10/03/2021
KR'TNT ! 501 : KURT BOETTCHER / JOHN FALLON / MYSTER HUBERT + LITTLE BOB + JOHNNY THUNDERS / / ERIC BURDON AND THE ANIMALS / ROCKAMBOLESQUES XXIV
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 501
A ROCKLIT PRODUCTION
SINCE 2009
FB : KR'TNT KR'TNT
11 / 03 / 2021
CURT BOETTCHER / JOHN FALLON MYSTER HUBERT + LITTLE BOB + JOHNNY THUNDERS ERIC BURDON / ROCKAMBOLESQUES 24 |
TEXTES + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
Boettcher me botte
Selon le New York Times, Curt Boettcher naviguait au même niveau que Brian Wilson. Et pourtant, il a réussi l’exploit de tomber dans l’oubli. Des fans ultra-sensibles comme Joe Foster en Angleterre se sont mobilisés pour l’arracher à l’oubli. Les deux albums magiques des Goldebriars ont même été réédités. Curt Boettcher est une sorte de caverne d’Ali-Baba à deux pattes, le Loch Ness de l’underground californien.
L’histoire commence bêtement : Curt rencontre Victoria Williams chez Jim Hendricks qui est à cette époque le mari de Cass Elliot et son collègue dans the Big 3 (un trio vocal à succès dans l’esprit de Peter Paul & Mary). Cass va ensuite devenir Mama Cass. Plutôt que de la questionner sur ses goûts sexuels, Curt demande à Victoria si elle sait chanter en harmonie, une question qui a le don de la charmer. Ils s’installent tous les deux à Hollywood et montent les Summer’s Children, the flower children answer to the Everly Brothers. Des gens comme Van Dyke Parks, Tim Hardin, Glen Campbell et les Association les accompagnent ici et là. Ils papotent avec des voisins notoires comme Frank Zappa ou Henry Vestine. Curt rencontre ensuite Steve Clark qui fait de lui un producteur à succès, notamment avec The Association. «Along Comes Mary» c’est Curt. À 22 ans, Curt est le wonder boy du Los Angeles recording world. Puis en 1966, il rencontre Gary Usher. Dans un petit texte sensible, Usher raconte qu’en entendant Curt produire «That’s The Way It’s Gonna Be» pour Lee Mallory, Brian Wilson devint blanc comme un linge. Usher ajoute que pendant une semaine, Brian ne parlait plus que du kid et de sa chanson. Curt va en effet créer un son - Hypnotic, backwards instrumentation, ethereal Ballroom backing vocals and innovative percussive sound effect - Dawn Eden Goldstein : «Boettcher built the avant-garde sound that fascinated Wilson.» Bienvenue dans le monde enchanté de la sunshine pop.
En 1963, Curt monte les GoldeBriars avec Ron Neilson et les sœurs Holmberg, Dotti et Sheri. Sur la pochette de leur premier album sans titre, elles sont brunes. Un conseil, essuie-toi les pieds quand tu rentres dans ce monde magique. Avec «He Was A Friend Of Mine», les Goldebriars paraissent bien plus purs que les Mamas & The Papas, car ils chantent à la puissance dix. Ils reprennent l’«Alabama Bound» de LeadBelly et Curt se livre à un fantastique rumble de coups d’acou dans «A Mumblin’ World», une vraie cavalcade de beautiful folk-rock, son et production sont au rendez-vous. «Long Time Travellin’» sonne comme un heavy cut on the loose avec les sœurs Holmberg qui gueulent derrière. Ça monte au cerveau en permanence. Curt est le soldat inconnu de la légende californienne. Il a un son unique au monde, comme le montre encore «Shemandoah». Les fans de Curt se feront un devoir d’écouter la red parue en 2006 car les bonus sont une véritable dinguerie, à commencer par «Sunshine Special» et l’énergie du chant, «Jump Down» (fantastique shoot de Curt dementia), «Nothing More To Look Forward» (deux versions de ce cut de rêve avec les deux frangines qui attaquent ensemble, c’est d’une troublante beauté) et pour finir «Linin’ Track» (psychout so far out, fantastique take de guitar twang).
Dotti Holmberg nous raconte dans ses souvenirs que les Goldebriars se sont formés au Zoo Coffeehouse, un club de Minneapolis, Minnesota. Curt s’y produisait avec sa gratte et les deux frangines sont venues chanter avec lui. Curt était un petit mec court sur pattes qui avait vécu au Japon, où son père était militaire, d’où son goût pour les traveling jazz hamonies un brin orientales. Quand ils arrivent en studio à New York pour enregistrer, les Goldebriars sont parfaitement au point, car Curt est, nous dit Dotti, un little Napoleon qui n’hésite pas «à faire claquer le fouet si nécessaire». Il voulait aussi voir le groupe adopter un look gyspsy et les sœurs durent se teindre les cheveux en noir, pour paraître plus orientales. Curt et Ron s’habillaient en noir, si bien que lorsque les Beatles ont débarqué à la même époque aux États-Unis, on confondait les deux groupes. Ils avaient le même look, le fameux look «out of this world».
Leur deuxième album paraît aussi en 1964 et s’appelle Straight Ahead. Dotti verse une mer de larmes dans «Sea Of Tears», elle s’accroche à sa mélodie et développe de la magie vocale. Curt et Burt c’est kif kif bourricot, même sens du merveilleux. Burt a sa Dionne, Curt sa Dottie, alors pas de problème. Et quand la frangine Sheri chante «Mac Dougal Street», ce n’est plus pareil. Il faut voir les deux frangines sur la pochette, elles sont devenues blondes et sourient comme ces blondasses qu’on croisait à l’époque dans les pages de Salut Les Copains. On les voit aussi chanter toutes les deux ensemble dans «I’ve Got To Love Somebody». Curt reprend parfois le micro pour chanter des trucs comme «Haiku» au tremblé de glotte intense. Ils font des harmonies vocales à trois voix dans «No More Bomb» et passent à l’exotica de rang princier avec «Queen Of Sheba». C’est très poussé dans les effets. Ils disposent de gros moyens vocaux. Gratté aux meilleures guitares du Curt Sound System, «Zum Gale Gale» va encore plus loin. Globalement, Straight Ahead est un album d’harmonies vocales très confortable. Comme dans le cas de l’album précédent, il n’est pas inutile d’aller écouter la red parue en 2007, car les bonus de rêve y pullulent, à commencer par ce fatidique «Hush Hush» embarqué au wild heavy drive et les filles font Yeah babe ! Yes man ! Curt s’amuse bien avec les sœurs Holmberg, comme on le voit avec cette pop endiablée qu’est «Walking Down The Line». C’est du Curt effervescent. Ses yah sont des modèles du genre, on se régale de l’incroyable qualité de la tension et des yah. Encore de la belle pop d’easy listening avec ce «Tell It To The World» envoyé au ciel d’un coup de glotte puissante. On signalera aussi cette merveille de surenchère qu’est «June Bride Baby», véritable pépite de teenage angst.
Il existe un troisième album des Goldebriars jamais sorti à l’époque pour cause de split. Dotti dit qu’on peut le trouver sur la compile Climbing Stars parue en 2006. Si on va écouter Climbing Stars, on sera content du voyage, ne serait-ce que pour la belle pop impavide d’«Hush Hush», une pop bien secouée du cocotier. Les deux filles sont bonnes, elles ont du cœur au ventre, baby yak yak all the time. Elles font ensuite une belle attaque à la Mamas & The Papas dans «Nothing Wrong With You That My Love Can’t Cure». Elles fondent leurs voix dans un groove de coconut. Plus loin, Curt fait chanter les filles à l’unisson du saucisson dans «Last Two People On Earth». Curt monte la qualité artistique en épingle, c’est sa manie. Il propose une pop californienne aussi chargée que celle des Mamas & The Papas et le hit de l’album pourrait bien être «I’m Gonna Marry You», un cut terrifiant de pureté harmonique. On croirait entendre Brian Wilson, hey little girl I’m gonna marry you, Curt entre dans le mythe, suivi de deux sœurs Holmberg qui s’en vont se percher au sommet de leur chat perché. Get the picture ? Tout l’album brûle de perfection harmonique, il brûle à s’en écarteler, brûle encore, brûle toujours. Curt vise en permanence un jusqu’au-boutisme pop. Il faut les voir chanter «We Shall Overcome» dans la matière du lard total, ils sont magnifiques jusqu’au bout des ongles. Avec «Que Bonita», Curt tape dans la pure exotica, il chante au bonita perché.
En 1967, Curt monte The Ballroom avec Michele O’Malley et Sandy Salisbury. Ils enregistrent quelques bricoles qu’on peut retrouver sur des compiles, notamment celle de Joe Foster sur Rev-Ola (Preparing The Milenium), ou encore mieux, le Magic Time de Sundazed qui brasse plus large sur 3 CD. En fait, The Ballroom se prépare au Millenium, l’un des groupes phares de la scène Sunshine Pop californienne. The Ballroom aurait dû exploser, car ils chantaient «Spinning Spinning Spinning» au sucre de belover, ils proposaient de la pure magie pop noyée de son ardent sous le soleil de Satan, ils mêlaient la provocation juvénile à l’innocence du vraisemblable. «Love’s Fatal Way» sonnait comme un hit pop endorlori, plombé des dents et profond comme un jet d’abysse. Ces gens-là avaient du caractère. Leur pop de jus frais désaltérait, ils trayaient les vaches bleues de bon matin à l’étable. Curt donnait un avant-goût de son génie pop avec «Forever», ça jouait dans l’oreille avec un son tendu au bassmatic de bah bah bah et ça partait en pah pah pah dans le soleil aveuglant. On trouve plus loin un autre shake de Ballroom intitulé «I’ll Grow Stronger» d’une incroyable qualité longitudinale. On le sait, la Sunshine Pop flirte avec la good time music et Curt le prouve avec «A Time For Everything», quasi Brazil dans sa progression d’accords - A time for feeling/ A time for everything - On a même du xylo, c’est dire la classe du Ballroom. On trouve encore du Ballroom sur le disk 2 de Magic Time, des cuts de Curt assez merveilleux comme «Opus To A Friend» qui court sous l’horizon, up-tempo gorgé de lumière digne des Byrds. Ou encore «5 AM» chanté au five o’clock in the morning, it’s beautiful, il a raison, il claque ça au groove d’extrême beauté. Cette succession de hits lumineux est une véritable aventure. On écoute ça en marchant sur des œufs, pas question de les déranger. Curt enregistre aussi quelques singles avec Victoria Winston, leur duo s’appelle comme on l’a dit Summer’s Children et on se régale de «Milk & Honey». Victoria chante ça à la voix sucrée. Plus sucré ça n’existe pas. Elle préfigure Hope Sandoval dans «Too Young To Marry», c’est très tendancieux, ça pue le sexe. On tombe plus loin sur une démo de Curt, «Another Time». Il chante à la pureté du ton, il reste très intrinsèque. Pas la peine de lui proposer un bonbon à la sortie de l’école. S’ensuit une autre démo, «Sea Of Tears», digne de Brian Wilson, enveloppée de sucre glacé et décorée d’une big bassline.
Pour Curt, 1968 est une année chargée : il rencontre Gary Usher qui fait partie du staff Columbia. Rencontre déterminante : ils vont devenir inséparables et travailler sur deux projets, the Millinium et Sagittarius, les deux projets phares de la Sunshine pop californienne.
