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27/06/2012

KR'TNT ! ¤ 104. HOT RHYTHM & BOOZE / CORRROBERT

 

KR'TNT ! ¤ 104

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

28 / 06 / 2012

 

 

 

HOT RHYTHM & BOOZE

 

 

BLACK PRINTS / GHOST HIGHWAY / EMILIE CREDARO

 

 

I

 

22 / 06 / 2012 / LONGJUMEAU  / L'EXCUSE

 

 

HOT RHYTHM & BOOZE

 

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On the road again avec la teuf-teuf mobile. Devait sentir le picotin car nous a mené tout droit à notre bar préféré – le premier qui dit que ça devient une mauvaise habitude aura affaire à nous, même s'il a raison – car où trouver du brûlant rockab et de la picole autre part que chez Fred dans notre région ?

 

 

Même programme que la dernière fois - voir notre 101 ° livraison du 07 / 06 / 12 - l'on arrive en pleine balance et l'on en profite pour aller à côté se faire un grec, dans le charitable but de remonter le P.I.B du pays de Platon dans la mesure de nos pauvres besoins. A vrai dire l'on a raté notre modeste participation financière du redressement moral et économique du peuple Hellène car la sandwidcherie en question était tenue par par l'ennemi héréditaire, des Turcs, au demeurant fort sympathiques et accueillants. Une fois notre estomac calé et nos profondes considérations métapolitiques achevées, nous voici fin prêts à écluser à l'Excuse.

 

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CHAUDE RYTHMIQUE

 

 

Pas marteaux pour deux clous l'on se pointe juste à temps pour le début du set. Pas la foule au début mais le monde arrive au fur et à mesure et les deux salles seront bientôt pleines comme un oeuf. Clientèle composite, habitués souhaitant un anniversaire au champagne, saphiques adeptes de Lesbos, et Rednecks de l'ancienne association de bikers de Provins... étonnant mélange de diverses marginalités sociologiques qui coexisteront harmonieusement jusqu'à la fin de la soirée. Fred possède l'art et la manière de vous recevoir si sympathiquement que chacun se sent chez soi, et ne pense qu'à prendre son plaisir sans chercher noise à ses voisins.

 

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Hot Rhythm & Booze est dans la pièce du fond, billard repoussé sur la droite, batteur dans son coin, ses trois acolytes devant lui, le public en éventail assis ou debout, selon le goût de chacun. La musique est bonne mais il y a quelque chose qui cloche. Quelle est cette étrange manie du guitariste soliste de relever sans arrêt sa main droite tout en secouant ses doigts tel un cygne soulevant son aile blessée dans l'espoir insensé de réussir à s'envoler ? ( Tout KR'TNT reader qui se respecte aura remarqué la beauté baudelairienne de cette comparaison ). L'on va vite comprendre la raison de cet étrange manège. Vincent – prénom prédestiné pour un rocker souffrant d'une infirmité passagère – est victime d'une méga-tendinite qui l'empêche de jouer certaines notes, d'où une rapide discussion à mi-voix entre deux morceaux pour éliminer de la set-list les titres exigeant des mouvements d'avant-bras incompatible avec son incapacitante affection.

 

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Le pire, c'est que si j'avais eu les yeux bandés je ne me serais aperçu de rien. Car à 19 ans, notre guitar-hero joue comme un dieu. L'a dû passer des heures et des heures à écouter Chet Atkins et Scotty Moore pour leur piquer tous les plans. Malgré son handicap il a toujours une solution de remplacement à proposer, ne joue pas à tous les coups juste la note mais trouve toujours la note juste. C'est un régal de l'écouter, surtout que les trois autres turbinent comme des fous.

 

 

Hot Rhythm and Booze interprète ce que de ce côté-ci de la Manche l'on appelle du white rock. Beaucoup de groupes de rockabilly font la grimace dès qu'on leur en parle. Jugent cette musique trop mâtinée de rock'n'roll. En fait le white rock – que notre théoricien Alain préfère dénommer Savage, plus en accord avec l'originale appellation américaine – est ce rock auquel s'adonnèrent les ados d'Amérique dès la fin des années cinquante. Ils n'étaient pas de super-musicos et jouaient sur des sous-marques économiques – passage du guitar-hero au guitar-eco - mais la fougue de la jeunesse remédiait à ces déficiences.

 

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Autant dire que ça filoche salement et que l'on ne prend pas le temps pour les arrêts-pipi. Chaud devant et brûlant par derrière. Hot Rhythm and Booze ne regarde pas sur les côtés. Sur sa rythmique Chris emmène le groupe. Assure aussi le vocal et s'en sort très bien. A la fin du deuxième set il se chargera aussi des derniers solos, ils s'en excuseront de vive voix, regrettant de n'avoir pu donner tout ce qu'ils avaient dans le ventre.

 

 

Veux pas dire qu'on s'en fout, mais dans des conditions peu propices le groupe s'est révélé plus qu'à la hauteur. Deux set carrés, équilibrés à la perfection, harmonieux et méchamment efficaces. Quinze ans qu'ils jouent ensemble, ça s'entend. La machine ronronne comme un cougar des Rocheuses qui tapi derrière un rocher s'apprête à vous faire la fête. Manu restera imperturbable sur sa basse et Eric cartonne sur sa caisse claire. La section rythmique ne se mélange pas les pédales, jamais de coups de frein, l'accélérateur en retenue, mais à ras du plancher. L'on n'exigera que deux rappels car les rockers ont tout de même un coeur qui bat sous leur cuir rugueux, mais l'on en aurait bien pris cinq ou six de plus.

 

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Nous ont régalé de petites pépites qu'ils vont chercher dans les bas-fonds du répertoire jusqu'en Australie, des standards de Presley ou de Cochran aussi, mais la surprise réside surtout en leurs propres morceaux qui se fondent dans le répertoire de l'âge d'or à tel point qu'ils ne déparent jamais dans l'ensemble. Et ce ne sont pas des exceptions isolées, un tiers de leurs titres sont leurs propres compos.

 

 

Longs échanges entre amateurs avec le combo, la représentation terminée. Vincent explique qu'il n'a pas pu officier sur sa Gretsch trop épaisse et qu'il a dû emprunter une Squire beaucoup plus fine. L'on s'inquiète davantage pour son bras et on lui conseille du repos et un examen un peu poussé. L'on devrait prendre soin des bons guitaristes comme des grands sportifs, je ne me suis jamais renseigné sur la question mais je parierais qu'aux States ils ont des services spécialisés pour de tels désagréments. Chacun raconte sa relation personnelle au rock. Ce qui est sûr c'est que Hot Rhythm & Booze est une des meilleures formations actuellement sur the french market.

 

 

II

 

23 / 06 / 12 – DEUXIEME FESTIVAL DE CORROBERT

 

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BLACK PRINTS / GHOST HIGHWAY/ EMILIE CREDARO

 

 

 

L'on a repris la teuf-teuf mobile et vogue la galère vers CorroberT un patelin perdu du département de la Marne. Une fois la N. 4. quittée vous pouvez rouler au milieu de la route les yeux fermés, il faudrait que les Dieux de l'ancienne Olympe vous en veulent personnellement pour que vous rencontriez un autre véhicule. Très beaux paysages de forêts et de collines verdoyantes. A recommander pour les agoraphobes.

 

 

Vous êtes sur la route et voici qu'en vous s'immisce le doute... car ce n'est qu'à l'abord du village qu'on vous avertit que vous entrez sur les terres de son deuxième festival. Remarquez que vous n'êtes pas plus avancé car à part un immense panneau placardé dans le tournant face à la mairie et quelques maisons, pas âme qui vive. Ah si ! trois individus qui discutent devant un portail ouvert tout surpris de notre si impromptue – il est tout de même 19 h 30 - arrivée. L'on nous rassure, et le temps de garer la voiture l'on passe le portail en se demandant dans quelle galère notre amour pour Ghost Highway nous a menés. L'on ne le sait pas encore, mais le paradis des rockers doit ressembler à ce qui va suivre.

 

 

PRELUDE

 

 

Vingt mètres de cour goudronnée, tournez à gauche dans les locaux municipaux, demi-tour encore à gauche vous voici sous un marabout de cinquante mètres de long, occupées par trois interminables travées de tables les verres à pied au garde-à-vous sur la nappe blanche et devant des assiettes d'une blancheur immaculée. Tout à fait au bout, dans le coin droit amoncellement d'amplis et la batterie avec le logo de Ghost Higway sur la grosse caisse.

