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28/02/2013

KR'TNT ! ¤ 133. / CHRIS ALMOADA / SPO DEE O DEE / PAT MCGINIS / HOT RHYTHM AND BOOZE

 

KR'TNT ! ¤ 133

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

littera.incitatus@gmail.com

 

28 / 02 / 2013

 

 

SPO DEE O DEE / PAT MCGINIS & HIS THREE STARS

CHRIS ALMOADA & THE BROKEN HEARTS /

THE HOT RHYTHM & BOOZE

 

 

VILLENEUVE-SAINT-GEORGES - 23 / 02 / 2013

 

 

troisieme

 

EIGHT O'CLOCK JUMP

 

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La teuf-teuf mobile roule plein pot vers Villeneuve Saint George la cité maudite aux mille labyrinthes, mais ce coup-ci nous possédons notre arme secrète, bien mieux qu'un GPS, un habitant du cru, en chair et en os. Avec Patrick ce sera du tout cuit, nous a déclaré Mister B et l'on a fait confiance. Remarquez ça avait très bien commencé, chez Patrick au coeur même de la ville piège, accueil sympa, apéritif roboratif, chat noir ronronnant, vidéos de Ricky Nelson plus un choix de titres tous azimuts sur lesquels on retrouvait Grady Martin et sa guitare magique.

 

 

C'est quand nous nous sommes lancés dans les explications qu'il y a eu comme un flou. «  Mais si tu sais y aller, c'est à côté d'un grand parc ! » et comme indication finale l'on a ajouté la cerise qui tue «  C'est à côté d'une cité ! ». Patrick nous a regardé avec commisération : « Des cités à Villeneuve-Saint-Georges, il n'y a que ça ». Exagérait un peu Patrick, n'y a pas que des regroupements d'Habitation à Loyers Modérés à Villeneuve, l'on y trouve aussi la plus belle collection au monde de panneaux de sens interdits. Il y est carrément impossible de tourner dans la direction que vous avez choisie, mais vous avez encore droit à des gâteries un peu spéciales : au choix ( nous on les a toutes essayées ) : la voie obligatoire qui débouche dans une impasse, la rue barrée, sans préavis, par une clôture grillagée, ou une autre variante, l'avenue condamnée par des plots de béton, enfin très marrante, la déviation qui vous ramène au point de départ, et autres joyeusetés du même acabit.

 

 

Seul Patrick gardait la tête froide et se dirigeait au feeling malgré nos approximations dans la bonne direction, pour notre part l'on commençait à envisager la seule hypothèse raisonnable – celle du suicide collectif – lorsque nos regards angoissés ont croisé la pancarte blanche marquée du doux nom de Rock'n'roll ! Sauvés. Enfin presque, c'était un sordide cul-de-sac étroit comme une sente de haute-montagne d'où s'enfuyaient – allez savoir pourquoi - des voitures remplies d'individus femelles que nous avons qualifiées, au faciès, d'institutrices de maternelle près de la retraite. C'était bien la salle André Malraux. Mais du côté opposé au parking. Pas le genre de détail à nous arrêter. L'on a stationné la teuf-teuf mobile sur l'unique place possible, juste en plein devant la porte d'issue de secours, manière que personne ne puisse s'échapper sans notre consentement, et nous nous sommes dirigés vers l'entrée. Payante. Vingt euros pour quatre groupes. Un rapport qualité-prix honnête.

 

 

CHRIS ALMOADA

 

& THE BROKEN HEARTS

 

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Entamaient leur second morceau lorsque l'on est rentré dans la salle. L'on a reconnu Chris tout de suite. Facile, c'était écrit en grosses lettres sur sa guitare. Non ce n'est pas une Gretsch mais une Aria ! Chris, calligraphié en caractères géants pour non-voyants à la manière des chanteurs country des années cinquante, plus des doubles croches qui sautillent sous le passage des cordes et trois étoiles pour que l'on ne doute pas de la qualité proposée. Un avantage sur vous chers KrtntReaders, Chris Almoada nous l'avions déjà rencontré au bar L'excuse ( nous n'en cherchons pas ) à Longjumau, le 8 juillet 2011 – voir notre soixante et unième livraison du 14 juillet de la même année ), il officiait alors comme guitariste dans Eazy Lazy – C – and his Silver Slippers.

 

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Mais en fait on l'aurait reconnu les yeux fermés, l'on a trop écouté le disque Come To New Orleans – chez Rydell's Records – pour oublier le son. Pascal Freyche à la contrebasse, fin, grand, figure allongée par une maigre barbiche à la Ho Chi Minh, Jean-Pierre Cardot au piano, une blonde mèche rebelle à la Jerry Lee Lewis échappée de sa gomina, mais la plupart du temps il sera à la guitare, et un batteur – je subodore Gaël Pétetin - qui finira par chanter un des derniers morceaux. L'ensemble dégage une immense cohérence. Rockabilly avec un relent de blues tenace comme la boue des bayous de la Nouvelle Orleans. Très symboliquement, Chris Almoada arbore une cravate rouge marquée d'une fleur de lys jaune sur fond bleu. Cocorico, notre french touch n'a pas été pour rien dans la concoction gestatoire du blues et du jass in the old Louisiana.

 

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Peut-être ai-je préféré les instrumentaux comme Come to New Orleans ( quel hasard ! ) qui n'ont qu'un seul défaut, leur brièveté. Mais ciselés à merveille. Très roots mais en même temps très moderne. La guitare de Chris fait toute la différence avec ce que l'on peut entendre ailleurs. Jamais le riff n'est donné pour le plaisir du riff, mais pour son interaction avec le changement de modalité rythmique qui suit. Beaucoup de subtilité et en même temps un maximum d'intensité. Au fil du set le tempo s'accélèrera doucement mais sûrement. Vers la fin et lors du long rappel, ce sera franchement très rock'n'roll, ça déménage sec. Un Rock Rock saignant, un Gone Really Gone, réellement bien parti. Un Rock Crazy baby à rendre votre petite amie folle de vous ( soyons gentil avec vos illusions ).

 

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Très à l'aise Chris Almoada, planté au centre de la scène il est le boute-feu du set. L'oeil du maître et le médiator du connaisseur. La voix est encore meilleure que sur disque, plus chaude, plus ample, plus détendue en même temps que plus percutante. C'est une chance de savourer Chris et ses Broken Hearts, ils tournent surtout dans le nord de notre doux pays et beaucoup en Belgique. Mais trêve de regret, laissons la place à la nostalgie ! Chris demande à Chris de monter sur scène. Non il n'est pas atteint de dédoublement de la personnalité ni de schizophrénie chronique. C'est Chris l'ancien leader d'Easy Lazy qui s'en vient s'emparer d'une Fender de Chris et c'est reparti comme en 2011 pour de longues glissages endiablées saumonées au savage rock'n'roll...

 

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Mais comme tout à une fin, on les a laissés partir. Se sont éclipsés rapidement, l'on aurait bien aimé discuter avec Monsieur Almoada de ses projets et de son passé, l'était présent au commencement du commencement, lors de la naissance du rockabilly français au tout début dans les années 77-78. Un pionnier, mais qui ne se repose pas sur ses lauriers d'ancien combattant, qui n'a pas encore délivré tout ce qu'il a dans le ventre et qui arrive à maturité.

 

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SPO DEE O DEE

 

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Le genre de nom que mémorisez de travers. Un classique du rock'n'roll, immortalisé par Johnny Burnette et Jerry Lee Lewis – difficile de posséder plus grande caution morale rock – mais avant tout une chanson à boire due à l'étylique inspiration du blues-man Sticky McGhee. Devenue l'appellation contrôlée d'un des groupes de rockab les plus connus d'Allemagne. Sont de Berlin et les voici qui font le mur de par chez nous.

 

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Par devant, deux grands échalas, Andy Warren et Ike Stoye, se partagent le chant et la guitare. Gregor Gast est à la batterie. J'étais en train de discuter sur le côté de la scène sans les regarder – je sais ça ne se fait pas, mais je l'ai fait et n'en ressens aucun remord – j'aurais juré que Ralf Sommer usinait sur une simple basse. Lorsque je me suis tourné j'ai dû convenir qu'il tenait en main une grosse contrebasse. Je ne cherche pas d'excuse mais le son était si rapide et si électrique que l'on aurait pu les prendre pour un groupe proto-stoner.

 

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Mais non, ils ont réduit la voilure et ont commencé à nous livrer un bon son rockab garanti vintage de derrière les fagots. De la belle ouvrage, mais sans imagination. J'ai un peu décroché, les ai surveillés du coin de l'oeil mais en ai profité pour faire un tour dans les stands. Posters plastifiés de nos idoles chéries, boucles de ceinturons et roses rouges à s'accrocher dans les cheveux pour les filles qui suivent la mode fifty, Chez Rockin Recods me suis dégotté le Live at The Hamburg de Jerry Lee, version vinyle de chez Teddy Bear, avec la pochette intérieure qui se déplie comme les livres pour enfants, et petit trésor à sept euros, le 45 tours de Vince Taylor Live in Paris, avec en face B, l'interview donnée par notre rocker national ( on annexe ) préféré réalisée après le saccage du Palais des Sports en 1961. Un semi-pirate qui me manquait.

 

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Mais il serait temps de revenir à nos bergers ( allemands ) du rockab germanique. Ont profité de ce que j'avais la tête occupée pour filer à l'anglaise. Ne vous alarmez point, sont toujours à la même place, mais ils ont changé de braquet. Z'ont adapté un moteur sur leur bicyclette post hillbilly. Bye bye les collines des Appalaches, ils foncent à tombeau ouvert sur la mythique route 66. J'exagère un tantinet. 63 suffira. Z'ont de nouveau électrifié à outrance leur rock et ils filochent à toute vitesse. L'on se croirait sur une Gitane Testi. Ca file tellement vite que je vous conseille de vous retourner afin de vérifier que vous n'avez point perdu en route votre petite amie. Mais ils ont su emballer les morceaux tellement bien que tout le monde applaudit. Etrange orchestre qui picore à tous les râteliers. Ne veulent fâcher personne. Vous rend la monnaie et la pièce. Comme avant et comme maintenant. Pour le futur, on vous dira cela plus tard. Ne laisseront pas un mauvais souvenir, mais rien d'impérissable non plus. Sont un peu hors-débat. Tout se jouera entre les deux groupes qui suivent.