Sur le disk 3 de Magic Time figure justement l’album de Millenium, le fameux Begin qu’on dit mythique. En tous les cas, le pressage Columbia de 1968 vaut un gros billet. On comprend pourquoi lorsqu’on écoute «I Just Want To Be Your Friend» : il n’existe rien de plus lumineux que cette pop de bossa nova. Ils vont loin dans le beau, un beau qui lève comme une pâte au levain. Ils sont sept dans le groupe, Curt, Sandy Salisbury et cinq autres mecs dont un ex-Music Machine, Doug Rhodes. C’est un autre ex-Music Machine, Keith Olsen qui co-produit l’album avec Curt. Ils reprennent le fameux «5 AM» enregistré au temps du Ballroom et en font un chef-d’œuvre de douceur pop évangélique. Encore plus effarant : «I’m With You», apanage de la Sunshine pop - And there’s magic in your eyes - on entend les guitares des anges grattées dans l’éclair de l’instant, c’est éblouissant de son et d’harmonies vocales. On suivrait ces gens-là jusque dans l’enfer du paradis. Ils sont dans un trip extraordinaire de perfection sonique. Ils font aussi des cuts bizarres comme le heavy boogie d’«It’s You» et reviennent à la perfection avec «Some Sunny Day». Tiens, encore un cut extraordinaire : «There’s Nothing More To Say». Ces mecs sont capables de tout comme de rien. Curt laboure sa pop jusqu’à l’angelus, il sonne comme un bonheur de la dernière heure. Mais bon, tout ça c’est bien joli, mais l’album ne marche pas et le Millenium splitte. Curt perd la confiance de Columbia.
Paraît aussi en 1968 l’album de Sagittarius, Present Tense. Joe Foster signe les liners de la red parue sur Rev-Ola en 2009. Il démarre en force : «How can I begin to describe one of the most beautiful soundscapes ever recorded ?». Il parle ensuite de pure universal love et d’album of albums. En plus de Curt (auteur ou co-auteur principal), Gary Usher a invité dans son projet la crème de la crème du gratin dauphinois : Bruce Johnston, Terry Melcher et Glen Campbell. Foster raconte qu’un jour Gary Usher a dans les pattes la démo de «My World Fell Down» et il la propose à ses protégés Chad & Jeremy qui n’en veulent pas. No problemo. Gary l’enregistre avec d’autres gens. C’est un hit digne des Beach Boys, on se croirait chez Brian Wilson. Même attaque supplétive d’intérêt collectif, c’est même supplémenté dans l’urgence de l’orgie sonique, avec toute le fabuleux overwhelming de world fell down. Il faut bien insister sur ce point : Gary Usher tape là dans le haut du panier, exactement au même endroit que Brian Wilson. Il overdubbe les harmonies vocales de Bruce Johnston et de Terry Melcher par dessus le lead vocal de Glen Campbell. Quand le head honcho de Columbia Clive Davis entend ça, il demande la suite. Mais Gary Usher ne faisait que s’amuser en studio. Il ne pensait pas faire un album. Alors ils baptise le projet Saggitarius, d’après son signe astral. Curt ramène sa fraise, des amis à lui et des cuts comme «Hotel Indiscreet». Gary et Brian Wilson considèrent Curt comme un boy wonder. Brian le surnomme aussi the kid with the earrings. C’est Michele O’Malley qui chante «Song To The Magic Frog», une somptueuse merveille de sunshine pop. Il y souffle un véritable vent de folie. Il règne aussi dans «Glass» une fantastique tension subliminale : le son s’emplit d’instincts de son, d’orientalismes concomitants, il pleut des coups d’acou et des shakings de tambourins. S’ensuit ce merveilleux ersatz de pop californienne qu’est «Would You Like To Go», les bah bah bah sont adressés aux dieux, c’est chanté à gorge déployée dans une bruine de lumière. Étourdissant ! Et puis voilà le coup de génie : «I’m Not Living Here», une power pop digne des cimes du genre, Glen Campbell gratte dans le son, ça chante encore une fois par dessus les toits au la la la conquérant. Les bonus ? Un vrai truc de fous, une fois de plus. Tiens, comme ce «Get The Message» amené au clavecin et saturé de big sound sur-vitaminé, c’est la sunshine pop à son zénith. On dira la même chose de cet indécent «Love’s Fatal Way» noyé de prod et de son, pire encore que les hits des Beach Boys, comme si c’était possible !
Curt, Keith Olsen et Gary Usher s’associent pour monter Together Records. C’est là, sur ce label que sort le deuxième album de Sagittarius, Blue Marble. Curt chante all over the album. Ils démarrent très fort avec l’«In My Room» signé Brian Wilson et Gary Usher. C’est du heavy take d’ultra léché, une plongée directe dans le lagon d’argent de la légende, c’est vibrant d’authenticity, chanté aux remontées de courant et illuminées d’harmonies vocales défenestrées. Toute l’A est du sunbathing de pop chanté à l’extrême sensiblerie, une pop de no problemo bien sonnée des cloches. Et tout explose avec le morceau titre qui ouvre le bal de la B, une pop qui t’explose la cervelle si tu commets l’erreur d’écouter ça au casque. On est dans le monde de Curt et de son copain Gary Usher, le meilleur des mondes. Ils amènent «I Still Can See Your Face» au drive de valse, mais avec du Brill in the thrill, la plus mystérieuse des psychedelias. Nouveau coup de génie avec «I See In You», on entend rarement des élans de pop aussi magiques. Cette pop coule et s’étale sur la tartine bien horizontale de ta perception. Curt chante son «Cloud Talk» à la revancharde, under the broardwalk. Et si on a le malheur de vouloir écouter la red sortie par Joe Foster sur Poptones, on va tomber de sa chaise et se faire mal à cause d’«I Guess The Lord Must Be In New York City», une pop sensible à la Fred Neil, gorgée de magie comme un fruit trop mûr.
Malgré toutes ses déconvenues, Curt décide de continuer et sort un premier album solo en 1973 sur Elektra : There’s An Innocent Face. C’est vrai qu’il a une vraie gueule d’ange sur cette pochette saturée de lumière. Mais l’album se montre avare de hits. Curt fait comme à son habitude une belle pop très pure et même trop pure, une pop d’air raréfié. Il chante «I Love You More Each Day» dans la joie du bonheur immémorial et ça violonne derrière avec une certaine violence. Il claque «She’ll Stay With You» à l’accord cordial dans ce studio inondé de lumière. On croirait entendre Glen Campbell. Sa pop reste bien léchée et très vitaminée. Il remonte son «Bobby California» au heavy beat et revient à sa passion pour les Beach Boys en B avec un «The Choice is Yours» battu dans la couenne du son. Curt reste perché au faîte de son art. Il fait globalement une pop ouvragée, mais il faut être en bonne condition psychologique pour l’écouter. Il se montre très entraînant avec le «Wufferton Frog» de fin de B. Sacré Curt, il croit créer l’événement en grattant des coups d’acou à la revoyure. L’essentiel est qu’il ne perde pas la foi.
Paru quasiment quinze ans après la mort de Curt, California Music est le même album que le Passionfruit de California, un projet de type Saggitarius monté par Gary Usher avec la bande habituelle (Curt, Brian Wilson, Bruce Johnston, Terry Melcher et Glen Campbell). Bon, c’est de la pop beachy, assez prévisible. «Happy In Paradise» grelotte de beauté formelle. «Jamaica Farewell» sonne comme un hit pop, mais c’est «Come Softly» qui va emporter véritablement la partie. C’est une pop de doo bee doo, un peu weird, comme sur Smiley Smile, béatifiée par des chœurs à l’agonie. Mais il y a un gros vautrage sur l’album : la reprise diskö d’«I Can Hear Music», l’un des grands hits des Beach Boys. Dommage, car on observe ailleurs de brillantes tentatives de putsch, comme par exemple «Music Music Music» ou encore la belle exotica de «Banana Boat Song (Day-O)», prétexte à danser sur la plage avec les seins à l’air. On se demande ce qu’«Iko Iko» vient faire ici. Curt en fait de la petite pop et c’est pas très malin. Un mec nommé Joe Cheney fait des merveilles à la basse sur «Will You Ever See Me», un cut très fluide qui sonne comme un vrai bonheur. Quant à «California Music», il s’agit plutôt d’un instro ultra sophistiqué, celui qu’on entendrait par exemple un soir d’été chez des gens riches et savamment drogués qui ne te diraient rien de ce qu’ils te font prendre. Tu prendrais sans discuter et tu savourerais alors le groove des trompettes dans la nuit.
Si on doit emmener un album de Curt Boettcher sur l’île déserte, c’est forcément Misty Mirage. Pour une seule et unique raison : «Tumbling Tumbleweed». C’est une pop qui, comme le bonheur, peut te faire exploser le cœur. Méfie-toi du bonheur et de Tumbleweed. C’est du génie sonique à l’état pur. Michel Butor nous parlait du génie du lieu, Curt nous parle du génie du son. Avec Tumbleweed, Curt rivalise de panache avec Brian Wilson. Moins percutant mais assez balèze, voici «Baby It’s Real» chanté au meilleur sucre californien. Curt swingue ses pointes de chant encore mieux que Mike Love. À sa façon, il est un petit magicien d’Oz. On le voit ensuite driver son «Sometimes» en enfer psyché. Il plonge aussi «Shake With Me» dans l’essence d’une pop psychédélique assez puissante. Appelons ça une merveille mouillée, une pop qui au sortir du bain sèche au soleil de Curt. Ce mec distille un suc de son extraordinairement sensible. Toujours aussi dense, voici «That’s The Way It’s Gonna Be», fantastique rumble de heavy pop. Il cuisine «I Just Wanna Be Your Friend» au meilleur doigté de pop master et va chercher la beauté de «You Know I’ve Found A Way» à la racine de la pop. N’ayons pas peur des mots : «Streton Levi’s» vaut n’importe quel hit des Beach Boys. Vers la fin de la compile, on tombe sur les versions instro de Tumbleweed et de «Misty Mirage». On sent toujours le poids du son.
Paru en 2004, Chicken Little Was Right est encore un album d’outtakes. Le chercheur d’or y trouvera de quoi étancher sa soif avec «I Call You My Rainbow», une pop de gratté d’acou avec une flûte au fond du son. Curt est très sûr de ses choix, on peut lui faire confiance. Il fait sa pop dans son coin sans rien dire à personne. Le hit de l’album s’appelle «Rest In Peace», c’est la voie royale du Curty Curty petit bikini, il explose sa pop à la BB fashion. Autre chef-d’œuvre de gratté d’acou : «Sunrise Mojo».