 

 

Par l'entrée du fond, l'immense et délicieuse pelouse d'un gazon aussi gras que l'herbe bleue du Kentucky vous emmène jusqu'à une vaste estrade couverte emplie de matériel à reproduction auditive. C'est pour les dix groupes locaux de blues et de rock du lendemain. Entrée gratuite pour tous. Très bonne philosophie.

 

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Mais nous sommes samedi et nous sommes venus pour la soirée rockabilly. Payante : bouffe + deux groupes. 20 Euros que personne ne regrettera. Arrivés les premiers nous voyons le monde affluer. Phil des Ghost d'abord, puis la troupe entière et les Black Prints déjà vus à Appoigny et que dans mon ignorance et dans notre 99 ° livraison du 24 / 05 / 12 j'avais sottement rebaptisés Black Prince. Comme quoi tout grand homme connaît aussi ses moments de faiblesse, car je n'oserais accuser notre race dégénérée de satanés froggies de mal prononcer l'anglais.

 

 

 

Les Empreintes Noires sont à l'honneur, sont servis les premiers, pendant qu'ils dégustent leurs frites, l'ambiance ne fléchit pas, les convives se placent selon leurs selon connaissances et plus si affinités. Sangria, bière, bouteilles bouchées ( très vite débouchées ) sont fournies à volonté pour l'apéritif géant. A peine les Black Prints se sont-ils levés que les Ghost Highway les remplacent à la table des musicos. Z'ont droit à leur tour à une méga platée de saucisse potatoes – comme tous les enfants – alors que le reste de l'assistance se pourlèche déjà les babines devant un chili con carne dont je préfère ne rien dire pour que vous ne vous repentissiez point jusqu'à votre dernier jour votre absence. Un de ces délices, onctueux et moelleux comme je n'en avais jamais goûté.

 

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THE BLACK PRINTS

 

 

Rien à voir avec le misérable en-cas de quinze minutes d'Appoigny. Près de deux heures sur scène. Ont le temps de se chauffer et de ramoner la salle. Au fond dans l'encoignure de la tente c'est Yann, avec le look le moins rockabilly que vous pouvez imaginer. C'est qu'il provient d'ailleurs, possède son propre groupe psyché dans lequel il s'adonne à la frappe lourde façon John Bonham ( voir nos livraisons 14 et 51 sur le Dirigeable ), mais dans les Black Prints il a appris à taper plus léger pour faire circuler l'énergie autrement. Nous fera un renversement de rythme sur Summertime Blues à s'en aller hurler de joie tout seul, tout nu, sous la lune.

 

 

 

A sa gauche placide, c'est Thierry chapeau de cow-boy sur la tête et washboard sur l'estomac. N'a pas oublié que le rock vient du blues et de la rythmique noire. A droite accroché à sa basse Jean-François, n'a pas du tout l'air méchant, mais joue teigneusement. Pas question de laisser passer un riff du soliste sans le marteler de quelques sourdes cocardes sonores. Attentif comme pas deux, appliqué comme le bourreau des basses oeuvres.

 

 

Tout de noir vêtu, au centre derrière sa guitare et le micro c'est Olivier. Une dégaine qui n'est pas sans rappeler celle de Vince Taylor. Ce qui n'est pas un tort puisque le set commence par une superbe version de Brand New Cadillac. L'on ne sait pas trop sur quoi fixer son attention, le vocal ou le jeu de guitare. Faut être drôlement gonflé pour débuter à froid par un tel titre. Et encore plus pour le réussir. Au plaisir que je lis dans les yeux brillants de mes voisins, sans qu'aucun mot ne soit échangé je sens poindre une confiante complicité. Public de connaisseurs.

 

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Black Prints envoie sans s'arrêter. Ils ont même réussi à résoudre la quadrature de l'early rock. Le rockabilly est une musique d'un impact terrible. En moins de deux minutes il vous met K. O. sans sourciller, mais c'est déjà terminé et il faut repartir pour un autre round. Pas le temps de prendre son plaisir. Ejaculation précoce. Black Prints fait durer le plaisir. S'installe dans un standard et vous l'allonge démesurément sans jamais vous ennuyer. L'on aura ainsi droit à un fastueux Shakin' All Over – tel que Vince l'avait piraté sur Kidd – chapeau pour tout, la guitare flamboyante, le chant phantasmatique et la rythmique par derrière qui pousse toujours plus haut.

 

 

Font aussi leurs propres morceaux. Un disque en cours d'achèvement. Black Prints se dévoile comme un groupe terriblement efficace avec des morceaux comme A train kept a rollin', Teen Age Boogie, Blue Jean Girl, Stray Cats Blues et Old Black Joe... Un play-list qui est en elle même un programme auquel vient se joindre le maître des cérémonies du lieu, l'organisateur des festivités Thierry Credaro qui sans hésiter ceint une guitare et vient nous régaler d'un petit solo sur le Jeannie Jeannie Jeannie d'Eddie Cochran. Le genre de friandise à laquelle ne saurait résister. Mais méfiez-vous un Credaro peut en cacher un autre.

 

 

EMILIE CREDARO

 

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Flair de rocker. Un petit moment que je l'avais remarquée. Dînait et discutait à quelques mètres de moi. De noir vêtue, une chevelure aile de corbeau qui de temps en temps laisse entrevoir un beau visage de guerrière indienne, un charme fou et une tranquille assurance. D'ailleurs ne se gêne pas pour aller emprunter la guitare de Thierry Credaro qui terminait son deuxième morceau. Plus tard l'on apprendra qu'il est le père de cette perle. Comme quoi les cats ne font pas des chiens.

 

 

Se lance tout de suite dans l'intro de Johnny B. Good. Peut-être le truc le plus vicieux qu'a inventé Chuck Berry; le condensé de son art en moins de trente secondes - il vaut mieux ne pas compter tous ceux qui s'y sont englués les manettes - mais dès les premières notes il est sûr que la demoiselle sait tirer les marrons du feu. De retour à la maison suis allé visiter son site. Suis trop gentil je vous refile l'adresse : www.myspace.com/emiliecredaro . N'est pas tombée de la dernière danse de la pluie. A déjà baladé sa guitare sur nombre de scènes et en a accompagné plus d'un sur disque. Fut la guitariste très hendrixienne du groupe Cylew.

 

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Morceau suivant, une superbe reprise de Baby Blue de Gene Vincent sur lequel elle distille de superbes bluesy notes, un régal d'orfèvre. Même si on la devine peut-être pourvue d'un jeu et d'un style beaucoup plus seventies, Emilie Credaro sent le rock, en comprend les pulsations et les flamboyances originelles. Se barre sur un dernier barré, mais elle reviendra plus tard. De toutes les manières sur KR'TNT l'on suivra la suite de ses aventures musicales. Vous pouvez vérifier si je mens en visionnant des vidéos du concert sur youtube.

 

 

THE GHOST HIGHWAY

 

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Les Ghost Highway prennent la relève. Les Black Prints ont laissé la place toute chaude. Brûlante même. Va falloir assurer. Ca démarre doucement sur les trois premiers morceaux. Le temps de prendre ses repères. Zio ne bougera pas pratiquement de tout le set. Entre les morceaux il s'accoude sur sa contrebasse avec la placidité d'une concierge qui regarde pousser ses géraniums. Oui mais elle vient d'arroser la chaussée de bastos à faire trouer le goudron sur cinquante centimètres de profondeur. Rien à dire ce bassiste est dangereux.

 

 

Derrière Phil a décidé de jouer avec trois baguettes. Une dans chaque main et la troisième coincée entre ses lèvres sous forme d'une cigarette qui n'arrête pas de dégager un nuage de fumée style Twin Towers après le passage des avions. Ne daignera la poser que pour assurer le sifflement sur Country Heroes. Ca n'a pas l'air de le gêner car il va taper toute la soirée sans fléchir. Percute dur et sans pitié. Ce soir du côté de la rythmique l'on essaie d'assommer le côté tragique de la vie. Les tueurs sont de sortie et n'ont pas l'intention de ramasser les pâquerettes. N'allez pas marcher sur les mambas qui font semblant de dormir.

 

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Arnaud est sous sa casquette, c'est lui qui mènera le train. Sur sa guitare rythmique à toute vapeur. Une voix du Sud ( des USA ) légèrement nasillarde, idéale pour le répertoire des Ghost. Entrain et énergie. Mais il est aussi totalement à l'aise sur les titres de Johnny Cash à qui il donne toute leur grave résonance. Force et puissance. Le groupe balance de plus en plus. Ce sera une montée sans fin, une escalade vers les sommets, une machine qui tourne sur deux pistons. Les deux guitares qui s'entrecroisent pour une plus grande efficacité. Celle d'Arnaud qui tire vers les origines roots et celle de Jull qui pousse vers une modernité plus électrique. Le groupe atteint ainsi à un incroyable équilibre en lequel réside son attrait.

