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21/06/2012

KR'TNT ! ¤ 103. GOSPEL / BLUES / JAZZ / MUSIQUE NOIRE AMERICAINE

 

KR'TNT ! ¤ 103

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

21 / 06 / 2012

 

 

 

LES RACINES DE LA

 

MUSIQUE NOIRE AMERICAINE

 

GOSPEL / BLUES / JAZZ

 

 

JEAN-CHRISTOPHE BERTIN

 

 

( EDITIONS DIDIER CARPENTIER / MARS 2012 )

 

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L'on a commencé par la fin, l'on finira donc par le commencement. C'était le 10 mai 2012, dans notre 97° livraison de KR'TNT, l'on a chroniqué le deuxième tome de l'histoire de la musique populaire américaine de Jean-Christophe Bertin, le bouquin nous avait bien plu, l'on s'est donc procuré très vite le tome premier. Faut dire que Jean-Christophe Bertin procède d'un choix qui nous agrée : ne compte pas tout raconter, possède une optique particulière, il part à la recherche des racines perdues du rock'n'roll. Grand danseur émérite devant l'éternel – c'est lui l'organisateur des soirées Rock'n'swing, Step Dance sur la région parisienne – Jean-Christophe Bertin s'en était, dans le second volume qui court de Louis Jordan à Elvis Presley. donné à coeur joie en relatant la jouissive éclosion du rhythm'n'blues noir - l'ancêtre direct du rock'n'roll.

 

 

Ce coup-ci, la tâche est plus difficile, plus on recule, plus les traces se brouillent. Ou plus exactement, plus il est aisé de s'égarer en des dérivations adjacentes qui risquent de se révéler des impasses improductifs.

 

 

GOSPEL

 

 

C'est en 1619 qu'un navire hollandais débarque sur les côtes américaines la première cargaison d'esclaves noirs. A peine une vingtaine d'individus, mais le commerce triangulaire en arrachera plus d'un million à leur berceau africain. Sont pas arrivés au Pérou. Au Nord, ils seront relativement rapidement affranchis et resteront libres tant qu'ils n'insisteront pas pour se faire remarquer. Au Sud, seront très vite héréditairement rivés à leurs plantations.

 

 

Ces serfs d'un nouveau moyen-âge subiront en plus une acculturation systématique. Ne doivent plus se souvenir d'où ils viennent et être maintenus dans un illettrisme absolu. Les imbéciles ne savent même pas que l'on peut se révolter. Pour une fois le salut viendra du ciel. Enfin presque. Des missionnaires qui se chargent de les évangéliser afin de leur ouvrir les portes du paradis. Après leur mort, après une courte vie de souffrance et de peine.

 

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Ont failli remporter la victoire ces damnés christophiles. Voici à peine trois ans de cela me suis retrouvé dans une après-midi privée devant un groupe de gospel – tous en aube blanche – qui nous ont bassiné durant deux heures. Ce n'est ni leur voix, ni leur chant – un mariage assez harmonieux de timbres judicieusement entremêlés, mais l'insoutenable prêchi-prêcha entre les morceaux. Je n'ai jamais attendu que Jésus vienne m'aider. La positive attitude dans l'attente du Sauveur, je n'y crois que moyennement. De toutes les manières si les légionnaires romains l'ont cloué sur sa croix, c'était pas pour qu'il en redescende. Alors quand j'entends ces descendants d'esclaves qui deux siècles plus tard font de la pub pour le dieu de leurs anciens maîtres, je ne peux m'empêcher de leur préférer la combattante philosophie des Black Panthers.

 

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Sont quand même passées sous les fourches caudines du christianisme nos esclaves. Certes ils ont revitalisé les chant de messe et les cantiques de la vieille Europe à grands coups de swing, mais se sont tout de même fourvoyés dans les sentiers de la reconnaissance larmoyante, celle paternaliste qui consiste à verser des larmes de crocodile sur les souffrances rédemptrices du peuple noir. Ne me parlez pas d'Elvis qui apprit à chanter dans les Eglises du ghetto, n'aurait peut-être pas obéi les yeux fermés à dieu-le-père-oui-mon-colonel-Parker s'il avait eu l'esprit sain un peu moins formaté par ces puritains refrains d'acceptation humiliante... Ce n'est pas un hasard si la plus grande chanteuse de negro-spiritual reconnue par l'establishment se trouve être Mahalia Jackson qui jamais ne s'adonna au chant profane. Sans doute avait-elle l'âme et la conscience de classe plus blanches que le reste de son corps.