On trouve aujourd’hui dans le commerce Looking For The Sun, une compile des artistes produits par Curt. Bienvenue au royaume de la sunshine pop sucrée des fraises. On croise pas mal d’artistes tombés dans l’oubli comme Cindy Malone ou les Bootiques, un trio de filles affreusement douées. On entend Glen Campbell gratter derrière Keith Colley dans «Enamorado». Merveille absolue, c’est ciselé dans le son, Glen bourre l’air torride de tortillettes. On passe aux choses sérieuses avec l’incroyable Jonathan Moore, un Anglais installé à Los Angeles qui nous fait avec «I Didn’t Ever Know» une belle pop anglo-calorifique, sur un fantastique bassmatic de Jerry Scheff, le mec qui ira jouer plus tard avec les Doors et Elvis. L’autre star de cette compile est l’incroyable Sandy Salisbury : «The Best Thing» sonne comme un hit californien. Sandy va d’ailleurs monter the Ballroom avec Curt et Michele O’Malley. Cette compile se termine avec trois cuts fascinants : «Looking For The Sun» et «Windy Wednesday» de Gordon Alexander et «Another Time» de Saggitatius, c’est-à-dire Gary Usher et Curt. De toutes les histoires rassemblées dans le booklet de la compile, celle de Gordon Alexander est la plus extraordinaire. Le presse le mettait à niveau égal avec Randy Newman et Harry Nilsson. Appâté par le buzz, Clive Davis le signa sur Columbia, pour qu’il enregistre Gordon’s Buster, un album de compos à lui avec tout le gratin des studios d’Hollywood. Curt produisit une partie de cet album. Gordon Alexander traînait alors avec David Angel, l’arrangeur de Forever Changes, et Buffalo Springfield. Comme il le dit si bien lui-même, il a fait partie de l’In-crowd pendant un temps. Mais Gordon’s Buster ne s’est pas bien vendu. Quand Terry Melcher lui proposa de produire l’album suivant, il lui demanda de quitter Columbia. Melcher l’invita à prendre l’apéro chez lui et il s’installa au piano pour faire entendre ses chansons à Candice Bergen qui était alors la compagne de Melcher. Mais les choses allaient mal tourner dans les jours suivants car Melcher piqua une crise de jalousie : Candice n’en finissait plus de vanter les charmes de Gordon. Alors Melcher stoppa le projet. Pour Gordon Alexander ce fut la fin des haricots : plus de Columbia ni de Melcher. Il devint agent immobilier.
Shindig salue la sortie de Looking For The Sun avec une belle double vantant les mérites d’artistes qui ne figurent pas dans Looking For The Sun, excepté Cindy Malone. Le mec qui parle de Cindy ne comprend pas que «You Were Near Me» soir resté inédit alors que c’est excellent. Nous non plus, d’ailleurs. On précise aussi dans la double qu’après le succès des Goldebriars, Curt devint un producteur très demandé à Hollywood. La revue des singles commence avec Jacobson & Tangley qui cherchaient à devenir les nouveaux Chad & Jeremy. En fait, Curt et son copain Keith Olsen étaient spécialisés dans les one-shot productions, comme The Oracle, dont personne n’a jamais entendu parler. Tiens voilà Susan Carter, dont Shindig fait ses choux gras dans un autre numéro - A Laurel-Canyon-dipped-in-jazz delight - Curt fournit les arrangements vocaux - File under ‘Nothing like Sagittarius’ - Ils évoquent aussi Eternity’s Children et leur album, a gem of breezy sunshine-pop made in Mississippi, que Curt produit. Ces enfoirés nous mettent bien l’eau à la bouche avec des baroque preciousness meets electric magnificience et des sunshine brillance with a gentle wistful twist. Ils citent aussi le fameux stoned acid-rock jam album de Goldenrod, un trio de surdoués qui fricotaient en studio avec Curt : Jerry Scheff, Ben Benay et Toxey French. Curt produisit aussi l’album de Song, le groupe de Mickey Rooney Jr., encore un album de proto-power pop nous dit Shindig.
Dawn Eden Goldstein nous explique pour finir que Curt se démenait pour survivre et qu’il prenait pas mal de drogues. Mais c’est une pneumonie qui va l’emporter à l’âge non-canonique de 43 ans.
Au temps de Together Records, Sandy Salisbury enregistra quelques bricoles que Joe Foster a rassemblées sur un Poptones de l’an 2000 qui s’appelle Sandy et qui est fortement recommandé, comme tout ce qu’a pondu la poule Curt aux œufs d’or. Sandy navigue dans les mêmes eaux que Curt qui bien sûr fait partie de l’aventure. On commence à frémir dès «I Just Don’t Know To Say Goodbye», shoot de heavy pop toxique digne des Hollies avec des chœurs complètement demented. Sandy est un dingue du pulsatif. Il fait battre le cœur de la sunshine pop. Et ça continue avec un «Spell On Me» gorgé d’énergie pop, un truc capable de faire sauter un juke. Impossible d’échapper à l’emprise de ce truc-là. Sandy chante avec un sucre incroyable, il balaye tous les sugarmen. On se demande d’où sort un tel prodige. Voilà un Sunshine popster de la pire espèce. Il reste dans l’excellence avec «The Good Ol’ Good Times». Big American energy, c’est le moins qu’on puisse dire. Comme Curt, il vise l’universalité de la good time music. Il se prend aussi pour les Beach Boys avec «On And On She Goes (With Me Tonight)». On se croirait sur 20/20 ou Friends. Fantastique festin de son et de sable chaud. Il frôle encore le génie avec «Do Unto Others». C’est même un retournement de situation. On ne croyait pas Sandy capable d’un tel prodige. Il éclate au grand jour. Inespéré. Ce mix de beat et de chant liquide n’en finit plus d’exciter les bas instincts. On saluera aussi «Baby Listen», car c’est de la pop de haut vol ultra orchestrée. Ce démon de Sandy demande à sa poule de l’écouter, c’est plein de vent et plein d’allant.
Comme on l’a rappelé plus haut, Gordon Alexander aurait pu devenir énorme. Son seul album, Gordon’s Buster, paru en 1968 et partiellement produit par Curt, est passé à l’as. Curt ne produit que trois cuts, «Looking For The Sun», «Miss Mary» et un «Windy Wesnesday» plus psychédélique. Gordon Pacha se love dans le giron de Curt - It was a windy wesnesday on the second in july - Bizarrement, il évoque l’année nineteen & ninety my o my. Ailleurs, il frise le Dylanex avec «Letter To Baba», il swingue joliment ses vers - She’s a California dreamer/ She ain’t into Memphis at all - Il passe au heavy groove avec «Topanga» - Mama you could feel so free/ When you are high up in Topanga - Il siffle son pont. Admirable ! Il a derrière lui une grosse prod californienne. Avec «Waiting For The Time», il montre de réelles dispositions à la grandeur. Il développe des petits aspects imparables, Gordon Pacha est un charmeur, un fabuleux songwriter. On ne comprend d’ailleurs pas qu’il n’ait pas éclaté au grand jour. Il ouvre son bal de B avec «Thinking In Indian Again» plus rococo, mais diable, il faut prendre ce mec très au sérieux. Avec «One Real Spins Free», on sent bien qu’il cherche sa voie. Pas facile d’écrire des grandes chansons, mais on note la présence de belles dynamiques internes.
Curt produit aussi Susan Carter qu’on connaît pour Wonderful Deeds And Adventures, a Laurel-Canyon-dipped-in-jazz delight, nous dit Shindig!. Mais le «San Francisco Woman» produit par Curt ne figure pas sur cet album. Ça ne vous empêche pas de l’écouter, et on peut même aller jusqu’à dire que c’est recommandé pour la santé. Ne serait-ce que pour cette reprise de «Temptation ‘Bout To Get Me», un hit de Burt que swingue Susan avec maestria. Elle semble éclairer la mélodie et dispose d’une puissance vocale peu banale. Elle rend aussi hommage à Billie Holiday avec ce «Medley For Billie Holiday» de trois chansons signées Laura Nyro qu’elle chante d’une voix blanche. Elle ramène du jazz dans le blues de Billie. Susan chante aussi parfois comme Joan Baez, mais avec un ton plus ferme. On s’éprend rapidement de son filet de voix claire. Il faut aussi la voir monter au créneau en B avec «I Need A Good Man Bad». Elle chante à la bonne arrache d’excellence. Un solo de guitare jazz écarlate illumine «Brighten Your Night With My Day». Susan Carter se révèle encore plus magique que Laura Nyro. Elle recrée aussi la magie des Beatles avec une reprise d’«I’m So Tired». Merveille des merveilles ! Elle recrée le sortilège du White Album. Bien vu, Susan, elle nous jazze ce truc par en dessous, avec une merveilleuse intelligence du chant. Puis ça jazze pour de bon dans «Old Country», avec une stand-up et une trompette de bebop. Une telle science du jazz nous émeut profondément. Elle finit avec «Jam Session Cruising With The Blues», un groove de jazz pur, une vraie sinécure. Ils nous font le coup du break de stand-up et du jazz guitar solo bien niaqué. Elle finit en apothéose d’Help avec un solo de trompette.
En 1968, Curt produit aussi le premier album d’Eternity’s Children, sobrement titré Eternity’s Children. On les croit californiens, mais non, ils sont originaires du Mississippi. Deux investisseurs les envoient faire carrière à Los Angeles. Les petits Children signent sur Tower, filiale de Capitol et enregistrent avec Curt et Keith Olsen. Curt est à ce moment-là le roi du monde, grâce à Millenium et à Sagittarius. Forcément, ce premier album grouille de coups de génie, à commencer par «Mrs Bluebird», fa fa fa fa fa, pop d’inspiration divine, on en a plein les oreilles, Linda Lewley d’un côté et Mister Bluebird de l’autre, magie pure, et un solo de disto explose en plein milieu, voilà ce qu’on appelle un cut magique sorti de nulle part, mister Bluebird on my shoulder, avec le beat à la cloche et Linda qui fa-fa-fa-fate dans le fond. Elle chante aussi l’exotica de «My Happiness Day», ça frise le Brazil et wow comme c’est bon ! Encore de la hot pop de Curt avec «Lifetime Day» et cette merveilleuse poulette vient ensuite illuminer «Your World». Tout est fabuleusement chanté à l’harmonie. Ça explose à nouveau avec «Sunshine Among Us», la pop de la joie de vivre, la plus sunshine qui soit. Les Children enregistreront un peu plus tard un dernier single avec Curt, l’extraordinaire «Alone Again» qu’on peut trouver sur la red Rev-Ola. C’est une pop qui se situe d’emblée au sommet du firmament. Elle est trop belle pour être vraie, trop pure, trop orchestrée, alone again once more, Curt mise sur la pop de biais, c’est énorme et ça finit en bouquet final éblouissant. Bon alors après, ils font un deuxième album avec Tom Paxton, Timeless. Ça reste de la belle pop élégiaque, avec parfois le kitsch dont on rêve («The Other Side Of Me», digne de James Bond). On a aussi de la pop de revienzy («Look Away»). Linda reste excellente, comme l’étaient les petites brunes à cette époque, une vraie reine de la sunshine pop, on se régale de «Sunshine & Flowers». Ils font de l’hybride Sunshine/Tamla avec «Till I Hear It From You» et «Get Outta here», c’est excellent, ça descend bien les escaliers, c’est plein d’espoir et indiciblement bienvenu. Ils enregistrent aussi trois cuts à Memphis avec Chips Moman, espérant bénéficier de la touche magique de Chips, mais pour des raisons qui dépassent l’entendement, ça ne marche pas. Pourtant, c’est du big time, «Blue Horizon» a la carrure d’un hit, c’est énorme, plein de son, d’une qualité stupéfiante. Entre Chips et Curt, leur cœur balance et le nôtre aussi. Linda est incroyablement mélodique sur «When The World Turns». Il faut la prendre au sérieux. Chips tente de leur refiler un hit : «The Sidewalks Of The Ghetto», alors elle prend les choses en main, et on s’en souvient tous, les petites brunes étaient expertes en la matière. Elle chante si bien qu’elle impose le respect, elle est blanche mais elle tient bien son rang. Elle n’y connaît rien en ghetto mais elle chante à la perfection. On sort de là ravi d’avoir fait la connaissance de Linda Lewley et de ses copains.
