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28/09/2011

KR'TNT ! ¤ 66. ORPHEUS PAIN / MOON SQUARE

 

KR'TNT ! ¤ 66

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

29 / 09 / 2011

 

FESTIVAL DES MUSIQUES

 

24 / 25 SEPTEMBRE / NANGIS

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Pas la peine de songer à déménager tout près de chez moi ( à moins que vous ne soyez jeune, jolie, intelligente et très riche ). Deux festivals coup sur coup à quinze jours de distance à quinze kilomètres de la maison, en pleine Brie profonde, c'est défier les calculs de probabilité les plus optimistes, je le confesse, mais c'est pourtant la vérité vraie comme disent les petits enfants.

 

Vous connaissez le protocole, la teuf-teuf à fond la caisse, direction Nangis, capitale de la betterave sucrière pour les analphabètes qui ne connaissent pas leur géographie. Suis arrivé sur les 17 heures trente pour revoir Orpheus Pain ( Chose promise, chose due ). Pile sur les trois derniers morceaux du Hot Club de Samois. Soyons franc et avouons toutes nos turpitudes, n'ai prêté une oreille attentive que pour le final, à cinquante centimes la consommation - aurais-je omis de préciser que l'entrée est gratuite ? - j'ai d'abord opéré un arrêt-buffet au stand buvette.

 

HOT CLUB DE SAMOIS

 

C'est du jazz. Du old trad assureraient les englishes, oui mais nous sommes en France, au pays de Django Reinhartd, ce qui n'est pas rien – nous aussi nous avons une tradition ! _ et Samois ce n'est ni plus ni moins que le bourg où repose Django, et où tous les ans au mois de juin, vous pouvez assister à un super festival de jazz manouche avec des guitaristes venus de toute l'Europe. Une concentration de roms que notre cher ministre Hortefeux n'a pas encore osé reconduire à la frontière, mais il ne saurait tarder.

 

Vu la concurrence étrangère qui débarque à chaque printemps, lees membres du Hot Club de Samois n'ont pas intérêt à laisser rouiller les jointures de leurs doigts durant les longues soirées d'automne. Je vous rassure, se sont lancés dans une interprétation des Yeux noirs que je n 'hésiterai pas à qualifier d'échevelée. Quatre cuivres et trois gratteux. Ce sont les guitares qui ont remporté la mise, me demande encore comment ils ont pu s'arrêter à la fin du morceau. Leurs compères venteux en ont été les premiers sidérés. Se sont inclinés avec respect. Nous aussi.

 

Applaudissements chaleureux. Ne serait-il pas temps de passer aux objets plus proches de nos désirs ? Je ne suis pas sectaire, mais je n'aime que le rock.

 

LE BUS ROUGE

 

Pas de chance, faut encore attendre le bus. Rouge. Un beau nom pour un groupe de rock. La surprise c'est que ce n'est pas un groupe de rock. C'est une fanfare. Et c'en est peut-être mieux. Viennent de Lyon, tout de noir et de rouge vêtus.

 

Ne sautez pas le paragraphe. Pour sûr ce n'est ni le Magic Bus des Who, ni le Blue bus de Jim Morrison. Mais ça n'a rien à voir avec ces pelotons de quinquagénaires ventripotents et municipaux des philharmoniques villageoises. Sont pas plus d'une dizaine dont trois ou quatre jeunes femmes fort accortes.

 

Se la pètent pas un brin mais n'empêche que ça pète de tous les côtés, z'ont attrapé la danse de Saint Gui, sautent partout, se mêlent et s'entremêlent avec les spectateurs épatés, poussent des pas de deux avec les badauds esbaudis, font même du hip-hop, s'amusent comme des fous, improvisent des chorégraphies de clowns pas tristes, s'amusent plus qu'ils ne jouent, même si parfois ils sonnent comme une section de chez Stax, tuba, saxophones, trombone, clarinette et piccolo, le tout ponctué de caisse claire et de tambour occitan. Ne se présentent pas pour rien comme un orphéon déjanté. Un régal de roi.

 

Remportent l'applaudimètre de la soirée. Le public demande un bis bus, mais non, l'heure c'est l'heure, et c'est au tour d'Orpheus Pain.

 

 

ORPHEUS PAIN

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Le temps de se diriger vers le deuxième podium la foule s'éclaircit. Sous prétexte de rentrer les enfants avant la petite fraîcheur du soir l'on en profite pour filer à l'anglaise. Vous savez, avec ces musiques de sauvages, tout peut arriver. Tant pis, pour une fois ce seront les meilleurs qui seront restés. En plus l'audience n'est pas si maigrelette que l'on pourrait le subodorer, et il est évident que le bouche à oreille commence à drainer un public de connaisseurs autour d'Orpheus Pain.

 

J'ai l'impression de ne pas voir le même groupe. Attention, niveau qualité c'est la même tension. Mais paraissent plus détendus. Maya qui au Cri de la Betterave avait été pour ainsi dire, introverti et hiératique, enfermé dans un monde de solitudes n'appartenant qu'à lui, exulte. Il introduit les morceaux, donne quelques explications et virevolte autour du micro. Lui qui avait été comme emmuré dans la peine d'Orphée, marque de tout son corps la moindre vibration de la musique.

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Musique moins lourde mais de toute splendeur. Ondes noires et draperies funèbres. Chaque morceau divisé en séquences que l'on se doit de parcourir comme un chemin initiatique. La mort rôde. Cauchemardesque. Orpheus descend aux enfers. Sans doute ne va-t-il chercher nulle autre présence que la sienne. On ne badine pas avec l'amour dans cette musique en quelque sorte littéraire. Ambiance igiturienne.

 

Sans oublier pour cela de rutilantes chevauchées historiales. Fracas extérieurs et tourbillons de poudre. Eclats de bombes, pour mieux vous ramener à l'intérieur de vos propres souterrains, volutes d'escaliers qui descendent sans fin et s'incurvent vers le Styx alimenté par les larmes de tous les chagrins du monde.

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La voix aigüe de Maya fêle le cristal de votre âme. Orpheus Pain vous happe et vous entraîne dans les colimaçons du désespoir. Il existe une musique noire au diapason de cette lumière de même noirceur qui découpe les ombres afin de les rendre encore plus sombres. Cérémonie secrète en plein air, dévoilée à tous, mais dont les portes vous resteront hermétiquement closes si vous n'êtes pas à même de vous retourner sur vous-même afin de vous opposer aux lémures de la laideur qui marchent sur vos traces. Afin de vous poignarder dans le dos. Car l'on n'est jamais trahi que par soi-même. Orpheus Pain vous tend le miroir de vos cauchemars. Hélas ! vous ne pouvez vous empêcher de penser qu'ils vous ressemblent, comme deux gouttes d'eau de l'Achéron que vous ne traverserez jamais en vainqueur triomphaliste.