 

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De même Rosetta Tharpe, que les jours de grande clémence, je n'hésite pas à classer comme le chaînon manquant du rock'n'roll, finira sa carrière en chants confits de dévotion. Faudra attendre 1938 et l'apparition du Golden Gate Quartet pour que le Gospel se défroque et jette aux orties ses configurations christiques.

 

 

C'est que les esclaves libérés du Sud ont été un peu ( beaucoup ) les dindons de la farce. Après la guerre de Sécession, les armées bleues rentrées dans leurs pénates, le Nord s'est désintéressé de la question noire. Fallait qu'il investisse les capitaux des grandes exploitations agricoles du Sud dans la production manufacturière de masse. Le Nord s'est ainsi ouvert aux joies libérales du capitalisme sauvage tandis que le Sud se refermait sur ses blessures et mettait au point le régime de ségrégation – que beaucoup d'historiens jugeront tout de même encore plus insupportable que l'esclavage – qui perdurera jusqu'au début des années soixante...

 

 

INTERMEDE BURLESQUE

 

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Ne croyez point qu'entre le gospel et le blues, il n'y eut rien. Ce serait une erreur grossière. Lorsqu'une situation est intenable, la seule échappatoire est d'en rire et même de pousser la plaisanterie jusqu'à en tirer de l'argent. Dès 1840, apparaissent les Minstrels, comédiens blancs qui chantent, dansent et singent les noirs. Vingt ans plus tard l'on passe au Vaudeville, sur le même principe mais on élargit la palette, du numéro de chiens savants à celui du strip-tease. Retour du bâton volé, des troupes d'artistes noirs sous-payés possèdent aussi leur circuit... Naissance du ragtime, piano folie que l'on jouait dans les bouges de la Nouvelle-Orléans, nous sommes déjà au début du vingtième siècle. Ce côté festif, quelque peu auto-parodique atteindra son summum avec les numéros drôlatiques de Cab Calloway au Cotton Club, étonnant clown noir chanteur et musicien virtuose dont la dégaine ne sera pas étrangère à l'accoutrement des zazous, que l'on a souvent présentés comme les inspirateurs des Teddy Boys...

 

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Le fric s'en mêle, commence par des pages de partition de chansons – les fameuses sheets - vendues à l'unité, mais qui s'écoulent à des milliers voire millions d'exemplaires... Durant les années vingt, nous atteignons à une modernité étonnante, la radio attire les sponsors, les disques apparaissent et captivent un public de plus en plus nombreux. Toutes les conditions d'apparition d'un véritable melting pot musical sont réunies.

 

 

DEPRESSION BLUES

 

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Le blues va naître de partout et de nulle part. Etait là depuis les débuts, mais personne n'y prenait garde. Il était la musique rampante, celle qui s'insinue dans votre âme et vous file le bourdon. Le bourbon aussi, lendemain et veille de cuite. De toujours il y a eu un blues des villes et un blues des champs. Que vous nous ferez le plaisir de ne pas confondre avec ce que les ethnologues du blues nomment le blues rural et le blues électrique de Chicago.

 

