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31/10/2012

KR'TNT ! ¤ 116. RINGOLEVIO / HOWLIN JAWS / GHOST HIGHWAY .

 

KR'TNT ! ¤ 116

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

01 / 11 / 2012

 

RINGOLEVIO / HOWLIN JAWS / GHOST HIGHWAY

 

RINGOLEVIO

 

EMMETT GROGAN

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Editions J’AI LU. 1974

 

 

Un livre culte. De la mouvance hippie, mais attention ne croyez pas que vous allez regarder pousser les petites fleurs et psalmodier love and peace en attendant que les flics vos shampouinent la calebasse à coups de matraques. Vous vous trompez de film, vous êtes dans l’autre Amérique, celle de la débrouille et de la survie coûte que coûte, celle d’après la grande crise et de l’après-guerre. Mais les raisins de la colère sont toujours aussi aigres et difficiles à avaler.

 

 

LE JEU DE LA MORT

 

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Le livre débute en 1956 - l’année mythique du rock and roll même si dans toute la première partie l’on ne verra cité qu’un seul des grands rockers, Buddy Holly, très incidemment - du côté de Brooklyn et de l’East End - pas tout à fait les quartiers résidentiels de New York. Par là-bas les gamins ne jouent pas au train électrique, préfèrent s’adonner aux saines joies du Ringolevio. C’est un jeu rigolo. Tous les coups sont permis. Surtout les plus foireux, surtout les plus retors. C’est un peu comme les gendarmes et les voleurs, mais il n’y a pas de gendarmes. Deux équipes de voleurs - les blancs et les noirs, les couleurs ne sont pas symboliques - qui jouent en vrai, dans un espace de rues délimité, faut s’attraper et se délivrer.

 

 

Aujourd’hui c’est la finale. Les deux meilleures teams de la Big Apple. De l’argent en jeu ( jamais l’expression n’a été aussi juste ), des parieurs, des spectateurs, la fête. Sauf que le grain de sable survient au moment le plus palpitant. Des granules gros comme des balles de revolvers tirés par un cochon pas rose du tout. Un bestiau de flic qui se prend pour un gendarme et qui abat deux gamins en train de courir. En langage de flic on traduit qui s’enfuient après un mauvais coup. Erreur dramatique qui va lui coûter la vie car la loi de la rue ne pardonne pas.

 

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Kenny Wisdom, le chef des Tout-Atouts - n’a que douze ans mais il vient de recevoir le baptême du feu de la vie. Ringolevio raconte la suite de ses aventures.

 

 

LES AVENTURES DE KENNY WISDOM

 

 

Pour les amateurs de littérature américaine, elles ne sont pas tout à fait du même naïf tonneau que celles d’Huckleberry Finn. Le piège se refermera très vite sur lui. A peine sorti de l’enterrement de son rival, néanmoins ami, noir - Kenny Wisdom a décidemment le goût des fréquentations douteuses - le voici qui se pâme d’amour pour une belle héroïne. Piqué - non pas en plein cœur - mais en pleine veine - est-ce vraiment son jour de chance ? Restera accroché à sa seringue deux longues années. Avec tout ce qui s’en suit. Accoutumance, manque, vols, trafics et tout le bataclan. Heureusement la police veille.

 

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Une véritable mère poule(t) qui lui fournit gratuitement une cure de désintoxication par le vide qu’il n’avait jamais demandée. On l’a jeté en prison pour adulte, sa grande taille et ses fausses déclarations lui ont permis d’échapper au bagne des écoles de redressement pour enfants, on le laissera sortir sans procès malgré son arrestation pour hold up foireux à main armée, à condition de ne pas porter plainte pour avoir été enfermé lui le pauvre petit mineur innocent chez les grands méchants loups. Comme quoi quand la justice s’excuse, c’est qu’elle s’accuse.

