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28/04/2021

KR'TNT ! 508 : BADFINGER / COBRA VERDE / LOVE AS LAUGHTER / RITA ROSE / LEE O' NELL BLUES GANG / ACROSS THE DIVIDE / MICHEL EMBARECK / ERIC BURDON / ROCKAMBOLESQUES XXXI

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

LIVRAISON 508

A ROCKLIT PRODUCTION

SINCE 2009

FB : KR'TNT KR'TNT

29 / 04 / 2021

 

BADFINGER / COBRA VERDE

LOVE AS LAUGHTER / RITA ROSE

LEE O' NELL BLUES GANG / ACROSS THE DIVIDE

MICHEL EMBARECK / ERIC BURDON

ROCKAMBOLESQUE XXXI

TEXTE + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/

Badfinger in the nose

 

Tout le monde s’accorde à dire que l’histoire de Badfinger est une histoire tragique. En effet, deux pendus, ça vous plombe une histoire. C’est un peu comme si on passait brutalement du jardin magique (la musique) aux poubelles (les faits divers). La vie souriait pourtant à Badfinger. Elle lui souriait de ses trente-deux dents. Son avenir semblait assuré. Ces quatre surdoués savaient composer et les Beatles les chouchoutaient, au point de les signer sur Apple en 1970. Ils en imposaient sur les photos : ouvrez le gatefold de No Dice et vous les verrez rayonner tous les quatre dans la lumière orangée d’un crépuscule gallois. Le grand, derrière, c’est Pete Ham, ou si vous préférez Pete Jambon, dressé comme un phare dans la nuit et principal compositeur du groupe. Le petit rastaquouère, devant, c’est Tom Evans. Une vraie petite gueule de berger calabrais. Il joue de la basse et compose lui aussi pas mal de trucs. À gauche, le mec qui ne ressemble pas à grand chose, c’est Mike Gibbins, le batteur. Et de l’autre côté, la petite gueule de rock star évaporée appartient à Joey Molland, le guitariste et second phare dans la nuit de Badfinger. Alors qui sont les deux pendus ? Pete Jambon et le berger calabrais. On les a retrouvé tous deux pendus, le premier dans son garage, l’autre à un arbre parce qu’il n’avait pas de garage. Que s’est-il passé ? L’histoire classique du groupe à succès qui se fait arnaquer en bonne et due forme par un intermédiaire véreux. Homme d’affaires new-yorkais Stan Polley prend les Anglais sous contrat et ça donne le résultat suivant : une tournée américaine en 1971 rapporte environ 25 000 $ aux quatre musiciens et 75 000 $ à Stan. Ça, c’est du business ! Les plus malins diront : Ah, si les musiciens sont assez cons pour accepter ça, tant pis pour eux ! Mais dans la réalité, les choses ne sont jamais aussi simples qu’on le croit. Déjà, pour commencer, les musiciens ne voyaient pas la paperasse. Ils faisaient confiance. On fait toujours confiance à un spécialiste. On fait même confiance à un comptable.

Le résultat ne se fait pas attendre : les quatre Badfinger n’ont pas un rond alors qu’ils voient leurs singles parader en tête des charts. Pete Jambon se demande comment il va pouvoir rembourser l’emprunt qu’il a contracté pour s’acheter sa baraque. Il finit par se convaincre qu’il n’y parviendra pas. Il flippe tellement qu’il se pend. Dans sa lettre d’adieu, Pete Jambon traite Polley de bâtard. Le berger calabrais finira lui aussi par craquer, huit ans plus tard, suite à une engueulade téléphonique avec Joey.

Dans un récent numéro de Record Collector, Bill Kopp rend hommage à ce groupe décimé par le destin. Kopp rappelle que le nom du groupe provient du working title d’un célèbre cut des Beatles : «With A Little Help From My Friends» s’appelait au début «Badfinger Boogie». C’est McCartney qui leur compose leur premier hit («Come And Get It»), mais très vite Pete Jambon montre qu’il sait lui aussi pondre des œufs. Les quatre Badfinger sont tellement potes avec les Beatles qu’ils sont invités à jouer sur les albums solo de Ringo, de John Lennon (Imagine) et de George Harrison (All Things Must Pass).

Les interviews de Joey Molland menés par Michael Cimino et rassemblés dans Badfinger And Beyond apportent un bel éclairage sur l’histoire de ce groupe qui faillit bien devenir énorme. Indépendamment du fait que George Harrison les avait à la bonne au point de les signer sur Apple, il est important de savoir que Pete Jambon et le berger calabrais étaient gallois, alors que Joey Molland venait de Liverpool et qu’à l’époque où il rejoignit Badfinger, il pouvait déjà se targuer d’un joli parcours. Eh oui, Joey avait connu la mythique Cavern - The Cavern was probably the best Rock club there ever was - Il évoque Rory Storm, Gerry & the Pacemakers et bien sûr les Beatles - The sound was punchy and hard - Il évoque aussi The Big Three, avec le batteur Johnny Hutchinson au chant, Johnny Gustafson à la basse et Brian Griffith à la guitare. Joey était tellement fasciné par Grif qu’il se rendit chez lui, tapa à la porte et lui demanda de lui apprendre à jouer de la guitare, mais Grif lui dit non. Pourquoi ? «Parce que je ne sais pas jouer de la guitare !». On raconte pourtant que Grif a formé George Harrison. Joey raconte aussi son enfance à Liverpool. Chez lui, il y avait un piano, comme dit-il dans toutes les maisons à l’époque. Il rend hommage à son père qui lui enseigna la patience et qui l’autorisa à commettre des erreurs pour apprendre. Il rappelle aussi que le Liverpool de son enfance était une ville très dure, il fallait apprendre à courir vite. Les gangs régnaient dans les quartiers et on se battait à coups de marteau. Et puis on découvre au fil des pages que Joey est un mec charmant. Richard DiLello dit de lui qu’il était toujours de bonne humeur - a Liverpudlian rocker who never seemed to have a bad day - On voit à sa bouille qu’il est à part. Joey fit aussi partie d’un groupe mythique, Gary Walker & The Rain. C’est Gary Leeds, alias Gary Walker, qui lui enseigne le cool - Gary was a very cool guy and he wanted the people around him to be cool. To look cool and to be cool - Le groupe s’installe à Chelsea et Joey n’en revient pas de vivre avec une giant rock star. C’est là dans les clubs du Swinging London qu’il commence à fréquenter la crème de la crème du gratin dauphinois. En 1967, il a vingt ans. Tout le monde portait des futals en mohair et des pulls à col roulé. Le moindre détail avait son importance. Il rappelle que les Londoniens voulaient tous aller en Allemagne, car c’est là qu’on trouvait les meilleures écharpes et les plus beaux cols roulés.

L’histoire de Badfinger remonte au temps où les Beatles cherchaient de nouveaux talents pour leur label Apple. George Harrison avait déjà ramené chez Apple Jackie Lomax, lui aussi de Liverpool, Doris Troy et le clavier de Little Richard, Billy Preston. C’est Mal Evans qui déniche the Iveys, le groupe qui accompagne David Garrick. C’est dans ce groupe que se trouvent les trois autres Badfinger. Avec Joey en complément, le groupe trouve un son. Chez Apple, Joey voit bien sûr Allen Klein et ne l’aime pas beaucoup. Il garde par contre des bons souvenirs de l’enregistrement d’All Things Must Pass, auquel George Harrison leur demande de participer. Parmi les stars qui traînaient au studio 3 d’Abbey Road, il y avait Ringo, Klaus Voorman, Bobby Whitlock, Carl Radle, Leon Russell et bien sûr Phil Spector.

Alors, la réputation de Badfinger est-elle surfaite ? Pour répondre à la question, le mieux est d’écouter les albums. Ce n’est pas une expérience désagréable. Au temps de leur parution, ces albums ne laissaient pas indifférent, même si pour les gueules à fuel le son paraissait un peu trop poppy. Par contre, les obsédés sexuels pouvaient se branler sur la pochette de No Dice. Une fois dépliée, on y voyait une splendide créature au regard torve s’exhiber dans un costume de courtisane orientale. Elle dégageait cet érotisme littéraire à la Pierre Louÿs qui au temps jadis réveillait aisément les bas instincts. S’il l’avait aperçu en vitrine, Baudelaire aurait de toute évidence acheté l’album rien que pour la pochette. Sans doute l’aurait-il ensuite écouté. Sans doute aurait-il succombé au charme de «Love Me Do», cette solide machination inspirée de «The Ballad Of John And Yoko». Sans doute aurait-il salivé à l’écoute de «No Matter What», cette pièce scintillante et pleine de vie, en qui tout est, comme en un ange, aussi subtil qu’harmonieux. Sans doute se serait-il réjoui d’apprendre que Pete Jambon jouait sur la Gibson SG utilisée pour «Paperback Writer», une guitare que lui avait offert George Harrison, et Joey Molland sur sa Firebird de débutant, tous les deux branchés sur des Vox AC30. Sans doute se serait-il agacé de ce «Without You» connu comme l’albatros, cette mélopée torride et bêtement romantique qui, bien que popularisée par Nilsson, ne pouvait plaire qu’aux Belges et à Mariah Carey. Sans doute aurait-il levé un sourcil à l’écoute du jeu byzantin de Joey Molland dans «Better Days», sans doute se serait-il rapproché pour mieux entendre couler cette rivière de diamants dans la texture même du son. Ah, mais ne nous méprenons pas, Baudelaire n’est pas Des Esseintes, il n’ira pas jusqu’à l’évanouissement. Intrigué par tant d’allure, il aura sans doute poursuivi l’examen et découvert que Joey Molland hantait à nouveau un autre château d’Écosse, «Watford John». Comment pouvait-on résister à ce succédané d’élévation spirituelle, à cette touche démiurgicale d’éclat lunaire ? Baudelaire en convenait, c’était impossible. Agité d’une fièvre de curiosité, il aura sans doute poussé jusqu’à «Believe Me», étrangeté chantée d’une petite voix funeste, mais gonflée comme une voile de démesure ancillaire. On ne saura jamais ce que Baudelaire aurait pensé de tout ceci, mais il plaît aux esprits fantasques de l’imaginer.

Dans le cours de ses interviews avec l’ami Cimino, Joey Molland rappelle que No Dice fut enregistré sur du temps libre de studio à Abbey Road, à raison de trois heures par jour, au moment où le groupe qui louait le studio allait déjeuner. Une chanson par jour pendant dix ou douze jours.

La pochette de Magic Christian Music paru sur Apple Records en 1970 nous renvoie tous non pas au vestiaire, mais chez Giorgio De Chirico, ce peintre des architectures somnolentes annexé par les Surréalistes dans les années vingt. Mais nos amis de Badfinger n’ont rien de particulièrement surréaliste. Ils optent pour une petite pop inoffensive et relativement bien intentionnée, au plan des harmonies vocales. Le cut qui sort du lot s’appelle «Dear Angie», un groove de Beatlemania dûment violonné, doux et brillant, admirablement travaillé au corps. Et puis au fil des cuts, une certaine forme de solidité s’impose, digne du meilleur cru albionnesque. On s’effare même du très beau niveau composital de «Beautiful And Blue». C’est une pop qui se tient, une matière chamarrée, nappée de violons et anoblie par l’ampleur des harmonies vocales. Ils frisent la Slademania avec les mah-mah de «Rock Of All Ages». Encore de jolies choses en B, notamment «I’m In Love», un bel exercice de style tapé au drive de basse bondissant. Voilà un cut à la fois convaincu et convaincant, qui flirte avec les progressions de jazz. On est à Liverpool, ne l’oublions pas. Pete Jambon nous chante «Walk Out In The Rain» au fil ténu de sa sensiblerie et «Knocking Down Our Home» flirte avec l’esprit de «Martha My Dear», un esprit généreux et légèrement rétro. C’est à peu près tout ce qu’on peut en dire.

On les voit tous les quatre poser pour la pochette de Straight Up paru un an plus tard. Ce sont les coiffures rococo de l’époque. Le seul des quatre qui sache rester intemporel est Joey Molland, à gauche. Pete Jambon affiche l’air perplexe d’une tête de broc et Tom Evans celle d’une tête de coiffeur pour dames. Todd Rundgren produit quelques cuts et George Harrison d’autres. Deux des cut produits par Todd Rundgren vont éclater au grand jour : «Flying» et «Sometimes» qui est en B. On le sait, Rundgren est un fan des Beatles et comme les quatre Fingers jouent comme des dieux, ça prend une tournure captivante. Les deux cuts sonnent littéralement comme des hits des Beatles. C’est aussi simple que ça. George Harrison passe un solo sur «Day After Day». On note aussi la présence de Leon Russell - Little piano fill. That’s how great those people are, nous dit Joey Molland dans l’une de ses interviews. Tiens, encore un hit digne des Beatles : «Suitcase», doté d’une fantastique émotivité - Pusher pusher/ All alone - Avec «Baby Blue», ils proposent un hit de power-pop et Joey Molland se tape une fois encore la part du lion en déliant un solo magistral. Mais il précise qu’il n’aime pas Todd Rundgren. Pourquoi ? Parce qu’en studio, Rundgren les insulte et leur dit qu’ils ne savent pas jouer - He was openly rude - Il n’a accepté de produire cet album que pour ramasser du blé. Ça se passe mieux avec George Harrison. C’est lui qui joue le Strat stuff sur «I Die Babe» - You make me loving like crazy/ You make my daisy grow high - On entend Nicky Hopkins sur «Name Of The Game». C’est assez puissant car la musicalité est celle d’All Things Must Pass.

Comme ce fut le cas pour la plupart des groupes qui commençaient à marcher à cette époque, le business leur mettait la pression : «Make a hit record !». Ça devint une obsession pour le berger calabrais et Pete Jambon. Ça les rendait fous - Tommy drove himself crazy trying to make a hit record, absolutely crazy - Pete Jambon n’a jamais réussi à écrire un hit, ça le rendait fou, lui aussi. Plus on lui mettait la pression, plus il devenait fou. Il finira par détruire sa guitare préférée.

La carotte qu’on voit sur la pochette d’Ass est une idée du berger calabrais. C’est la fameuse carotte de Magritte (Ceci N’est Pas Une Carotte) qu’on utilisait jadis pour symboliser la motivation, lorsqu’on menait une opération de communication interne dans une grande entreprise. Ass pourrait aussi vouloir dire : tu l’as dans le cul. Il y avait du ressentiment dans les rangs de Badfinger. Ceci dit, Ass reste un très bel album de pop anglaise. Cette pop d’Apple qui jadis nous faisait tant baver. Dès «Apple Of My Eyes», on se retrouve au cœur du Apple Sound System : admirable facture mélodique et Chris Thomas produit, alors, ça fait encore plus la différence. Le hit du disk ouvre le bal de la B et s’appelle «Constitution». Ils sonnent là-dessus comme les Beatles du White Album. Joey Molland signe cette imparable resucée beatlemaniaque. «Icicles» sonne comme un hit de George Harrison, avec un fabuleux son de guitare océanique. Quel cachet ! On trouve aussi sur Ass deux cuts produits par Todd Rundgren et tirés des sessions de l’album précédent, à commencer par «The Winner», qui se veut plus rocky, avec une belle approche du son carré. Alors là, on peut dire qu’ils savent monter un œuf de pop en neige du Kilimandjaro ! Joey Molland explique que sa chanson concerne John Lennon qui passait à son temps à se plaindre de tout. Et quand on écoute «Blind Owl», on se dit qu’on n’en attendait pas moins de Badfinger. Pete Jambon nous entortille ça au riff de guitare virtuose et on voit ces quatre mecs s’auto-émerveiller par tant de brio. Ils éclatent tellement au grand jour que ce spectacle fait plaisir à voir. L’autre cut produit par Rundgren s’appelle «I Can Love You», un immense balladif à prétention romantico-universaliste. Ils savent s’en donner les moyens, c’est vraiment le moins qu’on puisse en dire. Ils savent mailler les moyeux et mouiller les maillets. Au fond, la présence de Rundgren dans les parages n’étonnera personne quand on sait à quel point il vénère lui aussi les Beatles. Il suffit d’écouter les trois albums de Nazz. Et puis nos vaillants héros tragiques bouclent l’Ass avec un «Timeless» extrêmement joué à la guitare. Joey Molland joue au gras tout au long de ce balladif typiquement britannique, il sort ce bon gras spécifique de la panacée, il fait vraiment le show et son solo compte parmi les merveilles du rock anglais. On le voit revenir par vagues, inlassablement, pareil à l’océan hugolien - Ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue.

Jolie pochette que celle de ce Badfinger paru en 1974 sur Warner Bros. Eh oui, l’empire Apple s’est écroulé et le vieux label américain, flairant la bonne affaire, les accueille à son bord. Nos héros tragiques ne prennent pas de risques, puisque Chris Thomas veille au grain. «Love Is Easy» sonne comme un hit. On y va les yeux fermés. Ils ramènent tout le bon son dont ils sont capables, d’autant que ça bat bien au devant du mix. Et bien sûr, Joey Molland fait à nouveau des merveilles. En B, on se régalera du r’n’b Mod pop action de «Matted Spam», et plus loin de «Lonely You», une belle pop anglaise soutenue par des harmonies vocales de premier choix et un jeu de guitare bien tempéré. Mais le hit de l’album pourrait bien être «Give It Up», un jaillissement de belle pop immaculée dûment monté en apothéose. Une vraie réussite, tant au plan atmosphérique qu’affectif, parsemée de très beaux éclats de guitare. Nos quatre héros tragiques portent le poids du monde sur leurs épaules et se montrent capables de sacrés coups de Jarnac.

Il semble que le soufflé retombe un peu avec Wish You Were Here paru la même année. Deux cuts sauvent l’album, à commencer par l’excellent «Just A Chance», nouveau coup de pop de grande ampleur, cuivré et chanté à pleine voix. On sent la patte des vieux briscards de la pop. Mais on sent aussi chez eux une tendance à s’endormir sur leurs lauriers, car cette pop devient souvent très pépère. «Know One Knows» se laisse consommer tranquillement. On appelle ça de la petite pop sans histoires. Le «Love Time» qui se planque de l’autre côté sonnerait presque comme un hit, car ce balladif se prévaut d’une élégance suprême. On croirait presque entendre «Across The Universe». Mais il faut attendre «Meanwhile Back At The Ranch» pour enfin trouver chaussure à son pied. Voilà encore de la belle pop à la Lennon, on sent frémir le son d’une belle détermination. Ce cut visité par l’esprit du White Album, indéniablement. Avec les Buffalo Killers et Ty Segall, ils sont sans doute les seuls capables de jouer à ce petit jeu-là.

Joey quitte le groupe en 1974, complètement ruiné. Il perd sa maison à Londres et se retrouve dans un minuscule appart à Golden Green, Lyons avenue. Pete Jambon est mort et Joey se rend à ses funérailles au pays de Galles. Sa famille dit-il était détruite. Ils le croyaient à l’abri du besoin, comme n’importe quelle rock star et ne savaient pas qu’il en bavait et que la dépression due à sa pauvreté allait le pousser à finir pendu comme un paysan ardéchois.

Les voilà sur Elektra pour l’album Airwaves qui sort en 1979. Sur la pochette, on ne voit plus que Joey Molland et Tom Evans, les survivants. Tom Evans compose et chante énormément, mais il ne crée pas forcément la sensation. Joey pense que «Love Is Gonna Come At Last» est une great song et avoue que le riff est difficile à jouer. Mais si on veut de la viande, il faut aller la chercher en B, et ce dès «The Winner» et son festin d’harmonies vocales. Ça joue dans les règles de l’art fingerien et ce n’est pas Joey qui se tape la partie de lead, mais Joe Tansin. D’ailleurs Joey dit de Joe qu’il sait vraiment bien jouer. On retrouve Tansin au lead dans «The Dreamer». Joey dit que ça sonne comme une Ringo song, doesn’t it ? Les voix se fondent dans l’excellence des arrangements orchestraux. Quel fieffé mélodiste que ce Tansin. «Come Down Hard» sonne comme un hit d’entrée de jeu. Joe Tansin rôde dans les parages et perpétue bien l’esprit in the nose de Badfinger.

Tom Evans est encore vivant quand Badfinger enregistre Say No More en 1981. En bons vétérans de toutes les guerres, lui et Joey Molland s’adonnent aux joies du rock’n’roll dès «I Get You». C’est un très anglais et presque trop parfait. Leur «Come On» sonne comme du boogie rock à dents blanches. Le pire, c’est que cet album tient bien la route, même si Pete Jambon n’est plus là. «Hold On» s’orne d’un fil mélodique à l’or fin et «Because I Love You» renoue avec l’ampleur du souffle pop d’antan. C’est exactement ce qu’on attend de Badfinger : une pop cousue de fil d’or. On s’extasie aussi devant la belle tenue de «Rock’nRoll Contact», même si ça chante au guttural. Les retours au calme y fonctionnent comme des havres de paix et Joey Molland gratifie son cut d’un éblouissant final guitaristique. L’un dans l’autre, c’est un beau brin d’A. Il faut bien comprendre que ces mecs ne font pas n’importe quoi. Le «Passin’ Time» qui ouvre le bal de la B sonne incroyablement juste. C’est encore une pop très entreprenante, avec des parties chant gonflées d’énergie - I couldn’t believe it/ Oh no - Et ça accroche terriblement. Idem pour «Too Hung Up On You», chanté à l’Anglaise, c’est-à-dire à l’inspirette carabinée, dans le pur esprit pop, avec tout le répondant du palpité de glotte. Tout est incroyablement solide et bardé de son. Badfinger fait vraiment partie des élus de Palestine. Ils terminent cet album tonique avec «No More», une pop qui comble bien les vides, qui captive et qui nourrit bien son homme. Belle ambiance progressiste et même assez envoûtante. Joey Molland et le berger calabrais ultra-jouent leur va-tout en permanence.

La fin du groupe est moins glorieuse. Joey et le berger calabrais attendent une avance promise par le management. Comme l’argent ne vient pas, Joey refuse de commencer à travailler sur le prochain album. Il quitte le studio et annonce qu’il ne reviendra que si le blé est là. Puis il apprend que le berger calabrais et Tony Kaye continuent tous les deux en tant que Badfinger, annonçant à qui veut bien l’entendre que Joey a quitté le groupe. What ? Joey tente de joindre ses amis, mais personne ne prend ses appels. En désespoir de cause, Joey finit par former un autre Badfinger aux États-Unis. On a donc deux Badfinger en circulation qui finissent par enterrer la légende. C’est une fin d’histoire assez pitoyable.

La nuit où le berger calabrais va se pendre, il appelle Joey pour lui raconter ses déboires financiers. Il avait signé un contrat avec un certain John Cass et comme il n’avait pas honoré ce contrat, Cass lui collait un procès au cul pour plusieurs millions de dollars. Il se savait donc fait comme un rat. Au téléphone, il semblait nous dit Joey très détendu, mais il annonçait tout de même qu’il allait se foutre en l’air. Bien sûr, Joey n’en croyait pas un mot.