 

Et Maya qui a soif débouche une mini-bouteille de plastique. Geste à l'image du rock. L'eau mythique du Styx d'un côté, et de l'autre ce déchet consumériste de notre civilisation en fin de cycle. Grandeur et décadence de notre Eurydice perdue à tout jamais. Eau de source manufacturée et ce seul objet mallarméen dont le néant s'honore pour l'empaquetage.

 

Orpheus Pain nous rappelle que le rock est aussi la grandiose musique du dérisoire. Dans lequel nous taillons notre linceul.

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Orpheus Pain n'est pas un groupe à suivre. C'est un groupe qui vous précède.

 

 

MOON SQUARE

 

Retour sur le podium A. Plus personne à l'horizon. Pas très fair-play les gars. Personne ne s'attend à des miracles. Difficile de passer après Orpheus Pain. Qui est un groupe adulte. Nous voici face à des poussins sortis de l'oeuf. Groupe de lycée, avec tout ce que cette expression peut contenir de mépris et de dédain. Ce qui est une terrible absurdité. Passé vingt ans, l'on est déjà trop vieux de quelques années pour jouer du rock.

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Le rock est par excellence une musique rebelle portée à bout de bras par de très jeunes gens. Si votre public niche dans les décennies supérieures, demandez-vous quels barreaux de l'échelle vous avez ratés. Vous vous croyez tout en haut, mais en fait vous êtes au fond du trou. Que vous avez creusé vous-même. Il est vrai aussi que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même !

 

Bref à part quelques parents et les copains du lycée, pas grand monde pour zieuter ce carré de lune. C'est un tort. Moon Square n'a peut-être pas trouvé la quadrature du cercle, mais vous non plus. Voici une bonne raison pour se rapprocher.

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Surprenant. Groupe de musique. Avant tout. Longues envolées de guitares. Parfois Robin chante dans le micro, mais l'on sent que c'est un exercice un peu obligé. Moon Square n'en est pas pour autant un groupe instrumental. L'on se croirait au local de répète, lorsque l'on a trouvé le bon tempo et que l'on joue pour le plaisir de jouer, sans se presser, pour exprimer sa seule satisfaction de produire un son qui se tient.

 

A droite, Nicolas le bassiste ne nous paraît pas à la fête. Est un élément rapporté, la première basse s'étant enfui à la première bise de l'insuccès. On fait confiance à Nico pour prendre toute sa place.

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Sacré batteur. Nathan bataille pour deux. Assure le roulement et le fond de train. Du costaud. Jamais fatigué, énergie sans limite, c'est lui donne au groupe sa cohérence. Avec une telle machine actionnant ses pistons sans relâche l'on peut couler quelques bielles par-devant. Les guitares d'Armand et de Robin entrent peu à peu dans le rythme. Ce n'est que dans les derniers morceaux qu'Armand imposera son propre jeu. Jusques alors il aura laissé Robin tirer un peu trop les cordes à lui.

 

Le résultat n'est pas du tout mauvais. Faire chanter deux guitares et rien que cela n'est pas à la base très excitant lorsque l'on n'est pas des as du manche. Mais Armand et Robin ne se débrouillent pas trop mal. Ce qui est certain c'est que l'on ne s'ennuie jamais. Pourtant les morceaux ne sont pas particulièrement courts. Apparemment chez Moon Square l'on aime la difficulté.

 

N'ont pas des dizaines de concerts à leur actif. L'on peut postphétiser la fête du Lycée et la fête de la musique ( passée ou à venir ) mais ce retour au rock de toute une partie de la jeunesse après toutes ces années perdues à rapper sur de mauvais play-back téléchargeables à la pelle sur internet cause un bien fou.

 

Nos quatre corners du carré lunaire fabriquent leur propre musique et les voir s'appliquer est jouissif. Comme souvent nous préférons le direct live à la démo – qui vaut le détour - que vous trouverez sur myspace.com/moonsquare/music/.

 

Moon Square s'offre d'infinies chevauchées psychédéliques. Elles possèdent le défaut de ces errances par trop bavardes qui engorgèrent bien des sillons à la fin des années soixante. Il peut paraître étrange que des jeunes d'aujourd'hui aient envie de renouer avec de telles prouesses. L'admirable c'est que l'on revient aux fondamentaux, aux racines en faisant l'impasse sur les dérives nationalo-franchouillades de ces vingt dernières années. Un tel parti-pris est la preuve éclatante que les lignes bougent et qu'une nouvelle génération, encore informelle, se profile à l'horizon rock.

 

Damie Chad.

 

Pour les photos on les a fauchées sur les sites des groupes . Elles ne correspondent pas au festival de Nangis.

 

 

GUITARES ET GUITARISTES DE LEGENDE. DOM KIRIS.

Préface de Louis Bertignac et de Paul Personne.

Présenté par Gilles Verlant.

 

126 pages, un livre qui se feuillette avec amour. Pardon, avec désir. Pas du tout exhaustif mais suffisant pour faire rêver. Rien que les dix premières craquantes pages sur Gretsch : de la White Falcon à la Blazing red rectangulaire de Bo Diddley en passant par la 6120 d'Eddie Cochran et de Brian Setzer, sans oublier Duanne Eddy et Lee Hazelwood le producteur touche-à-tout de génie, vous vous sentirez heureux.

 

Passons sur les Guild et les Ibanez ( enfin si vous en avez en trop chez vous envoyez-les à la maison ). Tiens, tiens Joe Satriani joue sur Ibanez JS... Halte sur les bonnes vieilles acoustiques Martin : Jimmie Rodgers, Dylan, Hank Williams, Elvis... qui dit mieux ? Et Johnny Cashh avec sa Martin aussi noire qu'une aile de corbeau sur un catafalque !

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Gibson, on commence par la mandoline, l'on poursuit avec Maybelle Carter et Emmylou Harris ( décidément certaines femmes ont vraiment tout pour nous séduire lorsqu'elles sortent le grand jeu ). Mais les messieurs ne sont pas de reste non plus, Charlie Christian, Scotty More, Merle Travis, B. B. King, Alvin Lee, Marc Bolan, Jimmy Page, Eric Clapton, Mick Taylor, Jimmy Hendrix, n'en jetez plus ! Il n'y a que pour Charlie Christian que j'opposerai un bémol, difficile de discerner sa touche particulière trop souvent noyée dans les grands orchestres. Mais peut-être faut-il une oreille musicienne plus subtile que la mienne pour la discerner.