 

 

Un bienfait n’arrivant jamais seul, le voici placé par les autorités compétentes dans un lycée d’élite fréquentée par la jeune bourgeoisie new yorkaise. On ne lui enseigne pas la pensée de Karl Marx mais il en retrouve très vite les fondements. Celle de l’existence antagonique de deux classes que tout oppose. Les pauvres et les riches. N’imaginez point qu’il est la risée de son collège. A su se faire respecter et admettre. Raccompagne même ses copines le soir chez elles.

 

 

SUITE ET FIN

 

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Faut pas non plus jouer au cave. Pour tout ce qui suit le KR’TNTreader est à même de se demander si l’auteur respecte le pacte autobiographique selon lequel il nous a juré en une très courte note introductive de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Nous nous contenterons de dire qu’il existe des mensonges phantasmatiques nécessaires à l’expression de la vérité symbolique du réel.

 

 

Les amateurs d’Arsène Lupin seront ravis. Dans le home des copines en vacances notre héros rafle les bijoux de famille et perce les coffres-forts sans efforts. Pas de trace, pas d’effraction, de la belle ouvrage. Le gentleman de la cambriole. Amasse un petit magot en toute impunité. Les flics sur les dents en perdent leurs dentiers. Les pros de la maffia ne tardent pas à découvrir le nom de de ce rifle-tout un peu trop gourmand. C’est sur un paquebot à moteur que Kenny Wisdom met les voiles vers le vieux continent.

 

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L’emporte ses dollars et son début d’éthique personnelle qu’il peaufinera tout le long de son voyage initiatique en Europe. Ne fera jamais partie de la pègre. Ne fait que récupérer ce qui est à lui. Ne se définit pas comme un anarchiste individualiste mais il adopte les principes de base de cette idéologie practisante.

 

 

EUROPEAN ( RE)TOUR

 

 

Comme tout jeune américain qui se respecte Kenny est venu parfaire sa culture. Finira même à Rome par écrire des articles théoriques sur le théâtre et même une pièce. Littérature underground certes, mais Kenny ne vise ni la célébrité, ni l’argent. S’intéresse aux filles, à la politique à toutes les pratiques déviantes d’une intelligentsia informelle et quasi clandestine qui s’essaient à de nouvelles formes de relations sociales et de vie. La police est partout des Pays-Bas à l’Italie en passant par l‘Irlande, Kenny se faufile à diverses reprises entre les mailles du filet qui se referment à plusieurs fois sur lui. Fin novembre 1965, Kenny rentre chez lui. Pratiquement sans un sou en poche mais la tête pleine. S’est trouvé, durant son périple il a renoué avec le souvenir de son grand-père syndicaliste qui s’était coltiné toutes les grèves dures de la première partie du siècle. A acquis les grands principes de base de sa future action : faire, refaire et se taire.

 

 

A peine à New York, l’Armée se rappelle à ses bons souvenirs. Kenny expérimente ses premiers trips, mais c’est dans l’asile psychiatrique dans lequel il tente d’échapper au service militaire qu’il subit sa nouvelle mue. Lorsqu’il parvient à se faire relâcher, il ne s’appelle plus Kenny Dismey, il a choisi son nom de guerre : Emmett Grogan.

 

 

DIGGER

 

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Les temps ont changé, la guerre au Viet-Nam s’intensifie, en Californie toute une jeunesse s’oppose à la conscription de plus en plus massive. Pacifiquement. Emmett regarde plutôt du côté des noirs qui déclenchent des émeutes de grande violence. Sauvagement réprimées par la police mais de plus en plus efficaces quant à leur retentissement international…

 

 

Peace and Love d’un côté, war to Babylone de l’autre. Les flics au milieu prêts à taper sur tout ce qui bouge. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils usent davantage du revolver que du gourdin. Possèdent aussi une arme blanche imparable, la Justice qui se hâte de condamner tous ceux qu’ils n’ont pas pu abattre.