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Les premiers bluesmen seront des blueswomen. Inutile de monter sur les grands rideaux du féminisme. Non ce n'est pas parce que la femme est l'esclave de l'homme même noir, mais tout au contraire parce qu'une belle voix, un beau corps et un beau cul attirent tout de suite plus de monde quand c'est décliné au féminin, et que dans les maisons de disques et chez les impresarii l'on pense d'abord au profit immédiat. Le romantisme n'a rien à voir là-dedans. Mamie Smith, Ma Rainey, Bessie Smith, noms et chants inoubliables, même si l'on est encore trop près d'un blues trop pâle, quelque peu blanchi dans la manière de chanter, beaucoup plus proche de la variété que l'on ne veut l'admettre. C'est que nous sommes ici en face d'un blues que je nommerais de promotionnel. Ces chanteuses font déjà carrière à la manière des blancs. Même si leur vie ne fut pas un rêve nimbé de rose. Me suis toujours étonné de voir que de nombreuses personnes qui vous sont émues jusqu'aux larmes par n'importe quel morceau de Bessie Smith restent totalement insensibles au blues du delta. C'est que ce dernier provient d'un autre monde – qu'au contraire de Jean-Christophe Bertin je ne situerais pas essentiellement en Afrique – moins policé que ce blues féminin classique avant l'heure et quelque part plus proche du jazz que du blues. Je sens que je vais me faire des ennemis mais comme disait Billie Holiday : Ladies sing the blues !

 

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A partir de 1880 l'on assèche les marécages générés par le Mississipi au Sud de Memphis. Ces terres arrachées au dieu fleuve deviendront de parfaits champs de coton. Une étendue immense, obtenue grâce au labeur épuisant des équipes de prisonniers, mais aussi de simples et misérables ouvriers et des cohortes serviles noires qui ont endigué le monstre et drainé les terrains spongieux. C'est dans cette moiteur étouffante, dans cette étuve infinie que le blues poussera ses racines les plus profondes.

 

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Une musique âpre, répétitive, cyclique, bringuebalante sur ses éternelles douze mesures – l'alexandrin du pauvre - mais donnant l'impression d'aller toujours de l'avant grâce à ces deux notes bleues - issues de l'accouplement incertain d'un rythme prégnant d'origine ancestrale avec le pas chaloupé et ternaire de la valse à trois temps... dont le tempo aurait été saisi au vol par les oreilles des esclaves enfermés dans leurs cabanes de planches alors que les maîtres festoyaient et dansaient, fenêtres ouvertes... L'on ne saura jamais si la saccade originelle provient du mariage incestueux du cliquetis de la chaîne des bagnards avec le grognement sourd des tam-tams primaires de l'Afrique lointaine...

 

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Ne s'attarde point sur le blues, Jean-Christophe Bertin, Charley Patton, les Juke Joints, Robert Johson, la grande dépression, le passage de témoin à Chicago avec Muddy Waters et Elmore James. Encore un effort et l'on arriverait à Chuck Berry. Mais non, on ne prendra pas la bretelle de l'autoroute rock'n'roll. Insiste beaucoup plus sur l'osmose jazz.

 

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JAZZ

 

 

N'y a pas que des gratteux solitaires qui courent le juke joint. Les noirs ont récupéré des tas d'instruments, notamment les cuivres de la défaite que leurs servants ont porté au clou, une fois la Guerre Civile terminée. Le jazz est né dans les brocantes. Fanfare rutilante, c'est le cornet à piston qui fait marcher la machine. Ce n'est pas parce que l'on est pauvre que l'on ne se marre pas.

 

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A ses débuts le jazz est un sacré bordel, n'est pas né dans les clandés de la Nouvelle-Orléans pour rien. C'est une musique à géométrie variable. Le principe de base est simple, plus on est de fous, plus on rit. Petite ou grande formation, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Ce n'est que bien plus tard que l'on numérotera, trio, quartet, quintet ou sextet, comme si cela avait une réelle importance. Manie toute européenne de tout cadastrer. Certes l'Europe sera une patrie d'adoption ou une terre d'asile pour nombre de jazzmen peu écoutés en Amérique, mais en venant de par chez nous, le jazz se classifiera et s'ossifiera. L'on en fera une toute une affaire de culture avec un grand C, à ses origines il était surtout selon son étymologie une affaire de cul tout court.

 

 

De la fanfare au grand orchestre, le jazz semble avoir progressé. En France dans certains milieux bourgeois progressistes de la fin des années cinquante, pour un peu l'on aurait rangé Duke Ellington entre Beethoven et Shumann,, plus pragmatique les amerloques ont réduit l'équation du grand orchestre à la formule toute simple de l'orchestre de danse. Du jazz au swing, de Louis Armstrong à Glenn Miller, la dégringolade est rapide.