 

Abordons l'autre gros chapitre : Fender. Telecaster et Strtocaster. Avec ces deux noms, vous avez déjà résumé l'histoire du rock'n'roll. Steve Cropper, Muddy Watters, James Burton, Albert Lee, Jeff Beck, Bruce Spingteen, Keith Richards, Hendrix, Buddy Holly ( décidément l'on trouve toujours le moyen de citer son nom à chaque livraison de KR'TNT ), Hank Marvin ( fureur Apache dans notre coeur ), Mark Knopfler, Clapton, Steve Ray Vaughan, et pour finir sur un coup de feu, Kurt Cobain.

 

Ovation la guitare à Dadi. Je n'aime pas beaucoup Marcel. L'avais entendu sur scène, en 74, ironiser sur Mitchhell qui était parti enregistrer son Rocking in Nashville... à Nashville comme il se doit. Trois mois plus tard le petit Marcel a pris son billet d'avion pour commettre lui aussi son pickin' avec les pros du genre à... Nashville.

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Rickenbacker, l'instrument des Beatles. On évitera de dire du mal. Roger McGuinn des Byrds sera beaucoup plus concluant. D'après nous. Le bouquin arrive à sa fin : Taylor, ce n'est pas la guitare à Vince, mais celle de Prince. Passons. La Paul Reed Smith ( dites PRS, vous aurez l'air de mieux vous y connaître ) utilisée par Carlos Santanas ( toujours pensé qu'il valait mieux traiter avec la Fender de Clapton Dieu qu'avec la PRS de ses santanas ).

 

L'on revient aux sources : la Dobro de Jerry Douglas, et la National de Son House et d'Elmore James. La Selmer de Django Reinhart, autre chose que l'Epiphone et l'Höfner de Paul McCartney ! Je vous laisse feuilleter la Valco, la Dean, et la Jackson... + les quatre pages sur les amplis et les pédales Ouah-Ouah comme dit mon chien.

 

Bref, rien que l'on ne sache déjà mais que l'on ne cesse d'apprendre.

 

Edité en 2008, aux éditions Fetjaime. Beau format paysage. Belles repros. Excellent petit manuel de vulgarisation pour les néophytes. A notre connaissance ( qui n'est pas infaillible ) ce que l'on peut trouver de mieux, en son genre, sur le marché, actuellement.

 

Damie Chad.

 

 

22/09/2011

KR'TNT ! ¤ 65. ORPHEUS PAIN / MARILOUIZ

 

KR'TNT ! ¤ 65

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

22/ 11 / 2011

 

 

DEUXIEME FESTIVAL

 

LE CRI DE LA BETTERAVE

 

SOIZY-BOUY / 10 / 10 2011

 

 

L'on a sorti la teuf-teuf mobile du garage et on the road again ! Pas d'affolement, on n'a pas eu besoin de tracer sur le bitume. Même pas dix kilomètres. Tout le monde n'a pas comme KR'TNT l'opportunité de nicher à quelques encablures d'un festival. Deuxième édition, s'il vous plait ! J'avais même pas entendu causé du premier.

 

Bref on a déboulé sur les chapeaux de roue, un peu tard pour regarder l'expo sur les pochettes de disques de Mylène Farmer, mais à vrai dire nous nous en sommes passés sans difficulté. L'on a aussi raté les activités pour enfants, l'Ecole de musique de Provins – avec un directeur qui proclame à tous les concerts de musique classique qu'il déteste le rock'n'roll, le bal musette de Yves Busato... bref l'on a échappé au pire. C'est du moins ce que l'on croyait. Mais n'anticipons point.

 

Consos pas chères, droit d'entrée sur la pelouse betteravière au prix imbattable de deux euros, que demande le peuple ? Rien de plus. La preuve 1200 visiteurs en fin de journées, ambiance familiale, des gosses qui courent partout. Une scène principale, pendant que les groupes s'affairent à monter leur matos la scène secondaire permet aux artistes du coin de se donner en spectacle. Ingénieux système qui évite tous les temps morts.

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Remarquez que j'aurais préféré les interminables interludes, car la Betterave Criarde a quelque peu abusé de notre patience auditive. Je vous réunis donc les trois paquets déchets dans le même sac poubelle. Vous prendrez bien soin de les éviter si vous croisiez par hasard leurs noms sur une affiche. Ne venez pas vous plaindre si vous persévériez dans l'erreur, je vous aurai prévenu.

 

C'est présenté comme du folk pop. Elle s'appelle Gaëlle Maddy. Elle s'accompagne sur un orgue portatif. Un individu de sexe mâle tient un violon à ses côtés. L'en tire des arpèges aussi maigrelets et chétifs que des asperges. Maddy me dit rien qui vaille. Chansons interminables aussi réjouissantes qu'un convoi de fourgons de CRS un jour de pluie. Je suis pour la liberté d'expression. Mais pour certains on devrait la limiter. Personne n'écoute ce qui n'empêche pas la petite Gaëlle d'arborer un sourire béat. Au moins elle aura fait une heureuse.

 

Plus tard ce sera le tour de JB Notché. Le présentateur nous les présente comme un duo de jazz manouche. C'est vrai que la contrebasse qui attend sagement que l'on vienne swinguer sur ses cordes nous paraît de bon augure. Nul n'est prophète en son pays ! Au bout de dix minutes j'en viens à regretter Gaëlle Maddy, je ne suis pas le seul, ruée générale vers les stands de frites, je remarques des lueurs d'envie de meurtres chez mes voisins...

 

Tiens un véritable groupe sur scène, Famille Grendy que ça s'appelle. Jouent à peu près incorrectement. Comme bruit de fond c'est un tantinet moins agréable que la tondeuse du voisin à huit heures du dimanche matin. Mais en prime il y a en plus un nain de jardin en costume et chapeau melon qui fait des cabrioles sur le devant de la scène. Passera la moitié du show perché sur une enceinte à faire coucou au public... C'est du rock débridé. A ce qu'il paraît. La bêtise humaine n'a pas de limite. Une grande partie du public applaudit à tout rompre. Ca ne les change pas beaucoup des émissions de TF 1 trop souvent très intellectuelles...

 

MARILOUIZ

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L'on change de braquet. Nous sommes en présence d'un véritable groupe. Deux guitares, batterie et une fille à la basse, tiens ça rappelle quelque chose, mais l'important c'est qu'il y ait une vraie musicienne au bout du fil et pour cela Mélanie Lazarczyk assure sans problème. Dès les premières secondes le son arrive et déborde des amplis, l'on n'a pas affaire à des amateurs, Marilouiz possède l'expérience de la scène et est servi par une cohésion remarquable. Les deux guitaristes Stéphane Jego et Fabien Gardeur se soutiennent et n'essaient pas de s'esbrouffer l'un l'autre, Marilouiz est au service de sa propre musique, l'on sent que le groupe défend un projet, la musique est vécue comme un engagement existentiel et non comme une agréable et lucrative occupation.

