électrique. Mais pas le confort. C'est que ça remue salement. La guitare d'Eddie crépite, à jets continus, Djivan sort le grand jeu et Baptiste tape si fort que de temps en temps il est nécessaire de repousser le kit de la batterie vers son siège. Ca pogote à mort. Sans brutalité mais comme des lames de fond qui viennent de l'arrière et que les premiers rangs essaient d'endiguer avant qu'elles ne s'écrasent sur le matos et les musicos.

 

 

Ca hurle et ça trépigne de partout. Lorsque Djivan annonce Memphis Train il est le premier surpris de l'ovation qui est réservée au nom de Rufus Thomas. Suis sûr que la moitié d'entre vous n'en a jamais entendu parler lance-t-il à la foule qui exulte. Une ambiance de fous. Des frelons enfermés dans une bouteille et qui zigzaguent dans tous les sens. La salle reprend les refrains en choeur, à croire que l'on a bûché la set-list à la maison.

 

 

Ce n'est plus un concert mais une ivresse collective. On ne pourra pas dire j'ai apprécié ce concert puisque chacun des assistants a été un atome du concert, échange d'énergies entre les musicos et le public. Alcool, sueur, rythmes, bruits, musique, tout se mêle et vous transporte plus haut. Par les vitres l'on entrevoit les passants qui s'arrêtent frappés de stupeur et dévorés de curiosité devant ce maelström hystérique. Imperturbable Djivan joue à char perché sur et avec sa contrebasse.

 

 

Les Jaws sont les maîtres du sabbat et n'arrêtent pas d'alimenter l'incendie. Djivan, le grand ordonnateur rappelle les Whacks.

 

 

FINAL : JAWS + WHACKS

 

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Les deux jungle-whacks plus Jimmy ont rejoint le haut du cocotier. Apothéose ! Le délire est dans la salle, un des trois micros ne résistera pas à la pression, perd son pied tandis que nous prenons le nôtre. Tumulte indescriptible, tout le monde chante et hurle tandis qu'Eddie introduit le riff de Cadillac. Le fantôme de Vince Taylor plane sur le feu grégeois de cet hymne souverain du rock'n'roll.

 

 

Une dernière poussée de fièvre due à un rappel de Berry-Berry et le concert triomphal se termine. Descente dans l'obscurité de notre triste monde ! Pourquoi a-t-il continué sa terne existence alors que nous étions dans l'empyrée-rock ?

 

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Unique consolation, les Howlin Jaws seront à Paris le 30 avril.

 

 

Damie Chad.

 

( Nous avons pris les photos sur leur facebook, certaines sont de Sue Rynski, un must dans la photographie rock voir wwwsuerynski.com . D'autres sont de Adèle Colonna Césari, voir sur son facebook sa série Blank Generation )

 

 

LESTER BANGS

 

 

PSYCHOTIC REACTIONS

 

&

 

AUTRES CARBURATEURS FLINGUES

 

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Suis un peu fainéant. Comme tout le monde, peut-être même un peu moins. N'êtes pas obligés de me croire. Voici plusieurs années que je me dis qu'il faut que je lise du Lester Bangs. Comment moi qui batifole sur mon blog roll toutes les semaines, à part quelques citations par ci par là récoltées sur le net, je ne connais fichtrement rien du prince des rock critics ! Un trou béant dans ma culture, une véritable fosse philipinesque que je me suis empressé de combler lorsque j'ai vu que les éditions Tristram proposait tout un volume de ses articles dans sa collection de poche intitulée Souple. Comprenez que la couverture n'est pas rigide.

 

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Ne regardez pas le copyright, la première édition remonte à 1996 ! Suis pas en avance ! Enfin un peu quand même, si. Comme la plupart des textes recueillis dans le bouquin ont d'abord été publiés dans le magazine CREEM et que durant des années les meilleurs scripteurs de Rock & Folk tétaient chaque mois leur part de crème fraîche directement à la source même, j'ai fait partie de cette génération de lecteurs qui ont suivi les aventures du rock américain avec un très léger différé de quelques semaines... Un exemple : comme CREEM créchait à Detroit City, nous petites grenouilles nationales, avons été aux premières loges pour être au courant des tribulations des groupes locaux du coin comme The Stooges ou le MC 5...

 

 

BANDE DE CREEMINALS

 

 

N'y a pas eu que des manchots de la Remington chez CREEM, dès le début une équipe de fines plumes s'est agglomérée au magazine, nous ne citerons que ceux qui nous intéressent : Patti Smith – à l'époque elle ne gâgatisait pas sous les fenêtres du pape, la vieillesse est une catastrophe ambulante pour certains – Richard Meltzer qui participa à l'élaboration théorique du Blue Öyster Cult – je fais partie de la secte – Nick Toshes – nous le retrouverons dans une de nos prochaines livraisons – Greil Marcus ( voir KR'TNT 136 du 21 / 03 / 13 ) qui préfaça et réunit les articles de ces Psychotic Reactions. En 1986, mais Lester Bangs n'était déjà plus là depuis quatre ans, victime au mois d'avril 1982, d'une absorption de produits divers...