 

 

Mister Jull exulte. Rit, plaisante, trépigne, et nous entraîne dans des découpures au chalumeau inédites. Guitar man. Ne connaît que les lignes mélodiques brisées. Invente à chaque instant, rajoute toujours deux pincées de corde par ci ou un grondement par là, nous étonne sans cesse à bondir là où ne l'attend pas mais où il sait se faire entendre. Imaginatif. Créatif.

 

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Entre les deux guitaristes et la section rythmique c'est le jour et la nuit. Les premiers débordent d'un enthousiasme qui tranche sur les deux desesperados de la seconde ligne. Le côté obscur de la force. La lumière irradiante de l'autre. Un superbe contraste. Cinquième concert des Ghost Highway auquel j'assiste et je ne les ai jamais vus aussi rock'n'roll. Le groupe parvient à une dimension qu'il n'avait encore jamais atteinte, un son qui n'appartient qu'à eux, et une présence captivante. L'on sent que ça bouillonne à gros flocons, qu'une mutation est en gestation, que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Un seul bémol, il est temps de faire une large place à des compos personnelles. Ce qu'ils nous ont montré ce soir, c'est un énorme potentiel qui n'attend plus que son épanouissement.

 

 

FINAL ENDIABLE

 

 

Invitée par Mister Jull, Emilie Credaro remonte sur scène avec son ampli et sa guitare Yamaha. Elle est bientôt rejointe par Black Prints en son entier. Deux orchestres et une guitar diva qui pulsent et qui vont nous emmener sur un Flying Saucers Rock'n'Roll à damner une colonie de martiens et un Whole Lotta Shaking Goin' On dans la grande tradition du final où chacun s'en vient faire son petit numéro personnel avant de repartir au galop avec l'ensemble des copains.

 

 

C'est bien, mais il est hors de question que ça s'achève comme cela. Les Ghost se fendent encore de deux morceaux. Mais on ne les laissera partir que lorsqu'ils nous auront fait l'aumône d'un petit medley Presley de derrière les fagots. Sont exsangues, n'en peuvent plus, plus d'une heure du matin, le matos à ranger et départ le lendemain matin aux aurores pour Clermont Ferrand, plus deux ou trois dates dans le sud et la tournée début juillet en Espagne et au Portugal avec Wanda Jackson... Si ce n'est pas la gloire c'est déjà la reconnaissance internationale...

 

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Ce qui est sûr, c'est que l'on reviendra. L'on va zieuter régulièrement sur le site de Thierry Credaro, dès fois qu'il remettrait prochainement le chili con carne. Miam! Miam ! J'allais oublié : mention spéciale aux Ghost, Arnaud and Jull, pour leur électro-hispano-flamenco, plus vrai que nature, à faire verser des larmes de joie aux taureaux des corridas.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

 

 

21/06/2012

KR'TNT ! ¤ 103. GOSPEL / BLUES / JAZZ / MUSIQUE NOIRE AMERICAINE

 

KR'TNT ! ¤ 103

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

21 / 06 / 2012

 

 

 

LES RACINES DE LA

 

MUSIQUE NOIRE AMERICAINE

 

GOSPEL / BLUES / JAZZ

 

 

JEAN-CHRISTOPHE BERTIN

 

 

( EDITIONS DIDIER CARPENTIER / MARS 2012 )

 

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L'on a commencé par la fin, l'on finira donc par le commencement. C'était le 10 mai 2012, dans notre 97° livraison de KR'TNT, l'on a chroniqué le deuxième tome de l'histoire de la musique populaire américaine de Jean-Christophe Bertin, le bouquin nous avait bien plu, l'on s'est donc procuré très vite le tome premier. Faut dire que Jean-Christophe Bertin procède d'un choix qui nous agrée : ne compte pas tout raconter, possède une optique particulière, il part à la recherche des racines perdues du rock'n'roll. Grand danseur émérite devant l'éternel – c'est lui l'organisateur des soirées Rock'n'swing, Step Dance sur la région parisienne – Jean-Christophe Bertin s'en était, dans le second volume qui court de Louis Jordan à Elvis Presley. donné à coeur joie en relatant la jouissive éclosion du rhythm'n'blues noir - l'ancêtre direct du rock'n'roll.

 

 

Ce coup-ci, la tâche est plus difficile, plus on recule, plus les traces se brouillent. Ou plus exactement, plus il est aisé de s'égarer en des dérivations adjacentes qui risquent de se révéler des impasses improductifs.

 

 

GOSPEL

 

 

C'est en 1619 qu'un navire hollandais débarque sur les côtes américaines la première cargaison d'esclaves noirs. A peine une vingtaine d'individus, mais le commerce triangulaire en arrachera plus d'un million à leur berceau africain. Sont pas arrivés au Pérou. Au Nord, ils seront relativement rapidement affranchis et resteront libres tant qu'ils n'insisteront pas pour se faire remarquer. Au Sud, seront très vite héréditairement rivés à leurs plantations.

 

 

Ces serfs d'un nouveau moyen-âge subiront en plus une acculturation systématique. Ne doivent plus se souvenir d'où ils viennent et être maintenus dans un illettrisme absolu. Les imbéciles ne savent même pas que l'on peut se révolter. Pour une fois le salut viendra du ciel. Enfin presque. Des missionnaires qui se chargent de les évangéliser afin de leur ouvrir les portes du paradis. Après leur mort, après une courte vie de souffrance et de peine.

 

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Ont failli remporter la victoire ces damnés christophiles. Voici à peine trois ans de cela me suis retrouvé dans une après-midi privée devant un groupe de gospel – tous en aube blanche – qui nous ont bassiné durant deux heures. Ce n'est ni leur voix, ni leur chant – un mariage assez harmonieux de timbres judicieusement entremêlés, mais l'insoutenable prêchi-prêcha entre les morceaux. Je n'ai jamais attendu que Jésus vienne m'aider. La positive attitude dans l'attente du Sauveur, je n'y crois que moyennement. De toutes les manières si les légionnaires romains l'ont cloué sur sa croix, c'était pas pour qu'il en redescende. Alors quand j'entends ces descendants d'esclaves qui deux siècles plus tard font de la pub pour le dieu de leurs anciens maîtres, je ne peux m'empêcher de leur préférer la combattante philosophie des Black Panthers.

 

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Sont quand même passées sous les fourches caudines du christianisme nos esclaves. Certes ils ont revitalisé les chant de messe et les cantiques de la vieille Europe à grands coups de swing, mais se sont tout de même fourvoyés dans les sentiers de la reconnaissance larmoyante, celle paternaliste qui consiste à verser des larmes de crocodile sur les souffrances rédemptrices du peuple noir. Ne me parlez pas d'Elvis qui apprit à chanter dans les Eglises du ghetto, n'aurait peut-être pas obéi les yeux fermés à dieu-le-père-oui-mon-colonel-Parker s'il avait eu l'esprit sain un peu moins formaté par ces puritains refrains d'acceptation humiliante... Ce n'est pas un hasard si la plus grande chanteuse de negro-spiritual reconnue par l'establishment se trouve être Mahalia Jackson qui jamais ne s'adonna au chant profane. Sans doute avait-elle l'âme et la conscience de classe plus blanches que le reste de son corps.

 

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De même Rosetta Tharpe, que les jours de grande clémence, je n'hésite pas à classer comme le chaînon manquant du rock'n'roll, finira sa carrière en chants confits de dévotion. Faudra attendre 1938 et l'apparition du Golden Gate Quartet pour que le Gospel se défroque et jette aux orties ses configurations christiques.

 

 

C'est que les esclaves libérés du Sud ont été un peu ( beaucoup ) les dindons de la farce. Après la guerre de Sécession, les armées bleues rentrées dans leurs pénates, le Nord s'est désintéressé de la question noire. Fallait qu'il investisse les capitaux des grandes exploitations agricoles du Sud dans la production manufacturière de masse. Le Nord s'est ainsi ouvert aux joies libérales du capitalisme sauvage tandis que le Sud se refermait sur ses blessures et mettait au point le régime de ségrégation – que beaucoup d'historiens jugeront tout de même encore plus insupportable que l'esclavage – qui perdurera jusqu'au début des années soixante...

