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10/01/2013

KR'TNT ! ¤ 126. ROCK FRANCAIS 1960 - 1985.

 

KR'TNT ! ¤ 126

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

10 / 01 / 2013

 

 

 

ROCK FRANCAIS 1960-1985

 

 

 

ROCK'O'RICO

 

25 ANS DE CULTURE ROCK EN FRANCE

 

 

CHRISTIAN-LOUIS ECLIMONT

 

( Novembre 2012 / Editions GRÜND )

 

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Ne faites pas comme moi. D'abord je suis inimitable, ensuite c'était une erreur. Lorsque je l'ai entrouvert et feuilleté rapidement, je n'ai vu que les photos. Il y en a un max. J'éprouve toutefois un faible pour le texte. Alors je l'ai reposé sur le présentoir et suis sorti du magasin. Deux heures plus tard, poussé par l'instinct bestial du rocker en manque d'information, tout comme l'assassin qui retourne sur les lieux de son crime, suis revenu le chercher en maugréant. Somme toute je verrai bien à l'usage.

 

 

A ROCKIN'DATE

 

 

Un truc me chiffonnait. Surtout qu'il n'est pas annoncé de tome 2. Que le bouquin commençât en 1960 pour faire un compte rond je l'admettais, mais qu'il finît en 1985, tout juste quelques années après Vingt Ans de Rock Français de Christian Victor et Julien Regoli paru en 1978 – le KR'TNTreader impénitent ne manquera pas de se rapporter à notre cinquante-huitième livraison du 23 / 06 / 2011 – je n'en voyais pas l'utilité.

 

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Question dates, y avait encore le découpage qui me tarabustait. 1960-1966, me semble une erreur. J'aurais arrêté en 1964 et rajouté un interrègne 65-69 en lieu et place du 1967-1976 choisi par Christian-Louis Eclimont. Pour la troisième section 1976-1985 je serais plus coulant. Enfin nous en reparlerons.

 

 

Faut dire que Christian-Louis Eclimont procède d'une logique qui n'est pas dépourvue de raison. Le coeur a ses raisons que le rock ignore. Connaît tout de même son sujet et il ne s'est pas contenté de recopier les bios qui traînent sur internet. Certes il n'est pas parfait. N'a-t-il pas commis dans un passé proche ( 2011 ) un livre laudatif sur Georges Brassens ? Ce n'est pas un monomaniaque du rock, possède même un autre hobby qui roule : le cyclisme. On fermera les yeux sur tous ces défauts congénitaux en se remémorant son Swinging Sixties en 2009. Comme disait Keith Moon, un individu qui aime les Who ne peut pas être entièrement mauvais.

 

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1960-1966 : L'EXPLOSION JEUNE

 

 

Passons sur l'introduction de Jean-Bernard Hebey, présentateur de Salut Les Copains, et soi-disant, selon sa biographie officieuse, introducteur de la Pop-Music sur RTL. Je voudrais pas cafter mais à l'époque il y avait un bon moment que le Président Rosko sévissait sur ces mêmes ondes avant qu'il ne débarquât devant le micro luxembourgeois. L'idée du rock, musique miroir du vingtième siècle ne tient que lorsque l'on a le courage de briser la glace ( tiens, voici Pete Tonwshend et son mongolito de Tommy qui passent en arrière-plan ) réfléchissante. Car seuls certains fragments sont indispensables. Ceux qui vous transportent hors de vous-mêmes.

 

 

Un bon point pour Christian-Louis Eclimont, n'a pas épuisé le bla-bla sociologique convenu – société de consommation et baby boom – qu'il tape à coups de chaînes de vélo sur Boris Vian, l'imbécile prétentieux, le jazzeux culculturel, qui ne supporte pas le rock, le décrie, le vilipendie, l'escamote et l'utilise sans oublier de se servir au passage dans le tiroir-caisse. Au moins nous sommes deux à jouer aux fléchettes sur cette baudruche puante de suffisance égrillarde.

 

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Puisque nous sommes partis pour dire du mal enchaînons sur Albert Raisner – un célèbre harmoniciste des années cinquante – pseudo-country imitateur des génériques western - qui n'a jamais réussi à filer le blues à quiconque, ce qui entre parenthèses est un comble quand on joue du même instrument que Sonny Boy Williamson, et qui se la pétait grave en présentant sa célèbre émission, Âge Tendre et Tête de Bois. Un galimatias innommable, qui mélangeait tout, le rock le plus pur à la variété la plus cloche. Même proportion que le pâté d'alouette : un oiseau rock pour un cheval de bêtise. Une entreprise de châtrage domestique. Le rock aux angles arrondis. Des commentaires de bonimenteur. Salissait tout ce qu'il touchait. Rapetissait tout. Si les yé-yé ont fini par détrôner le rock en France, Raisner y fut pour beaucoup. En lui confiant la seule émission télé qui passait régulièrement du rock, le pouvoir médiatique avait bien choisi son homme. Eteignoir professionnel.

 

 

Car c'était cela le rock en France dans les années soixante. Le papillon est sorti de son cocon mais il n'a jamais pu déployer ses ailes. On s'est dépêché de les lui brûler avant qu'il ne se précipitât de lui-même sur la flamme rougeoyante des révoltes aurorales. L'explosion jeune ! C'est vrai que l'on vous en a vendu de la jeunesse à en voilà en voici, même si vous n'en voulez plus. Overdose de jeunisme. Un marché intérieur captif en pleine expansion. Soyez sûrs que l'on n'allait pas laisser s'envoler le fromage, quitte à tuer dans l'oeuf le corbeau noir du rock'n'roll qui le tenait dans son bec.

 

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Dès les premières heures le rock a dû apprendre à louvoyer. Avec le marché et les médias. Rien à redire, z'ont sacrément bien fait leur boulot. Ont désamorcé les grenades une par une. Ont remplacé l'explosif par du plâtre. Qui lave plus blanc. Maintenant faut être juste. Les jeunes étaient jeunes, et surtout très bêtes. Chantaient plutôt mal et jouaient de leur instrument pas très bien du tout. Mais ce n'était pas grave. C'est du côté de la cervelle qu'il y avait comme un vide. Un trou béant. Se sont engouffrés dans les années soixante sans savoir où ils allaient. Ne pensaient qu'à s'amuser. Les générations précédentes qui s'étaient reçues la première et puis la deuxième mondiale sur le coin du museau avaient tendance à voir le mauvais côté des choses. Alors ces galapiats qui exigeaient de l'argent de poche pour acheter des disques de bruits inécoutables... Vous parle même pas des filles qui se dévergondaient. En public, comme si elles ne pouvaient le faire discrètement. Comme leurs mères.

