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24/11/2010

KR'TNT ! ¤ 28.

 

KR'TNT ! ¤ 28

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES !

LIVRAISON DU 25 / 11 / 2010

A ROCK LIT BLOG'N'ROLL

 

 

 

 

RAPPEL

Bandes : ¤ 5 ¤ 6 ¤ 17

Blues : ¤ 21

Concerts : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 3 ¤ 9 ¤ 12 ¤ 17 ¤ 26 ¤ 28

Country : ¤ 22 ¤ 23

Disques : ¤ 25

Gene Vincent : ¤ 4 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 15 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 27

French Rockab : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 9 ¤ 25 ¤ 26

Films : ¤ 6 ¤ 21

Livres : ¤ 4 ¤ 5 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 14 ¤ 15 ¤ 17 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 20 ¤ 22 ¤ 27

Pionniers : ¤ 20

Rock Anglais : ¤ 12 ¤ 14

Rock Français : ¤ 3 ¤ 16 ¤ 24 ¤ 28

 

 

SAMEDI SOIR

 

Dépaysement complet cette semaine. Jusqu'à notre ving-septième livraison nous n'avons guère quitté les métaphoriques eaux boueuses du Mississipi. Une pincée de blues, un peu de country, beaucoup de rockab et pas mal d'électricité. Rien à redire. Pour cette vingt-huitième barrette nous allons tout au bout de l'autre côté du rock'n'roll, là où il se confond avec le bruit et entreprend de se faire artiste. Post punk, art'n'noise. De quoi se fâcher avec beaucoup de monde. Mais si le rock ne sert pas à se faire des ennemis, à quoi peut-il bien servir ?

 

5.160x132cm-.jpgLa scène se déroule en Brie profonde, un de ses villages perdus au fin fond de la cambrousse, où il ne se passe jamais rien. Même pas de temps en temps un corbeau tenant en son bec un de ces délicieux fromages emblématiques de cette région vouée à la culture de la betterave. Bref un bled paumé dans lequel je vous conseillerais de ne jamais traîner vos santiagues. Donnemarie-Dantilly, que ça s'appelle.

 

A part qu'une fois par an, un étrange vent de folie souffle sur la bourgade. La nuit venue l'on barre les rue, l'on transforme les fenêtres de la moindre bâtisse en vitrine d'exposition pour plasticiens débridés, et l'on s'offre un concert de musique d'avant-garde sous la halle centenaire.

 

Je vous ferai grâce de la visite des fenêtres antiques sommées de s'ouvrir sur l'art moderne. Il y a de tout. Surtout du pire. Soyons honnête, la peinture contemporaine m'ennuie. Pour le vin chaud généreusement offert par la mairie ou l'association organisatrice, je vous demanderai de ne pas vous précipiter sur le buffet spartiate, six assiettes de cacahuètes pour quatre-vingt personnes affamées, ça ressemble à ces jeûnes collectifs que dans les années 70 les cathos organisaient pour sensibiliser la population aux famines africaines. Pour être franc, il y a longtemps que je me serais sauvé en courant si je n'étais pas venu pour le concert. Gratuit. Comme quoi il ne faut jamais désespérer.

 

 

TOTAL ART

 

SONIC SURGEON

 

HALLE DE DONNEMARIE-DONTILLY. 15 / 11 / 2010

 

Vidéo projeté sur le mur. Indescriptible. De Craked Movies. Je ne sais qui est ce type, mais il porte bien son 7.164x132cm.jpgnom ce kraken vid ! Des formes qui se détruisent les unes dans les autres, un fouillis de mutations jamais en repos. Frédéric Atlan est sur son estrade penché sur son matériel. Trois amplis, un micro, un jack dans la main, une table de mixage, une guitare sur son trépied derrière lui. Electrique. Un chant pansouri s'élève. A moins que ce ne soit du japonais compressé. La voix monte dans les aigus. La bande a-t-elle été accélérée ? Sur le mur le déluge fantomatique se ralentit, dans l'entremêlement erratiques d'espèces de vers blancs dévoreurs de cadavres des images se devinent, violentes. Répétées à l'infini. Comme une scène mélodramatique d'un ancien film en noir et blanc dont on se repasserait la fin des centaines de fois. Le son arrive. Du bruit ? Non une espèce de musicolation énergétique qui de minute en minute gagne en force et en intensité.