 

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PAT McGINIS

AND HIS THREE STARS

 

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Une heure de dance-floor à supporter avec des couples déchaînés qui vous bousculent de tous côtés. L'en faut pour tous les goûts comme disait ma concierge philosophe. Quand la lumière s'éteint et que le groupe entame son set c'est le soulagement général, les uns peuvent à loisir recouvrer leur souffle et les autres vérifier de visu l'aura sacro-sainte qui a précède le groupe depuis des mois. Une vidéo ne remplacera jamais un concert.

 

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Viennent du Nord, pas du grand mais d'un pays tout de même coupé par le cercle polaire, de Suède. Nation à qui Carl Perkins a octroyé depuis plus d'un demi-siècle un label cent pour cent rock avec ses fameuses Blue Suede Shoes. Pat Fenlund n'a que vingt-cinq ans et depuis trois ans il est la coqueluche des milieux rockab. Faut lui reconnaître qu'il est doué, une voix magistrale, à la Johnny Horton, plus américaine que le plus bouseux des natifs du Texas. Un don de dieu, ou du diable, ou de personne. L'est né avec, un cadeau de la nature. Mourra peut-être avec, s'il arrive à la préserver. Avec un tel organe, point besoin d'imagination, l'inspiration coule de source. Une fois que vous avez trouvé des musicos qui touchent, l'affaire est dans le sac. Avec Robin Andersson sur sa gauche capable de lui refiler pendant des heures un swing de slap imperturbable quoique sans monotonie, et Johan Jonasson qui lui découpe sur mesure de riffs d'acier ( suédois ) trempé et inoxydable, Pat Fenlund a gagné le gros lot du rockabilly avant même le tirage.

 

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Personne ne l'attend au tournant et dès la première seconde du set tout le monde s'est massé sur la ligne d'arrivée pour l'ovation triomphale. Manifestement la foule s'est déplacée pour lui. Des connaisseurs enthousiastes, qui ont parfois parcouru plusieurs centaines de kilomètres pour l'applaudir. A peine les premières notes d'une intro sont-elles distillées que le public reprend le refrain en choeur.

 

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Donne de sa personne, un peu ridicule sous son chapeau de cow-boy blanc et ses yeux d'un bleu naïf qui le rajeunissent encore davantage, il assure une rythmique d'enfer sur sa guitare non électrifiée. Se contente d'un micro pour transmettre le son. Bombarde les strings de vifs mouvements du poignet. Cassera une corde, puis deux, puis trois, sans pour autant s'arrêter. Peut y aller en confiance avec le boulot qu'effectue Jonassons sur sa Gretch, l'est pas prêt de manquer de munitions. Petit incident qui en dira gros sur l'énergie qu'il déploie. Subitement un vaisseau de son nez éclate et il doit s'enfourner dans la narine un bout de coton pour étancher la fuite. Mister B. me soutient qu'il est coutumier du fait à chacune de ses prestations.

 

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Vous l'avez remarqué un + trois égalent quatre, mais avec eux l'on en restera à trois, pas de batteur. Malade ? Viré ? Retenu au pays natal ? Vendu pour se faire de l'argent de poche ? L'on n'en saura rien. Vous savez moi et le suédois... En plus, c'est encore plus authentique que nature, la batterie qui nous semble aujourd'hui indispensable dans un groupe, n'a été introduite que bien tard dans les formations de musiques populaires. N'était pas fondamentale, l'on marquait le rythme avec n'importe quoi, le bois de la guitare ou le bout du pied du violoneux. L'on touche au hillbilly primitif. Chant et claquement des mains dans les fermes isolées. Agreste et rural, pensez à la poétique appellation de la contrebasse, Bullfiddle qu'ils l'ont surnommée, le violon qui voulait se faire aussi gros qu'un taureau.

 

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Succès complet. Ce qui n'empêche pas dehors les conversations d'enfler en intensité durant la reprise du Dance-floor. L'éternelle querelle des Anciens et des Modernes. Un show impeccable : musicos au top, et vocal au poil. Me rangerai plutôt parmi les modernes. La musique c'est comme les filles. Une beauté trop parfaite peut paraître fastidieuse. Je préfère les tromperies et les surprises du charme. Et puis cette impression de monotonie avec ce riff sur les cordes du haut qui revient à chaque fois comme l'aiguille de la pendule, immanquablement sur le chiffre douze. Quant à la voix sans fêlure, qui ne porte la trace d'aucune traversée orageuse, elle ne m'émeut pas. Irréprochable mais elle ne contient ni la colère, ni la peur, ni la hargne, ni la lassitude, ni la violence, ni la tendresse, ni le désir, ni le manque. Le genre de gars trop lisse à qui vous n'avez rien de rien à reprocher mais dont vous savez que vous ne l'accepterez pas parmi vos amis.

 

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Comme pour abonder dans mon sens, je remarque que beaucoup de ses vidéos sur You Tube sont créditées de scores très décevants. N'attire pas tant de monde que cela, hormis le noyau dur des puristes et la nébuleuse plus tendre des connaisseurs. J'y vois aussi la preuve par l'absurde d'une certaine authenticité. Pat McGinis ne caresse pas le public dans le sens du pop.

 

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HOT RHYTHM AND BOOZE

 

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Le débat ne fera que rebondir après le passage de Hot Rhythm and Booze. Nous les retrouvons avec plaisir, les trois quart de l'effectif proviennent d'Easy Lazy, Chris, Lulu et Manu, et les derniers vingt cinq pour cent se sont condensés en Vince Harris, ce beau jeune homme qui nous avait tant inquiété lors de notre première rencontre au mois de juin dernier ( voir livraison 106 ) mais qui semble plus que guéri de la monstrueuse tendinite qui l'avait tant handicapé...

 

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Plus qu'un mauvais souvenir à la façon dont il intervient sans arrêt sur le laminage rythmique de ses trois condisciples. Des notes de feu. Etincelles et escarboucles. Commande la bordée de tribord. La babord est aux ordres d'un passager clandestin, un fameux pirate, Jean-Pierre Cardot, qui s'est installé au piano et qui durant tout le set fera preuve d'une énergie débordante plaquant accord sur accord, laissant s'envoler des traînées de notes sans fin, martelant sauvagement les touches, pratiquant avec une joie tellement communicative toutes les arcanes du pumpin piano à la Jerry Lee que bientôt il sera rejoint sur le clavier par un membre du public désireux de prêter son concours à de telles cavalcades. Nous les aurons donc parfois à quatre mains puisque selon la sainte loi des jouissances partagées, plus on est de fous, plus on s'amuse.

 

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Ne seront pas de trop de deux car Vince les défie sans arrêt. Pincées de guitare balancées à toute vitesse et rincées de notes bazardées à tout barzingue. C'est que dans le même temps, au milieu l'on ne chôme pas. Chris est au micro et à la rythmique, enfile les tubes à la pelle d'Heartbreak Hotel à She's a bad motorcycle, de Diamond Rock à Let's rock, ça coule comme un coulis de framboise au testostérone. Lulu enchaîne les breaks bras en avant, passe toujours par le chemin où on ne l'attend pas mais percute le fût à l'instant précis et nécessaire. Seul Manu a l'air de ne pas s'en faire. A confiance en sa contrebasse. Part du principe qu'elle répond au doigt et à l'oeil à toute sollicitation. Comme le balancier de la pendule qui s'écarte tantôt à droite et tantôt à gauche pour retomber pile dans l'axe central du rythme impavide.

 

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Un jeu en totale opposition avec celui de McGinis. Ce n'est pas la rondeur équidistante du riff qui définit la mesure de toute intervention, c'est l'inspiration de Vince qui jette de l'huile sur les flammes : à ses compères de choisir à chaque fois s'ils veulent jouer au pompier ou au pyromane. Le morceau se construit un peu aléatoirement selon la volonté de chacun. Peut en résulter un certain désordre, parfois il faut se rattraper aux petites branches mais l'ensemble qui intègre une certaine dimension de risque n'en est que plus palpitant. C'est pêchu et goûteux. Les fruits ne sont pas calibrés au millimètre près mais le goût est souvent plus âcre et quelquefois davantage sucré. Les saveurs de la vie.

 

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Le set se termine malheureusement en queue de poisson. L'arête en est restée au travers de la gorge de beaucoup. A deux heures trente tapantes, on coupe l'électricité aux musicos. Lulu essaie un barouf d'honneur et de survie sur sa batterie mais l'orga ne remettra pas le jus. Manque de tact. Il eût été tellement plus respectueux d'attendre deux minutes que le groupe arrivât à la fin de son morceau... Plutôt incroyable, d'autant plus qu'aucune explication ne sera donnée. Entre un terrain de foot et un centre commercial, le risque de gêner le sommeil des riverains reste des plus hypothétiques... Déjà que le son n'était pas génial, faudrait pas que les organisateurs de telles manifestations conviviales ne se transformassent en prestateurs de services minutés...

 

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RENTREE AU BERCAIL

 

 

 

Merci à Patrick de nous avoir conduit dans la bonne direction malgré nos fumeuses indications ! Gloire à la teuf-teuf mobile qui nous a tous ramenés sains et saufs au bercail sur des routes recouvertes de neige – la surprise de la nuit - et totalement verglacées sur les derniers kilomètres. Pas de quoi nous faire regretter une soirée si contrastée qui résume à elle seule la problématique de la survie de notre musique. Ô Rock'n'roll !

 

 

Damie Chad.

 

( Les photos du concert ont été fauchées sur le facebook des artistes )

 

 

records

 

 

JAMY & THE ROCKIN' TRIO

 

SALLY WANTS TO ROCK

 

 

 

Honey Bun. Sally wants to rock. Pepper hot Baby. That's what you are. Corrine, Corrina. Please mama please. First ride. Crawdad hole. That rockin' cat. Starlight, starlight. It's late. P. T. Cruiser. Little mama. Ileana. Gwendolyn.

 

RPRCD 26. Rock Paradise.

 

 

Jamy : Jean-Michel Moglia : vocal + guitareoustique / Little Nico : Nicolas Caseau : guitare solo / Gérard Rocky Babbucci : contrebasse / Tony Marlow : batterie.