Alors Goldenrod, c’est une autre histoire. Ce trio formé autour du célèbre Jerry Scheff se contente juste de jammer all over. Scheff est le bassman qu’on entend dans L.A Woman et qui accompagnait aussi Elvis à Vegas. Curt produit leur album simplement titré Goldenrod en 1969. Si on aime entendre trois mecs jammer avec brio, alors c’est la bonne adresse. Ce démon de Scheff sait bassmatiquer dans le feu de l’action, comme le montre «Descent Of The Cyclopeans». Le guitariste s’appelle Ben Benay et le beurreman Toxey French. Benay est un guitariste brillant, on le voit tartiner au long cours dans «Karmic Dream Sequence», avec un son très digne, très ambré, doucement vinaigré, idéal, un baume pour le cœur. Dommage qu’ils grillent la deuxième moitié de leur Karmic Kut avec du bruitisme à la mormoille. En B, Scheff embarque «The Gator Society» au bassmatic volontaire, menton carré pointé vers le futur et «Standing Ovulation» frise le Hot Rats, bien guidé par un riff de gras double. Hélas, un solo de batterie ruine tout l’édifice, même si le grand Benay revient dans la course avec du slinging de bonne augure.
En 1970, Curt produit l’album de Song qui s’appelle, on l’aurait parié, Song Album. On voit les 4 Song sur la pochette, assis sur des sacs de grains très anciens. Shindig! qualifie l’album de strong penned collection of Beatlesque proto-powerpop. L’album ne laisse pas indifférent, loin de là. Il faut se rendre en B pour faire la connaissance d’une «Sugar Lady» riffée à bras raccourcis et barbouillée d’un argent de belles harmonies vocales. Les envolées sont dignes de celles de Todd Rundgren. Ça sent bon le Nazz. S’ensuit un «Meatgrinder» admirablement produit. Excellence du son, judicieux équilibre voix/électricité. Le «Wife» qu’on trouve aussi en B est très inspiré par les Beatles, on pense à «Julia», tellement c’est fin. Bel exercice d’artefactory. Quant à l’A, disons qu’elle se montre très complémentaire. Les Song de l’acteur/chanteur Mickey Rooney Jr proposent un petit rock un peu âpre finement teinté de boogie. Carré mais sans signe particulier. On croit parfois entendre des Anglais, comme c’est le cas avec «Eat Fruit», un cut quasi glam. Oui, ils cultivent la pop anglisciste solide et dûment consentie. Il est logique qu’on ait un album de ce niveau avec des mecs comme Curt et Keith Olson aux manœuvres. Il faut entendre les Song dans «Banana High Noon», ils lalalatent dans un tourbillon de son cavalé extrêmement bien géré.
Signé : Cazengler, Boett de radis
GoldeBriars. The GoldeBriars. Epic 1964/ Collector’s Choice Music 2006
GoldeBriars. Straight Ahead. Epic 1964/ Collector’s Choice Music 2006
GoldeBriars. Climbing Stars. Epic 2006
Millennium. Begin. Columbia 1968
Sagittarius. Present Tense. Columbia 1968
Sagittarius. Blue Marble. Together Records 1969
The Ballroom. Preparing For The Millenium. Rev-Ola 1998
Millennium. Pieces. Sonic Past Music 2003
Curt Boettcher. There’s An Innocent Face. Elektra 1973
Curt Boettcher. California Music. Poptones 2001
Curt Boettcher. Misty Mirage. Poptones 2000
Curt Boettcher. Chicken Little Was Right. Rev-Ola 2004
Curt Boettcher. Looking For The Sun. High Moon Records 2019
Gordon Alexander. Gordon’s Buster. Columbia 1968
Susan Carter. Wonderful Deeds And Adventures. Epic 1970
Eternity’s Children. Eternity’s Children. Tower 1968
Goldenrod. Goldenrod. Chartmaker 1969
Song. Song Album. MGM Records 1970
Sandy Salisbury. Sandy. Poptones 2000
Bluebirds over the mountain. Shindig # 97 - November 2019
Le loup des Steppes
John Fallon commence à ressembler à une vieille histoire. Ce loup des Steppes rôde en effet dans les bois depuis 1984. Bientôt quarante ans de rodage. Son groupe qui s’appelait les Steppes enregistra six albums sur l’un des labels de Greg Shaw, Voxx Records, considéré comme une référence par tous les gogos du gaga. Californiens, les Steppes furent associés au fameux Paisley Underground parce qu’ils partageaient des affiches avec certains groupes, mais ils affichaient clairement leur indépendance d’esprit. John Fallon composait les cuts, son frère David jouait de la basse, et l’artisan du psych so far-out était le lead guitar Tim Gilman, un type horriblement doué qui affichait en plus de faux airs de Keith Richards.
Et pourtant, ce n’était pas gagné. Leur premier album sans titre paru sur Mystic Records en 1984 ne laissait pas présager d’un grand avenir. On y errait de cut en cut, allant d’une petite pop atrocement bébête à une pop sans espoir. Il fallait attendre l’ouverture du bal de la B avec «It’s The Real Time» pour les voir presser le pas et proposer un up-tempo digne des Byrds. Mais c’est tout. On les voyait aussi tenter de s’impliquer avec un «Take Heart My Love» un peu psyché, mais pas trop.
C’est avec Drop Of The Creature qu’ils arrivent sur Voxx deux ans plus tard. Sur la pochette, ils ont l’air ridicules, comme tous ces groupes de revival gaga qu’on voyait parader à cette époque. L’album est un tout petit moins transparent que le précédent, mais ce n’est pas non plus le real deal, loin s’en faut. On entend la guitare de Tim Gilman au fond de «Holding Up Well», un mélopif à vocation psychédélique, mais extrêmement maladroit. Le coup du sustain ne marche pas à tous les coups. Par contre, «Sky Is Falling» vaut le détour, la guitare de Tim Gilman pointe enfin le museau pour un final éblouissant. On les voit aussi jouer «See You Around» aux petits oignons psyché et sonner comme l’Airplane avec le doucereux «Lazy Ol’ Son». Le standout de l’album arrive à la suite : «Bigger Than Life», une espèce de tentative de psychedelia tentaculaire. Les crises de Tim Gilman mettent du baume au cœur de cet album doux et tendre à la fois.
D’album en album, on les voit s’affiner comme un fromage bio. Deux ans plus tard paraît Stewdio. Pochette délicieuse : ils remplissent un pot de chambre de cassoulet et d’objets divers, micro, cassette, jack, manche de guitare et photo du groupe. Bienvenue à table. Au dos, ils posent tous les quatre en carré d’as comme les Godz de New York. Tim Gilman propose deux beaux baroufs d’honneur, à commencer par «Living So Dead». On le retrouve en B avec un «Tourists From Timenotyet» bardé d’accents dylanesques. Cut admirable, bien dosé et bien équilibré par l’orgue. Il était temps qu’ils se réveillent car mis à part «Living So Dead», l’A est une collection de navets infects. On se demande vraiment comment Greg Shaw a pu tolérer ça. La B est nettement plus vivante, «A Lovely Girl» et «If You Want To Be Lonely» sonnent vraiment comme des hits de pop fougueuse.
Dans leur fameux Shindig 50, les Shindigers se prosternaient jusqu’à terre devant l’Enquire Within paru en 1989, année du bi-centenaire de la Révolution, ce qui n’est pas rien. Ils ouvraient le feu avec une belle psyché des Steppes, «Master James», avec un Gilman joliment mis en évidence. S’il est un guitariste qu’on apprend à apprécier, c’est bien Tim Gilman. D’ailleurs, il tape une belle séance de virevolte avec «Who Am I Too Say». C’est un peu comme si les Steppes lâchaient le loup Gilman dans la nature, alors ça prend vite des allures de Fantasia chez les ploucs, au bon sens du terme. Ce mec dispose d’une sorte de génie cavaleur, il faut le voir errer au spectral congénital. Il hante le son par devant et par derrière. En B, John Fallon prend «Time Goes By» au doux du chant, avec de faux accents à la Lennon. Mais les Steppes ont quand même du mal à tenir la distance d’un album. Ils terminent avec une séance bienvenue de heavy psych intitulée «Begin». Ils nous donnent enfin du grain à moudre. Gilman joue au gras du bide et Fallon couronne le tout d’accords de vent libre. Ce loup errant de Gilman éclaire les Steppes de sa présence infiniment sonique.
L’année suivante paraît le plus anglais des albums des Steppes, Harps & Hammers. Ça paraît logique, vu qu’ils enregistrent en Angleterre. On sent dès «Scare You Off» qu’ils visent un son plus solide, plus présent. Fallon propose des compos nettement plus ambitieuses. Comme le montre «Let Me Love You», leur son évolue considérablement avec la guitare de Gilman bien montée dans le mix. Chaque cut tient son rang, Gilman allume systématiquement tous les candidats au trône. Mais on peine à trouver un hit. Le «Key To My Heart» qui illumine la B sonne comme de la belle pop nerveuse. Tim Gilman montre une fois de plus ses deux mamelles que sont la présence et l’inventivité. Globalement, ce Harps & Hammers est un excellent album psyché des années 90, bien gorgé de son. Gilman fait tout le boulot.
Malgré une belle réputation underground, le groupe finit par agoniser. Tim Gilman vit avec sa copine à Berlin, Dave Fallon vit à la campagne en Irlande, John Fallon aussi, et le batteur Jim vit à San Francisco. Jemery Gluck prépare une interview des Steppes pour Sounds, mais le tabloïd coule au moment où l’article va paraître. Aucun label n’est intéressé par les Steppes.
Les Steppes splittent et Voxx fait paraître un album live enregistré en Allemagne, Alive Alive Oh ! Volonté de grosse pochette, mais rien n’est plus difficile que de réussir une grosse pochette. Ils attaquent avec un petit psyché de bas étage tiré du premier album, «A Play On Wordsmouth» et déterrent d’Enquire Within un «Master James» qui sonnerait presque comme un hit. C’est gratté aux accords secs d’acid rock voxxy. Ils sortent du même album la heavy psychedelia de «Sky Is Falling». Gilman fout le souk dans la médina. En B, ils reviennent à leur chère heavy psychedelia avec «Holding Up Well», mais le cœur n’y est pas. Ils ont parfois des cuts un peu falots. Ils terminent avec un joli doublé, le pur garage de «Living So Dead» suivi d’un «Tourists From Timenotyet» frais comme un gardon et solidement ficelé par Gilman.
L’Atomic Cossack paru en 1992 est attribué aux Steppes, mais c’est un album solo de John Fallon, qu’il va d’ailleurs ressortir sous son nom. Horriblement frustré, Fallon retourne en studio à Londres pour montrer de quel bois il se chauffe. Il s’entoure de Giles Meredith on bass et d’Alan Tracey on drums. Il privilégie cette fois le petit groove rampant infesté de guitares et la pop. On entend juste une guitare en embuscade dans le boogie «See The Changes». Avec «All I Want Is Everything», le parti-pris est nettement plus poppy mais pas déplaisant. On voit aussi avec «I Can’t Trust You» que Fallon cherche à pondre des œufs d’or, mais ce n’est pas si simple. On reste sur le poppy side en B avec «Who Needs More Love». C’est de bonne guerre. Après les excès barbares, le loup des Steppes cherche à se civiliser. Il passe d’ailleurs au jingle jangle byrdsy byrdsah avec «In This World», histoire de montrer son pacifisme adultérin et reste dans l’ouverture cordiale avec «I Shed The Light». Fallon propose une pop surchargée de guitares, mais la folie intrusive de Gilman a complètement disparu. Fallon opte pour la pop, mais pas la power pop. Il peine un peu à convaincre. Il faudra attendre les Laissez Fairs pour frémir en n’en plus finir.