 

 

Emmett Grogan se lance dans l’agit-prop, théâtre de mime dans la rue afin de réveiller les consciences, mais ce genre d’opérations trop intellectuelles ne saurait satisfaire notre activiste. Cherche le truc qui catalyserait les énergies, qui permettrait de faire se rencontrer la jeunesse révoltée issue très souvent de la bourgeoisie avec les couches les plus pauvres du prolétariat.

 

 

C’est à San Francisco qu’il trouve le lieu et la formule. Nourrira les pauvres. Gratuitement. Ne pas confondre avec Mère Thérésa. La nourriture sera récupérée sur les marchés mais aussi et surtout volée. L’idée directrice est simple. Prenez, puisque c’est à vous. Sur le même modèle se montera le premier magasin libre. Vous choisissez sur les rayons, vous repartez chez vous. L’on ne vous demande ni d’échanger, ni une contribution minime. Vous vous servez selon vos besoins.

 

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Emmett s’inspire des Diggers anglais, ces crève-la-faim britanniques fatigués des promesses des autorités qui sous Cromwell s’étaient emparés de terres en déshérence qu’ils avaient travaillées et revalorisées. En deux ans les Diggers avaient conquis une insupportable autonomie économique. Le pouvoir politique se dépêcha d’envoyer les troupes saccager les villages de ces communautés libres qui s’étaient en quelques mois séparés de sa tutelle. Un tel exemple était trop dangereux pour perdurer.

 

 

A la différence près que le Diggers de San Francisco ne produisent pas. Ils prélèvent et ils redistribuent des biens qui proviennent du Système Capitaliste qu’ils combattent. Il s’agirait plutôt d’une mise en pratique de la théorisation du Tas effectué par Kropotkine qu’Elmett ne cite jamais.

 

 

La police cherche à le mettre hors d’état de nuire. Mais c’est alors que se crée la légende du mythe d’Emmett Grogan qui ne serait personne, juste un nom qui désignerait tout le monde. Mais cet anonymat volera vite en éclats. Emmett se rend à New York et à Chicago pour expliquer le projet des diggers à de jeunes militants en manque d”expérimentation. Il sera vite accusé par ses amis de tirer la couverture à lui… Désormais rien ne sera plus comme avant.

 

 

D’autant plus que les évènements se précipitent. Une nouvelle race de commerçants font leur apparition. Ils désirent répondre à la demande qui se généralise : des centaines et puis des milliers de jeunes affluent vers San Francisco, contre espèce sonnante et trébuchante ils trouveront dans leurs boutiques la panoplie du parfait hippie… plus tard lorsque la municipalité excédée décidera d’un plan de réhabilitation des vieux quartiers, il apparaîtra que tous ces entrepreneurs en phase idéologique avec leur clientèle étaient de simples gérants mensualisés d’une grosse société aux mains d’un riche avocat. Preuve que le capital est capable de vous vendre la clochette à agiter pour signaler à l’entour votre connerie.

 

 

Ne pleurez pas sur ces pauvres petits jeunots qui se font avoir, Emmett ne se fait aucune illusion sur le devenir de ces jeunes révoltés qui reçoivent en sous-main les subsides de leurs parents, qu’ils rejoindront une fois l’été de l’amour terminé. Beaucoup plus grave, la distribution des repas gratuits qui étaient censés être un encouragement au vol et à la récupération personnelle n’encouragent trop souvent que l’indolence individuelle. L’on veut créer des outlaws et l’on récolte des assistés qui viennent à considérer l'aide qu'ils reçoivent comme un droit qui leur serait dû. La liberté des uns alimente l’auto-inféodation des autres au système honni.