 

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Chez Rock Paradise bien sûr, enregistré au studio de Mister Jull une connexion efficace qui s'avère être un des tremplins actuels les plus importants pour le rockabilly national. Un nouveau groupe qui commence pratiquement par le disque. Mais pas exactement des nouveaux venus : Tony Marlow qui repasse derrière les fûts où il officiait chez les Rockin Rebels dès 1977, et Rocky Babbuci ancien des Cotton Pikers avec Jamy Moglia. Mais l'oreille se porte naturellement sur la guitare de Little Nico qui n'a pas seize ans. Se débrouille pas mal du tout. Ne faut pas lui demander l'impossible, son jeu reste très classique et il ne sort pas des clous de la tradition. Laissons-lui le temps de grandir.

 

 

Jamy mène la danse. Il a signé presque la moitié des morceaux , s'en tire plutôt bien car elles ne déparent le reste des reprises chipées à Larry Donn, Dorsey Burnette et même Presley. Manifestement inspiré par Elvis, voir le très beau slow Gwengolyn, Jamy sait s'en détacher pour les titres les plus sauvages. Sa voix mixée très en avant n'est pas sans évoquer les enregistrements de nos années 60, mais ce n'est qu'un parfum agréable pas un tic lourdingue trip radio-nostalgie pleurnichard. Par derrière ça swingue méchamment bien. Entraînant, L'on sent qu'ils ont pris un pied d'enfer à réaliser le bébé.

 

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Rien de neuf sous le soleil, mais un disque pour exposer et liquider de solides acquis qui donne envie de les rencontrer sur scène, et qui suscite le désir d'entendre le suivant qui pour être aussi réussi que celui-ci devrait être le moment aventureux d'un certain renouvellement. Mais n'anticipons point, profitons de notre plaisir.

 

 

Damie Chad.

 

 

ROCK'N'ROLL REVUE. N° 63.

 

( Octobre / Novembre / Décembre 2012 )

 

 

La revue de pointe spécialisée dans le rock des pionniers, au sens très large de cette appellation. La preuve, si les pages centrales sont dévolues à des repros couleurs de 45 tours rares d'Elvis Presley édités en Espagne, en Europe, en Australie, en Argentine, d'importants articles sont consacrées à Sanford Clark, ce qui me permet de comprendre comment Lee Hazelwood avait pu approcher Nancy Sinatra et à Richard Berry dont on oublie trop souvent qu'il fut le créateur de Louie Louie, un des morceaux constitutifs de rock garage américain.

 

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Très intéressant aussi l'histoire du morceau Rock Around the Clock, pensai que Bil l'avait découvert un peu par hasard ( objectif ) sur Sonny Dae & his Knights, il n'en est rien Bill l'aurait bien enregistré en premier mais... la suite de l'histoire est assez compliquée et je vous laisse la découvrir par vous-même. Le titre possède même sa préhistoire tout aussi passionnante – quand je pense aux reproches qu'ont endossés Hallyday, Mitchell et Rivers pour leurs reprises, étaient bien loin des « inspirations » américaines ! - et Bernard Boyat nous promet la suite des pérégrinations au prochain numéro... Va falloir s'abonner.

 

 

Rock anglais. Jacques Barsamian – le premier rocker français – s'en charge. Article sur Marty Wilde, années 1957 – 1959, les meilleures. Avec Larry Parnes en Pygmalion et la maison de disques Philips qui impose un grand orchestre au lieu d'enregistrer avec son groupe les Wildcats, Brian Bennett, Bobbie Clarke, Big Jim Sullivan et Brian Licorice... faudra attendre une nouvelle génération avant que les artistes n'aient leur mot à dire sur leur enregistrement. Tommy Steele, Marty Wilde, Cliff Richard – remarquez l'ordre chronologique d'apparition auront essuyé les plâtres... L'on comprend le découragement de Marty Wilde et la lourde dépression qui suivra, lorsqu'il annonce en 1959 qu'il se consacrera désormais à la chanson de qualité au détriment de ce rock trop sauvage...

 

 

Revue indispensable.

 

 

Damie Chad.

 

 

JUKEBOX MAGAZINE. N° 315.

 

Mars 2013.

 

 

 

Chaussettes Noires en couverture. Supers souvenirs de Bernard Bayoux qui les voit et les rencontre, en 1963, lors de leur passage à l'Olympia et dans le Hall d'Europe 1. De grands moments mais déjà ce ne sont plus les grandes cohues tumultueuses de fans des années précédentes...

 

 

Rock anglais. L'on retrouve – quelle surprise ! - Jacques Barsamian qui nous donne la suite de son article sur Billy Fury, parue dans le numéro 303, suffisait d'avoir un peu de patience. La même histoire que pour Marty Wide. Larry Parnes et la maison de disques – c'est Decca, mais c'est exactement la même chanson – estiment que leur poulain aux oeufs d'or les pondra en platine s'il abandonne le rock un peu trop bruyant qui ne plaît pas au grand public. Manque de chance les premiers titres enregistrés dans cet optique se vendront comme des petits pains, pardon d'énormes portions de pudding. Fury n'ose rien dire, évidemment au bout de trois ans la formule n'est plus aussi juteuse mais le créneau rock est occupé par de nouveaux venus... Sur scène Billy gardera longtemps ses titres rock qu'il interprètera toujours avec autant de maestria et de fureur. De santé fragile et grand amateurs d'excitants comme l'alcool ou d'adoucissants comme le ja-ja Billy Fury succombera à l'âge de quarante quatre ans à une crise cardiaque. Si son nom reste encore très respecté de nos jours en Angleterre, l'on ne peut s'empêcher d'avoir la nausée devant une carrière saccagée par la rapacité des supports artistiques.

 

 

Finies les rééditions de Disco Revue, ce coup-ci l'on passe à 15 à 20, le dix-septième numéro du mensuel de novembre 1967, belles photos de Noël Deschamps et de James Brown, le reste nettement moins intéressant, mais d'époque comme on dit. Un article sur les Zombies plus les chroniques habituelles, News, Disques, Livres...

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

21/02/2013

KR'TNT ! ¤ 132. / BLACK PRINTS / RIOT ROCKIN' TEDS / JUNGLE TIGERS /JALLIES

 

KR'TNT ! ¤ 132

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

littera.incitatus@gmail.com

 

21 / 02 / 2013

 

 

 

BLACK PRINTS / RIOT ROCKIN TEDS / JUNGLE TIGERS

JALLIES

 

 

LES COMBUSTIBLES / PARIS / 16 - 02 - 2013

 

« ROCKERS KULTURE »

 

TEDDY BOY STOMP

 

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Rue Abel, pour un concert rock on aurait préféré la rue Caïn ou alors Renegate Street, mais dans la vie l'on ne choisit pas toujours. Me dirige vers un lieu mythique du rock parisien. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le dernier numéro de Rock & Folk qui consacre quatre pages au stoner. L'on a très peu parlé de Stoner rock dans KR'TNT, hormis Vellocet ( voir compte-rendu du concert dans notre livraison 16, du 08 / 07 / 2010 )...

 

 

Magie de l'écriture de Jonathan Witt, après cette évocation du rock du désert j'imagine une immense crypte voûtée perdue au troisième sous-sol des catacombes dans laquelle camperaient autour de feux charbonneux mal éteints de vagues tribus de rockers fous adeptes des plus violents orages électriques... Me faut déchanter. Rien à voir avec une cave abyssale, de plain-pied avec le rez-de-chaussée et au bout d'un simple couloir l'on se retrouve dans une de ces petites salles de spectacles comme il y a en tant à Paris. Quant à l'idée si poétique du désert, une fois que tout le monde est rentré la densité de la population au mètre carré avoisine davantage celle du rocher de Monaco que celle de la Vallée de la Mort.

 

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En plus il est impossible d'y mourir de faim, restaurant à l'étage, ce doit être bon puisque toute une partie des convives est venue là pour la bouffe et non pour le concert. Ne lèveront même pas le cul de leur chaise pour jeter un coup d'oeil. Que voulez-vous question Kulture Rock, le français creuse sa tombe avec sa fourchette. Pour la soif, n'ont pas coupé la poire en deux, l'ont l'a multipliée par deux, un bar en haut, un bar en bas. Oasis pour tout le monde.

 

 

BLACK PRINTS

 

 

La première silhouette entrevue de loin en arrivant c'est celle de Yann le batteur des Black Prints, reconnaissable entre tous avec ses cheveux bouclés au milieu de toute cette faune de cats et de teds à bananes soigneusement entretenues qui tirent sur leurs clopes sous l'auvent protecteur de l'entrée des Combustibles. Seront donc là, j'en suis tout aise moi qui suis venu pour les entendre une nouvelle fois, le set de la semaine dernière au Théâtro de Fontenay-sur-Loing ayant eu un fort bon goût prononcé de revenez-y.

 

 

Le set commencera à neuf heures et des poussières, le temps de faire causette avec diverses connaissances... Mais déjà Tony Marlow sonne l'heure du rassemblement et le spectacle démarre. Une estrade à peine marquée, un espace scénique confiné, suffit de se mettre devant pour avoir le groupe à portée de la main. Difficile d'être plus plus proche des musicos, communication rapprochée, contact établi en trois minutes.

 

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Le hic c'est qu'apercevoir Yann derrière ces futs n'est pas toujours facile, mais rassurez-vous il saura se faire entendre ! C'est que les Black Prints vont marquer leur prestation d'une empreinte encore plus noire que la dernière fois. Cette fois-ci impossible de ne pas se focaliser sur Olivier, chant et guitare. Occupe la place centrale et ce soir l'énergie passe par lui. L'est au four et au moulin. Voix et soli. Un vocal de découpe au laser, ne mange pas une syllabe, ne se réfugie jamais dans un yaourt approximatif, des inflexions d'une netteté impitoyable. Ne bouffe pas les mots, les sculpte, les dessine et les met en valeur.

 

 

Etrange à dire mais il joue comme il chante. Jamais à côté dans le chuintement d'une corde mal maîtrisée, la note pure, la note sûre, ne s'attarde pas, ne traîne pas en chemin, fonce tout droit, les solos ne sont pas là pour étaler sa virtuosité mais pour nous amener par le chemin le plus court à la reprise du balancement binaire initial à la base du rock'n'roll. C'est peut-être pour cette cadence imperturbable qui est à la base de son jeu que le combo a été invité à ce Teddy Boy Stomp.