 

 

INTERMEDE BURLESQUE

 

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Ne croyez point qu'entre le gospel et le blues, il n'y eut rien. Ce serait une erreur grossière. Lorsqu'une situation est intenable, la seule échappatoire est d'en rire et même de pousser la plaisanterie jusqu'à en tirer de l'argent. Dès 1840, apparaissent les Minstrels, comédiens blancs qui chantent, dansent et singent les noirs. Vingt ans plus tard l'on passe au Vaudeville, sur le même principe mais on élargit la palette, du numéro de chiens savants à celui du strip-tease. Retour du bâton volé, des troupes d'artistes noirs sous-payés possèdent aussi leur circuit... Naissance du ragtime, piano folie que l'on jouait dans les bouges de la Nouvelle-Orléans, nous sommes déjà au début du vingtième siècle. Ce côté festif, quelque peu auto-parodique atteindra son summum avec les numéros drôlatiques de Cab Calloway au Cotton Club, étonnant clown noir chanteur et musicien virtuose dont la dégaine ne sera pas étrangère à l'accoutrement des zazous, que l'on a souvent présentés comme les inspirateurs des Teddy Boys...

 

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Le fric s'en mêle, commence par des pages de partition de chansons – les fameuses sheets - vendues à l'unité, mais qui s'écoulent à des milliers voire millions d'exemplaires... Durant les années vingt, nous atteignons à une modernité étonnante, la radio attire les sponsors, les disques apparaissent et captivent un public de plus en plus nombreux. Toutes les conditions d'apparition d'un véritable melting pot musical sont réunies.

 

 

DEPRESSION BLUES

 

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Le blues va naître de partout et de nulle part. Etait là depuis les débuts, mais personne n'y prenait garde. Il était la musique rampante, celle qui s'insinue dans votre âme et vous file le bourdon. Le bourbon aussi, lendemain et veille de cuite. De toujours il y a eu un blues des villes et un blues des champs. Que vous nous ferez le plaisir de ne pas confondre avec ce que les ethnologues du blues nomment le blues rural et le blues électrique de Chicago.

 

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Les premiers bluesmen seront des blueswomen. Inutile de monter sur les grands rideaux du féminisme. Non ce n'est pas parce que la femme est l'esclave de l'homme même noir, mais tout au contraire parce qu'une belle voix, un beau corps et un beau cul attirent tout de suite plus de monde quand c'est décliné au féminin, et que dans les maisons de disques et chez les impresarii l'on pense d'abord au profit immédiat. Le romantisme n'a rien à voir là-dedans. Mamie Smith, Ma Rainey, Bessie Smith, noms et chants inoubliables, même si l'on est encore trop près d'un blues trop pâle, quelque peu blanchi dans la manière de chanter, beaucoup plus proche de la variété que l'on ne veut l'admettre. C'est que nous sommes ici en face d'un blues que je nommerais de promotionnel. Ces chanteuses font déjà carrière à la manière des blancs. Même si leur vie ne fut pas un rêve nimbé de rose. Me suis toujours étonné de voir que de nombreuses personnes qui vous sont émues jusqu'aux larmes par n'importe quel morceau de Bessie Smith restent totalement insensibles au blues du delta. C'est que ce dernier provient d'un autre monde – qu'au contraire de Jean-Christophe Bertin je ne situerais pas essentiellement en Afrique – moins policé que ce blues féminin classique avant l'heure et quelque part plus proche du jazz que du blues. Je sens que je vais me faire des ennemis mais comme disait Billie Holiday : Ladies sing the blues !

 

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A partir de 1880 l'on assèche les marécages générés par le Mississipi au Sud de Memphis. Ces terres arrachées au dieu fleuve deviendront de parfaits champs de coton. Une étendue immense, obtenue grâce au labeur épuisant des équipes de prisonniers, mais aussi de simples et misérables ouvriers et des cohortes serviles noires qui ont endigué le monstre et drainé les terrains spongieux. C'est dans cette moiteur étouffante, dans cette étuve infinie que le blues poussera ses racines les plus profondes.

 

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Une musique âpre, répétitive, cyclique, bringuebalante sur ses éternelles douze mesures – l'alexandrin du pauvre - mais donnant l'impression d'aller toujours de l'avant grâce à ces deux notes bleues - issues de l'accouplement incertain d'un rythme prégnant d'origine ancestrale avec le pas chaloupé et ternaire de la valse à trois temps... dont le tempo aurait été saisi au vol par les oreilles des esclaves enfermés dans leurs cabanes de planches alors que les maîtres festoyaient et dansaient, fenêtres ouvertes... L'on ne saura jamais si la saccade originelle provient du mariage incestueux du cliquetis de la chaîne des bagnards avec le grognement sourd des tam-tams primaires de l'Afrique lointaine...

 

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Ne s'attarde point sur le blues, Jean-Christophe Bertin, Charley Patton, les Juke Joints, Robert Johson, la grande dépression, le passage de témoin à Chicago avec Muddy Waters et Elmore James. Encore un effort et l'on arriverait à Chuck Berry. Mais non, on ne prendra pas la bretelle de l'autoroute rock'n'roll. Insiste beaucoup plus sur l'osmose jazz.

 

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JAZZ

 

 

N'y a pas que des gratteux solitaires qui courent le juke joint. Les noirs ont récupéré des tas d'instruments, notamment les cuivres de la défaite que leurs servants ont porté au clou, une fois la Guerre Civile terminée. Le jazz est né dans les brocantes. Fanfare rutilante, c'est le cornet à piston qui fait marcher la machine. Ce n'est pas parce que l'on est pauvre que l'on ne se marre pas.

 

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A ses débuts le jazz est un sacré bordel, n'est pas né dans les clandés de la Nouvelle-Orléans pour rien. C'est une musique à géométrie variable. Le principe de base est simple, plus on est de fous, plus on rit. Petite ou grande formation, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Ce n'est que bien plus tard que l'on numérotera, trio, quartet, quintet ou sextet, comme si cela avait une réelle importance. Manie toute européenne de tout cadastrer. Certes l'Europe sera une patrie d'adoption ou une terre d'asile pour nombre de jazzmen peu écoutés en Amérique, mais en venant de par chez nous, le jazz se classifiera et s'ossifiera. L'on en fera une toute une affaire de culture avec un grand C, à ses origines il était surtout selon son étymologie une affaire de cul tout court.

 

 

De la fanfare au grand orchestre, le jazz semble avoir progressé. En France dans certains milieux bourgeois progressistes de la fin des années cinquante, pour un peu l'on aurait rangé Duke Ellington entre Beethoven et Shumann,, plus pragmatique les amerloques ont réduit l'équation du grand orchestre à la formule toute simple de l'orchestre de danse. Du jazz au swing, de Louis Armstrong à Glenn Miller, la dégringolade est rapide.

 

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C'est cette route qu'emprunte Jean-Christophe Bertin dont il convient de rappeler sa passion première pour la danse. L'on débouche sur Peggy Lee et l'on finit par Frank Sinatra. Edulcoration blanche. Le livre se termine par un long chapitre sur les V-Disks, ces 78 tours enregistrés par l'Armée et offerts aux soldats qui se battent loin de la mère patrie, un peu partout dans le monde, des îles japonaises aux côtes normandes... Des centaines de milliers de galettes qui vont propager dans les oreilles des valeureux GI's les rythmes syncopés du jazz produits par les meilleures formations de l'époque...

 

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Et pendant que les petits gars se battent comme des lions, à la maison leurs femmes ne restent pas les bras croisés. Elles courent les remplacer dans leurs boulots qu'ils ont quittés pour partir à la guerre. Le conflit terminé, rien ne sera plus comme avant. Les maris se sont ouverts à de nouvelles musiques et leurs femmes se sont émancipées... Les bébés qui naîtront dans les années suivantes ne formeront pas par hasard les bataillons de la jeunesse rock. Trouveront chez leurs parents une oreille plus attentive que l'on aurait pu le croire à leurs électriques désirs d'indépendance...

 

 

Si on y réfléchit bien, on a un peu laissé sur la touche les black and beautiful people si présents au début du livre. L'on est dans la logique de l'Histoire, les noirs se sont faits voler leur musique par leurs sempiternels prédateurs blancs. N'ont peut-être pas tout perdu, y ont gagné une reconnaissance existentielle qui se traduira dès les sixties par le combat conjoint, minorités blanches et noires activistes confondues, pour les droits civiques...

 

 

LIGNES BRISEES

 

 

La route qui mène du gospel au rock'n'roll n'est pas une ligne droite. Ressemble plutôt à un labyrinthe. Faut s'y perdre pour en comprendre les subtilités et les ratages qui ont permis d'en tracer les circonvolutions. Le jazz n'est pas plus issu du blues que celui-ci n'en procède. Ce sont des musiques concomitantes, l'une poussant l'autre, comme l'aveugle – c'est le moment ou jamais de s'inspirer de l'imagerie gospelo-biblique - indiquant le chemin au paralytique qui ne peut marcher... Suffit d'écouter le CD qui est offert avec le livre pour s'en convaincre. Vingt morceaux dont l'histoire est consciencieusement retracée dans les différents chapitres du livre.