 

Musique rock plus que rock'n'roll. Le groupe ne chante pas en anglais. Choix idéologique, l'on véhicule non pas un message mais une vision de monde qui se doit d'être comprise du public. Marilouiz est un groupe de rock français, comprendre un groupe né dans la mouvance post-nineties-Noir-Désir, la musique se veut rock et le texte se veut poème. Ambition affirmée et défendue par Stéphane Jego, le set repose sur ses épaules, chemise blanche, boucle d'oreille comme signe que l'on s'adresse à soi-même, la voix est puissante et captive l'audience. Il sait aussi se taire et se lancer dans de longues parties de guitare des mieux venues. Faut dire que derrière Yvan Marizy pousse le train sur ses toms à vive allure. Discret mais d'une présence indéniable.

 

L'audience reste attentive, applaudissements chaleureux, il est sûr que les trois-quart des personnes amassées devant la scène entendent pour la première fois en direct live un combo de cette force. Pour elles Marilouiz est un ovni musical venu d'une autre planète. Pourront s'entraîner à la maison, Marilouiz propose un CD tout neuf sorti au mois de mars dernier.

 

Des ombres qui passent. Enregistré sur Paris. La prise se son n'est pas mauvaise, mais le mixage privilégie la voix de Stéphane Jego bien mise en avant. Nous préférons sans discussion la prestation scénique beaucoup plus rentre dedans. Le livret - illustré par Arnold Chartier, moitié vaisseau urbain Guerre des Etoiles 2 / moitié plongée en apnée BD en totale harmonie avec le climat généré par les lyrics - nous délivre l'ensemble des paroles. Les textes nous paraissent un peu trop ambigus. S'arrêtent à ras-bord de la coupe pleine. Ne débordent jamais. Décryptent l'apocalyptique morbidité de nos étriqués vécus mais ne débouchent point sur un appel franc et massif à l'insurrection. Par deux fois Jego récite plus qu'il ne chante, même si par après l'accompagnement rythmique explose l'on regrette qu'il n'y ait pas sur ces récitatifs la même emprise vocale qu'un Jim Morrison ( voir l'intro très doorsienne de Spirale ) a pu insuffler à ses poèmes. Et même sans aller jusqu'à un si parfait exemple, le travail des poètes beat sur leurs lectures de textes offre d'intéressantes pistes de réflexion. Mais là nous cherchons la petite bête. Qui monte. Pour celui qui veut bien entendre, nous sommes en train d'exposer le principal reproche que nous adressons à toute une partie du rock hexagonal actuel – celui auquel adhère la majorité des acheteurs de disques made in France – à trop vouloir privilégier le texte l'on perd le sens du rock. L'on se rapproche sans y prendre garde du concept chanson-française-de-qualité-qui-veut-dire-quelque-chose. L'on est sur une pente divergente – terriblement cocrockrico franchouillarde - qui nous écarte du chaos rock.

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Un très bon set qui nous a réconcilié avec la salade de betterave.

 

ORPHEUS PAIN

 

Enfin un groupe. Projectif. Avec une démarche cohérente. Régional, puisque basé dans la mallarméenne bonne ville de Sens. Formé depuis 2009, mais le noyau initial Etienne Legrand et Bertrand Gouelle oeuvrent ensemble depuis plus de dix ans. Faut avoir un sacré culot pour se prénommer Orpheus Pain – la Peine d'Orphée, demi-dieu de la poésie et de la musique. L'on entre de facto et de pain pied dans une certaine volonté de démesure que l'on se doit d'assumer...

 

Maya – nom de scène que l'on suppose davantage en relation avec le concept transcendantal bouddhique ou l'idée toute grecque du destin qu'avec la sympathique abeille du dessein animé des petits enfants sages – est au centre de la scène. Et de la zique. Non pas que les musiciens seraient d'un moindre niveau, mais la musique est architecturée selon sa voix particulière. Haut-perchée. Toujours surprenante dans un groupe de rock. Un peu à la Robert Plant comme Led Zeppelin. Ne parlez pas d'imitation. A l'opposé du grand Robert qui officiait quelque part entre des poses au micro à la Gene Vincent et des roucoulades éhontées de divas énamourées lascivement couchées sur un divan, Maya reste concentré sur lui-même. Peu de gesticulation. Le son vient de l'intérieur. Il n'est que le vecteur du chant, pas du tout le metteur en scène. Ajoutons que ses cheveux courts ne lui permettent aucune des poses léonines de la crinière plantique.

 

Reste que lorsque l'on évoque le nom magique de Led Zeppelin, il y a intérêt à hausser le niveau ! Certes Orpheus Pain ne possède pas la force colossale du Dirigeable. Celui-ci possédait un moteur de base qui fonctionnait au kérosène-hot-and-old-rock'n'roll ce qui lui permettait de s'aventurer aux confins polaires ou équatoriaux du genre tout en étant sûr de pouvoir à tout moment se dégager des banquises ou des sargasses les plus emprisonnantes . Orpheus Pain ne procède pas de la même origine. Ils ont sans doute mieux barjoté sur House of the Holly que les deux premiers albums, au sang bleu des roots ils ont préféré le côté progue avec tout ce qui s'ensuit. Ont encore regardé de près la musique française de la fin du dix-neuvième, et nous espérons qu'un petit détour par Stravinsky s'est imposé.

 

L'on a un peu oublié que les premiers groupes de hard-rock qui s'étaient donné pour mission de synthétiser et de condenser les éléments les plus sauvages du rock'n'roll – remplaçant en quelque sorte le refrain par le riff – se sont aussi inspirés des suites symphoniques de la musique classique souvent sans le revendiquer mais il suffit d'écouter les premiers Vanilla Fudge et Deep Purple pour s'en convaincre.

 

Orpheus Pain nous délivre une musique sombre, dense, envoûtante, difficile pour un public non averti ou familial comme celui du Cri de la Betterave. Le groupe est écouté avec un total respect. Les premiers venus comme les derniers arrivés s'aperçoivent très vite qu'ils ont en face d'eux de sacrés musicos. Bref ces gars-là ne s'amusent pas. L'enjeu reste hors de portée du spectateur moyen mais la hauteur de la démarche ne laisse planer aucun doute. Orpheus Pain vainc toutes les résistances mais ne convainc pas toutes les mollesses intellectuelles. Un peu comme ces livres que vous ne lirez jamais car vous comprenez très vite que leurs difficultés sont hors de votre compréhension.

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Le groupe propose aussi un CD «  The Maxi Kalapucho EP » au prix dérisoire de cinq euros. A écouter même si nous préférons et de loin le premier mix de Nora le premier morceau de leur prochain disque «  Danger on the chessboard » que vous entendrez sur leur site www.orpheuspain.com . Sur ce dernier le son est nettement plus à la hauteur de la prestation scénique preuve que le groupe travaille et progresse. N'en dédaignez pas pour autant le Maxi Kalapucho destiné à devenir une pièce de collection. Petit bémol – vont comprendre eux qui jouent des partoches en demi-temps - serait bon de recopier les paroles.