 

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De si près l'on peut mieux saisir le rôle de Thierry aux percussions. Avec Yann qui déménage par derrière il serait facile de dire que maracas et tambourin ne sont que ponctuation d'appoint, mais ce soir il m'apparaît que ce léger contrepoint redonne à la rectitude du beat primaire du rock la profondeur tripartite du blues originel. Lorsque Thierry chausse ses dés à coudre de métal et se saisit de la washboard, l'incessant crépitement de ces mini-sabots ferrés confère une profondeur surprenante au jeu de son frère. La goutte de son qui fait déborder les marécages de la Nouvelle-Orléans.

 

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Olivier marque les arbres, Yann les abat, et avec sa basse Jean-François trace la piste sinueuse. Les Black Prints sont beaucoup moins monolithiques qu'il n'y paraîtrait à une oreille pressée. Produisent une musique simple mais envoûtante, ensorcelante, ils captent votre attention et vous emportent dans un voyage sans fin, les acclamations qui concluront la fin du set en sont une preuve éclatante. Généreux, ne sont pas enfermés dans une formule stérile, lorsque Thierry Credaro est invité à les rejoindre pour les derniers morceaux, il trouvera sans peine l'espace où insuffler le jeu, très fin et très subtil, de sa fender. Tout en douceur mais incisif, comme ses coups de vibrato sur le Shakin All Over de Vince Taylor.

 

 

Dans ses longs fûtals noirs à pressions Olivier fut impérial, sous sa houlettes les Black Prints emportèrent l'adhésion de toute une partie du public qui ne les connaissait pas. Un set très hot rock'n'roll.

 

 

RIOT ROCKIN' TEDS

 

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Viennent de Bretagne. Ce n'est pas étonnant, la mauvaise herbe des teddies ça pousse partout même à Nantes. Le mouvement Ted est né en Angleterre, sur les décombres de la deuxième guerre mondiale. Fils de prolétaires qui se sont forgés une identité à partir de rien si ce n'est d'eux-mêmes. A l'époque ils ont commencé par écouter du jazz et du swing. Etaient sur le quai lorsque le bateau du rock'n'roll est sorti des chantiers. Sont montés à bord d'instinct et vogue la galère !

 

 

Mouvement de révolte qui s'est cherché des ancrages in the South, profond et mythique. Ont adopté la mentalité du Sud vaincu, mais pas soumis. L'esprit rebelle les habite comme la moelle peuple l'os. Ce qui au début n'était qu'un mouvement de jeunes a survécu à toutes les modes. Sont plus nombreux aujourd'hui qu'au moment de leur naissance. Sont devenus une véritable institution avec ses codes, ses lois, son économie, son idéologie et ses pesanteurs.

 

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Dans les années soixante ils n'ont jamais renié les pionniers submergés par la vague du british boom. Vont peu à peu créer leurs propres groupes dès le début des années 70. Le plus célèbre d'entre eux reste Crazy Cavan – nous devrions le chroniquer en septembre prochain lors de sa venue au festival de Conches en Ouche avec notamment Ghost Highway et SpunyBoys. Crazy Cavan a créé un genre ce qui n'est pas donné à tout le monde, le style teddy-rock. Certains adorent, d'autres le trouvent trop répétitif et lassant, voire primaire. Mais il en est de la musique des teddies comme de toutes les autres, certains la jouent mieux que d'autres.

 

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Le mieux est de juger sur pièces. The Riot Rockin' Teds sont sur scène. Ont amené du monde. C'est toujours bon signe lorsqu'un groupe parvient à se constituer une cohorte de fans prête à l'accompagner dans ses déplacements. Certains viennent même du 59. Me faudra quelques minutes pour me faufiler jusqu'aux premiers rangs. Concert historique comme le signale Jessy en nous apprenant que c'est la première fois qu'Antoine joue en public avec eux... mais ce grand gaillard de Jessy préfère de loin les actes aux paroles. Un ! Deux ! Trois ! et c'est parti. Les Riot Rockin Teds are on the line.

 

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Pur teddy ! Pratiquement tous les morceaux sont à la gloire des boys. Ne pratiquent pas l'autocritique, les teddies ! Sont les chantres de l'auto-glorification. Tout ce qui est teddy est très beau, le reste vaut mieux ne pas en parler. Jessy monopolise l'attention, tient sa basse très horizontale, laisse faire ses doigts, regarde la foule, et chante. Belle grosse voix infatigable, ses yeux vous cherchent et sa voix vous trouve. Une stature de chef viking que l'on ne peut ignorer. Prend toute la place. Un meneur de band.

 

 

Antoine regarde la set-list toutes les trente secondes. A peur de commettre un imper. Mais il se tirera fort bien de cette épreuve initiatique et lorsque Jessy lui passera le micro pour qu'il interprète deux de ses propres compos, il n'hésitera pas une seconde. Son premier morceau ne sera spécialement Teddy, plutôt instrumental et très flashy, le deuxième répondra beaucoup plus aux canons du genre.

 

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La stature de Jessy obstrue tout regard qui se porterait vers Emeric le drumer. Me faudra du temps pour dévisager ses larges rouflaquettes qui lui filent un air de western-doctor, celui qui vous retire trois balles de la poitrine tout en vous recommandant de reprendre au plus vite votre colt vu que les Sioux cernent le saloon... de toutes les manières ça fait un bon moment que je suis sa trace, l'oreille aux aguets. N'est jamais seul. Fait la section rythmique avec John le soliste. Jessy a trop à faire par-devant. Affutent tous les deux comme des dingues. L'on dit très Teddy, mais ces deux-là ne dépareraient pas dans certains groupes de hard, tellement ils sont à la recherche d'une complémentarité sonique exponentielle. Binaire de mes deux, sont plutôt à la poursuite d'une rapidité de jeu assez exaltante.

 

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Le groupe assure. L'on fait la tête lorsque Tony Marlow leur souffle à l'oreille que les aiguilles du réveil tournent. L'on était bien, grand vent, malgré le roulis et les paquets d'embrun. Je ne suis pas un fan du Teddy Rock, mais je m'incline, séduit par la puissance du combo. Riot Rockin Teds, je note dans ma tête, si par hasard ils repassent par la région, je ne les manquerai pas.

 

 

DAN GOFFRETEAU

 

Petites retrouvailles entre les deux groupes. D'abord, Dan Goffreteau l'ancien meneur des Burnin Dust, et maintenant manager, l'oeil aux aguets, rencontré il y a deux semaines au New Morning. Fait passer Jim and the Beans – le samedi 23 à 20 heures - et Earl and the High Tones – le dimanche 24 février – au Festival Country and Western de Saint Paul dans l'Oise. Fourmille d'idées et de projets. Un gars à suivre.

 

 

EMILIE AGAIN

 

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Enfin Emilie Credaro – digne fille de son père – qui nous avait régalés de quelques solos bien sentis lors du deuxième festival de Corrobert au mois de juin 2012 ( le KRTNTreader impénitent se reportera à notre 104 ° livraison du 28 / 06 / 12 ). Beaucoup de scènes par monts et par vaux, évoque sa difficulté à se fixer définitivement dans un groupe, ça ne m'étonne pas, le sang indien de la liberté coule dans ses veines. Elle fait partie des indomptables. Lorsque je la quitte pour me rapprocher du dernier combo, je me dis que ce soir la vive flamme d'Eddie Cochran n'est pas dans cette mollasonne et poussive version de Summertime Blues avec laquelle les Jungle Tigers ouvrent leur show mais qu'elle brûle dans les simples intonations de la voix d'Emilie Credaro chargée de l'âpre pulsation de ce que Rimbaud appelait la vraie vie. Notre propre exigence à être ce que l'on est.

 

 

JUNGLE TIGERS

 

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Viennent d'Allemagne. Auraient pu y rester. Serais bien ennuyé de déclencher une troisième guerre mondiale, mais nos tigres de la jungle rhénane sont aussi ridicules que le Shere Khan de Walt Disney. Se présentent en annonçant que le groupe vient de fêter ses vingt-cinq ans de carrière. Sont un peu fatigués. Les rangs s'éclaircissent très vite. Finirai moi aussi par rentrer à la maison au bout de dix morceaux.

 

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Les commentaires sont imparables, auraient dû passer en première partie et laisser la place aux Black Prints. Pris un par un, ils ne sont pas mauvais mais l'ensemble ne forme pas un groupe. Massacrent Cochran et se rattraperont un peu mieux sur Bo Diddley, mais une collection de hits ne fait pas un répertoire même si l'on possède ses propres morceaux. Faut les assimiler, faut avoir sa marque de fabrique pour en estampiller ce que l'on emprunte d'un coup de tampon indélébile.

 

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Parlent un peu trop entre les morceaux, ce qui a pour effet de casser le rythme déjà peu engageant. Lorsque je raconterai cela à Mister B, m'apprendra qu'il les a vus deux fois sans plaisir et qu'ils ont fait le coup d'enfiler un masque de tigre en plein milieu de leur set. Je comprends mieux la finalité de leur costume de scène  aux parements en simili-tigre. Rockabilly de carnaval.

 

 

Un dernier quart d'heure devant le bâtiment à discuter et plaisanter avec Fred, rencontré à Fontenay -sur-Loing, et divers inconnus qui préfèrent tirer sur une tige qu'entendre les chats (même pas de gouttière ) se prendre pour les seigneurs de la jungle.

 

 

Damie Chad

 

 

 

 

ESPACE VINTAGE SWING / PARIS

 

 

BROC'N'ROLL / 17 - 02 – 13

 

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THE JALLIES

 

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Dès que je me suis assis dans la teuf-teuf mobile j'ai compris qu'il y avait un bleime. Le piège était en train de se refermer sur moi. Caramba yo suis démasqué, moi le sombre héros du rock'n'roll ! Autour de moi, siège avant, siège arrière – je n'ai pas vérifié dans la malle mais je suis certain qu'il devait y en avoir deux ou trois – que des filles ! Toutes les copines qui se radinent et s'entassent comme des sardines, comme par hasard le jour des jolies Jallies, hou ! les jalouses ! Pire que si j'étais pisté par la CIA ! L'a fallu supporter leurs patelines présences soupçonneuses toute la route. Rien à voir avec la franche et virile amitié des gars en goguette à l'humour peut-être pas très raffiné, mais si intègre...

 

 

BROC'N'ROLL

 

 

Faudrait être débile pour rater l'entrée de la rue Debille, une grosse queue qui s'allonge devant la porte, la large pancarte BROC en lettres d'un mètre de haut, nous sommes au bon endroit au bon moment. Me faufile dans la file, offre généreusement l'entrée à mon quarteron de chaperons – à deux euros par tête de pipe, notez que je ne me suis pas ruiné - et pénètre enfin dans la salle.