 

Rupture. Blanc surprenant. L'artiste trifouille quelques boutons et le cauchemar reprend. Pas celui de vos oreilles, des groupes d'enfants se sont assis par terre, de vieux grand-pères s'appesantissent sur leur cannes. Personne ne veut en perdre une bribe. Tous maso. Le grondement qui nous submerge est celui de notre cauchemar de moins en moins climatisé. Cataclysmique oui. Atlan sonne la charge. Il souffle à s'en péter les cordes vocales dans un buccin, un cor de chasse en tuyau d'arrosage qui forme un cercle immense, vertical, mais dont la noirceur rappelle ces ronds que l'on resserre à terre autour de soi pour se protéger du Démon que l'on convoque.

 

Il ne faut pas jouer avec la politique du pire. Sur le mur les images s'entrechoquent et rivalisent avec notre réalité sordide, en maître d'oeuvre du désastre Frédéric Atlan crie des slogans, menaces et désespoir à l'ordre de notre nuit, il s'empare de sa strato et roule un riff répétitif empli de redoutables noirceurs. Le cri se change en récitatif, un poème araignée file une toile d'angoisse sur nos imaginaires malaxés par le son éclatant. La voix mâle récite le mal d'exister.

 

La boucle est bouclée, sur le mur l'actrice revient se refaire tuer, la musique s'emballe, nous sommes tous des poupées écartelées, des poupons démembrés, des icônes de nous-mêmes déglinguées. Fin de l'extase. Sonore.

 

Son, chant, image, textes, poésie. Frédéric Atlan nous offre une oeuvre totale. Synesthétiques amalgamant nos peurs et nos combats, nos terreurs et nos défenses, nos lâchetés et notre futur. Notre et pas neutre. Gris noir et cris noirs et cris gris. Très beau set. Emotion et réflexion. Vous en prenez plein les miroirs de l'âme. Que vous avez perdue depuis demain. Hier et aujourd'hui, tromboscope cortex, vous apprenez à penser avec vos yeux. Coda.

 

Damie Chad.

 

Les illustrations sont des photos de tableaux de Frédéric Atlan.

9.-164x114cm.jpg

 

Nous faisons suivre ce compte-rendu d'un précédent article consacré à un des tout premiers concerts de Frédéric Atlan. Le lecteur sourcilleux sera à même de vérifier les progrès de l'artiste.

 

 

 

FREDERIC ATLAN : LE ROCK SANS GUITARE

PERFORMANCE A L’HÔTEL-DIEU DE PROVINS

20/ 10 / 2007

 



Deux salles d’expositions bourrées à craquer, toiles, petits fours, invités, le monde se presse pour cette Deuxième Rencontre d’Art Contemporain de Provins. Mais nous ne sommes pas venus pour cela, nous nous contenterons de l’avant-salle réservée à l’œuvre peinte de Frédéric Atlan.

Affiches déchirées dans un coin, ce n’est pas ce qui retiendra notre attention, nous préférons de beaucoup ces grands tableaux noirs parsemés de gouttes de lumières ou de minces bandes blanches qui nous renvoient à l’obscure noirceur délitée de notre époque. Nous vous ferons un commentaire en trois parties sur l’œuvre peinte de Frédéric Atlan une autre fois, nous sommes venus only for the music.

Petite estrade, deux minuscules baffles dont, ô mon cœur !, un Tennessee, une boîte à rythme, une console, un ancien boîtier de cassette vidéo trafiqué, deux micros, quelques fils, un jack sans guitare, et c’est tout.

Frédéric Atlan lance le rythme, beaucoup de bruit avec rien, les spectateurs s’engouffrent et emplissent la pièce. Le set ne dépassera pas la demi-heure, pas assez pour atteindre la transe, mais suffisant pour déclencher une certaine hypnose rythmique sur un public provincial peu habitué aux contextes rock’n’roll.

Car il s’agit bien d’une mise en scène rock’n’roll explicitement revendiquée par Frédéric Atlan en ses lyrics, trop rares d’après nous. Atlan évite l’écueil principal de ce genre de manifestation : l’auto-dérision fétichiste de ceux qui crachent sur ce qu’ils font parce qu’ils n’ont pas la force de s’asseoir parmi leurs rêves de mineau, un jour frappé de plein fouet, en plein vol, par une bille d’acier rock’n’roll, et qui trente ans après admettent la naïveté de ne s’en être jamais relevé.