Comme beaucoup de groupes, les Steppes finirent par se reformer, grâce à Richard Allen qui fut leur manager. Allen avait réussi à monter un label, Delirium et comme il se faisait pas mal de blé avec les Porcupine Tree, il réussit à convaincre les quatre Steppes d’entrer en studio à Milwaukee, Wisconsin. Paru en 1997, Gods Men And Ghosts est un album bardé de chansons énormes. John Fallon continue de privilégier un son très spécial. Si tu veux voir le Cap de Bonne Espérance, il te faut monter à bord, moussaillon. La récompense arrive très vite avec «Chicago Oratorio», une espèce de cavalcade intrinsèque qui vire psycho-psyché. Tim Gilman est le roi de la mad psychedelia, son Oratorio est une bombe, une extraordinaire exagération de l’insistance. Ce mec n’en finit plus d’y croire. Il ne mégote pas sur les coups de wah, comme le montre «King Of Fire» et il jette tout son panache dans la balance pour «Taught Me To Love». Et ça explose avec «Bad Blood», un shoot de heavy psyché qui psychotte tout sur son passage, monté sur un bassmatic ravageur et hanté par des descentes à la cave de killer solos. C’est un véritable chef-d’œuvre underground collé au cul du camion et quelle bassline, baby ! Gilman tombe à bras raccourcis sur le psychout de «Ways Of The World» et tout remonte au firmament avec «Lord Of The Trance». Ce mec est le roi des effets différés et des échos destroy oh boy dans le coin de l’oreille. Il joue de la guitare embourbée. Chaque cut monte comme la marée, tel ce «Can’t Come Back» et son killer solo d’une ferveur inespérée. Les albums des Steppes ne sont pas des hasards, mon petit Balthazar, John Fallon et Tim Gilman veillent au grain à moudre. On pourrait même parler de grain à Mould, si on s’en réfère à «Chances». Cette pop nerveuse et racée nous renvoie au Sugar du vieux Bob.
En 2013, Cherry Red proposait une belle rétrospective avec le double album Green Velvet Electric. Attention, le son est remastérisé et du coup, ça grouille de coups de génie, à commencer par ce «Tourists In Timenotyet» qui prend une ampleur extraordinaire, avec des retours mélodiques à la Dylan. Ça dérive dans le psyché de pistes évaporées, et les couplets tombent comme des classiques de l’âge d’or du rock anglais. C’est explosé de son, mais dans le sens du vent mélodique. Plus rien à voir avec la version originale jadis parue sur Stewdio. «Bigger Than Life» sonne comme du psyché de base, mais avec de la fuzz ultra-saturée. C’est un son jusque-là inconnu joué aux notes de titille suprême. Attention à «Sky Is Falling» : les frères Fallon grattent leur pop au milieu de nulle part, comme l’indique le nom du groupe et soudain ça explose sans prévenir, on ne sait pas pourquoi. Ça saute à la barbe de la sainte-barbe. C’est un faux mélange de psyché et de balladif docile. Encore un coup de Trafalgar avec «More Than This», ça s’annonce comme du gros pathos, mais quand Tim Gilman part en solo, une réelle fascination s’exerce. C’est même de la pure demented are go à gogo. S’ensuit un «The One Thing» fabuleusement embarqué à vive allure. Ces mecs sont des diables du power-poppisme. On reste dans le pur jus de Voxx avec «Living So Dead», shoot de garage voxxy fabuleusement enfilé à la hussarde par un killer solo turgescent. Gilman joue comme un fou du kill kill kill. Ils enchaînent des petites merveilles voxxy chargées de présence éternelle, comme «Whole World On Your Shoulder» et «Do You Think It’s Right». Ne faites pas l’impasse sur des choses comme «Kathy Maguire» (pop-rock bien secouée du cocotier et assez inclassable) ou encore «I Think I’ll Go» (belle pop de bon aloi). De cut en cut, on découvre une vraie vie sous le boisseau des Steppes. Ils créent leur monde sans problème. «Make Us Bleed» sonne plus classique, très psyché voxxy, et on note une belle envolée de guitare. Ce mec joue avec une prédilection clairvoyante. Son solo éclate dans l’azur marmoréen. Et comme on le voit dans «Cut In Two», les quatre Steppes jouent énormément sur leurs instruments, ils multiplient les surenchères et mutent en big far-outers. «See You Around» vaut pour une belle plage de psyché avenant et bien mis. Ils sur-jouent le meilleur psyché voxxy du monde. Les guitares claquent, c’est du beau rock d’esthètes. On comprend que ça puisse plaire aux braves Shindigois. Et quand on écoute l’«A Prayer For You» qui referme la marche du disk 1, on se croirait chez les Beatles, c’est dire si. Le coup de génie du disk 2 s’appelle «Can’t Come Back». Excellente élévation du domaine de la turlutte, heavy sludge des Steppes, c’est tout de suite envahi par les meilleures guitares voxxy. Cette façon qu’ils ont d’exploser le groove du rock n’appartient qu’à eux. Ce genre de cut peut même rendre un homme heureux. Ils font un «The Brightest Lights» assez digne de Love, mais trop construit, avec de l’évasion à la clé. Pure merveille que ce «Time Goes By», pure pop de Steppe, mélodiquement parfaite et emmenée à vive allure. C’est une fois encore digne des Beatles. On les voit se frayer une chemin vers l’inconnu avec «Let Me Love You» et ils se livrent à un petit exercice proggy avec «The Land Of Hope» et ses guitares dévorantes. On s’extasie facilement à l’écoute de «Leave It All Behind», admirabilité et power à tous les étages, ça joue aux guitares évangéliques. «Samhain» sonne comme un exercice de style inutile, l’apanage des Steppes. On les voit dérailler dans les années vingt avec un «Reckless Fearless Hopeless» étrange, rétro et puissant. Bugsy Malone ! Et voilà «Scare You Off» ultra-joué à la guitare. Les compos refusent souvent de dire leur nom, mais la guitare de Tim Gilman tient toujours Hélène en haleine. Fabuleuse science du sonic intrinsèque. C’est chargé à l’extrême de guitares bienvenues. «Panic Attack» fait sonner l’ensemble comme un disk de rêve. C’est de la heavy pop assez spectaculaire. Ils frisent le glam avec «Hey Girl» et jouent le pack au clair de clairette. C’est du glam californien. Tout aussi puissant, voilà «Key To My Heart», cut de pop-rock californienne bien inspirée par les trous de nez. Évidemment, avec ce genre de compile, on frise en permanence l’overdose. Façon comme une autre de rappeler que les Steppes sont un groupe culte.
Après les Steppes, John Fallon monte les Laissez Fairs et il roule en scooter sur la pochette de Target On My Back. Bien vu, John car le morceau titre d’ouverture de bal d’A vaut bien un hit des Who. Pur Mod rock, même énergie. C’est d’ailleurs un album de Mod rock, comme le confirme ce «Mother Told Me» monté sur un heavy Mod riffing. John Fallon y shoote en plus une belle dose de psychedelia. Encore de la fantastique allure avec «He’s Your Replacement», Fallon rocks it out, il y va de bon cœur, powerful en diable. En B, «Bells Ring Out» sonne comme l’archétype de l’apanage des alpages, Fallon tape dans la fourmilière de la mad psyché et son «Waiting For Tomorrow» pourrait très bien se trouver sur Revolver ou Rubber Soul, cuz I’m waiting for tomorrow ! Il termine cet excellent shoot de Mod action avec «Nightbird», une reprise d’Anton Newcombe chantée à l’anglaise psychédélique.
John Fallon se fend d’une belle pochette psychédélique pour Empire On Mars. Mais il faut surtout voir la photo des Laissez Fairs au dos : on a au premier plan un Fallon à la Oldham, avec des lunettes noires et une veste à rayures à la Brian Jones. Mu par une tranquille assurance, Fallon poursuit l’œuvre des Prisoners avec son garage psyché so far-out, avec le même sens du posé de voix et des petites montées de fièvre. On croit même parfois entendre la basse d’Allan Crockford. Chez John Fallon comme chez Graham Day, tout est bardé à craquer, vraiment très bardé, un vrai barda d’accords de clairvoyance chamanique et de vestes à rayures. Regain de raga avec «Like Mrs Peel In Leather», allez vas-y mon gars Fallon, tout le monde est derrière toi, il a ces guitares Ricken d’un côté et un sale glouglou disto de l’autre, alors forcément ça dégueule et ça scintille en même temps, les Laissez Fairs sont le seul groupe qui ait pensé à proposer ça, c’mon, c’mon, ils sont absolument dévastateurs, ce mélange de glouglou et de jingle jangle Byrdsy est terrific. On se croirait chez Attila, ils dévastent tout et Fallon en rajoute des couches, quelle hécatombe, quel power surge ! Ces mecs sont les rois du pétrole. Ils sonnent comme les géants américains des sixties avec l’imprescriptible «Wanna Make You Mine». Fallon profite de «Silhouette Suzy» pour aller voir si la rose est éclose, mignone, et il tape le morceau titre à l’extrême poppisme de la génération incriminée. Avec «Like Mrs Peel In Leather», l’autre hit de l’album est «Higher Than You’d Meant To Go». Fallon et ses amis naviguent dans l’éther, il faut admirer cette allégresse, le cut est comme secoué aux notes de basse et aux éclats de power slinging. La magie du son n’a décidément aucun secret pour eux. Ils la montent au plus haut niveau.
Que dire de ce Marigold sinon qu’il sonne comme l’apothéose d’une carrière dévolue à la mad psychedelia ? On ne peut pas espérer plus de son, plus d’impact, plus d’effervescence que n’en propose cet album. Dès «Long Grow The Marigolds», t’es baisé. Fallon chante ça du coin du nez et mène le bal de belles guitares jingle-jangle, puis il fait tout exploser à coups de ouh-ouh. S’ensuit un authentique coup de génie : «Phantom Stranger». Fallon l’explose par la bande et te claque du storm dans le côté droit du front. Et tout s’écroule dans un Phantom sound de non-retour. Mais comment font ces mecs pour commettre autant d’exactions right now ? À chaque retour, ça s’écroule encore. Les gerbes de haut vol se succèdent. On entend rarement des trucs aussi dévastatoires. Il faut écouter ça plusieurs fois pour voir où Fallon veut en venir. Cet homme est un démon, le pire démon qui soit, le cornu, le rouge, le vitupérant, il agite ses clochettes dans la chaleur des enfers et les guitares culbutent l’occiput, c’est du overwhelmed sans foi ni loi, right now. En bon dieu cornu du rock, John Fallon fait tout sauter. Et puis avec «My Thursday» et «For You To Know», il établit les nouvelles lois de la mad psychedelia. On ne peut imaginer son plus mirifique en la matière. On peut même aller jusqu’à dire qu’il explose le concept même de mad psychedelia. À ce petit jeu, les Laissez Fairs sont imbattables. Ils explosent tout dans les règles de l’art. Avec «Redundant Beach», ils font un peu de glam, mais avec une santé qui prouve une fois encore qu’ils sont capables d’exploser tous les concepts. Ils profitent de «Dirty Alice Jones» pour reprendre les choses là où les Beatles du White Album les ont laissées. Ils éclatent aussi la beatlemania ! Et voilà le pauvre «Follow The Money», éclaté d’entrée de jeu, avec un incroyable swagger de fer blanc, un vomi de solo et des éclairs d’insistance. Back to the heavy psychedelia traversée d’éclairs avec «Crown Plaza». Les solos éclatent au nadir su rock, tout n’est plus que luxe intérieur sur cet album miraculeux, ils descendent leur Plaza au dead end street de no way out. John Fallon navigue au même niveau qu’Anton Newcombe et les Vibravoids. Ils proposent un «Marigolds Return» plus ramassé, c’est-à-dire moins éparpillé et Fallon drives ça wild. On le suit les yeux fermés, il continue de jouer dans la meilleure tradition des miracles psychotropiques. Attention, car il finira par t’épuiser la cervelle. Te voilà prévenu. T’es baisé d’avance avec un mec comme Fallon. Il est beaucoup trop bon. Il termine ce chef-d’œuvre du XXIe siècle avec «We’ll Get There Someday», un heavy garage stroke qui ferait basculer tout un hosto dans le black out. Fallon fucks it off. Il claque la croupe de la pop au trot des légendes universelles. Fallon n’est autre qu’un glorieux claqueur de chique, il épaterait n’importe quelle galerie, sa mad psychédelia mange le cerveau.