 

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Une bande de joyeux allumés dans laquelle Lester Bangs ne déparait pas. Etrangement le magazine qui portait le nom d'un des tout premiers super-groupes britanniques - s'orthographiait Cream dans le land de sa très gracieuse majesté, ne donna pas dans l'admiration béate des grands Hartistes de la rock music. S'intéressèrent très vite à tous les artistes borderline qui ne bénéficiaient pas de la lumière des projecteurs. Certains d'entre eux rejoignirent le troupeau des rock-stars lorsque la célébrité fut venue. Mais ceci est une autre histoire. La légende raconte que le mensuel fut les premier à utiliser l'expression punk rock dès l'année 1971. L'on ne s'étonnera pas d'apprendre que CREEM aida beaucoup à imposer le mouvement punk...

 

 

LESTERATURE

 

 

 

Lester Bangs, le démiurge du bonzo rock, ainsi le surnomme-t-on. Les règles de la littérature bonzo, telles qu'elles ont été édictées par leur inventeur, l'écrivain-journaliste Hunter S. Thomson ( présent aussi dans la collection Souple de chez Tristram ), sont faciles à suivre, car elles flattent en fait votre égo : quoi que vous écriviez, parlez d'abord et avant tout de votre petite personne. Que votre Insupportable Moi prenne la parole et la garde aussi longtemps que possible. Qu'il soit clair que si vous racontez que vous êtes en train de baiser votre meuf tout en écoutant le Blue Öyster, soyez sûr que le lectorat accrochera davantage sur la partie cul que sur la monographie du Cult. Même qu'agissant ainsi, vous pénètrerez plus profondément le Cult dans le cerveau du lecteur que votre pine dans l'entre-fessier de votre copine. Je sens que le sujet commence à vous intéresser.

 

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Après de tels préliminaires il ne reste plus qu'à bouquiner. Etymologiquement ce dernier verbe désigne l'empressement du chaud lapin à honorer sa lapine. Mais revenons à nos volatiles de basse-cour puisque le premier article du volume est consacré aux Yardbirds. Vingt pages pleines sur les Yardbirds ! Un des groupes mythiques du rock'n'roll, le monde vous paraît d'un coup plus beau que d'habitude. Ah ! Ce Lester est un big Bangs à lui tout seul. Déjà vous faites le voeu de fleurir sa tombe tous les mercredis matins pour le remercier de vous apprendre tout ce que vous aviez envie de connaître depuis si longtemps sur ces oiseaux de bonheur.

 

 

Ne vous pressez pas. Au moins pas plus que Bangs, parce que Lester, les Yardbirds ça le taraude un minimum mais pas plus que ça. Vous avez droit à une confidence : les Yards ont été magnifiques durant leurs deux premières années, mais comme le groupe s'est formé en 1963 et que l'article date de 1971, vous tracerez entre ces deux repères la courbe exponentielle du désintérêt de l'auteur pour son sujet...

 

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Lorsque vous parvenez au bout du texte, faut vous rendre à l'évidence, les zoziaux se sont envolés de la cage. Depuis longtemps. L'ont-ils seulement visitée ? Et Lester que fait-il pendant tout ce temps ? Il baille aux corneilles ? Non, il bosse comme le chameau dans le désert. Vous raconte tout un tas de trucs dont vous n'avez rien à... Oui, mais voilà, vous suivez toujours, et vous n'en perdez pas une miette.

 

 

Bangs vous balance ces idées philosophiques sur le rock'n'roll. N'aime pas les grosses meules à la Led Zeppe. Des guignols. Rien de vrai là-dedans. Des arrache-frics qui en veulent à vos économies de fans transis. Aucun respect pour ces perruches dressées. Leur préfère des inconnus qui crachent de l'électricité à haut-débit. Rarement plus de trois disques à la suite. Porte de sévères et expéditifs jugements. Ouf, ce n'était pas lui qui à l'époque était censé vous envoyer aux couloirs de la mort. Vous aurait dépeuplé le rock américain plus les cinquante-deux Etats en trois semaines.

 

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Le problème n'est pas de savoir s'il a tort ou raison. Certes un peu jusqu'au boutiste, et de mauvaise foi parfois. L'a ses haines et ses chouchous. S'en vante. Manie son stylo comme une baguette magique. Peut dire ce qui lui chante, à chaque paragraphe il vous enchante. La beauté du style. Vous voici happé par le mouvement de l'écriture. Ne vous lâche plus une fois qu'il s'est saisi de votre attention. Me méfie de ce genre de grande-gueules mais il emporte le morceau avec dextérité. Un écrivain, un vrai. Un de ceux qui vous décrivent le parapluie de sa belle-mère sur quinze pages et vous entrez en transe extatique. Des longueurs, des passages à vide, mais vous suivez toujours. Plus loin que l'enfer si nécessaire.