 

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Universitaires et intellectuels s’en donnent à cœur joie. Emmett ne décolère pas contre cette Nouvelle Gauche qui essaie de récupérer le mouvement à des fins étroitement politicardes. Il dénonce par exemple les outrances d’un Timothy Leary qui tout à son délire pro-LSD oublie la réalité des conditions de vie du peuple. L’est beaucoup plus soucieux du mouvement des Black Panthers qui après quelques dérives militaro-paranoïaque recentre son activité sur les quartiers. C’est lorsque les Black Panthers imposent aux propriétaires de chauffer les immeubles des quartiers noirs durant l’hiver que le FBI se mettra à abattre systématiquement les militants engagés en de telles batailles. Il est des limites, celles qui remettent en cause - d’une manière ou d’une autre - le droit sacro-saint de propriété, à ne pas franchir.

 

 

Le livre s’achève sur ce terrible constat des contradictions engendrées par les différentes formes de lutte contre le système capitaliste au cours des années soixante. Emmett Grogan avoue que l’époque n’en a résolu aucune.

 

 

ET LE ROCK’N’ROLL DANS TOUT CA ?

 

 

Bien sûr, le Gratefull Dead, Janis Joplin, Jimi Hendrix sont venus chanter dans les fêtes gratuites organisées par les Diggers, n’ont pas reçu un seul cent en échange, mais une des dernières scènes de Ringolevio se situe à Woodstock, Emmett discute avec Dylan - pour la petite histoire il est dans les chœurs de Mr Tambourine Man - qui ne cache pas qu’une de ses motivations reste bien le fric. Au moins celui-là ne fait pas semblant. Poursuit sa route en solitaire. En-dehors de toute moraline bien pensante.

 

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C’est la grande leçon du ringolevio. Le jeu se joue à plusieurs, ne peut être gagné que par une équipe prête à en découdre, mais il ne faut pas se leurrer : au jour d’alors comme au jour d’aujourd’hui les indomptés sont toujours des solitaires. Des pistoleros de l’idéal social.

 

 

A la fin du bouquin après avoir traversé les USA à pied - un moyen comme un autre de mettre de la distance entre lui et les fascits pigs - réfugié dans une chambre de New York Grogan commence à écrire son livre. Nouvelle mue. Le serpent se mord la queue. Mais après la plus terrible des défaites l’on ne peut être trahi que par soi-même. C’est vraisemblablement pour exorciser une telle éventualité qu’Emmett Grogan prend la plume. Le rêve est mort mais le combat continue.

 

 

Le livre est écrit à la troisième personne. Le serpent change encore une fois de peau. Emmett Grogan ne connaît pas l’humilité, sa prose impeccable véhicule l’urgence du rock and roll et la nécessité de la révolte. Difficile de trouver mieux en ce bas-monde. Comme le criait en ces mêmes époques troublées Jim Morrison :

 

We want the world

 

And we want it

 

NOW !

 

 

 

Les diggers n’auront pas pioché que leurs propres tombes !

 

 

( Toutefois Emmett Grogan mourra victime d'une overdose en 1978 dans le métro de New York. )

 

 

Damie Chad

 

 

 

 

 

 

HOWLIN JAWS

 

 

VIDE GRENIER RETRO VINTAGE BY FIFTIES SOUND

 

 

NEXT TEP 11 Cours Delille 75 011 Paris / 21 / 10 / 2012 /

 

 