 

 

Le rock en France a toujours été un bâton merdeux. Vous ne pouvez le prendre par aucun de ses bouts. Mais le génie national possédait son arme secrète. Même pas atomique. Mais grande pourfendeuse des groupes – on les a estimés à plus de six mille – et des carrières. Personne ne vous empêchait de faire deux ou trois 45 tours de vinyl, mais très vite l'armée vous appelait. Avec la guerre d'Algérie en prime certains se sont payés jusqu'à trois ans de vacance gratuite.

 

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Johnny, Eddy - y a laissé jusqu'à ses dernières chaussettes - et Dick ont pu négocier le virage. Mais pour la plupart des combos ce fut la Bérézina. Pas le pont, l'eau glacée. L'on reste atterré lorsque l'on étudie la discographie des groupes les plus connus. Trois, quatre disques, et puis bye, bye les amis. Heureux ceux qui décrochèrent un trente-trois tours ! L'on s'est souvent gaussé des prouesses vocales et instrumentales de ces pionniers. Mais on ne leur a pas laissé le temps. Ont découvert la guitare le jour où ils l'ont achetée. N'étaient pas à de rares exceptions – qui d'ailleurs ne provenaient pas en droite ligne musicale du rock – des virtuoses. Quant aux chanteurs qui essayaient de reproduire le haché biseauté de l'englishe sur la ligne mélodique du français ils ne sont jamais parvenus au bout de leur peine. C'est que là tout était à inventer et rien à imiter.

 

 

Aujourd'hui, cinquante ans après, il ne reste plus – dans l'inconscient collectif - que des noms. Qui écoute encore Danny Logan et les Pirates, Danny Boy et les Pénitents, les Missiles, El Toro et ses Cyclones, les Aiglons, les Panthères, les Mustangs, les Vautours, les Pingouins et toute la ménagerie... hormis les rescapés de l'époque, plus près du cimetière que du berceau, qui se rappellent une larme à l'oeil leur folle jeunesse ? Les collectionneurs de disques et quelques fans de rockabilly encyclopédistes qui veulent absolument tout connaître de l' époque légendaire. Oui.

 

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Et non. Car les disques circulent. Les rééditions CD, même quand elles finissent dans les bacs des soldeurs s'écoulent doucement. Il existe un véritable revival qui va de la pire exploitation commerciale style les Vinyls à la recréation révérente des Socquettes blanches. Tout cela se déroule encore dans l'impasse des nostalgies périmées. Mais l'essai malheureux ( et pas du tout transformé ) d'un groupe comme Mustang en 2006 qui s'en est allé fouiller dans les premières poubelles de l'histoire du rock français afin de peaufiner leur son en gestation nous incline à penser que tout un travail de réévaluation de cette époque reste à faire. Mustang s'est seulement trompé sur toute la ligne en interprétant cet héritage selon une dérive pop-mode à l'opposé de l'ancrage initial 100 % Rock comme l'affirmaient Les Chaussettes Noires sur leur premier 25 centimètres.

 

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Puisque nous venons de hisser le drapeau noir autant en profiter pour évoquer la geste des Blousons Noirs. Christian-Louis Eclimont l'aborde par son côté le moins rugueux. Lorsque l'herpès social vous démange sortez vite votre tube de pommade sociologique. Ce qu'il y a de bien avec les Blousons Noirs c'est qu'ils ont très vite disparu des écrans radars de la société médiatique. Se sont rangés des voitures. Ont été bouffés par la société de consommation. Ont vu leur prestigieuse aura très vite annexée par les Rockers anglais. Ont adopté le look hippie. Sont rentrés dans le Milieu. Ont cédé la place aux petits loubards. Se sont retrouvés chez les Rockies, chez les Cats et même chez les Teds. Mais l'appellation contrôlée, plus personne ne la revendique depuis belle lurette. L'on oublie le principal : c'est que les Blousons Noirs furent les premiers porteurs du rock en France. Pas les introducteurs. Mais les passeurs. Les stalkers pour employer une image filmique. Ces fils de rien, issus du lumpen, ont tout de suite compris la colère, la hargne et la violence anti-sociétale véhiculée par le rock'n'roll. Se sont drapés de ses oripeaux flamboyants et l'ont transformé en culture. Plus tard la petite-bourgeoisie parlera de culture-underground. L'on y adjoindra le retour à la nature, la bouffe végétarienne et les énergies cristalliques. L'on étirera le concept jusqu'à sa propre parodie : ouvrez un poste de télé ou de radio, vous êtes sûr de tomber sur un spécialiste qui vous tartine des trémolos de bio-diversité et de développement durable. De l'anarchie la plus noire l'on s'est laissé glisser dans le gris pathos des discours lénifiants les plus libéralement catastrophiques. Les Blousons Noirs n'avaient qu'un seul défaut : ils n'étaient pas sociaux-démocrates. Point du tout compatibles. On les a éradiqués. Comme les tribus apaches. Dommage qu'ils n'aient pas su générer un Géronimo pour mener une résistance désespérée mais symbolique. Les bandes se sont éteintes d'elles-mêmes. Ne restent plus que le souvenir de leurs dieux tutélaires, Gene Vincent et Vince Taylor. Mythologie.

 

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LE STYLE ANGLAIS

 

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Après 1964 tout change. Les anglais débarquent. En fait il y a déjà longtemps qu'ils squattent le paysage. Passer sous silence l'influence des Shadows sur le rock français relèverait de la désinformation. Me souviens encore des tours d'échauffement et de stade durant les cours de gymnastique. Nous sommes déjà en 1965, mais dès que nous arrivons derrière les vestiaires nous devenons invisibles aux yeux du prof. Arrêt guitare. L'on caresse un instrument imaginaire et chacun se met à imiter le vrombissement d'une Eko en pleine cavalcade. Itou, Marsat, Derlon, bientôt rejoints par la moitié de nos congénères. A la fin n'y a plus que trois imbéciles de sportifs qui courent comme des dératés. C'est toujours le prof furax qui vient interrompre nos arpèges souverains.

 

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Bref quand Beatles, Stones, Yardbirds et Animals ramassent la mise, le terrain a été salement préparé par les accompagnateurs de Cliff Richard. Deux pages sur Ronnie Bird, nous ronronnons de bonheur. Une page dithyrambique ( et amplement méritée ) sur Vigon nous exultons. Une colonne sur Noël Deschamps nous faisons la gueule. Surtout qu'après Polnareff et Antoine... il est temps que cela se termine. Ca finit à la page suivante sur Emmanuel Booz, vous en dirai rien, je connais le nom, j'ai entendu mais aucun souvenir dans mon cerveau clafoutis.