 

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Etrangement la prose de Lester Bangs n'est pas sans rappeler celle de Céline. Mais ne vous méprenez pas, pas du tout par l'aspect le plus radical de l'écriture de Fernand, pléthore de points de suspensions, phrases découpées au plus près des soubresauts aléatoires de la pensée, retranscription esthétisante du monologue intérieur. La broderie des velours céliniens vise à donner l'impression d'une diction populaire, Lester Bangs se contente d'être simple et direct. Dit ce qu'il pense comme il le pense. Volonté américaine d'une efficience quasi-congénitale, mythique bien sûr. Il semblerait que Lester n'ait jamais lu les poètes de la Beat Génération. Ne pratique pas le cut up, refuse le slash comme les avalanches anaphoriques. Le chantre de l'électricité à haute tension n'est pas un adepte du phrasé électrique. Très classique dans sa forme, à tel point que soupçonnant Jean-Paul Mourlon le traducteur d'avoir émondé le style supposé de notre rocker épileptique, suis allé faire un tour dans les textes originaux. Ben non, l'anglais de notre littérateur respecte la syntaxe habituelle de la langue anglaise. Point de débordement, point de transgression.

 

 

Mais ce flot continu qui vous emporte en un jet continu et puissant. N'avait pas de mal à rédiger des articles de vingt pages pépé-Lester, une fois lancé pouvait continuer, doubler, tripler, quadrupler la mise sans efforts. Risquons le tout pour le tout, suis prêt à parier que Bangs prenait plus de plaisir à aligner des mots qu'à nous entretenir de ses passions rock. Parle de rock'n'roll parce qu'il vit dedans, c'est son décor, son vécu, mais aussi un thème circonstanciel imposé, non par la nécessité de son écriture, mais par l'ici et maintenant implantatoire de son existence aléatoire.

 

 

GOÛTS ET COULEURS

 

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Lester Bangs aura contribué à définir les préférences musicales de toute une génération. Inutile de l'ériger en prophète. Le coq Bangs est sorti de l'ovoïde Stoogien, et non le contraire, même si Iggy doit un peu de sa célébrité aux articles de Bangs. Ce n'est pas la poule qui a obligatoirement pondu l'oeuf pour lequel elle cocorique. Bangs est le fils de son époque. A simplement fait partie de cette minorité de fans qui se sont toujours méfiés des errements du rock. Ne crie pas au génie en écoutant le Pink Floyd, résout le cas de cette prétention culturelle à ce qu'elle est : de la merde. Celui qui s'éloigne du rock ne fait aucunement progresser la musique dont il provient, opère un acte délictueux de haute-trahison. Ethique, car il commet le plus irrémédiable des forfaits, l'auto-renoncement à être soi-même.

 

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L'on s'est gaussé de Bangs, de son parti-pris de n'aimer que le rock le plus primaire, le plus violent, le plus brutal. Du côté des ados qui refusent de grandir. Le bruit contre l'harmonie. La fureur contre la vie. Et ce n'est pas toujours facile à défendre. Lester aime les guitares sursaturées, les larsens suraiguës, les pédales wha-wha à fond le plancher, la zique qui déferle comme un tsunami, qui vous entre par effraction dans l'oreille gauche, vous lobotomise le cerveau et ressort en hurlant par les narines emportant en même vos dernières volontés dans le caniveau des civilisations mortes. Ainsi ce bonzo souvenir.

 

 

BONZO BONZO

 

 

J'avais téléphoné au copain pour m'assurer que ses parents étaient en vacances. C'est que j'emmenais de la nitroglycérine sans élément de stabilisation. Comme c'était le premier soleil de printemps, l'on s'est mis à la fenêtre pour profiter des rayons bienfaisants de l'astre nourricier. Le voisin vaquait à des occupations beaucoup plus terre à terre, après ces trente derniers jours de pluie il binait son jardin avec allégresse.

 

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Nous on s'attendait à ce qui allait suivre lorsque le bras de la chaîne s'abaisserait dans le sillon de la face A. On avait lu les critiques et les avertissements. Notre valeureux jardinier, non. N'avait jamais pensé de toute sa vie qu'un tel truc pût exister. L'est resté pétrifié la bêche en l'air, aussi rigide qu'une statue. A dû penser que l'on avait déclenché le feu nucléaire, que c'était la fin, que ces salauds de russes bazardaient leur arsenal sur le pays. Au bout de deux minutes lorsqu'il s'est aperçu qu'il était encore vivant, n'a pas demandé son reste, pressant le manche de son outil sur son coeur, il s'est dépêché de filer rejoindre ses pénates sans se retourner.