 

 

Ce n'est pas immense mais ce n'est pas minuscule, des recoins partout, un balcon, un sous-sol et je ne sais pas quoi encore parce que moi, les fringues, les sacs à mains, et autres babioles issues du siècle dernier, je n'en suis pas fou. Pendant que mes gardiennes assoiffées de fripes s'égaient entre les stands, enfin libre je fonce sur le vendeur de vinyls, pour extraire de ses bacs un superbe 33 tour de Gene Vincent, le Dressed in Black – un noir qui quelques minutes plus tard fera pâlir d'envie Mister Jull le guitar-hero des Ghost Highway - je l'avais déjà, mais comme tous les collectionneurs je suis un peu fétichiste.

 

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Maintenant dans cet infâme bric-à-brac ne circulent pas que des vieux trucs recouverts de poussière que l'on vous vend au double du prix sous prétexte que ce fut fabriqué juste à la fin du néolithique. De jolies petites choses se promènent aussi entre les rayons. Je ne parle pas du lampadaire à 200 euros que vous avez acheté pour l'anniversaire de tante Yvonne, mais de ces mannequins en tenue légère de la griffe Le Boudoir de Marie qui déambulent dans les allées, vêtues ( ou plutôt dévêtues ) de gaze transparente et de tulle translucide. Je ne sais pas si dans les années cinquante les jeunes filles se promenaient ainsi dans les rues, mais je commence à comprendre le pourquoi de ce regain de nostalgie chez mes contemporains. Vous me connaissez, dégagé des putrides et basses pensées qui vous assaillent, je me suis contenté de jouir de ce spectacle vivant en parfait esthète amoureux des pures formes que Mère Nature nous offre à profusion. Mais ne nous laissons pas pervertir, je voulais dire divertir, nous sommes ici pour les Jallies, rien que pour les Jallies, uniquement pour les Jallies.

 

 

LES JALLIES

 

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Bourré de monde, le matériel des Jallies est posé à même le carrelage entre un stand de maquillage, et le bar au centre d'un demi-cercle de spectateurs qui prévoyant l'affluence se sont postés aux meilleures places bien avant que les Jallies n'apparaissent. Premier concert parisien pour le groupe, et il est déjà clair que beaucoup sont venus alertés par la rumeur flatteuse qui les précède. Des inconnus, mais aussi de nombreux représentants du milieu rockabilly – Tony Marlow, que décidément nous suivons à la trace, en tête – s'en viennent juger sur pièces cette formation encore inconnue, il n'y a pas deux mois.

 

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Les voici, parviennent à se caser dans le maigre espace imparti. Dans sa longue tunique pseudo militaire Turky, le général en chef des fifties-broc les présente en quelques mots. Il a la classe Turky mais il ne s'attarde pas, sait qu'il ne peut pas soutenir la comparaison avec le trio de choc et de charme qui s'aligne derrière lui. Il est cinq heures de l'après-midi et les filles ont la niaque. Je vous livre le programme afin que vous ne vinssiez point réclamer qu'elles vous ont eu par surprise. Un premier set pour vous séduire. Un second pour vous détruire.

 

 

Commencent par dire du mal de Julios. Le pauvre gars. Ce que les filles peuvent être méchantes ! C'est la première fois que je le plains. Elles ont vraiment un coeur de pierre, plus dur que le bois de sa contrebasse. N'ose rien dire, des quatre cordes de sa big mama, il leur tisse sans faillir un velours de notes qu'il jette à leurs pieds et qu'elles piétinent de leurs talons rouges ou noirs.

 

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Céline ouvre le bal. Drapée dans sa robe magenta comme dans une muleta que l'on agite devant le mufle des taureaux, femme sang et dame swing, boucles noires et lèvres purpurines, sourire cruel et rire mutin, elle se charge des premières danses qu'elle mène tambour battant. Se joue de tout et de nous. Toute en rouge qui bouge. Ecarlate elle s'éclate. Longue folle qui batifole dans son rôle dont elle raffole. Avec ce soupçon de distinction jazz qui la classe à part de ce monde platitude. Rockabillie, mais Holyday.

 

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Ady bleue. Pas la couleur mais l'esprit. Le prix à donner. La force et la violence contenue. Les doigts sur la corde, la vie sur le fil. Ady a dit adieu au faux-semblant. Hurle la rage et le feu qui la consume. Ady l'incendie intérieur qui dévaste tout. Ne se livre guère mais nous délivre par la guerre qu'elle déclare à la terre entière. Colère volcan du chant mais la guitare comme une perle bleue de solitude, tombée dans le gouffre du rock'n'roll. Soeur cyanoise de Janis.

 

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Vanessa, la troisième pointe du triangle féminin. Espiègle et câline. Petite merveille qui nous émerveille de son sourire vermeil. Une voix à charmer les serpents. Une fragrance capiteuse qui vous alarme l'âme mais vindicative comme la lame du sabre qui vous décapite. Princesse capricieuse qui se moque de vous et flèche inflexible qui vous cloue sur la roue du temps arrêté sur la rose de ses lèvres.

 

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L'une jazz, second moon blues, l'autre rock. Trio grande. D'enfer. Passent d'une dominante à la suivante, par le chemin de l'accro-jump. Ou alors surfent sur le swing. S'entraident. Ne sont jamais seules sur leur route. Le deuxième set sera un régal. La pression du public est telle qu'elles se prennent les pieds dans leur set-list et qu'elles se lancent à brûle-pourpoint dans les premiers titres qui leur traversent la tête. Elles se surpassent. Nous offrent une version de Stray Cats Strut dantesque. Vanessa qui feule à souhait, Ady qui rocke le choeur et Céline qui imite chatte en chaleur, vous ne trouverez pas miaou comme interprétation de ce classique des Stray Cats sur notre planète.

 

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C'est la fête. Nicolas, un de leurs amis est appelé pour s'occuper de la Fender, c'est un garçon, donc il est relégué derrière, avec Julios, avec qui il ne tarde pas à se créer un lien de complicité, et les deux boys assurent telles des bêtes vicieuses. Mais comme il y a une injustice sur cette terre, c'est Tagra qui emportera le pompon. Durant l'inter-set elle a demandé à Ady si elle pouvait interpréter These Boots are Made for Walkin de Nancy Sinatra. Une chanson phare du suprématisme féminin qui est en train de s'installer un peu partout. Connais pas Tagra, sinon qu'elle porte sur le haut de ses cheveux une espèce de béret plat rouge qui lui donne vaguement l'apparence d'une fraise tag(r)ada, mais elle est loin d'être pitoyable sur l'exercice, et elle partira sous les applaudissements de l'assistance.

 

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Pour les Jallies c'est le triomphe. On ne peut plus les aborder. Le public est ravi. Reçoivent l'adoubement de la vieille garde rockabilly conquise. Même les copines qui ont fini par me rejoindre me remercient de les avoir amenées à un si bon concert. Ont abandonné leur fiel, sont au septième ciel.

 

 

RETOUR

 

 

Sur le chemin du retour ça papote dur dans la teuf-teuf mobile ( je devrais plutôt écrire la meuf-meuf mobile ). Et de quoi croyez-vous qu'elles parlent nos péronnelles qui étalent leurs idées personnelles ? De Céline ? D'Ady ? De Vanessa ? Point du tout. A croire que grippées elles n'ont pas pu assurer le concert. Non, apparemment, elles n'ont vu que Lui ! Lui, Lui et encore Lui ! Mais oui de Julios ! Elles le trouvent gentil, beau, intelligent, sensible et toute une série d'adjectifs du même acabit dont je vous épargne la litanie.

 

 

Les filles sont vraiment difficiles à comprendre ! Heureusement qu'il existe les Jallies pour nous réconcilier avec la deuxième moitié de l'Humanité.

 

 

Damie Chad.

 

(Photos prises sur les Facebooks des Artistes )

 

 

 

 

14/02/2013

KR'TNT ! ¤ 131. JALLIES / BLACK PRINTS / HOOP'S 45 / TONY MARLOW/ GHOST HIGHWAY

 

KR'TNT ! ¤ 131

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

14 / 02 / 2013

 

 

JALLIES / BLACK PRINTS / HOOP'S 45 / TONY MARLOW

GHOST HIGHWAY

 

Pour les photos, on a piqué sur les Facebooks des artistes, souvent sur des concerts que l'on a déjà chroniqués notamment pour les Jallies et les Ghost Highway au Saint Maximin, les photos du final sont de la soirée même... merci aux photographes, notamment Jacques Fatras.

 

 

08 / 02 / 2013 / BALLAINVILLIERS

 

SAINT SAUVEUR

 

 

THE JALLIES

 

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Quand ils ont su que j'allais aux Jallies les copains ont voulu que j'installe un tourniquet à numéros comme à la Sécurité Sociale avec liste d'attente, tout cela pour être sûr de squatter un quart de banquette de la teuf-teuf mobile. Pas fou, j'ai fait semblant d'acquiescer mais au dernier moment me suis barré en douce. Il est des combats que le héros se doit de livrer seul. Bye bye les demi-sels.

 

 

Me suis retrouvé sur les bords de l'Orge – un sacré nid de bandes à rockers dans les années soixante – sans trop de problèmes. C'est pour situer Ballainvilliers que ça été plus dur. Une douce princesse africaine à la peau pulpeuse plus ombreuse que la nuit – j'ai toujours été pour le rapprochement des peuples – vint à mon secours. Elle m'indique un raccourci que sur la foi de son sourire j'emprunte sans hésiter. Breuh ! Un paysage de cauchemar, le décor idéal pour Le Retour des Morts-vivants, me serais-je fait avoir par une prêtresse vaudou ? Mais non dans la brume fantomatique se détache le panneau de Ballainvilliers. Aurais bien fait un brin de conversation ( et plus si affinités ) mais le devoir m'appelle.

 

 

Pour une meilleure compréhension du paragraphe suivant le lecteur sérieux aura soin de se rapporter à notre 129 ° livraison du 31 / 01 / 2013.