 

 

1967-1976 : LE TEMPS DES UTOPIES

 

 

Le plus gros morceau du bouquin. Pas un hasard. En 1970 – l'est né en 1954 – l'auteur jouait de la batterie au Lycée Paul Valéry de Paris. En quelles circonstances précises la légende de la photo de présentation page 6 ne le dit pas. Mais vous aurez compris que Jean-Luc Eclimont aura vécu durant sa jeunesse bénie l'efflorescence post-soixante-huitarde des seventies. Parle en quelque sorte de l'intérieur.

 

 

Période faste. D'une richesse incalculable. A tous les points de vue : sociaux, philosophiques, et économiques. Ere de grande permissivité. Libération sexuelle, expérimentations psychotropiques et déluges fenderiens. Même si le film tirait sur sa fin pas très happy. Au niveau rock, vous ne saviez plus où donner de l'oreille. Ce fut l'apothéose. Mondiale. Pour le rock français un bémol s'impose. C'est que voyez-vous quand on fait le bilan de tout ce qui a précédé il est facile de percevoir qu'un Led Zeppelin ou un Jimmy Hendrix ne pouvaient surgir des cendres froides des Chats Sauvages ou des Champions.

 

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Naquit cependant très vite une seconde génération de groupes nationaux. Remarquons qu'en épluchant d'un peu plus près les effectifs de ces nouvelles générations il saute aux yeux qu'une partie non négligeable des musicos ont fait leurs armes dans les formations des années soixante. Avec le temps, ils ont fini par apprendre et savoir jouer de leurs instruments. Et souvent mieux que bien. Paradoxalement cette amélioration générale du niveau musical fut l'une des deux causes principales de l'échec de ces nouveaux groupes aux dents aussi longues que leurs talents.

 

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Un mal bien français. Maintenant que l'on n'était plus des nazes l'on allait passer aux étages supérieurs. Certains accuseront une ingurgitation désordonnée de pétards aux effets trop planants, pour notre part nous mettrions plutôt l'index sur cet intellectualisme pseudo-élitiste spécifiquement franchouillard rebuté par la force primaire du beat de base rock'n'rollien. Trop simpliste. L'on brûla les étapes. Les folies électriques des Yardbirds étaient trop grossières. Inutile de s'attarder. L'on prit pour modèle le roi en personne, King Crimson ! Pas moins et même plus. Derrière cette arrogance certains voyaient déjà plus loin que le rock et louchaient vers le jazz.

 

 

ALAN JACK CIVILIZATION

 

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Le rock se devait d'être progressif. Ou de ne pas être. Deux groupes tirèrent leur épingle du jeu. Souverainement. Mais de manière antithétique. L'Alan Jack Civilization formé autour d'Alan Jack qui resta au plus près des racines du blues. Dans toutes ses extravagances, même les plus folles, l'on retrouve toujours le rythme primordial du Delta, sursaturé, électrifié à outrance, torturé mais intangible. En osmose parfaite avec ce que l'Angleterre produisait de meilleur. Fut reconnu à sa juste et haute valeur par ses pairs de l'United Kingdom. Considéré comme un groupe de deuxième catégorie par le public français, persuadé que tout ce qui ne venait pas de la perfide Albion était rédhibitoirement mauvais, l'Alan Jack Civilization ne connut qu'un succès d'estime. Lorsque en 1970 l'Alan Jack se dissout en une communauté « hippie », les médias préférèrent faire l'impasse sur ce groupe un peu trop anarchisant dans ses pratiques quotidiennes... Gageons que les quatre pages de Rock'O'Rico consacrées à Alan Jack ranimeront l'intérêt autour de ce groupe mythique.

 

 

MAGMA

 

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A l'autre bout du spectre musical nous trouvons Magma. Longtemps que Christian Vander a quitté le marécage pré-chicagoïen. Tout petit Elvin Jones le prenait sur ses genoux pour lui refiler des plans de batterie ultra-secrets. Mais le jazz s'est tès vite avérée une musique trop facile pour notre surdoué. A fini par s'intéresser au classique, Stravinsky par exemple. Magma c'est un peu comme un quatuor de Bartok joué par des violonistes fous enchaînées sur des chaises électriques branchées sur du 25 000 volts.

 

 

J'ai vu Magma en 73. A Toulouse. Lugubre. Une section de cuivres et de bois wagnérienne emmenée par la voix sépulchrale de Klaus Basquiz. Un lamento que même Wagner n'aurait pas osé user pour la mort d'Ysolde. Pour dire comme c'était morbide. Un truc à trucider des cadavres. Avec en contrepoint Vander encastré dans sa batterie se débattant comme un diable en enfer. Mais ce n'était rien comparé à leur prestation de juin 75. Silence glacial quand dans leur longues robes noires, ils se sont inclinés, tout en haut de l'estrade surélevée, quasi religieusement, non pas devant nous pauvre petit public de pacotille, mais devant leur propre grandeur intérieure. Se sont installés et Vander a pris la parole. Non pas en kobaïen, mais en pur français bien de chez nous. N'a pas été prolixe, s'est contenté d'une toute petite phrase. Très lourde de sens. « Nous, nous construisons des pyramides ». Et puis ce fut l'apocalypse. Un roulement de panzer division a déferlé sur la foule. Je ne sais comment nous en sommes ressortis tous vivants. Fallait voir cette puissance, cette pulsation, et Didier Lockwood accroché à son violon parti dans un solo de vingt minutes à crever le fond de l'enfer. Quand je pense qu'il existe encore des imbéciles qui s'interrogent sur la signification de Mekhanik Destructiw Kommandöh !

 

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CRIUM DELIRIUM

 

 

Ne croyez pas qu'entre Alan Jack Civilization et Magma, il n'y avait rien. Il y eut Crium Delirium. Rien que le nom, déjà on comprend qu'ils furent de sacrés allumés. Des allumeurs plutôt. De l'Alan Jack ils partagent la même philosophie communautaire d'une autre manière de vie. Avec un côté plus activiste, plus militant. Souvenez-vous que 1968 à 1974, le gauchisme triomphait. En apparence, très loin de Magma dont la seule attitude hiératique était une condamnation sans appel de toute cette chienlit hippisante envasée dans une promicuité douteuse avec marmaille pagailleuse et chiens puceux mal élevés. Z'étaient libres dans leurs existences et dans leurs têtes les Crium Delirium, groupe à géométrie variable, mais aussi dans leur musique. Branchés plutôt free jazz que rock. Produisaient une musique adjacente à celle de Magma, mais sans la grosse tête. Magma c'était les extra-terrestres et Crium Delirium les terrestres extras.