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Damie Chad n’était pas là. Malgré tout et après maintes tergiversations, l’évènement a été maintenu. En l’absence de l’œil de lynx du rock’n'roll français, nous avons été envoyées sur place, embarrassées de toute notre inexpérience et un peu gênées de devoir remplacer, au pied levé, l’irremplaçable. Alors nous avons sorti le grand jeu, sommes venues à deux, avons débarqué à dix heures du matin et ne sommes parties qu’après avoir vérifié qu’il ne restait pas un seul centilitre de bière au bar. Avons même dressé un stand. Et pendant que ma coéquipière faisait diversion en tentant de refourguer toutes sortes d’objets vintage, j’ai tendu l’oreille et observé les lieux. Autant vous le dire tout de suite, l’intitulé était un peu trompeur, il ne s’agissait pas réellement d’une réunion d’amateur empilant avec tristesse leurs assiettes cassées ou les jouets précieusement conservés de leur bambin de trente-cinq ans. En réalité, les exposants étaient tous des professionnels, des chineurs, des fripiers, des spécialistes du vinyle d’occasion. Pas des brocanteurs de luxe, non, juste des arrondisseurs de fin de mois qui, tous, s’accordaient pour dire qu’ils venaient aux mensuels vides greniers organisés par fifties Sound plus pour l’ambiance que pour le chiffre d’affaire. Tous plutôt sympathiques. Au milieu des robes rockab’ et des miroirs années cinquante, Daniel. Daniel confectionne avec amour des lampes, de toutes tailles et à tous prix mais uniquement en vinyles d’époque. Je vous entends déjà pousser les hauts cris, pas d’inquiétude, Daniel ne torture que des vinyles rayés, il vous assure qu’aucun monument du rock’n roll mondial n’a été profané pour vous servir de lampe de chevet. Pouvez aller chez lui en toute confiance, il fait ça par passion et a même déposé son brevet. En plus, il revend des disques à trois euros.

 

 

Si je ne vous parle que de Daniel, c’est que le reste a beaucoup moins d’intérêt, sauf si vous avez une garde-robe années 50 à entretenir ou un studio-photo à redécorer. Bref, c’est un salon plus qu’un saloon, un endroit où l’on peut dépenser son argent, entre gens d’un même milieu. Chaque milieu a besoin de rassemblements identitaires mais bon, avions imaginé un peu plus de rock et un peu moins de fripes.

 

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A dix-sept heures, arrivent les Howlin Jaws. Et là, la tension monte. Ils vont jouer et nous allons devoir reporter fidèlement, à Damie, tous leurs faits et gestes. En même temps, on est un peu soulagé, la musique reprend sa place, et on va pouvoir arrêter de compter le nombre de paires de santiags vendues par demi-heure. Ils sont trois, ils sont jeunes et complètement anachroniques. Sortent tout droit de la cuisse de Vince Taylor. Sourient à s’en faire péter les zygomatiques en se passant un dernier coup de peigne et semblent croire qu’à chaque seconde, une groupie déchaînée va jaillir du public pour leur arracher leur chemise. Bref, ils imitent à merveille la nonchalance hystérique et poseuse des rock stars de l’époque. Entre chaque morceau ils s’époumonent en « great idea », « let’s go », « super » et autres onomatopées destinées à ranimer une époque perdue, une jeunesse enthousiaste. Ils ne jouent que des classiques, vous font monter à bord de la Cadillac de Taylor, vous défrisent à grands coups de Lewis, vous titillent avec le grand Gene. Ok, ils font ça bien, ok, le chanteur, accroché à son énorme contre basse ne manque ni de présence ni d’entrain, ok le guitariste gère ses solos avec aisance et le batteur vous surprend d’adresse et de désinvolture mais ce n’était pas ce qu’il vous fallait. Vous auriez aimé que ce petit village d’irréductibles pacifiés et ne résistant pas vraiment à l’envahisseur passe enfin du côté noir de la force. Vous attendiez le back side du rock’n roll, vous espériez des bad boys plus que des play boys, des blousons noir, des mecs qui auraient fait déchirer leur tout nouveau perfecto à cette bande de consommateurs radieux. De Vincent, ils n’ont pris que l’aspect lisse, joyeux, ils ont oublié la noirceur, la fêlure, la révolte. Où est la sensualité féline, toxique ? Nos héros ne sont pas des chanteurs de charme, ils ne vous invitent pas dans leur Cadillac pour vous dire des poèmes, ils ont bien l’intention d’en salir les sièges.