Signé : Cazengler, badfinger dans le cul

Badfinger. No Dice. Apple Records 1970

Badfinger. Magic Christian Music. Apple Records 1970

Badfinger. Straight Up. Apple Records 1971

Badfinger. Ass. Apple Records 1973

Badfinger. Badfinger. Warner Bros. Records 1974

Badfinger. Wish You Were Here. Warner Bros. Records 1974

Badfinger. Airwaves. Elektra 1979

Badfinger. Say No More. Radio Records 1981

Michael A. Cimino. Badfinger And Beyond. CreateSpace Independant Publishing 2011

Bill Kopp. Maybe Tomorrow. Record Collector #487 - Christmas 2018

 

La morsure du Cobra

 

Cobra Verbe et son chanteur John Petkovic sont probablement l’un des secrets les mieux gardés d’Amérique. Quand on parle de la scène de Cleveland, on mentionne généralement les Dead Boys et Pere Ubu, mais on oublie hélas Cobra Verde. Ce n’est pas la même époque, bien sûr, mais au niveau prestige, Cobra Verde vaut mille fois les Dead Boys. Six albums sont là pour le prouver. À commencer par l’excellent Viva La Muerte paru en 1994. C’est là que se niche «Montenegro» - Montenegro/ In your mountains of my worthlessness - Fabuleux balladif infectueux, hit en forme de puissant sortilège. Petko mène bien sa barque vers l’autre rive du Styx de l’underground. On trouve plus loin «Debt» qui sonne un peu pareil, avec un bel aperçu sur les abysses - She’s a suicide/ And I’m a cyanide/ Look at us die/ She cries I’m blind - Effarant ! Toutes les puissances des ténèbres se pressent dans le corridor - So in debt/ The days I’ve blown away - John Petkovic est l’un des grands auteurs américains. Même trempe que Mark Lanegan ou Greg Dulli. «Despair» sonne comme une vraie stoogerie clevelandaise. Tout est là, même les clap-hands. Son Awite est stoogy en diable et c’est claqué aux accords de Detroit. Petko jette de l’huile sur le feu, il chante son all the way to the bank à l’arrache impétueuse. Attention aussi au «Was It Good» d’ouverture de bal, car ça joue au funk clevelandais, avec de grosses dynamiques et une basse métallique, invendable mais si présentable. Cet album spectaculairement artistique se termine avec une sacrée doublette : «I Thought You Knew (What Pleasure Was)» et «Cease To Exist». Le premier reste très Velvet d’aspect. Petko vise l’explosion du bouquet final - Don’t make me wait - C’est exemplaire. Il va au bout du wait - I don’t wanna wait in the valley of kings - Puis il taille son Cease dans une matière d’apothéose, c’est très écrit, pulsé à l’ultraïque - I am the richess/ You are the pain/ I’ll never see you ever again - Voilà ce que les historiens appelleront dans 150 ans un classic album.

C’est dans la presse rock américaine de type Spin que paraissaient les rares articles sur Cobra Verde, des textes plutôt bien foutus qui bien sûr mettaient l’eau à la bouche. Le journaliste qui les suivait en faisait une sorte de légende underground et Viva La Muerte répondit bien aux attentes. Cobra Verde devint comme les Saints l’un des groupes à suivre de près.

On retrouve les big atmospherix petkoviens sur Egomania (Love Songs) paru trois ans plus tard. Dès «Everything To You», on retrouve le charme toxique de «Montenegro». Beaucoup d’allure et gros impact - What else could I do but leave everything to you ? - Il lui laisse tout. Pekto a cette générosité, celle du big atmospherix, du larger than life, c’est tellement bardé de son, my son, il va même jusqu’à exploser les annales de sa rafale. S’ensuit un «A Story I Can Sell» battu à la vie à la mort et tout aussi dévastateur - I lost my pride/ I lost myself - On note l’indéniable power du Cobra Sound. Il s’adresse à des chicks from Babylon. Il chante tous ses cuts à la pire intensité de l’incandescence. Avec «Leather», Petko s’énerve - Born in different dreams/ Every stranger is an enemy - Il taille son rock dans la falaise, porté par un gros drive de basse - Same bed/ Different dreams - Ce mec est atrocement doué. Tiens, encore deux passages obligés : «Blood On The Moon» et «For My Woman». Avec Blood, il tape dans le heavy balladif captivant, atmospherix en diable, sacrément bien senti, bien foutu, bien ficelé, bien gaulé, tout tient par la présence de cette voix ultraïque. Même chose avec Woman, Petko fait son cro-magnon - I need to be your man - Quelle clameur ! - Yeah I’m gonna understand - Solide, punkoïde as the fuck of hell, solo de rêve, rond et flashy - You know I love you woman/ More than the world - C’est la réponse du Cobra au défi du love affair de deep end.

Backseat, champagne et poules pour la pochette du Nightlife paru en 1999. Une fois de plus, on se retrouve avec un très gros album dans les pattes. On le sent dès cette puissante démiurgerie clevelandaise qu’est «One Step Away From Myself». Ils nous bardent ça de son, nous cisaillent tout au riffing et il faut voir comme ça descend sur le manche de basse. En gros, ça dégueule de son. Il semble que Cobra Verde crée la sensation sans même le vouloir. Ils sortent un «Conflict» travaillé au corps défendant, bâti par des charpentiers de marine. Et puis soudain, on tombe sur le furieux et glorieux «Crashing In A Plane» - Baby I’m a detour - Petko ressort son meilleur guttural montenegrain - Baby I’m the dustbin - Il envoie ça à l’outrance princière, avec toute la bravado dont il est capable et le sax s’en vient rallumer les brasiers du Shotgun de Junior Walker. Véritable coup de génie que ce «Don’t Let Me Love You», véritable hit d’insistance parabolique - My baby’s desperation/ Is driving me insane - Il faut le voir touiller sa fournaise, c’est absolument faramineux de menace sous-jacente, effarant d’inventivité du glauque. Il n’en finit plus d’allumer les plus bas instincts du rock, il chante à la voix d’orfraie, porté par un sax de free en perdition mentale. Il reste encore une énormité sur cet album : «Don’t Burden Me With Dreams» qui sonne comme une délivrance catatonique, Petko charge en tête du Cobra, il chante à la vie à la mort avec toutes les foisons du monde. Il tape aussi «Casino» aux gros climats d’extrême violence, il s’en va laper du sang dans le creux des mains. Bel exploit aussi que cet «Heaven In The Gutter» tapé à la basse métallique. Ces mecs n’offrent que des solutions extravagantes, il faut le savoir. Joli coup aussi que ce «Back To Venus», ça joue au heavy groove de guitar slinger. Encore un cut que les Stones auraient sans doute rêvé de jouer.

Après cette fantastique triplette, trois membres originaux disparaissent : Don Depew, Dave Swanson et Goug Gillard. Frank Vazzano (guitar), Mark Klein (drums) et Ed Sotelo (bass) les remplacent pour enregistrer cet album effarant qu’est Easy Listening. Trop de son, sans doute. Trop écrit. Trop chanté. Comme le furent les grands albums des Pixies et des Saints. Un cut comme «Whores» frappe par la violence du volontariat. Petko explose la comète - I don’t care cause I got away - Ça explose des deux côtés, par le chant et par le son. Même chose pour «Terrosist» amené aux riffs de non-retour, Petko chante à la glotte en fer, c’est sa force. Back to the big atmospherix avec «The Speed Of Dreams». On a l’impression de voir cette merveille s’écrouler dans la mer comme une falaise de marbre. Ça tombe dans la bascule de l’énormité rien qu’au son du chant - I can’t remember how it is/ You disappeared - Avec «Riot Industry», il fait du rentre-dedans clevelandais. Ça se situe vraiment un cran au dessus du reste. Petko fait régner la terreur de son génie sur le rock américain. Il emmène très vite «Til Sunrise» dans l’enfer clevelandais et jette des lyrics de «Hosanna To Your Pretty Face» au ciel. On trouve un peu de Bowie en Petko, justement dans cette façon de jeter au ciel. Même genre de puissance. Cobra Verde est une vraie usine à tubes. Ils jouent «My Name Is Nobody» au surjeu et traînent leur «Mortified Frankenstein» dans un anglicisme à la Led Zep. Fantastique energy of surgery, fantastique shake up de yeah yeah yeah. Avec «Throw It Away», Petko retrouve son titre de champion du monde du Big Atmospherix - Raise a glass to the dead and gone - Et back to the big Cobra Sound avec «Here Comes Nothing», bardé de relents de Montenegro et forcément ça vire à l’énormité, wow, cette façon qu’il a de swinger et de crawler sous le boisseau du Cleveland Sound of steel, il embarque tout au chant comme dans «Debt».

Nouveau point commun entre Petko et Bowie : l’album de reprises réussi. Oui, car Copycat Killers est aussi brillant, aussi viscéralement bon que Pinups. Petko tape un peu dans les silver sixties, comme Bowie, avec l’«I Want You» des Troggs, qu’il transfigure au stomp de Cleveland, c’est l’une des plus belles versions jamais enregistrées, alone on my own. Quel fantastique écraseur de mégots que ce Petko, il fait son Reg du midwest, c’est punk jusqu’à l’os et il faut voir le départ en solo clevelandais, la torchère devient folle et éclaire la nuit comme un phare breton. Son prophétique, apocalypse démesurée, le solo place le Cobra au panthéon des crève-cœurs. Ils tapent aussi dans le «Play With Fire» des Stones. On s’étonnera toujours de la fascination des Américains pour la Stonesy de série B. Jolie reprise du «Yesterday’s Numbers» des Groovies. Petko veille à chanter à la Roy Loney. Eh oui. Ça donne une petite merveille d’absolutisme absolu. On les voit aussi taper dans un cut de New Order qui s’appelle «Temptation», qu’ils transforment en bête de somme. Petko tord le bras à la new wave pour lui faire pleurer des larmes de sang. Même traitement infligé à Donna Summer et à son hit diskö «I Feel Love». Petko et ses amis transforment ça en shoot de furie clevelandaise. Ah il faut voir le travail ! Quelle admirable incursion dans la pétaudière du dance-floor ! Autre coup de Jarnac : le fameux «Urban Guelilla» d’Hawkwind, ce hit qui rendit Lemmy tellement furieux car il fut censuré sur la BBC. Le Cobra nous claque ça à la volée, ils redonnent vie au vieux coucou d’Hawk, ils le gavent de toute la niaque du monde et développent une puissance de marteau-pilon. C’est embouti à la vapeur. Ils vont loin, bien au-delà du Cap de Bonne Expectation. Encore un hommage de taille avec the «Dice Man», hommage au géant de ‘Chester, Mark E. Smith, via le Diddley Beat, push push, les Clevelandais retroussent les manches, ce n’est pas si simple, et puis voilà le clin d’œil à Mott avec «Rock And Roll Queen», ils sautent au paf, avec de quoi ridiculiser cette vieille moute de Mott. On le sait, Cleveland est une ville infiniment rock. Comme à Detroit, le son, rien que le son. Belle cerise sur le gâteau : un «Teenage Kicks» amené à la baravado, c’est tout de suite over the rainbow, Petko le chante à l’urgence de la démence, c’est déjà un hit monstrueusement beau, alors tu imagines ça dans les pattes de ces mecs-là ! Ils ramènent les clap-hands, ils jouent comme d’habitude à la vie à la mort, c’est d’une profonde véracité fanatique. On sort de là à quatre pattes.

Paru en 2008, Haven’t Slept All Year est encore un album à tomber par terre. L’urgence du beat qu’on trouve dans «World Can’t Have Her» est sans équivalent. On voit ce diable de Petko entrer dans la danse et ça cisaille dans les parages. C’est bien lui, le beat clevelandais, assez ultime, ultra-chargé, d’une terrifiante puissance, c’est même battu au stomp des forges avec des breaks exacerbés et ce diable de Petko hurle dans la fournaise alors que coule l’acier liquide des riffs à la Zep. S’ensuit un «Wildweed» embarqué au meilleur rock de bonne constance. Allez-y les gars, c’est gagné d’avance. Pour ceux qui auraient raté un épisode, les Cobra Verde sont l’un des fleurons du rock américain. Ils font tout beaucoup mieux que les grands groupes, avec une énergie convaincante. C’est ultra-électrique, joué à fond de train, avec un roaring Petko au sommet de son art - I won’t let you go now - Un vrai modèle d’exemplarité concurrentielle. Petko renoue avec la magie des grands balladifs dès «Home In The Highrise». Véritable consécration eucharistique, c’est même un éclair dans le ciel de la pop, une Beautiful Song maximaliste, une merveille assez rare. Petko sait éveiller l’instinct d’un album à des fins mélodiques, cousues de fil blanc, certes, mais quel souffle ! On pourrait dire la même chose du «Haunted Hyena» qui referme la marche, d’autant qu’un killer solo flash lui en transperce le cœur. Ces mecs grouillent de coups de génie comme d’autres grouillent de puces. On trouve aussi un bel exercice de style intitulé «Wasted Again», tapé au groove de jump, assez risqué et pire encore : inutile. Même si les trompettes de Miles viennent saluer la confrérie. Autre cut intriguant : «Something About The Bedroom». Il s’agit là d’une puissante pop sous le boisseau, ou si tu préfères, un puissant boisseau sous la pop. Oui, le Cobra peut aussi sonner pop, presque anglais, même s’ils frappent la pop derrière les oreilles de la pop, et elle n’est pas contente. Elle devra s’arranger avec le batteur. Figure-toi qu’ils se montrent aussi capables d’Americana de haut vol avec «Free Ride» - Bye bye West coast - Quelle équipe ! Et quel album !

L’ère post-Cobra Verde porte le doux nom de Sweet Apple. Petko s’y acoquine avec J Mascis. Les journalistes appellent ça une rencontre au sommet. Leur premier album, Love & Desperation, paraît en 2009. La pochette est un délicieux pastiche de celle du quatrième album de Roxy Music, Country Life : deux belles poules s’y pavanent en petite tenue. Comme le Roxy, on ne l’achète que pour la pochette. Mais on est bien récompensé, car voilà le vieux stomp d’«Hold Me I’m Dying». Petko adore les grandes mesures. Encore de la viande en B, avec «Blindfold». Petko joue la carte du plomb, c’est-à-dire celle du heavy doom suspensif, hanté par les envolées cosmiques du vieux J, la sorcière du Massachusetts. «Somebody’s Else Problem» sonne comme un hit et J y fait carrément des chœurs de Dolls. On assiste là à une véritable débauche cobra-verdesque, une pavane de carrure extravagante. Tiens, tu as encore du heavy rock de Cobra avec «Crawling Over Bodies». Petko le coco revient à l’attaque avec des effets dévastateurs. Ce cut semble sortir tout droit de l’un des grands albums de Cobra Verde. Et ça continue avec «Never Came», fantastique et sur-puissant. Ah ces mecs-là savent ficeler un cut de rock ! C’est le filon du Cleveland rock, les mêmes racines que celles de Rocket From The Tombs. Ils bouclent ce disque ahurissant avec «Goodnight», solide et bien élancé. Avec un J en contrefort, ça donne de la power-pop moderne et riante.

Cinq ans plus tard paraît The Golden Age Of Glitter. On y trouve des invités de marque : Mark Lanegan et Robert Pollard, la fine fleur de l’underground américain. Avec Petko, on entre au royaume de la power-pop par la grande porte, et ce dès «Wish You Could Stay (A Little Longer)». Derrière, J ne chôme pas. Avec des mecs comme J et Petko, on a toujours l’impression de passer aux choses sérieuses. J bat le beurre sur «Reunion» et nos amis flirtent avec le Cheap Trick sound. «Boys In Her Fanclub» sonne comme l’absolu d’Absalon. Laissez tomber Paul Collins et écoutez ça, car on parle ici de haute voltige, d’une power-pop explosive et fraîche comme l’eau d’un torrent d’Écosse. Petko renoue avec son cher stomp de glam dans «Another Dent Skyline». Tous les vieux fans de Cobra Verde sont ravis de retrouver Petko le coco. Et en B ça dégénère avec «I Surrender». Ça s’envole littéralement. Quelle tenue et quelle ampleur ! Il faut voir avec quelle classe Petko manage ses syllabes dans le feu de l’action. J repasse à la guitare pour «Troubled Sleep» et il ramène sa violence proverbiale. En Amérique, il doit bien être le seul à savoir jouer comme ça, sans vergogne, avec un son épais, saturé, infesté de départs de solos apocalyptiques. Il rivalise de démesure avec Bob Mould. Lanegan vient chanter «You Made A Fool Out Of Me», un vieux heavy blues de circonstance. Et ils terminent cet album exceptionnel avec un nouvel hymne planétaire, «Under The Liquor Sing». Ils se situent immédiatement à la croisée des Raspberries et de Brian Wilson. Petko n’en finit plus d’exploser la coque de la power-pop pour en faire jaillir le lait jusqu’au ciel. C’est un homme libre qui chante à l’envie pure. Il réinvente le paradis et la clameur des anges.

Troisième set de Sweet Apple avec Sing The Night In Sorrow. La pochette montre le très gros plan d’une bouche nubile qui fume sa clope, sans doute en écho au délicieux Green Mind de Dinosaur. J Mascis joue essentiellement de la batterie sur l’album et laisse Tim Parmin s’exprimer sur «World I’m Gonna Leave You». John Petkovic cultive toujours ses idées suicidaires et ne souhaite qu’une chose : quitter ce monde cruel. On tombe très vite sur un hit avec «You Don’t Belong To Me». Quelle fantastique élévation power-poppy ! C’est la force du grand Petko que de savoir donner le l’élan. J Mascis revient à sa chère lead guitar sur «She Wants To Run». Voilà encore un hit inter-galactique, chanté à la puissance Byrdsy, mais en power mode heavy. En vérité, on pense plus au Teenage Fanclub, car cette pop roule joliment ses muscles sous la peau. Et J l’honore d’un solo exemplaire. En B, il reste en lead pour l’effarant «Candles In The Sun». On a là une sorte de heavy blues à la Screaming Trees. Admirable, beau et wild. J rôde dans le fond du cut comme un aigle en maraude, il joue loin là-bas dans l’écho du canyon, il plane sur le rock comme l’Empereur sur le pays des aigles, c’est-à-dire l’Albanie. Le tour de force se poursuit avec «Thank You». C’est littéralement bardé du meilleur son d’Amérique, voilà de l’heureuse pop de heavy rock et Pekto la mène au combat, il chante à l’énergie pure, avec toute la grâce et toute la bravado du pur rock’n’roll animal clevelandais. C’est bourré à craquer de stomp et J graisse sa disto à outrance. C’est le genre d’album qui marque la mémoire au fer rouge.

Quant à l’ère pré-Cobra Verde, elle porte le non moins doux nom de Death Of Samantha. Doug Gillard fait partie de cette aventure qui démarre en 1985 avec Strungout On Jargon. Sans doute leur meilleur album, mais à l’époque, on ne le sait pas. Cet album fourmille de hits, à commencer par le «Coca Cola & Liquorice» d’ouverture de bal. Petko chante ça comme un Beefheart de Cleveland, à l’incantatoire, avec un aplomb qui en dit long sur ses intentions. Quelle fabuleuse lutte intestine ! Quel brouet déterminant ! C’est joué au bactériel agressif, à la hargne du Midwest, celle des gens qui liquorisent en lice et qui poussent si loin le bouchon qu’on ne le voit même plus. Avec sa merveilleuse aisance ambulatoire, «Simple As That» renvoie directement au Velvet, car ils jouent ça la dépouille de Lou Reed. Petko scie plus d’un tronc et descend les vallées de son immense Jargon. Ça se corse encore en B avec «Grapeland (I’m Getting Sick)», violemment gratté à l’énergie du MC5. Petko et ses amis renouent avec l’énergie du Grande Ballroom, ils sortent la meilleure des attaques, ils vont vite et bien et Doug Gillard part en virée psyché en pleine cavalcade, alors forcément, ça sidère. Dans «Sexual Dreaming» Petko déclare : «I got to stop/ Sexual Dreaming». Le grand Doug Gillard nous infecte ça à coups de virées intestines. Petko étale ses whaooouh à la surface du groove, un peu dans le style de ce que fait John Lennon dans «Cold Turkey». Ils bouclent cet album captivant avec «Couldn’t Forget ‘Bout That (One Item)», un very big atmospherix. Dans ses moments de rage, Petko sonne comme Jim Morrison, il s’envole dans le taffetas des riffs du bout de la nuit. On a là un thème mélodique imparable doublé d’une atmosphère grandiose qui rappelle Adorable, ne serait-ce que par le côté brillant du dépôt de voix sur l’aile du désir. Là où Petko fait la différence, c’est quand il emmène sa chanson loin dans la démesure. Il la ravive et l’anime indéfiniment, And I got up to there.

Paraît l’année suivante un sacré beau brin de mini-album, Laughing In The Face Of A Dead Man. Pourquoi ce groupe n’a pas explosé comme un pétard dans la bouche d’un crapaud, on ne le saura jamais. On a là un rock extrêmement agité, bardé de son, avec de jolis échos de stonesy, joué au panache clevelandais, très désordonné, littéralement emmené à la force du poignet : bref, tout ce qu’on peut aimer dans le rock. Dans «Blood & Shaving Cream», on a tout le dépenaillé de braguette ouverte qu’on peut espérer. On retrouve en B l’énorme présence vocale de Petko dès «The Set Up (Of Madame Sosostris)». Ces mecs n’en finissent plus d’éclairer l’underground. Ils ont du répondant à revendre. Même chose avec «Yellow Fever», Petko n’en finit plus de ramener sa petite niaque clevelandaise - I’m so/ Sick sick sick.

Ils reviennent avec un nom d’album à coucher dehors : Where The Women Wear The Glory And The Men Wear The Pants. Ça saute à la gueule dès «Harlequin Tragedy». Petko en impose dès le git go. Il ramène sa fraise épique et bien enlevée et sort du cut vainqueur, avec un éblouissant final d’exaction mercuriale. Imbattable. Avec «Good Friday», ils sonnent presque comme les Damned - C’mon round ! - L’autre énormité de cet album se niche au bout de la B : «Blood Creek» : en voilà encore un chargé de son comme une mule, dira le voisin à sa fenêtre - We are/ Going to/ Blood Creek/ baby ! - C’est du rock décidé et sans compromission, une belle viande lardée d’intrusions, les deux guitares surjouent à la mortadelle du cheval blanc d’Henri IV, pas de tergiverse sur le Pont des Arts, ça swingue et ça avance. Petko chauffe son rock avec toute l’énergie clevelandaise - Blood Creek/ Put your hands/ Into the wa/ Ter ! - Dire que tout est bon sur cet album serait un euphémisme. On ne se lasse pas de la présence d’un tel son ni du panache d’un tel Petko. «Lucky Day (Lost My Pride)» sonne si américain. C’est extrêmement travaillé au corps. Avec «Monkey Face», ils trempent dans le Detroit Sound malevolent - You’re so evil - Comme Jagger qui ne supportait pas the man on the radio, Pekto ne supporte pas qu’on vienne lui raconter n’importe quoi on the TV et justement, il part en sucette jaggerienne d’I’m a monkey, et on assiste médusé à une fabuleuse sortie de route - Evil monkey/ Monkey evil ! - Et ça repart de plus belle en B avec «Savior City». Qui aurait pu se douter que l’album était aussi bon ? Petko pose encore une fois sa voix sur un admirable slab de rock, il cale bien son wording sur le beat d’acier bleu du midwest - No one seems to really care/ Baby/ What you’re talking about - Et ça continue avec «Start Through It Now» - We’re gonna have some fun tonite - Il faut dire que Doug Gillard joue comme un dieu. Il reste en effervescence permanente.