 

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Les ai vus en concert ( vaudrait mieux dire en action ) et tiens à préciser pour la suite du récit que je n'en rajoute pas. C'était encore en Toulouse et mais en 1973. Nous occupions la faculté de Lettres. Des temps heureux ( qui devraient se dépêcher de revenir ), nous avions voté la grève illimitée jusqu'à la fin de l'université bourgeoise. Crium Delirium a débarqué en tout début d'après midi. Leur a fallu près de trois heures pour installer un matos qu'un groupe de rockabilly vous déballe en vingt minutes. Faut reconnaître qu'à quinze heures quand ils ont commencé à jouer ne se sont pas arrêter une seconde jusques à dix huit heures.

 

 

Pour la musique, hypnotique. Un serpent chatoyant qui vous entre dans le cerveau et qui refuse d'en sortir. Syncopé mais n'éclatant jamais. Une interminable phrase musicale aussi ondoyante que la syntaxe de Proust. Un buisson de flammèches dont on ne sort jamais. Davantage doux délire que cri aigu. Envoutant et nonchalant. Massage génital. Un peu comme si l'on vous faisait une fellation refoulante - cunninlictus pour les demoiselles - pour vous remplir d'un savant mélange survitaminé de sperme et de foutre. Lorsque au bout de trois heures ils ont arrêté, il y eut un silence total. L'on entendait la brise printanière qui jouait dans les feuilles des arbres de la cour.

 

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Sans s'être concertées cinq cents personnes sont entrées comme des zombies téléguidés dans le plus proche amphithéâtre et chacun s'est assis sans mots dire sur les gradins de bois, face au tableau et au bureau vide. Et brusquement la poche a crevé. L'énergie accumulée s'est libérée. Vision d'asiles. Tout le monde hurlant, gesticulant, frappant des poings sur les pupitres, une énorme clameur qui n'a fait que croître, enfler et enfin exploser en un brouhaha charivarique indescriptible. Je préfère ne pas vous parler des dégâts, l'amphi détruit, les rangées de bureaux arrachées de leur travées, les solives du plancher à l'air nu...

 

 

Rien à redire, Crium Delirium n'avait pas volé son nom.

 

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OTHER VOICES

 

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Evidemment le grand public rock regardait ailleurs que vers ces trois démiurges ! Triangle, Martin Circus et Ange. Tiercé gagnant dans l'ordre. Les ai vus eux aussi. Voudrais pas être méchant mais Triangle, hormis la fameuse pochette au piano en feu, n'a jamais résolu la quadrature du cercle. Réputation surfaite. Un bon groupe de répétition qui cherchait encore sa voie. Laborieux en live. Le seul truc intéressant à visualiser c'était le grand gong blanc derrière le batteur. Je tiens à vous confirmer qu'au bout d'une heure la vision de cet instrument de percussion sur lequel Prévotat s'est contenté d'appliquer trois coups de maillets mollassons engendre une certaine lassitude. Ont quitté la scène sous les applaudissements polis.

 

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On aurait mieux fait de les retenir. Si l'on avait su ce qui allait suivre je crois que l'on se serait tous cotisé pour qu'ils refassent le même set. A l'identique. Car la prestation de Martin Circus fut consternante. Inférieur à un mauvais groupe de balloche. Même pas catastrophique. Une médiocrité navrante. Comme l'on était assis dans l'herbe chaude et appaméenne de ce beau mois d'août 1970 chacun a entrepris de discuter avec son voisin, même que certains se sont intéressés à leur voisine. L'on a réalisé que c'était fini quand on n'a plus rien entendu. On ne s'est même pas rendu compte qu'ils étaient sortis du plateau.

 

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Serai plus respectueux envers Ange. En 1972, salle du Taur à Toulouse. Ne cherchez pas, elle a été détruite depuis. Peut-être parce qu'elle possédait, grâce à ces panneaux de teck qui recouvraient les murs, une merveilleuse acoustique. Ne suis pas un grand amateur du groupe. Le rock médiéval qui privilégie les clairs de lunes sur les toits ardoisés au détriment du fracas métallique des épées qui s'entrechoquent sur des armures, ça me laisse froid. Dois tout de même reconnaître qu'en leur genre ils furent plutôt bons. J'ai surtout apprécié le ligth-show final, un jeu de lumières ultra rapides qui permettait de voir le groupe là où il n'était pas.

 

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Christian-Louis Eclimont aborde encore d'une quantité de groupes comme Etron Fou Leloublan, Variations ( la seule formation résolument rock ) ou Au Bonheur des Dames, et autres sujets annexes, mais essentiels, comme la presse rock. Le début des années soixante-dix fut encore plus riche que je ne l'imaginais. Le destin de toutes ces formations se ressemblent un peu. Une montée en flèche quasi-fulgurante dès leur formation - si leur nom a survécu c'est bien parce qu'ils ont circulé à l'époque – suivie d'une désagrégation tout aussi rapide. Bizarrement les groupes splittent d'eux-mêmes. Ce sont les musicos qui se décident pour de nouvelles aventures souvent obscures. J'analyserai cela comme le mal idéologie de l'époque, si tu réussis c'est que quelque part tu es un pourri et un vendu. Les vrais artistes crèvent de faim et ne sont reconnus qu'après leur mort. Van Gogh ou le Suicidé de la Société d'Antonin Artaud est en ces temps d'efflorescences révolutionnaires le livre de chevet de bien des jeunes gens qui se cherchent...

 

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1976-1985 : LES ANNEES DE PLOMB

 

 

Ferai comme l'auteur, m'y attarderai point trop. Mais pour des raisons différentes. Les temps changent et l'on sent que Christian-Louis Eclimont le regrette. A du mal à s'habituer. Johnny avait tort : quand les cheveux perdent de leur longueur les idées deviennent encore plus courtes. Mais je ne jetterai pas comme lui le bébé du punk avec l'eau du bain du rock banalisé. Toutefois je ne m'attarderai pas sur la french wawe punk pour la simple raison que cela créerait un double-emploi avec notre récente cent vingt-troisième livraison du 19 / 12 / 12 consacrée à L'Histoire du Punk en 45 Tours du Géant Vert.

 

 

Lorsque le punk s'éteint ne surnage plus grand chose. Un rock surfait, sympathique ( pour certains ) mais qui flirte tant avec la variété qu'il finit par y perdre son âme, Suicide Romeo ( heureusement qu'il ne s'est pas raté ), Mathématiques Modernes ( ouf ! On est revenu aux anciennes ) et quelques autres que nous avons déjà oubliés...

 

 

Les dernières pages présentent Bashung, Indochine, Téléphone et Trust. Des réussites médiatiques. Mais chacune demanderait à être analysée un peu plus profondément. L'on sent que Christian-Louis Eclimont est pressé d'en finir. L'aurait tout de même pu évoquer le mouvement rockabilly qui émerge en France en ces mêmes années, au moins mentionner les TeenKats et les Sprites... De même impasse complète sur les fanzines des fan-club pure rock'n'roll des années 60, la constitution de la Farc et le label Big Beat...