 

Orpheus Pain est un groupe qui renoue avec la décennie des seventies. En ces temps-là le rock était pour toute une partie de la jeunesse une denrée énergisante vitale. Certes il s'est permis tous les errements possibles et inimaginables mais la musique et son devenir était au coeur de toutes les sorties de route. Souhaitons longue vie à Orpheus Pain. C'est un bonheur de rencontrer des gens qui mettent la barre si haut. Peuvent d'autant plus se casser la gueule, mais le jeu en vaut les trente six chandelles du rock. Nous ne raterons pas le prochain concert à Nangis le 24 septembre Cour Emile Zola à 19 h 30.

 

LES SPAMS

 

Faut pas croire. Il y a des connaisseurs. Depuis quatre heures la rumeur n'arrête pas d'enfler. «  Les Spams !Les Spams ! ». Un super groupe. Un truc énorme. On le sait, l'année dernière ils ont remporté un tel succès que cette fois on les a mis en vedette. Des terribles ! Vu l'excitation qui monte, l'on pressent que ce sera au moins trois fois meilleurs que les Stones au Concert de Hyde Park en 1969... Incroyable mais vrai, ce soir la betterave va pousser le cri qui tue.

 

Enfin les voici sous les projecteurs. La foule se lève comme un seul homme et se précipite devant l'orchestre. Scènes d'enthousiasme collectif et d'allégresse universelle. Cachez une bouse puante au fin-fond de l'horizon et en moins de cinq minutes elle est recouverte de mouches vertes sorties d'on ne sait où.

 

Reggae-groove à gogo. Le chanteur n'y va pas par quatre chemins. Vont commencer très fort mais finiront encore plus grave nous promet-il. En fait c'est beaucoup plus grave qu'il ne le croit. D'ailleurs tout de suite l'on a droit à un impérissable classique du rock'n'roll – vous avez perdu, ce n'est pas Johnny Goode – mais La mauvaise réputation de Brassens ! Ensuite l'on tombe dans le mauvais goût et la démagogie la plus éhontée. Trois jeunes filles du village viennent sur scène exécuter une chorégraphie. Agrémentée comme il se doit de commentaires graveleux. Le public exulte, et lève les bras en signe d'allégresse. Pour un peu on se croirait au Hellfest.

 

Je regarde autour de moi. J'ose espérer qu'avec un peu de chance un islamiste en colère contre la dépravation occidentale viendra se faire exploser au plein milieu de cette désolation. Sang de beauf sur tous les brins d'herbe. Faute de grive l'on ne se contente pas de merde. Ô Bonheur mille fois mérité trois fois de suite le courant disjoncte ! Mais les Spams s'accrochent. Z'osent le Don't Let Me Be Misunderstood façon Santa Esmeralda ( les Animals ils ne connaissent pas ). Réussissent tout de même à nous faire apparaître la version de La Sainte Emeraude aussi belle et subtile qu'un quatuor de Ravel.

 

Je ne vous raconte pas la suite, je me suis enfui en courant.

 

LES ROCKERS

 

C'est arrivé à la maison que je me suis aperçu en étudiant le dépliant qu'à seize heures trente avait été programmé, Les Rocker's, le groupe de Dan Lee Styve qui enregistra deux 45 tours en 1963, passèrent au Golf-Drouot et puis disparurent dans la légende du rock français... jusqu'à ce que quarante ans plus tard le frelon du rock les repique. Ont remonté le groupe avec trois membres originaux, écrit un livre « 85 ans à eux cinq » et sont repartis sur la route comme en quarante. Pardon, comme en soixante. J'aurais bien aimé les voir.

 

LE CRI DE LA BETTERAVE

 

On attendra la troisième édition de cette betterave qui est déjà une bête rare en Brie pour rendre compte... Capable du pire comme du meilleur ! Un petit effort sur la ligne musicale s'impose.

DAMIE CHAD

 

KRONIKROCK

 

 

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RAVE ON BUDDY HOLLY.

 

THE BACK KEYS. FLONA APPLE & JON BRION. FLORENCE + THE MACHINE. CEE LO GREEN. KAREN ELSON. JULIAN CASASBLANCAS. JENNY 0. JUSIN TOWNES EARLE. SHE &HIM. NICK LOWE. PATTI SMITH. MY MORNING JACKET. MODEST MOUSE. KID ROCK. THE DETROIT COBRAS. LOU REED. JOHN DOE. GRAHAM NASH.

 

Voulais me l'acheter, l'occasion ne s'est pas présentée. C'est le gars de la médiathèque qui m'a rappelé alors que je m'apprêtai à enfiler la porte de sortie. «  Hep ! On a quelque chose pour vous ! » . A farfouillé dans un tas d'arrivées et m'a tendu l'objet «  Je pense que ça devrait vous intéresser ! » . C'est cela la célébrité, la foule anonyme qui devance vos désirs inexprimés. J'ai rajouté le bleu Buddy à ma bluesy pile et j'ai filé à la maison écouter la curiosité.

 

Du monde. Et même du beau monde. Sur la pochette. A l'extérieur, parce que dedans c'est un peu rébarbatif, même pas foutus de coller une photo de ci de là. Juste un mot passe-partout de Randall Poster, pas la moindre notice explicative sur les raisons du projet. Les mauvaises langues prétendent qu'il a vu le jour uniquement parce que la maison de disques a racheté le catalogue et qu'il faut bien rentabiliser le plus vite possible. Mais délaissons ces sombres considérations pécuniaires.

 

Donc du monde. Il n'y a en qu'un qui manque, c'est Buddy Holly. Dommage surtout pour un disque soi-disant hommagial. Les amateurs de Holly qui ont les petites merveilles ciselées originales de Buddy qui teintent dans leurs oreilles risquent d'en perdre leur ravissement intime. Soit l'on a affaire à de grossières décalcomanies sans grâce ni légèreté comme l'Every Day de Fiona Apple & Jon Bion, soit à des parodies en grosses pantoufles à mille lieues de l'univers du petit gars de Lubbock. Paul McCartney s'impose comme le chef de file de cette tendance appuyée, on se serait serait attendu à moins de faute de goût chez notre ancien scarabée fort amateur de criquets en sa folle jeunesse.