Paroles flash, meurs et consomme, misérabilisme du rock’n’roll, but we like it et nous n’avons que cela. Atlan entame la danse du serpent avec les deux micros, avaler le son et le recracher, boucles sonores reproduites qu’il ne faut pas quitter de l’œil fascinant du micro. Parfois il caresse le jack esseulé comme un effet masturbatoire et puis il se lance en de fulgurants solis énamourés à même son corps qu’il stride de son symbolique phallus électrique. Happy Jack comes back !

La machine solitaire s’arrête trop vite. Le public applaudit, Atlan salue et redescend. Pendant trente minutes il a mimé la rock star de ses rêves et nous avons joui de sa prestation aux démons agoniques des nostalgies efficaces. A suivre.



Parution : LE CYGNE NOIR.

18/11/2010

KR'TNT ! ¤ 27.

 

KR'TNT ! ¤ 27

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES !

LIVRAISON DU 18 / 11 / 2010

A ROCK LIT BLOG'N'ROLL

 

 

 

 

RAPPEL

Bandes : ¤ 5 ¤ 6 ¤ 17

Blues : ¤ 21

Concerts : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 3 ¤ 9 ¤ 12 ¤ 17 ¤ 26

Country : ¤ 22 ¤ 23

Disques : ¤ 25

Gene Vincent : ¤ 4 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 15 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 27

French Rockab : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 9 ¤ 25 ¤ 26

Films : ¤ 6 ¤ 21

Livres : ¤ 4 ¤ 5 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 14 ¤ 15 ¤ 17 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 20 ¤ 22 ¤ 27

Pionniers : ¤ 20

Rock Anglais : ¤ 12 ¤ 14

Rock Français : ¤ 3 ¤ 16 ¤ 24

 

GENE VINCENT

 

THERE'S ONE IN EVERY TOWN

 

MICK FARREN

 

publié au Fiercely Independent Publishing www.thedonotpress.com

The Do-Not Press ( gene ) 16 The Woodlands, London SE 13 6TY ( UK )

or email us : gene@thedonotpress.com

 

Le titre pourrait être ambigu. Avec Gene Vincent on ne sait jamais. Des gars comme lui, pour certains, quand il y en a un dans une ville c'est déjà trop. Il suffit de regarder la jaquette intérieure pour être fixé, un gars qui s'est exilé du Royaume-Uni pour ne pas respirer le même air que Miss Tatcher ne saurait être tout à fait mauvais. Et si en plus il a donné comme titre à son autobiographie Give The Anarchist A cigarette, il nous devient, sans jamais l'avoir rencontré, éminemment sympathique.

 

numérisation0004.jpgBel objet. Sa jaquette noire, souvent reprographiée sur les sites de vente par correspondance, ne lui rend pas justice. Non, ce n'est pas un pisseux format A4 autoproduit à la gesterner comme je l'avais subodoré, mais un livre petit format aux agréables proportions, solidement broché, qui attire la main et le regard. Plusieurs amis en visite qui ignoraient jusqu'à l'existence de notre chanteur fétiche n'ont pas résisté à la tentation de s'en emparer en poussant des exclamations du genre « C'est quoi ce bouquin, il est super chouette ! »

Se sont pas trompés. Gene était un drôle d'oiseau. De nuit. De ceux qui ne se laissent pas attraper par la lumière des projecteurs. Et pourtant des projos, il en a eu sur la gueule, le Gene. Courait même après. Ne pouvait pas rester plus de deux mois auprès de sa Darlene chérie sans repartir sur sa rocky road very bluesy. Mais un homme d'une solitude extrême, séparé des autres par un nuage d'alcool et rongé de l'intérieur par de mystérieux chagrins.

 

Nous n'allons pas refaire le chemin de sa vie. Nous l'avons déjà commentée à plusieurs fois sur KR'TNT !. Mick Farren le fait très bien, et si vous ne savez pas, procurez vous son opuscule. Il fourmille de renseignements et suit très fidèlement la trajectoire de l'idole noire. Nous nous intéresserons plutôt à la méthode de notre auteur, qui nous livre un très beau portrait de Gene. Mais de l'intérieur. Pas de Gene, mais du sien. L'on ne connaît bien les autres qu'en se connaissant soi-même et la meilleure manière d'apprendre à se connaître c'est encore de regarder vivre – et mourir – les autres.