 

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Quoi qu'il en soit, à ma connaissance, il n'existe pas de livre consacré au rock français qui présente un tel panorama sur ces années 1960-1985. Je n'ai, pour ma modeste part, en fait couvert à ma manière qu'une trentaine de pages sur les deux cents quarante présentées. Vous reste de la marge !

 

 

Damie Chad.

 

 

 

VINTAGE GUITAR N° 10.

 

Janvier – Mars 2013

 

 

Va bientôt falloir un 38 tonnes pour ramener Vintage Guitar à la maison. Au tout début vous achetiez un numéro et vous repartiez chez vous. Plus tard vous déboursâtes la somme idoine mais pour le prix d'un l'on vous en donnait deux. Parfois un précédent Vintage que vous offriez à un ami, ou une autre revue spécialisée guitare. Par la suite l'on a ajouté un magazine avec disque de démonstration. Et cette fois-ci deux revues avec deux CD de démo. Je ne sais pas ce que ça va devenir lorsqu'ils en seront à leur cent quarantième livraison. En attendant c'est bien sympa.

 

 

Hendrix en couverture. Photo d'appel car l'on n'en parle point mucho-mucho dans le numéro. Petit topo sur le hard pour débuter. Très classique, de Led Zeppe à Metallica. Ca fait toujours du bien aux oreilles intérieures de se remémorer ces grandes sagas sonores. Mais l'on revient vite à l'analyse biométrique des guitares de légende. Gibson ES-335, 345, 355. Du classique. De la valeur sûre.

 

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Pages suivantes l'on passe – comme il se doit car il ne faut faire de jalousie – chez le frère ennemi. Fender. Mais le Fender d'après, après la revente à CBS. Christian Séguret nous supplie de ne pas sortir nos mouchoirs. La baisse de qualité, la Fender Stratocaster à l'économie, a bien été imposée par les contraintes du merchandising, mais doucement, en 1965 et 1966 l'on créait encore de bien belles moulinettes...

 

 

Visite chez Larry Wexer à New York. Un genre de gars qui vous reçoit chez lui à domicile. Jusque là c'est sympa. Pour la suite vous n'oubliez pas votre carnet de chèques car le monsieur donne dans la guitare Vintage haut de gamme. Beaucoup trop d'acoustiques à mon humble goût de rocker bruiteux. Vous m'en emballerez cinq dans un carton, j'enverrai le chauffeur les chercher avec la rolls.

 

 

Beaucoup plus sympa lorsque l'on tourne la page : les guitares Burns. Celles qu'Hank Marvin a fait créer après Apache, qui fut gratouillée, comme chacun sait, sur une Fender. Simplement pour le plaisir de changer. Genre de caprice qui rend le bonhomme encore plus sympathique. Le problème c'est que des Burns Marvin, il n'en fut fabriqué que 315 exemplaires. J'ai vérifié dans mes placards. Même pas l'ombre d'une.

 

 

Toujours dans les regrets éternels, grand étalage de guitares Dan Armstrong. Un sorcier du micro. Construisait ses prototypes en plexiglas et recouvrait le manche avec du formica. Quand on vous disait que le buffet léguée par Tante Adèle vous servirait un jour ! Sonnaient d'enfer. Keith Richards à qui l'on a chouravé ses deux spécimens en 1972, les pleure tous les jours. Si vous ne voulez pas dire l'article, personne ne vous y oblige. Mais regardez toutefois la photo de tête avec Cyril Jordan et les Flamin Groovies.

 

 

Le numéro 10 s'achève, je passe sur le coin du bricolo et les posters double-pages sur les demoiselles aux hanches parfaitement galbées... Dave Matchette exerce un drôle de métier, photographieur de guitares. Souriez jaune, cinq pages sur le vintage japonais. Plus les petites annonces des lecteurs... qui recherchent déjà les premiers numéros. Ils ont raison.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

04/01/2013

KR'TNT ! ¤ 125. ELVIS PRESLEY.

 

KR'TNT ! ¤ 125

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

03 / 01 / 2013

 

 

ELVIS PRESLEY

 

 

ELVIS AGAIN !

SEX, DRUGS, AND ROCK'N'ROLL FOR EVERYONE !

Elvis fêterait son 77 ième anniversaire... au troisième siècle avant Jean-Claude, le poëte grec Callimaque avait déjà prévu pour les fans éplorés un lot de consolation :

«  Il est heureux celui à qui les Dieux offrent la mort en pleine jeunesse. »

KR'TNT vous laisse méditer cette fière sentence à l'image de la vie d'Elvis, so glamour and so bluesy !

 

 

 

LE JOUR OU ELVIS A CHANTE A PARIS

 

 

JEAN-MARIE POUZENC

 

 

( Editions Didier Carpentier / 32O pp / Janvier 2O12 )

 

 

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On n’allait pas vous laisser sur votre colère. Tout le monde n’est pas du même bois pourri qu’Albert Goldman. Ce roman de Jean-Marie Pouzenc vient à point pour réchauffer le cœur des fans d’Elvis. Question fan, Pouzenc n’est pas le dernier venu. Il est le président d’ « Elvis my happiness », association made in France qui est devenue une des principales références sur tout ce qui concerne Presley. Je vous glisse tout de suite les adresses : BP 568 / 78321 Le Mesnil-Saint-Denis / 01 34 61 24 06 - Boutique : 9 rue Notre-Dame-des-Victoires / 75002 Paris / 01 49 27 O8 43, et le site : wwwelvismyhappiness.com

 

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J’en pressens qui ont sursauté, je les entends siffloter entre leurs dents : « Bandes de tarés, Elvis n’est jamais venu à Paris ! » Faux et archifaux, y a séjourné à trois reprises, profitant de perms de son service militaire, Jean-Marie Pouzenc a d’ailleurs consacré un livre sur le sujet, fort judicieusement intitulé Elvis à Paris. Mais ici il ne s’agit pas de cela. Rappelons que nous sommes dans un roman, œuvre de fiction par excellence. Enfin presque, un poëte comme Gérard de Nerval a autant vécu la réalité de son rêve que rêvé l’irréalité de sa vie.

 

 

LE DEBUT DE LA FAN

 

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Œuvre d’imagination, mais aussi biographique. Du côté d’Elvis certes, mais aussi de l’auteur. Né en 1942, Jean-Marie Pouzenc a eu la chance de faire partie de cette génération qui entrait dans l’adolescence au moment où le rock and roll atteignait nos rivages. Comme par hasard le héros de cette histoire n’est pas Elvis, même s’il est l’épicentre du séisme, mais un groupe de copains - Denis, Charles, et Bernard surtout - dont nous suivrons les aventures tout le long du récit. Des petits gars bien de chez nous, issus de milieux populaires, qui bossent dur pour s’en sortir, nous sommes en vérité très loin des blousons noirs.