 

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Mahalia Jackson manifestement inspirée, sacrée chanteuse ! Dommage qu'elle n'ait pas un peu plus pactisé avec le diable. Les voix mêlées du Golden Gate Quarter remplaceraient avantageusement les Jordanaires derrière Presley. Posez Sir Rosetta Thorpe avec son orchestre dans les Comets de Bill Haley et vous risquez de ne pas vous en apercevoir. Désolé d'insister mais Bessie Smith nous délivre une fort belle soul blanche de qualité, mais très loin de la puissance séminale de notre musique préférée. Piano vieillot en arrière fond et solo de trompette jazz en prime pour nous écarter encore davantage du blues. Déjà beaucoup plus roots avec Memphis Minnie même si la voix reste encore haut perchée et très loin de la terre natale. C'est avec John Lee Hooker que nous rentrons vraiment dans le vif du sujet avec cette guitare qui pourchasse la voix du chanteur dans tous les coins et le pied impassible qui bat le rythme de son Boogie Chilum.

 

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Terminé avec le blues le huitième titre aborde le jazz. L'Original Jass Band, plus Nouvelle Orleans que ce combo originel, tu meurs. Un trombone à coulisse qui hennit comme un cheval facétieux, que demander de plus. Armstrong, plus impérial que toujours sur son Jazz Lips. Un véritable dessin animé, la musique fournit les images et la folie qui va avec. Un esprit somme toute assez rock'n'roll dans l'âme. Les violons sirupeux de l'Orchestre de Paul Whiteman nous en écartent, même si l'ensemble du morceau reste de bonne facture. Manque un peu de fantaisie débridée. Chez Duke Ellington, l'orchestre est rangé comme pour la parade, pas question qu'un solo dépasse de la tête ses congénères. Jungle aseptisée. Ne laisse pas le temps à Ivie Anderson de donner un véritable aperçu de sa voix. Toutefois difficile de se trouver chez Gene Krupa en sortant de chez Duke, beau travail vocal d'Anita O'Day mais l'orchestre derrière ne nous surprend jamais.

 

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Jan Savitt nous ennuie, à chaque plage orchestrée nous descendons d'une marche. Riff décolleté un peu trop tape à l'oreille. Plus authentiques les Harlem Hamfats malgré une mélodramatisation évidente. Mais l'on peut aussi se laisser prendre ( et même pendre ) aux plus grosses ficelles. Diction parfaite de Peggy Lee sur la rythmique de Benny Goodman. Nous sommes à l'extrême limite de la frontière qui sépare le savoir-faire du naturel. Qui ne revient pas au galop une fois que l'on l'a chassé. Vous vous en rendrez compte en écoutant Glenn Miller et tout ce qui suit, les Four Vagabonds, The Andrew Sisters, Frank Sinatra et re-Glenn Miller ( Army Band ) et son célèbre In the Mood. Vous chantiez, eh bien dansez maintenant ! Attention, impasse variétoche, en vue.

 

 

Damie Chad.

 

 

REVUE DES REVUES

 

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ROCK & FOLK. N° 539.

JUILLET 2012.

 

 

David Bowie en couverture. Passage promotionnel obligatoire. L'on ressort le packaging forty years de Ziggy Stardust. Nous ont déjà fait le coup avec les Beach Boys, les Doors et Nirvana, ces derniers mois. Sûr le rock est malade pour que l'on exhume chaque mois un cadavre que l'on essaie de reloocker comme l'on peut : pistes additionnelles, retirage vinyls, remastérisations et autres cerises si grosses sur le gâteau qu'on finit par ne plus y croire. Mais l'important c'est que l'on en refourgue quelques centaines de milliers d'exemplaires de plus. Pauvre Jérôme Soligny ! C'est lui que l'on a chargé d'écrire l'article monument ( ainsi annoncé sur la prime de couve ), un peu vachard de la part du rédac-chef de l'avoir obligé de se transformer en thuriféraire, lui qui n'est original que lorsqu'il démolit les figures les plus mythiques du rock prenant un plaisir sadique à heurter de front des générations entières et unanimes des fan de la grande époque dans leurs admirations les plus respectables. Bon mais là pas question de jouer à l'iconoclaste de service ! L'a dû y passer du temps à remplir sa page ! N'avait manifestement rien à dire sur le sujet, l'on n'y apprend rien, mais alors rien de rien, sur cet enregistrement censé avoir bouleversé la face du rock'n'roll. Pour remplir les colonnes restantes l'a donné la parole à Ken Scott le producteur de la sérénissime galette et à Mike Garson qui joua des claviers durant la tournée américaine qui suivit le disque. Des Anglais qui ont la mémoire aussi courte que les Français et qui ne se souviennent de rien, et qui se contentent de vagues lieux communs du genre, ce fut un véritable travail d'équipe qui jurent un peu trop avec des affirmations rentre dedans à la Bowie savait exactement ce qu'il voulait...

 

 

Si Soligny se contente de citer Vince Taylor sans plus pour Ziggy, l'interview de Philippe Parigaux nous démontre que l'ancien rédacteur de la grande époque de R&F, connaissait davantage ses classiques. Contrairement à bien de jeunes amateurs qui après 69 se sont jetés sur la pop music avec la même naïveté enthousiaste que Sainte Bernadette apercevant la Saint N'y Touche sur son rocher, Philippe Paringaux était tombé dans le rock, très tôt, en 1957, et qu'il avait suivi toute l'épopée en direct sur le territoire national assistant en direct aux concerts de Gene Vincent, Little Richard, Chuck Berry – déjà sur le déclin – et qu'ensuite il n'a eu qu'à se raccrocher aux nouveaux wagons, Beatles, Stones, Hendrix. Itinéraire intéressant, qui a su se refuser de s'enterrer dans la nostalgie des années twist pour s'ouvrir à toutes les flamboyances des années suivantes. Pas le genre de gars à s'appitoyer sur ses premières chaussettes, le Paringaux. Pour lui le rock se termine avec l'apparition de Doctor Feelgood. Retour aux sources si vous voulez, mais preuve que le serpent se mord la queue, que l'on n'invente plus, que l'on repasse les mêmes plats. De toutes les manières si l'on a besoin d'un docteur c'est que l'on est déjà malade.

 

 

Interview d'Iggy Pop qui pousse la chansonnette sur son dernier disque. De Franck Sinatra à Joe Dassin en passant par Brassens plus une brassée de couronnes mortuaires sur Gainsbourg. Eudeline en fait des tonnes pour noyer le poisson et apporter un semblant de caution rock au soldat Iggy que l'on ne parviendra pas à sauver. Se fait carrément fusiller – discrètement mais sûrement - dans les chroniques de disques. Faut dire que le disque est un ratage complet, je l'ai difficilement écouté jusqu'au bout malgré mon amour démesuré pour l'Iguane. Plus que la mort la tragédie du rock se révèle être la sénilité prétentieuse.

 

 

Damie Chad.

 

 

SOUL BAG. N° 207.bert24.jpg

 

Juillet-Août-Septembre 2012.

 

 

De quoi lire pour les vacances. Rien que 200 disques à écouter, domaine blues, rhythm & Blues, early Blues, Gospel, Funk, Zydeco uniquement. De quoi décourager les volontés les mieux trempées et les portefeuilles les plus plats.

 

La revue est irremplaçable. Appel discret à de futurs abonnements et à rejoindre le CLARB, l'association qui édite et finance Soul Bag. Le précédent numéro avait tiré la sonnette d'alarme, les ventes de disques qui s'effondrent diminuant par contrecoup les rentrées publicitaires... Bref si vous êtes philantrock n'hésitez pas à investir à fonds perdus les titres et les valeurs de belle-maman dans le tonneau des danaïdes de la presse rock hexagonale. Beaucoup plus risqué que le CAC 40 mais tellement plus classieux.

 

Vais pas m'étendre dessus, Dr John avec Dossier New Orleans, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus, je vous laisse le plaisir de découvrir par vous-mêmes. Le plus rigolo c'est la kyriell des notices nécros, l'on enterre à la pelleteuse, toute une génération qui fout le camp au fond du trou. L'on comprend mieux pourquoi le blues est une musique universelle.

 

 

Damie Chad.

 

 

JUKEBOX. N° 307.

 

Juillet 2012.