 

Certes c'est un livre de professionnel. Mick Farren a écrit dans de nombreuses publications reconnues comme International Times ou le New Musical Express. Mais cela ne compte pas. C'est un livre de fan. De la première heure. Qui n'a jamais abdiqué la détermination profonde de sa révolte rock'n'roll. Cela se ressent dans l'exigence du style. Merveilleuses pages que celles de cette montée vers un concert de Gene, dans le noir de la nuit britannique. De l'obscurité mentale des earlier sixties.

 

Ce ne sont pas des jeunes gens qui se rendent à un concert, des mais des hordes qui sourdent de la pénombre sociale la plus profonde pour converger vers le point focal de leur origine. Ils partent pour eux-mêmes. Nombreux, multiples et différents seront leurs prochains parcours existentiels. Dans les décennies suivantes ils investiront bien des combats, mais sans cesse du même côté de la barricade. Pour une vie plus haute, plus libre, plus sauvage. Rebelles un jour, rebelles toujours.

 

Crazy Gene, à côté des institutions. Le système ne s'est pas trompé. L'on pouvait limer les ongles d'un Elvis, mais Gene n'était pas prêt à se laisser enfermer dans une cage dorée. Gene c'était un peu, moi et le rock'n'roll contre le monde entier. L'on s'est vite défié de la bête. Sa maison de disques qui dès les seconds enregistrement s'est aperçue que mine de rien, même lorsqu'il cédait aux sollicitations maison, ses productions étaient en décalage avec ce que l'on attendait de lui, puis les radios, les TV qui ont doucement ostracisé ce gêneur qui comptaient davantage sur son public que sur les dessous de table pour grimper dans les charts... Même dans un pays aux limites géographiques aussi étroites que la France, lorsque les portes de nos médias se refermeront sur son nez et que les villes lui interdiront leurs salles de spectacles, Vince Taylor ne réussira pas pas à thésauriser sur son initiale popularité. Imaginez à quelle insupportable tâche s'attelait Gene Vincent dans les immensités américaines. Il lui aurait fallu être partout à la fois...

 

Sans compter que le gouvernement veillait. Vincent affirmera qu'il a été personnellement victime d'une chasse aux sorcières diligentée contre sa personne depuis les plus hautes sphères de l'Etat, comme il buvait comme un trou, l'on a préféré parler de paranoïa... Toujours est-il que dans les milieux conservateurs l'on poussa des soupirs de soulagement lorsqu'il s'en vint en Europe. Très intelligemment Mick Farren met en parallèle le destin de Vincent avec celui d'une de ses idoles, Hank Williams qui ne parviendra jamais à être accepté par les très traditionalistes patrons de l'industrie du spectacle de la country music. Pour Williams la tragédie s'arrêtera assez vite. Gene était beaucoup plus solide et il fallut des milliers de pilules et de litres d'alcool de plus pour l'achever. Devait avoir à la base une santé de fer notre Gene pour perdurer si longtemps avec en plus sa jambe en capilotade. Mais il y avait chez Williams un sentiment de la futilité de la vie, une espèce de découragement désabusé pratiquement métaphysique qui transparaît tant dans le sourire ironique de ses photos que dans l'imperceptible fêlure de la voix, que Gene ne connaissait pas. Une génération les séparait, mais Gene possédait une rage incoercible. Nostalgie country et furie roch'n'roll, deux déclinaisons de l'être au monde. Ceux qui sont remplis de hargne ne vivent pas plus vieux, mais ils survivent plus longtemps.