 

 

On ne choisit pas de devenir fan. ça vient au moment où l’on s’y attend le moins, suffit d’un disque, d’un seul morceau, pour faire basculer toute une vie. Pour Denis, ce sera Heartbreak Hôtel, le premier tube de Presley chez RCA. L’en ressortira le cœur brisé mais plus jamais seul jusqu’à la fin de son existence. Rythme initial et rite initiatique du rock and roll. Qui n’a pas connu cette divine intrusion du big beat dans son cerveau ne pourra jamais comprendre l’illumination extatique des grands mystiques.

 

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C’est ensuite que ça se complique, quand on retourne dans la réalité du quotidien. Qu’on le veuille ou non, faut vivre avec cet aérolithe monstrueux qui s’est adjugé la plus grande surface du pré carré de votre intimité. Faut gérer l’ingérable. Dans un monde qui n’est pas fait pour cela et où il n’est pas prévu de place pour ces champignons magiques tombés d’une autre galaxie qui grossissent à vue d’œil dans les cervelles des adolescents pour ainsi dire hallucinogés par leur propre phantasme venu d’ailleurs.

 

 

PROBLEMATIQUE

 

 

Le problème c’est que l’alien phénoménal qui vous squatte possède aussi une vie indépendante, très éloignée de vous. C’est pour cela que beaucoup de jeunes s’attachent à des artistes disparus bien avant leur naissance. Ce sont là, cires malléables que l’on peut recomposer à volonté et à sa guise. Mais au début des années soixante Elvis n’est pas encore mort. Ou alors pour un cadavre, il ne se défend pas mal, et bouge en une direction que l’on n’aimerait point qu’il prît.

 

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Elvis abandonne le rock. Doucement mais sûrement. Les fans renâcleront mais dans leur majorité ils suivront. Du moins la génération qui assista à l’éclosion du rock. Les autres se branchèrent ailleurs. Beatles, Stones et toute la cavalerie dui suivit. Pour ceux qui n’ont pas abandonné le bateau, reste à comprendre où le Capitaine de retour des armées va les emmener.

 

 

En fait Elvis is réellement back. De retour, non pas vers le succès mais vers lui-même. Revient à ses premières amours. N’abandonnera jamais tout à fait le rock and roll, qu’il interprètera trop souvent sous forme de meddley vite faits, bien faits, dépêchons-nous que l’on passe à ce qui m’intéresse vraiment.

 

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L’action du livre se déroule entre 1971 et 1972. Après le come back, le NBC TV Show, et les premiers récitals à Las Vegas, au moment où Elvis revient en première ligne, reconquiert un public, et refait la une des media. Les plus jeunes font la moue, certes le King chante bien mais si près de la variété que cela en devient inécoutable. Elvis est revenu à ses premières amours, le gospel qui enchanta son adolescence. Blanc, avec une profonde touche noire et bleue. Le gospel blanc existe, mais c’est un peu une hérésie comme le champagne de Californie. Mais Elvis ne dérogera jamais plus de cette inconfortable position, assume ce qu’il est, un petit blanc du Sud, religieux et respectueux des lois du Seigneur. Enregistrera à tour de bras, disques de gospels, de Noël et hymnes patriotiques. Ecumera le répertoire américain et viendra même chasser les belles mélodies sur le territoire européen, jusqu’au Comme d’Habitude de Claude François, métamorphosé par Paul Anka il est vrai.

 

 

FAN ATTITUDE

 

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Denis and Co, ont tout avalé. Ont compris qu’avec Elvis ils sont en train de visiter les bases de la musique populaire américaine. Et puis pourquoi ne lui ferait-il pas confiance ? Ils ont grandi en écoutant Elvis qui a en quelque sorte remplacé les pères défaillants. N’ont jamais cru au modèle de vie qu’on leur proposait mais n’en ont pas pour autant sombré dans la révolte ou le nihilisme. Elvis les a protégés. Ont fixé les yeux sur lui et ont oublié tout le reste. Elvis est mon berger et je le suis en bêlant de gratitude. C’est ainsi que d’habitude l’on mène les brebis à l’abattoir. Mais eux ils y ont trouvé une boussole, et leur vie a pris un sens. Désormais ils avaient un rôle, la garde lointaine d’Elvis, prêts à en découdre à la moindre attaque proférée envers leur idole. Un peu comme ces citoyens qui décident sans que personne ne le leur ait demandé de s’organiser en groupes d’autodéfense et de protection. Aux USA, on appelle cela des Gun Clubs, c’est le nom que Jeffrey Lee Pierce avait donné à son groupe de révoltés, mais ceci est une histoire que je vous raconterai un autre jour…

 

 

DU CÔTE DES ENNEMIS

 

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Dur d’être un fan de Presley à la fin des sixties et au tout début des seventies. L’on a l’impression d’un combat d’arrière-garde. L’on aimerait que son idole soit la première, qu’elle vienne en personne tordre le coup à tous ses détracteurs. Nombreux. Tous ces journalistes qui n’y connaissent rien et qui inventent n’importe quoi, mais aussi toute cette intellingentsia de gauche qui n’a jamais avalé tout ce qui a éloigné la jeunesse des idéaux révolutionnaires. Notamment et avant tout, le rock and roll. Que l’on juge réactionnaire mais qui marque la première éclosion à très grande échelle d’une culture d’essence populaire. La petite-bourgeoisie montante qui est en train de noyauter l’idéologie par trop anarchisante des organisations pré-révolutionnaires ne supporte pas ce déviationnisme existentiel qu’est le rock. Elle est encore à cette époque tributaire de la croyance en une invariance élitiste des schèmes représentatifs d’une culture supérieure de haut-niveau qui ne fait que reproduire les choix de la haute-bourgeoisie.

 

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Les choses étaient en train de changer. Du moins théoriquement. Lorsque le Pelvis est censé venir en notre douce France, les philosophes de la déconstruction de l’homme sont en plein travaux de démolition. Ne vous laisse même pas imaginer comment ils se sont amusés à brûler - sur les antiques bûchers jamais tout-à-fait éteints - les nouvelles sorcières de la société de consommation. A coups de bulldozers sur les dernières idoles de la modernité que furent les pionniers du rock !