Signé : Cazengler, John Fallot
Steppes. The Steppes. Mystic Records 1984
Steppes. Drop Of The Creature. Voxx Records 1986
Steppes. Stewdio. Voxx Records 1988
Steppes. Enquire Within. Voxx Records 1989
Steppes. Harps & Hammers. Voxx Records 1990
Steppes. Alive Alive Oh ! Voxx Records 1991
Steppes. Atomic Cossack. Voxx Records 1992
Steppes. Gods Men And Ghosts. Delirium Records 1997
Steppes. Green Velvet Electric. Cherry Red 2013
Laissez Fairs. Target On My Back. Birs Recordings 2017
Laissez Fairs. Empire On Mars. RUM Bar Records 2017
Laissez Fairs. Marigold. RUM Bar Records 2019
A STORY FROM HUBERT BONNARD
LITTLE BOB + JOHNNY THUNDERS
La Cité médiévale de Provins n'est pas aussi étendue que New York ou Los Angeles, mais cette petitesse m'a pendant des années offert des compensations. De temps en temps j'avais la chance de croiser Hubert Bonnard. Facile de cataloguer l'individu, c'était le seul habitant de Provins qui s'y connaissait un max en rock, un passionné, un activiste. Facile à reconnaître de loin parmi les ombres grises qui se targuent d'être nos contemporains, une dégaine énergique, de l'allant, de l'électricité dans son regard, un des rares vivants du patelin. Soudain depuis des mois, l'était devenu l'homme invisible, disparu, volatilisé. Et puis sur mon FB, de retour de vacances, enfin des news ! L'a déménagé sur Paris, et mieux que des news, l'annonce d'un cadeau, un don, un document offert à tout les amateurs, une cassette, un extrait de concert de Little Bob avec Johnny Thunders. Mais autant le laisser parler lui-même avec sa faconde, sa façon de mener la ronde folle des mots. L'a une manière à lui de poser les vocables, ponctués d'émoti-intelligents colorés, disposés en serpents de vers irréguliers, emplis d'homophonies intérieures, une poésie brute, qui ravit autant l'œil que l'oreille si vous prenez le temps de lire à voix haute, des insistances, des répétitions, des scansions fusantes, du premier jet de lave. Au lieu de lire notre terne reproduction paragraphique nous vous invitons à aller sur son FB. Vous y retrouverez le texte in extenso et vous vous apercevrez que les sous-titres que nous avons rajoutés sont de notre seule irresponsabilité.
I
MYSTER HUBERT & DOCTOR PIAZZA
'' En attendant We Need Hope le nouvel album de Little Bob Blues Bastard, une petite pépite, hélas enregistrée en public qui complète en partie, les cinq titres live du génial album « Ringolevio – Off the Rails And Live 78 », voici complétement inédit jusqu'ici, le moment historique et magique où, le mercredi 15 mars 1978, j'imagine aux alentours de 22 H 18 Johnny Thunders rejoint Little Bob Story !!! Ce sur la scène du Dingwall's sur les trois titres de 2 rappels : So Bad ( Roberto Piazza ) & Roll Over Beethoven ( inclus Bye bye Johnny ), puis Lucille.
Musiciens : Chant : Roberto Piazza alias Little Bob / Guitares : Guy-Georges Grémy & Serge Hendrix / Basse : Dominique Lelian alias Barbe Noire / Batterie : Paul Balbi ( The Count Bishops ) / Invités : Guitare & Choeur : Johnny Thunders / Choeur : Johnny Moped ( ? )°
LE MYSTERE DE LA MORT RAIDE
° J'entends Bob présenter sur scène à à 11 mn 43 s '' Johnny Mot'Raide ( ??? ). A part le chanteur Johnny Moped, où vers la fin de Lucille on peut un peu entendre maybe sa voix, j'connais pas. Bob nous dira si c'est bien lui à s'concert-là.
LE TRAFIQUANT D'INTRO
L'intro de Lemmy ne provient pas de ce concert-ci, il figure sur le fameux album de Little Bob Story '' Ringolevio'', paru en 1987, où pour Bob son ami, Lemmy émit sa voix pour lui. Le '' Rock 'n' roll '' de Lemmy vient d'son '' We are Motörhead''. Pis, si Lemmy j'l'ai mis C pour attirer vers Bob les fans de Motörhead aussi. Le '' One Two Three '' de Bob ne vient pas d'ce concert non plus, il vient d'sa prestation live au Théâtre de l'Empire en 1978 pour l'émission d'télé Chorus. L'intro est un montage personnel de 17 secondes, incluant les acclamations du public du Dingwall's +, + symbolique du 1er coup de caisse claire de Kick Out The Jams du MC5 et la voix de son chanteur, Rob Tyner, pour faire le '' Four'' après le '' One Two Three'' de Bob à Chorus où l'on entend en même temps un coup d'batterie, n'se marie pas du tout hélas avec le reste ici, donc pour faire le '' Four'', j'ai pris la syllabe de l'avant-dernière phrase de The Human Being Lawnower : '' Until you're standing beFORE'', pour l'accentuer, issu du génial 1er live du MC5, le F de motherFucker. J'ai voulu ajouter aussi l'un des '' Yeah'' de Bob lors d'son super concert en 1986 au Plan à Ris-Orangis, à 48 mn 43 sec, filmé et mis en ligne par le fameux Pascal Regoli qui pour le bonheur de tous a ouvert ses archives sur son YT mais l'on entend encore en même temps un coup d'batterie ( 21 s ). Quelques rajouts ( copié / collé du public du Dingwall's ) ont été mis lors des bla-bla pour masquer les suraigus ''insssuppotables'', pis aussi pour sublimer à la moi ce grand moment live monumental. Avis que partage Ron Asheton, selon moi, puisqu'à la fin il fait '' WhouAaa''
Ce montage et ces rajouts ont été fait pour rendre + '' sympathique'' le début de ma cassette '' merdique'' qui malgré plusieurs essais d'remix ne donne pas envie d'écouter la suite, mais à 25 secondes du gig Cbon le son est + bon.
LE FOURNISSEUR D'INFOS
L'enregistrement a '' visiblement'' été fait au début du fond d'la salle par quelqu'un qui changeait d'place souvent, mais, à cet inconnu jusque-là, un + que très grand merci sans lui : pas ce Graal ici.
L'enregistrement de ma K 7 ayant un son brouillon, un grand merci à Audacity et à Jean-Jacques Kerleo aussi, l'ingé-son du remasteing du génial album The Next Decline de Wild Child ( oui, avec Leeroy Stanner & Little Jim ) de m'avoir aidé afin qu'il soit beaucoup mieux écoutable ici. La photo du visuel a été importée sur Pinterest par Andrew Griffits, sans source info, mais grâce à une photo de Bruno Blum que j'remercie ici, je sais qu'elle a été prise à s'gig. Ma K7 est issu d'mon '' vieux'' pote Freddy Lynxx le fameux leader des Jet Boys. Nom d'groupe que lui a soufflé son ami Johnny Thunders. Certaines de ses '' drôles'' aventure abec lui sont dans l'excellent bouquin de Thierry Saltet : La France & Johnny Thunders, disponible chez Julie Editions.
Enregistrés par Neil Richmond 5 morceaux du même concert sont sortis avec un bon son sur le génial album Little Bob Story – Off the Rails And Live In 78, espérons qu'il a enregistré s'furieux concert en entier, et qu'un jour, les 3 titres ici, nous pourrons mieux les apprécier.
Comme dit l'une d'mes chansons '' Tant qu'on n'est pas mort, L'espoir vit encore ''. Pourquoi ai-je appelé ce moment historique '' The Italian Night'' ? Outre le clin d'œil à un titre de Little Bob Story, suffit d'y réfléchir.
II
ALTERNATE TAPE
POUR BOB ( ET LES AUTRES )
Pour Bob d'abord. ( Après pour toi ). Tu l'voulais ; Bah l'voilà. Pile poil 42 ans, 11 mois et 3 jours après s'furieux concert-là. Tu voulais revivre Londres d'la belle époque : Bah écoute ça, ça ne fait pas partie des trucs que tu n'écoutes qu'une fois. T l'Plus Grand ! Pour ton nouvel Album '' Merde'' ! Bises à toi.
PUREEEeee : Y'a + d' 5 ans d'jà, Bob au New Morning en 2015 i'me dit ça : '' WhoAaa ! T'as Ça ! J'le veux moi !'' Enfin précisément chéplu, mais C T 1truc comme ça !
Depuis partout dans mes archives j'l'ai cherché, et vas-y que j'cherche et que j'cherche : Keutchi ! Ça y est dans mon merdier j'l'ai ENFIN r'trouvé ! En fait elle était sur '' un peu'' de bordel sous mon lit ! Vu nul part ! C 1 Docu Audio Super Rare, en + ça tombe pile poil avec la sortie de son Nouvel Album
MA K7 OU EN 78 JOHNNY THUNDERS REJOINT LITTLE BOB
SUR 3 TITRES
Du Grand Bob et du Grand Johnny ici réunis ! Purée quelle tuerie : Bob quelle voix d'Killer Killa Là Ici ! Pis quels titres et quelles versions aussi !
Pis pas comme dirait Eddy Machin, comme dit Bob, C' est du rock qui chlingue !
Oui Okay, des fois les guitares font un bruit de canard. On s'en tape, c'est pas grave : imagine kia pas s'Graal ! Mets-Le En Boucle & Ecoute ! Metsl'Son à Fond, Ferme Les Yeux ! T'es Chaud Bouillant, T'es En Face d'Eux ! Imagine Que T'es Un Peu Bourré à La Bière ! Saute En l'Air Comme si T'étais Au Concert ! N'aie Pas Peur : Jette-toi Contre Les Murs ! Fais Gaffe Et Pas Qu'à Ta Tête : La F'nêtre Est Grande Ouverte ! Sûr Grâce à Tes Voisins Tu Vas Finir Au Gniouf ! Tu T'en Fiches Tu Vas Grave Kiffer Com' Un Ouf !
Bref, fais com'tu veux, là fok j'fasse court, faut j'courre : G plein d'trucs à faire ! Des proches à qui j'ai parlé d'ma K7 m'ont dit en gros pareil : '' Purée mais qu'est-ce t'es con !!! T'es l'un des seuls à l'avoir au monde !!! T'es au RSA, t'as pas une thune !!! Vends-le à Bob ou mieux : en 500 45 tours fais-le, à 30 € pièce tu vas faire fortune !!! En + tu dis tout l'temps qu't'as pas le temps !!! T'as 278 m2 à construire + tout ton rangement !!! Avec ta K7 ça fait 3 s'maines ktu perds ton temps !!! Avec tout S'que T'entreprends : T pas près d'faire Rock Star connue international'ment !!! J'leur ai répondu : Oui mais Non : j'préfère être con !
Ça t'a fait plaisir j'espère ! Bises, Hubert !!