 

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C'est cette route qu'emprunte Jean-Christophe Bertin dont il convient de rappeler sa passion première pour la danse. L'on débouche sur Peggy Lee et l'on finit par Frank Sinatra. Edulcoration blanche. Le livre se termine par un long chapitre sur les V-Disks, ces 78 tours enregistrés par l'Armée et offerts aux soldats qui se battent loin de la mère patrie, un peu partout dans le monde, des îles japonaises aux côtes normandes... Des centaines de milliers de galettes qui vont propager dans les oreilles des valeureux GI's les rythmes syncopés du jazz produits par les meilleures formations de l'époque...

 

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Et pendant que les petits gars se battent comme des lions, à la maison leurs femmes ne restent pas les bras croisés. Elles courent les remplacer dans leurs boulots qu'ils ont quittés pour partir à la guerre. Le conflit terminé, rien ne sera plus comme avant. Les maris se sont ouverts à de nouvelles musiques et leurs femmes se sont émancipées... Les bébés qui naîtront dans les années suivantes ne formeront pas par hasard les bataillons de la jeunesse rock. Trouveront chez leurs parents une oreille plus attentive que l'on aurait pu le croire à leurs électriques désirs d'indépendance...

 

 

Si on y réfléchit bien, on a un peu laissé sur la touche les black and beautiful people si présents au début du livre. L'on est dans la logique de l'Histoire, les noirs se sont faits voler leur musique par leurs sempiternels prédateurs blancs. N'ont peut-être pas tout perdu, y ont gagné une reconnaissance existentielle qui se traduira dès les sixties par le combat conjoint, minorités blanches et noires activistes confondues, pour les droits civiques...

 

 

LIGNES BRISEES

 

 

La route qui mène du gospel au rock'n'roll n'est pas une ligne droite. Ressemble plutôt à un labyrinthe. Faut s'y perdre pour en comprendre les subtilités et les ratages qui ont permis d'en tracer les circonvolutions. Le jazz n'est pas plus issu du blues que celui-ci n'en procède. Ce sont des musiques concomitantes, l'une poussant l'autre, comme l'aveugle – c'est le moment ou jamais de s'inspirer de l'imagerie gospelo-biblique - indiquant le chemin au paralytique qui ne peut marcher... Suffit d'écouter le CD qui est offert avec le livre pour s'en convaincre. Vingt morceaux dont l'histoire est consciencieusement retracée dans les différents chapitres du livre.

 

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Mahalia Jackson manifestement inspirée, sacrée chanteuse ! Dommage qu'elle n'ait pas un peu plus pactisé avec le diable. Les voix mêlées du Golden Gate Quarter remplaceraient avantageusement les Jordanaires derrière Presley. Posez Sir Rosetta Thorpe avec son orchestre dans les Comets de Bill Haley et vous risquez de ne pas vous en apercevoir. Désolé d'insister mais Bessie Smith nous délivre une fort belle soul blanche de qualité, mais très loin de la puissance séminale de notre musique préférée. Piano vieillot en arrière fond et solo de trompette jazz en prime pour nous écarter encore davantage du blues. Déjà beaucoup plus roots avec Memphis Minnie même si la voix reste encore haut perchée et très loin de la terre natale. C'est avec John Lee Hooker que nous rentrons vraiment dans le vif du sujet avec cette guitare qui pourchasse la voix du chanteur dans tous les coins et le pied impassible qui bat le rythme de son Boogie Chilum.

 

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Terminé avec le blues le huitième titre aborde le jazz. L'Original Jass Band, plus Nouvelle Orleans que ce combo originel, tu meurs. Un trombone à coulisse qui hennit comme un cheval facétieux, que demander de plus. Armstrong, plus impérial que toujours sur son Jazz Lips. Un véritable dessin animé, la musique fournit les images et la folie qui va avec. Un esprit somme toute assez rock'n'roll dans l'âme. Les violons sirupeux de l'Orchestre de Paul Whiteman nous en écartent, même si l'ensemble du morceau reste de bonne facture. Manque un peu de fantaisie débridée. Chez Duke Ellington, l'orchestre est rangé comme pour la parade, pas question qu'un solo dépasse de la tête ses congénères. Jungle aseptisée. Ne laisse pas le temps à Ivie Anderson de donner un véritable aperçu de sa voix. Toutefois difficile de se trouver chez Gene Krupa en sortant de chez Duke, beau travail vocal d'Anita O'Day mais l'orchestre derrière ne nous surprend jamais.