 

 

Déçue ? Un peu. Les années cinquante ne sont pas, pour nous, un grand piquenique festif où l’on mange des hot dogs en imaginant sa prochaine coiffure. Même les plus belles villas cachent des fissures sous leur dernière couche de peinture. Espérons seulement qu’en dehors de ces petits meetings réguliers, certains laissent échapper un peu de cette colère qui, en contredisant une bonhommie de façade, fait toute la force du rock’n roll. Espérons encore que les Howlin Jaws, trouvent un moyen de détester leur époque en sentant toutes les contradictions de leurs idoles. Elvis est mort en se vidant sur ses toilettes, bouffi d’alcool et de beurre de cacahouète, essayez un peu de faire de ses dernières heures une pub pour la ricorée, vous verrez un peu ce qu’était vraiment le rock’n roll : un moyen comme les autres de twister envers et contre tout, de magnifier son désespoir, de feuler dans le bruit pour vaincre le silence.

 

O. Chad.

 

 

GHOST HIGHWAY

 

 

BAR SAINT VINCENT / 60 SAINT MAXIMIN / 27 /10 / 12

 

 

Les Ghost ! Tudieu on les a encore vus la semaine dernière ! En plus c'est au diable vauvert à presque deux heures de voiture. Mais les rockers voyez-vous c'est un peu comme les loups à l'appel de la bergerie. Sont incapables de résister, faut qu'ils aillent voir et entendre. C'est plus fort qu'eux. L'instinct du prédateur.

 

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Bref nous voici sur la route. Again. Mister B. se démène contre le GPS qui refuse absolument de mémoriser la rue Dewaele qu'il vous affiche en grosses lettres. J'ai cru qu'il allait réduire la teuf-teuf mobile en miettes à force de se servir du capricieux mécanisme comme un objet contondant. La méthode s'est révélée efficace puisque sans préavis alors que de guerre lasse Mister B s'apprêtait à le jeter par la fenêtre une radieuse voix féminine s'est élevée dans le cocpick nous enjoignant de tourner à droite à deux kilomètres. Comme quoi avec les femmes...

 

 

L'on arrive juste en face de la crème des châteaux, celui de Chantilly, lorsque l'on nous fait signe de nous arrêter. Emmitouflé dans une épaisse moumoute recouverte de son gilet de sauvetage jaunâtre, un employé nous demande si l'on vient pour le concert. «  Oui mais pas le vôtre – ça fait un moment que nous croisons de grosses berlines noires peuplées de queues de pie et de robes grands couturiers – nous c'est un concert de rock à Saint Maximin ! » Au sourire qu'il nous adresse et aux indications précises qu'il nous donne nous subodorons que chez lui il doit davantage écouter la disco des Stones que les Variations Golberg de Bach.

 

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La porte du Saint Vincent s'ouvre pour nous accueillir. Le comptoir assiégé d'assoiffés, un chien blanc endormi sur une barrique, des vasques remplies de bouchons de liège, le mur de droite tapissé de bouteilles de vin, l'on ne ferait pas rentrer un centilitre de plus dans cette pièce. Pas un Ghost à l'horizon. Dans la deuxième salle en enfilade non plus. Tables de restauration et casiers muraux de chopines. Une symphonie en rouge de bordeaux et de bourgognes. Toujours pas un Ghost en vue ! Mais par la porte du fond nous percevons la basse de Zio, sauvés ! Beaucoup plus d'espace, une estrade dans le coin au fond, un deuxième bar sévèrement entouré sur notre droite. C'est là que nous retrouvons les Ghost au grand complet. Nous leur tournons le dos pour admirer l'oeuvre artistique et contemporaine contenue dans deux immenses vitrines : un subtil arrangement de bouteilles de whiskies méthodiquement entassées les unes sur les autres. Il est sûr que par ici Bacchus a noyé dans ses flots beaucoup plus d'hommes que Neptune...