 

 

Chuck Berry en couverture avec grand article de Tony Marlow. Une bonne rétrospective de cette légendaire figure du rock'n'roll que nous n'avons même pas évoqué dans KR'TNT, comme quoi rien n'est parfait en ce bas monde. Même pas nous.

 

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Maintenant pour les Messieurs – mais il n'y a aucune raison pour lesquelles les dames se priveraient de tels plaisirs revitalisants – c'est à votre convenance. Si vous préférez les blondes, courez au centre du numéro consulter la livraison 97 de Disco Revue de juin 1964 avec Brigitte Bardot en couverture. Voudrais passer pour le macho que je suis mais son minois est beaucoup plus pertinent que ses déclarations : «  A rio, j'ai également découvert les disques d'Eddie Cochran introuvables en France. Eddie devait être un garçon très consciencieux »... bon, nous nous rabattrons sur les brunes piquantes Suzy Slidor, La garçonne saphique qui inspira Dufy, de Vlaminck, Foujita, Picabia, Bacon, Cocteau... c'est qu'entre les arts plastiques et la plastique féminine il y a comme des accointances. Question chant, c'est un peu vieillot, mais la demoiselle née en 1900 fit aussi carrière dans les années cinquante, de prédilection pour Jukebox. Pourtant de fait Suzy Solidor provient d'un autre monde que celui du rock'n'roll, celui interlope des folles nuis parisiennes et de tout cet arrière-fond culturel post-symboliste du début du siècle. Que le rock balaya en quelques mois, comme une brassée de feuilles mortes...

 

 

Profitons donc du rock avant qu'il n'apparaisse à nos futures progénitures comme le curieux souvenir ringardisé d'une civilisation disparue...

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

 

14/06/2012

KR'TNT ! ¤ 102. CULTURE ROCKABILLY / EDDIE COCHRAN

 

KR'TNT ! ¤ 102

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

14 / 06 / 2012

 

 

 

CULTURE ROCKABILLY

 

 

1970 -2010

 

 

VINCENT GIORDANO

 

 

( 2 Impasse de la Cascade / Hameau du Coteau Sud )

 

( 13 770 VENELLES )

 

 

gvincent56@free.fr

 

 

 

160 pages, format A4, avec photos couleur pratiquement à chaque page, Vincent Giordano frappe un grand coup. En auto-production – customisation intégrale – 37 euros à l'achat, faut bien que l'auteur retombe sur ses pneus – le genre de bouquins qui devient culte dès qu'il est épuisé, et que l'on regrette de n'avoir pas pris quand il était encore temps.

 

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Je ne connais pas Vincent Giordano, mais si je ne m'abuse j'ai déjà vu son pseudo ( g-vincent56 ) traîner dans des blogues de discussions. En tout cas, c'est un malin. L'on ne compte plus les livres sur le rockabilly, oui mais ( vingt-six mille sept cent quarante deux fois hélas ! ) ils sont écrits en américain. Donc peu accessibles. Si la sécurité sociale devait me rembourser tous les cachets d'aspirine que j'ai avalés après m'être crevé les yeux sur Google Books à tenter de décoder ces bibles du rock que les amerloques débitent au kilomètre, il y en aurait assez pour multiplier par deux le PIB de notre pays.

 

 

En France à part l'Encyclopédie de la Country et du Rockabilly de Michel Rose, vous avez à votre disposition... l'Encyclopédie de la Country et du Rockabilly de Michel Rose. C'est ce que l'on appelle l'embarras du choix. Très bien écrit, bourré de renseignements et de qualité, mais sorti chez Best en 1986, il commence un tout petit peu à dater... Pour résumer vous pourrez trouver tous les défauts du monde à ce bouquin de Vincent Giordano, mais de par son unicité il est appelé à devenir un ouvrage de référence.

 

 

AVANT 70

 

 

N'y va pas de main morte Vincent Giordano ! Alors que Michel Rose commençait dans les Appalaches au temps reculé des immigrants irlandais, lui d'un coup de ciseaux il coupe sec pour débuter son récit en 1970. Pour ceux qui ne connaissent pas, charitable comme pas deux, il résume l'histoire de la naissance et de la mort du rock'n'roll en trois pages. Difficile d'établir une synthèse d'un phénomène si complexe plus succincte, même si le premier enfant de la bête ne survit pas longtemps : entre le Rocket 88 de Jackie Brenston en 1951 et la première venue de Gene Vincent en Angleterre en 1959, il ne s'écoule même pas une décennie.

 

 

En fait le rock n'est jamais mort. Il a subi une éclipse. Totale, mais le croyait-on définitivement enterré sous les décibels des groupes anglais que déjà il renaissait de ses cendres. Discrètement certes, mais sûrement. Les amateurs de Rockabilly ont besoin de la mort du rock'n'roll pour asseoir la naissance du Rockabilly. Réécrivent la légende en expliquant que le rock'n'roll lui-même est né du rockabilly, cette musique instinctivement mise au point par Presley, Perkins, Vincent et Johnny Burnette entre 1954 et 1958.

 

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Ce qui est certainement vrai, mais beaucoup moins que ce que l'on veut en tirer comme conséquence. Le rockabilly reste la forme rurale du rock'n'roll, il est au rock citadin, électrifié et porteur de la violence urbaine, ce que le blues du Delta est au Chicago blues. L'un plus poignant, l'autre plus puissant, mais tous deux indépassables en leur idiosyncrasie constitutive. Vincent ne parlait jamais de rockabilly mais de rock'n'roll, et ne se gênait pas pour donner cette même appellation au rhythmn and blues d'Otis Redding comme à la pop-music des Beatles. Vaste appellation, mais il ne faut pas oublier que jusqu'au début des années 70, l'amateur de rock de base, assez curieux et ouvert, était à même de connaître les développements encore embryonnaires des futures ramification de ce qui allait devenir un genre musical – au sens biologique du terme - à part entière. C'est que les mutations de cette musique étaient encore imprégnées de leurs racines originelles... et que le cat y retrouvait toujours ses petits.

 

 

En les années 65-66, les rockers se la jouaient profil bas. Certes les Stones et les Animals avaient remis au goût du jour les musiques d'un Chuck Berry et de Bo Diddley, mais la plupart des fans préféraient la copie à l'original. Il y eut bien le Bird Doggin' de Gene Vincent en 1966, sublime morceau qui se permettait de faire la nique au rock anglais tout en en transcendant l'architecture mélodique. Mais il y avait peu de monde capable de comprendre cela et de toutes les manières Vincent n'avait plus la surface médiatique nécessaire pour se faire entendre d'un vaste public. C'est Elvis qui à la fin de l'année 67, avec son Big Boss Man qui secoua le cocotier. Le titre fut assez diffusé pour que l'idée d'un retour possible des pionniers fît son apparition.

 

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Ce fut ce que l'on appelle aujourd'hui le premier revival : il débuta aux Etats-Unis par le NBC show de Presley, auquel succéda la prise de conscience par un grand nombre d'auditeurs radio naïvement ignorants que la mise en épingle médiatico-politique du folk de Dylan avait occulté toute la partie immergée de l'iceberg country de la musique populaire américaine. L'aérolithe que fut le Folson Prison Blues de Johnny Cash fut responsable de cette redécouverte hallucinante des fondements oubliés du rock'n'roll. Ce premier revival finit en apothéose en 1972 par le festival de Wembley, où Little Richard en grande forme consterna par ses frasques exhibitoires la vieille garde des teddy boys, gardienne de l'orthodoxie rock'n'roll.

 

 

Il faut visionner le film de la télé britanique : The rock'n'roll Singer où l'on suit la chaotique tournée de Gene Vincent en Angleterre en l'an de disgrâce 1969. Hallucinantes séquences de répétitions avec les Wild Angels à qui Vincent apprend les subtilités de l'instrumentation rock. C'est à un véritable passage de témoin symbolique que l'on assiste, Vincent disparaît fin 71, et le mouvement Ted anglais qui sera en grande partie à l'origine du renouveau rockabilly européen, se bâtira musicalement sur cet héritage que très vite, par un respect mal compris et une grande maladresse conservatrice ils ossifieront, oubliant que si Gene parvenait à tirer le meilleur de ses accompagnateurs de rencontre ou de fortune, il ne dispensait pas un enseignement codifié destiné à rester figé jusqu'à la fin des temps.

 

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Vérité en deçà de l'Atlantique, erreur au-delà. Ce n'est pas un hasard si au début des seventies toute une partie du public va s'intéresser à de vieux rockers américains oubliés. L'on redécouvre Charlie Feathers, Ray Campi, Gene Summers et bien d'autres, un autre sentier se dessine, qui essaie de remonter le fleuve dans l'espoir de retrouver l'universelle légende de l'authenticité première. C'est cet Eldorado mythique – ce pays où l'on n'arrive jamais – qui peu à peu sera dénommé Rockabilly.