 

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Jan Savitt nous ennuie, à chaque plage orchestrée nous descendons d'une marche. Riff décolleté un peu trop tape à l'oreille. Plus authentiques les Harlem Hamfats malgré une mélodramatisation évidente. Mais l'on peut aussi se laisser prendre ( et même pendre ) aux plus grosses ficelles. Diction parfaite de Peggy Lee sur la rythmique de Benny Goodman. Nous sommes à l'extrême limite de la frontière qui sépare le savoir-faire du naturel. Qui ne revient pas au galop une fois que l'on l'a chassé. Vous vous en rendrez compte en écoutant Glenn Miller et tout ce qui suit, les Four Vagabonds, The Andrew Sisters, Frank Sinatra et re-Glenn Miller ( Army Band ) et son célèbre In the Mood. Vous chantiez, eh bien dansez maintenant ! Attention, impasse variétoche, en vue.

 

 

Damie Chad.

 

 

REVUE DES REVUES

 

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ROCK & FOLK. N° 539.

JUILLET 2012.

 

 

David Bowie en couverture. Passage promotionnel obligatoire. L'on ressort le packaging forty years de Ziggy Stardust. Nous ont déjà fait le coup avec les Beach Boys, les Doors et Nirvana, ces derniers mois. Sûr le rock est malade pour que l'on exhume chaque mois un cadavre que l'on essaie de reloocker comme l'on peut : pistes additionnelles, retirage vinyls, remastérisations et autres cerises si grosses sur le gâteau qu'on finit par ne plus y croire. Mais l'important c'est que l'on en refourgue quelques centaines de milliers d'exemplaires de plus. Pauvre Jérôme Soligny ! C'est lui que l'on a chargé d'écrire l'article monument ( ainsi annoncé sur la prime de couve ), un peu vachard de la part du rédac-chef de l'avoir obligé de se transformer en thuriféraire, lui qui n'est original que lorsqu'il démolit les figures les plus mythiques du rock prenant un plaisir sadique à heurter de front des générations entières et unanimes des fan de la grande époque dans leurs admirations les plus respectables. Bon mais là pas question de jouer à l'iconoclaste de service ! L'a dû y passer du temps à remplir sa page ! N'avait manifestement rien à dire sur le sujet, l'on n'y apprend rien, mais alors rien de rien, sur cet enregistrement censé avoir bouleversé la face du rock'n'roll. Pour remplir les colonnes restantes l'a donné la parole à Ken Scott le producteur de la sérénissime galette et à Mike Garson qui joua des claviers durant la tournée américaine qui suivit le disque. Des Anglais qui ont la mémoire aussi courte que les Français et qui ne se souviennent de rien, et qui se contentent de vagues lieux communs du genre, ce fut un véritable travail d'équipe qui jurent un peu trop avec des affirmations rentre dedans à la Bowie savait exactement ce qu'il voulait...

 

 

Si Soligny se contente de citer Vince Taylor sans plus pour Ziggy, l'interview de Philippe Parigaux nous démontre que l'ancien rédacteur de la grande époque de R&F, connaissait davantage ses classiques. Contrairement à bien de jeunes amateurs qui après 69 se sont jetés sur la pop music avec la même naïveté enthousiaste que Sainte Bernadette apercevant la Saint N'y Touche sur son rocher, Philippe Paringaux était tombé dans le rock, très tôt, en 1957, et qu'il avait suivi toute l'épopée en direct sur le territoire national assistant en direct aux concerts de Gene Vincent, Little Richard, Chuck Berry – déjà sur le déclin – et qu'ensuite il n'a eu qu'à se raccrocher aux nouveaux wagons, Beatles, Stones, Hendrix. Itinéraire intéressant, qui a su se refuser de s'enterrer dans la nostalgie des années twist pour s'ouvrir à toutes les flamboyances des années suivantes. Pas le genre de gars à s'appitoyer sur ses premières chaussettes, le Paringaux. Pour lui le rock se termine avec l'apparition de Doctor Feelgood. Retour aux sources si vous voulez, mais preuve que le serpent se mord la queue, que l'on n'invente plus, que l'on repasse les mêmes plats. De toutes les manières si l'on a besoin d'un docteur c'est que l'on est déjà malade.