 

Le rock anglais serait-il devenu ce qu'il est si Gene Vincent n'était venu ensemencé les terres de sa très gracieuse majesté ? Mick Farren pose l'insoluble équation d'une manière différente. Que serait devenu le rock anglais si un stupide accident de taxi ( dérapant aux portes de Londres sur la chaussée mouillée ) n'avait anéanti le couple Vincent-Cochran qu'il n'hésite

 

GENE AND EDDIE... TEN YEARS AFTER

 

«  Il avait une girlfriend appelée Sharon Sheeley. Elle a dit qu'elle était fiancée avec lui, ce qui est la plus gros damné mensonge que j'ai jamais entendu de toute ma vie. Je n'ai jamais entendu une telle boule de merde de ma vie. Quoi qu'il en soit, nous étions en Angleterre en partance dans la nuit même pour Londres et Eddie me dit ' Gene, au lieu de prendre le train et d'abattre le trajet d'une seule traite, puisque nous partons avec Sharon, pourquoi ne prendrions-nous pas une voiture ? ' Aussi nous avons commandé un taxi. D'habitude je rentrais en premier, ensuite c'était Eddie et elle. Mais cette nuit, je ne sais ce qui se passa, mais elle rentra la première, puis Eddie et elle. Eddie est mort parce qu'il était au milieu. Sûr, il n'a pu être tué que d'une seule façon. Qui était de la protéger avec son corps. C'était le seul moyen ! Nous avons essayé de tirer cela au clair. Personne n'a réellement dit la vérité ! Si elle avait dit la vérité par exemple. Cet homme était un good cat, mec, et il est mort... Vous savez, son père et sa mère ne m'ont jamais appelé. Ne m'ont jamais parlé. Mais cet homme était comme mon frère. Je le connaissais mieux que personne. Ils ne m'ont même pas appelé. Eddie m'a dit des choses, les chuchotant à mon oreille juste avant de mourir, qu'il voulait que je leur rapporte. M'ont-ils appelé et posé des questions ? Non... J'aurais été heureux de les leur dire. Pourquoi ne m'ont-ils pas questionné ?... Je vais vous dire pourquoi ils ne l'ont pas fait... Nous avions un gars... Nous avons travaillé presque huit mois entiers sur la route. Nous avions avec nous un gars appelé Riley. Nous avions ramassé presque un quart de million de dollars sur la tournée... moi et Eddie... Et nous avons quitté Bristol cette nuit-là. Et Riley il... Maintenant comment faites-vous pour voler un quart de million de dollars ? Voulez-vous que je vous le dise ? Il est entré de son propre chef dans un hôpital psychiatrique, en est ressorti, a ramassé le fric et y est retourné de lui-même. Maintenant vous ne pouvez plus le toucher. Qui est capable de l'attraper ? La police ? »

GENE VINCENT, 1970.

 

( L'intégralité de cet interview est disponible sur le site gene-vincent.iquebec en version audio, papier et traduction ( meilleure que la nôtre ). Nous nous sommes bornés à retraduire cet extrait tel qu'il est rapporté, moins les deux premières lignes, par Mick Farren. )

 

pas à mettre sur un plan d'égalité supérieure, et pour son expérience et pour son inventivité et pour sa créativité, avec les duos Jagger-Richards et Lennon-Mc Cartney ? Vincent la folie et Cochran le génie, avec ces deux-là la bombe atomique du not swinging but rockin' London était entre de bonnes mains. Le sort en décida autrement. La carrière de Vincent se transforma en course folle de plus en plus erratique.

 

Farren est très dur avec les Français. A tel point qu'il ne parle même pas du 33 Tours de Bird Doggin'. Vu de la perfide Albion et de la lointaine San Francisco, les deux dernières tournées françaises peuvent ressembler à des désastres inorganisés. Vues d'ici, elles sont surtout la preuve d'un esprit de résistance sans concession à la cruauté des temps, dans un pays où les fans de Gégène se comptaient sur les doigts d'une grande main, mais à la ferveur mille fois plus électriques que celle qui habitait nos confrères ricains.

 

Mick Farren aborde par la suite un sujet plus délicat. Celle des relations Morrison-Vincent. Le premier étant un fan inconditionnel du second et tous deux s'entendant comme ivrognes en foire. Au beau fixe. Mais Farren s'aventure dans les comparaisons. Souvent délicates, et pose les questions qui fâchent. Pourquoi Jim avait-il plus de succès que Gene, alors qu'en fait tous deux sont sinon interchangeables du moins frères de sang ?

 

Elaguez les circonstances secondaires du genre Jim était plus jeune, plus beau, et en meilleure santé. Jim était sur une trajectoire zénithale. Gene était une bête blessée, sur le trottoir d'Hollywood son étoile avait déjà perdu de sa couleur... Mick Farren appuie là où ça fait le plus mal. Pas sur la jambe, mais sur la différence sociale. Jim était un enfant de la bourgeoisie et Gene un gosse de pauvre. Morrison lisait Nietzsche et Gene des comics à trente cents. L'un poussait la chansonnette et l'autre récitait ses poèmes.