 

Un conseil réécoutez le disque une deuxième fois en oubliant qu'il entretient un quelconque rapport avec Buddy Holly. J'entends votre jugement «  un disque médiocre, tant de monde dispersé dans des studios aux quatre coins des States pour produire le même son passe-partout de qualité aseptisé c'est un peu dommage. Le seul truc marrant c'est que de temps en temps on dirait qu'ils ont pompé un riff à Buddy Holly. Mais ils ne l'ont pas fait exprès, ce doit être une réminiscence inconsciente ! »

 

Le summum de l'horreur réside dans le titre phare : Rave on par Julian Casablancas le chanteur leader des Strokes qui n'en finit pas depuis trois ans dans ses interviews de se faire passer pour la perfection incarnée du rock'n'roll, possède l'énergie d'une limace sous valium fatiguée. Remarquez que le I'm Gonna Love you too de Jenny O vaut son pesant d'horreur. Mais la gente damoiselle n'a jamais prétendu à une quelconque reconnaissance rock. L'on aimerait savoir pourquoi de tels produits préfabriqués de sous-dance-music ont pu se retrouver sur un tel disque !

 

Ce n'est pas parce que des groupes comme Morning Jacket ou The Detroit Cobras se sont faits une spécialité de reprendre des morceaux peu connus des répertoires folk, country, rock et soul que l'on se trouve en présence de musiciens qui ont la fibre rock. Ne pas confondre le créneau middle of the road avec les fous de rockabilly. Que l'on ne retrouve sur ce disque ni Brian Setzer, ni Imelda May, ni Robert Gordon, ni Chris Spedding pour n'en citer que quelques uns, est un peu scandaleux.

 

On adore Lou Reed mais sa version de Peggy Sue pue le brouillon mal bâclé. Aurait dû rappelé Steve Hunter pour la guitare et faire écouter John Cale à son violoneux électrique. Cela aurait à coup sûr balayé les toiles d'araignées mais Buddy Holly n'aurait pas été trahi. Quant à Jack White il a été malheureusement moins heureux avec Karen Elson ( qu'il épousa en 2005 ) qu'avec la septuagénaire Wanda Jackson. Que voulez-vous un mannequin si belle soit-elle n'est pas obligatoirement douée pour le rock'n'roll !

 

Le plus triste c'est que pour certains participants dans une trentaine d'années leur seul titre de gloire qu'on leur reconnaîtra sera d'avoir participé à un CD hommagial au maître des Crickets. Il est sûr qu'en ces temps futurs personne n'aura eu la chance d'entendre cette galette sans saveur.

 

Un choix glamour, un résultat catastrophique.

 

Damie Chad.

 

URGENT, CA PRESSE !

 

ROCK'NFOLK. N° 530.

Octobre 2001.

 

Beaucoup de vieilleries en couverture : Pink Floyd, Nirvana, George Harrison, on ne vous en n'aurait pas parlé s'il n'y avait pas eu cette petite chronique sur des gens que nous aimons bien chez KR'TNT, vous reconnaîtrez vous-même l'image.

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Sinon un article sur Jerry Leiber, le parolier rock par excellence qui vient de casser sa pipe et surtout le magnifique papier de Christian Casoni sur Etta James, reine du rock'n'roll.

Mais relisez le papier sur Ghost Highway, le groupe qui monte.

 

Damie Chad.

 


 

15/09/2011

KR'TNT ! ¤ 64. ERVIN TRAVIS / THIERRY LE COZ / JOHNNY GEE

 

KR'TNT ! ¤ 64

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

A ROCK LIT PRODUCTION

15 / 09 / 2011

 

BILLY BOBS

 

DISNEY VILLAGE / 09 / 09 / 2011

 

LA LEGENDE DU ROCK

 

VINCE TAYLOR / EDDIE COCHRAN / GENE VINCENT

 

JOHNNY GEE & BLACK MACHINE

 

THIERRY LE COZ / ERVIN TRAVIS

 

 

On a pris la totomobile et l'on a foncé comme des fous au travers les plaines ombreuses de la Brie. On the road again ! On n'avait pas intérêt à rater la soirée. Au Billy Bob's à Disney Village. Tribute to Vince Talor, Eddie Cochran, Gene Vincent. Trois rock'n'rollers mythiques. L'on n'a même pas jeté un coup d'oeil aux somptueuses américaines – des bagnoles, c'eût été des demoiselles aux carrosseries aussi rebondies l'on aurait lancé la causette - exposées sur le macadam ( cow-boy ).

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La boîte est pleine comme un oeuf. L'on s'attendait à retrouver la faune habituelle, creepers, bananes, blousons et toute la panoplie, oui ils sont bien là, mais surprise beaucoup de jeunes venus écouter cette musique qu'ils avouent mal connaître mais dont les sons leur titillent les oreilles de plus en plus souvent..

 

 

JOHNNY GEE & BLACK MACHINE

 

Sur scène, costume noir cravate blanche les Black Machine, piano électrique, guitare, basse, batterie, Johnny Gee au centre dans sa tenue de cuir noir, fermons les yeux et pensons à Vince... Faut être un peu fou pour s'amuser à incarner le grand Vince Taylor, les écueils sont nombreux, faut naviguer à la casse gueule entre clonage à l'identique jamais parfait et parodie désopilante qui vous met vite mal à l'aise... Johnny Gee qui barre au plus près évite les récifs dangereux.

 

Il est servi par tout ce qui lui manque. Il ne bouge pas comme Vince Taylor et il n'a pas la timbre de Vince Taylor. Non il n'en possède ni la grâce féline et sa voix n'a rien de ce mélange grasseyant explosif qui fut la marque caractéristique de Vince. Ce qui ne l'empêche pas de tenir la scène sans difficulté et de garder l'attention du public fixée sur sa personne. Johnny Gee n'est pas prisonnier du fantôme de Vince, il rend hommage mais reste lui-même, à aucun moment il ne sera le chien de la voix de son maître ( je sais Vince enregistrait chez Barclay, mais je n'ai pas pu me retenir de la placer ).

 

Johnny Gee fut le pianiste des Aigles Noirs. Ce vieux groupe des années 60 venu d'Algérie ( française ) au temps des Chaussettes Noires et qui se reforma en 2006. Tout un programme inauguré par les Soquettes Blanches et la vague nostalgie de toute une génération qui passée les cinquante ans se sont mis à courir après leur jeunesse enfuie... parfois pour la meilleure défonce et souvent pour le pire pathétique.

 

Les Black Machines se classent dans la première phalange. Simon Eliott et son clavier , Bernard Decoret et sa basse et Alain Mazzoleni ont joué avec Joey Greco et Bobby Clarcke le batteur des Play-Boys de Vince Taylor, quant à Gérard Coulondre il a carrément tenu la batterie derrière Vince Taylor en personne, nous sommes en présence d'un véritable carré d'as.

 

Johnny nous la refait plusieurs fois. Annonce un morceau et en joue un autre. Pas grave, les incontournables de Vince nous seront tous offerts sur un plateau de Shakin' All Over à Jet Black Machine en passant par Brand New Cadillac. Se tirent même comme des chefs d'un morceau aussi piégeux que I'll be your Hero qu'ils dynamisent et dynamitent au plaisir. Beau jeu de guitare de lead-Mazzoleni qui nuance à la perfection et vous pique de ces accélérations foudroyantes qui vous laissent pantois.

