Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/09/2012

KR'TNT ! ¤ 111. GHOST HIGHWAY / TINSTARS / JOHNNY TROUBLE.

 

KR'TNT ! ¤ 111

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

27 / 09 / 2012

 

CONCERTS TOUJOURS !

 

 

I : 22 / 09 / 2012 – NOGENT-SUR-OISE

 

 

3° FESTIVAL INTERNATIONAL DE COUNTRY

 

 

GHOST HIGHWAY

 

 

A fond dans la teuf-teuf mobile avec Mister B – un pseudonyme, si vous ne vous en étiez pas aperçus - pour rallier dare-dare Nogent-sur-Oise. Sur Seine, sur Marne, on connaissait, mais sur Oise, sans vouloir chercher noise, que les oisillons du lieu nous pardonnent, l'on n'en avait jamais entendu parler. L'on y est quand même arrivé sans GPS, oublié à la maison.

 

e2.jpg

 

L'on avait un doute, festival country c'est souvent pas grand-chose, un orchestre de danse, un plancher branlant et pour spectateurs tous les recalés des concours d'entrée dans la police ruminant la grande déception de leur vie tout emplis de griefs troubles et de colériques ressentiments. L'on avait tout faux. Super orga et mentalité pas crade.

 

 

L'on a trouvé un râtelier à notre teuf-teuf diligence sur l'esplanade goudronnée de l'Eglise. D'après nous, l'ancien cimetière du bourg transformé en parking, comme quoi il ne faut jamais désespérer de la modernité. Il y a un remède à tout, même à la mort. L'était près de dix-huit heures lorsque nous nous sommes mis en quête du festival. Facile, suffisait de remonter les cohortes de porteurs de faux stetsons ( made in simili-communist China ) qui rentraient chez eux tout joyeux. Des centaines de personnes. Nous voici à l'entrée, un quarteron de jeunes filles s'occupent de nos billets. J'ignore totalement pourquoi mais Mister B and Myself jugeons très agréables cet accueil de jolis minois, tout sourires.

 

 

C'est bien le pays des cowboys, la prairie verte s'étend à perte de vue autour de nous. Z'ont vu vaste. Tout le périmètre est bordé de grandes toiles blanches, emplies d'on ne sait trop quoi. Je vais être honnête avec vous on n'a pas regardé. L'on a senti l'enclos des baudets du Poitou aussi poilu que ZZ Top, mais desquels émanaient une odeur bien plus pestilentielles, et l'on a couru comme des dératés vers la grand tente centrale, d'où s'échappaient des flots de musique.

 

 

Ce n'étaient pas les Ghosts. Y avaient seulement trois centaines de zozos – beaucoup d'adultes, très peu d'enfants - en transe, qui levaient le bras droit – position voyageur de l'autobus debout qui se tient à la courroie – et qui au commandement du meneur de jeu tiraient sur une manette invisible en faisant Tuuuut ! Tuuut ! avec un guitariste qui s'essayait à imiter le shuffle, ce bruit très caractéristique du train à vapeur qui prend son élan... Passionnant. Mais cela ne répondant pas à mon questionnement métaphysique principal «  Les Ghosts seraient-ils déjà passés ! » j'avisai la seule personne qui ne paraissait pas prise par l'hypnose ferroviaire collective, en l'occurence l'ingénieur du son, tout au fond, qui depuis ses tables de mixages me semblait contempler la scène d'un oeil vaguement circonspect.

 

e3.jpg

 

Lui répétais deux fois la question mais au bout de deux essais infructueux il m'a avoué qu'il doesn't speak french et m'a demandé de lui blablater à l'oreille en anglais ! J'étais tombé sur un amerloque, un vrai de vrai. Pas étonnant, country oblige. Dans vingt ans il pourra écrire ses mémoires, je vois le titre d'ici : Chevauchée chez les franchouillards... En attendant, il ignorait tout des Ghosts.

 

 

C'est un organisateur qui nous a mis sur la piste. Ce n'était pas là, mais là-bas. Tout au bout. Z'avaient monté la tente des rockers à côté du camp indien. Faudrait tout de même pas exagérer. Faut pas mélanger, ni les torchons avec les serviettes ni les rebelles avec les shérifs. L'on a traversé la cohue qui assiégeait le défilé des stands de frites, l'on a longé un second plancher dévolu aux danses de saloon et surchargé de ballerines en mexicaines. Nous voici enfin au grand marabout. Les Ghosts ne nous ont pas attendus, z'ont déjà commencé. Du coup avant de les regarder on achète quelques munitions au bar voisin ; un euro le demi, deux euros trois ( 3 ! ) sandwichs, cinquante centimes le café, difficile de faire mieux !

 

 

GHOST HIGHWAY

 

 

Etrange. L'on n'a pas jugé bon de pousser les tables d'un précédent repas, posées perpendiculairement à la scène. Tous ces rockers assis à la queue leue leue sur leur banc, sanglés dans leur perfectos noirs – ressemblent à un classe d'enfants sages qui écoutent religieusement la parole du maître. Le naturel reviendra vite au galop. Cris, interpellations diverses, danses, bousculades amicales, les Ghosts n'ont aucune autorité, le chahut règne.

 

 

Faut dire qu'ils vous lancent des fourmilières en travers des jambes. Difficile de rester immobile sous un tel flot d'énergie. Aujourd'hui Zio est amoureux de sa basse. La caresse voluptueusement. Au-dessous du nombril. Elle en glapit de plaisir, un son rond et juteux, roboratif et chaleureux. Phil est en forme, a choisi un T-shirt bleu, la même couleur que sa batterie. Peut-être qu'il change cette dernière chaque fois qu'il endosse une nouvelle chemise, mais m'a foutu une sacrée trouille. J'étais tranquille, juste devant les baffles, inondé de bonheur lorsque mon coeur a explosé. Boum ! Boum ! Boum ! J'ai cru à une attaque, trois durites qui pètent à la fois, mais non c'était Phil qui s'acharnait sur sa grosse caisse. C'était sur Poor Charlie. A partir de ce moment-là, personne n'aurait pu le retenir. L'a d'ailleurs fini le set debout à fouetter sa cymbale qui ne lui avait rien fait comme un forcené, puis s'est mis à cogner, dos au public, sur ses caisses et ses toms, comme un berseker, non plus sur la peau, mais sur le bois.

 

 

Mais n'anticipons pas, revenons à ce Poor Charlie. Je ne sais pas ce qu'il a fait à Jull mais il était clair que Maître Jull lui en voulait à mort. Lui a cisaillé la gueule de deux coups de gretsch bien saignant, un je t'arrache les dents, deux je te les replante dans l'oeil, puis s'est mis à lui triturer tout le reste chalumeau. Sans parler d'Arno qui lui découpait les doigts de pieds avec sa rythmique d'acier tronçonneuse. Du pur Ghost. Ecrit par les Ghost. Composé par les Ghost. Joué par les Ghost. Chanté par les Ghost. Quand ils auront quinze morceaux pro domo de cet acabit, balancés et malmenés avec cette fougue, plus une reprise de Cash et de Burnette pour indiquer d'où ils viennent, ils seront les rois du rockabilly français.

 

e1.jpg

 

Les plaisirs les plus courts ne sont pas les meilleurs. Même avec le rappel, le public n'est pas rassasié. Mais dans les gros rassemblements de cette envergure, il faut dégager top chrono car la programmation une autre festivité dans le quart d'heure qui suit. M'étendrai pas sur l'ovation finale. Le son n'était certes pas d'une perfection absolue sous ce chapiteau de toile ouvert un peu partout, mais il dégageait un parfum de sauvagerie des plus délectables. Une fois de plus les Ghost Highway nous ont offert un concert impeccable..

 

PS : on a fauché l'image sur picardieweb

 

FIN DE L'ETAPE

 

 

Bien sûr avant les Ghost Highway y avaient eu Freddy Della, Tony Marlow, Jimmy Rock et Justina Kelly, mais on n'était pas encore là. Tant pis pour vous, tant pis pour nous. Les absents ont toujours tort. L'on n'est même pas resté pour les bagarres de saloon, ni pour l'indien traîné au sol par des chevaux, ni pour la chariot poursuivi, ni pour les poneys dans les flammes, c'est que notre soirée ne faisait que commencer...

 

 

Tout de même une bonne ambiance. Très populaire, dans le bon sens du terme. Jusqu'à la sécurité qui nous ouvre les grilles interdites pour que nous puissions rejoindre la teuf-teuf mobile nous évitant ainsi un grand détour.

 

 

Petit bémol. Nous tombons nez à nez avec trois chiens et leur maîtres. Caresses aux toutous, frétillement de queue ( celles des chiens, voyons mesdemoiselles ), petites discussions amicales sur le tas. Lorsque je serre la main de l'un d'entre eux, il me remercie de lui avoir parlé. Ah ! Misère de la solitude ! Ces milliers de personnes qui s'amusent d'un côté, et cette souffrance de l'autre. Rock et blues.