Pour leur ultime album, Petko et ses amis vont s’amuser à sonner comme les Dolls. Come All Ye Faithless va tout seul sur l’île déserte. En effet, trois cuts sonnent too much too soon, à commencer par «Geisha Girl» - Geisha Girl get in my Chevrolet/ We’ll make love the American way - Spectaculaire beau et sexy, comme les hits des Dolls. Tout y est, l’énergie du déroulé, les coups de cuivres et le bouquet final digne de Johansen. Même chose avec «Looking For A Face», fantastique déballage de rock samanthy - And we both know/ We’re looking for a face - Ce n’est pas le Looking for a kiss des Dolls, mais tout juste, car flamboyant et comme emporté. Ils remettent ça en B avec un «Machine Language» magnifiquement riffé. Doug et Petko se livrent à une sorte de carnage guitaristique de la pire espèce et on a toujours ce chant héroïque monté au dessus de la mêlée. Petko repart ensuite dans l’un de ces immenses balladifs crépusculaires dont il a le secret, «Oh Laughter». Ça s’étend à l’infini. Il est d’ailleurs l’un des grands specialistes de ce genre d’évasion. Avec «New Soldier/New Sailor», il raconte une nouvelle histoire d’amour, mais il ne traite jamais ça deux fois de la même façon, il trouve chaque fois un nouvel angle - You know and I say/ That we’re both big nothings - Et voilà qu’avec «Come To Me», il sonne exactement comme le Jim Morrison de «When The Music’s Over». Il chante à la supplique de la vint-cinquième heure. Ce mec reste tendu de bout en bout. Quel chantre de la désespérance relationnelle ! Il clame tout à la clameur de la chandeleur.

Signé : Cazengler, cobra cassé

Cobra Verde. Viva La Muerte. Scat Records 1994

Cobra Verde. Egomania (Love Songs). Scat Records 1997

Cobra Verde. Nightlife. Motel Records 1999

Cobra Verde. Easy Listening. Muscle Tone Records 2003

Cobra Verde. Copycat Killers. Scat Records 2005

Cobra Verde. Haven’t Slept All Year. Scat Records 2008

Sweet Apple. Love & Desperation. Tee Pee Records 2009

Sweet Apple. The Golden Age Of Glitter. Tee Pee Records 2014

Sweet Apple. Sing The Night In Sorrow. Tee Pee Records 2017

Death Of Samantha. Strungout On Jargon. Homestead Records 1985

Death Of Samantha. Laughing In The Face Of A Dead Man. Homestead Records 1986

Death Of Samantha. Where The Women Wear The Glory And The Men Wear The Pants. Homestead Records 1988

Death Of Samantha. Come All Ye Faithless. Homestead Records 1989

 

Laughter ne rigole plus

 

Perdu dans l’océan des groupes garagindés américains, il y avait ce groupe au nom rêveur, Love As Laughter. Remember ? Spin qui fut dans les années 90 le canard référentiel en la matière disait le plus grand bien de ce groupe et donc on suivait les recommandations de Spin.

Love As Laughter se distinguait des autres groupes garagindés par un côté expérimentateur qui n’était pas sans rappeler l’early Sonic Youth. Bon, ça pouvait engendrer quelques malentendus, mais au fond, ce n’était pas si grave. Comme beaucoup d’autres pêcheurs, Sam Jayne et ses amis cherchaient le chemin de la rédemption. Il se peut d’ailleurs que Sam Jayne l’ait trouvé, car en cassant sa pipe en bois, il est monté tout droit au paradis.

Il ne nous reste pas que nos yeux pour pleureur. Sam Jayne laisse aussi cinq albums extrêmement intéressants qui au temps de leur parution furent toujours salués dans une certaine presse. Avec son air de ne vouloir toucher à rien et sa chemise à carreaux, Sam Jayne était capable de coups de génie. On en trouvait deux sur ce premier album si difficile à trouver à l’époque, The Greks Bring Gifts. À commencer par l’incroyable «Singing Sores Make Perfect Swords», cette heavy oh so heavy Beautiful Song tartinée au riff de plomb, cette rengaine d’une beauté béatifiante plongée dans le meilleur vinaigre d’Amérique, ces mecs développaient un climax mélodique digne des grandes heures du Duc de Mercury Rev. C’est un Sores qu’il faut saluer. L’autre merveille de cet album s’appelle «Half Assed». Sam Jayne chante à l’anglaise, maybe I’m half to be, mais il le fait de manière seigneuriale, comme s’il avait grandi en Franche-Comté en 1210. Et voilà qu’il part à dada avec «Eeyore Crush It». En sortant son dada flush, il frise l’excellence inversée, il va loin dans le cat cat cat, il a du dada plein la disette, c’est fabuleux de non-sens. Du coup, il devient éminemment sympathique. Et ce n’est pas fini, il dispose de ressources insoupçonnables, comme le montre encore «If I Ever Need Someone Like You». Il va là où le vent le porte. Il nous fait le coup du balladif d’arpèges magiques, tu veux du by one ? Il est là. Sers-toi. Les LAL, comme les appellent les journalistes, cultivent aussi la démesure, comme le montre l’«It’s Only Lena» d’ouverture de bal. C’est sur-saturé de son et Sam Jayne chante en plein cœur de tout ce bordel. Par contre, ils ont pas mal de cuts invertébrés qui n’avaient aucune chance d’atteindre le rivage. Le rock indé introverti était insupportable. Les marchands classaient Love As Laughter dans le bac du garagindé, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec ça. Ils s’apparentaient plus à une sorte de mouvance dada paumée, enfin disons qu’ils affichaient clairement leur mépris des conventions. Comment pouvait-on écouter des trucs comme «Uninvited Trumpets» ou «Next Time You Fall Apart» à l’époque ? Ces cuts invertébrés n’avaient aucune chance. Mais on s’extasiait encore de «High Noon». Sam Jayne devenait une sorte de fabuleux essayiste, il testait des idées de son à mains nues avec de l’harmo et du gratté d’acou, alors on lui accordait du temps.

Deux ans plus tard, les LAL réapparaissaient avec #1 USA, un album dramatiquement privé d’information. Le packaging du CD est réduit à sa plus simple expression. Merci K. Ça veut dire en clair : débrouille-toi avec les chansons. Il faut attendre «Fever» pour retrouver la heavy disto de Sores. Et en plus Sam Jayne chante ça à la dégueulante maximaliste. Il est capable d’excès terribles, il faut entendre ses hoquets de dégueulade et cette guitare qui s’étrangle dans le prurit. Sur cet album, il rend deux hommages superbes : le premier aux Stones avec «Pudget Sound Station», un rumble de Stonesy drivé d’une main de fer, le deuxième au Velvet avec «I Am A Bee», gratté au no way out, et là il explose littéralement le fantôme du Velvet, il drive ça de main de maître. Il fait aussi un heartbreaking Blues avec «Slow Blues Fever». Sam Jayne sait allumer la gueule d’un heavy blues, pas de problème. Il propose aussi un «California Dreaming» ravagé par les vinaigres. C’est violent et sans espoir. Ces mecs jouent dans une sorte de dimension supérieure. Le «Old Gold» d’ouverture de bal est assez révélateur. Ils drivent ça comme on drivait les choses à l’époque, au riffing féroce. D’ailleurs, ils grattent pas mal de cuts sans peur et sans reproche. Ils étaient les chevaliers Bayard des années 90.

Ils débarquent sur Sub Pop en 1999 pour Destination 2000. C’est leur album le plus connu et sans doute celui qui s’est le mieux vendu. Dès le «Stay Out Of Jail», on sent les chevaux vapeur, comme dirait Lavoisier. Mais il faut attendre «On The Run» pour retrouver l’ampleur compositale de Sam Jayne. Il nous sort là les power-chords de la romantica et retrouve sa couronne de roi des Beautiful Songs. Puis il passe à son autre marotte, qui est celle des énormités, avec le morceau titre, joué à la ferveur du chaos, un cut bardé de tout le barda du régiment, il gave ses cuts de son et développe des puissances incontrôlables, et boom, voilà que ça explose dans un final dément avec du piano et des cascades du Niagara dans les sous-couches. C’est stupéfiant ! Sam et son gang repartent à l’assaut du ciel avec «Stakes Avenue», ils deviennent passionnants, ils créent leur monde à coups de douches froides et montrent d’excellentes dispositions au power. En prime, Sam Jayne screame son ass out. Nouveau shoot de Stonesy avec «Statuette». Ils ont du répondant à revendre et ils savent lester un cut de plomb. Quel power ! Nouveau prodige avec «Freedom Cop». Sam Jayne arrose son délire de délire, il n’en finit de montrer des dispositions à tout, il fait même du distodada. Quelle singulière aventure que cet album ! Voilà un nouvel épisode avec «Demon Contacts», un mélopif de type Sister Morphine. C’est exactement la même ambiance - Are you sick of fucking your life - Même délire que When are you coming round, Sam the charm jette tout son pathos dans la balance et pour ça, cet enfoiré a la main lourde. Quel stupéfiant power de la mainmise ! Il explose tout. Les tenants fondent dans la graisse des aboutissants. Merci de ne pas prendre Sam Jayne pour un branleur. Il termine son album avec le big surge de «Body Double», au no way out. C’est le côté Sam de Sam, il peut lui exploser la gueule si l’envie lui en prend. En attendant, c’est bardé de gaga à gogo. Il faut aussi le voir amener son «Margaritas» au run down de mec qui va tomber à la renverse. Belle potée aux choux. Ça sonnerait presque comme un hit tellement c’est parfait.

On reste dans les gros disks énergétiques de Sub Pop avec Sea To Shining Sea paru en 2001. On y va de bon cœur car comme Nash Kato dans Urge Overkill ou encore Greg Dulli dans Afghan Whigs, ce mec Jayne a un truc. Son «Coast To Coast» d’ouverture de bal est dévastateur. On comprend qu’ils aient pu se bâtir une grosse réputation. En plus, ça sent bon les drogues. Sam Jayne chante son «Temptation Island» à la petite précipitation. Il cherche le train wreck et chante comme une folle échappée de l’asile. Il entre dans le territoire des énormités avec «Sam Jayne = Dead», un cut terriblement précurseur. Il sonne exactement comme Neil Young dans le Gold Rush - Shoot me in the hand man - Il demande à l’autre de lui faire un shoot dans la pogne alors bienvenue dans le délire de LAL, dans ce fabuleux shake de druggy motion. Monstrueuse dérive ! Il revient à l’experiment avec «Put It Together» et 8 minutes de blast all over, il colle tous les morceaux au plafond d’un rock acrobatique. C’est le rock de Jayne, Sam, mais en même temps il faut suivre. Et puis avec «Miss Direction», il bascule dans le Dylanex. Il est le boss du disk. Et voilà revenu le temps des cerises avec «Druggachusetts». Wow, ça sent bon la titube. Il mise sur sa connaissance des gouffres et ça passe par des excès, il sature ça de solos clairs et nous entraîne dans sa misère psychologique. C’est explosif et beau à la fois, mais d’une beauté plombée comme peut l’être celle de Syd Barrett. Il fait une fois de plus exploser son cut en lui enfonçant un pétard dans le cul. Et ça continue avec «French Heroin», explosif d’entrée de jeu, allumé aux accords de white heat, incroyable renversement des réacteurs abdominaux, le cut explose dans l’œuf du serpent, c’est violent, vraiment digne du Velvet. Sam Jayne a du génie, qu’on se le dise. Il faut le voir allumer sans fin son «French Heroin», il vise la fin des limites qu’on appelle aussi l’infinitude et chante à la clameur fatale de la vingt-cinquième heure. Ses morceaux longs ne tiennent que par l’intensité de la fournaise, comme ceux de Lou Reed au temps du Velvet. Il faut le voir se jeter dans le combat. Beautiful loser.

Le dernier album de LAL date de 2005 et s’appelle Laughter’s Fifth. On y dénombre pas moins de trois coups de génie, pas mal pour un groupe underground, non ? Avec «Every Midnight Song», il repasse un contrat avec la heavyness. Son truc à trac, c’est le big atmospherix. Alors voilà une belle tempête de sonic trash demented. Sam Jayne redevient le temps d’un cut le prince des ténèbres et du débordement. Il se montre encore extrêmement passionnant avec «I’m A Ghost». Il a des idées de son et entre vite dans le vif du sujet. Il drive son power surge dans une madness de ponts audacieux comme pas deux et ça explose de bonheur, aw comme ce mec est doué. Il joue sur les alternances avec du fruit dans le son. Avec «Pulsar Radio», ils se prennent pour les Spacemen 3, puisque c’est amené à l’orgue des drogues. L’ambiance évoque une fois encore le Velvet, Sam Jayne hurle dans le chaos spongieux et là tu vois défiler toute l’histoire du rock, mêlée à son désespoir et à ses tempêtes. Sam Jayne bat bien des records de puissance. Il peut aussi faire son Neil Young comme le montre «An Amber» et tremper son biscuit dans le Crazy Horse, comme le montre «Survivors», mais quand il le faut, il sait ramener des paquets de mer. Il ramène même du Tonnerre de Brest dans «Fool Worship Fool Worship». il claque sa pop-rock sur une guitare rouillée et cultive l’effervescence.

Signé : Cazengler, torve as laughter

Sam Jayne. Disparu le 15 décembre 2020

Love As Laughter. The Greks Bring Gifts. K 1996

Love As Laughter. #1 USA. K 1998

Love As Laughter. Destination 2000. Sub Pop 1999

Love As Laughter. Sea To Shining Sea. Sub Pop 2001

Love As Laughter. Laughter’s Fifth. Sub Pop 2005

 

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Les temps ne sont pas roses pour les groupes. Une année épineuse pour tout le monde. Les avoir privés de concerts c'est comme leur avoir ôté leur raison d'être. En attendant la reprise chacun s'est organisé selon ses moyens. Certains ont sorti un disque, d'autres se sont rabattus sur les radios, on a tourné des clips, on a jammé entre copains, on a joué live devant un public absent calfeutré chez lui derrière l'écran de son ordinateur... bien sûr il y a eu des concerts sauvages de-ci de-là, mais il vaut mieux ne pas ébruiter... Big Brother is hearing you.

Rita Rose est un groupe de reprises, AC / DC, Stones, Pixies, Steppenwolf, des gens que l'on imagine jeter leur dévolu plus facilement sur Guns N' Roses que Les Roses Blanches de Berthe Sylva. A défaut de scènes se sont réunis exactly au DGD Music Studio, et là l'idée leur est venue qu'au lieu de transplanter les boutures déjà existantes ils pourraient créer comme dans le roman d'Alexandre Dumas leur propre tulipe noire. N'ont pas l'âme commerciale, ils ne vendent rien et on ne les achète pas, donc ils l'ont laissé en accès libre et chacun peut la cueillir à sa guise.

TOMORROW MAYBE

RITA ROSE

( Clip / YT )

Chant : Dénis / Guitare : Eric Coudrais / Guitare : Manu Doucy / Basse : Jean-Claude Aubry / Batterie : Michel Dutot.

Quand on a lu dans le paragraphe précédent leur goût pour les reprises hot, l'on est sûr qu'ils vont extirper triomphalement de leur hotte une espèce de hot-rod brûlant dégoulinant de bruit et de fureur, pas du tout, z'ont opté pour la douceur et la nostalgie, une ballade électrique, qui vous emmène doucement en balade, vous prend par la main et vous entraîne sur un sentier tapissé de pétales de roses. Malheureux vous marchez les yeux fermés sur la sente des vipères. Ce Dénis, quel enchanteur, une voix qui coule comme de l'eau pure. N'y buvez pas elle est empoisonnée. Ensorcelante, cascade comme du kaolin sur le verre de vos artères, vous mène par le bout des oreilles, vous emplit le cœur de mélancolie, vous phagocyte la mémoire de souvenirs beaux comme hier, les guitares glissent et la batterie vous attire plus qu'elle ne vous pousse, demain le monde sera plus beau et la nuit s'évapore et l'aube se lève, Rita vous passe exactement le film que vous vous tournez dans votre tête, méfiez-vous des magiciens, ils pétrissent à votre guise la gangue de vos émotions, vous emportent sur les tapis volants des rêves vertigineux d'innocence, et vous suivez la route que l'on vous trace, plus vous avancez plus vous retournez vers le néant du passé et vous vous croyez en partance pour un futur radieux, mais c'est la fin, un susurrement de langue d'aspic et le doute s'installe en vous pour toujours. Seriez-vous cette abeille enivrée dans le calice refermée d'une rose carnivore. Peut-être.

Maintenant que vous avez rouvert les yeux, vous vous apercevez qu'ils sont plus cruels que vous ne l'imaginiez, le clip est empli d'images muettes et remuantes des concerts d'avant...

Damie Chad.

 

LEE O' NELL BLUES GANG

 

Bien avant le temps de la prohibition les vieux bluesmen ne voyageaient pas de ville en ville les mains dans les poches, bien sûr se dépatouillaient pour porter leur guitare, mais la plupart n'oubliaient jamais de se munir de leur assurance tous risques, rien de mieux qu'un calibre en état de marche pour faire son chemin dans la vie. Les temps étaient durs, il était nécessaire de savoir se défendre contre les aigrefins de toutes espèces avec des arguments convaincants. L'association des mots blues et gang s'avère historialement correcte, reste encore à savoir qui se cache derrière cette redoutable association.

Sont français. Cette précision ne relève d'aucun chauvinisme, simplement le fait que l'on peut être amené à les rencontrer au hasard de nos pérégrinations. Respirons, ne sont que deux. Pas beaucoup, mais pensons au gang Barrow plus connus sous le nom de Bonnie and Clyde, justement, sont bâtis sur le même modèle, un couple, aussi venimeux qu'une paire de crotales qui auraient élu domicile dans une de vos bottes ( voir la Mine de l'allemand perdue de Blue Berry ), donc un gars Lionel Wernert et une gerce Gipsy Bacuet. Pas des tendrons de la dernière couvée, citer la liste des mauvais coups auxquels au sein de diverses formations ils se sont livrés, soit séparément, soit ensemble, serait trop long. Ils ont fini par se faire repérer, l'agence Bluekerton de la revue Soul Bag les tient à l'œil. En ces temps covidiques ils ont réussi un gros coup, ils ont sorti en décembre 2020 un album Shades of Love, en cette occasion a éclaté au grand jour les ramifications secrètes de leur influence occulte, notamment leur amitié avec Fred Chapelier, une sommité du blues ( blanc rouge ).

WALKING BY MYSELF ( YT )

Vocal : Gipsy Bacuet, Leadfoot Rivet, Fred Chapelier, Neal Walden Black / Guitars : Lionel Werner, Fred Chapelier / Slide : Neal Walden Black / / Drums : Jonathan Thillot / Bass : Philippe Dandrimont / Keys : François Barisaux

Walking by myself because Jimmy Rogers a longtemps été dans l'orchestre de Muddy Waters, vous le chante d'ailleurs assez gentiment sur une rythmique qui musarde doucettement, notre gang le commence comme finissaient les morceaux de musique dans l'antiquité, tous les instruments ensemble en une espèce d'apocalypse sonore, puristes du blues ne criez pas au scandale, le balancement de gondole vénitienne particulier à la zique bleue, il arrive très vite, prenez cette expression au pied de la lettre, sur une espèce d'aircraft électrisé qui fonce droit devant sans se poser de question sur la métaphysique du blues, la Gipsy elle n'aime pas que les gars se reposent, vous envoie le vocal à la batte de baseball et chacun essaie ( et réussit ) de rester sur le même diapason, deux solo de corrida et des lyrics à la rasetta entre les cornes du taureau impulsif. C'est du rapide et ça se déguste, donc il faut réécouter septante sep fois. Avis personnel : ne vous laissez pas happer par les photos réalisées lors de l'enregistrement, elles mangent votre attention et vous empêchent de vous plonger dans la musique, qui vous attend gueule ouverte style les dents de la mer.

ALONE ( YT )

( Official Music Video )

Vocal : Gipsy Bacuet / Guitars : Lionel Werner, Fred Chapelier / Drums : Jonathan Thillot / Bass : Philippe Dandrimont / Keys : François Barisaux

Tout ce que vous n'avez pas eu le temps de goûter à sa juste valeur dans le morceau précédent, Alone vous le permet, les images bistres suivent les musiciens de près, les doigts sur les guitares et le bonheur dans la prise. Ne chôment pas pour autant, mais Gipsy a dosé un entrefilet de jazz dans sa manière distinguée de dispatcher les syllabes, elle n'essaie pas d'arriver la première, elle pousse vers le haut, du coup les guitares prennent de l'altitude et deviennent aériennes. Ici la rythmique ne joue pas à la terre brûlée, rapide et relax en même temps, Lionel et Fred se tirent la bourre de la fraternité, montrent ce qu' ils savent faire, mais sans esbroufe, pas à la m'as-tu-vu-je-te-tue, ils distillent leur style félin flexible sur les fusibles, un régal.

DIFFERENT SHADES OF LOVE ( YT )

( Live / La Scène / Sens / Octobre 2020 )

( Organisé par l'association Red & Blue 606 )

Vocal : Gipsy Bacuet / Guitars : Lionel Werner / Drums : Jonathan Thillot / Bass : Philippe Dandrimont / Keys : François Barisaux

Blues, soul, rock, tout ce que vous voulez, les gars ont une chanteuse avec eux, alors ils la servent, la gâtent, sont à ses petits soins, pas un qui essaie de tirer la couverture à soi, mais sans cesse un petit yoyo à lui refiler sous chaque intonation, l'air de rien, sans démonstration, juste de temps en temps un petit sourire satisfait car tout baigne, z'auraient d'ailleurs tort d'essayer de se pousser devant, car Gipsy elle survole, l'épeire qui danse dans le soleil de l'aurore sur la toile perlée de rosée, une équilibriste, une funambule, n'a pas le vocal bancal, elle hausse à peine le ton et le monde change de couleur, n'en fait jamais trop, une simplicité renversante, vous donne l'impression qu'elle lit à mi-voix la liste des commissions, mais avec une aisance, un tact et une classe infinis. Le tout sans la froideur de la perfection, sans ostentation, infiniment naturelle.

Damie Chad.

 

BURRIED MEMORIES

ACROSS THE DIVIDE

( Clip / YT / 04 – 04 -2021 )

 

Dans notre livraison 497 du 11 / 02 / 2021 nous présentions Disaray le dernier CD de Across The Divide, nous en avions profité pour évoquer certaines vidéos reprenant certains titres de l'album. Au début du mois est parue une nouvelle vidéo de Regan MacGowan illustrant le deuxième titre de cet opus, que nous avons beaucoup apprécié, un artefact soigné tant au niveau esthétique que musical.

Le clip est à l'image de Across The Divide, un objet fini qui se suffit à lui-même qui de surcroit est facile à appréhender puisqu'il est loin d'atteindre les cinq minutes. De belles prises de vue, un bon son, d'une lecture agréable et facile. Apparemment une situation idyllique, le groupe en pleine nature interprétant une de ses dernières œuvres. La face claire des phénomènes. Cette dernière phrase induit qu'elle coexiste avec une face plus sombre.