 

Au final, un set des plus agréables. Vingt ans que Vince nous a quittés et son aura ne cesse de grandir. Johnny Gee et les Black Machine nous aident à entrevoir l'importance de son influence sur nombre de chanteurs des années soixante-dix et à comprendre comment son personnage s'est peu à peu inscrit en filigrane dans les processus de mythification du rock'n'roll.

 

Ce soir Johnny Gee & Black Machine ont servi Vince Taylor et ne s'en sont jamais servis. Si vous voyez ce que je veux dire. Nous les en remercions.

 

THIERRY LE COZ & THE NEW VIRGINIANS

 

Thierry Le Coz n'est pas un pionnier du rock français. Ce n'est pas de sa faute, naissait tout juste au moment où la première vague des groupes nationaux ravageait le paysage musical de la douce patrie. S'est bien vengé, dix-sept ans plus tard. Avec les frères Provenzano et Didier Tireau – beaucoup plus connu sous l'appellation incontrôlée de Zio, actuel bassiste de Ghost Highway – il forme les Teen Kats qui, avec Jezebel Rock, les Alligators et Victor Leed, sont à l'origine du renouveau rockab dans les années 80. Fallait oser, à l'époque le good old rock'n'roll est une cause perdue. Les grands bénéficiaires de ce retour de flamme inespéré seront les Stray Cats qui trouveront en France et en Angleterre la poignée de fans nécessaire à leur mise sur orbite.

 

Plus tard, en 86, Thierry Le Coz quittera son pays natal pour le pays du rock'n'roll, sera un des rares french rockers à se faire admettre par les ricains. Jouera avec tout ce qui compte, je ne vous cite que deux noms pour vous faire saliver Johnny Carrol et Chris Isaack. Dick Rivers a romancé cette incroable aventure dans Texas Blues, un très beau bouquin que je vous chroniquerai un de ces jours. L'orchestre s'est installé, le set est dédié à Eddie Cochran mais Philippe Fessard à la guitare nous la joue un peu à la Gene Vincent, arrivant sur des béquilles et se calant contre un tabouret dès que ses interventions ne sont plus de première importance. Ne soyez pas inquiets, assurera comme une bête tout le concert malgré son handicap. Thierry arrive la Gretsch à la main, tatouage sur le bras, l'oreille percée d'un anneau, sa silhouette évoque irrésistiblement Brian Setzer. Quand on sait l'admiration que ce dernier porte à Eddie Cochran l'on se dit qu'il n'y a pas de hasard, rien que des rencontres.

 

Dès la fin du troisième morceau Thierry Le Coz met les points sur les i. «  Quoi qu'il arrive, je ne serai jamais un imitateur. » Ce n'était pas la peine de préciser. D'abord parce que Cochran était inimitable, ensuite parce que Le Coz ne nous donne jamais l'impression de singer le Maître. Ne recherche pas l'identique. Si son approche – goûtez la subtile densité du vocable – reste respectueuse, Thierry joue en toute liberté, il enchaîne tous les standards d'Eddie sans retenue, un jeu de guitare que je qualifierai de dense et de dru, laissant à Fessard la possibilité de souligner à bon escient - et il ne s'en prive pas.

 

Derrière au piano on s'en donne à coeur joie, Skinny Jim, Jenny, Jenny, Jenny, Pretty Girl ont de quoi ravir un virtuose du clavier ! Quant aux morceaux comme C'mon Everybody, Summertime Blues, Somethin'Else, il serait si facile de les marteler comme du hard rock, mais Le Coz et les New Virginians ne donnent pas dans la facilité, ils les poussent au maximum et les emportent comme des gerfauts qui se laissent tomber sur leur proie. La salle ne reprend pas en choeur, elle double la voix de Le Coz. Moins profonde que celle d'Eddie, plus rauque , cassée comme abîmée par l'alcool et la cigarette. Que serait devenue celle d'Eddie à cinquante balais si la camarde n'était venue nous l'enlever ?

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N'iront pas au-delà de la quinzaine de morceaux, trop court. Intense, mais l'on aurait repris quelques cuillères de plus. Personne n'aime rester sur sa faim. J'aurais aimé entendre comment Thierry Le Coz se serait tiré du frappé d'Eddie sur les cordes de Three Steps to heaven. Mais le paradis n'étant pas de ce monde, il ne faut point trop exiger. La musique qui envahit les hauts parleurs nous obligent à comprendre qu'il n'y aura pas de rappel. Il est vrai que parfois il vaut mieux couper le cordon tout de suite. Sacré coup de blues suite à cette évocation d'Eddie, quel gâchis, mais avec des si l'on réécrirait l'histoire du rock'n'roll sans problème. Et peut-être pas en mieux.

 

L'on sort tirer une sèche sur le bitume. Un petit jeune – expression des plus idiotes, c'est justement lorsque l'on est jeune que l'on est au sommet de sa force, après l'on ne fait que du ratatinage, vu que l'on n'est jamais aussi grand que nos rêves – aborde Alain, nous cause de Luther Allison – et croyez-moi un gars qui connaît ce géant du blues ne peut pas être entièrement mauvais – et cherche à savoir ce qui se cache derrière l'image d'Epinal du milieu rock... vaste sujet et je ne crois pas que nous ayons comblé son manque d'informations... Il arrêtera la conversation pour entendre Ervin Travis. Très bonne initiative.

 

ERVIN TRAVIS & HIS NEW VIRGINIANS

 

Longtemps que je voulais le voir. J'ai tellement visionner ses vidéos sur You Tube ! Une toute autre démarche que Johnny Gee et des Black Machine qui ont profité des vingt ans de la disparition de Vince pour lui rendre hommage, ou de Thierry Le Coz qui s'est lancé dans un tour de chant Eddie Cochran pour fêter le cinquantenaire de la mortelle randonnée que fut la dernière tournée d'Eddie et de Gene en Angleterre. Ervin Travis a ervidemment participé à cette précédente aventure, mais son cas relève d'une problématique différente.

Passion Gene Vincent. Ainsi pourrait-on la résumer. Ervin Travis s'est voué corps et âme à Gene Vincent. Les esprits chagrins feront remarquer que l'oeuvre et le souvenir de Gene Vincent se suffisent à eux-mêmes. Ce qui n'est pas faux. Rien à rajouter et peut-être même rien à retrancher. Toutefois pour mieux comprendre il faut se référer aux rapports très particuliers que la France et Gene Vincent ont depuis le tout début entretenu.