 

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APRES 1970

 

 

Comme toujours dans l'histoire du rock, l'Angleterre s'emparera du ballon la première. C'est au moment même où le british blues écrase tout sur son passage que des groupes inconnus retournent au bon vieux rock'n'roll d'antan, Wild Angels dès 1967, Houseshaker en 1969, Crazy Cavan and the Rhythm Rockers en 1970, Matchbox en 1971, Flying Saucers en 1972, groupes mythiques propulsés par les séminales personnalités de Cravan Grogan, de Graham Fenton, et Sandy Ford. Ces groupes ne commenceront à avoir une véritable notoriété qu'à partir des années 76-77, qui sont aussi celles de l'explosion punk, un groupe comme Whirlwind assurant les accointances entre les deux mouvements qui coexistent mais qui ne s'entendent guère.

 

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Comme toujours dans l'histoire du rock, l'Amérique se débrouille pour produire la même chose, en plus grand, en plus vrai, en plus authentique, avec en prime ce petit grain de démesure qui fait toute la différence. En 1981 sort le premier album des Stray Cats qui donne, ou redonne – c'est selon votre philosophie ou votre vision du rock'n'roll – ses lettres de noblesses au rockabilly.

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Mais les choses vont évoluer vitesse grand V, l'on peut dire que malgré tout leur modernisme les Stray Cats – s'inscrivent en gros dans la lignée des roots originelles. Certes ils ont un son beaucoup plus puissant qui nettoie la poussière des étagères, mais ils ne s'éloignent point trop des pères fondateurs. Ne font pas tous les jours leur salutation au soleil, mais indubitablement ils se dorent aux rayons Sun. Très judicieusement, Vincent Giordano leur impose l'appellation néo-rockabilly.

 

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Le coup de balai viendra des deux côtés, de l'Angleterre avec les Meteors qui dès 1981 acoquinent franchement le rockabilly avec le punk pour créer le psychobilly – traduisez par rockabilly psychosé et vous aurez une idée de l'hybride monstrueuse obtenue, mais aussi de des USA avec les Cramps qui ajoutent au mélange punk-rockab des éclats de garage et de psychadelic. Boisson forte. Seront mêlés aux aventures du punk new yorkais.

 

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Me demande pourquoi je vous raconte tout cela, puisque Vincent Giordano, ne suit pas cette voie ( de garage ). Il n'ignore rien de l'histoire, et cite les principaux acteurs que je viens de nommer, mais il tourne un peu avant, sur la droite, pour emprunter une autre route. Celle qui vous ramène au pays natal.

 

 

REDOUTABLE CATALOGUE

 

 

Pour la suite je vous laisse vous aventurer dans les sentiers tracés au coupe dans la jungle foisonnantes des groupes existants. Ce qui me dérange ce n'est pas le choix effectué par notre auteur. L'on ne peut citer tout le monde et certains heureux nominés me sont totalement inconnus. Autant faire confiance, Vincent Giordano s'y connaît plus qu'un brin. Je peux très bien comprendre qu'il ait classé Annita & the Starbombers et Charlie Thompson dans le courant Hillbilly Rock, Western Swing, Cajun, les prestations de ces artistes que nous avons vus à Villeneuve Saint George ( voir notre centième livraison du 31 / 05 / 12 ) correspondent plutôt bien à cet essai de classement. De même la dérivation Jumpin'Jive, Rockin'Blues, Boogie avec Mike Sanchez – avec qui Imelda May travailla durant plusieurs années – m'agrée.

 

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Tique beaucoup plus sur le gros chapitre intitulé le Rock'n'Roll Authentique qui me semble un peu fourre-tout. Faire voisiner Freddie Fingers Lee avec Jesse Garon me semble osé. Ce n'est pas Garon qui me gêne, l'ayant entendu à plusieurs reprises dernièrement sur France Inter, le gars me semble intéressant, sensible, ouvert et intelligent, mais ce n'est pas d'après moi un véritable chanteur de rock. De rythme oui, qu'il ait été traumatisé par Elvis, d'accord, mais sa carrière parle pour lui : le rock a été un moment crucial de son existence, mais sa vie et sa discographie ne sont pas rock. Manque une certaine démesure. Quant à un Jimmy Ellis je vois avant tout un faiseur qui surfe sur la mort d'Elvis. Le fait que Shelby Singleton soit à l'origine de cette manipulation commerciale n'est pas à son honneur, même si du reste il sut mettre en valeur le catalogue Sun racheté à Sam Phillips. Nul n'est parfait. Même dans le monde du rock.

 

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De même je ne mettrai jamais sur le même plan, Robert Gordon et Darrel Higham. Vincent Giordano nous explique que sont les disques de Robert Gordon qui l'ont emmené au rockabilly, il a donc une prédilection sentimentale envers lui, ce qui est son droit absolu. Toutefois le parcours d'un Darrel Higham me paraît beaucoup plus authentique. Même si ce qu'il accomplit actuellement en tant que musicien de scène d'Imelda May me paraitrait beaucoup plus rockabilly que rock'n'roll. Encore qu'Imelda est avant tout une chanteuse qui ne s'embarrasse point de frontière musicale : du blues au jazz, de la country au rock...

 

 

D'ailleurs cette dichotomie rock'n'roll / rockabilly opérée par Vincent Giordano ressemble à s'y méprendre au serpent de mer à deux têtes qui finit par se mordre la queue quelle que soit la gueule qu'en fin de compte il ouvre pour attraper son appendice caudal. A lire attentivement son livre on a l'impression que le rock'n'roll se détache du rockabilly au milieu des années cinquante pour que le rockabilly retourne au rock'n'roll dans les nineties !

 

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Rock'n'Roll / Rockabilly, les deux faces de la même guitare. Le livre possède le défaut de ses qualités. Vous y puiserez mille renseignements, mais il fonctionne un peu trop comme un dictionnaire. Il manque une mise en perspective dialectique des combos les uns par rapport aux autres et l'on accepterait avec plaisir une réflexion plus affinée sur les interconnexions des principaux courants. Mais rien ne vous empêche de vous livrer à des recherches complémentaires. Vincent Giordano vous ouvre la porte, à vous de savoir vous amuser.

 

 

CULTURE ROCKABILLY

 

 

La deuxième moitié du livre est consacrée à la Culture Rockabilly. L'on commence par se vêtir, attention le perfecto ne fait pas plus le rocker que le rockabiller. Le look n'est souvent qu'une façade. Me méfie toujours des comportements de groupe. Le rocker de base n'échappe pas au fétichisme de la marchandise qui est d'autant plus gênant que derrière tous ces vêtements et ustensiles divers je n'entrevois que trop bien les enjeux commerciaux qui tentent de me manipuler à l'excès. Les profilers du marketing ont tôt fait de métamorphoser l'esprit de rébellion qui vous anime en objets de mode. L'on vous tend un miroir payant pour que vous puissiez vous ressembler. L'on remplace le désir par le besoin. C'est à peu-près la même chose, avec un tiroir caisse au milieu. Certains rockers sont aussi à leur insu des fashion victims.

 

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La frontière entre un volontaire marquage personnel d'appartenance à un groupe social déterminé et l'enfermement de l'individu dans le rite symbolique de sa propre reproduction recouvre exactement cette inter-zone mouvante où se se rencontrent, se côtoient et s'opposent l'authenticité et la parodie. L'on n'en parle peu, mais la dimension burlesque – Edgar Poe aurait employé le terme de grotesque - est historiquement constitutive de la formation du blues et du rock'n'roll. La naïveté du rockabiller est de se croire semblable à sa propre image, sa grande force un léger décalage par rapport à celle-ci. Comme pour tout, le secret de l'affaire réside en le fait de ne pas être dupe de soi-même.

 

 

Il ne faut pas nier que le look rockab en jette. Descendre en blouson léopard d'une Cadillac rose ( qui coûte ) bonbon vous classe tout de suite un homme. Mais méfions-nous. Cela peut être aussi le signe d'un embourgeoisement rampant qui ne dit pas son nom. Ne nous laissons pas éblouir par la première calandre qui passe. Certains choisissent la bagnole, mais oublient la rue. D'où ils sortent. Ou ne sortent pas. Car c'est une constante du Système capitaliste, il récupère toutes les situations originelles et authentiques de révolte pour les transformer en produits de semi-luxe pour les enfants perdus de la petite-bourgeoisie montante.