Nous n'en dirons pas plus ne voulant pas davantage effleurer le contenu de cette chose. La chose diffère de l'objet, si l'objet relève du mental, la chose participe du mystère de sa propre présence. L'esprit ne l'a pas scannée. Elle fait encore partie de l'informe, du mystérieux, du menaçant, ce n'est pas qu'elle serait non humaine, c'est qu'elle est a-humaine. D'une nature autre. A vous de regarder ce clip. Pas uniquement du début à la fin. De d'avant le début à après la fin. Sachez voir. Ensuite vous êtes libre de l'interprétation. Quand on raconte une histoire, l'on n'est pas obligé de tout dire, à vous d'interpréter les indices. De monter votre propre scénario. A partir de vos malaises et de vos angoisses, et de la réalité dans laquelle vous évoluez.

Ce clip est une merveilleuse réussite, une clef qui s'adapte à de nombreuses serrures. Choisissez la porte qui vous correspond. Celle d'ivoire ou celle d'ébène.

Damie Chad.

 

TROIS CARTOUCHES POUR

LA SAINT-INNOCENT

MICHEL EMBARECK

( L'Archipel / Mars 2021 )

 

Fût-il aristocrate Michel Embareck pourrait se vanter d'avoir des ancêtres qui auraient participé à la première croisade, ceci pour vous dire que notre homme possède ses quartiers de noblesse rock, n'était-il pas une des plumes des plus talentueuses qui en des temps anciens s'illustrèrent dans la revue Best. Si le nom de ce magazine ne vous dit rien c'est que vous êtes jeunes, ce qui n'est pas, je vous rassure, une tare rédhibitoire... Depuis Michel Embareck a publié une bonne trentaine d'ouvrages, nous avons déjà chroniqué en ce blog-rock Jim Morrison et le diable boîteux ( livraison 322 du 29 / 03 / 17 ) et Bob Dylan et le rôdeur de minuit ( livraison 361 du 15 / 02 18 ), le voici qui revient parmi nous avec un roman, qualifié selon sa couverture, de noir. Evitez les raccourcis dangereux, noir ne signifie pas policier.

Certes vous avez un cadavre en ouverture, dès le premier chapitre, mais ce n'est pas le bon, celui-là s'apparente à un cadeau Bonux, circulez il n'y a rien à voir, très vite nous tenons l'assassin, une femme ( elles sont dangereuses ), inutile d'endosser votre chapeau à la Sherlock et de vous munir d'une loupe pour les indices. L'Embareck ne vous laisse pas dans l'embarras, nous refile son nom et nous signale qu'elle a depuis longtemps été jugée et qu'elle a purgé sa peine. Ce n'est pas non plus une serial killer qui aurait avoué un meurtre pour mieux faire silence sur les soixante autres bonshommes qu'elle aurait précédemment occis sans que nul ne la soupçonne. Bref le livre commence alors que l'histoire est terminée, je n'ose pas écrire morte et enterrée.

La victime est aussi au fond du trou. Un gars sympa, un blouson noir – chez Kr'tnt cela équivaut à un certificat de bonne conduite - un bosseur, certes il tapait peut-être sur sa femme – c'est elle qui le dit – mais qui en ce bas-monde n'a pas ses petits défauts... Elle devait bien aimer ça puisqu'elle s'était mariée avec lui.

Donc Michel Embareck rouvre l'enquête. Pourquoi pas. Toutefois quelques détails nous interpellent quant à cette démarche. Premièrement, il ne fait pas cela au grand jour, se déguise en journaliste, pour brouiller les pistes, pour qu'on ne le reconnaisse pas, lui l'amateur émérite de rock'n'roll, il s'adjuge le nom d'un musicien classique : Wagner. Deuxièmement : il nous tend un piège, file au lecteur un détail foireux à se mettre sous la dent. Dans quel ordre ont été tirées les trois bastos qui ont envoyé l'innocent trucidé ad patres ? Non il n' y a pas de troisièmement. Notre perspicacité nous permet dès maintenant de vous filer la véritable identité du meurtrier. Ne poussez pas des oh de stupéfaction ou d'indignation en l'apprenant. Nous fournirons les preuves et les terribles révélations qui marchent avec, dès la fin de ce paragraphe. Tiens, il est fini.

Le criminel c'est... Michel Embareck ! Mais enfin Damie tu dérailles, n'est-ce pas Jeanne Moreau – pas l'actrice, l'autre – qui s'est dénoncée elle-même à la gendarmerie, z'oui âme naïve, mais c'est Michel Embareck qui a créé le personnage de Jeanne et l'assassinat de son mari. Il en est donc pleinement responsable. L'auteur du crime, c'est lui. Mais ce n'est pas tout. Ce n'est qu'un début. Assez médiocre quand on connaît la suite. Ne jetons pas la pierre sur Michel Embareck, ce n'est pas de sa faute, l'a sans doute été atteint du terrible syndrome du tigre altéré de sang. Mangeur d'hommes. Et de femmes. ( Soyons respectueux de la parité ).

Un peu la problématique de la carabine. Si elle ne tire qu'un coup et si vous attrapez un coup de sang, vous ne tuez qu'une seule personne. A répétition, c'est le carnage. L'aurait dû intituler son book, ''Midnight rambler sur piste sanglante'', au long de son enquête l'Embareck wagnérien, il ne s'économise pas, vous offre la tétralogie in extenso, Crépuscule des Dieux compris avec embrasement final terminator. Méfiez-vous si vous ouvrez le bouquin, attention aux balles perdues, parce que l'Embareck en colère ne respecte personne, l'est prêt à abattre son lecteur ( et même sa lectrice ) sans sommation si sa figure ne lui revient pas. Non, n'ayez pas peur, il ne dum-dumise pas au fusil à cinq balles mais à symboles. Plus il avance dans son enquête plus notre confiance en nos institutions s'estompe. N'épargne aucune de nos vaches sacrées. Remonte le troupeau jusqu'au vacher en chef. Un crime peut en cacher un autre.

Attention dear kr'tntreaders, ne vous précipitez pas sur une courageuse lettre anonyme pour dénoncer aux autorités la malfaisance anarchisante de cet ignoble individu qui répond au nom de Michel Embareck, c'est que pour le moment nous n'avons traité que le roman. L'intrigue romanesque si vous préférez. Le plus dur reste à venir. On vous a avertis, c'est noir. Très noir. Non, pas tout à fait le noir anarchie. Plutôt le noir opaque. L'est comme cela l'Embareck vous raconte une petite histoire de rien du tout. Une bonne femme qui se débarrasse de son mari. Ça ne va pas chercher loin. Vingt ans maximum. ( Vingt ans pour avoir tué un blouson noir, perso je lui en aurais filé quarante et l'on n'en parlait plus. ) Le malheur c'est qu'à partir de ce fait divers, Michel Embareck vous fait visiter les sept cercles de l'Enfer de Dante.

Depuis la Divine Comédie les choses ont bien changé, l'Enfer n'est plus en Enfer, s'est déplacé, l'est partout, ses tentacules ont envahi le Purgatoire et le Paradis. Ce ne sont plus les morts qui occupent l'Enfer mais les vivants comme vous et moi qui y résidons. Vous pensez que j'exagère, que je dépeins l'existence terrestre sous une couleur un peu trop sombre. Vous avez totalement raison. C'est plus que sombre, c'est noir. ( Cf la couverture ).

Michel Embareck se gausse tel un gosse, il laisse traîner le fil de l'intrigue et vous vous amusez à le tirer. C'est idiot parce que c'était le cordon du bâton de dynamite qui vous explose à la figure. Ah ! vous croyiez être dans un livre policier, erreur sur toutes les lignes, Embareck vous a embarqué dans un essai politique. Philosophiquement parlant traduisons par : Marx a remis la dialectique de Hegel sur ses pieds. Les crimes ne sont que le miroir de notre société. Si vous inversez la phrase cela donne : notre société est criminelle.

Imaginons que vous soyez de bonne composition. D'accord Damie, Michel Embareck n'a pas tout à fait tort, plus on monte dans la pyramide, moins c'est beau. Vous vous rendez à la raison, oui dear lector avec Embareck l'on part de la mésentente d'un couple pour se retrouver tout en haut, nous l'avons déjà dit, mais en reconnaissant cela vous n'aurez fait que la petite moitié du chemin. En fait vous vous débrouillez pour ressortir de cette histoire ( noire ) blanc ou blanche comme neige, ce n'est pas moi, c'est les autres. Ben non ! vous démontre Embareck que vous aussi ( pas tous, beaucoup d'élus mais peu qui refusent de céder à l'appel trompeur ) vous marchez dans les entourloupes, pardon vous y courez, vous y galopez ventre à terre, car vous êtes totalement manipulés par les instances politiques, médiatiques et marchandiques, elles ont bien compris que vous ne croyez plus en leur combine, alors elles vous préparent et vous proposent la contre-combine, voire l'anti-combine, pour soi-disant esquiver la première, mais qui dans les faits se révèlent encore plus piégeuses. Ce n'est pas de votre faute, c'est que vous êtes bêtes.

Pas moi ! Pas moi ! tout ça c'est de la théorie de l'emberlificotage, vous écriez-vous, alors Michel Embareck qui est très gentil, vous plonge le nez dans votre caca, au moins vous n'êtes pas dépaysé, vous parle du quotidien dans lequel vous tracez votre route, et c'est-là qu'il décanille sec, vous ouvre les yeux, vous révèle ce que Balzac nommait l'envers de l'histoire contemporaine, vous n'êtes que des marionnettes qui récitez le texte que l'on attend de vous. Vous sciez en toute stupide bonne foi la branche sur laquelle vous êtes assis, vous vous attaquez à ceux qui vous ressemblent mais qui gardent une vision claire de la situation que vous n'êtes plus capable d'appréhender...

Ce n'est pas un livre optimiste. Michel Embareck ne se gêne pas pour crever les baudruches des idées nouvelles qui embrasent les fausses colères des révoltes auto-immunes. Talentueux et jouissif, surtout quand il porte direct la main au saint du sein.

Aux lecteurs innocents, la cervelle pleine ! Distribution gratuite de coups de pied au cul pour les autres. Ce dernier mot s'entend aussi au féminin.

Damie Chad.

 

SURVIVOR

ERIC BURDON

( 1977 )

 

Lead vocals : Eric Burdon / Keyboards : Zoot Money – John Bundrick – Jürgen Fritz / Guitar : Alexis Korner – Frank Diez – Colin Pincott – Geoff Whitehorn – Ken Paris + vocals / Bass : Dave Dover – Steffi Stefan / Drums : Alvin Taylor / Backing vocals : Maggie Bell – P. P. Arnold – Vicky Brown

Une belle pochette due à Jim Newport. Un disque à la croisée des chemins pour Burdon. Ne sait plus trop où il en est. L'aventure War est terminée depuis longtemps mais en 1976 est sorti un album de vieilles bandes, il remonte la pente avec la création d'Eric Burdon Band, les Animals datent de la préhistoire pourtant quelques mois après la sortie de ce Survivor sortira le disque de la re-formation originale et cette aventure parallèle durera pratiquement jusqu'au milieu des eigthies, et il faudra attendre 1980 pour un nouveau disque d'Eric Burdon, preuve que le Survivant n'a pas trop bien survécu son titre fait froid dans le dos : Darkness, darkness... Survivor est enregistré en Angleterre, dans la flopée des musiciens l'on remarque un ami de la première heure Alexis Korner pionnier du blues anglais, mais aussi Alvin Taylor qui participa à Sun Secrets et surtout Zoot Money qui depuis la fin des Animals croise sans cesse la route de Burdon et qui co-signe avec lui huit titres sur dix de l'album Si l'on regarde Survivor avec le recul nécessaire, l'on se rend compte que cet album qui n'a jamais été réédité est bien meilleur que les deux derniers disques des Animals reformés, Ark et Greatest Hits Live, qui de fait apparaissent comme de pâles copies, de tristes tentatives avortées. La comparaison est d'autant plus significative que Zoot Money a participé à l'aventure de ces deux disques animaliers.

Rocky : l'on peut partir d'un principe d'équivalence simple c'est que si Eric Burdon n'est pas au mieux de sa forme, c'est que le rock'n'roll a perdu son innocence, certains lecteurs tiqueront, en 77 le punk lui file un sacré coup de pied au fesse au vieux rocky des familles, c'est une époque explosive et séminale, certes mais quand on y réfléchit le Burdon est devenu un has been, la jeune génération n'a pas besoin de lui, ne l'attend pas, alors il va leur montrer comment on manie la dynamite, vous empoigne le vocal et ne vous le lâche pas d'un millimètre et derrière ça déménage un max, on dirait que tous les crédités sont présents sur cette séance et ça tourbillonne dans tous les sens, un bon vieux rock'n'roll comme l'en n'en fait plus et Burdon vous le chevauche comme s'il drivait les chevaux de Poseidon dans la tempête et se sert de sa voix comme du trident neptunien pour ébranler les consciences. Sur ce coup vous fout K.O. Au premier round. Woman of the rings : changement d'atmosphère, vous avez eu le rock, voici le blues. Mais un blues comme vous n'en avez jamais entendu. Comme le Led Zeppe n'a jamais eu l'idée, des guitares qui jouent comme des chats écorchés et un clavier qui roucoule comme la colombe poignardée d'Apollinaire, pas besoin de plus, là-dessus Burdon pose ses phrases sans emphase à tel point que les nanas se chargent de craquer l'allumette et l'orchestre s'engage dans le maelström, et c'est à cet instant précis que vous réalisez, maintenant qu'il se tait, l'art de Burdon, le mec qui fait semblant de chanter à moins qu'il ne fasse semblant de parler, funambule sur la ligne de crête. The kid : un sale gamin qui brouille la piste et qui ne se laisse pas écouter. Tomb of the unknown singer : malheureux vous entendez les premiers arpèges et vous pensez être parti pour une ballade de toute coolitude d'un chanteur qui se meurt d'amour, et puis le Burdon l'on dirait qu'il a emprunté la voix écorchée de Dylan, good trip en perspective, d'ailleurs le titre se retrouve sur la compil Good Times, certes mais alors éloignez-vous tout au fond du jardin et écoutez le ramage des petits oiseaux … pour vous donner une idée de comparaison c'est le même scénario que Le chanteur abandonné de Johnny Hallyday mais avec Burdon le loup est entré dans la bergerie, l'a bouffé le Berger, l'a égorgé tous les agneaux et puis s'en est allé pousser sa plainte lugubre à la lune hécatienne, un iceberg de solitude vous tombe dessus, vous ressentez l'incomplétude humaine, ce titre est une invitation baudelairienne au suicide, une pente fatale qui vous happera sans pitié si par hasard vous ne vous sentez pas au mieux de votre forme, un faire-part de la mort qui vous spécifie l'heure de votre rendez-vous au cimetière. Glaçant. Toutes mes condoléances. Famous flames : réchauffons-nous, rythmique guillerette à conter le guilledou à Magie Bell et ses copines, Alvin Taylor bat le beurre mais ce n'est pas du bio, heureusement qu'il y en a qui se défoncent à la guitare, le Burdon rigole tout seul, mais vous avez du mal à participer à la fête, je vous le dis mais le répétez pas, les flammes ne sont pas aussi fameuses que promises, un peu longuet et la gueule du dragon cracheur de feu n'est pas au rendez-vous à l'autre bout de la queue. Hollywood woman : Burdon nous fait son cinéma country : au début ce n'est pas mal, à la suite aussi, c'est dans les refrains qu'il sourit un peu trop fort pour plaire au grand public, les musicos se la donnent, des petites trouvailles de partout, on en oublie le Burdon qui chante un peu trop dans le registre de l'attendu. C'est vrai que l'on ne peut pas être tout le temps Johnny Cash. Surtout si l'on part du principe que c'est une cause perdue. Hook of Holland : un morceau qui accroche qui arrive à point nommé après les deux relâchements précédents, dans la droite ligne du morceau introductif, un feu de bois qui pétille dans la cheminée et qui met le feu à la maison, Burdon est parfait en pyromane, les filles crient pour qu'il vienne les délivrer, mais non, il faut du combustible pour alimenter le feu de joie. Une guitare incendiaire et des chœurs de pompiers heureux du beau brasier qui s'offre à eux. Chaud. Très chaud. I was born to live the blues : le Burdon l'est comme les aristocrates, se souvient qu'il a le sang bleu, voix nue et une guitare dont les cordes sont en boyaux de chat, le vieux classique de Brownie McGhee qui se permettait de le chanter de sa face joviale et épanouie, le vieux renard qui en a trop vu pour ne pas sourire à la vie, le Burdon lui il emmêle ses tripes dans ses cordes vocales de tigre, la dureté de la vie vous cisaille sans pitié, chante comme une lame de guillotine qui tombe sur les condamnés à mort que nous sommes. Highway dealer : rien qu'au titre l'on sent que l'on aime déjà et quand on écoute l'on est subjugué, non ce n'est pas pied au plancher en sens inverse sur l'autoroute ( si un peu quand même ) une ambiance proche de The man sur Stop, avec des guitares qui pètent les mégaphones à la Roadrunner du grand et du beau Bo Diddley, tout le début pue le soufre et l'enfer, le Burdon barrit comme une éléphante dont un car de touristes vient de buter son petit, bref un carnage. Quant au band derrière et devant il déploie plus d'inventivité et de nuances que le Deutches Symphonie-Orchester Berlin quand il était mené par Wilhelm Furtwangler. P. O. Box 500 : poste restante. Pas à perpétuité mais récidiviste. Rien de plus terrible que d'être mis en boîte par un ami ! Burdon en faux-jeton gagnant ! K. O. Boxe. Cinq sens éteints.

Damie Chad.

 

XXXI

ROCKAMBOLESQUES

LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

( Services secrets du rock 'n' rOll )

L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

Lecteurs, ne posez pas de questions,

Voici quelques précisions

 

Suite à notre trentième livraison, nous avons reçu des centaines de lettres de la part des adhérents de la Société Protectrice des Animaux ulcérés nous reprochant l'absence de Molossa et de Molossito dans les évènements dramatiques relatés. Certains nous accusent même d'avoir falsifié notre document. Jamais, affirment-ils nous n'aurions pu sortir vivants de cette aventure sans leur aide précieuse. C'est la vérité vraie, mais les reproches qui nous sont adressés sont particulièrement injustes, ils méconnaissent surtout le génie stratégique du Chef. Il est évident que sans nos canidés nous aurions perdu la partie, mais il ne faut jamais oublier que dans toute attaque il convient d'assurer la protection de la base de repli. Cette besogne souvent ingrate mais nécessaire échut à nos quadrupèdes aguerris. Connaissez-vous quelque chose de plus féroce qu'un chien de garde ? Sinon deux chiens de garde.

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Nous nous retrouvâmes tous dans la cuisine où nous avaient précédé Vince et Ludovic. Ce dernier avait repris des couleurs, des timbales fumantes de café extra-fort nous attendaient, nous en avions besoin pour nous remettre de nos émotions. Les filles auraient bien croqué un petit gâteau sec, mais le Chef s'y opposa :

    • Nous n'en avons pas le temps, nous repartons dans une minute, le temps que l'agent Chad récupère les chiens, et hop tout le monde dans le SUV !

Molossa était sagement assise devant la porte, je remarquai immédiatement l'absence de Molossito, le museau de Molossa se posa comme par inadvertance sur mon jarret gauche, je la fis rentrer avec moi.

    • Chef, sûrement un problème, l'on doit nous épier, et Molossito n'est pas là !

    • Léger changement de programme dit le Chef, Vince, Ludovic, les filles, vous sortez en papotant comme si de rien n'était, vous ne risquez rien, s'ils ne sont pas intervenus c'est qu'ils attendent les ordres, Vince au volant, moteur allumé vous attendez que l'on revienne, l'Agent Chad et moi-même nous allons récupérer Molossito, Charlotte tu prends Molossa dans tes bras quand tu es devant le Suv tu fais semblant de la poser sur le siège arrière mais tu la relâches discrètement, les autres et les portières grande-ouvertes te faciliteront la manœuvre, que notre comité de surveillance ne s'aperçoive de rien, exécution immédiate !

En passant derrière le tronc de l'ormeau, le Chef et moi nous nous engouffrâmes dans une zone d'ombre, Molossa nous rejoignit très vite et nous guida rapidement vers un bosquet, une longue voiture noire stationnait tout feu éteint. Nous nous accroupîmes sans bruit, le Chef alluma un Coronado en faisant attention qu'aucune flamme ne trahisse notre présence.

    • A toi de jouer Molossa !

Elle ne se le fit pas dire deux fois. Trois secondes plus tard elle était sur le capot, grognant, aboyant de toutes ses forces, l'on s'agita dans la voiture, mais des piaillements aigus nous cisaillèrent les oreilles, l'otage Molossito donnait de la voix, la réaction ne se fit pas attendre, une vitre s'abaissa et Molossito fut rapidement éjecté sans ménagement.

    • Cassez-vous les cabots, vous allez nous faire repérer, proféra une voix sourde,

Nous étions tout près je récupérai Molossito au vol, d'un geste vif le Chef balança son Coronado par l'entrebâillement de la vitre, la grosse limousine explosa illico !

Trente secondes plus tard nous plongions dans le SUV que Vince arracha de son immobilité de main de maître. Le Chef nous conseillait d'avoir toujours un Coronado série El dynamitero dans sa poche, ça peut toujours servir, ajoutait-il.

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Vince connaissait la région, il roulait à tombeau ouvert n'hésitant pas à éteindre régulièrement les phares, et changeant systématiquement de direction à chaque croisement. Malgré toutes ces précautions nous ne tardâmes pas à être repérés par un hélicoptère, qui bientôt nous prit carrément en chasse.

    • Décidément l'homme à deux mains n'aime vraiment pas le rock'n'roll soupirai-je !

    • Il n'a pas que deux mains bougonna Vince, il a aussi les moyens !

    • Hum-hum, le Chef toussota, si nous étions d'un optimisme béat nous pourrions dire que ce déploiement de moyens permet de l'identifier à coup sûr, mais comme nous sommes des pessimistes actifs, nous en déduirons que s'il se montre ainsi à visage découvert c'est qu'il est sûr que nous ne profiterons pas longtemps du renseignement qu'il nous a révélé.

    • Ce qui veut dire ? s'enquit Ludovic que l'on sentait dépassé par la cascades d'évènements qui avaient si abruptement bouleversé sa vie...

    • Vous pensez que bientôt nous allons donner du museau en plein dans un barrage proposa Brunette

    • Non, cela ne correspond pas au personnage, le Chef allumait un nouveau Coronado je suppose qu'il emploiera les grands moyens, il reste à deviner lesquels avant qu'il ne se présente

    • Vous avez-vu, ils ont changé d'hélicoptère, celui-ci il porte un long-tube sous lui !

    • Ce n'est pas un long-tube charmante Charline, mais un missile air-sol, à tête chercheuse, Vince arrête-toi tout de suite, sans vouloir t'offenser l'agent Chad s'est déjà trouvé dans de telles circonstances, ce n'est pas qu'il soit meilleur conducteur que toi, mais il connaît les procédures à suivre en de tels cas, que nous pourrions qualifier de dramatiques.