 

 

Suis un peu perdu dans le dédale des rues, m'arrête pour farfouiller dans mes papiers qui ne m'apportent guère de lumière. Pas une âme vivante aux alentours, alors plutôt qu'à Dieu j'adresse une prière mentale aux seins des Jallies. Incroyable mais ça marche ! Lorsque je relève les yeux j'aperçois sur un mur à vingt mètres une belle inscription en céramique : Rue Saint Sauveur ! Je suis sauvé, le bar Le Saint Sauveur ( faut bien que quelqu'un s'occupe des ivrognes ) est sis au numéro quatre.

 

 

LE SAINT SAUVEUR

 

 

J'y pénètre en vieux habitué. N'y suis-je pas déjà venu le 05 novembre 2010 à l'un des tout premiers concert de Ghost Highway ? Me fait délester incontinent de sept euros. Au Saint Maximin c'était gratuit. Je ne suis pas contre le fait de payer une somme modique pour un concert, c'est juste une remarque d'ordre théologique sur les mérites comparés des divers saints catholiques. Les Jallies sont attablées sur ma droite. Je fais semblant de ne pas les voir - c'est un truc qui marche toujours avec les filles – et m'en vais à la recherche de je ne sais plus qui, puisque j'ai oublié son nom, un mec hyper-passionnant qui m'avait branché sur l'agriculture raisonnée, mais non il n'est pas là. D'ailleurs il n'y a personne. N'ayez crainte, je parle des aficionados rockab homologués que l'on retrouve de lonely week end en lonely week end, comme disait Eddie Cochran. Sinon c'est rempli. Des locaux, toute la jeunesse du coin et les habitués du bar qui soutiennent systématiquement toutes les soirées organisées par le patron. Et ils n'ont pas tort car l'ambiance est chaleureuse et accueillante.

 

 

Dans la salle du fond, à ciel ouvert – ce doit être super au printemps, zut nous sommes en hiver - l'on sert un chili sin carne pero con arroz ( oui, oui les rockers ne baragouinent pas que l'amerloque ) brûlant. Très bon, mais il est temps de se rapprocher de la scène car du côté des Jallies l'on commence à s'agiter comme des guêpes.

 

 

THE JALLIES

 

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Sont pas difficiles. Se jugent à l'aise dans leur réduit même si elles doivent se mettre de trois-quart pour ne pas se gêner. Mais c'est la loi du genre, les cafés ne sont pas des lieux modulables et se révèlent vite exigus pour un concert. Mais tout revers possède aussi sa médaille, le contact avec le public est des plus faciles.

 

 

Derrière sa caisse claire Vanessa est toute pâlotte. Inutile de vous précipiter pour la réconforter dans vos bras puissants même si vous en brûlez d'envie. La pauvrette se débat contre une vilaine bébête, le microbe de la grippe qui s'agrippe. Mais elle sourit et en brave petit soldat du swing rockabilly elle va se battre jusqu'au bout contre l'ennemi intérieur. Montera pas au plus haut des aigus mais se défendra plus que bien sur le reste de la gamme.

 

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Dans sa robe rouge, ce soir Céline est moins lointaine. Elle sourit et rit volontiers. A l'air moins tendue que les premières fois. Prend vraisemblablement de plus en plus goût à cette excitation si particulière de la scène. Plus proche de nous en quelque sorte. Mais toujours cette pointe de distinction naturelle.

 

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Ah le décolleté d'Ady, vous aimeriez que je vous en décrive les profondeurs interdites, mais non je ne m'y risquerai pas. Les cats-rockers ne sont pas de vulgaires matous-vus, et puis je me méfie, le vieux sang des premières blues women coule dans ses veines, n'a pas l'air d'avoir froid aux yeux, ni l'habitude de se laisser mener par le bout du nez.

 

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J'allais oublié l'autre, l'intrus. Les Jallies en ont tellement honte qu'elles le cachent derrière une grosse contrebasse. N'a même pas de nom proprement défini : tantôt elles l'appellent Julien, tantôt Jules, ou Julos ou Julios, sans doute une pièce rapportée qui a échoué là par hasard et dont elles devraient se séparer au plus vite. Je ne voudrais pas être méchant mais un mec dans un groupe de nénettes, ça fait un peu tache.

 

 

Faut être juste autant je suis prêt à voter son exclusion immédiate et définitive, autant je dois reconnaître que c'est un gars qui balance pas mal. Il assure par derrière. Les tient au bout de ses cordes comme des marionnettes. Peuvent faire les malines devant. N'importe quoi pour se faire remarquer, changent de place et d'instrument, genre c'est à mon tour de chanter et à vous deux de vous charger des choeurs. En plus malgré tout ce qu'elles en disent, elles l'aiment bien leur souffre-douleur, sous prétexte qu'il est par ailleurs bassiste dans un groupe de steady-funk les Smokin'Fuzz, elles ont même mis un titre de jump-ska, Boogie in my Bones, dans leur répertoire.

 

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PREMIER SET

 

 

Je les dévore des oreilles les Jallies, et commence à comprendre comment ça fonctionne. D'un côté la musique, de l'autre les voix. Pratiquement chantées a capella, mais comme elles jouent de leurs instruments dans le même temps l'on ne s'en aperçoit pas. D'habitude c'est la voix qui s'appuie sur la musique, c'est d'ailleurs ce qui se passe lorsque Ady se chargent des blues rock'n'hurlés, mais chez les Jallies en règle générale c'est la musique qui repose sur les voix.

 

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Au début l'on n'y voit que du rose. L'on se dit que c'est leur charme qui opère, que tout cela c'est aussi frais que leur jeunesse et autres fariboles du même tonneau. C'est la voix qui swingue d'abord et la musique qui suit. D'ailleurs à entendre de plus près l'on réalise que la musique est des plus ténues, pas question de noyer les cantatrices sous un déluge wagnérien. D'où ce besoin du bourdon continu de la contrebasse au swing acrobatique pour étoffer le fond musical.

 

 

Suis désolé mesdemoiselles mais ce n'est pas votre beauté – même si elle est un atout des plus indubitables - qui arrache l'assentiment des spectateurs, mais le dialogue emmêlé de vos voix et contre-voix, qui emporte l'adhésion du public. Charme charnel de l'organe vocal, de l'orgasme focal de cette union vocalique et volcanique de vos souffles entremêlés. Le résultat de tout cela c'est le plaisir des auditeurs qui se sentent entraînés dans un boogie-swing des plus délicieux sans opposer de résistance.

 

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L'espace est si riquiqui que l'on peut se rendre compte de phénomènes plus diffus en de plus vastes surfaces. Certes les Jallies drainent sans surprise tout un pôle de garçons, mais aussi un pôle féminin – c'est aussi un combo électrique - qui vu l'exiguïté des lieux se retrouve quasi-automatiquement regroupé. Phénomène qui n'est pas pour me déplaire, mais qui prouve avant tout que la formation fonctionne au mieux et porte en elle la possibilité d'atteindre une notoriété bien plus grande que celle de ces débuts actuels.

 

 

DEUXIEME SET

 

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Beaucoup plus de monde qu'au premier acte. Ceci n'est pas dû à l'arrivée inopinée de nouveaux clients mais au fait que durant l'entracte les conversations sont allées bon train dans les deux pièces excentrées du bar. Désormais tout le monde veut voir de près de quoi il en retourne. Et dès que le groupe reprend sa place les interjections de contentement fusent. En trente secondes se crée un réseau de complicité entre les Jallies et l'assistance

 

 

Vanessa se sent mieux. De chanter lui a permis d'éliminer les toxines du virus qui agonise. Céline est déchaînée et Ady ne se retient plus. L'on n'écoute plus, l'on danse. Ou plutôt vu l'étroitesse de la piste l'on se balance sur place, même si certains n'hésitent pas à se lancer dans des passes plus audacieuses.

 

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Entre chaque morceau le dialogue s'engage. Suis toujours étonné par le respect qui leur est témoigné. Des sous-entendus malicieux, voire des sur-entendus canailles, mais rien de sale et de vulgaire. L'on joue, des deux côtés - car Ady ne se prive pas de réparties ou de réflexions lestement envoyées - mais en respectant les règles d'une bienséance bon enfant.

 

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Ca rocke and roule sans problème jusqu'à la fin de la soirée. Malgré les voisins qui n'aimeraient point que le bruit se propageât au-delà de la demi de minuit, les Jallies se verront obligées devant la volonté populaire unanime de nous octroyer deux rappels.

 

 

ROCKABILLY

 

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Sur la route du retour je repense au concert. Les Jallies se distinguent de la plupart des groupes de rockabilly non pas vraiment par leur répertoire - Presley, Vincent, l'on est en plein dans sujet - mais par leur manière d'aborder le problème. Ne donnent pas dans le mimétisme. Elles retaillent à leur mesure. Comme elles sont plutôt douées nos petites mains, ce n'est jamais cousu de fil blanc et elles surprennent par leur démarche de fait très originale.

 

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Les puristes pourraient trouver qu'elles s'aventurent un peu trop loin dans les marges, mais les favorables réactions des publics très variés qui les congratulent à chaque fois pour leur prestation démontrent à l'envi que leur mode opératoire est compris et accepté. Faut qu'elles parviennent maintenant à capter leurs joyeuses trépidations sur un disque qui leur permettra d'avancer plus vite. Je ne doute pas de leur réussite, d'autant plus que Julios n'a pas l'air manchot quand il cause technique. Un avenir prometteur se profile pour le groupe. Déjà ce dimanche 17 février elles tournent sur Paris. Vous refile l'adresse, je suis vraiment sympa, ferais mieux de la garder rien que pour moi, Espace Vintage Swing 9-11 rue Debille, elles passent à 17 heures lors de la Broc'n'Roll. Métro Voltaire.

 

 

Mais entre nous, ce mec tout seul avec ces trois nanas, n'y aurait-il pas un additif à la Déclaration des Droits de l'Homme qui stipule que c'est interdit ?

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

09 / 02 / 2013 / FONTENAY-SUR-LOING

 

 

BLACK PRINTS / HOOP'S 45 / TONY MARLOW

 

GHOST HIGHWAY

 

 

DEHORS

 

 

Fontenay-sur-Loing à une heure de Paris qu'ils ont marqué sur le flyer. Le problème c'est que nous ne venons pas de Paris et que l'agglomération de Fontenay est loin derrière nous. «  Tournez à droite » c'est la voix impérative du GPS qui ne pipait mot depuis un quart d'heure qui nous intime cet ordre sans préavis. La teuf-teuf-mobile vire aussitôt à quatre-vingt dix degrés à tribord toute, toute fière de nous montrer qu'elle est capable de faire aussi bien qu'à Indianapolis. Noir absolu autour de nous. Plus nous avançons, plus la perspective de toucher au but s'éloigne. Le doute s'insinue en nos esprits encore plus fortement que dans le Discours de la Méthode de Descartes. Je ne suis pas superstitieux mais à à courir après des groupes aux noms aussi évocateurs que le Fantôme de l'Autoroute ou les Empreintes Noires, la malédiction des chacals de Béthune va nous tomber dessus plus vite que prévu...