MYSTER HUBERT STORY
ERIC BURDON 1967
Heureusement qu'Einstein nous a appris que le temps était relatif. Certainement nos plus naïfs lecteurs se sont dits en lisant la chronique précédente que puisque Animalism ( US ) était sorti en décembre 66 nos Animals étaient encore vivants à cette date. Point du tout, ils sont morts, rayés du globe terrestre, une extinction animalière sans précédent, enfin pas tout à fait, sélection darwinienne, struggle for life, les plus forts – en fait les plus adaptés aux nouvelles conditions atmosphériques – survivent, Eric Burdon bien sûr – les copains en avaient vraisemblablement assez de lui servir de faire valoir, et quelques mois de tournées in the States vous usent un homme jusqu'à la corde, vous le rabotent de fond en comble, plus tard ils le regretteront, nous en reparlerons – et Barry Jenkins ne lâche pas l'affaire, dernier arrivé l'a encore faim, il sait qu'une fois qu'on a abandonné le peloton de tête il est difficile d'y revenir, sont les deux seuls survivants. Burdon ne relâche pas la pression, les Animals sont morts, vivent Eric Burdon and the Animals, la nouvelle association sera prête en novembre 66, mais au mois de septembre ( 66 ) il a déjà mis en boîte Eric Was Here, faut toujours avoir deux sorties ( au minimum ) à son terrier, si l'une s'écroule il reste au moins une issue de secours. Il serait injuste de traiter Eric de petit cachotier, toute l'équipe est au courant, et certains membres de la première dream team n'ont pas refusé de jouer sur tel ou tel morceau. Qui exactement ? Une fois que vous les rencontrerez au paradis ils vous le diront. Difficulté subsidiaire : certains titres des Animals ont été réédités en singles sous les appellations : Eric Burdon and the New Animals et / ou Eric Burdon and the Animals... L'on sent le trafic d'animaux pour raisons pécuniaires, d'ailleurs l'album Eric is Here est crédité non pas à Eric Burdon mais à Eric Burdon and The Animals.
Derrière toutes ces transactions se trouve depuis le début un homme : Mike Jeffery connu dans le monde du rock pour avoir été le manager des Animals et de Jimi Hendrix. Il a su saisir la chance au vol, amateur de jazz il était présent au Down Beat de Newcastle et a eu le flair de sentir qu'avec le groupe de musiciens qui allaient devenir les Animals il tenait un bon numéro. Il a gagné beaucoup d'argent, les Animals un peu moins. Les kr'tntreaders avertis par les différents articles que le Cat Zengler a consacrés au grands patrons du rock 'n' roll business ne seront pas surpris. Les admirateurs d'Hendrix lui en seront même reconnaissants. Lorsque Chas Chandler sur la recommandation d'Anita Pallenberg, petite amie de Keith Richards, lui conseille d'aller voir à New York un certain guitariste noir, il en revient enchanté, il a découvert la poule aux œufs d'or, à un détail près, il ne possède pas l'argent nécessaire pour lancer dignement un tel phénomène, Chas est lui-même en froid avec Mike Jeffery mais il ne connaît personne dans son entourage qui soit capable d'assumer financièrement un tel projet. Après avoir vu de ses propres oreilles l'ovni-guitariste Jeffery accepte de prendre les risques... avec d'autant plus de célérité qu'il investit à fonds gagnants puisque aucun des membres des Animals ne seront jamais crédités des 40 000 livres qu'il leur a promis... Cette histoire est la face dorée de Mike Jeffery. Il existe aussi une légende noire. Qui était au juste Mike Jeffery est-il vrai qu'il était un agent de l'Intelligence Service ? Est-il vraiment décédé dans un télescopage d'avion au-dessus de l'aérodrome de Nantes ( bonjour les zadistes ), pourquoi son père a-t-il fait exhumer son ( prétendu ? ) corps pour qu'il soit incinéré ? Questions sans réponses. Mais depuis Elvis Presley tous les morts qui ne sont pas morts et qui coulent des jours heureux sur une île exotique avec leur fortune ( plus ou moins bien acquise ) sont légion... Si l'on ajoute que Jeffery a été accusé sans preuve d'avoir provoqué la mort de Jimi pour toucher son assurance … l'on se dit que l'homme devait avoir un certain charisme pour susciter après sa mort de telles hypothèses...
Nancy Reiner qui est sortie avec Mike Jeffery a défendu sa mémoire. Pour l'avoir connu dans son intimité elle le présente comme un homme gentil, cultivé, gai et attentionné. C'est cette dernière qualité qui a dû l'émouvoir. Il suffit de regarder une photo de Nancy pour comprendre sa fragilité et sa sensibilité. Enfant mal-aimée, blessée à vie et à vif. Artiste, poète, elle finit son existence dans une profonde solitude en 2006... Son nom ne vous dit peut-être rien mais c'est elle qui a dessiné la pochette de The cry of love disque posthume de Jimi Hendrix paru en 1971. Jeffery avait présenté Hendrix à Nancy, une profonde amitié amoureuse les lia... l'on ne s'étonnera pas si l'on se rappelle qu'elle assistera en compagnie de Jimi Hendrix et d'Eric Burdon au festival de Monterey Pop qu'elle ait aussi dessiné la pochette de Eric is here. Nous analyserons dans une proximale chronique quelques unes des rares pochettes réalisées par Nancy Reiner.
ERIC IS HERE
ERIC BURDON AND THE ANIMALS
( Mars 1967 )
Donc Burdon au chant et Jenkins à la batterie. Et les autres ? Sont deux, Horace Ott et Benny Golson. Un bon choix. Proviennent du blues, non pas du tout, du jazz et du rhythm 'n' blues. Ott navigue dans les studios depuis la fin des années cinquante. Il a présidé à de multiples enregistrements, nous ne citerons que quelques artistes dont les Animals ont adapté un ou plusieurs titres : Jackie Wilson, Sam Cooke, Nina Simone. Ott est pianiste c'est lui qui choisira les musiciens qui participeront aux cinq morceaux qu'il dirigera, Benny Golson saxophoniste réputé de jazz agira de même pour les sept titres restants.
In the night : oubliez les Animals, opéra avec changement de décor et d'orchestre, où sommes-nous, Burdon le sait-il lui-même, il vogue vers de nouvelles frontières, le choix des compositeurs peut faire tiquer, Tonny Boyd et Bobby Hart sont surtout connus pour avoir composé et joué sur les disques des Monkeys, l'on attendrait moins à d'artificialité showbizznesque dans les choix de Burdon, entre rhythm'n'blues bon marché et chansonnette, jolie mélodie, la voix de Burdon sauve le cocotier, il aurait mieux valu le scier à la base. En sourdine de suaves motifs vaguement arabisants mais l'on est loin du conte des mille et une nuits. Mama told me not to come : le titre est engageant, sent le bon vieux rock'n'roll, mais non l'on est entraîné en territoire connu dans la fournaise d'un bon vieux rhythm 'n' blues, semi spoken words, les paroles nous introduisent dans une autre dimension, dans une autre époque, drôle d'odeur dans le salon, dans la trilogie sex, drugs and rock'n'roll, le deuxième pilier est privilégié. I think it's gonna rain today : le titre précédent nous avait presque réconcilié avec Randy Newman, ici pas grand chose à se mettre sous la dent, les orchestrations cuivrées insipides qui de temps de temps en temps parsèment l'accompagnement ne sont guère appétissantes, restent les morceaux de viande du vocal burdonnien pour donner du goût à la soupe. This side of goodbye : dans la vie il est nécessaire de se méfier des a priori, genre ô chouette, signé par Carole King et Gerry Goffin qui avaient fourni We 've gotta get out of this place to the Animals, en plus interprété l'année précédente par les Righteous Brother, arrêtez-vous là, n'allez pas plus loin, les Brothers semblent se parodier eux-même, une orchestration grand spectacle à petit effet, pas fameux mais tout de même mieux que la version de Burdon incolore et inodore... That ain't where it's at : d'entrée une belle basse animalière, et une cavalcade de poneys des plus agréables, des cuivres un peu trop en arrière mais le clavier devant n'est pas du tout en trop, Burdon ne lâche pas la grappe d'une seconde, et nous sommes sur le meilleur morceau de cette face A. True love ( comes only once in a lifetime ) : avec un tel titre on craint le pire, mais les chœurs féminins du début nous surprennent agréablement, un peu composite, un peu n'importe quoi, Burdon s'amuse, une fois dans l'idiotie sentimentale, une fois dans la fausse grosse voix, celui qu'il faut remercier c'est Benny Golson, un sorcier, avec trois fois rien, il vous titille l'oreille drôlement. Help me girl : résolument Animals dans la tournure, ça se perd dans la suite, mais il y a un moutonnement de basse qui vous réconcilierait avec l'univers et votre pire ennemi. Un arôme pré-proto-funk dans l'arrangement. Une hybridation black and white avec les qualités et les défauts du genre. Wait til next year : troisième morceau signé Randy Newman traité de la même manière que Mama tell me... orchestration sournoise, un peu rampante un peu bruyante, un Burdon qui chante comme s'il parlait, ce n'est pas mal, ce n'est pas bien, vous descendez du train insatisfait. Loosin' control : dépaysement absolu, une musique venue d'ailleurs, une espèce de fifrelin frifilisique arabisant et Burdon qui chante avec une voix qui n'est pas la sienne, dans la série étonnez-moi Benoît cela vous fout en émoi, pour l'orchestration imaginez le mur du son auquel il manque le mur. Pas désagréable. Etrange. Une tentative qui se respecte. It's not easy : de Barry Man et Cynthia Weil ( cette dernière prête nom de Horace Ott ), même équipe que Don't let me be me misunderstood. N'ont pas puisé dans la même veine inspiratrice, ennuyeux au possible, insipide. Passons vite. The biggest bundle of all of them : le mieux serait d'isoler la voix de Burdon, de supprimer la musique et d'oublier ces chœurs masculins qui préfigurent salement à ceux de In the navy de Village People, je n'affabule pas, je ne charge pas la mule, c'est Horace Ott ( nul n'est parfait ) qui se chargera des arrangements de ce morceau, avis aux amateurs : si vous l'entendez une fois, vous ne le réécouterez pas une deuxième. It's being a long time comin' : une ballade, encore une fois le passe-partout des arrangements est confondant, l'orgue semble pompé sur Percy Sledge, pourquoi Burdon ne blouse-t-il plus sa voix sur les dernières au lieu de nous offrir ce froid final de bouse variétoche blanchisé à outrance ?
Un disque décevant, passé inaperçu en France car réservé au marché américain. Ironie des choses, c'est cornaqué par des orchestrateurs noirs que Burdon réussit à chanter plus blanc que sur disques des Animals. Cet album est un coup d'épée dans l'eau.
TONY WILSON
Il est pourtant produit par Tony Wilson. Pas la dernière roue de la charrette, un rocker c'est bien, un rocker + un producteur c'est mieux et avec Tony Wilson à vos côtés vous avez quelqu'un aussi important que Phil Spector, oui il émarge parmi les quatre ou cinq grands du métier. Un homme discret sur ses origines, un noir qui au début des années cinquante est étudiant à l'Université d'Harvard, spécialisé en économie et en politique. Un passionné de musique qui tient le micro dans une émission de jazz sur le campus. Se retrouve à la tête de Transition Records, un label qui tente d'influer le jazz, il enregistrera de nombreux artistes, parmi lesquels le pianiste Cecil Taylor, Coltrane, le saxophoniste Benny Golson ( voir plus haut ) et l'éruptif Sun Ra. Il est producteur chez Columbia, John Hammond lui refile un de ses poulains particulièrement pénible, c'est donc lui qui produira les derniers titres de The Free Wheelin' de Bob Dylan. A vite fait de cataloguer le gazier, des paroles intelligentes mais le folk pour ses oreilles de jazzeux lui paraît une musique rudimentaire, peu porteuse. Pousse à la roue l'impétrant pour qu'il mette un peu ( beaucoup, à la folie ) d'électricité dans son brouet d'eau claire. On lui doit donc ( entre autres ) Bringing it All Back Home, Highway Revisited 61, et le simple Like a rolling stone, mais ce n'est pas tout Freak Out ! des Mothers of Invention, il n'est pas crédité sur le premier Velvet même si c'est lui qui effectue le boulot et non Andy Warhol, par contre son nom est sur la pochette de White Heat, White Light, qui d'autre d'ailleurs aurait pu accepter d'enregistrer une telle confusion maelströmique, il est vrai que lorsque l'on n'a pas sourcillé pour le Absolutely Free de Zappa l'on n'a peur de rien ! Les Animals bien sûr, mais aussi Professor Long Hair, Dion, Simon & Garfunkel...