 

Difficile d'entendre de telles allégations, facile de les admettre. Juste avant de lire ce bouquin je me faisais la réflexion en terminant une bio de plus de 600 pages sur Rimbaud, que la vie de notre poète national estampillé 100 % rébellion était mille fois plus terne que celle de Gene Vincent. Et là-dessus Farren avec ses gros sabots qui s'en vient expliquer que Vincent était aussi prisonnier de son manque de culture et d'éducation. Qu'avec un peu plus de connaissance il aurait possédé plus d'armes pour se défendre. A l'instinct sauvage qui lui permettait de sentir l'ennemi qui venait l'embrouiller il aurait allié une subtilité de prévenance qui lui aurait évité de tomber dans les pièges d'une colère folle, souvent justifiée, mais toujours auto-destructrice. Vincent a beaucoup pratiqué la politique de la terre brûlée autour de lui.

 

On a dénoncé la blessure, l'alcool, la paranoïa, la schizophrénie, le fisc, les pensions alimentaires, les managers plus ou moins incapables ou carrément revanchard comme Don Arden, l'on a préféré taire l'infatigable et totale révolte du rocker qui avait décidé de n'en faire qu'en sa tête, qui fonçait mufle baissé contre tout ce qui bougeait – ah ! La bêtise du taureau dans l'arène – mais qui fut peut-être dans sa cervelle un des derniers hommes libres de notre modernité. Car la liberté ne consiste pas à choisir sa vie, mais sa mort. Pour chaque erreur, consentir à se rapprocher de l'estocade finale.

 

Gene est allé jusqu'au bout de sa vie de rock'n'roller. Il a avalé des couleuvres et commis des compromissions impardonnables. Comme tout un chacun. Comme vous, comme moi. Mais il a marché droit vers son destin, sans faillir. Toutes ses lâchetés, tous ses manquements à notre terrible condition d'Homme, il les a transmués en chemin de triomphe. Three steps to heaven, trois pas vers le Paradis, chantonnait Eddie. Pour le Paradis je vous laisse aller voir. Mais pour l'enfer sur cette terre, Gene n'a pas mesuré son énergie, ni compté ses pas. Le petit gamin de Norfolk sans instruction, nous a donné une belle leçon.

 

Gene n'a pas raté sa sortie. Grandiose. Hollywoodienne. En France, on ne sait pas faire, à part Pierre Louÿs, qui comme par hasard passe par chez nous pour un poëte peu fréquentable (little girls understand ) et un écrivain mineur. La coupe bue jusqu'à la lie. les vautours chrétiens qui confisquent la cérémonie, les chacals qui pillent l'appartement déjà vidé de ses meubles par Marcia emportant guitares et derniers effets personnels, jusqu'aux fleurs, envoyées du monde entier par les fans éplorés, qui n'arriveront jamais sur la tombe... Seul dans la vie, seul dans la mort. I'm going home to see... nobody.

 

Ne dites surtout pas que tout est consommé. Le feu brûle encore.

 

Damie Chad.

 

 

 

 

10/11/2010

KR'TNT ! ¤ 26.

 

KR'TNT ! ¤ 26

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIMES !

LIVRAISON DU 11/ 11 / 2010

A ROCK LIT BLOG'N'ROLL

 

 

 

 

RAPPEL

Bandes : ¤ 5 ¤ 6 ¤ 17

Blues : ¤ 21

Concerts : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 3 ¤ 9 ¤ 12 ¤ 17 ¤ 26

Country : ¤ 22 ¤ 23

Disques : ¤ 25

Gene Vincent : ¤ 4 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 15 ¤ 18 ¤ 19

French Rockab : ¤ 1 ¤ 2 ¤ 9 ¤ 25 ¤ 26

Films : ¤ 6 ¤ 21

Livres : ¤ 4 ¤ 5 ¤ 7 ¤ 8 ¤ 10 ¤ 11 ¤ 13 ¤ 14 ¤ 15 ¤ 17 ¤ 18 ¤ 19 ¤ 20 ¤ 22

Pionniers : ¤ 20

Rock Anglais : ¤ 12 ¤ 14

Rock Français : ¤ 3 ¤ 16 ¤ 24

 

 

 

GHOST HIGHWAY IN CONCERT !