 

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Sans doute errerions-nous encore dans la rase campagne Montargitoise si dans un dernier réflexe de survie je n'avais freiné à mort devant la crêpière. Je ne parle pas de l'appareil à faire les crêpes mais de la gente dame qui verse la pâte sur la plaque ronde et brûlante. Le temps de reprendre nos esprits nous nous apercevons que nous n'avons point stoppé devant une crêperie ambulante mais devant un camion à pizza tout éclairé arrêté au milieu de nulle part dans un no man's land improbable. Mais qui peut bien avoir l'idée de venir se chercher une Quatre-Saisons au chorizo en pleine campagne dans cette froidure à décourager un ours polaire ?

 

 

Pizza-woman est jolie, aimable, agréable et accueillante. Pour un peu l'on serait restée près d'elle et de la douce chaleur du four toute la soirée... après ses explications elle nous propose de nous faire un plan. Nous prendrait-elle pour des demeurés ? Nous ne sommes pas n'importe qui, mais des rockers, le summum de l'évolution humaine, nous avons donc obligatoirement compris. Clair comme de l'eau de roc. N'empêche que dix kilomètres plus loin Mister B se demande si l'on n'aurait pas dû accepter le petit croquis charitable. En désespoir de cause j'effectue un demi-tour acrobatique lorsque Mister B se met à hurler «  Sur le panneau, là ! Théatro ! » Moi je ne vois que SETRACO écrit en grosses lettres rouges sur le fronton d'un bâtiment d'entreprise, mais il insiste tant que faute de mieux on traverse la voie rapide pour nous retrouver sur une petite route qui serpente paresseusement entre des nids de poules ( géantes ). Deuxième mini écriteau, Théatro. Approcherions-nous ?

 

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Nous voici sur un immense parking. Pas un cat à l'horizon. Il est 19 heurs 50 et le flyer indique que les festivités débutent à vingt heures. Mais quelle est cette dame manifestement frigorifiée qui semble attendre toute seule dans le noir l'ouverture d'une porte vitrée derrière laquelle ne brille aucune lumière ? Renseignement pris, elle est venue pour le concert, non il n'y a personne d'autre, mais elle a vu le camion des Ghost Highway de l'autre côté de cette espèce de hangar géant. Ouf ! Sauvés !

 

 

DEDANS

 

 

Retrouvailles et rigolades autour des camionnettes. Ont eu autant de mal que nous à dénicher el Théâtro. Mais eux en plein jour ! Retour devant l'entrée, une quinzaine de personnes se les gèlent en tapant des pieds. Une à une des voitures arrivent. Les moins courageux retournent s'enfermer dans leur véhicule. Il est près de vingt et une heure lorsque les portes s'ouvrent...

 

 

Ce n'est pas une salle mais un véritable à hangar à Boeings. Une allée centrale aussi large qu'un champ de course pour quinze sulkies de front, à droite des rangées de table où vous installez à l'aise un mariage de trois cents couverts, idem sur la gauche pour la communion du petit dernier. Mais c'est aux extrémités que ça devient intéressant, au sud, un bar surélevé aussi mastoc qu'un porte-avions, et enfin au nord une scène assez vaste pour recevoir les huit éléphants du cirque Pinder. Quatre groupes y ont entreposé leur matos et il reste encore par devant assez de place pour garer deux semi-remorques.

 

 

L'on se sent minuscule là-dedans, heureusement que ça se remplit peu à peu. Enfin Thierry Credaro, l'organisateur s'approche du micro pour annoncer deux bonnes nouvelles. Prévoit quatre concerts par an dans le hall. Vu la grandeur du site nous subodorons quelques festivités énormes. L'on sera là ( maintenant qu'on connaît le chemin ).Mais tout cela c'est dans un futur pas si proche alors que dans les secondes qui suivent il hurle le nom des Black Prints qui sont juste derrière lui, le médiator en position d'attaque sur la guitare.

 

 

THE BLACK PRINTS

 

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J'ai râlé comme un putois au mois de janvier lorsque la neige verglacée nous a interdit de tracer vers Roissy où ils étaient programmés. Pas question de les rater à Fontenay-sur-Loing ! Et les voici tous les quatre déjà en route pour une ballade à tout berzingue sur la rock'n'roll Highway.

 

 

Pas tout à fait des nouveaux venus, les deux frères Clément, Olivier et Thierry, sévissaient déjà dans les années 80 dans la région de Versailles avec les Dixie Stompers qui ont laissé de mémorables souvenirs de super concerts si l'on suit les blogues de discussion sur le net. Je n'y étais pas, mais je peux certifier que ce soir-ci les Black Prints n'auront pas démérité de la flatteuse réputation de leurs débuts. N'y a qu'à voir le sourire de Thierry sous son chapeau blanc de cow-boy pour comprendre qu'ils sont heureux d'être là.

 

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Attention les Black Prints portent bien leur nom. N'allez pas penser qu'avec eux c'est cui-cui les petits oiseaux et la vie en rose. Sont plutôt noirs. Comme le cuir de Vince Taylor et de Gene Vincent. Sont ancrés dans le triangle fondateur – ajoutez Eddie Cochran aux deux précédents - de la mythologie des froggies rockers.

 

 

Au coeur du rock'n'roll et pas question d'en sortir. Les Black Prints c'est avant tout une émulation entre basse et guitare. Attirent le regard, Olivier dans son futal de cuir à lacets qui grandit encore sa silhouette et Jean-François, trois pas en arrière mais pas du tout le rôle de second couteau. Au phrasé très rythmique d'Olivier, accentué par la netteté tranchante de son vocal – c'est lui qui trace et ouvre la route – Jean-François ajoute la violence de ses à-coups de basse qui s'insinuent dans les contre-temps et s'en viennent mordre la ligne mélodique comme des mambas affamés. Quel que soit le tempo, vous êtes emporté dans une hypnose infernale. Accoutumance assurée. Au bout du troisième morceaux vous êtes accros et dépendants pour la vie.

 

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J'ai toujours aimé la frappe de Yann, pour une fois que la scène est assez large pour permettre de le voir en pleine action, je ne m'en prive pas. Pas vraiment rockab, plutôt rock'n'roll. Moins de saccades, mais davantage de brisures ce qui n'exclut nullement la rapidité et l'ouverture. Les Black Prints c'est tout le monde droit devant tous ensemble mais chacun se réserve ses chemins personnels. L'important c'est d'être exact au rendez-vous au bon moment. Et ils y sont.

 

 

Seulement entre temps Yann vous a foutus de ces dérapées de breaks à vous chavirer le coeur avec toujours ce balancement incessant du tom écrasé qui rebondit et retentit comme le souffle d'une explosion qui emporte tout sur son passage. Un style qui n'est pas sans me rappeler Jojo Dumoutier qui accompagna Gégêne en France, plus rapide que Yann sur les tempos, mais beaucoup moins puissant quant à la lourdeur. Tout l'apport du british psyko blues entre ces deux générations de batteurs.

 

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M'étais toujours demandé pourquoi les premiers guitaristes électrifiés de jazz s'inspiraient des interventions des sax pour trouver leur place dans le groupe. J'ai compris ce soir en entendant Jean-François reproduire sur sa basse l'aboiement rauque du saxophone. La colère et la hargne transforment la rondeur métallique des cordes en cuivre criard. S'imposer pour survivre. En voici un qui ne joue pas pour produire des notes. Joue sa peau à chaque accord. Le rock est une chose trop importante pour être laissé aux seuls musiciens. Le rock est une mise en danger permanente. Un duel avec soi-même, pour apprendre à grandir. C'est parce que l'homme est toujours seul avec lui-même que Jean-François joue de la basse en soliste.

 

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Avec ces deux mord-la-mort à ses côtés Olivier a les coudées franches et l'esprit libre. Chant et guitare. Se débrouille plus que bien sur les deux. Ai causé de rythmique tout à l'heure mais c'est aussi un satané envoyeur de riffs. Les peaufine à la dentelle et les chauffe au chalumeau. N'hésite pas à s'attaquer aux chef d'oeuvres du répertoire, n'y est jamais ridicule et se sort de l'exercice avec une aisance qui en dit long sur son talent. Bluffe la salle par son interprétation de Up a Lazy River de Mister Craddock. L'on ne pose pas une voix sur une telle mélodie sans danger. Y-a là-dedans des coupures et des reprises à vous désarticuler les cordes vocales.

 

 

Thierry Credaro les rejoint sur scène avec sa guitare, restera durant le dernier tiers du set. Excelle dans le phrasé de précision. Trop discret dans son attitude, pourrait se mettre en avant sans que personne n'y trouve à redire. Little Nico - voir plus loin - est invité à rejoindre les Empreintes Noires. Restera un peu trop tétanisé, la main collée sur le manche, un rien de trop statique pour du Cochran.

 

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Font un tabac. Pour moi je retiendrai ce Baby Let's Play House – un de mes morceaux préférés, version Holly que je trouve mile fois supérieure à celle de Presley – une interprétation d'anthologie. Dans la foule beaucoup se demandent pourquoi un aussi bon combo est passé en première position. Notez que la réponse est dans la question. En fait ce soir, l'on est gâtés. Faut écouter chaque groupe sans se préoccuper de qui vient après ou avant. Que du premier choix.

 

 

HOOP'S 45

 

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C'est comme quand on avale un cachet trop gros. Ca reste bloqué dans la trachée artère. Hoop's – dites 45, docteur – mais c'est trop tard. Vous ne reprendrez plus jamais votre respiration. Vous êtes déjà mort. Please don't touch. Pas de souci à se faire. La force impétueuse avec laquelle Stéphane se jette sur le micro, est assez éloquente, on n'y touchera pas une seule seconde. D'ailleurs il ne nous en laisse pas le temps, est déjà parti en courant dans les escaliers du Twenty Flight Rock d'Eddie et à la vitesse à laquelle il les escalade, on ne va pas le suivre longtemps.