En studio il n'est pas un dictateur, mais ses avis sont écoutés, sait faire les remarques justes qui remettent un artiste sur le chemin qui lui convient le mieux, tatillon à sa manière, l'air de rien, apparemment plus intéressé par la fille assise – préférait les blondes – à ses côtés que par le boulot des artistes, mais toujours un œil sur les ingénieurs du son afin qu'ils ne prennent pas des décisions trop personnelles. Homme secret, il s'achetait de superbes voitures qu'il ne conduisait pas, il meurt d'une crise cardiaque en 1978, il était né en 1930 ( Elvis en 1935 ), entre 1965 et 1968 il exerça une influence certaine, aujourd'hui pas vraiment reconnue, sur l'évolution du rok 'n' roll. Que voulez-vous, nos œuvres sont éparses a dit Saint John Perse.
Damie Chad.
P. S. : puisque je vous ai habitué aux petites gâteries animalières, et qu'il ne faut pas renoncer aux traditions, voici un truc qui vous empêchera de dormir, pendant au moins une semaine. Ne dites pas que vous ne connaissez pas, certes ce n'est pas exactement Le Petit Chaperon Rouge, mais The Dangerous Christmas of Red Riding Hood, télé-film ( sur You Tube ) que les enfants sages d'Angleterre ont eu la chance de zieuter le 28 novembre 1965. Une comédie musicale avec Liza Minnelli en vedette. Je vous laisse le (dé)plaisir de la découverte, je ne vous en dis pas plus. Ah, si j'oubliais les Animals sont dedans. Rien que pour cela, vous devez le regarder, essayez tout de même de préférer la scène précédente du ballet, clin d'œil à Nijinski, je me demande si David Bowie ( l'était déjà grand ) et Freddie Mercury ( est arrivé en Angleterre en 1964 ) ont vu ce truc.
XXIV
ROCKAMBOLESQUES
LES DOSSIERS SECRETS DU SSR
( Services secrets du rock 'n' rOll )
L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS
Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.
Lecteurs, ne posez pas de questions,
Voici quelques précisions
103
Vince et moi nous tordîmes le cou dans tous les sens, malgré notre bonne volonté nous n'aperçûmes aucune queue de dinosaure qui traînait sur le sable. Métaphoriquement parlant bien sûr. Je m'apprêtais à ouvrir la bouche, le Chef me signe de me taire d'un geste impérieux il leva son index gauche pour me faire signe d'écouter. Je tendis l'oreille. A mes côtés Vince aussi était tout ouïe. Une bonne minute nous fut nécessaire pour saisir au fond de l'air, une bribe de mélodie qu'une très légère brise se chargea d'accentuer. Au loin l'on chantait. Une espèce de lointaine rumeur indistincte qui bientôt s'amplifia ce qui nous permit de distinguer nettement les paroles :
La colonie passe, laissez-lui la place
Dans la troupe il n'y a pas de jambe de bois
Il y a des nouilles, mais ça ne se voit pas...
Un bataillon de très jeunes gens ne tarda pas à apparaître marchant d'un pas cadencé le long du parapet qui dominait la plage. Une monitrice devant, une monitrice derrière. Celle qui menait le cortège désigna de la main à une cinquantaine de mètres de notre aéronef une pente de ciment qui permettait de descendre sur le sable. Les gamins l'empruntèrent en courant mais alors qu'ils fonçaient en criant vers la mer une voix sèche les rappela à l'ordre. Docilement ils revinrent et les deux jeunes filles organisèrent une séance de jeux. Z'étaient sagement assis en rond tandis que l'un d'eux couraient derrière eux un mouchoir à la main. Manifestement une partie de pipi au lit.
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Attention l'on vient nous voir, murmura le Chef
En effet une des deux monitrices marchait vers nous d'un pas décidé, nous distinguions mieux son visage, elle grimaçait de colère, elle fonça droit vers le Chef et lui adressa la parole d'un ton de bouledogue enragé :
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Non seulement, vous avez garé votre véhicule dans l'espace réservé aux baignades mais encore vous vous permettez de fumer en présence d'enfants, c'est une honte, un scandale, si plus tard l'un seul d'entre eux décède d'un cancer, vous en serez responsable !
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Sachez Madame, que je fume pas, je savoure un Coronado !
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Quoi, un Coronado, cette saleté qui transporte le virus !
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Madame, sachez que le Président de la République et le Haut Conseil Scientifique de Surveillance de la Pandémie ont reconnu pas plus tard que voici quelques heures la non-nocivité du Coronado dans la propagation du virus...
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Monsieur, le gouvernement change d'avis tous les trois jours, en plus une simple cigarette devant des d'enfants est un crime contre l'Humanité, éteignez tout de suite votre Coronado sinon...
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Madame, le ton du Chef était glacial, premièrement vos gamins sont à cinquante mètres, deuxièmement sachez que les rares personnes qui ont eu l'outrecuidance de me demander d'arrêter de fumer, ont subi le même sort, je pense par exemple à ce directeur de cinéma qui était venu me demander d'éteindre mon Coronado alors que j'étais en train de regarder Alien 12, il est reparti, sauf votre respect la queue entre les jambes, n'est pas allé bien loin, une balle entre les deux yeux...
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Ah ! Vous le prenez comme cela, vous croyez me faire peur, cinquante mètre – la Cheftaine était hors d'elle - l'on va raccourcir la distance !
Saisissant un sifflet retenu par un ruban bleu entre ses deux seins elle siffla trois coups brefs qui eurent un effet immédiat sur les gamins ennuyeusement assis autour de la seconde mono qui était maintenant agenouillée au milieu du cercle, ils se précipitèrent vers nous en hurlant, une vingtaine de chenapans, des blonds, des bruns et un petit rouquin plus déluré que les autres qui s'installa aux commandes de notre appareil et qui commanda aux autres de le pousser vers la mer, lui obéirent au doigt et à l'œil et en quelques instants, notre aéronef bouté au cul par une grappe de gamins glapissants se mit à avancer de cette allure lente et cahotante qu'adoptent les modules lunaires explorant le sol pierreux de notre satellite. La Cheftaine arborait un sourire triomphant :
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D'abord on balance votre véhicule à la flotte, ensuite on s'occupera de votre Coronado !
Le Chef souriait béatement, lorsque notre Pégase mécanique fut à mi-distance de la mer, il hurla :
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Eh rouquinos, pour desserrer le frein pousse le petit bouton noir à gauche ou à droite !
- Oh ! Hisse pousse la saucisse ! reprirent en chœur ses camarades.
Il y eut une explosion, une flamme jaillit brève mais intense, des corps de gamins furent soulevés en l'air et retombèrent en morceaux carbonisés, sur le sable !
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J'aurais dû leur dire que l'hydrogène est un gaz explosif, c'est bête, j'ai oublié ricana le Chef.
Vince n'avait pas perdu son temps. L'explosion n'était pas terminée que se saisissant d'une grosse branche que les vagues avaient avait rejetée sur le rivage, il avait fracassé le crânes des deux monitrices. Il se pencha sur leurs cadavres. Son diagnostic fut péremptoire :
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Pas de sang, des Réplicants, j'en étais sûr !
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Agent Chad, nous ne sommes pas loin du Négresco, vous trouverez facilement une grosse cylindrée à emprunter ! Vite !
Trois minutes plus tard je revenais avec un superbe engin dans lequel nous entassâmes tous, les filles dans leur maillot de bain mouillé, les chiens qui s'étaient amusés à creuser des terriers distribuèrent des traînées sableusement visqueuses et urticantes un peu partout. Des sirènes de pompiers et d'ambulances résonnaient dans le lointain, devant nous au bout de l'avenue la police montait un barrage, je le franchis sans encombre, sans même ralentir, ma plaque verte Corps Diplomatique était un véritable sésame.
104
Sur l'avis avisé de Vince je garais la voiture dans une ruelle. Les filles et les chiens s'éloignèrent vers des boutiques de fringues. Nous les hommes, les durs, les tatoués, qui fleurent bon la silice chaude entrâmes dans un bar louche, nous étions à la recherche d'innocentes babioles... Lorsque nous revînmes les beach girls étaient déjà assises dans la voiture en tenue décente. Vince et le Chef me suivaient de près portant à bout de bras de grosses caisses, le dos voûté sous le poids d'énormes sacs-à-dos bourrés de marchandises. Je soulevai le hayon et poussai un cri d'effroi !
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Agent Chad, y aurait-il un cadavre dans cette malle !
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Pire que cela Chef !
Il s'avança avec Vince et tous deux reculèrent instinctivement, les portières claquèrent et les filles sortirent le sourire aux lèvres :
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On a fait les soldes, pas cher du tout, juste pour avoir l'air présentable !
On dut en jeter les trois-quarts que nous lançâmes sans ménagement sur le trottoir pour les remplacer par nos paquets encombrants... Les filles jurèrent que nous ne comprenions rien à l'âme féminine, que nous étions des butors, mais nous ne les écoutions pas, j'avais repris le volant et Vince me guidait. Nous gagnions les hauteurs de la ville, après les belles villas nous atteignîmes une espèce de banlieue, constituée de cabanons, plus ou moins en ruines, tout ce quartier ne devait pas avoir vu sur la mer pour être dédaigné par les promoteurs.
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Damie après la palissade, tourne en marche arrière dans l'impasse et gare-toi sous le feuillage de l'arbre qui squatte la rue.
J'obtempérai. Nous descendîmes en évitant de faire claquer les portières. Les filles surprises de voir l'attirail récupéré chez des amis de Vince en faveur duquel l'on s'était débarrassé de leurs larges emplettes. Armes et munitions. Molossa le corps bardé d'une ceinture d'explosifs prit la tête de notre colonne. Molossito fermait la marche lui aussi harnaché d'un gilet de '' sauvetage'', nous avancions sans bruit, les poches emplies de grenades, revolvers à la ceinture, fusil-mitrailleurs à la hanche. Deux rues plus loin, Vince – il portait un bazooka sur son épaule - se dirigea vers une des rares demeures de pierre. Les entrées béantes, les murs tagués, des canettes et des seringues jonchaient la pelouse, il devait se donner d'étranges fêtes nocturnes en ce lieu, mais Vince contourna l'édifice et s'enfonça au fond du parc. Sous la végétation un hangar se profilait, il régnait un silence de mort. Nous approchâmes de l'entrée un escalier disposé en demi-cercle, constitué de quatre larges marches disjointes donnait accès à un portail délabré, le bois était pourri et semblait tenir debout grâce à l'intervention du saint-esprit :
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Où sommes-nous, souffla Charlotte visiblement impressionnée
Vince répondit d'un ton lugubre - à l'endroit exact où Eddie Crescendo a disparu !
( A suivre... )
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