 

 

PARMAIN / 22 – 23 / 09 / 2012

 

 

II : TATTOOKUSTOM FESTIVAL N° 7

 

 

JOHNNY TROUBLE TRIO / THE TINSTARS

 

 

JACK BAYMOORE AND THE BANDITS

 

e4.jpg

 

Mauvais point pour la teuf-teuf -mobile, l'est arrivée vingt minutes après le camion des Ghost qui ont quand même eu à débarrasser la scène et à charger le matériel. Rien à dire, ces mec-là sont des rapidos. L'on a quand même rien raté. Devait y avoir Lil' Esther en première partie avec les Tinstars. A fait faux-bond au dernier moment, la petite Esther. Pas du tout un caprice de star. Suffit de tomber sur la page d'accueil de son site pour comprendre tout de suite l'étendue du désastre, l'annonce d'un concert de soutien le cinq décembre 2012 pour aider à payer les soins d'un sein méchamment attaqué par un vilain crabe...

 

e14.jpg

 

 

SALLE JEAN SARMENT

 

e5.jpg

 

 

Parmain est un village près de l'Isle-Adam que nous qualifierons de... labyrinthique. Par contre le patelin possède une salle municipale aussi vaste qu'une cathédrale. Dehors c'était carrément Kustom, une invraisemblable collection de grosses carrosseries américaines. Un musée en soi. Avec des baraques à crêpes pour les affamés. Dedans, c'était rondement Tattoo ( you comme disent les Stones ). Des stands d'acupuncteurs à encres colorées par dizaines. De quoi transformer votre épiderme en manga. Avec la couleur en plus. A l'heure qu'il est il ne reste plus que quelques boutiques de bibelots ouvertes. Une assemblée de fantômes ont dû laisser leurs suaires au vestiaires car la plupart des éventaires sont recouverts de draps blancs. Le bar ne désemplit pas, c'est qu'il y a du monde, beaucoup d'agglutinés au bord de la scène où officie Johnny Trouble Trio.

 

 

JOHNNY TROUBLE

 

e6.jpg

 

If you're looking for Trouble, keep the right place, l'avait pas prémonitoirement tort Vince Taylor. Difficile d'échapper à cette armoire à glace de Johnny Trouble. L'a un nom tout droit sorti de la première génération des rockers anglais, mais il vient d'Allemagne, de Stuttgart pour être précis. En plus c'est du côté de l'Amérique qu'il louche. Porte sur sa tronche un peu de la tristesse de Johnny Cash. S'est un tantinet spécialisé sur les reprises du mari de June Carter. Pas un vulgaire copiste, regarde aussi vers Hank Williams, Elvis et tous les autres. Compose même ses propres morceaux.

 

e7.jpg

 

Sont quatre sur scène, Johnny en noir mais avec une rythmique presque toute en blanc, le batteur caché par la stature de son chanteur, un contrebassiste qui s'escrime contre une double-basse couleur bois pâle de peuplier aussi énorme que le buffet en formica de la Grand-Mère. Plus un guitariste. Z'ont le son. Un sacré sound très fifty. Une bonne assise rythmique qui rebondit de manière élastique comme les deux balles du billard pourchassées par la carambole écarlate. Binaire mais trio.

 

e8.jpg

 

Entre les morceaux Johnny essaie de placer quelques mots en anglais. Mais revisitées par l'accent teuton ses interventions restent incompréhensibles. On le préfère – et de loin – en train de chanter. Imite très bien la voix de Johnny Cash, surtout dans les graves, souvent en attaque, mais il est incapable de monter plus haut sans changer de registre et du coup il se mue en contralto, pas du tout désagréable à entendre. He walks the line very well.

 

 

JACK BAYMOORE AND THE BANDITS

 

e10.jpg

 

C'est écrit sur le programme. Entre les deux sets l'on a rendez-vous avec Miss Bloody May et son show burlesque. Le genre de truc qui a-priori ne me fait pas rire. Pas de regrets, toute la soirée. elle brillera par son absence. Jack Baymoore et ses acolytes sont déjà prêts.

 

e9.jpg

 

Jack Baymoore est un représentant du rockabilly suédois. A aussi pas mal tourné aux Pays-Bas. Plusieurs disques à son actif, Mister B doit en posséder la collection complète et attendait de le voir depuis longtemps. Sera un peu déçu, accusera le son, trop binaire. Je serai plus sévère que lui. Un bon premier morceau, comme un coup de poing qui vous arrive en pleine gueule mais très vite une question me turlupine. Pourquoi ces trois guitares sur scène ? L'on se demande ce qu'elles tricotent. On ne les entend pratiquement pas. Pourtant il y a de beaux modèles. Une Bingsby. Pas une originale, une reconstitution. Maintenant si vous voulez vous en acheter une, revendez votre pavillon. C'est à l'identique. La même que celle que possédait Grady Martin lorsqu'il jouait sur les disques de Johnny Burnette. L'était aussi en studio avec Buddy Holly, Elvis Presley et Roy Orbison – le glissando de velours syncopé sur Pretty Woman, c'est lui.

 

e11.jpg

 

Quant à la stratocaster c'est moins cher, c'est peut-être pour cela qu'on l'entend moins. Jack Baymoore, vous en donne pour votre argent. Connaît tous les plans. Vous les refile en parfait état. Mais c'est un peu comme la Bingsby, une réplique exacte mais pas une originale. N'oublie pas de se rouler consciencieusement par terre tout en continuant de chatouiller sa rythmique. Une belle voix en plus. Il a vaincu mais ne m'a pas convaincu.

 

 

THE TINSTARS

 

e15.jpg

 

Devaient accompagner Lil'Esther en début de concert. Mais il était prévu qu'ils mettent un point final à la soirée. Allez savoir pourquoi, mais ils seront les seuls à ne pas avoir droit à un rappel, qu'ils auraient amplement mérité. Se faisait-il trop tard ? Il est vrai aussi que le public devait fatiguer. Beaucoup sont partis après la prestation de Jack Baymoore. Preuve qu'ils étaient venus pour.

 

 

Moi, c'était plutôt pour les Tinstars. Ce sont un peu les Hollandais volants du rockabilly. Le vaisseau fantôme aussi puisque l'on oublie régulièrement de les citer. Presque trente ans qu'ils sont dans le circuit, ils ont côtoyé les plus grands de Johnny Carrol aux Cramps. Connaissent le genre sur le bout des doigts. En ont explorés les recoins les plus obscurs et les plus sauvages.

 

 

Ne bougent pas beaucoup. Seraient du style statique. Mais à l'intérieur ça bouillonne dur et ils vous recrachent de la lave fumante. Rick est au chant, concentré, penché sur sa guitare, une espèce de truc à pseudo-damier agrémenté de deux petits trous à même la caisse. Caché derrière ses espèces d'accroche-coeurs pendouillants tombés de ses cheveux graisseux sur son front, il ne prend même pas le temps de sourire aux filles, mais il mène le groupe, droit devant et à vitesse constante.

 

e16.jpg

 

A la contrebasse – la même depuis le début du concert, quand il y en a pour un combo, il y en a pour trois – André Haselman se démène. Des mains. Parce que le reste du corps reste placide. Mais faut voir comment ses paluches montent et descendent comme des écureuils. Dusty est un peu le double de Rick, voûté sur son engin, lui aussi les cornes de Belzébut collées à son front, mais bénéficiant de l'électricité il tire de ses cordes une espèce de son surf – surfin'sound, disent les ricains - qui vous glissent sur les pectoraux comme des serpents venimeux en colère. Tellement bons que le premier souvenir que je garde de la prestation des Tinstars ce sont ces moments de galop musicaux qui vous emportent en de fantastiques chevauchées.

 

 

J'en ai encore les oreilles qui tintent. Trois quart d'heures de bonheur et c'est fini. Les musiciens ne perdent pas de temps. Débranchent les jacks, roulent les fils, enferment les instrus dans leur étui. Il est sûr qu'ils ne rejoueront pas. Un unique lot de consolation : l'on ne sera pas venus pour rien !

 

 

T'AS PAS TATTOO VU

 

 

Le lendemain dimanche dans l'après-midi, sont prévus Dollar Bill et Spunyboys. De même à Nogent-sur-Oise, Ghost Highway repassent à 16 heures avec Gunshot et Eddy Ray Cooper. Et nous n'y serons pas. Appelés par d'autres devoirs. Je hais les dimanches.

 

 

 

 

Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOK !

 

 

 

HENRI SALVADOR, L'ELEGANCE DU FUNAMBULE. SERGE LE VAILLANT.e19.jpg

 

2009. TEXTUEL.

 

 

 

Peu de texte et beaucoup d'images. Je n'aime point Salvador, mais puisque certains le créditent du premier 45 tours de Rock français en compagnie de Boris Vian, suis allé voir cela de près. D'abord une petite confirmation, les deux acolytes étaient trois, puisque c'est Michel Legrand qui avait ramené des USA les disques de Bill Haley. Ca ne m'étonne guère, n'ai jamais compris les trémolos des speakers de radio dès qu'ils annoncent un disque composé par cet immitateur de seconde zone. N'est même pas capable de faire du bon jazz, alors pourquoi voulez-vous qu'il pige quelque chose au rock'n'roll !

 

 

Salvador atteint la quarantaine et Vian le suit de près lorsque explose la comète rock. Ressentent le phénomène comme une insupportable mise en demeure. Du jour au lendemain, ils tombent dans la catégorie des has-been, l'on se permet de marcher dans leur pré-carré. Eux qui se targuaient de posséder un train d'avance sur leurs contemporains puisqu'ils faisaient partie de cette élite bien-pensante qui écoutait du jazz, z'étaient renvoyés sans préavis à leurs chères études.

 

e26.jpg

 

 

C'est Vian qui l'eut la plus mauvaise. N'avait pas la caution jazz de son ami, l'amuseur-public N° 1 qui après la guerre s'était retrouvé sur scène dans l'orchestre de Django Reinhart. Le divin Manouche s'était vite aperçu que Salvador pensait plus à lui piquer ses plans qu'à jouer de la musique. Henri fut rapidement débarqué de la formation. Django n'ignorait pas que dans la vie il vaut mieux être seul que mal accompagné. Faudra que je vous ressorte un jour les gentilles phrases assassines que Vian a décoché à Elvis, très régulièrement jusqu'à sa mort, dans les journaux. Quelle jalousie d'artiste ! L'est vrai que Presley possédait tout ce qui manquait au pauvre Boris, une totale maîtrise de son art avec en plus une insolente beauté. Sûr que Boris mal fagoté en ses trenchcoats miteux et ses costumes fatigués pouvait aller se rhabiller, et ramener en rasant les murs son trombone et sa trombine au clou.

 

e24.jpg

 

C'est en juillet 1956 – visez la symbolique de la date - que nos trois scrofuleux de la jalousie commirent leur sordide imitation de Bill Haley. Il paraît que certains en rient encore. Pour ma part je serais plutôt partisan d'en pleurer. En 1984, Salvador, dans une interview pour Jazz Magazine, en remettra une couche pour être sûr de se faire bien comprendre «  … le jazz lui est parvenu au top. Et puis est arrivé cette merde de rock qui a drainé tout le monde. »

 

 

Est-il nécessaire de rajouter quelque chose ?

 

 

Damie Chad.

 

 

REVUE DES REVUES

 

e18.jpg

 

JUKEBOX MAGAZINE N° 310.

 

Octobre 2012.

 

e20.jpg

 

Comme pour rajouter un contrepoint à l'article précédent, Les années Rock and Twist 1960 – 1964 qui répertorient par orde alphabétique les chanteurs français de la mouvance Rock – Yé-Yé n'oublient pas de mentionner en abordant la lettre M, le batteur de jazz Mac-Kac qui enregistra en mai 1956, soit quelques semaines avant Henry Cording ( alias Henri Salvador ) le premier Extended-Play quatre titres, sobrement intitulé Rock'n'Roll. Vian-Salvador-Legrand n'ont fait que reprendre l'idée de Mac-Kac, des paroles un petit peu plus loufoques, des cuivres plus enlevés et une voix moins nonchalante. Mac-Kac parviendra à sortir ses morceaux sur un 33 tours Atlantic aux USA. Véritable premier pré-pionnier du rock français, Mac Kac finira sa vie en 1987 à Sète, pour être enterré à quelques mètres de George Brassens. Dans la vie, comme dans la mort, Mac-Kac se sera toujours fait voler la vedette !

 

e21.jpg

e22.jpg

e23.jpg

 

La revue est à acheter d'urgence. Eric Burdon et Jimi Hendrix en couverture avec leur interview respectif réalisé par Jacques Barsamian à l'époque lors de leurs Musicorama à l'Olympia en janvier 1968. Le public est composé de rockers de la première génération – c'est après Mai 68 et surtout en 1969, que les gros bataillons de la jeunesse découvriront le rock en France – qui renâcle quelque peu au modernisme de Jimi Hendrix... Trop petite interview de Noël Deschamps ( voir KR'TNT 48 du 30 / 03 / 11 ) qui promet un retour en studio. A suivre en attendant, il chantera les 29 ET 30 septembre au 76° Cidisc à l'Espace Champerret à Paris.

 

 

Comme toujours j'ai gardé le meilleur pour la fin : Jacques Barsamian qui commente et décrit la Tournée Française de Gene Vincent en 1967 avec photos ( connues ) et un superbe compte-rendu du concert du 20 octobre. Mais ce n'est pas tout : six pages consacrées à Buddy Holly, non pas les éternelles redites mais l'interview de Sonny West à qui Buddy emprunta deux de ses meilleurs titres Oh Boy ! Et Rave On. Vous croyiez tout savoir, eh bien non, je vous laisse découvrir. En plus ce n'est pas fini, c'est autour de Tommy Allsup qui accompagnait Buddy lors de dernier fatal tour... Ce qui ressort de tout cela, la simplicité et le talent de Buddy... A lire.

 

 

Damie Chad.

 

e17.jpg

 

BLUES MAGAZINE. N° 66.

 

Octobre – Novembre – Décembre.

 

 

Est en train de devenir ma revue de blues préférée. Comment parviennent-ils à faire rentrer tant de gourmandises en ces 96 petites pages. Certes ils trichent un peu en faisant paraître l'opus quinze jours avant la date prescrite mais nous serons les derniers à nous en plaindre.

 

 

On n'a pas commencé par le début, l'on a filé tout droit vers la Highway 49 pour suivre le troisième volet du Mississippi Blues Trail sur les traces du Blues, celui du delta et des alentours. Une tonalité plus triste que les deux précédents. Même là-bas aux States, ils se rendent compte que le blues est une cause perdue. Un vieux truc du passé. Que l'on conserve dans des musées. Sans esbroufes, car le blues est une légende qui s'est auto-consumée. Ne reste plus grand-chose. Quelques instruments, quelques livres, quelques photos. Et puis des émotions. Comme ce Sherman Cooper, petit blanc fou de blues, à qui sa vieille grand-mère apprend que Charley Patton ( Charley Patton ! ) était le père de Rosetta la nounou de la famille !

 

 

Reste l'inquiétude que le blues ne soit que la musique d'une génération, que bientôt son souvenir deviendra aussi insaisissable et fantômal que la pierre tombale de Mississippi John Hurt. Qui se souvient encore de ces orchestres noirs de fifres et percussions qui disparurent à la fin du dix neuvième siècle ? Ces espèces de bandas blues créèrent ce que l'on pourrait appeler le bourdon originel du blues avec cris et chants alternés et se répondant ?

 

 

Qui perd son passé ne s'accrochera que très difficilement à son futur... Sonny Boy Williamson, Skip James, Robert Johnson, et les autres, tous les autres. Où seront-ils lorsque nous-mêmes aurons disparu, lorsque la transmission sera définitivement coupée ? Très beau reportage de Béatrice Chauvin – écrivain et photographe - qu'elle espère finaliser un jour sous forme d'une exposition, d'un blogue, d'un livre... Affaire à suivre. En tout cas le rédac-chef a dû se rendre compte que les mini-espaces dévolus aux photographies ne leur rendaient pas justice. La taille en a été augmentée, et l'article se termine sur un carnet d'une douzaine de photos.

 

 

Soyons féministe ! La lecture de la monographie d'André Perronnet sur Etta James s'impose. Portrait qui vise juste, des mots simples qui embrassent et résument toute une vie d'orages et de miel. Etta James telle qu'en elle-même la mort la statufie. Chanteuse de jazz et puis chanteuse de blues. Fut même embrigadée dans la série Les Rois ( reine conviendrait mieux ) du Rock présentés par Eddy Mitchell chez Barclay. L'on ne prête qu'aux riches ! En tout cas elle a su soigner sa sortie, leucémie du sang en phase terminale. La maladie bleue. Indispensable pour une chanteuse de blues.

 

 

Véronique Sauriat n'en est pas encore à ce stade. Mais il se murmure dans les milieux du blues que la chanteuse des Mama's Biscuits est appelée à devenir la diva française du blues. Deux CD à son ( à leur ) actif, W.O.M.A.N en 2006 et Evil Gal en 2012... Fallait être au Belvédère à Champigny ce 12 mai 2012 pour acquiescer ( ou pas ) à cette proposition. Pour nous qui n'y étions pas nous retenons l'adresse pas si éloignée que cela de la maison, mais pour Blues Magazine la cause est entendue !