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Je me mis à zigzaguer sur la chaussée, piètre échappatoire, essayant de me rabattre juste devant les rares voitures que je doublais les obligeant à me coller au cul, ralentissant si elles ralentissaient, accélérant si elles accéléraient de telle manière que nous ne formions qu'un seul véhicule et qu'avec un peu de chance le missile s'abattrait sur l'autre conducteur, mais le gars préférait piler net et s'arrêter sur place, je repartais donc à la recherche d'une tête brûlée qui trouverait ce jeu stupide intéressant. Hélas la nationale n'était visitée que par des pleutres. Ces velléités avaient dû inquiéter, car un deuxième hélicoptère vint se ranger à côté du premier, que je sois sur la voie de droite ou de gauche, j'étais toujours dans le viseur de l'un ou de l'autre.

    • Agent Chad nous avons affaire à des coriaces, sans doute auriez-vous intérêt à adopter une autre stratégie !

Comme toujours le Chef avait raison. Ce fut le déclic qui me permit de prendre les bonnes décisions. Pour être risqué, c'était risqué, mais si je réussissais quel magnifique chapitre à ajouter aux Mémoires d'un Génie Supérieur de l'Humanité. Maintenant que nous connaissions l'identité de l'homme à deux mains il aurait été stupide d'échouer si près du but.

    • Chef je vais utiliser une tactique vieille comme le monde, mais qui au cours de l'Histoire a fait ses preuves.

    • Agent Chad, je n'en attendais pas moins de vous !

    • C'est simple Chef, quand l'ennemi est plus fort que vous il convient de l'attaquer sur son point le plus faible !

    • Agent Chad, cela me paraît d'une grande sagesse, je vous laisse faire, pendant que vous vous emploierez à nous défaire de nos ennemis, si cela ne vous dérange pas, je me permettrai, en toute sérénité de fumer un Coronado. Que le rock'n'roll soit avec nous !

A suivre...

10/03/2021

KR'TNT ! 501 : KURT BOETTCHER / JOHN FALLON / MYSTER HUBERT + LITTLE BOB + JOHNNY THUNDERS / / ERIC BURDON AND THE ANIMALS / ROCKAMBOLESQUES XXIV

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

LIVRAISON 501

A ROCKLIT PRODUCTION

SINCE 2009

FB : KR'TNT KR'TNT

11 / 03 / 2021

 

CURT BOETTCHER / JOHN FALLON

MYSTER HUBERT + LITTLE BOB + JOHNNY THUNDERS

ERIC BURDON / ROCKAMBOLESQUES 24

TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/

Boettcher me botte

 

Selon le New York Times, Curt Boettcher naviguait au même niveau que Brian Wilson. Et pourtant, il a réussi l’exploit de tomber dans l’oubli. Des fans ultra-sensibles comme Joe Foster en Angleterre se sont mobilisés pour l’arracher à l’oubli. Les deux albums magiques des Goldebriars ont même été réédités. Curt Boettcher est une sorte de caverne d’Ali-Baba à deux pattes, le Loch Ness de l’underground californien.

L’histoire commence bêtement : Curt rencontre Victoria Williams chez Jim Hendricks qui est à cette époque le mari de Cass Elliot et son collègue dans the Big 3 (un trio vocal à succès dans l’esprit de Peter Paul & Mary). Cass va ensuite devenir Mama Cass. Plutôt que de la questionner sur ses goûts sexuels, Curt demande à Victoria si elle sait chanter en harmonie, une question qui a le don de la charmer. Ils s’installent tous les deux à Hollywood et montent les Summer’s Children, the flower children answer to the Everly Brothers. Des gens comme Van Dyke Parks, Tim Hardin, Glen Campbell et les Association les accompagnent ici et là. Ils papotent avec des voisins notoires comme Frank Zappa ou Henry Vestine. Curt rencontre ensuite Steve Clark qui fait de lui un producteur à succès, notamment avec The Association. «Along Comes Mary» c’est Curt. À 22 ans, Curt est le wonder boy du Los Angeles recording world. Puis en 1966, il rencontre Gary Usher. Dans un petit texte sensible, Usher raconte qu’en entendant Curt produire «That’s The Way It’s Gonna Be» pour Lee Mallory, Brian Wilson devint blanc comme un linge. Usher ajoute que pendant une semaine, Brian ne parlait plus que du kid et de sa chanson. Curt va en effet créer un son - Hypnotic, backwards instrumentation, ethereal Ballroom backing vocals and innovative percussive sound effect - Dawn Eden Goldstein : «Boettcher built the avant-garde sound that fascinated Wilson.» Bienvenue dans le monde enchanté de la sunshine pop.

En 1963, Curt monte les GoldeBriars avec Ron Neilson et les sœurs Holmberg, Dotti et Sheri. Sur la pochette de leur premier album sans titre, elles sont brunes. Un conseil, essuie-toi les pieds quand tu rentres dans ce monde magique. Avec «He Was A Friend Of Mine», les Goldebriars paraissent bien plus purs que les Mamas & The Papas, car ils chantent à la puissance dix. Ils reprennent l’«Alabama Bound» de LeadBelly et Curt se livre à un fantastique rumble de coups d’acou dans «A Mumblin’ World», une vraie cavalcade de beautiful folk-rock, son et production sont au rendez-vous. «Long Time Travellin’» sonne comme un heavy cut on the loose avec les sœurs Holmberg qui gueulent derrière. Ça monte au cerveau en permanence. Curt est le soldat inconnu de la légende californienne. Il a un son unique au monde, comme le montre encore «Shemandoah». Les fans de Curt se feront un devoir d’écouter la red parue en 2006 car les bonus sont une véritable dinguerie, à commencer par «Sunshine Special» et l’énergie du chant, «Jump Down» (fantastique shoot de Curt dementia), «Nothing More To Look Forward» (deux versions de ce cut de rêve avec les deux frangines qui attaquent ensemble, c’est d’une troublante beauté) et pour finir «Linin’ Track» (psychout so far out, fantastique take de guitar twang).

Dotti Holmberg nous raconte dans ses souvenirs que les Goldebriars se sont formés au Zoo Coffeehouse, un club de Minneapolis, Minnesota. Curt s’y produisait avec sa gratte et les deux frangines sont venues chanter avec lui. Curt était un petit mec court sur pattes qui avait vécu au Japon, où son père était militaire, d’où son goût pour les traveling jazz hamonies un brin orientales. Quand ils arrivent en studio à New York pour enregistrer, les Goldebriars sont parfaitement au point, car Curt est, nous dit Dotti, un little Napoleon qui n’hésite pas «à faire claquer le fouet si nécessaire». Il voulait aussi voir le groupe adopter un look gyspsy et les sœurs durent se teindre les cheveux en noir, pour paraître plus orientales. Curt et Ron s’habillaient en noir, si bien que lorsque les Beatles ont débarqué à la même époque aux États-Unis, on confondait les deux groupes. Ils avaient le même look, le fameux look «out of this world».

Leur deuxième album paraît aussi en 1964 et s’appelle Straight Ahead. Dotti verse une mer de larmes dans «Sea Of Tears», elle s’accroche à sa mélodie et développe de la magie vocale. Curt et Burt c’est kif kif bourricot, même sens du merveilleux. Burt a sa Dionne, Curt sa Dottie, alors pas de problème. Et quand la frangine Sheri chante «Mac Dougal Street», ce n’est plus pareil. Il faut voir les deux frangines sur la pochette, elles sont devenues blondes et sourient comme ces blondasses qu’on croisait à l’époque dans les pages de Salut Les Copains. On les voit aussi chanter toutes les deux ensemble dans «I’ve Got To Love Somebody». Curt reprend parfois le micro pour chanter des trucs comme «Haiku» au tremblé de glotte intense. Ils font des harmonies vocales à trois voix dans «No More Bomb» et passent à l’exotica de rang princier avec «Queen Of Sheba». C’est très poussé dans les effets. Ils disposent de gros moyens vocaux. Gratté aux meilleures guitares du Curt Sound System, «Zum Gale Gale» va encore plus loin. Globalement, Straight Ahead est un album d’harmonies vocales très confortable. Comme dans le cas de l’album précédent, il n’est pas inutile d’aller écouter la red parue en 2007, car les bonus de rêve y pullulent, à commencer par ce fatidique «Hush Hush» embarqué au wild heavy drive et les filles font Yeah babe ! Yes man ! Curt s’amuse bien avec les sœurs Holmberg, comme on le voit avec cette pop endiablée qu’est «Walking Down The Line». C’est du Curt effervescent. Ses yah sont des modèles du genre, on se régale de l’incroyable qualité de la tension et des yah. Encore de la belle pop d’easy listening avec ce «Tell It To The World» envoyé au ciel d’un coup de glotte puissante. On signalera aussi cette merveille de surenchère qu’est «June Bride Baby», véritable pépite de teenage angst.

Il existe un troisième album des Goldebriars jamais sorti à l’époque pour cause de split. Dotti dit qu’on peut le trouver sur la compile Climbing Stars parue en 2006. Si on va écouter Climbing Stars, on sera content du voyage, ne serait-ce que pour la belle pop impavide d’«Hush Hush», une pop bien secouée du cocotier. Les deux filles sont bonnes, elles ont du cœur au ventre, baby yak yak all the time. Elles font ensuite une belle attaque à la Mamas & The Papas dans «Nothing Wrong With You That My Love Can’t Cure». Elles fondent leurs voix dans un groove de coconut. Plus loin, Curt fait chanter les filles à l’unisson du saucisson dans «Last Two People On Earth». Curt monte la qualité artistique en épingle, c’est sa manie. Il propose une pop californienne aussi chargée que celle des Mamas & The Papas et le hit de l’album pourrait bien être «I’m Gonna Marry You», un cut terrifiant de pureté harmonique. On croirait entendre Brian Wilson, hey little girl I’m gonna marry you, Curt entre dans le mythe, suivi de deux sœurs Holmberg qui s’en vont se percher au sommet de leur chat perché. Get the picture ? Tout l’album brûle de perfection harmonique, il brûle à s’en écarteler, brûle encore, brûle toujours. Curt vise en permanence un jusqu’au-boutisme pop. Il faut les voir chanter «We Shall Overcome» dans la matière du lard total, ils sont magnifiques jusqu’au bout des ongles. Avec «Que Bonita», Curt tape dans la pure exotica, il chante au bonita perché.

En 1967, Curt monte The Ballroom avec Michele O’Malley et Sandy Salisbury. Ils enregistrent quelques bricoles qu’on peut retrouver sur des compiles, notamment celle de Joe Foster sur Rev-Ola (Preparing The Milenium), ou encore mieux, le Magic Time de Sundazed qui brasse plus large sur 3 CD. En fait, The Ballroom se prépare au Millenium, l’un des groupes phares de la scène Sunshine Pop californienne. The Ballroom aurait dû exploser, car ils chantaient «Spinning Spinning Spinning» au sucre de belover, ils proposaient de la pure magie pop noyée de son ardent sous le soleil de Satan, ils mêlaient la provocation juvénile à l’innocence du vraisemblable. «Love’s Fatal Way» sonnait comme un hit pop endorlori, plombé des dents et profond comme un jet d’abysse. Ces gens-là avaient du caractère. Leur pop de jus frais désaltérait, ils trayaient les vaches bleues de bon matin à l’étable. Curt donnait un avant-goût de son génie pop avec «Forever», ça jouait dans l’oreille avec un son tendu au bassmatic de bah bah bah et ça partait en pah pah pah dans le soleil aveuglant. On trouve plus loin un autre shake de Ballroom intitulé «I’ll Grow Stronger» d’une incroyable qualité longitudinale. On le sait, la Sunshine Pop flirte avec la good time music et Curt le prouve avec «A Time For Everything», quasi Brazil dans sa progression d’accords - A time for feeling/ A time for everything - On a même du xylo, c’est dire la classe du Ballroom. On trouve encore du Ballroom sur le disk 2 de Magic Time, des cuts de Curt assez merveilleux comme «Opus To A Friend» qui court sous l’horizon, up-tempo gorgé de lumière digne des Byrds. Ou encore «5 AM» chanté au five o’clock in the morning, it’s beautiful, il a raison, il claque ça au groove d’extrême beauté. Cette succession de hits lumineux est une véritable aventure. On écoute ça en marchant sur des œufs, pas question de les déranger. Curt enregistre aussi quelques singles avec Victoria Winston, leur duo s’appelle comme on l’a dit Summer’s Children et on se régale de «Milk & Honey». Victoria chante ça à la voix sucrée. Plus sucré ça n’existe pas. Elle préfigure Hope Sandoval dans «Too Young To Marry», c’est très tendancieux, ça pue le sexe. On tombe plus loin sur une démo de Curt, «Another Time». Il chante à la pureté du ton, il reste très intrinsèque. Pas la peine de lui proposer un bonbon à la sortie de l’école. S’ensuit une autre démo, «Sea Of Tears», digne de Brian Wilson, enveloppée de sucre glacé et décorée d’une big bassline.

Pour Curt, 1968 est une année chargée : il rencontre Gary Usher qui fait partie du staff Columbia. Rencontre déterminante : ils vont devenir inséparables et travailler sur deux projets, the Millinium et Sagittarius, les deux projets phares de la Sunshine pop californienne.

Sur le disk 3 de Magic Time figure justement l’album de Millenium, le fameux Begin qu’on dit mythique. En tous les cas, le pressage Columbia de 1968 vaut un gros billet. On comprend pourquoi lorsqu’on écoute «I Just Want To Be Your Friend» : il n’existe rien de plus lumineux que cette pop de bossa nova. Ils vont loin dans le beau, un beau qui lève comme une pâte au levain. Ils sont sept dans le groupe, Curt, Sandy Salisbury et cinq autres mecs dont un ex-Music Machine, Doug Rhodes. C’est un autre ex-Music Machine, Keith Olsen qui co-produit l’album avec Curt. Ils reprennent le fameux «5 AM» enregistré au temps du Ballroom et en font un chef-d’œuvre de douceur pop évangélique. Encore plus effarant : «I’m With You», apanage de la Sunshine pop - And there’s magic in your eyes - on entend les guitares des anges grattées dans l’éclair de l’instant, c’est éblouissant de son et d’harmonies vocales. On suivrait ces gens-là jusque dans l’enfer du paradis. Ils sont dans un trip extraordinaire de perfection sonique. Ils font aussi des cuts bizarres comme le heavy boogie d’«It’s You» et reviennent à la perfection avec «Some Sunny Day». Tiens, encore un cut extraordinaire : «There’s Nothing More To Say». Ces mecs sont capables de tout comme de rien. Curt laboure sa pop jusqu’à l’angelus, il sonne comme un bonheur de la dernière heure. Mais bon, tout ça c’est bien joli, mais l’album ne marche pas et le Millenium splitte. Curt perd la confiance de Columbia.

Paraît aussi en 1968 l’album de Sagittarius, Present Tense. Joe Foster signe les liners de la red parue sur Rev-Ola en 2009. Il démarre en force : «How can I begin to describe one of the most beautiful soundscapes ever recorded ?». Il parle ensuite de pure universal love et d’album of albums. En plus de Curt (auteur ou co-auteur principal), Gary Usher a invité dans son projet la crème de la crème du gratin dauphinois : Bruce Johnston, Terry Melcher et Glen Campbell. Foster raconte qu’un jour Gary Usher a dans les pattes la démo de «My World Fell Down» et il la propose à ses protégés Chad & Jeremy qui n’en veulent pas. No problemo. Gary l’enregistre avec d’autres gens. C’est un hit digne des Beach Boys, on se croirait chez Brian Wilson. Même attaque supplétive d’intérêt collectif, c’est même supplémenté dans l’urgence de l’orgie sonique, avec toute le fabuleux overwhelming de world fell down. Il faut bien insister sur ce point : Gary Usher tape là dans le haut du panier, exactement au même endroit que Brian Wilson. Il overdubbe les harmonies vocales de Bruce Johnston et de Terry Melcher par dessus le lead vocal de Glen Campbell. Quand le head honcho de Columbia Clive Davis entend ça, il demande la suite. Mais Gary Usher ne faisait que s’amuser en studio. Il ne pensait pas faire un album. Alors ils baptise le projet Saggitarius, d’après son signe astral. Curt ramène sa fraise, des amis à lui et des cuts comme «Hotel Indiscreet». Gary et Brian Wilson considèrent Curt comme un boy wonder. Brian le surnomme aussi the kid with the earrings. C’est Michele O’Malley qui chante «Song To The Magic Frog», une somptueuse merveille de sunshine pop. Il y souffle un véritable vent de folie. Il règne aussi dans «Glass» une fantastique tension subliminale : le son s’emplit d’instincts de son, d’orientalismes concomitants, il pleut des coups d’acou et des shakings de tambourins. S’ensuit ce merveilleux ersatz de pop californienne qu’est «Would You Like To Go», les bah bah bah sont adressés aux dieux, c’est chanté à gorge déployée dans une bruine de lumière. Étourdissant ! Et puis voilà le coup de génie : «I’m Not Living Here», une power pop digne des cimes du genre, Glen Campbell gratte dans le son, ça chante encore une fois par dessus les toits au la la la conquérant. Les bonus ? Un vrai truc de fous, une fois de plus. Tiens, comme ce «Get The Message» amené au clavecin et saturé de big sound sur-vitaminé, c’est la sunshine pop à son zénith. On dira la même chose de cet indécent «Love’s Fatal Way» noyé de prod et de son, pire encore que les hits des Beach Boys, comme si c’était possible !

Curt, Keith Olsen et Gary Usher s’associent pour monter Together Records. C’est là, sur ce label que sort le deuxième album de Sagittarius, Blue Marble. Curt chante all over the album. Ils démarrent très fort avec l’«In My Room» signé Brian Wilson et Gary Usher. C’est du heavy take d’ultra léché, une plongée directe dans le lagon d’argent de la légende, c’est vibrant d’authenticity, chanté aux remontées de courant et illuminées d’harmonies vocales défenestrées. Toute l’A est du sunbathing de pop chanté à l’extrême sensiblerie, une pop de no problemo bien sonnée des cloches. Et tout explose avec le morceau titre qui ouvre le bal de la B, une pop qui t’explose la cervelle si tu commets l’erreur d’écouter ça au casque. On est dans le monde de Curt et de son copain Gary Usher, le meilleur des mondes. Ils amènent «I Still Can See Your Face» au drive de valse, mais avec du Brill in the thrill, la plus mystérieuse des psychedelias. Nouveau coup de génie avec «I See In You», on entend rarement des élans de pop aussi magiques. Cette pop coule et s’étale sur la tartine bien horizontale de ta perception. Curt chante son «Cloud Talk» à la revancharde, under the broardwalk. Et si on a le malheur de vouloir écouter la red sortie par Joe Foster sur Poptones, on va tomber de sa chaise et se faire mal à cause d’«I Guess The Lord Must Be In New York City», une pop sensible à la Fred Neil, gorgée de magie comme un fruit trop mûr.

Malgré toutes ses déconvenues, Curt décide de continuer et sort un premier album solo en 1973 sur Elektra : There’s An Innocent Face. C’est vrai qu’il a une vraie gueule d’ange sur cette pochette saturée de lumière. Mais l’album se montre avare de hits. Curt fait comme à son habitude une belle pop très pure et même trop pure, une pop d’air raréfié. Il chante «I Love You More Each Day» dans la joie du bonheur immémorial et ça violonne derrière avec une certaine violence. Il claque «She’ll Stay With You» à l’accord cordial dans ce studio inondé de lumière. On croirait entendre Glen Campbell. Sa pop reste bien léchée et très vitaminée. Il remonte son «Bobby California» au heavy beat et revient à sa passion pour les Beach Boys en B avec un «The Choice is Yours» battu dans la couenne du son. Curt reste perché au faîte de son art. Il fait globalement une pop ouvragée, mais il faut être en bonne condition psychologique pour l’écouter. Il se montre très entraînant avec le «Wufferton Frog» de fin de B. Sacré Curt, il croit créer l’événement en grattant des coups d’acou à la revoyure. L’essentiel est qu’il ne perde pas la foi.

Paru quasiment quinze ans après la mort de Curt, California Music est le même album que le Passionfruit de California, un projet de type Saggitarius monté par Gary Usher avec la bande habituelle (Curt, Brian Wilson, Bruce Johnston, Terry Melcher et Glen Campbell). Bon, c’est de la pop beachy, assez prévisible. «Happy In Paradise» grelotte de beauté formelle. «Jamaica Farewell» sonne comme un hit pop, mais c’est «Come Softly» qui va emporter véritablement la partie. C’est une pop de doo bee doo, un peu weird, comme sur Smiley Smile, béatifiée par des chœurs à l’agonie. Mais il y a un gros vautrage sur l’album : la reprise diskö d’«I Can Hear Music», l’un des grands hits des Beach Boys. Dommage, car on observe ailleurs de brillantes tentatives de putsch, comme par exemple «Music Music Music» ou encore la belle exotica de «Banana Boat Song (Day-O)», prétexte à danser sur la plage avec les seins à l’air. On se demande ce qu’«Iko Iko» vient faire ici. Curt en fait de la petite pop et c’est pas très malin. Un mec nommé Joe Cheney fait des merveilles à la basse sur «Will You Ever See Me», un cut très fluide qui sonne comme un vrai bonheur. Quant à «California Music», il s’agit plutôt d’un instro ultra sophistiqué, celui qu’on entendrait par exemple un soir d’été chez des gens riches et savamment drogués qui ne te diraient rien de ce qu’ils te font prendre. Tu prendrais sans discuter et tu savourerais alors le groove des trompettes dans la nuit.

Si on doit emmener un album de Curt Boettcher sur l’île déserte, c’est forcément Misty Mirage. Pour une seule et unique raison : «Tumbling Tumbleweed». C’est une pop qui, comme le bonheur, peut te faire exploser le cœur. Méfie-toi du bonheur et de Tumbleweed. C’est du génie sonique à l’état pur. Michel Butor nous parlait du génie du lieu, Curt nous parle du génie du son. Avec Tumbleweed, Curt rivalise de panache avec Brian Wilson. Moins percutant mais assez balèze, voici «Baby It’s Real» chanté au meilleur sucre californien. Curt swingue ses pointes de chant encore mieux que Mike Love. À sa façon, il est un petit magicien d’Oz. On le voit ensuite driver son «Sometimes» en enfer psyché. Il plonge aussi «Shake With Me» dans l’essence d’une pop psychédélique assez puissante. Appelons ça une merveille mouillée, une pop qui au sortir du bain sèche au soleil de Curt. Ce mec distille un suc de son extraordinairement sensible. Toujours aussi dense, voici «That’s The Way It’s Gonna Be», fantastique rumble de heavy pop. Il cuisine «I Just Wanna Be Your Friend» au meilleur doigté de pop master et va chercher la beauté de «You Know I’ve Found A Way» à la racine de la pop. N’ayons pas peur des mots : «Streton Levi’s» vaut n’importe quel hit des Beach Boys. Vers la fin de la compile, on tombe sur les versions instro de Tumbleweed et de «Misty Mirage». On sent toujours le poids du son.

Paru en 2004, Chicken Little Was Right est encore un album d’outtakes. Le chercheur d’or y trouvera de quoi étancher sa soif avec «I Call You My Rainbow», une pop de gratté d’acou avec une flûte au fond du son. Curt est très sûr de ses choix, on peut lui faire confiance. Il fait sa pop dans son coin sans rien dire à personne. Le hit de l’album s’appelle «Rest In Peace», c’est la voie royale du Curty Curty petit bikini, il explose sa pop à la BB fashion. Autre chef-d’œuvre de gratté d’acou : «Sunrise Mojo».