 

 

Interview d'Iggy Pop qui pousse la chansonnette sur son dernier disque. De Franck Sinatra à Joe Dassin en passant par Brassens plus une brassée de couronnes mortuaires sur Gainsbourg. Eudeline en fait des tonnes pour noyer le poisson et apporter un semblant de caution rock au soldat Iggy que l'on ne parviendra pas à sauver. Se fait carrément fusiller – discrètement mais sûrement - dans les chroniques de disques. Faut dire que le disque est un ratage complet, je l'ai difficilement écouté jusqu'au bout malgré mon amour démesuré pour l'Iguane. Plus que la mort la tragédie du rock se révèle être la sénilité prétentieuse.

 

 

Damie Chad.

 

 

SOUL BAG. N° 207.bert24.jpg

 

Juillet-Août-Septembre 2012.

 

 

De quoi lire pour les vacances. Rien que 200 disques à écouter, domaine blues, rhythm & Blues, early Blues, Gospel, Funk, Zydeco uniquement. De quoi décourager les volontés les mieux trempées et les portefeuilles les plus plats.

 

La revue est irremplaçable. Appel discret à de futurs abonnements et à rejoindre le CLARB, l'association qui édite et finance Soul Bag. Le précédent numéro avait tiré la sonnette d'alarme, les ventes de disques qui s'effondrent diminuant par contrecoup les rentrées publicitaires... Bref si vous êtes philantrock n'hésitez pas à investir à fonds perdus les titres et les valeurs de belle-maman dans le tonneau des danaïdes de la presse rock hexagonale. Beaucoup plus risqué que le CAC 40 mais tellement plus classieux.

 

Vais pas m'étendre dessus, Dr John avec Dossier New Orleans, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus, je vous laisse le plaisir de découvrir par vous-mêmes. Le plus rigolo c'est la kyriell des notices nécros, l'on enterre à la pelleteuse, toute une génération qui fout le camp au fond du trou. L'on comprend mieux pourquoi le blues est une musique universelle.

 

 

Damie Chad.

 

 

JUKEBOX. N° 307.

 

Juillet 2012.

 

 

Chuck Berry en couverture avec grand article de Tony Marlow. Une bonne rétrospective de cette légendaire figure du rock'n'roll que nous n'avons même pas évoqué dans KR'TNT, comme quoi rien n'est parfait en ce bas monde. Même pas nous.

 

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Maintenant pour les Messieurs – mais il n'y a aucune raison pour lesquelles les dames se priveraient de tels plaisirs revitalisants – c'est à votre convenance. Si vous préférez les blondes, courez au centre du numéro consulter la livraison 97 de Disco Revue de juin 1964 avec Brigitte Bardot en couverture. Voudrais passer pour le macho que je suis mais son minois est beaucoup plus pertinent que ses déclarations : «  A rio, j'ai également découvert les disques d'Eddie Cochran introuvables en France. Eddie devait être un garçon très consciencieux »... bon, nous nous rabattrons sur les brunes piquantes Suzy Slidor, La garçonne saphique qui inspira Dufy, de Vlaminck, Foujita, Picabia, Bacon, Cocteau... c'est qu'entre les arts plastiques et la plastique féminine il y a comme des accointances. Question chant, c'est un peu vieillot, mais la demoiselle née en 1900 fit aussi carrière dans les années cinquante, de prédilection pour Jukebox. Pourtant de fait Suzy Solidor provient d'un autre monde que celui du rock'n'roll, celui interlope des folles nuis parisiennes et de tout cet arrière-fond culturel post-symboliste du début du siècle. Que le rock balaya en quelques mois, comme une brassée de feuilles mortes...

 

 

Profitons donc du rock avant qu'il n'apparaisse à nos futures progénitures comme le curieux souvenir ringardisé d'une civilisation disparue...

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

 

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