 

 

Et l'on n'a même pas parcouru un tiers de la pagination ! Pas toujours d'accord avec leur choix, comme cette interview de Francis Rossi, le leader de Status Quo qui reste tout de même groupe de seconde zone pour ceux qui ont vécu les années 70. Un groupe pour lycéens, incapables de s'abreuver aux bonnes bouteilles... Mais de ces dernières Blues Magazine en est rempli. Je vous laisse déguster. A consommer sans modération.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

19/09/2012

KR'TNT ! ¤ 110. RANKKEN. CAT'S EYES. PAPY'S BLUES.

 

KR'TNT ! ¤ 110

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

20 / 09 / 2012

 

 

 

01 / 09 / 2012

 

 

 

PREMIER FESTIVAL ROCK'N'SOL

 

 

 

DE LA SAULSOTTE

 

 

Dix-huit kilomètres. Une paille pour la teuf-teuf mobile lancée à fond sur les petites routes de campagne. Fallait changer de département et de région, mais qui refuserait de parcourir les dix-huit kilomètres qui séparent son domicile personnel d'un festival de rock. Pas moi. Je devais être le seul car une fois sur les lieux j'ai été incapable de dégoter ne serait qu'une demie-âme de Provins.

 

 

Suis arrivé sur les chapeaux de roue, je ne l'imaginais pas si près à l'entrée du village le festival. J'ai même trouvé une place où me garer juste devant la salle des fêtes communales. Vingt bagnoles au maximum, sont tous venus à pieds. Sympa tout de suite, apéritif gratos et amuse-gueules à gogo sitôt acquittés les huit euros de l'entrée.

 

d1.jpg

 

L'on entendait de la musique, suis arrivé pour un pré-boeuf inaugural, une scène bourrée de guitares à se croire devant un magasin d'exposition de Pigalle, avec entre une dizaine de musiciens qui se la donnaient. Sweet home Chicago et Be Bop a Lula pour commencer. Que désirer de mieux, même si la version du classique de Gene est un peu trop confuse et jazzy.

 

 

Un deuxième apéro pour se mettre en bouche et les festivités commencent. Programme simple et égalitaire. Chaque participant aura droit à quarante cinq minutes, pas de rappel.

 

 

HOLOCENE

 

 

Sont deux sur scène. Un couple. Fille et garçon. Dans la vie aussi. Sont juchés sur des tabourets de comptoirs et n'ont qu'une guitare pour s'accompagner. Se la refileront à tour de rôle. Mais pas à tour de rock. Vous les voyez venir, avec leurs gros sabots folks. Tout juste bons à écraser les escargots. Chantent en anglais. Difficile de reconnaître les morceaux : incriminez mon manque de culture. Un peu ennuyeux. Je remarque que certains sortent se ravitailler en kir. Je les imite par deux fois. Mais ce n'est pas encore terminé quand je reviens. Le gars m'endort, la gerce possède une voix aux inflexions moins monotones, mais vous savez le folk et moi...

 

 

T & S

 

d2.jpg

 

Sont deux sur scène. Un couple. Fille et garçon. Dans la vie aussi. Non je n'ai pas fait un papier-collé. C'est pas les mêmes. Sont plus âgés. Plus du double. Tempes et mèches grises. Heureusement qu'ils ne sont pas les géniteurs des précédents car les mauvais esprits auraient pu parler de décadence de la race blanche. Sont meilleurs tout simplement. Ont un répertoire seventies, bonjour passez-moi le joint. Commence par le California Dreamin des Mama's and Papa's à la gratte sèche avec Simone qui nous fait le pont à la flûte à bec en plastique. Recommencera sur Gerry Rafferty. Entre nous Baker Street sans sax c'est pas sensas, mais ils s'en sortent tout de même sans ridicule. Sur le Can't Catch me de Chuck Berry, je me suis dit que cette manière d'introduire le riff était stonienne en diable. M'étais pas trompé puisque le titre suivant sort tout droit de l'Honky tonk des Stones. Jouent pour le plaisir, s'y croient pas. Genre, soirée chez les copains, l'on sort la gratte devant la cheminée.

 

 

KENAVO

 

d4.jpg

 

Kenavo ? Kesako ? Chut, soyez sérieux. Ce sont des têtes d'affiche. Ils auront le droit de rejouer en tout dernier. Finis les gratouilleurs du dimanche sous la couette. L'on passe aux choses palpitantes. A eux seuls ils sont aussi nombreux que les deux groupes précédents et pendant que l'on déroule les dernières bobines de fil le guitariste fait péter des débuts de riff à arrêter un char d'assaut en plein élan. Attention le peuple, les musicos sont là ! Mais que va donc nous sortir de sa grande boîte plate là-bas tout devant le jeune homme tressé ? Pas du tout stressé. Frime tout ce qu'il peut. Fait son important. L'on dirait un gosse en train de monter la surprise de son oeuf kinder. Pour l'instant ça ne ressemble à rien, mais dix minutes plus tard, mais oui ben Dieu ! Quelle divine surprise ! Qui l'eût cru ! C'est une cornemuse ! Livrée non pas en kilt mais en kit. Rock celtique à l'horizon.

 

d8.jpg

 

Finies les échappées rock de notre apprenti hard-rockeur, vous avez droit à une bouillie de seigle ( bio ), servie chaude, ça brûle la gueule et ça fait mal dans les oreilles. Surtout que le highlander de service nous la serine dans les aigus avec un biniou à trois sous. Recommence toujours les trois mêmes notes. Catastrophe cacatoès. Un truc infâme. A déprogrammer d'urgence vos prochaines vacances en Bretagne. Beaucoup de bruit et d'énergie, mais l'ensemble sonne faux. Du factice rock. Ont tout ce qu'il faut pour plaire, des compos personnelles hurlées en français, une zique bonne enfant aussi lourdaude qu'un menhir de granit rose. Rock celtique avec grosse touche de mauvais goût franchouillard.

 

 

RANKKEN

 

d6.jpg

 

 

Festival de rock ? Fichtrement folk plutôt. Rankken va nous réconcilier avec le sens de l'existence. Rien qu'à voir le logo menaçant qu'ils affichent derrière eux sur le fond de la scène l'on sent que l'on change de dimension. Galaxie hard rock. Du métal. Du lourd. Mais jamais statique. En fusion et en mouvement. Trois guitare devant. Trois grands escogriffes qui battent du pied et accélèrent le rythme. Derrière au centre, Jordane qui alimente la forge et l'enclume, un déluge de battements et d'étincelles de feu.

 

 

Plus sombre à gauche, légèrement en retrait Ugo, c'est lui qui lamine les solos, gerbes trash et coqueluches d'escarbilles. David s'occupe du chant. Bellement. Sépulckralement. Chapeau pour la balance, avec un plafond si bas, ça n'a pas dû être facile d'équilibrer cette voix, la rendre audible, l'extraire des roulements métalliques et nous la restituer dans son intégralité inquiétante. Le mur de pierre qui court sur toute la longueur de la construction a conduit le son sans l'écraser.

 

 

Quarante-cinq minutes d'extase pourpre. Un ruban de flamme qui vous enveloppe dans une fournaise de béatitude. Le sourire de Damien derrière son bouc méphistophèlesque s'étire en une grimace diabolique. Bienvenue en enfer. Personne ne ressortira de ce set indemne.

 

 

C'est le clou de la soirée. Un passage maîtrisé de bout en bout. Un son, une image, une attitude. Tout ce qu'il faut pour passer à l'étape suivante. Celle du disque. L'on attend. Avec impatience.

 

 

CAT'S EYES

 

d10.jpg

 

Pas des vieux matous. Presque des chatons. Sont tout jeunes. Pas pour autant nés de la dernière pluie. Encore en gestation. Le set zigzaguera entre divers styles. Leurs trois compos personnelles ressemblent à des explorations de tout ce qui s'est fait avant eux. Plutôt dans les années soixante. Pop anglaise et british boom. Débutent par un Wid Thing pas très sauvage, mais le chanteur s'en tire plutôt bien. Ne cherche pas redonner une mouture à l'identique. L'a compris que seul le sauvera la volonté de s'en tirer par ses propres moyens. L'élégance du geste et du style. Le guitariste est sur la même longueur d'ondes, a médité son habillement. Echarpe rose et veste anglaise.