 

 

Mais un demi-siècle après, le rock and roll garde encore cette aura de mauvais genre. Faute d’avoir pu l’éradiquer définitivement comme l’ivraie qui repousse dans les meilleurs terreaux, l’on s’est efforcé de le galvauder, de l’amadouer, de le rendre plus présentable, de le remplacer par un ersatz nommé pop-rock, mais il reste encore des poignées d’irréductibles qui le conduisent vers les sentiers dont on interdirait les accès avec plaisir.

 

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La bande à Denis n’a pas une claire conscience de tout cela. Elle témoigne de cette beaufitude éclairée qui est l’arrière-plan de l’idéologie actuelle. Comme ils sont polis ils ne prononcent pas de gros mots et n’emploient donc pas le vocable anticommunisme qui leur siérait si bien. Pour le reste l’on se contente des vœux pieux d’une société améliorée où tout marcherait comme sur des roulettes…

 

 

RETOUCHES

 

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Quarante ans après la réalité n’a guère évolué. L’on va donc refaire le monde. Pas au bistro, mais dans un roman. Inutile de tirer des plans sur la comète du l’avenir. Elvis n’était pas mort que les punks criaient déjà no future ! On se contentera de refaire le passé. Pas l’ensemble du bâtiment depuis la préhistoire. Mais un petit morceau de la vie d’Elvis.

 

 

Que les rêves deviennent réalité ! Elvis n’a jamais chanté à Paris ( et en Europe ) l’on va arranger cela d’un coup de stylo magique. Attention pas un gros barbouillage ou un infâme gribouillis, non du grand art, une opération de micro-chirurgie. Implantation des plus plausibles dans l’emploi du temps d’Elvis, après le Madison Square Garden et avant le concert d’Aloha, retransmis au monde entier. Même le Colonel Parker ne peut raisonnablement s’y opposer.

 

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Jean-Marie Pouzenc n’élude aucune difficulté. Réécrit l’Histoire mais sans faute d’orthographe. Mentir vrai et romansonge. Idéalise quelque peu les personnages : un Elvis qui impose ses volontés, la maffia de Memphis qui obéit au doigt et à l’œil. Denis et ses pots boivent du petit lait. Elvis débarque à Paris, lors de sa conférence de presse il met les journaleux dans sa poche, il donne un concert pharamineux au Parc des Princes… pour la suite de la tournée dans les autres capitales c’est au lecteur d’imaginer car le bouquin se referme sur le ravissement de nos héros.

 

 

Elvis ne les a pas déçus, mieux il s’est monté supérieur à l’image sainte qu’ils s’en faisaient. Un gars d’une gentillesse et d’une prévenance extrêmes. Côté artiste, un talent qui confine au génie. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

 

RETOUR AU PRESENT

 

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Le plus difficile, c’est de fermer le livre. L’on se retrouve dans la terrible réalité des vols qui n’ont pas fui. Toute lecture n’est-elle qu’un beau rêve ? Elvis n’est jamais venu à Paris donner son set mirifique. Ce n’était donc qu’un beau rêve. Mais le rêve n’est-il pas qu’une des multiples facettes de la réalité ?

 

 

On n’est pas d’accord avec tout, notamment cette obstination redondante à placer Bécaud, Brel, Brassens et toute la fameuse chanson française devant Eddy Mitchell, Dick Rivers et Johnny Hallyday. Faute de goût. Même si l’on n’aime pas particulièrement le rock français. Ne faut pas se tromper de camp. Mais ces préférences sont aussi signifiantes : chez Presley, Jean-Marie Pouzenc privilégie le chanteur au rocker. Entre parenthèses, c’est Elvis qui lui donne raison.

 

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Mais c’est le propre de l’idole. Chacun la plie à sa propre fantaisie. Jean-Marie Poulenc a réussi à nous entraîner dans ses songes les plus merveilleux. Nous l’en remercions. Mais tout de même pas trop, puisque l’ouvrage terminé votre vie redeviendra ce qu’elle a toujours été : un cauchemar. De laquelle pas plus qu’Elvis vous ne ressortirez vivant.

 

 

 

Damie Chad.

 

 

 

ELVIS INTIME. PRISCILLA BEAULIEU-PRESLEY.

 

Texte français de François Jouffa.

 

Editions Ramsay. 1997.

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Publié pour la première fois en 1986 sous le titre D'Elvis et Moi, plus proche de l'original américain Elvis and Me. Ce que raconte Priscilla ne diffère pas vraiment en ce qui concerne des torrents de boue accumulés par Albert Goldman dès 1981 dans son Elvis. Comme quoi l'on peut raconter exactement la même histoire en en changeant le sens, uniquement en en variant le point de vue.

 

 

Priscilla se contente d'assumer tout ce qu'elle a vécu. Ne joue ni à l'innocente sainte-nitouche ni à au pauvre petit chaperon rouge trompé et dévoré par le méchant loup. Difficile de se mettre à sa place, mais Presley lui est tombé dessus sans préavis. L'avait tout juste quatorze ans quand le roi du rock lui a déclaré sa flamme. L'habitait encore chez ses parents, et lui vivait les derniers mois de son service militaire en Allemagne. Ce n'aurait pu être qu'une amourette, des années plus tard cela finit par un beau mariage. Un véritable conte de fée ! Avec des hauts et des bas.

 

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Je ne vous ferai pas le coup des mystères de l'amour, l'attirance d'Elvis pour Priscilla, outre ses appétences érotiques particulières, s'explique assez facilement à un niveau psychologique. Tout est allé très vite pour Elvis, le succès, la mort de sa mère, l'incorporation. N'a pas désiré cette dernière, s'est laissé forcé la main par le Colonel et RCA qui pensaient à satisfaire ce que l'on nommerait aujourd'hui la majorité silencieuse des acheteurs. Dans la grande muette Elvis a le temps de réfléchir à sa destinée, qui lui échappe. Se pourrait-il qu'au retour en Amérique, il ne soit plus qu'un has been parmi tant d'autres ?

 

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Pricilla insiste sur cette peur qui le tenaille. Elle deviendra le point d'ancrage de l'idole. Il ne détient pas tous les paramètres de sa futures carrière, Pricilla sera ce qu'il voudra qu'il soit. Il a décidé qu'elle sera sa femme et personne ne saurait s'y opposer. Même pas les nombreuses petites amies de passage qui se succèderont plus ou moins à découvert. Elle sera sa chose à lui, il décidera de ses tenues, de son aspect physique, de ses activités... Elle sera la Galatée de son Pygmalion. Elle en souffrira, mais comme elle ne veut pas le perdre elle cèdera, non pas à tous ses caprices mais à l'unique plan concerté que le King eut jamais.