On trouve aujourd’hui dans le commerce Looking For The Sun, une compile des artistes produits par Curt. Bienvenue au royaume de la sunshine pop sucrée des fraises. On croise pas mal d’artistes tombés dans l’oubli comme Cindy Malone ou les Bootiques, un trio de filles affreusement douées. On entend Glen Campbell gratter derrière Keith Colley dans «Enamorado». Merveille absolue, c’est ciselé dans le son, Glen bourre l’air torride de tortillettes. On passe aux choses sérieuses avec l’incroyable Jonathan Moore, un Anglais installé à Los Angeles qui nous fait avec «I Didn’t Ever Know» une belle pop anglo-calorifique, sur un fantastique bassmatic de Jerry Scheff, le mec qui ira jouer plus tard avec les Doors et Elvis. L’autre star de cette compile est l’incroyable Sandy Salisbury : «The Best Thing» sonne comme un hit californien. Sandy va d’ailleurs monter the Ballroom avec Curt et Michele O’Malley. Cette compile se termine avec trois cuts fascinants : «Looking For The Sun» et «Windy Wednesday» de Gordon Alexander et «Another Time» de Saggitatius, c’est-à-dire Gary Usher et Curt. De toutes les histoires rassemblées dans le booklet de la compile, celle de Gordon Alexander est la plus extraordinaire. Le presse le mettait à niveau égal avec Randy Newman et Harry Nilsson. Appâté par le buzz, Clive Davis le signa sur Columbia, pour qu’il enregistre Gordon’s Buster, un album de compos à lui avec tout le gratin des studios d’Hollywood. Curt produisit une partie de cet album. Gordon Alexander traînait alors avec David Angel, l’arrangeur de Forever Changes, et Buffalo Springfield. Comme il le dit si bien lui-même, il a fait partie de l’In-crowd pendant un temps. Mais Gordon’s Buster ne s’est pas bien vendu. Quand Terry Melcher lui proposa de produire l’album suivant, il lui demanda de quitter Columbia. Melcher l’invita à prendre l’apéro chez lui et il s’installa au piano pour faire entendre ses chansons à Candice Bergen qui était alors la compagne de Melcher. Mais les choses allaient mal tourner dans les jours suivants car Melcher piqua une crise de jalousie : Candice n’en finissait plus de vanter les charmes de Gordon. Alors Melcher stoppa le projet. Pour Gordon Alexander ce fut la fin des haricots : plus de Columbia ni de Melcher. Il devint agent immobilier.

Shindig salue la sortie de Looking For The Sun avec une belle double vantant les mérites d’artistes qui ne figurent pas dans Looking For The Sun, excepté Cindy Malone. Le mec qui parle de Cindy ne comprend pas que «You Were Near Me» soir resté inédit alors que c’est excellent. Nous non plus, d’ailleurs. On précise aussi dans la double qu’après le succès des Goldebriars, Curt devint un producteur très demandé à Hollywood. La revue des singles commence avec Jacobson & Tangley qui cherchaient à devenir les nouveaux Chad & Jeremy. En fait, Curt et son copain Keith Olsen étaient spécialisés dans les one-shot productions, comme The Oracle, dont personne n’a jamais entendu parler. Tiens voilà Susan Carter, dont Shindig fait ses choux gras dans un autre numéro - A Laurel-Canyon-dipped-in-jazz delight - Curt fournit les arrangements vocaux - File under ‘Nothing like Sagittarius’ - Ils évoquent aussi Eternity’s Children et leur album, a gem of breezy sunshine-pop made in Mississippi, que Curt produit. Ces enfoirés nous mettent bien l’eau à la bouche avec des baroque preciousness meets electric magnificience et des sunshine brillance with a gentle wistful twist. Ils citent aussi le fameux stoned acid-rock jam album de Goldenrod, un trio de surdoués qui fricotaient en studio avec Curt : Jerry Scheff, Ben Benay et Toxey French. Curt produisit aussi l’album de Song, le groupe de Mickey Rooney Jr., encore un album de proto-power pop nous dit Shindig.

Dawn Eden Goldstein nous explique pour finir que Curt se démenait pour survivre et qu’il prenait pas mal de drogues. Mais c’est une pneumonie qui va l’emporter à l’âge non-canonique de 43 ans.

Au temps de Together Records, Sandy Salisbury enregistra quelques bricoles que Joe Foster a rassemblées sur un Poptones de l’an 2000 qui s’appelle Sandy et qui est fortement recommandé, comme tout ce qu’a pondu la poule Curt aux œufs d’or. Sandy navigue dans les mêmes eaux que Curt qui bien sûr fait partie de l’aventure. On commence à frémir dès «I Just Don’t Know To Say Goodbye», shoot de heavy pop toxique digne des Hollies avec des chœurs complètement demented. Sandy est un dingue du pulsatif. Il fait battre le cœur de la sunshine pop. Et ça continue avec un «Spell On Me» gorgé d’énergie pop, un truc capable de faire sauter un juke. Impossible d’échapper à l’emprise de ce truc-là. Sandy chante avec un sucre incroyable, il balaye tous les sugarmen. On se demande d’où sort un tel prodige. Voilà un Sunshine popster de la pire espèce. Il reste dans l’excellence avec «The Good Ol’ Good Times». Big American energy, c’est le moins qu’on puisse dire. Comme Curt, il vise l’universalité de la good time music. Il se prend aussi pour les Beach Boys avec «On And On She Goes (With Me Tonight)». On se croirait sur 20/20 ou Friends. Fantastique festin de son et de sable chaud. Il frôle encore le génie avec «Do Unto Others». C’est même un retournement de situation. On ne croyait pas Sandy capable d’un tel prodige. Il éclate au grand jour. Inespéré. Ce mix de beat et de chant liquide n’en finit plus d’exciter les bas instincts. On saluera aussi «Baby Listen», car c’est de la pop de haut vol ultra orchestrée. Ce démon de Sandy demande à sa poule de l’écouter, c’est plein de vent et plein d’allant.

Comme on l’a rappelé plus haut, Gordon Alexander aurait pu devenir énorme. Son seul album, Gordon’s Buster, paru en 1968 et partiellement produit par Curt, est passé à l’as. Curt ne produit que trois cuts, «Looking For The Sun», «Miss Mary» et un «Windy Wesnesday» plus psychédélique. Gordon Pacha se love dans le giron de Curt - It was a windy wesnesday on the second in july - Bizarrement, il évoque l’année nineteen & ninety my o my. Ailleurs, il frise le Dylanex avec «Letter To Baba», il swingue joliment ses vers - She’s a California dreamer/ She ain’t into Memphis at all - Il passe au heavy groove avec «Topanga» - Mama you could feel so free/ When you are high up in Topanga - Il siffle son pont. Admirable ! Il a derrière lui une grosse prod californienne. Avec «Waiting For The Time», il montre de réelles dispositions à la grandeur. Il développe des petits aspects imparables, Gordon Pacha est un charmeur, un fabuleux songwriter. On ne comprend d’ailleurs pas qu’il n’ait pas éclaté au grand jour. Il ouvre son bal de B avec «Thinking In Indian Again» plus rococo, mais diable, il faut prendre ce mec très au sérieux. Avec «One Real Spins Free», on sent bien qu’il cherche sa voie. Pas facile d’écrire des grandes chansons, mais on note la présence de belles dynamiques internes.

Curt produit aussi Susan Carter qu’on connaît pour Wonderful Deeds And Adventures, a Laurel-Canyon-dipped-in-jazz delight, nous dit Shindig!. Mais le «San Francisco Woman» produit par Curt ne figure pas sur cet album. Ça ne vous empêche pas de l’écouter, et on peut même aller jusqu’à dire que c’est recommandé pour la santé. Ne serait-ce que pour cette reprise de «Temptation ‘Bout To Get Me», un hit de Burt que swingue Susan avec maestria. Elle semble éclairer la mélodie et dispose d’une puissance vocale peu banale. Elle rend aussi hommage à Billie Holiday avec ce «Medley For Billie Holiday» de trois chansons signées Laura Nyro qu’elle chante d’une voix blanche. Elle ramène du jazz dans le blues de Billie. Susan chante aussi parfois comme Joan Baez, mais avec un ton plus ferme. On s’éprend rapidement de son filet de voix claire. Il faut aussi la voir monter au créneau en B avec «I Need A Good Man Bad». Elle chante à la bonne arrache d’excellence. Un solo de guitare jazz écarlate illumine «Brighten Your Night With My Day». Susan Carter se révèle encore plus magique que Laura Nyro. Elle recrée aussi la magie des Beatles avec une reprise d’«I’m So Tired». Merveille des merveilles ! Elle recrée le sortilège du White Album. Bien vu, Susan, elle nous jazze ce truc par en dessous, avec une merveilleuse intelligence du chant. Puis ça jazze pour de bon dans «Old Country», avec une stand-up et une trompette de bebop. Une telle science du jazz nous émeut profondément. Elle finit avec «Jam Session Cruising With The Blues», un groove de jazz pur, une vraie sinécure. Ils nous font le coup du break de stand-up et du jazz guitar solo bien niaqué. Elle finit en apothéose d’Help avec un solo de trompette.

En 1968, Curt produit aussi le premier album d’Eternity’s Children, sobrement titré Eternity’s Children. On les croit californiens, mais non, ils sont originaires du Mississippi. Deux investisseurs les envoient faire carrière à Los Angeles. Les petits Children signent sur Tower, filiale de Capitol et enregistrent avec Curt et Keith Olsen. Curt est à ce moment-là le roi du monde, grâce à Millenium et à Sagittarius. Forcément, ce premier album grouille de coups de génie, à commencer par «Mrs Bluebird», fa fa fa fa fa, pop d’inspiration divine, on en a plein les oreilles, Linda Lewley d’un côté et Mister Bluebird de l’autre, magie pure, et un solo de disto explose en plein milieu, voilà ce qu’on appelle un cut magique sorti de nulle part, mister Bluebird on my shoulder, avec le beat à la cloche et Linda qui fa-fa-fa-fate dans le fond. Elle chante aussi l’exotica de «My Happiness Day», ça frise le Brazil et wow comme c’est bon ! Encore de la hot pop de Curt avec «Lifetime Day» et cette merveilleuse poulette vient ensuite illuminer «Your World». Tout est fabuleusement chanté à l’harmonie. Ça explose à nouveau avec «Sunshine Among Us», la pop de la joie de vivre, la plus sunshine qui soit. Les Children enregistreront un peu plus tard un dernier single avec Curt, l’extraordinaire «Alone Again» qu’on peut trouver sur la red Rev-Ola. C’est une pop qui se situe d’emblée au sommet du firmament. Elle est trop belle pour être vraie, trop pure, trop orchestrée, alone again once more, Curt mise sur la pop de biais, c’est énorme et ça finit en bouquet final éblouissant. Bon alors après, ils font un deuxième album avec Tom Paxton, Timeless. Ça reste de la belle pop élégiaque, avec parfois le kitsch dont on rêve («The Other Side Of Me», digne de James Bond). On a aussi de la pop de revienzy («Look Away»). Linda reste excellente, comme l’étaient les petites brunes à cette époque, une vraie reine de la sunshine pop, on se régale de «Sunshine & Flowers». Ils font de l’hybride Sunshine/Tamla avec «Till I Hear It From You» et «Get Outta here», c’est excellent, ça descend bien les escaliers, c’est plein d’espoir et indiciblement bienvenu. Ils enregistrent aussi trois cuts à Memphis avec Chips Moman, espérant bénéficier de la touche magique de Chips, mais pour des raisons qui dépassent l’entendement, ça ne marche pas. Pourtant, c’est du big time, «Blue Horizon» a la carrure d’un hit, c’est énorme, plein de son, d’une qualité stupéfiante. Entre Chips et Curt, leur cœur balance et le nôtre aussi. Linda est incroyablement mélodique sur «When The World Turns». Il faut la prendre au sérieux. Chips tente de leur refiler un hit : «The Sidewalks Of The Ghetto», alors elle prend les choses en main, et on s’en souvient tous, les petites brunes étaient expertes en la matière. Elle chante si bien qu’elle impose le respect, elle est blanche mais elle tient bien son rang. Elle n’y connaît rien en ghetto mais elle chante à la perfection. On sort de là ravi d’avoir fait la connaissance de Linda Lewley et de ses copains.

Alors Goldenrod, c’est une autre histoire. Ce trio formé autour du célèbre Jerry Scheff se contente juste de jammer all over. Scheff est le bassman qu’on entend dans L.A Woman et qui accompagnait aussi Elvis à Vegas. Curt produit leur album simplement titré Goldenrod en 1969. Si on aime entendre trois mecs jammer avec brio, alors c’est la bonne adresse. Ce démon de Scheff sait bassmatiquer dans le feu de l’action, comme le montre «Descent Of The Cyclopeans». Le guitariste s’appelle Ben Benay et le beurreman Toxey French. Benay est un guitariste brillant, on le voit tartiner au long cours dans «Karmic Dream Sequence», avec un son très digne, très ambré, doucement vinaigré, idéal, un baume pour le cœur. Dommage qu’ils grillent la deuxième moitié de leur Karmic Kut avec du bruitisme à la mormoille. En B, Scheff embarque «The Gator Society» au bassmatic volontaire, menton carré pointé vers le futur et «Standing Ovulation» frise le Hot Rats, bien guidé par un riff de gras double. Hélas, un solo de batterie ruine tout l’édifice, même si le grand Benay revient dans la course avec du slinging de bonne augure.

En 1970, Curt produit l’album de Song qui s’appelle, on l’aurait parié, Song Album. On voit les 4 Song sur la pochette, assis sur des sacs de grains très anciens. Shindig! qualifie l’album de strong penned collection of Beatlesque proto-powerpop. L’album ne laisse pas indifférent, loin de là. Il faut se rendre en B pour faire la connaissance d’une «Sugar Lady» riffée à bras raccourcis et barbouillée d’un argent de belles harmonies vocales. Les envolées sont dignes de celles de Todd Rundgren. Ça sent bon le Nazz. S’ensuit un «Meatgrinder» admirablement produit. Excellence du son, judicieux équilibre voix/électricité. Le «Wife» qu’on trouve aussi en B est très inspiré par les Beatles, on pense à «Julia», tellement c’est fin. Bel exercice d’artefactory. Quant à l’A, disons qu’elle se montre très complémentaire. Les Song de l’acteur/chanteur Mickey Rooney Jr proposent un petit rock un peu âpre finement teinté de boogie. Carré mais sans signe particulier. On croit parfois entendre des Anglais, comme c’est le cas avec «Eat Fruit», un cut quasi glam. Oui, ils cultivent la pop anglisciste solide et dûment consentie. Il est logique qu’on ait un album de ce niveau avec des mecs comme Curt et Keith Olson aux manœuvres. Il faut entendre les Song dans «Banana High Noon», ils lalalatent dans un tourbillon de son cavalé extrêmement bien géré.

Signé : Cazengler, Boett de radis

GoldeBriars. The GoldeBriars. Epic 1964/ Collector’s Choice Music 2006

GoldeBriars. Straight Ahead. Epic 1964/ Collector’s Choice Music 2006

GoldeBriars. Climbing Stars. Epic 2006

Millennium. Begin. Columbia 1968

Sagittarius. Present Tense. Columbia 1968

Sagittarius. Blue Marble. Together Records 1969

The Ballroom. Preparing For The Millenium. Rev-Ola 1998

Millennium. Pieces. Sonic Past Music 2003

Curt Boettcher. There’s An Innocent Face. Elektra 1973

Curt Boettcher. California Music. Poptones 2001

Curt Boettcher. Misty Mirage. Poptones 2000

Curt Boettcher. Chicken Little Was Right. Rev-Ola 2004

Curt Boettcher. Looking For The Sun. High Moon Records 2019

Gordon Alexander. Gordon’s Buster. Columbia 1968

Susan Carter. Wonderful Deeds And Adventures. Epic 1970

Eternity’s Children. Eternity’s Children. Tower 1968

Goldenrod. Goldenrod. Chartmaker 1969

Song. Song Album. MGM Records 1970

Sandy Salisbury. Sandy. Poptones 2000

Bluebirds over the mountain. Shindig # 97 - November 2019

Le loup des Steppes

John Fallon commence à ressembler à une vieille histoire. Ce loup des Steppes rôde en effet dans les bois depuis 1984. Bientôt quarante ans de rodage. Son groupe qui s’appelait les Steppes enregistra six albums sur l’un des labels de Greg Shaw, Voxx Records, considéré comme une référence par tous les gogos du gaga. Californiens, les Steppes furent associés au fameux Paisley Underground parce qu’ils partageaient des affiches avec certains groupes, mais ils affichaient clairement leur indépendance d’esprit. John Fallon composait les cuts, son frère David jouait de la basse, et l’artisan du psych so far-out était le lead guitar Tim Gilman, un type horriblement doué qui affichait en plus de faux airs de Keith Richards.

Et pourtant, ce n’était pas gagné. Leur premier album sans titre paru sur Mystic Records en 1984 ne laissait pas présager d’un grand avenir. On y errait de cut en cut, allant d’une petite pop atrocement bébête à une pop sans espoir. Il fallait attendre l’ouverture du bal de la B avec «It’s The Real Time» pour les voir presser le pas et proposer un up-tempo digne des Byrds. Mais c’est tout. On les voyait aussi tenter de s’impliquer avec un «Take Heart My Love» un peu psyché, mais pas trop.

C’est avec Drop Of The Creature qu’ils arrivent sur Voxx deux ans plus tard. Sur la pochette, ils ont l’air ridicules, comme tous ces groupes de revival gaga qu’on voyait parader à cette époque. L’album est un tout petit moins transparent que le précédent, mais ce n’est pas non plus le real deal, loin s’en faut. On entend la guitare de Tim Gilman au fond de «Holding Up Well», un mélopif à vocation psychédélique, mais extrêmement maladroit. Le coup du sustain ne marche pas à tous les coups. Par contre, «Sky Is Falling» vaut le détour, la guitare de Tim Gilman pointe enfin le museau pour un final éblouissant. On les voit aussi jouer «See You Around» aux petits oignons psyché et sonner comme l’Airplane avec le doucereux «Lazy Ol’ Son». Le standout de l’album arrive à la suite : «Bigger Than Life», une espèce de tentative de psychedelia tentaculaire. Les crises de Tim Gilman mettent du baume au cœur de cet album doux et tendre à la fois.

D’album en album, on les voit s’affiner comme un fromage bio. Deux ans plus tard paraît Stewdio. Pochette délicieuse : ils remplissent un pot de chambre de cassoulet et d’objets divers, micro, cassette, jack, manche de guitare et photo du groupe. Bienvenue à table. Au dos, ils posent tous les quatre en carré d’as comme les Godz de New York. Tim Gilman propose deux beaux baroufs d’honneur, à commencer par «Living So Dead». On le retrouve en B avec un «Tourists From Timenotyet» bardé d’accents dylanesques. Cut admirable, bien dosé et bien équilibré par l’orgue. Il était temps qu’ils se réveillent car mis à part «Living So Dead», l’A est une collection de navets infects. On se demande vraiment comment Greg Shaw a pu tolérer ça. La B est nettement plus vivante, «A Lovely Girl» et «If You Want To Be Lonely» sonnent vraiment comme des hits de pop fougueuse.

Dans leur fameux Shindig 50, les Shindigers se prosternaient jusqu’à terre devant l’Enquire Within paru en 1989, année du bi-centenaire de la Révolution, ce qui n’est pas rien. Ils ouvraient le feu avec une belle psyché des Steppes, «Master James», avec un Gilman joliment mis en évidence. S’il est un guitariste qu’on apprend à apprécier, c’est bien Tim Gilman. D’ailleurs, il tape une belle séance de virevolte avec «Who Am I Too Say». C’est un peu comme si les Steppes lâchaient le loup Gilman dans la nature, alors ça prend vite des allures de Fantasia chez les ploucs, au bon sens du terme. Ce mec dispose d’une sorte de génie cavaleur, il faut le voir errer au spectral congénital. Il hante le son par devant et par derrière. En B, John Fallon prend «Time Goes By» au doux du chant, avec de faux accents à la Lennon. Mais les Steppes ont quand même du mal à tenir la distance d’un album. Ils terminent avec une séance bienvenue de heavy psych intitulée «Begin». Ils nous donnent enfin du grain à moudre. Gilman joue au gras du bide et Fallon couronne le tout d’accords de vent libre. Ce loup errant de Gilman éclaire les Steppes de sa présence infiniment sonique.

L’année suivante paraît le plus anglais des albums des Steppes, Harps & Hammers. Ça paraît logique, vu qu’ils enregistrent en Angleterre. On sent dès «Scare You Off» qu’ils visent un son plus solide, plus présent. Fallon propose des compos nettement plus ambitieuses. Comme le montre «Let Me Love You», leur son évolue considérablement avec la guitare de Gilman bien montée dans le mix. Chaque cut tient son rang, Gilman allume systématiquement tous les candidats au trône. Mais on peine à trouver un hit. Le «Key To My Heart» qui illumine la B sonne comme de la belle pop nerveuse. Tim Gilman montre une fois de plus ses deux mamelles que sont la présence et l’inventivité. Globalement, ce Harps & Hammers est un excellent album psyché des années 90, bien gorgé de son. Gilman fait tout le boulot.

Malgré une belle réputation underground, le groupe finit par agoniser. Tim Gilman vit avec sa copine à Berlin, Dave Fallon vit à la campagne en Irlande, John Fallon aussi, et le batteur Jim vit à San Francisco. Jemery Gluck prépare une interview des Steppes pour Sounds, mais le tabloïd coule au moment où l’article va paraître. Aucun label n’est intéressé par les Steppes.

Les Steppes splittent et Voxx fait paraître un album live enregistré en Allemagne, Alive Alive Oh ! Volonté de grosse pochette, mais rien n’est plus difficile que de réussir une grosse pochette. Ils attaquent avec un petit psyché de bas étage tiré du premier album, «A Play On Wordsmouth» et déterrent d’Enquire Within un «Master James» qui sonnerait presque comme un hit. C’est gratté aux accords secs d’acid rock voxxy. Ils sortent du même album la heavy psychedelia de «Sky Is Falling». Gilman fout le souk dans la médina. En B, ils reviennent à leur chère heavy psychedelia avec «Holding Up Well», mais le cœur n’y est pas. Ils ont parfois des cuts un peu falots. Ils terminent avec un joli doublé, le pur garage de «Living So Dead» suivi d’un «Tourists From Timenotyet» frais comme un gardon et solidement ficelé par Gilman.

L’Atomic Cossack paru en 1992 est attribué aux Steppes, mais c’est un album solo de John Fallon, qu’il va d’ailleurs ressortir sous son nom. Horriblement frustré, Fallon retourne en studio à Londres pour montrer de quel bois il se chauffe. Il s’entoure de Giles Meredith on bass et d’Alan Tracey on drums. Il privilégie cette fois le petit groove rampant infesté de guitares et la pop. On entend juste une guitare en embuscade dans le boogie «See The Changes». Avec «All I Want Is Everything», le parti-pris est nettement plus poppy mais pas déplaisant. On voit aussi avec «I Can’t Trust You» que Fallon cherche à pondre des œufs d’or, mais ce n’est pas si simple. On reste sur le poppy side en B avec «Who Needs More Love». C’est de bonne guerre. Après les excès barbares, le loup des Steppes cherche à se civiliser. Il passe d’ailleurs au jingle jangle byrdsy byrdsah avec «In This World», histoire de montrer son pacifisme adultérin et reste dans l’ouverture cordiale avec «I Shed The Light». Fallon propose une pop surchargée de guitares, mais la folie intrusive de Gilman a complètement disparu. Fallon opte pour la pop, mais pas la power pop. Il peine un peu à convaincre. Il faudra attendre les Laissez Fairs pour frémir en n’en plus finir.