 

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Une grande bannière au-dessus de la scène : l'oriflamme du Chantilly Grand Condé Free Chapter de France, l'Association officielle Harley-Davidson pour la région Oise-Picardie-Paris-Région Parienne. Nous sommes chez les bikers. Ambiance sympathique et accueil chaleureux, plein de jolies filles dans tous les coins. Que peut demander de plus un rocker pour être heureux ? Un bon disque pour se réchauffer les oreilles ! Justement il y en a un qui passe, pas mal du tout ! Pardi c'est le CD des Ghost ! Des enfants se faufilent entre les groupes qui discutent. Je connais celui-ci, c'est Rockin' Raffi qui était au Salon Rock'n'Boogie du 29 septembre dernier. Pour de plus amples renseignements vous vous reporterez à notre cent-douzième livraison.

 

 

GHOST HIGHWAY

 

 

Les Ghost ont avalé leur repas chaud. Nous on n'a eu droit qu'à des sandwichs, succulents il faut l'avouer. La scène est peu pitchoune, Phil est relégué dans l'encoignure, les deux guitaristes par devant et Zio qui n'a pas dû finir sa soupe est privé de tribune, avec sa contrebasse il officiera à côté de l'estrade – pas très haute, mais suffisamment pour être dépassé d'une tête par ses compères.

 

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Deux sets de dix-sept morceaux chacun séparés par un entracte sont prévus. Mise en voix sur les deux premiers morceaux. Les Ghost commencent toujours tranquilles. Mais faut pas être diplômé en électro-acoustique pour saisir la différence avec samedi dernier. Dans cet espace bas de plafond, plein comme un oeuf – ce n'est plus un bar à vin mais un bar à cent vingt – le son est beaucoup plus compact. Mister B ne sera pas d'accord avec moi lorsque je dirai qu'ils sonnent beaucoup plus soixante que cinquante même s'il reconnaîtra que ce soir les Ghost jouent plus serrés, plus incisifs sur les attaques.

 

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Je ne sais pas si Arno a eu droit à une plus grosse portion de pâtes que les autres mais ce soir il chante comme un dieu. Une énergie de lion. Cassera quatre fois une corde, ne se retient plus, ne se sent plus, est emporté par une rage intérieure et impérieuse qui emporte tout et soulève l'enthousiasme du public. Zio rigole. Il passe son temps à cligner de l'oeil vers ses trois complices, un sourire épanoui éclaire son visage qui possède en plus le privilège d'être dans l'auréole d'un des rares spots du plafond resté allumé. Sa dégaine noire baignée de lumière jaune en est magnifiée. La double-basse est en pilotage automatique. Marche toute seule. Et pas à moitié, ronronne comme une horloge atomique around the rock. Elle chante plus qu'elle ne joue. Objets animés vous avez donc une âme !

 

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Je change de place pour voir Phil sur Country Heroes. C'est le moment décisif du morceau, cette reprise pratiquement a capella, après les lyrics un peu lugubres de Jull, avec l'harmonica d'Arno en sourdine, et la mélodie sifflée par Phil, je ne sais comment il s'y prend mais il réussit toujours ces quinze secondes de pure merveille émotionnelle. Ca commence à chauffer dur sur Please don't leave, que la salle reprend en choeur, Arno, bon prince, se contente de tendre le micro. Heureusement que c'est un concert gratuit, sinon on aurait refusé de chanter pour ces feignasses. En plus Mister Jull abrège Goin' up the Country sans tambour ni trompette ( pour ce dernier instrument nous admettons ), il évite le lynchage en nous promettant qu'ils reviendront dans un petit moment.

 

 

ENTRACTE

 

 

Qui se prolonge. Mais comme chacun écluse consciencieusement et taille le bout de gras avec ses voisins personne ne vient s'en plaindre. Les bikers parlent motos, vous savez avec les bikers... les rockers causent de rock, vous savez avec les rockers... les propriétaires de chiens échangent sur les chiens, vous savez avec les amateurs de chiens... des gars gringuent les filles, vous savez avec les filles de maintenant... mais quel est ce doux son rock'n'rollien qui me vrille les tympans ? Ca vient du côté de la scène pourtant j'aperçois les Ghost qui tirent sur leurs tiges dans la cour. Cela mérite une enquête approfondie.