 

AU St SAUVEUR. 05 / 11 / 10. BALLAINVILLIERS

 

 

numérisation0001.jpgFaut pas nous en promettre, GHOST HIGHWAY en concert à moins de 90 kilomètres de chez nous, on n'allait pas les rater, après tout le bien que l'on a dit d'eux dans la dernière livraison ! On s'est empilé dans la petite Torino ( tout le monde ne peut pas voir grand ) et à tout berzingue vers Ballainvilliers. Par l'autoroute, cela va de soi lorsque l'on a rendez-vous avec son fantôme ! Ce n'est pas gentil pour les autochtones, mais un bled paumé au fin-fond d'on ne sait trop où. On est même passé devant le troquet sans le voir ! Ceux qui venaient de Paris ont aussi galéré, alors nous qui arrivions de la Brie profonde je ne vous en parle pas. De toutes les manières vous vous en foutez.

 

Dès qu'on a été à vingt mètres du rade l'on a compris que l'on était sauvé. De la musique, ah les enfoirés ils ont commencé avant l'heure ! Rassurons-nous ce n'était que la balance. Ils ont d'ailleurs balancé un morceau pas trop pêchu, vite fait, bien fait, mais pas plus.

 

Le Saint Sauveur – un nom qui de là-haut doit plaire à Johnny Cash – est un café sympathique. L'on y sert davantage de bière que d'eau bénite et les icônes disposées sur les murs ne sont guère catholiques : affiches de concerts passés ou à venir, plaques d'immatriculations américaines, posters made in USA. Un véritable petit paradis avec son coin tabac encore ouvert à trois heures du mat, et ses croque-monsieurs maisons, peut-être pas de la haute cuisine, mais very good hot rocker cookin'.

 

Pour la clientèle de la soirée on va pas vous dire que ce sont tous des anges, pour certains ils pencheraient même un peu du côté des hell's, mais l'ambiance est bonne et tout le monde, teds, rockers, cats, fifties, se mélange sans problème. Les filles sont belles mais déjà maquées, que voulez-vous rien n'est parfait en ce bas monde.

 

Donc une cinquantaine – le bar ne pourrait en contenir plus – d'amateurs. De ceux qui suivent le groupe et de ceux qui suivent les groupes. Sachez goûter la différence. Des conversations s'engagent de tous côtés, beaucoup se connaissent, et les musicos bouffent à votre table sans préséance. Le rock'n'roll, c'est aussi une grande famille.

 

Mais il est plus que temps de passer aux choses sérieuses. Ghost Highway s'installe aux manettes. Et ils ne vont pas jouer à l'économie, trois sets d'une heure chacun, entrecoupés d'entractes assez courts. Finiront claqués mais heureux. Car Ghost Highway c'est avant tout le plaisir de jouer ensemble et de libérer toute l'énergie. Chaque set comme un shoot d'adrénaline pure.

 

Le premier plus country puisera à pleine mains dans le disque, le deuxième plus rockabilly traquera les petites reprises de derrière les fagots, ces fines perles des faces B dont on a oublié qu'elles existaient et que l'on redécouvre avec d'heureuses stupeurs. Le troisième plus décontracté comme un mélange des deux précédents avec un long final plus rock'n'roll. La palette entière de l'arc-en-ciel, mais avec une cohésion qui force l'admiration.

 

Mais dirigeons un peu le projecteur sur chacun d'eux. Au fond Zio et Phil. Basse et numérisation0003.jpgbatterie. Pardon contrebasse, avec un Zio en pleine forme, le sourire plein les dents, déchaîné, dansant et giguant autour de sa grosse mama, les mains tellement agiles qu'il donne l'impression de jouer en soliste et non en rythmique. Et puis ces moments presque somnambuliques où il rentre à l'intérieur de lui-même, hypnotiquement collé contre le flanc de son violon géant, et paraît très loin de nous dans un autre monde, perdu dans une pluie d'arpèges nostalgiques sur votre coeur dont le rythme déraille...