 

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A tous moments elle est à l'entière disposition du King qui la tient éloignée tant géographiquement qu'érotiquement de lui. Ne consommeront le mariage que lors de la nuit de noces. Sept ans d'attente, parsemés de jeux amoureux des plus coquins, mais ne poussant jamais la réalisation jusqu'au bout. Grande épreuve digne des plus fervents troubadours mais Priscilla désirerait dans son corps de femme des nourritures beaucoup plus terrestres. Elvis recule la réalisation du rêve car celui-ci accompli que lui restera-t-il à manoeuvrer ?

 

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Certes il a repris la main sur sa carrière, le NBC Show et les premières saisons à Las Vegas, qui se transformeront trop vite en routine. Délaissée depuis la naissance de sa fille Priscilla se console dans les bras de son professeur de danse, puis de karaté... Elle prend la décision de se séparer. Elvis oscillera entre tristesse et soulagement. Se rendent compte tous les deux qu'ils ont laissé s'échapper quelque chose d'important mais seront incapables de faire marche arrière. Elvis laisse partir sa femme comme il a laissé partir sa carrière. S'en remet à l'autre pour faire les choix stratégiques.

 

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Pour le reste, il donne le change. Il est Elvis, il est le Roi. Il assume, il dirige, il commande. Du moins en donne-t-il l'apparence. Entouré d'une cour d'amis, de parents, d'employés, il fait la pluie et le beau temps. Des coups d'orage, mais beaucoup de soleil car il est généreux et aime donner et offrir. L'aime rire et s'amuser. Joue au dur, manipule les armes et joue au karétékas invincible. En fait il n'a de prise sur rien. De l'argent à ne pas savoir qu'en faire et des cachets pour dorer la pilule de l'angoisse.

 

 

Un énorme gâchis. Priscilla dévoile l'ampleur du désastre. Sans voyeurisme, sans fausse pudeur. Le roi est nu, mais jamais ridicule. Elvis est prisonnier de lui-même. De son rôle. De son statut d'icone américaine. Le plus terrible, le plus pathétique, c'est qu'il en est extrêmement conscient. Presley ne fut jamais dupe de qu'il était devenu. Priscilla aura la force de s'enfuir de cette cage dorée dans laquelle Elvis essaie de la créer à son image, de la surprotéger, tout comme lui-même s'est laissé enfermer trop tôt et si jeune qu'il n'a jamais eu d'autres modèles à opposer. Facile de s'en tirer en affirmant qu'Elvis ne fut qu'un pauvre gars. Il fut aussi ce que la plupart des pauvres gars ne seront jamais : un immense artiste.

 

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Priscilla n'évoque pratiquement jamais cet aspect le plus essentiel d'Elvis, elle préfère nous donner le témoignage d'un homme, différent de par sa stature sociale, et émouvant par la manière qu'il a imaginée pour gérer la situation. Ne s'en est pas dépatouillé au mieux. Mais comment auriez-vous fait à sa place ?

 

 

Damie Chad.

 

 

ELVIS ET LES FEMMES. PATRICK MAHE.

 

Juin 2012. Archipoche.

 

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J'achetais quelques effets pour mon boulot, j'étais en train de payer mon dû lorsque mon subconscient a été attiré par la couverture d'un bouquin à l'extrême gauche de mon champ visuel. Par Zeus, ne serait-ce pas une photo d'Elvis ? Si ! Pas d'équivoque possible, Elvis écrit en gros et en rouge, avec dessous Les Femmes en plus petit. Comme n'importe quel homme qui se respecte je peux résister au sourire enjôleur d'une femme, mais qui aurait assez de force à opposer à la moue ravageuse des lèvres d' Elvis ? J'ai illico presto subito expresso bongo rajouter le livre à ma facture.

 

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Franchement je ne m'attendais pas à grand-chose de bien. J'ai déjà lu de notre auteur un ouvrage sur Hallyday qui ne m'avait guère convaincu à l'époque. Polygraphe de droite qui a essaimé dans tous les râteliers de la presse grand public, Paris-Match, Figaro, But, Télé-Magazine, Télé-Sept-Jours, Hachette Filipacchi, et bien d'autres, Patick Mahé n'est pas pour moi un personnage de référence, mais que ne ferait-on pas pour Elvis ?

 

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Je dois reconnaître que c'est assez bien fait. Un peu au-dessous de la ceinture – le sujet s'y prête – mais un véritable effort de style pour les scènes un peu chaudes. Tous les romans de la rentrée littéraire – même parmi ceux que l'on nous présente comme des chef-d'oeuvres – n'atteignent pas à une semblable qualité d'écriture. Le livre se présente sous la forme d'une biographie mais les activités artistiques d'Elvis sont traitées en quelques mots. Davantage de renseignements quant à sa carrière cinématographique car c'est dans le vivier inépuisable des starlettes que Presley a attrapé de quoi nourrir sa charnelle gloutonnerie...

 

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Le livre est déjà paru en 2007 aux éditions du Rocher sous le titre Le Roman des Amours de Presley. J'espère que dans cette édition grand format l'on avait pris soin de joindre une galerie de portraits couleurs. La liste des fiancées du King est plus que longue, le petit récapitulatif final en dénombre plus de quarante, sans tenir compte des oiselles de passage... Facile de s'y perdre, une série de jolis petits minois aideraient à s'y retrouver...

 

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Elvis s'en tire plutôt bien. Plutôt gentleman que goujat avec ses dames. Mais l'occasion fait le larron. Et quand il reste trop longtemps confiné à Memphis, serré de près par sa régulière, il s'invente un besoin professionnel urgent de repartir en Californie. Fidèle de coeur mais pas de corps. Possède l'art et la manière de se faire pardonner, d'avouer sans le dire, de regretter avec tant de fougue que l'on ne demande qu'à le croire. Usera tout de même la patience de Priscilla puis de Linda plus que compréhensives. Ce qui est tout à leur honneur, car sans Elvis elles ne sont rien et l'Histoire n'a rien retenu d'autre si ce n'est qu'elles ont été les maîtresses d'Elvis.

 

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Le plus terrible c'est que malgré cette kyrielle de demoiselles énamourées plus ou moins intéressées, plus ou moins intéressantes, Elvis s'est toujours senti seul et incompris. Comme quoi semble-t-il l'amour ne fait pas plus le bonheur que l'argent... Priscilla fut sans doute celle qu'il aima le plus, mais Patrick Mahé éprouve ue tendresse particulière pour Anita Wood qu'il délaissa pour partir à l'armée. Le Colonel ayant intrigué pour que la romance s'arrête avant qu'elle ne devienne indissoluble... Mais pourquoi choisir ? Toutes fugaces et chacune irremplaçable ! Pour une nuit ou pour une vie. Mais la vie n'est-elle pas encore plus noire que l'accumulation de toutes les nuits du monde ?

 

 

Damie Chad.