 

d5.jpg

 

Parlerai pas du bassiste qui a assuré au pied levé la relève du membre original retenu ailleurs pour je ne sais quelle raison. M'attarderai davantage sur le batteur. Un minaud. Encore plus jeune que les autres. Une application un peu scolaire, l'on sent qu'il réfléchit à comment il va procéder à la prochaine séquence. N'en perd pas pour autant les pédales. Lorsqu'ils ont annoncé qu'ils allaient entamer – aussitôt et sans sitar - le Paint it Black des Stones – crédités de la nationalité américaine avant tardive rectification – j'ai eu peur pour lui. Pour les autres aussi. M'a sidéré. S'en est sorti comme un chef. Jamais en défaut et une compréhension rythmique du morceau étonnante. La guitare est restée propre et la voix n'est pas allée brouter là où il ne fallait pas.

 

d11.jpg

 

Ils ont le style anglais. Typically british. Je n'en veux pour preuve que cette version de New York avec toi, en même temps décalée et boursoufflée. Ne sais pas ce qu'ils deviendront. S'ils deviennent quelque chose. Mais quand on compare à Kenavo, l'on se dit que l'inexpérience de l'adolescence est mille fois plus préférable que la fatuité des adultes. Méfions-nous des petits chats qui se font les griffes sur les pieds de la table du rock. Peut-être qu'un jour l'on s'apercevra que c'était des tigrons. Nous leur souhaitons des dents de tigres mangeurs d'hommes.

 

 

TRIVENI

 

 

Ca faisait un moment qu'ils trépignaient d'impatience. Genre étudiants conscients de leur valeur. Deux filles, trois garçons. Pour avoir entendu l'une des deux fredonner une chanson d'Holocène à côté de moi en début de soirée, suis sûr que Lena a une belle voix. Simon le batteur la ramène un peu trop et Simon le guitariste se la pète à la David Lee Roth dans son pantalon en peau de panthère. Manque les rayures, et l'esprit. Du rock. Logique car ce sont des folkleux persuadés qu'ils en connaissent plus que le plus avancé des rockers et qu'ils délivrent une musique de très haute qualité. La deuxième blondinette, Marieke, est au violon. En joue sans imagination. N' y a que Charles le bassiste très classe qui semble là davantage pour la musique que pour affirmer son égo.

 

d9.jpg

 

A l'applaudimètre c'est eux qui ont remporté la soirée. C'est frais, c'est propre, c'est gentil. Gentillet même. Ont un minimum d'expérience, de la répartie et de l'humour. Celui que l'on attend et qui ne fait de mal à personne. La rurale population villageoise se ruera sur leur CD. Prix bas, cinq euros, retour aux racines idylliques de la douce France mythique. Ont leur propres compos ce qui est toujours un avantage. Tout ce que ne doit pas devenir le folk s'il ne veut pas être cantonné dans les bacs de zique d'ambiance.

 

 

PAPY'S BLUES

 

d12.jpg

 

Il est est minuit, la salle se vide après Triveni. Pierre Agutte et son band de vieux briscards montent sur scène. Un gars qui vous avoue en une petite conversation privée entre deux sets toute son admiration pour Dan de Burning Dust bénéficie d'emblée d'un capital se sympathie. Encore faut-il la mériter. Z'étaient dans le boeuf dubitatif du début mais maintenant ils vont nous montrer de ce dont ils sont capables. Le premier morceau Rocking Chair ( rien à voir avec le fauteuil d'Higelin ) est un peu longuet, Pierrot parle beaucoup et sa guitare n'a pas le temps de s'exprimer. C'est juste après que les Athéniens s'atteignirent. Et ça fit mal. Super guitariste. Le plus jeune de la bande mais un son à vous bouffer votre acte de décès dans le cercueil.

 

 

Du rock blues, du rhythm and blues, tout ce que vous voulez. L'on s'en fout, pourrait nous jouer la quarantième de Mozart ou le répertoire de Triveni en entier que l'on trouverait cela beau comme un lever de soleil sur les pics enneigés de l'Himalaya. Le genre de déferlante qui rentre par une oreille et que vous ne laissez jamais ressortir. Sucre candy au piment. J'en oublie de parler de la section rythmique, un bassiste qui aurait pu de temps en temps sortir du bois pour nous montrer de quel châtaigner il se chauffe car il s'est contenté de servir son soliste en fidèle deuxième couteau, alors que l'on devine qu'il en a aussi sous le capot. Et le batteur, tranquille qui assure sans chercher à mouiller sa chemise.

 

 

Pierrot s'en donne à coeur joie. N'est pas non plus manchot de ses dix doigts. En plus il interprète la reprise de Saint James Infirmary de Mitchell, l'hommage à Buddy Holly et Eddie Cochran. Emotion. De temps en temps Pierrot batifole sur son orgue. Ce qui nous privera de la reprise de Rock'n'roll de Led Zeppe. A la place l'on aura le Wither Shade of Pale de Procol Harum. C'est beau à pleurer, encore mieux que l'original ( sans mentir ), mais un peu funèbre pour un final, et puis nous priver du dirigeable à une heure du matin, c'est un peu dur. Devrait même exister une loi qui interdise ce genre de cruauté mentale.

 

d13.jpg

 

N'ont pas révolutionné le rock, sont branchés directement sur l'âge mythique du genre, mais au moins ils savent de quoi ils causent.

 

 

FIN DE PARTIE

 

 

Au secours Kenavo revient. C'est terrible comme les gens tiennent toujours leurs plus mauvaises promesses. Oh, non ! Tout mais pas ça ! Comme je ne veux pas cauchemarder le reste de la nuit, je me jette dans la teuf-teuf mobile et m'enfuis en roulant.

 

 

A la réflexion, le festival aurait dû s'appeler Folk and Sol. Ne dites pas que je suis sectaire, c'est totalement faux, c'est juste que je n'aime que le rock. Bien organisé, bonne ambiance. Groupes du coin. Du pire, du prometteur, et du meilleur. L'on espère qu'ils recommenceront. Un bon point à l'adjointe au maire qui se débarrasse de son discours en moins de quarante neuf secondes, chrono en main. On pourra pas accuser la municipalité de récupération politique. Plus que rare par ces temps qui courent ( vers la catastrophe ).

 

 

En plus, à la Saulsotte, ça saute et ça bouge. Le festival était à peine annoncé que déjà l'association fondatrice – on y retrouve Pierrot de Papy's Blues à l'intérieur - prévoyait de le continuer dans les années futures. Pourvu que ça dure !

 

 

Damie Chad.

 

 

FILMS

 

 

BUS PALLADIUM. CHISTOPHER THOMPSON.

 

2009.

 

 

J'ai trouvé le DVD sur le marché, le samedi matin. Bus Palladium, un club mythique pour les rockers. J'ai pris en croyant que c'était un vieux truc. Pas du tout, le film est sorti en 2009 et a reçu tout un tas de récompenses. Etre le petit-fils d'un cinéaste connu ( Gérard Oury ) doit aider à se faufiler dans le milieu.

 

d14.jpg

 

C'est l'histoire d'un groupe des années 80. Lust, un beau nom. Un groupe de copains qui veulent retourner au rock des Stones, en finir avec le déluge des synthés et des boîtes à rythmes fort à la mode en ces funestes années. Mais ce n'est pas un film musical. Plutôt un film à la française sur le passage initiatique de l'adolescence à lâge adulte, et le vieux fond gaulois égrillard qui remonte très vite, la jolie fille qui se glisse entre deux amis...

 

 

Attention c'est dramatique, le chanteur Manu à qui l'on a fait la coupe à la Jim Morrison terminera, plus tôt que prévu, comme ce dernier au cimetière pour avoir trop abusé de substances illicites. Pour traîner aussi une inquiétude métaphysique au-dessus de la moyenne qui le ronge de l'intérieur. Prenez mon mouchoir si vous sentez que les larmes vous montent aux yeux. Ce n'est pas la peine de me le rendre, je m'y suis déjà mouché dedans.

 

 

Christopher Thompson reste fidèle à son milieu d'origine. Lust ce n'est pas Little Bob Story dans les fumées poisseuses du Havre. Nous sommes à Paris, dans les milieux de la bourgeoisie libérée, ambiances maternelles qui n'est pas s'en rappeler celle qui présida à la formation d'Indochine, même si la référence première reste Téléphone.

 

 

Question musique Christopher Thompson a fait appel à Yarol Poupaud car un film sur un groupe de rock qui ne donne pas de concert ce n'est pas évident. N'y a que Daniel Cordier qui s'est permis cette incongruité avec Injun Fender dans les années 70. On ne présente plus Yarol Poupaud depuis qu'il a travaillé avec Johnny et M sur son soi-disant disque de blues, qui n'est qu'une galette de chansons tristes.