Comme beaucoup de groupes, les Steppes finirent par se reformer, grâce à Richard Allen qui fut leur manager. Allen avait réussi à monter un label, Delirium et comme il se faisait pas mal de blé avec les Porcupine Tree, il réussit à convaincre les quatre Steppes d’entrer en studio à Milwaukee, Wisconsin. Paru en 1997, Gods Men And Ghosts est un album bardé de chansons énormes. John Fallon continue de privilégier un son très spécial. Si tu veux voir le Cap de Bonne Espérance, il te faut monter à bord, moussaillon. La récompense arrive très vite avec «Chicago Oratorio», une espèce de cavalcade intrinsèque qui vire psycho-psyché. Tim Gilman est le roi de la mad psychedelia, son Oratorio est une bombe, une extraordinaire exagération de l’insistance. Ce mec n’en finit plus d’y croire. Il ne mégote pas sur les coups de wah, comme le montre «King Of Fire» et il jette tout son panache dans la balance pour «Taught Me To Love». Et ça explose avec «Bad Blood», un shoot de heavy psyché qui psychotte tout sur son passage, monté sur un bassmatic ravageur et hanté par des descentes à la cave de killer solos. C’est un véritable chef-d’œuvre underground collé au cul du camion et quelle bassline, baby ! Gilman tombe à bras raccourcis sur le psychout de «Ways Of The World» et tout remonte au firmament avec «Lord Of The Trance». Ce mec est le roi des effets différés et des échos destroy oh boy dans le coin de l’oreille. Il joue de la guitare embourbée. Chaque cut monte comme la marée, tel ce «Can’t Come Back» et son killer solo d’une ferveur inespérée. Les albums des Steppes ne sont pas des hasards, mon petit Balthazar, John Fallon et Tim Gilman veillent au grain à moudre. On pourrait même parler de grain à Mould, si on s’en réfère à «Chances». Cette pop nerveuse et racée nous renvoie au Sugar du vieux Bob.

En 2013, Cherry Red proposait une belle rétrospective avec le double album Green Velvet Electric. Attention, le son est remastérisé et du coup, ça grouille de coups de génie, à commencer par ce «Tourists In Timenotyet» qui prend une ampleur extraordinaire, avec des retours mélodiques à la Dylan. Ça dérive dans le psyché de pistes évaporées, et les couplets tombent comme des classiques de l’âge d’or du rock anglais. C’est explosé de son, mais dans le sens du vent mélodique. Plus rien à voir avec la version originale jadis parue sur Stewdio. «Bigger Than Life» sonne comme du psyché de base, mais avec de la fuzz ultra-saturée. C’est un son jusque-là inconnu joué aux notes de titille suprême. Attention à «Sky Is Falling» : les frères Fallon grattent leur pop au milieu de nulle part, comme l’indique le nom du groupe et soudain ça explose sans prévenir, on ne sait pas pourquoi. Ça saute à la barbe de la sainte-barbe. C’est un faux mélange de psyché et de balladif docile. Encore un coup de Trafalgar avec «More Than This», ça s’annonce comme du gros pathos, mais quand Tim Gilman part en solo, une réelle fascination s’exerce. C’est même de la pure demented are go à gogo. S’ensuit un «The One Thing» fabuleusement embarqué à vive allure. Ces mecs sont des diables du power-poppisme. On reste dans le pur jus de Voxx avec «Living So Dead», shoot de garage voxxy fabuleusement enfilé à la hussarde par un killer solo turgescent. Gilman joue comme un fou du kill kill kill. Ils enchaînent des petites merveilles voxxy chargées de présence éternelle, comme «Whole World On Your Shoulder» et «Do You Think It’s Right». Ne faites pas l’impasse sur des choses comme «Kathy Maguire» (pop-rock bien secouée du cocotier et assez inclassable) ou encore «I Think I’ll Go» (belle pop de bon aloi). De cut en cut, on découvre une vraie vie sous le boisseau des Steppes. Ils créent leur monde sans problème. «Make Us Bleed» sonne plus classique, très psyché voxxy, et on note une belle envolée de guitare. Ce mec joue avec une prédilection clairvoyante. Son solo éclate dans l’azur marmoréen. Et comme on le voit dans «Cut In Two», les quatre Steppes jouent énormément sur leurs instruments, ils multiplient les surenchères et mutent en big far-outers. «See You Around» vaut pour une belle plage de psyché avenant et bien mis. Ils sur-jouent le meilleur psyché voxxy du monde. Les guitares claquent, c’est du beau rock d’esthètes. On comprend que ça puisse plaire aux braves Shindigois. Et quand on écoute l’«A Prayer For You» qui referme la marche du disk 1, on se croirait chez les Beatles, c’est dire si. Le coup de génie du disk 2 s’appelle «Can’t Come Back». Excellente élévation du domaine de la turlutte, heavy sludge des Steppes, c’est tout de suite envahi par les meilleures guitares voxxy. Cette façon qu’ils ont d’exploser le groove du rock n’appartient qu’à eux. Ce genre de cut peut même rendre un homme heureux. Ils font un «The Brightest Lights» assez digne de Love, mais trop construit, avec de l’évasion à la clé. Pure merveille que ce «Time Goes By», pure pop de Steppe, mélodiquement parfaite et emmenée à vive allure. C’est une fois encore digne des Beatles. On les voit se frayer une chemin vers l’inconnu avec «Let Me Love You» et ils se livrent à un petit exercice proggy avec «The Land Of Hope» et ses guitares dévorantes. On s’extasie facilement à l’écoute de «Leave It All Behind», admirabilité et power à tous les étages, ça joue aux guitares évangéliques. «Samhain» sonne comme un exercice de style inutile, l’apanage des Steppes. On les voit dérailler dans les années vingt avec un «Reckless Fearless Hopeless» étrange, rétro et puissant. Bugsy Malone ! Et voilà «Scare You Off» ultra-joué à la guitare. Les compos refusent souvent de dire leur nom, mais la guitare de Tim Gilman tient toujours Hélène en haleine. Fabuleuse science du sonic intrinsèque. C’est chargé à l’extrême de guitares bienvenues. «Panic Attack» fait sonner l’ensemble comme un disk de rêve. C’est de la heavy pop assez spectaculaire. Ils frisent le glam avec «Hey Girl» et jouent le pack au clair de clairette. C’est du glam californien. Tout aussi puissant, voilà «Key To My Heart», cut de pop-rock californienne bien inspirée par les trous de nez. Évidemment, avec ce genre de compile, on frise en permanence l’overdose. Façon comme une autre de rappeler que les Steppes sont un groupe culte.

Après les Steppes, John Fallon monte les Laissez Fairs et il roule en scooter sur la pochette de Target On My Back. Bien vu, John car le morceau titre d’ouverture de bal d’A vaut bien un hit des Who. Pur Mod rock, même énergie. C’est d’ailleurs un album de Mod rock, comme le confirme ce «Mother Told Me» monté sur un heavy Mod riffing. John Fallon y shoote en plus une belle dose de psychedelia. Encore de la fantastique allure avec «He’s Your Replacement», Fallon rocks it out, il y va de bon cœur, powerful en diable. En B, «Bells Ring Out» sonne comme l’archétype de l’apanage des alpages, Fallon tape dans la fourmilière de la mad psyché et son «Waiting For Tomorrow» pourrait très bien se trouver sur Revolver ou Rubber Soul, cuz I’m waiting for tomorrow ! Il termine cet excellent shoot de Mod action avec «Nightbird», une reprise d’Anton Newcombe chantée à l’anglaise psychédélique.

John Fallon se fend d’une belle pochette psychédélique pour Empire On Mars. Mais il faut surtout voir la photo des Laissez Fairs au dos : on a au premier plan un Fallon à la Oldham, avec des lunettes noires et une veste à rayures à la Brian Jones. Mu par une tranquille assurance, Fallon poursuit l’œuvre des Prisoners avec son garage psyché so far-out, avec le même sens du posé de voix et des petites montées de fièvre. On croit même parfois entendre la basse d’Allan Crockford. Chez John Fallon comme chez Graham Day, tout est bardé à craquer, vraiment très bardé, un vrai barda d’accords de clairvoyance chamanique et de vestes à rayures. Regain de raga avec «Like Mrs Peel In Leather», allez vas-y mon gars Fallon, tout le monde est derrière toi, il a ces guitares Ricken d’un côté et un sale glouglou disto de l’autre, alors forcément ça dégueule et ça scintille en même temps, les Laissez Fairs sont le seul groupe qui ait pensé à proposer ça, c’mon, c’mon, ils sont absolument dévastateurs, ce mélange de glouglou et de jingle jangle Byrdsy est terrific. On se croirait chez Attila, ils dévastent tout et Fallon en rajoute des couches, quelle hécatombe, quel power surge ! Ces mecs sont les rois du pétrole. Ils sonnent comme les géants américains des sixties avec l’imprescriptible «Wanna Make You Mine». Fallon profite de «Silhouette Suzy» pour aller voir si la rose est éclose, mignone, et il tape le morceau titre à l’extrême poppisme de la génération incriminée. Avec «Like Mrs Peel In Leather», l’autre hit de l’album est «Higher Than You’d Meant To Go». Fallon et ses amis naviguent dans l’éther, il faut admirer cette allégresse, le cut est comme secoué aux notes de basse et aux éclats de power slinging. La magie du son n’a décidément aucun secret pour eux. Ils la montent au plus haut niveau.

Que dire de ce Marigold sinon qu’il sonne comme l’apothéose d’une carrière dévolue à la mad psychedelia ? On ne peut pas espérer plus de son, plus d’impact, plus d’effervescence que n’en propose cet album. Dès «Long Grow The Marigolds», t’es baisé. Fallon chante ça du coin du nez et mène le bal de belles guitares jingle-jangle, puis il fait tout exploser à coups de ouh-ouh. S’ensuit un authentique coup de génie : «Phantom Stranger». Fallon l’explose par la bande et te claque du storm dans le côté droit du front. Et tout s’écroule dans un Phantom sound de non-retour. Mais comment font ces mecs pour commettre autant d’exactions right now ? À chaque retour, ça s’écroule encore. Les gerbes de haut vol se succèdent. On entend rarement des trucs aussi dévastatoires. Il faut écouter ça plusieurs fois pour voir où Fallon veut en venir. Cet homme est un démon, le pire démon qui soit, le cornu, le rouge, le vitupérant, il agite ses clochettes dans la chaleur des enfers et les guitares culbutent l’occiput, c’est du overwhelmed sans foi ni loi, right now. En bon dieu cornu du rock, John Fallon fait tout sauter. Et puis avec «My Thursday» et «For You To Know», il établit les nouvelles lois de la mad psychedelia. On ne peut imaginer son plus mirifique en la matière. On peut même aller jusqu’à dire qu’il explose le concept même de mad psychedelia. À ce petit jeu, les Laissez Fairs sont imbattables. Ils explosent tout dans les règles de l’art. Avec «Redundant Beach», ils font un peu de glam, mais avec une santé qui prouve une fois encore qu’ils sont capables d’exploser tous les concepts. Ils profitent de «Dirty Alice Jones» pour reprendre les choses là où les Beatles du White Album les ont laissées. Ils éclatent aussi la beatlemania ! Et voilà le pauvre «Follow The Money», éclaté d’entrée de jeu, avec un incroyable swagger de fer blanc, un vomi de solo et des éclairs d’insistance. Back to the heavy psychedelia traversée d’éclairs avec «Crown Plaza». Les solos éclatent au nadir su rock, tout n’est plus que luxe intérieur sur cet album miraculeux, ils descendent leur Plaza au dead end street de no way out. John Fallon navigue au même niveau qu’Anton Newcombe et les Vibravoids. Ils proposent un «Marigolds Return» plus ramassé, c’est-à-dire moins éparpillé et Fallon drives ça wild. On le suit les yeux fermés, il continue de jouer dans la meilleure tradition des miracles psychotropiques. Attention, car il finira par t’épuiser la cervelle. Te voilà prévenu. T’es baisé d’avance avec un mec comme Fallon. Il est beaucoup trop bon. Il termine ce chef-d’œuvre du XXIe siècle avec «We’ll Get There Someday», un heavy garage stroke qui ferait basculer tout un hosto dans le black out. Fallon fucks it off. Il claque la croupe de la pop au trot des légendes universelles. Fallon n’est autre qu’un glorieux claqueur de chique, il épaterait n’importe quelle galerie, sa mad psychédelia mange le cerveau.

Signé : Cazengler, John Fallot

Steppes. The Steppes. Mystic Records 1984

Steppes. Drop Of The Creature. Voxx Records 1986

Steppes. Stewdio. Voxx Records 1988

Steppes. Enquire Within. Voxx Records 1989

Steppes. Harps & Hammers. Voxx Records 1990

Steppes. Alive Alive Oh ! Voxx Records 1991

Steppes. Atomic Cossack. Voxx Records 1992

Steppes. Gods Men And Ghosts. Delirium Records 1997

Steppes. Green Velvet Electric. Cherry Red 2013

Laissez Fairs. Target On My Back. Birs Recordings 2017

Laissez Fairs. Empire On Mars. RUM Bar Records 2017

Laissez Fairs. Marigold. RUM Bar Records 2019

 

A STORY FROM HUBERT BONNARD

LITTLE BOB + JOHNNY THUNDERS

 

La Cité médiévale de Provins n'est pas aussi étendue que New York ou Los Angeles, mais cette petitesse m'a pendant des années offert des compensations. De temps en temps j'avais la chance de croiser Hubert Bonnard. Facile de cataloguer l'individu, c'était le seul habitant de Provins qui s'y connaissait un max en rock, un passionné, un activiste. Facile à reconnaître de loin parmi les ombres grises qui se targuent d'être nos contemporains, une dégaine énergique, de l'allant, de l'électricité dans son regard, un des rares vivants du patelin. Soudain depuis des mois, l'était devenu l'homme invisible, disparu, volatilisé. Et puis sur mon FB, de retour de vacances, enfin des news ! L'a déménagé sur Paris, et mieux que des news, l'annonce d'un cadeau, un don, un document offert à tout les amateurs, une cassette, un extrait de concert de Little Bob avec Johnny Thunders. Mais autant le laisser parler lui-même avec sa faconde, sa façon de mener la ronde folle des mots. L'a une manière à lui de poser les vocables, ponctués d'émoti-intelligents colorés, disposés en serpents de vers irréguliers, emplis d'homophonies intérieures, une poésie brute, qui ravit autant l'œil que l'oreille si vous prenez le temps de lire à voix haute, des insistances, des répétitions, des scansions fusantes, du premier jet de lave. Au lieu de lire notre terne reproduction paragraphique nous vous invitons à aller sur son FB. Vous y retrouverez le texte in extenso et vous vous apercevrez que les sous-titres que nous avons rajoutés sont de notre seule irresponsabilité.

I

MYSTER HUBERT & DOCTOR PIAZZA

'' En attendant We Need Hope le nouvel album de Little Bob Blues Bastard, une petite pépite, hélas enregistrée en public qui complète en partie, les cinq titres live du génial album «  Ringolevio – Off the Rails And Live 78 », voici complétement inédit jusqu'ici, le moment historique et magique où, le mercredi 15 mars 1978, j'imagine aux alentours de 22 H 18 Johnny Thunders rejoint Little Bob Story !!! Ce sur la scène du Dingwall's sur les trois titres de 2 rappels : So Bad ( Roberto Piazza ) & Roll Over Beethoven ( inclus Bye bye Johnny ), puis Lucille.

Musiciens : Chant : Roberto Piazza alias Little Bob / Guitares : Guy-Georges Grémy & Serge Hendrix / Basse : Dominique Lelian alias Barbe Noire / Batterie : Paul Balbi ( The Count Bishops ) / Invités : Guitare & Choeur : Johnny Thunders / Choeur : Johnny Moped ( ? )°

LE MYSTERE DE LA MORT RAIDE

° J'entends Bob présenter sur scène à à 11 mn 43 s '' Johnny Mot'Raide ( ??? ). A part le chanteur Johnny Moped, où vers la fin de Lucille on peut un peu entendre maybe sa voix, j'connais pas. Bob nous dira si c'est bien lui à s'concert-là.

LE TRAFIQUANT D'INTRO

L'intro de Lemmy ne provient pas de ce concert-ci, il figure sur le fameux album de Little Bob Story '' Ringolevio'', paru en 1987, où pour Bob son ami, Lemmy émit sa voix pour lui. Le '' Rock 'n' roll '' de Lemmy vient d'son '' We are Motörhead''. Pis, si Lemmy j'l'ai mis C pour attirer vers Bob les fans de Motörhead aussi. Le '' One Two Three '' de Bob ne vient pas d'ce concert non plus, il vient d'sa prestation live au Théâtre de l'Empire en 1978 pour l'émission d'télé Chorus. L'intro est un montage personnel de 17 secondes, incluant les acclamations du public du Dingwall's +, + symbolique du 1er coup de caisse claire de Kick Out The Jams du MC5 et la voix de son chanteur, Rob Tyner, pour faire le '' Four'' après le '' One Two Three'' de Bob à Chorus où l'on entend en même temps un coup d'batterie, n'se marie pas du tout hélas avec le reste ici, donc pour faire le '' Four'', j'ai pris la syllabe de l'avant-dernière phrase de The Human Being Lawnower : '' Until you're standing beFORE'', pour l'accentuer, issu du génial 1er live du MC5, le F de motherFucker. J'ai voulu ajouter aussi l'un des '' Yeah'' de Bob lors d'son super concert en 1986 au Plan à Ris-Orangis, à 48 mn 43 sec, filmé et mis en ligne par le fameux Pascal Regoli qui pour le bonheur de tous a ouvert ses archives sur son YT mais l'on entend encore en même temps un coup d'batterie ( 21 s ). Quelques rajouts ( copié / collé du public du Dingwall's ) ont été mis lors des bla-bla pour masquer les suraigus ''insssuppotables'', pis aussi pour sublimer à la moi ce grand moment live monumental. Avis que partage Ron Asheton, selon moi, puisqu'à la fin il fait '' WhouAaa''

Ce montage et ces rajouts ont été fait pour rendre + '' sympathique'' le début de ma cassette '' merdique'' qui malgré plusieurs essais d'remix ne donne pas envie d'écouter la suite, mais à 25 secondes du gig Cbon le son est + bon.

LE FOURNISSEUR D'INFOS

L'enregistrement a '' visiblement'' été fait au début du fond d'la salle par quelqu'un qui changeait d'place souvent, mais, à cet inconnu jusque-là, un + que très grand merci sans lui : pas ce Graal ici.

L'enregistrement de ma K 7 ayant un son brouillon, un grand merci à Audacity et à Jean-Jacques Kerleo aussi, l'ingé-son du remasteing du génial album The Next Decline de Wild Child ( oui, avec Leeroy Stanner & Little Jim ) de m'avoir aidé afin qu'il soit beaucoup mieux écoutable ici. La photo du visuel a été importée sur Pinterest par Andrew Griffits, sans source info, mais grâce à une photo de Bruno Blum que j'remercie ici, je sais qu'elle a été prise à s'gig. Ma K7 est issu d'mon '' vieux'' pote Freddy Lynxx le fameux leader des Jet Boys. Nom d'groupe que lui a soufflé son ami Johnny Thunders. Certaines de ses '' drôles'' aventure abec lui sont dans l'excellent bouquin de Thierry Saltet : La France & Johnny Thunders, disponible chez Julie Editions.

Enregistrés par Neil Richmond 5 morceaux du même concert sont sortis avec un bon son sur le génial album Little Bob Story – Off the Rails And Live In 78, espérons qu'il a enregistré s'furieux concert en entier, et qu'un jour, les 3 titres ici, nous pourrons mieux les apprécier.

Comme dit l'une d'mes chansons '' Tant qu'on n'est pas mort, L'espoir vit encore ''. Pourquoi ai-je appelé ce moment historique '' The Italian Night'' ? Outre le clin d'œil à un titre de Little Bob Story, suffit d'y réfléchir.

II

ALTERNATE TAPE

POUR BOB ( ET LES AUTRES )

Pour Bob d'abord. ( Après pour toi ). Tu l'voulais ; Bah l'voilà. Pile poil 42 ans, 11 mois et 3 jours après s'furieux concert-là. Tu voulais revivre Londres d'la belle époque : Bah écoute ça, ça ne fait pas partie des trucs que tu n'écoutes qu'une fois. T l'Plus Grand ! Pour ton nouvel Album '' Merde'' ! Bises à toi.

PUREEEeee : Y'a + d' 5 ans d'jà, Bob au New Morning en 2015 i'me dit ça : '' WhoAaa ! T'as Ça ! J'le veux moi !'' Enfin précisément chéplu, mais C T 1truc comme ça !

Depuis partout dans mes archives j'l'ai cherché, et vas-y que j'cherche et que j'cherche : Keutchi ! Ça y est dans mon merdier j'l'ai ENFIN r'trouvé ! En fait elle était sur '' un peu'' de bordel sous mon lit ! Vu nul part ! C 1 Docu Audio Super Rare, en + ça tombe pile poil avec la sortie de son Nouvel Album

MA K7 OU EN 78 JOHNNY THUNDERS REJOINT LITTLE BOB

SUR 3 TITRES

Du Grand Bob et du Grand Johnny ici réunis ! Purée quelle tuerie : Bob quelle voix d'Killer Killa Là Ici ! Pis quels titres et quelles versions aussi !

Pis pas comme dirait Eddy Machin, comme dit Bob, C' est du rock qui chlingue !

Oui Okay, des fois les guitares font un bruit de canard. On s'en tape, c'est pas grave : imagine kia pas s'Graal ! Mets-Le En Boucle & Ecoute ! Metsl'Son à Fond, Ferme Les Yeux ! T'es Chaud Bouillant, T'es En Face d'Eux ! Imagine Que T'es Un Peu Bourré à La Bière ! Saute En l'Air Comme si T'étais Au Concert ! N'aie Pas Peur : Jette-toi Contre Les Murs ! Fais Gaffe Et Pas Qu'à Ta Tête : La F'nêtre Est Grande Ouverte ! Sûr Grâce à Tes Voisins Tu Vas Finir Au Gniouf ! Tu T'en Fiches Tu Vas Grave Kiffer Com' Un Ouf !

Bref, fais com'tu veux, là fok j'fasse court, faut j'courre : G plein d'trucs à faire ! Des proches à qui j'ai parlé d'ma K7 m'ont dit en gros pareil : '' Purée mais qu'est-ce t'es con !!! T'es l'un des seuls à l'avoir au monde !!! T'es au RSA, t'as pas une thune !!! Vends-le à Bob ou mieux : en 500 45 tours fais-le, à 30 € pièce tu vas faire fortune !!! En + tu dis tout l'temps qu't'as pas le temps !!! T'as 278 m2 à construire + tout ton rangement !!! Avec ta K7 ça fait 3 s'maines ktu perds ton temps !!! Avec tout S'que T'entreprends : T pas près d'faire Rock Star connue international'ment !!! J'leur ai répondu : Oui mais Non : j'préfère être con !