 

N'ayez pas peur Phil est la pierre angulaire du combo. Le port d'attache où les trois autres, gratteux reviennent toujours après leurs escapades les plus folles. Le phare dans la tempête qui ne s'éteint jamais, la forge et le feu, les pistons de la loco qui mènent un train d'enfer. Phil c'est l'économie du geste et une force de frappe d'une justesse absolue. C'est l'homme qui tue les temps morts, qui relance sans arrêt la machine et oblige tout un chacun à se mettre à son diapason. Avec lui, la diligence est sans retour.

 

Devant Arno et Jull, frères de chants dont les organes ( vocaux ! ) ne se marient pas mais se superposent à la perfection. Arno a l'avantage de l'harmonica, rock'n'roll rif, trémolos blues, et tristesse des grands espaces. Toute la gamme. Nous lui reprocherions de ne l'utiliser qu'avec parcimonie. Il est vrai qu'il souffle si puissamment dans son instrument qu'il pourrait changer la couleur stylistique du groupe. Faut bien aussi qu'il délaisse ses orgues à bouche s'il veut pousser la ritournelle. Et il se débrouille plutôt bien en la matière. Une voix impeccable avec en plus cette allure, cette façon de se tenir droit, d'attirer le regard, pôle d'attraction magnétique. Tient aussi une guitare, en quelque sorte discrète, d'accompagnement qui passe après l'incisif impact de la voix. D'un usage très country, à mille lieues du rock'n'roll guitar hero, l'on entend très bien qu'Arno regarde du côté d'Hank Williams et de Johnny Cash.

 

Le contraire de Jull. Un guitariste certes, mais un électrique. Ce n'est peut-être pas au carrefour du blues que le diable lui a refilé tous les plans, mais il les connaît tous sur le bout des doigts. Un régal de le voir jouer. Il cherche toujours le chemin le plus court entre deux cordes. Invente sans arrêt quelques barrés supplémentaires à glisser entre deux accords. Il ne pince pas, il invente. Il produit du neuf. Ce que j'adore chez lui c'est qu'il démontre sans oser encore le crier sur les toits que les habits du pure american rock-a-billy sont un peu étroits, qu'il est urgent de faire péter quelques coutures. Ce mec ne recopie pas Cochran, il en ressuscite l'esprit de découverte et de curiosité. N'est pas figé dans ses phalanges. Et encore moins dans sa tête. A suivre.

 

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Nous atteignons ici le vieux débat entre tradition et révolution. J'entends s'élever les clameurs. Mais à voir l'âge du public l'on peut s'inquiéter du futur de notre musique. Ne changeons rien et dans dix ans le rock'n'roll connaîtra le même destin que le jazz, compassé dans un académisme stérilisant et ayant perdu tout esprit d'innovation et de renouvellement.

 

Un combo aussi doué que Ghost Highway ne peut se permettre de reproduire à l'identique le lourd héritage du passé si glorieux soit-il. Il faut composer, créer et ne pas avoir peur de se perdre dans des pistes inexplorées. Le french rockab est en train de vivre son âge d'or de la maîtrise instrumentale. Jamais nous n'avons eu d'aussi bons groupes mais il faut capitaliser tout ce travail de conquête des racines et aller plus loin.

 

Combien convenues, par exemple, sont les paroles du rock-a-billy ! Si éloignées de la réalité sociale et même sociologique de la jeunesse d'aujourd'hui. Tout un sacré boulot nous attend ! D'urgence. De telles paroles peuvent troubler mais casser les codes et les cadres, faire péter les archétypes, n'est-ce pas l'essence de la rébellion rock par excellence ?

 

Pour résumer : une superbe soirée, un très bon concert, et un groupe déjà mature mais encore muni d'un énorme potentiel. La preuve évidente que le rockab n'a pas encore dit ses derniers mots. Ghost Highway : un fantôme de plus en plus vivant qui risque de nous tirer de notre léthargie dans les mois prochains.

 

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Nous nous quitterons avec Fat l'ancienne batteuse du précédent groupe d'Arno qui prend dans le dernier set la caisse claire de Phil pour trois morceaux. Rien à dire, miss cat, à la chevelure aile de corbeau a du chien, pas une grande technique mais sait jouer à l'arrache et au feeling, et emporte notre adhésion. Charismatique, devrait monter un autre groupe.

 

 

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St Sauveur nous reviendrons. En attendant prends pitié de l'âme ( très ) pécheresse de tous les rockers du monde !

 

DAMIE CHAD.

 

Quoi faire de votre dimanche ?

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