 

Le personnage de Gene Vincent a traumatisé les rockers français. Gene possédait peut-être tous les défauts du monde mais il n'était ni un faiseur, ni un entertaineur. S'amusait pas. Ne suivait pas la mode. Le rock'n'roll était consubstantiel à sa personnalité. Un teigneux qui s'est accroché jusqu'au bout et qui n'a jamais renié son propre engagement. Des disques prestigieux, des concerts légendaires, et toujours dans la marge. Un outlaw plus près de ses fans que du show-biz. Et puis surtout cette aura chaotique qui le précédait et le suivait partout. Un gentil garçon qui refusait qu'on lui marche sur les pieds. Le croquemitaine de l'establishment et des bien-pensants.

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Beaucoup d'entre nous ont encore aujourd'hui un Gene Vincent qui claudique dans notre tête. Il nous sert de boussole, il est l'oiseau tempête de nos rêves. Chacun essaie de s'en approcher comme il peut. Alors que beaucoup s'engluent dans les méandres de la voie humide des regrets toujours recommencés, Ervin Travis a opté pour le chemin alchimique de foudre de feu et de flamme. Dont on ne ressort que brûlé. Mais plus fort et initié.

 

Méfiez-vous des imitations. Il n'y a qu'un Ervin Travis. Il me faudrait au moins trois pages recto verso pour allonger à la queue-leu-leu les noms de tous ceux qui se sont ingéniés à reprendre du Gene Vincent, je rajouterais quelques lignes de plus pour ceux qui ont agi avec ferveur et respect. Pour les lecteurs de KR'TNT je renvoie ainsi à notre cinquante-troisième livraison sur le set des Capitol's à Auxerre du 18 mai 2011. Mais Ervin Travis c'est autre chose de beaucoup plus prégnant.

 

De l'intérieur. Non pas des noirs oripeaux de l'idole, ce qui est trop facile, mais du dedans de sa sensibilité. Ervin Travis ne recopie pas, il se glisse dans un état d'âme. Il n'est pas un clown qui pastiche. L'on a l'impression que c'est le fantôme de Gene qui vient l'habiter. Non pas pour s'imiter, mais pour écouter Ervin Travis chanter. Car c'est cela le miracle Travis, Ervin ne chante que des morceaux de Vincent mais avec une telle authenticité que l'on n'écoute plus que Travis. A aucun moment l'auditeur n'est dupe, ce n'est pas Gene Vincent qui hurle et gémit près de nous mais Travis dont le chant nous transporte, nous transpose en une évocation des plus émouvantes.

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La foule ne s'est pas trompée qui reprend en choeur Over the Rainbox et ce silence angoissé sur You'll never walk alone. Deux balades déchirantes d'Ervin Vincent, à moins que ce ne soit de Gene Travis, qui nous mouillent les paupières.

 

N'en oublions pas pour autant les New Virginians, Philippe Fessard notamment qui nous distille sur Mr Loneliness un crescendo au vibrato digne des plus grands. De même ses shots d'adrénaline sur Catman nous transpercent le coeur comme des balles de magnum 357. Ervin Travis ne manque pas de feuler tel un puma bléssé à mort sur ce qui peut être considéré comme la quintessence de l'art de Gene Vincent en compagnie des Blue Caps.

 

Deux parties séparées d'un court interlude musical, l'une en rouge et blanc, la seconde revêtu d'une combinaison de cuir noir. Attitudes caractéristiques de Gene Vincent, arque-bouté sur le micro, penché en avant. La voix qui monte, le sourire extatique, la fièvre du dedans et l'éruption au-dehors. Un set hors du temps mais dans le tumulte du monde. Actuel.

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Git It, Say Mama, je ne vais pas tous vous les citer. Vous les connaissez déjà par coeur. Je suis ailleurs emporté par le tourbillon de la voix d'Ervin qui m'emmène au plus haut. Ovation finale. Pas de rappel. Hélas, quelle stupide habitude du Billy Bobs ! Backstage Ervin Travis fatigué mais heureux nous dédicace une photo. L'homme se livre en mots simples, chaleureux, accueillant. Il parle de son enfance, de sa vie, des mots de tous les jours mais percutants. Rock'n'roll jusqu'au bout de l'âme.

 

Damie Chad.

 

PS : les photos non dédicacées sont prises sur le blogue Ervintravisandthenewvirginians.blogspots.com

 

URGENT, CA PRESSE !

 

VINTAGE GUITAR. N° 4.numérisation0001.jpg

Juillet-Septembre 2011.

 

En quatre numéros Vintage Guitar est en passe de faire l'unanimité autour d'elle. Nous sommes particulièrement gâtés dans cette livraison : un article sur les premières Telecaster produites par Fender en 1951. Appelée d'abord Broadcaster, dénomination qu'il fallut abandonner suite à la moue de Gretsch qui vendait des batteries Broadkaster ! Que ne ferait-on pas pour gêner un concurrent ! Surtout que comme le démontre l'article suivant avec sa Jet Solidbody Gretsch n'avait pas à mouronner... Plus que quinze jours à attendre, la suite de l'article d'Edward Ball – le spécialiste Gretsch devant l'Eternel - est prévu pour le cinquième numéro.

 

BB King en couverture. Normal Arnaud Legrand nous raconte la légende des guitares bleues. Un must. Mais il me faudrait tenir le même discours pour tous les articles. Soyons plus bref, ces quatre premiers items de Vintage Guitar sont indispensables à tous les amateurs de rock'n'roll. Ou de musique américaine. Je ne parle pas des musiciens qui feraient mieux de s'abonner pour ne pas avoir l'air d'en savoir moins sur leur instrument fétiche que le fan de base. Indispensable.

 

Surprise ! Surprise ! Le N° 4 de Vintage Guitare est empaqueté dans un plastique transparent qui laisse apparaître le N° 234 de GUITARIST & BASS MAGAZINE

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C'est un vieux numéro de juin 2010. Aucune explication quant à sa présence. Stock excédentaire, échantillon de pub ? Z'auraient pu mettre un petit flyer explicatif ! Une cinquantaine de pages de partitions + le CD qui va avec, une bonne trentaine sur le matos ( qui m'a tout l'air d'être de la pub déguisée ) voir la nouvelle Gretsch noire la G5191BK Tim Armstrong Electromatic, tous terrains, distorsions garanties. L'on est loin de la Duo Jet d'Eddie Cochran, mais la qualité est toujours au rendez-vous.

 

Un article sur la reformation d'Aerosmith – j'espère que vous avez leur lointain Toys in the Attic dans vos bagages et une interview de Wilko Jonhson l'ex-guitariste de Dr Feelgood qui raconte comment il a voulu apprendre à jouer de la guitare en écoutant Mick Green dans les Pirates de Johnny Kidd et qui après la dissolution de Feelgood s'en est allé jouer avec Ian Dury l'immortel créateur de Sex, Drugs and Rock'n'roll et de Sweet Gene Vincent.

 

Comme quoi l'on revient toujours aux sources !

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Damie Chad.