 

d15.jpg

 

Ce sont les acteurs qui jouent. Soyons clair : la musique. Sur scène et en studio. Yarol s'est inspiré du groupe Gush spécialisé dans les ambiances sixties-seventies qui tourne pas mal sur Paris. Le problème c'est le chanteur : ne possède pas une voix puissante à la Jim Morrison, taperait plutôt dans la catégorie sous-Jean-Louis Aubert. Sur les premiers morceaux, l'arrive à donner l'illusion de maquettes bien dans le ton au niveau des paroles mais qui balancent trop gentiment. Vers la fin l'on glisse insensiblement vers la variété de qualité, la tare indélébile du rock français... Voyez ce qui est en train de se passer avec BB Brunes. D'ailleurs comme par hasard l'on y retrouve Philippe Friday Manoeuvre qui joue son personnage avec ce zeste de distanciation ironique qui fait toute la différence.

 

 

A regarder un soir de grande fatigue. Sympa, mais rédhibitoirement petit-bourgeois. Manque la hargne.

 

 

Damie Chad

 

 

LOOK BOOKS !

 

 

TRUE GRIT. CHARLES PORTIS.

 

Traduit de l'américain par John Doucette.

 

Le Serpent à Plumes. 2011.

 

 

Belle couverture avec le Logo Nova aime, en bas à gauche. Avec en plus sous le nom de l'auteur mentionné en grosses lettres «  maintenant un film de Joël & Ethan Coen ». Le western – un univers assez proche du rock'n'roll tout de même - que j'ai raté à sa sortie ! Ca tombe bien ! Pas vu la pellicule, lirai le bouquin ! Faute de grives l'on se contente de merles !

 

d16.jpg

 

Me suis jeté tout droit dans le texte sans jeter un seul coup d'oeil à la quatrième de couverture, ni aux revers de la jaquette, encore moins à la postface de Donna Tartt. Pour le coup c'est l'éditeur qui est plutôt tarte, car proposer au lecteur français un article qui présente et résume le roman en en citant des pages entières alors qu'il vient juste de le terminer, c'est un peu cavalier tout de même ! Quand Donna Tartt qui est un auteur à succès made in USA nous dit que True Crit est à sa sortie devenu un classique de la littérature américaine, on peut la croire, n'a-t-elle pas elle-même intitulé une de ses nouvelles True Crime ?

 

 

Tout le monde ne parlant pas anglais, ils auraient pu tout de même proposer un titre en français. Nous traduisons, très platement, un véritable courage. L'histoire en elle-même n'est en rien extraordinaire. Deux marschals qui tentent d'arrêter un criminel. Dans le genre poursuite impitoyable, l'on fait mieux. L'astuce du scénario consiste en une gamine de quatorze ans qui se joint à nos deux pisteurs pour retrouver l'assassin de son père.

 

 

Si vous imaginez un truc sulfureux vous êtes sur la mauvaise piste. Rien de moins affriolant que ce récit. De l'anti-romantisme pur jus. Le premier rôle – vieux cheval borgne sur le retour – est un ancien de la bande de Quantrill – un épisode de Blue Berry est consacré à ce personnage, plus que controversé de l'autre côté de l'Atlantique, qui mena durant la guerre de Sécession un genre de colonne infernale oeuvrant en franc-tireur du côté des sudistes... Notre héros ne vaut certainement pas mieux que les bandits qu'il pourchasse. A part qu'au moment crucial, il saura faire preuve d'une grande témérité.

 

 

Le livre tient avant tout par la sècheté de son style. Au papier de verre. Sans fioritures. Aucun sentimentalisme. Des personnages qui ne savent pas ce que c'est qu'un rêve mais qui vont jusqu'au bout de leur volonté. Pas de regret. Les choses sont ce qu'elles sont. Point à la ligne. Inutile de s'en plaindre.

 

d17.jpg

 

C'est lorsque je suis arrivé à la fin que le déclic a eu lieu, déjà vu la scène du trou aux serpents. Quelques clics sur le net ont confirmé ma mémoire : avec John Wayne dans le rôle principal ! Tourné en 1969, tout de suite après la parution du bouquin en 1968. Me suis livré à un petit comparatif entre les deux westerns celui des Coen et celui avec Wayne. N'ai vu que de courts extraits. Fidèles au livre, l'on reconnaîtrait les scènes les yeux fermés et sur le peu entrevu, le film le plus récent n'apporte pas grand-chose de nouveau à l'ancien.

 

 

 

Portis est né en 1933 – même génération que Gene Vincent et Elvis Presley – il met en scène un monde en train de disparaître. Comme le dit si bien Donna Tartt «  True Grit commence au moment où le Vieux Sud et ses valeurs chevaleresque se diluent dans l'univers de la « frontière »... et se termine à Memphis, au début des années 1900, au milieu des wagons d'un show de l'Ouest sauvage. Le XX° siècle débute, et avec lui la mythification des légendes d'un monde disparu. »

 

 

 

En d'autres termes, True Grit, c'est Johnny Cash avant Johnny Cash. Western sans Country.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

13/09/2012

KR'TNT ! ¤ 109. GHOST HIGWAY / JAKE CALYPSO / CHARLIE HIGHTONE

 

KR'TNT ! ¤ 109

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

13 / 09 / 2012

 

 

 

7 / 8 / 9 SEPTEMBRE / DISNEY VILLAGE

 

FESTIVAL ROCK 'N' ROLL

 

 

GHOST HIGHWAY / JAKE CALYPSO

 

CHARLIE HIGHTONE AND THE ROCK-IT'S

 

 

Pour Alain, en lui souhaitant un prompt rétablissement,

 

 

A l'heure où en Russie l'on envoie les Pussy Riots en camp de travail pour avoir osé chanter une chanson anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, au volant de la teuf-teuf mobile je fonce tout heureux et comme un dératé vers les Parcs Disney symbole de la la consommation capitalistique et de l'abrutissement culturel des foules. Le rock a du mal à échapper aux tentatives de mastication du Système, il devient à son corps défendant, et parfois très consentant, une musique en marge... de récupération. Prenons ce qu'il y a prendre, glissons-nous dans les contradictions encore non résolue de l'hégémonie libérale sans être dupes de l'avenir des grains de sables qui sont voués à finir écrasés dans les rouages qu'ils étaient censés arrêter.

 

 

Me voici à pieds d'oeuvre. Beaucoup de monde. Énormément d'espagnols. Préfèrent apparemment de plus en plus la gentille et factice petite souris Mickey au sang des taureaux qui gicle dans l'arène. C'est les taureaux qui doivent être contents. Quant au peuple ibérique qui vient gaspiller ses derniers euros dans le portemonnaie sans fond de la multinationale Disney je me demande s'il ne ferait pas mieux de s'attarder chez lui para hacer la revolucion ! Mais chassons toutes ces pensées, ô combien opportunes, pour profiter du spectacle.

 

c6.jpg

 

 

RODS AND CARS

 

 

Beaucoup plus de voitures exposées que l'année dernière, de très beaux modèles, notamment des vieilles Ford montées en Hot Rod ( gang ) rutilantes, carrosserie noire avec moteurs surmultipliés sur fond rouge. Dommage qu'elles restent immobiles sagement entourées de leurs barrières. Je ne crois pas que leurs propriétaires s'aventureraient à lancer leur superbe camelote customisée dans une véritable course... Ce n'est pas un hasard si le festival est sponsorisé par les magazines Nitro et Rod Custom et l'Association Arizona US 66. Si vous pensez vous inscrire pour la grande virée aux USA, c'est râpé. Par contre pour exposer votre merveille au festival de Blues de Cahors, dépêchez-vous, pas plus de trente véhicules. L'est sûr que nombre de joueurs de blues dans les années cinquante ( et avant ) étaient incapables de s'acheter de tels paquebots, mais c'est ainsi le monde est tissé d'anachronismes.

 

 

Vous parle pas des motos, ça se déguste avec les yeux. Ni d'autres exhibitions style rock'n'roll acrobatique. Il y a en plus des trucs pas possibles, l'on annonce au micro que les garçons vont faire tournoyer les filles autour de leurs corps sans les toucher. Genre de sport qui me paraît relativement idiot, avoir une super meuf auprès de soi sans pouvoir la caresser je ne parviens pas à entrevoir l'intérêt de la chose.

 

 

Je décide d'y réfléchir plus tard car voici que je discerne de loin derrière un cercle de badauds un empilement d'amplis posés à même le béton de l'esplanade, avec quatre mecs qui discutent autour d'une guitare. Croyez-en ma longue expérience de limier es rock'n'roll, je subodore un groupe de rockabilly.