 

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Les Hoop's démarrent en trombe. 45 en force. N'oubliez pas que nous sommes dans le Loiret. Faut vous y faire. Hoop's Rockabilly, ce n'est pas du hillbilly swing nasillard, plutôt de l'électric cat en rut qui saute sur tout ce qui bouge. Ne sont pas depuis dix sept secondes sur scène qu'ils abordent les vitesses de pointe. Ne redescendront jamais en dessous. Intervention commando.

 

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Suffit de regarder Jean Eric pour comprendre. Joue deux fois chaque titre. Avec les doigts sur la guitare, et c'est vif, tranchant et saignant. Découpé à même la chair. Puis avec son corps qui se plie à chaque cassure du morceau dont il mime et redessine chaque contour. Appuie surtout là où ça fait mal. Mais n'oublie pas les mimiques expressives, parfois il semble que ses yeux – très bleus - vont sortir de sa tête, mais non il les range dans son regard, et il profite de votre surprise pour vous asséner quelques notes en uppercut sur la carotide. Faut saisir au vol, sur King Creole, l'espace de trois secondes il adopte la pause du batracien repu sur sa feuille de nénuphar dans le bayou. Puis il vous décroche un riff alligator qui vous cisaille le cerveau en deux coups de mâchoires redoutables.

 

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La semaine dernière à Rocker Kulture Richard était resté fair-play. Placide. Puis l'air de rien il vous plantait quelques coups de poignard dans le dos. Ce coup-ci, il adopte une tout autre tactique. Méchant dès la première épreuve. Vous fixe bien en face et ne vous promet aucun cadeau, si ce n'est ces coups de boutoirs ultra rapides, recommencés avant qu'ils ne soient terminés.

 

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Le groupe tourne à fond. C'est Kevin qui se charge de la soudure des trois excités de devant. Vous recolle les morceaux à coups de caisse claire. Cloue et agrafe en même temps. Sacré boulot. Tient le rôle du berger qui ramène les brebis égarées sur le bon chemin du rythme carré. Mais les trois ostrogoths n'en font qu'à leur tête. Presque, parce que dans ce joyeux désordre, mine de rien les morceaux gardent leur singularité. Sont déployés sur un mode ultra-rapide mais terriblement efficace.

 

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Ont leurs compos à eux que l'on retrouve sur le disque. Tiennent la route. Memory - une sombre histoire de morts-vivants – bénéficie d'un éclairage verdâtre à vous faire regretter de n'être pas resté tout le week end chez belle-maman, s'affirme comme un futur classique. Kevin claque le rythme à la perfection. Le groupe est lancé comme un obus téléguidé qui cherche sa victime. Eclate au beau milieu du public qui ne s'en plaint pas. Serait même plutôt satisfait du résultat.

 

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Terminent aussi brutalement qu'ils ont commencé. C'est que l'on y prend vite guHoop's à ces fulgurances trépidantes. Ils ont tout donné mais l'on a tout pris. Et on n'est pas prêts à le leur rendre. N'ont qu'à recommencer. Pour le plaisir de tous.

 

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TONY MARLOW

 

 

L'on ne présente plus Tony Marlow. Dans les années 80 il officiait chez les Rockin' Rebels. Beaucoup d'aventures par la suite. Nous retiendrons qu'il accompagna Vince Taylor à la batterie. Aujourd'hui il est le créateur du concept Rockers Kulture, nous en parlions la semaine précédente. Si ses premières amours furent dévolues au druming, il est peu à peu devenu avant tout un guitariste renommé et c'est derrière sa Gretsch métallisée qui projette des reflets blancs de ventre de requin affamé que nous le retrouvons sur scène.

 

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Formation minimaliste. Contrebasse et batterie. Point à la ligne. Mais d'abord la guitare. Il a le son Marlow. L'on dirait qu'ils sont trois à jouer ensemble tellement il possède d'épaisseur. Et tout en finesse avec cela. Un son clair à la Shadows mais Tony soit qui mal y pense, survitaminé et surtout pas estampillé vieux style. Vole et plane haut. Vous emporte, et ne vous laisse plus tomber. L'on sent que le gars ne joue pas au hasard. L'a beaucoup écouté et intégré. N'y a pas que du Marvin là-dedans, du Burton, du Berry, du Link Wray, du Grady Martin et bien d'autres encore mais le mélange obtenu c'est du cent pour cent Marlow. L'a su créer sa propre pâte. Son propre style.

 

 

Maîtrise au millimètre près. Arrête son envolée en plein délire pour reprendre trente secondes plus tard à l'endroit exact où il avait mis sur pause. Une horloge. De précision. Doit être un bon prof. Ou plutôt un bon coach. La preuve lorsqu'il appelle le petit Nicolas sur scène, la jeune pousse est beaucoup plus détendue. Faut dire qu'il vient d'enregistrer un disque avec Tony Marlow ( à la batterie ) : Jamy and The Rockin' Trio ( en fait come les tris mousquetaires ils sont quatre ) chez Paradise. Little Nico est cette fois beaucoup plus crédible sur les standards de Cochran. Fine moustache blanche mon voisin me tape sur l'épaule pour me dire que du haut de ses quatre-vingt ans il apprécie cette transmission in vivo à la jeunesse. Me dit qu'il s'appelle Jacques et s'en va se trémousser sur la piste comme un adolescent.

 

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Marlow chante aussi en anglais et en français, ces titres-là me semblent sonner un peu moins bien. Nous sert un fastueux Raw Hide mais depuis un moment je n'ai d'yeux que pour le contrebassiste. Une dégaine incroyable. Le rock'n'roll personnifié. Gilles Tournon himself. Il suffit de citer son nom pour mettre tout le monde d'accord, a fait partie des Virginians d'Ervin Travis et on retrouve son crédit sur beaucoup d'enregistrements de french rockabilly ( souvent les meilleurs ). Je ne peux plus détacher mes yeux de sa personne. L'est dans son monde. N'y a plus que sa contrebasse et lui. Et encore je me demande si dans ces moments de turpitudes rock il arrive à penser à autre chose qu'à la musique qu'il slappe comme dans un état second. Rock'n'roll tour d'ivoire. Quelle leçon ! Quelle grandeur ! Solitude de grand seigneur.

 

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Je reviens à moi, juste pour me rendre compte que Jacques s'est lancé dans une espèce de quadrille enflammé en compagnie de trois jolies filles. L'a de la ressource le frère Jacques !

 

 

GHOST HIGWAY

 

( L'ordi refuse de prendre les photos des Ghost, désolé )

 

Il se fait tard. Ne restent plus que la dernière cohorte des passionnés. Les femmes et les enfants sont partis. C'est le moment de tous les dangers, les Ghost entrent en scène. Ne vont pas donner un concert, ils survolent. Sont tout sourire et de bonne humeur. N'ont pas joué trois mesures de Snatch it & Grab il que l'on sent qu'il va falloir s'accrocher car ils sont en pleine forme.

 

 

Déconcertants de facilité. La dimension au-dessus. D'emblée dans la stratosphère de l'aisance. Zio ne zieute même pas sa contrebasse, beaucoup plus intéressé par le public que par son instrument. A croire que c'est nous qui faisons le spectacle. Ne la regarde pas mais lui allonge de ses paires de claques à vous dévisser la tête et à vous faire sortir la cervelle par les oreilles. L'on dirait qu'elle est en pilotage automatique et qu'il se contente, sourire goguenard aux lèvres, de corriger sa trajectoire à coups de battoirs homériques dès qu'elle fait mine de vouloir baisser la cadence.

 

 

De l'autre côté Mister Jull agit de même avec sa Gretsch. Ne la frappe pas, mais l'air de ne pas y faire gaffe il en extirpe des notes à vous faire pâlir de jalousie. Trois gratouillous de rien du tout, en passant, et le riff vous encercle de sa ceinture de fer. Résonne dans toute la salle et vous revient en pleine gueule pour vous laminer le coeur. Géant.

 

 

Arno se marre – mais sans canards – littéralement. Grande forme. En verve. Sur Country Heroes, bye bye la nostalgie. N'a pas l'alcool triste comme Hank Williams III. Plutôt excessivement gai. Se lance dans une longue intro à l'espagnole. Arno à l'harmo se sent lâme flamenco, nous offre un festival fandango à mourir de rire. N'ai jamais vu les Ghost aussi heureux. Aussi rigolards.

 

 

Et ces sacrés cats retombent toujours sur leurs pattes. Sont comme ces garçons de café qui jouent au freezbee avec leur plateau mais sans jamais perdre la note. Ne vous inquiétez pas pour Phil, l'est en grande forme aussi. Tape comme un madurle sur ses caisses mais de temps en temps il se permet de petites fantaisies. Fait le cake pour se faire remarquer, et s'en vient en rampant siffler le verre de bière qu'Arno gardait au pied de son micro.

 

 

Autant dire que ça délire sec, Mister Jull nous chante – avec la salle qui reprend en choeur – l'hymne international de la quéquète qui colle, Zio nous prend en photo tout en baffant à mort son instrument qui n'y est pour rien, Arno imite Earl à la soirée de Rockers Kulture en sortant sa fausse set-list ( voir KRTNT 130 ), et Phil écrase ses caisses comme on bat sa femme sans haine mais méthodiquement.

 

 

Le grand cirque rock'n'roll et le groupe se paie le luxe de sonner comme jamais. Pas un pain, pas un imper, l'on baigne dans une euphorie musicale et lorsque ça se termine l'on devine que l'on ne se trempera pas deux fois dans un tel fleuve de jouissance pure. Jubilation impériale.

 

 

FINAL

 

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Terminent sur un Johnny Law d'anthologie qui met le feu aux poudres. N'ont pas eu le temps de débrancher les jacks que la scène est envahie par une nuée de musiciens. Y a neuf guitares sur scène, plus Zio qui tient sa contrebasse comme une gratte... chacun a droit à deux petits solos. Just for fun... Merci à Thierry Credaro pour une soirée de telle qualité, dire que l'on va recommencer quatre fois par an !

 

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Cinq heures du matin, je gare la teuf-teuf mobile devant la maison, pas de concert en vue pour ce dimanche. La vie qui sait être douce aux rockers peut aussi se montrer cruelle.

 

 

Damie Chad.