Ça t'a fait plaisir j'espère ! Bises, Hubert !!

MYSTER HUBERT STORY

 

ERIC BURDON 1967

Heureusement qu'Einstein nous a appris que le temps était relatif. Certainement nos plus naïfs lecteurs se sont dits en lisant la chronique précédente que puisque Animalism ( US ) était sorti en décembre 66 nos Animals étaient encore vivants à cette date. Point du tout, ils sont morts, rayés du globe terrestre, une extinction animalière sans précédent, enfin pas tout à fait, sélection darwinienne, struggle for life, les plus forts – en fait les plus adaptés aux nouvelles conditions atmosphériques – survivent, Eric Burdon bien sûr – les copains en avaient vraisemblablement assez de lui servir de faire valoir, et quelques mois de tournées in the States vous usent un homme jusqu'à la corde, vous le rabotent de fond en comble, plus tard ils le regretteront, nous en reparlerons – et Barry Jenkins ne lâche pas l'affaire, dernier arrivé l'a encore faim, il sait qu'une fois qu'on a abandonné le peloton de tête il est difficile d'y revenir, sont les deux seuls survivants. Burdon ne relâche pas la pression, les Animals sont morts, vivent Eric Burdon and the Animals, la nouvelle association sera prête en novembre 66, mais au mois de septembre ( 66 ) il a déjà mis en boîte Eric Was Here, faut toujours avoir deux sorties ( au minimum ) à son terrier, si l'une s'écroule il reste au moins une issue de secours. Il serait injuste de traiter Eric de petit cachotier, toute l'équipe est au courant, et certains membres de la première dream team n'ont pas refusé de jouer sur tel ou tel morceau. Qui exactement ? Une fois que vous les rencontrerez au paradis ils vous le diront. Difficulté subsidiaire : certains titres des Animals ont été réédités en singles sous les appellations : Eric Burdon and the New Animals et / ou Eric Burdon and the Animals... L'on sent le trafic d'animaux pour raisons pécuniaires, d'ailleurs l'album Eric is Here est crédité non pas à Eric Burdon mais à Eric Burdon and The Animals.

Derrière toutes ces transactions se trouve depuis le début un homme : Mike Jeffery connu dans le monde du rock pour avoir été le manager des Animals et de Jimi Hendrix. Il a su saisir la chance au vol, amateur de jazz il était présent au Down Beat de Newcastle et a eu le flair de sentir qu'avec le groupe de musiciens qui allaient devenir les Animals il tenait un bon numéro. Il a gagné beaucoup d'argent, les Animals un peu moins. Les kr'tntreaders avertis par les différents articles que le Cat Zengler a consacrés au grands patrons du rock 'n' roll business ne seront pas surpris. Les admirateurs d'Hendrix lui en seront même reconnaissants. Lorsque Chas Chandler sur la recommandation d'Anita Pallenberg, petite amie de Keith Richards, lui conseille d'aller voir à New York un certain guitariste noir, il en revient enchanté, il a découvert la poule aux œufs d'or, à un détail près, il ne possède pas l'argent nécessaire pour lancer dignement un tel phénomène, Chas est lui-même en froid avec Mike Jeffery mais il ne connaît personne dans son entourage qui soit capable d'assumer financièrement un tel projet. Après avoir vu de ses propres oreilles l'ovni-guitariste Jeffery accepte de prendre les risques... avec d'autant plus de célérité qu'il investit à fonds gagnants puisque aucun des membres des Animals ne seront jamais crédités des 40 000 livres qu'il leur a promis... Cette histoire est la face dorée de Mike Jeffery. Il existe aussi une légende noire. Qui était au juste Mike Jeffery est-il vrai qu'il était un agent de l'Intelligence Service ? Est-il vraiment décédé dans un télescopage d'avion au-dessus de l'aérodrome de Nantes ( bonjour les zadistes ), pourquoi son père a-t-il fait exhumer son ( prétendu ? ) corps pour qu'il soit incinéré ? Questions sans réponses. Mais depuis Elvis Presley tous les morts qui ne sont pas morts et qui coulent des jours heureux sur une île exotique avec leur fortune ( plus ou moins bien acquise ) sont légion... Si l'on ajoute que Jeffery a été accusé sans preuve d'avoir provoqué la mort de Jimi pour toucher son assurance … l'on se dit que l'homme devait avoir un certain charisme pour susciter après sa mort de telles hypothèses...

Nancy Reiner qui est sortie avec Mike Jeffery a défendu sa mémoire. Pour l'avoir connu dans son intimité elle le présente comme un homme gentil, cultivé, gai et attentionné. C'est cette dernière qualité qui a dû l'émouvoir. Il suffit de regarder une photo de Nancy pour comprendre sa fragilité et sa sensibilité. Enfant mal-aimée, blessée à vie et à vif. Artiste, poète, elle finit son existence dans une profonde solitude en 2006... Son nom ne vous dit peut-être rien mais c'est elle qui a dessiné la pochette de The cry of love disque posthume de Jimi Hendrix paru en 1971. Jeffery avait présenté Hendrix à Nancy, une profonde amitié amoureuse les lia... l'on ne s'étonnera pas si l'on se rappelle qu'elle assistera en compagnie de Jimi Hendrix et d'Eric Burdon au festival de Monterey Pop qu'elle ait aussi dessiné la pochette de Eric is here. Nous analyserons dans une proximale chronique quelques unes des rares pochettes réalisées par Nancy Reiner.

ERIC IS HERE

ERIC BURDON AND THE ANIMALS

( Mars 1967 )

Donc Burdon au chant et Jenkins à la batterie. Et les autres ? Sont deux, Horace Ott et Benny Golson. Un bon choix. Proviennent du blues, non pas du tout, du jazz et du rhythm 'n' blues. Ott navigue dans les studios depuis la fin des années cinquante. Il a présidé à de multiples enregistrements, nous ne citerons que quelques artistes dont les Animals ont adapté un ou plusieurs titres : Jackie Wilson, Sam Cooke, Nina Simone. Ott est pianiste c'est lui qui choisira les musiciens qui participeront aux cinq morceaux qu'il dirigera, Benny Golson saxophoniste réputé de jazz agira de même pour les sept titres restants.

In the night : oubliez les Animals, opéra avec changement de décor et d'orchestre, où sommes-nous, Burdon le sait-il lui-même, il vogue vers de nouvelles frontières, le choix des compositeurs peut faire tiquer, Tonny Boyd et Bobby Hart sont surtout connus pour avoir composé et joué sur les disques des Monkeys, l'on attendrait moins à d'artificialité showbizznesque dans les choix de Burdon, entre rhythm'n'blues bon marché et chansonnette, jolie mélodie, la voix de Burdon sauve le cocotier, il aurait mieux valu le scier à la base. En sourdine de suaves motifs vaguement arabisants mais l'on est loin du conte des mille et une nuits. Mama told me not to come : le titre est engageant, sent le bon vieux rock'n'roll, mais non l'on est entraîné en territoire connu dans la fournaise d'un bon vieux rhythm 'n' blues, semi spoken words, les paroles nous introduisent dans une autre dimension, dans une autre époque, drôle d'odeur dans le salon, dans la trilogie sex, drugs and rock'n'roll, le deuxième pilier est privilégié. I think it's gonna rain today : le titre précédent nous avait presque réconcilié avec Randy Newman, ici pas grand chose à se mettre sous la dent, les orchestrations cuivrées insipides qui de temps de temps en temps parsèment l'accompagnement ne sont guère appétissantes, restent les morceaux de viande du vocal burdonnien pour donner du goût à la soupe. This side of goodbye : dans la vie il est nécessaire de se méfier des a priori, genre ô chouette, signé par Carole King et Gerry Goffin qui avaient fourni We 've gotta get out of this place to the Animals, en plus interprété l'année précédente par les Righteous Brother, arrêtez-vous là, n'allez pas plus loin, les Brothers semblent se parodier eux-même, une orchestration grand spectacle à petit effet, pas fameux mais tout de même mieux que la version de Burdon incolore et inodore... That ain't where it's at : d'entrée une belle basse animalière, et une cavalcade de poneys des plus agréables, des cuivres un peu trop en arrière mais le clavier devant n'est pas du tout en trop, Burdon ne lâche pas la grappe d'une seconde, et nous sommes sur le meilleur morceau de cette face A. True love ( comes only once in a lifetime ) : avec un tel titre on craint le pire, mais les chœurs féminins du début nous surprennent agréablement, un peu composite, un peu n'importe quoi, Burdon s'amuse, une fois dans l'idiotie sentimentale, une fois dans la fausse grosse voix, celui qu'il faut remercier c'est Benny Golson, un sorcier, avec trois fois rien, il vous titille l'oreille drôlement. Help me girl : résolument Animals dans la tournure, ça se perd dans la suite, mais il y a un moutonnement de basse qui vous réconcilierait avec l'univers et votre pire ennemi. Un arôme pré-proto-funk dans l'arrangement. Une hybridation black and white avec les qualités et les défauts du genre. Wait til next year : troisième morceau signé Randy Newman traité de la même manière que Mama tell me... orchestration sournoise, un peu rampante un peu bruyante, un Burdon qui chante comme s'il parlait, ce n'est pas mal, ce n'est pas bien, vous descendez du train insatisfait. Loosin' control : dépaysement absolu, une musique venue d'ailleurs, une espèce de fifrelin frifilisique arabisant et Burdon qui chante avec une voix qui n'est pas la sienne, dans la série étonnez-moi Benoît cela vous fout en émoi, pour l'orchestration imaginez le mur du son auquel il manque le mur. Pas désagréable. Etrange. Une tentative qui se respecte. It's not easy : de Barry Man et Cynthia Weil ( cette dernière prête nom de Horace Ott ), même équipe que Don't let me be me misunderstood. N'ont pas puisé dans la même veine inspiratrice, ennuyeux au possible, insipide. Passons vite. The biggest bundle of all of them : le mieux serait d'isoler la voix de Burdon, de supprimer la musique et d'oublier ces chœurs masculins qui préfigurent salement à ceux de In the navy de Village People, je n'affabule pas, je ne charge pas la mule, c'est Horace Ott ( nul n'est parfait ) qui se chargera des arrangements de ce morceau, avis aux amateurs : si vous l'entendez une fois, vous ne le réécouterez pas une deuxième. It's being a long time comin' : une ballade, encore une fois le passe-partout des arrangements est confondant, l'orgue semble pompé sur Percy Sledge, pourquoi Burdon ne blouse-t-il plus sa voix sur les dernières au lieu de nous offrir ce froid final de bouse variétoche blanchisé à outrance ?

Un disque décevant, passé inaperçu en France car réservé au marché américain. Ironie des choses, c'est cornaqué par des orchestrateurs noirs que Burdon réussit à chanter plus blanc que sur disques des Animals. Cet album est un coup d'épée dans l'eau.

TONY WILSON

Il est pourtant produit par Tony Wilson. Pas la dernière roue de la charrette, un rocker c'est bien, un rocker + un producteur c'est mieux et avec Tony Wilson à vos côtés vous avez quelqu'un aussi important que Phil Spector, oui il émarge parmi les quatre ou cinq grands du métier. Un homme discret sur ses origines, un noir qui au début des années cinquante est étudiant à l'Université d'Harvard, spécialisé en économie et en politique. Un passionné de musique qui tient le micro dans une émission de jazz sur le campus. Se retrouve à la tête de Transition Records, un label qui tente d'influer le jazz, il enregistrera de nombreux artistes, parmi lesquels le pianiste Cecil Taylor, Coltrane, le saxophoniste Benny Golson ( voir plus haut ) et l'éruptif Sun Ra. Il est producteur chez Columbia, John Hammond lui refile un de ses poulains particulièrement pénible, c'est donc lui qui produira les derniers titres de The Free Wheelin' de Bob Dylan. A vite fait de cataloguer le gazier, des paroles intelligentes mais le folk pour ses oreilles de jazzeux lui paraît une musique rudimentaire, peu porteuse. Pousse à la roue l'impétrant pour qu'il mette un peu ( beaucoup, à la folie ) d'électricité dans son brouet d'eau claire. On lui doit donc ( entre autres ) Bringing it All Back Home, Highway Revisited 61, et le simple Like a rolling stone, mais ce n'est pas tout Freak Out ! des Mothers of Invention, il n'est pas crédité sur le premier Velvet même si c'est lui qui effectue le boulot et non Andy Warhol, par contre son nom est sur la pochette de White Heat, White Light, qui d'autre d'ailleurs aurait pu accepter d'enregistrer une telle confusion maelströmique, il est vrai que lorsque l'on n'a pas sourcillé pour le Absolutely Free de Zappa l'on n'a peur de rien ! Les Animals bien sûr, mais aussi Professor Long Hair, Dion, Simon & Garfunkel...

En studio il n'est pas un dictateur, mais ses avis sont écoutés, sait faire les remarques justes qui remettent un artiste sur le chemin qui lui convient le mieux, tatillon à sa manière, l'air de rien, apparemment plus intéressé par la fille assise – préférait les blondes – à ses côtés que par le boulot des artistes, mais toujours un œil sur les ingénieurs du son afin qu'ils ne prennent pas des décisions trop personnelles. Homme secret, il s'achetait de superbes voitures qu'il ne conduisait pas, il meurt d'une crise cardiaque en 1978, il était né en 1930 ( Elvis en 1935 ), entre 1965 et 1968 il exerça une influence certaine, aujourd'hui pas vraiment reconnue, sur l'évolution du rok 'n' roll. Que voulez-vous, nos œuvres sont éparses a dit Saint John Perse.

Damie Chad.

P. S. : puisque je vous ai habitué aux petites gâteries animalières, et qu'il ne faut pas renoncer aux traditions, voici un truc qui vous empêchera de dormir, pendant au moins une semaine. Ne dites pas que vous ne connaissez pas, certes ce n'est pas exactement Le Petit Chaperon Rouge, mais The Dangerous Christmas of Red Riding Hood, télé-film ( sur You Tube ) que les enfants sages d'Angleterre ont eu la chance de zieuter le 28 novembre 1965. Une comédie musicale avec Liza Minnelli en vedette. Je vous laisse le (dé)plaisir de la découverte, je ne vous en dis pas plus. Ah, si j'oubliais les Animals sont dedans. Rien que pour cela, vous devez le regarder, essayez tout de même de préférer la scène précédente du ballet, clin d'œil à Nijinski, je me demande si David Bowie ( l'était déjà grand ) et Freddie Mercury ( est arrivé en Angleterre en 1964 ) ont vu ce truc.

 

XXIV

ROCKAMBOLESQUES

LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

( Services secrets du rock 'n' rOll )

L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

Lecteurs, ne posez pas de questions,

Voici quelques précisions

 

103

Vince et moi nous tordîmes le cou dans tous les sens, malgré notre bonne volonté nous n'aperçûmes aucune queue de dinosaure qui traînait sur le sable. Métaphoriquement parlant bien sûr. Je m'apprêtais à ouvrir la bouche, le Chef me signe de me taire d'un geste impérieux il leva son index gauche pour me faire signe d'écouter. Je tendis l'oreille. A mes côtés Vince aussi était tout ouïe. Une bonne minute nous fut nécessaire pour saisir au fond de l'air, une bribe de mélodie qu'une très légère brise se chargea d'accentuer. Au loin l'on chantait. Une espèce de lointaine rumeur indistincte qui bientôt s'amplifia ce qui nous permit de distinguer nettement les paroles :

La colonie passe, laissez-lui la place

Dans la troupe il n'y a pas de jambe de bois

Il y a des nouilles, mais ça ne se voit pas...

Un bataillon de très jeunes gens ne tarda pas à apparaître marchant d'un pas cadencé le long du parapet qui dominait la plage. Une monitrice devant, une monitrice derrière. Celle qui menait le cortège désigna de la main à une cinquantaine de mètres de notre aéronef une pente de ciment qui permettait de descendre sur le sable. Les gamins l'empruntèrent en courant mais alors qu'ils fonçaient en criant vers la mer une voix sèche les rappela à l'ordre. Docilement ils revinrent et les deux jeunes filles organisèrent une séance de jeux. Z'étaient sagement assis en rond tandis que l'un d'eux couraient derrière eux un mouchoir à la main. Manifestement une partie de pipi au lit.

    • Attention l'on vient nous voir, murmura le Chef

En effet une des deux monitrices marchait vers nous d'un pas décidé, nous distinguions mieux son visage, elle grimaçait de colère, elle fonça droit vers le Chef et lui adressa la parole d'un ton de bouledogue enragé :

    • Non seulement, vous avez garé votre véhicule dans l'espace réservé aux baignades mais encore vous vous permettez de fumer en présence d'enfants, c'est une honte, un scandale, si plus tard l'un seul d'entre eux décède d'un cancer, vous en serez responsable !

    • Sachez Madame, que je fume pas, je savoure un Coronado !

    • Quoi, un Coronado, cette saleté qui transporte le virus !

    • Madame, sachez que le Président de la République et le Haut Conseil Scientifique de Surveillance de la Pandémie ont reconnu pas plus tard que voici quelques heures la non-nocivité du Coronado dans la propagation du virus...

    • Monsieur, le gouvernement change d'avis tous les trois jours, en plus une simple cigarette devant des d'enfants est un crime contre l'Humanité, éteignez tout de suite votre Coronado sinon...

    • Madame, le ton du Chef était glacial, premièrement vos gamins sont à cinquante mètres, deuxièmement sachez que les rares personnes qui ont eu l'outrecuidance de me demander d'arrêter de fumer, ont subi le même sort, je pense par exemple à ce directeur de cinéma qui était venu me demander d'éteindre mon Coronado alors que j'étais en train de regarder Alien 12, il est reparti, sauf votre respect la queue entre les jambes, n'est pas allé bien loin, une balle entre les deux yeux...

    • Ah ! Vous le prenez comme cela, vous croyez me faire peur, cinquante mètre – la Cheftaine était hors d'elle - l'on va raccourcir la distance !

Saisissant un sifflet retenu par un ruban bleu entre ses deux seins elle siffla trois coups brefs qui eurent un effet immédiat sur les gamins ennuyeusement assis autour de la seconde mono qui était maintenant agenouillée au milieu du cercle, ils se précipitèrent vers nous en hurlant, une vingtaine de chenapans, des blonds, des bruns et un petit rouquin plus déluré que les autres qui s'installa aux commandes de notre appareil et qui commanda aux autres de le pousser vers la mer, lui obéirent au doigt et à l'œil et en quelques instants, notre aéronef bouté au cul par une grappe de gamins glapissants se mit à avancer de cette allure lente et cahotante qu'adoptent les modules lunaires explorant le sol pierreux de notre satellite. La Cheftaine arborait un sourire triomphant :

    • D'abord on balance votre véhicule à la flotte, ensuite on s'occupera de votre Coronado !

Le Chef souriait béatement, lorsque notre Pégase mécanique fut à mi-distance de la mer, il hurla :

    • Eh rouquinos, pour desserrer le frein pousse le petit bouton noir à gauche ou à droite !

- Oh ! Hisse pousse la saucisse ! reprirent en chœur ses camarades.

Il y eut une explosion, une flamme jaillit brève mais intense, des corps de gamins furent soulevés en l'air et retombèrent en morceaux carbonisés, sur le sable !

    • J'aurais dû leur dire que l'hydrogène est un gaz explosif, c'est bête, j'ai oublié ricana le Chef.

Vince n'avait pas perdu son temps. L'explosion n'était pas terminée que se saisissant d'une grosse branche que les vagues avaient avait rejetée sur le rivage, il avait fracassé le crânes des deux monitrices. Il se pencha sur leurs cadavres. Son diagnostic fut péremptoire :

    • Pas de sang, des Réplicants, j'en étais sûr !

    • Agent Chad, nous ne sommes pas loin du Négresco, vous trouverez facilement une grosse cylindrée à emprunter ! Vite !

Trois minutes plus tard je revenais avec un superbe engin dans lequel nous entassâmes tous, les filles dans leur maillot de bain mouillé, les chiens qui s'étaient amusés à creuser des terriers distribuèrent des traînées sableusement visqueuses et urticantes un peu partout. Des sirènes de pompiers et d'ambulances résonnaient dans le lointain, devant nous au bout de l'avenue la police montait un barrage, je le franchis sans encombre, sans même ralentir, ma plaque verte Corps Diplomatique était un véritable sésame.

104

Sur l'avis avisé de Vince je garais la voiture dans une ruelle. Les filles et les chiens s'éloignèrent vers des boutiques de fringues. Nous les hommes, les durs, les tatoués, qui fleurent bon la silice chaude entrâmes dans un bar louche, nous étions à la recherche d'innocentes babioles... Lorsque nous revînmes les beach girls étaient déjà assises dans la voiture en tenue décente. Vince et le Chef me suivaient de près portant à bout de bras de grosses caisses, le dos voûté sous le poids d'énormes sacs-à-dos bourrés de marchandises. Je soulevai le hayon et poussai un cri d'effroi !

    • Agent Chad, y aurait-il un cadavre dans cette malle !

    • Pire que cela Chef !

Il s'avança avec Vince et tous deux reculèrent instinctivement, les portières claquèrent et les filles sortirent le sourire aux lèvres :

    • On a fait les soldes, pas cher du tout, juste pour avoir l'air présentable !

On dut en jeter les trois-quarts que nous lançâmes sans ménagement sur le trottoir pour les remplacer par nos paquets encombrants... Les filles jurèrent que nous ne comprenions rien à l'âme féminine, que nous étions des butors, mais nous ne les écoutions pas, j'avais repris le volant et Vince me guidait. Nous gagnions les hauteurs de la ville, après les belles villas nous atteignîmes une espèce de banlieue, constituée de cabanons, plus ou moins en ruines, tout ce quartier ne devait pas avoir vu sur la mer pour être dédaigné par les promoteurs.

    • Damie après la palissade, tourne en marche arrière dans l'impasse et gare-toi sous le feuillage de l'arbre qui squatte la rue.

J'obtempérai. Nous descendîmes en évitant de faire claquer les portières. Les filles surprises de voir l'attirail récupéré chez des amis de Vince en faveur duquel l'on s'était débarrassé de leurs larges emplettes. Armes et munitions. Molossa le corps bardé d'une ceinture d'explosifs prit la tête de notre colonne. Molossito fermait la marche lui aussi harnaché d'un gilet de '' sauvetage'', nous avancions sans bruit, les poches emplies de grenades, revolvers à la ceinture, fusil-mitrailleurs à la hanche. Deux rues plus loin, Vince – il portait un bazooka sur son épaule - se dirigea vers une des rares demeures de pierre. Les entrées béantes, les murs tagués, des canettes et des seringues jonchaient la pelouse, il devait se donner d'étranges fêtes nocturnes en ce lieu, mais Vince contourna l'édifice et s'enfonça au fond du parc. Sous la végétation un hangar se profilait, il régnait un silence de mort. Nous approchâmes de l'entrée un escalier disposé en demi-cercle, constitué de quatre larges marches disjointes donnait accès à un portail délabré, le bois était pourri et semblait tenir debout grâce à l'intervention du saint-esprit :

    • Où sommes-nous, souffla Charlotte visiblement impressionnée

Vince répondit d'un ton lugubre - à l'endroit exact où Eddie Crescendo a disparu !

( A suivre... )