 

 

JAKE CALYPSO AND HIS RED HOT

 

c8.jpg

 

 

Encore une fois, je suis tombé juste. Inutile de ricaner en faisant remarquer deux cartons portant au feutre l'inscription Jake Calypso, et la valise grand-ouverte débordant de cd arborant les mêmes vocables. De près, ça n'a pas l'air formidable, deux guitares fatiguées trois gars qui approchent la cinquantaine, heureusement que le quatrième, le bassiste jette une note de jeunesse. Mais attention, il y a des indices comme ces petits amplis Gretsch qui rectifient le jugement. Vigilance, ces gars-là ne sont pas tombés de la dernière pluie. Et puis attention, un groupe peut en cacher un autre. Jake Calypso c'est d'abord le chanteur enveloppé dans son épaisse veste trois-quart marron qui doit lui tenir chaud, c'est aussi plus ou moins par extension le nom de l'ensemble, et si l'on farfouille un peu dans sa mémoire ni plus ni moins que Hot Chiken, un des légendaires combos français de rockab qui ont écumé la province durant près de quinze ans en servant à chaque fois un wild show de derrière les fagots, z'ont même un autre avatar le Wild Boogie... de quoi s'y perdre, mais suffit qu'ils démarrent pour qu'on comprenne.

 

c4.jpg

 

 

Vont nous jouer deux sets d'une demi-heure. En ont déjà accompli trois autres pendant l'après midi, mais on n'y était pas. Ca ne leur pas coupé les jambes. Sont en forme. Ne perdent pas de temps entre les morceaux. Sont du genre d'abord ont lance les scuds, ensuite on passe à la moulinette. Les titres s'enchaînent, Al ferrier, Charlie Feathers, Jerry Lee et des compos originales comme Indian Boppin'. Beau spectacle, se donnent à fond. Je ne comprends pas comment Jake garde sa lavalière impeccablement nouée autour de son cou. Saute comme un cabri en rut, court dans tous les coins, se roule par terre tout en chantant et en gardant une rythmique d'enfer sur sa gratte en simili isorel. La malmène salement, se fout royalement de la corde qui a craqué, ce zigue quand il joue du rock'n'roll faudrait plus qu'un tremblement de terre pour l'arrêter. L'énergie avant tout. Une voix puissante, imperturbable qui mène le rythme et récite le texte avec un accent américain à tromper un yankee. N'est même pas essoufflé quand il s'arrête. Les autres sont plus discrets mais du genre pistoleros en goguette toujours prêts à vous mitrailler dès que l'occasion se présente. Derrière le batteur s'amuse à passer sa jambe à la vitesse d'une pâle d'hélicoptère par dessus sa caisse claire. Ca balance comme les Crickets de Buddy Holly, un soir de grande forme en plus. Ces mecs-là ne sont pas des manchots. Vous feraient fondre la calotte glacière en deux heures.

 

c5.jpg

 

 

Bien sûr devant il y a une cinquantaine de passionnés, mais à voir le cercle qui s'agrandit et qui s'épaissit au fur et à mesure faut reconnaître que le grand public s'arrête et ne décampe pas. Durant l'inter-set les CD s'envolent à rendre fous de jalousie les pros du marketing. Carton plein et valise vide. Bientôt neuf heures et demie, Jake Calypso écourte sa performance pour permettre à l'assistance de gagner le Billy Bob's pour ne pas rater les Ghost Highway. Fair play.

 

c7.jpg

 

 

Un bémol. J'ai regardé sur leur site car j'aimerais les revoir en salle. Ces enfants de salauds n'ont pas une date dans les environs, se baladent en Angleterre, cavalcadent en Tchéquie, mais ignorent la Seine-et-Marne. Sont vraiment aussi mal élevés que la musique de sauvage qu'ils jouent.

 

 

GHOST HIGHWAY

 

 

Billy Bob's, c'est la foule des grands jours. Use du sourire et des épaules pour me frayer un chemin juste au-devant de la scène. Pas question de rester au fond lorsque passent les Ghosts. On les avait quittés à Corrobert lors de la dernière semaine du mois de juin – voir notre livraison 104 du 28 / 06 / 12 – avant qu'ils n'abordent leur périple espagnol comme backing group de Wanda Jakson. Faudra qu'on les interviewe pour qu'ils racontent l'épopée... en attendant tout le monde est là, ce n'est plus un fan-club qui les suit, c'est une tribu. Rançon de la gloire, ne reste pas beaucoup de place pour les simples curieux qui voudraient se faire une idée sur le phénomène. Z'ont beau dire sur le prospectus que le Billy Bob' est construit à l'identique sur le modèle d'un saloon d'Austin de la grande Amérique, l'on s'y sent à l'étroit lorsque les Ghost sont là.

 

c14.jpg

 

 

Pour le moment, n'y a que les instruments posés à terre. Et la batterie dans son habitacle de verre... Je zieute l'affiche de Wild in the country le septième film d'Elvis Presley que j'ai visionné hier soir, mais vous en foutez ce que vous voulez c'est les Ghost Highway. Ca tombe bien, justement ils arrivent.

 

 

Arnaud tout d'abord. Tout de noir vêtu. De profil, avec sa guitare noire il offre la silhouette austère du man in black. Réincarnation de Johnny Cash. De face, sous la veste cintrée une chemise rouge comme un champ de coquelicots. Ou les flammes de l'enfer, là où brûle l'âme des rockers. Jull est resté discret. Tout de gris vêtu. Un truc de guitariste pour faire ressortir l'orange cochranesque de sa Gretch dont il tire, en attendant que les hostilités commencent, comme s'il n'y prenait pas garde, du revers de la main, des paillettes de feu.

 

c15.jpg

 

 

Zio, le regard placide et en même temps aussi sombre que sa chemise noire, qui lui dessine un galbe de toréador, avec des a-plats écarlates, et une goutte de sang côté coeur. Comme s'il y avait essuyé un couteau ensanglanté. Jouera tout le set, collé à sa contrebasse, comme un fille que l'on serre de près pour ne pas la laisser échapper dans les série des slows, lorsque l'on est ado. Ce soir ce n'est pas la mama bonasse qui peut tout se permettre. Pas de joviale claque sur ses rotondités, Miss double bass a intérêt à filer doux. Ou dur. Zieutez Zio, l'a quelques explications à lui demander, lui arracherait presque les cordes, les tamponne comme un bûcheron à grands coups de paluches cascadeuses. Si j'étais elle je me plaindrais à la SPA, mais elle a l'air d'aimer ça puisqu'elle ronronne comme une chatte en chaleur.

 

 

Faudrait pas oublier Phil, retranché dans sa tour d'ivoire. Certes l'on n'arrête plus le progrès les sonotones dans les oreilles pour les retours, les écrans de plexiglass pour empêcher le son de la batterie de s'en aller folâtrer sur la structure en bois du bâtiment, mais l'on a tendance à perdre le Phil, à ne regarder que les trois autres en première ligne et à le laisser se débattre dans sa boîte à sons, comme le chauffeur de la loco qui alimente la fournaise depuis le fond du tender sans que personne ne le voie. De la pure injustice !

 

c16.jpg

 

 

Commençons par râler, chez Disney les concerts sont gratis ( merci, oncle Picsou ) mais il ne faut pas que les clients manquent de consommer. Ne doivent donc pas trop durer. Faut ménager des pauses. Ce qui est un peu rédhibitoire pour les Ghost. Ne resteront qu'une heure et quart sur scène. Ce qui est trop peu pour eux. Pour les autres aussi, mais pour le moment l'on ne parle pas d'eux.

 

 

C'est qu'un concert des Ghost Highway, c'est une dramaturgie implacable. Le principe est d'une simplicité absolue. Le set n'est qu'un long crescendo. Ne commencent pas du deuxième sous-sol. Méprisent ce genre de facilités. Les deux premiers morceaux débutent là où beaucoup de groupes terminent. Par la suite à chaque titre ils haussent non pas le ton, mais l'intensité. J'ignore comment ils se débrouillent. Ne sortent pas à chaque coup un morceau plus violent que le précédent, le tempo n'est pas en accéléré continu, ne cherchent pas l'épate, à inventer le truc que personne n'a jamais fait, non se contentent de leur répertoire habituel – je ne le reprends pas, on leur a consacré déjà pas mal d'articles – mais il y a une évidence qui s'impose. Ce ne sont pas quatre musicos plutôt doués en leur domaine qui font leur boulot, mais un ensemble, un véritable groupe qui possède un son. L'on a un peu perdu cette notion de son depuis les années 80, dans le rock. Parce que les protocoles d'enregistrement dans les studios informatisés ont eu tendance à formater des produits similaires, parce que les musiciens égotistes par nature jouent un peu trop perso et visent davantage la virtuosité que l'accompagnement, et vraisemblablement aussi parce que le rock a perdu de vue ses racines. Il vise le high tech, il a perdu la notion de fidélité à soi-même.