 

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Aujourd'hui vont au rockab toutes sortes de personnes qui ne sont pas obligatoirement attirées par la musique. Parfois l'on entrevoit le milieu rockab comme une niche écologique de survie. Toute ruche attire les riches. Les abeilles produisent du miel et les bourdons du fiel. Toutes ces contradictions ont tendance à ossifier le milieu, à le refermer sur lui-même, à en exaspérer les aspects nostalgiques, ce qui traditionnellement se traduit par un conservatisme politique en totale opposition avec la révolte initiale individuelle sur laquelle le mouvement se construit et essaime. Ainsi pour certains la bannière sudiste souvent brandie dans les concerts rockabilly – on la retrouve sur la quatrième de couverture du bouquin – est une manière de se revendiquer d'une idéologie profondément réactionnaire et suprématiste, pour d'autres elle ne saurait traduire que le rappel d'une naissance géographique et historiale particulière. Les esclaves noirs et leurs descendants ont autant participé à la richesse économique, musicale et culturelle du Sud que les colons blancs. Encore ne faudrait-il pas oublier le premier peuplement rouge.

 

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La longue séquence dédiée aux films « rock » est la plus intéressante de cette seconde moitié du book. Les pellicules présentées ne sont certainement pas des chefs d'oeuvre du septième art, mais malgré toutes leurs conventions et leurs simplifications, les bobines qui racontent la vie des stars du rock'n'roll ou qui mettent en scène les fans et les différents milieux du rock, obligent à réfléchir sur de vastes et inquiétants sujets : violence, racisme, perte de l'innocence, récupération et commercialisation... nous recommandons la très belle analyse de Violents Days ( 2004 ) de Lucie Chaufour ( voir notre sixième livraison du 10 / 11 / 09 ), enfin disponible en DVD, longtemps programmé seulement dans les festivals de cinéma.

 

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Le livre se termine sur d'inappréciables listes d'albums, de revues, de livres, de boutiques, et d'adresses incontournables. Indispensable. D'autant que comme se plaît à le répéter Vincent Giordano, les grands médias boudent la diffusion du rockabilly. Ce qui n'est pas un fait nouveau en soi, et peut-être pas un mal. Tant qu'il errera dans les marges, le rockabilly restera une musique dérangeante. La chose la plus horrible qu'il pourrait lui arriver serait d'acquérir cette respectabilité nauséabonde octroyée par le label consensuel du «  politiquement écoutable ».

 

 

Damie Chad.

 

 

 

PS : pour la prochaine édition penser à rajouter un index des noms et groupes cités avec renvoi aux pages appropriées ; en attendant, ne pas rater la photo de Billy ( tendance Elvis in Hawaï ), nous évoquions sa légendaire figure dans notre 101° livraison...

 

 

LOOK BOOKS !

 

 

 

 

LES LIEUX SOMBRES. GILLIAN FLYNN.

 

Sonatine. 480 pp. 2010.

 

 

J'ai pour règle de prendre chez mon libraire d'occase tout livre qui sort des Editions Sonatine. Je sais que je ne devrais pas, que leurs bouquins me font autant de mal que l'alcool, la cigarette, la cocke et les carottes râpées, mais je ne peux pas résister. C'est mon addiction préférée, mon moyen personnel de walker on the wild side of the USA. Car, je vous l'accorde, se dilatent pas la rate, ils ont la combine chez Sonatine, ils donnent à traduire ce qui se fait de mieux de l'autre côté de l'Atlantique.

 

 

Vous fiez pas au revers de la couverture, elle est mignonne comme tout Gillian Flynn, mais vu ce qu'elle écrit, c'est dans sa tête que l'on trouve les abysses. Chez Sonatine ils ont tout fait pour nous mettre en garde, leur couverture est mille fois plus belle que l'originale des ricains. Pas vraiment envie de mettre le pied dans cette ferme paumée au bout du monde. Ca pue l'angoisse et ça suinte de mélancolie. Une invitation au suicide.

 

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Un truc à désespérer de l'humanité. Libby Day a connu son jour de gloire a sept ans lorsque son frère a buté sa mère et liquidé ses jeunes soeurs. Un handicap légèrement traumatisant pour commencer sa vie. D'ailleurs elle se traîne comme une ombre sans peine. Elle essaie de survivre sa mauvaise conscience, celle d'avoir été épargnée par le destin, celle d'avoir été manipulée pour répondre à la justice, bref elle en veut à la terre entière. Tout en oubliant de se faire des cadeaux.

 

 

A court d'argent, elle est contactée par une association de passionnés des tueurs en série et des crimes étranges... La voici donc obligée – pour satisfaire cette clientèle avide de sensations fraîches – de remonter la piste sanglante. Ne va pas y trouver que son bonheur. C'est réglé comme du papier à musique, un chapitre sur l'enquête à rebours de Libby qui remonte vers l'enfance et vers l'horreur - à moins que ce ne soit l'horreur de l'enfance – et un chapitre du jour du crime qui suit de près, minute par minute, les fatidiques agissements de Ben... Un mec sympa qui écoute Slayer, Venon et autres groupes de hardrock satanistes. Que voulez-vous tout le monde ne peut pas apprécier le rockabilly ?

 

 

Vous ai résumé les trente premières pages. A vous de jouer. La face sombre de l'Amérique vous saute très vite à la gueule. Attention, elle mord.

 

 

Damie Chad.

 

 

MAUVAISES INTENTIONS 3.

 

Autour du procès antiterroriste pour 6 camarades en mai 2012.

 

Antirépression & Luttes / Police & Justice.

 

HTTP://INFOKIOSQUE.NET/MAUVAISES_INTENTIONS

 

 

 

Faut pas croire qu'il n'y a que dans les thrillers des amerloques que le monde n'est pas beau. En notre douce France, ce n'est pas mieux. En plus on n'est pas dans un roman, mais dans la vraie vie. Tout de suite, ça fait très mal.

 

 

Ne voilà-t-il pas que la police – censée protéger la veuve et l'orphelin – s'amuse à peaufiner dans l'ombre des dossiers compromettants sur les citoyens au-dessus de tout soupçon. Nous admettons qu'ils sont jeunes, qu'ils portent un regard critique sur notre société si égalitaire, qu'ils dénoncent les camps de rétention ( à ne pas confondre avec les camps de concentration et ne faites pas les mauvais esprits en insinuant qu'il faut un début à tout ), qu'ils manifestent leur mauvaise humeur au nom du droit imprescriptible des individus à vivre librement leur vie du mieux possible là où ils le peuvent, bref ils ne correspondent pas au portrait robot du mouton docile auquel l'on voudrait en haut-lieu que ressemble le consommateur de base.

 

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Donc voici nos jeunes gens déférés devant la justice afin de répondre de faire partie de la nouvelle arlésienne, la terrible mouvance anarcho-autonome, cette organisation fantôme à visée terroriste dont aucun de nos prévenus ne s'est jamais déclaré. Personne d'autre non plus. Mais il est bien connu qu'il n'y a que l'intention qui compte. Elle peut être bonne, mais dans le cas qui nous préoccupe, selon la police et la justice ( ces deux institutions d'élite qui se sont faites admirablement remarquer par leur courage et leur acuité politique durant la sombre période de l'Occupation ) elle serait très mauvaise.

 

 

D'ailleurs à toutes fins utiles on a pris garde de les jeter quelques mois en prison, mais le dossier se dégonflant au fur et à mesure que les trois ans d'instruction peinaient à rassembler des éléments compromettants il a fallu les relâcher, la mort dans l'âme. Le procès s'est déroulé fin mai. A l'heure actuelle où nous écrivons l'on attend... le jugement.

 

 

La brochure est parue avant le procès. Nous ne saurions que vous en recommander la lecture. Il est important de connaître la réalité sociale et politique dans laquelle l'on vit. Notre démocratie s'empare de tous les attributs des sociétés de contrôle et de surveillance. L'état n'est plus le garant des libertés, se pose de plus en plus en monstre froid, cynique et manipulateur. Le Léviathan de Hobbes jette son masque protecteur. Il aiguise ses dents et a besoin de faire quelques exemples. On le comprend : depuis quelque temps dans toute l'Europe la colère sourd, les citoyens se réveillent peu à peu de l''asthénie généralisée qui prévalait jusqu'ici.

 

 

Question subsidiaire : l'esprit rebel-rock est-il une mauvaise intention ?

 

 

Damie Chad.

 

 

 

DIRECTLY FROM ALBERT LEA

 

 

 

19° AFFICHE EDDIE COCHRAN

 

 

 

PAR ELOÏSE ADAMS

 

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