 

 

Pouvez refaire l'expérience chez vous si vous pensez que j'exagère. Suffit de vous procurer le Metal Machine Music de Lou Reed et de tester sur les passants qui déambulent dans votre rue.

 

 

LOU REED

 

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Un disque difficilement défendable. Je vous déconseille de le mettre en musique d'ambiance la première fois que vous emmenez une nouvelle copine dans votre chambre. Va s'enfuir toute nue dans la rue, tout droit vers le commissariat pour vous accuser de viol de conscience. Lester a usé la sienne jusqu'à la corde, ( pas sa conscience, sa galette vinylique ! ) Vous n'êtes donc plus étonné d'apprendre qu'il est mort jeune, à trente-sept ans. Il est des abus qui ne pardonnent pas.

 

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Toute une partie du livre est consacrée à Lou Reed. Bien plus que Bowie il est le parfait représentant du rock des années soixante-dix. Incontournable. L'iceberg meurtrier qui prend en chasse le Titanic. Et les fans qui se regroupent sur le pont pour chanter une dernière fois Walk On The Wild Side avant de couler dans les tréfonds de l'oublieuse mémoire océanique. Le chef de choeur, celui qui mène la chorale funèbre, c'est Lester Bangs le super-fan en communication téléphonique directe avec son dieu. Même que parfois Lou consent à le laisser venir auprès de lui. Les relations ne sont pas tendres. Ont tous les deux un problème identique à gérer. Comment peut-on avoir été Lou Reed et continuer à être Lou Reed ? Comment survivre à son propre mythe lorsque l'on est le seul rescapé qui soit arrivé à sortir vivant du souterrain de velours ?

 

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La question se pose autrement. Comment accepter Sally Can't Dance après Berlin, comment commettre Coney Island Baby après Metal Machine Music ? Les rock-critics de service doivent ramer dur pour fournir des explications au bas-peuple des fans. Un grand écart inexplicable. Difficile de faire admettre que cette grosse bouse puante est un étron divin. Même Lou Reed n'y parvient pas. Lester avale les couleuvres et les recrache tour à tour. Mauvaise conscience. Les deux hommes jouent à qui gagne perd. Echecs sur tous les plans.

 

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J'ai la solution du problème. Rock'n'Roll Animal et Lou Reed Live – une des pochettes les plus inutiles du rock – deux chef d'oeuvre. Lou Reed n'a jamais été meilleur que ce soir du 21 décembre 1973, bien supérieur à tout ce qu'il a fait avec le Velvet Underground, que l'on mythifie un peu trop d'après moi. Steve Hunter et Dick Wagner lui tissent un brocard de guitares hurlantes sur lequel le Lou enfin sorti du bois pose sa voix de velours.

 

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SEX DRUGS & ROCK'N'ROLL

 

 

Lester Bangs est le chantre de la trinité infernale. Rock violent mais sexe mou. Non je ne l'accuse pas d'impuissance. Mais deux cas de figure sont à étudier : soit il est avec une copine, et il évacue ( il évacul ) la problématique en deux lignes de sous-entendus du genre je m'emmerde assez pour ne pas en rajouter, soit il se lance en d'improbables rencontres avec des female partners tellement perdues dans leurs problèmes psychiques qu'elles en oublient qu'elles ont un sexe... Lui même d'ailleurs semble trouver plus de jouissance à boire trois gorgées de sirop antitoussif que de conclure... Le dernier texte, Extraits de Maggie May, apporte confirmation à nos dire. Cette nouvelle à caractère initiatique et phantasmatico-autobiographique démontre que Lester n'est dupe ni de l'amour ni du sexe.

 

 

C'est que la vie est insupportable. Besoin d'excitants pour la rendre vivable. Plutôt de produits assommants qui tissent un rideau protecteur entre vous et le réel. Mais en fait le seul anesthésique que supporte Lester Bangs ce n'est ni le sexe, ni la drogue, ni le rock'n'roll – je les classe selon son ordre de plus grande satisfaction obtenue – mais l'écriture. Qui lui est vitale. L'est mort jeune au début des années 80 – calamiteuses et désertificatrices pour le rock – au moment où il s'est rendu compte qu'il entrait dans l'âge adulte – puisqu'il avait déjà tout dit, que commençait pour lui l'ère des ruminations interminables, et que son époque prenait fin.

 

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Ne pas se survivre comme Lou Reed, ne pas devenir un vieillard pathétique. Le grand écrivain tire sa révérence. Deux cuillerées de sirop de trop. Entre sa mort et vous il a réussi à tisser un écran protecteur. Son oeuvre.

 

 

Damie Chad.