 

c17.jpg

 

 

Les Ghost Highway refont la route à l'envers. Se sont réappropriés l'héritage des pionniers ( au sens large du terme ). Mettent du temps à sortir leurs compos originales. Ne veulent pas faire d'imper. Si facile d'emprunter une mauvaise – et même une fausse bonne – direction. Il est sûr que depuis quelques années le rockabilly tourne en rond. Bien sûr il sort chaque mois quelques bons disques que l'on écoute avec plaisir et aussi sans nostalgie, mais rien de décisif.

 

 

Les Ghost ont atteint le niveau qui les a portés à la croisée des chemins. Fallait voir la frustration du public quand ils ont terminé le rappel. Nous ont amplement prouvé qu'ils ont la capacité d'aller encore plus loin. Non pas de progresser comme tout un chacun, mais d'apporter du nouveau, d'ouvrir une route...

 

c18.JPG

 

 

Pour vous faire patienter jusqu'au prochain concert je vous file une photo du concert que j'ai repiquée sur le site de rollcallblog.blogspot.com...

 

 

CHARLIE HIGHTONE AND THE ROCK - IT'S

 

c9.jpg

 

 

Ont la difficile mission de passer après les Ghosts. Malgré la demi-heure de battement, faudra la moitié de leur set pour encaisser la baisse de niveau. Y mettront du leur, sont de bonne volonté, et en fin de compte le public leur sera reconnaissant de leur envie de bien faire. C'est un peu l'exemple par la négation. Tout ce qu'il ne faut pas faire pour rester dans la cour des répétiteurs.

 

 

Viennent d'Espagne, tout comme le groupe de la veille, les Sun Rockets, qui passaient après Roy Thompson and The Mellow Kings ( voir KR'TNT N° 100 du 31 mai 2012 ). Pas pu avoir un avis généralisé sur les deux prestations, les quelques participants auprès desquels je me suis enquis de leur témoignage ne m'ont pas vraiment convaincu par la diversité de leurs jugements contradictoires, je m'abstiendrai donc de tout commentaire irresponsable. Pourquoi des groupes d'outre-Pyrénées, la réponse serait-elle parmi la liste des sponsors dans le logo du Rock'n'Race Jamboree qui se déroule dans le pays de Don Quichotte ?

 

c12.jpg

 

 

C'est un vieux groupe formé en 2002 avec des musiciens, cinq en tout, venus d'autres bands, les deux guitaristes ont tout de même l'air un peu intimidés. Ont pourtant réalisé une flopée de disques, notamment sur Sleazy, une référence européenne question label rockabilly. Ce n'est que dans le dernier tiers du set qu'ils se lâcheront un peu. A deux puis à trois sur la contrebasse ( bonjour Bill Haley ), commencent à sourire et à se dégeler. Encore un groupe maltraité par le gong. Parvenaient à prendre leur bonne vitesse de croisière, mais point trop n'en faut. Au bout d'une heure, il est temps de dégager la piste pour les danseurs de country !

 

c10.jpg

 

 

Trop court pour apprécier, surtout qu'au début ils débitent les titres, version vite expédié, je me suis même demandé même si ce n'était pas un groupe de teds, mais non sont bien branchés american rockab, nous fourguent un Kinda lovin' d'Hank Williams, un Blues around my door de Ceci Bowman -on affirme que mister Carl Blue Suede Shoes Perkins en personne se tapait la gratte sur l'original de 58, un Train with the Rhumba Beat de Johnny Horton, et délicate cerise sur le cake, le Heart of a fool de Cochran chanté par Jerry Capehart. Beau choix.

 

 

Au total, pas mécontent de les avoir vus. Je pense qu'ils doivent pouvoir faire mieux. N'étaient pas dans leur meilleur jours d'après moi. Charlie Hightone reste le plus charismatique. Parviendra à faire décoller le reste de la bande, sera d'ailleurs très applaudi au moment des adieux. Nos espagnols sont parvenus à tuer le taureau mais ils n'ont remporté ni la queue, ni les oreilles.

 

c11.jpg

 

Damie Chad.

 

 

 

LOOK BOOKS !

 

 

UN PUR MOMENT DE ROCK'N'ROLL. VINCENT RAVALEC.

 

Le Dilletante. 1994.

 

c1.jpg

 

 

Pouvais pas rester insensible à un tel titre, ni à une telle couverture – petits anges blonds sur fond bleu – en si désaccord complet avec le menu proposé. Paru à l'origine en 1992, et premier livre de Vincent Ravalec à qui les nineties ouvrirent les portes du succès. Est même devenu réalisateur de cinéma dans la foulée.

 

 

Un pur moment de rock'n'roll est le titre de la première des huit nouvelles du mince volume de 120 pages. Rock'n'roll certes puisque le héros cite Eddie Cochran et Gene Vincent. Mais le rock n'est que la musique de fond, en sourdine, que l'on entend à peine. La grosse attraction tourne autour de la dope, héro, cocaïne, éther et autres joyeusetés. Un peu de sexe parfois pour exciter le lecteur. Mais point trop. Mode comique plutôt.

 

 

Une histoire de manque. Les marioles du faubourg qui n'ont pas leur dose. Style à l'emporte pièce, qui caresse le lecteur dans le sens du poil. Ecriture facile qui vous lance des oeillades à tous les coins de paragraphes. Ce que les paumés peuvent être sympathiques ! On s'encanaille le sourire aux lèvres. Complètement givrés mais tout de même si pathétiques. De la tendresse, bordel ! Littérature un peu pute mais au grand coeur. Condescendance complice. Evitez les bouquins où l'auteur essaie de faire ami-ami avec vous.

 

 

Damie Chad.

 

 

LE LYCEEN. BAYON.

 

Le Livre de Poche.

 

 

L'ai pris uniquement parce qu'il était de Bayon. Né en 1951, un ancien de Rock & Folk, mais surtout le responsable des pages rock de Libération, dans les années 80. C'est déjà beaucoup. Si je compte pour rien ses amitiés avec Gainsbourg ( beurk ! ) et Bashung ( miam ! ) j'ai une haute estime pour son style. Méchant, incisif, cruel, libre. Se permet ce qu'il veut, de mauvaise foi parfois, mais a toujours des billes dans son lance-pierre, sait de quoi il parle, et vise bien.

 

 

Au demeurant ne cherche pas à se faire passer pour quelqu'un de bien. Fils de bonne famille. Qui voudrait nous faire croire qu'il a mal tourné. Mais a su négocier ses virages. Le Lycéen est présenté comme une bio. Pas mal corrigée. A grands coups d'encre noire empruntée à l'encrier de Céline. Mais Bayon, en rajoute trop. Ne sait pas s'arrêter. D'où quelques longueurs répétitives. L'aurait pu élaguer de cent cinquante pages, n'en aurait été que plus percutant.

 

c2.jpg

 

 

Pourtant a bien repeint son portrait, à la Reiser, con, dégueulasse, bête. Haine de soi. Avec rassurez-vous la happy end, la famille recomposée à la fin qui accueille l'enfant prodigue. Maintenant pour les amateurs de rock c'est une adolescence des années soixante : avec Vince Taylor, Johnny Hallyday et Ronnie Bird en toile de fond. Rock français, même si le début du livre se passe dans les colonies, au Togo.

 

 

Sortie de l'enfance et adolescence. La crise de la puberté puissance 1000. D'Henri IV à Michelet, jusqu'aux évènements de 68. Frustrations et colères rentrées. Carcan sexuel, mère idiote et père veule. Adultes lâches et mentalités de kapo. Tous les poncifs de l'adolescent en lutte contre la cellule familiale, l'école et le monde. Détruire dit-il. Ne pense qu'à foutre le bordel. Partout, dans la rue, dans le métro, au bahut. Révolte froide et sans but. Gratuite. Pas du tout anarchiste altruiste. Ne croit en rien et casse tout. Agit par devoir social. N'y prend même pas de plaisir. Faudra qu'il se fasse tatouer par les CRS ( SS ) pour qu'il comprenne que l'on doit un jour ou l'autre arrêter les conneries. De toutes les manières lorsque l'on veut jouer les hell angels métaphysiques et que l'on s'écrase la tête contre le trottoir en pilotant sa propre Norton...

 

c3.jpg

 

 

C'est écrit en trompe l'oeil. Joue à l'enfant de salaud. Cherche à se faire détester par le lecteur. Le problème c'est que l'on ne peut pas vraiment en vouloir à quelqu'un qui en 65-66 revendique Ronnie Bird ( Voir KR'TNT 47 du 08 / 04 / 11 ) comme idole. N'en parle pas beaucoup – à part une dizaine de pages sur Les rocks les plus terribles de Johnny – mais a compris la philosophie première du rock'n'roll. Ce qui n'est pas mal. Mais a su la mettre en pratique. Ce qui est déjà mieux. Foutrement bien.

 

Damie Chad.