 

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Elémentaire, chers amis des watts on electricity. C'est ce sale gamin de Rockin' Raffi qui a monté son piano portatif en douce et qui se la joue à la Jerry Lee Lewis. Commence tout seul dans son coin et finit entouré de toute l'assistance. Sa prestation au Rock'n'Boogie Salon ne m'avait pas convaincu. Mais là je réalise ce que je savais déjà. Comme le son était mauvais à Cergy-Pontoise ! Ici entre ses quatre murs, les notes sont comme arrondies et le pumpin' piano ne pompe pas notre patience. Galvanise plutôt notre énergie. Mais plus encore que l'instrument c'est la voix qui y gagne. Ne se perd pas, ne s'évapore pas, ne se féminise pas dans les aigus naturels de l'enfance, elle est comme toute gonflée de rage et de venin. Beaucoup plus crédible. Pas charmant, mais charmeur. En plus il aime cela. En rajoute à chaque fois une petite dernière. Et comme là-dessus tout le monde en redemande, finit par un tour de chant complet. Et quand il commence à vouloir débrancher sa locomotive Mister Jull le lui interdit en le retenant pour un petit Lewis Boogie pour le final du deuxième set.

 

 

DEUXIEME SET

 

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Ah ! Ces enfoirés de Ghost. On les avait applaudis et suppliés à la fin du premier set. L'on pensait qu'ils avaient donné tout ce qu'ils avaient dans le ventre. Les traîtres, n'avaient même pas dépensé dix pour cent de leur avoir. Leur en restait des tonnes, mais là ils ont tout refilé par-dessus bord sans s'économiser. Z'ont été comme Churchil qui distribuait du sang, de la sueur et des larmes à son peuple. Nous ont administré la communion et l'extrême onction.

 

 

Un Gone, Gone, Gone échevelé, un Folsom Prison Blues à exiger que l'on vous enferme immédiatement et à perpétuité, un Female Hercules ( tiens-tiens un nouveau titre, avec Jull plus que percutant au chant ) à saillir toutes les minettes qui passent à votre portée, une incitation éhontée au stupre et à la pornographie, un re Please don't leave qui tourne à l'émeute, avec el nino Rapphi qui sur ordre exprès de Jull vient rajouter son piano-bastringue par-dessus la cohue qui s'ensuit. L'on pourrait développer chaque titre comme cela.

 

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Préfère regarder les musicos. La slap-bass de Zio continue à tourner toute seule, mais cette fois-ci elle s'est métamorphosée en un quadrimoteur chargé de la bombe hydrogénique, mais c'est nous qui jouons le rôle d'Hiroshima, mon amour. La Gretch de Jull est devenue folle. L'on n'entend plus qu'elle, elle ronfle comme un aspirateur, crisse comme une ponceuse, tape comme un marteau piqueur, donne le rythme, l'arrête, le relance, le coupe en petits morceaux, le réduit en poussière, le remet sur pied. Ce n'est plus une guitare mais une danseuse qui grimpe au plafond et vous emmène cogner à la porte du paradis.

 

 

N'y a plus de public, qu'une masse informe virevoltante qui hurle si fort que parfois l'on n'entend plus les Ghost. Malgré les potentiomètres à fond. Phil abat ses baguettes comme des bruits de mitraillette. Frappe sur tout ce qui bouge, mais ça gigote dans tous les sens. Zio n'y tient plus. Il rejoint ses camarades sur la scène, tellement peu de place que l'on ne voit que la contrebasse qui tournoie par-dessus leurs têtes une dernière fois comme les pâles d'un hélicoptère que la mer finit d'engloutir. Un rappel, deux rappels. S'en sortiront pas comme cela. Sont comme des naufragés au milieu de l'océan réfugiés sur un glaçon en train de fondre et les requins qui ouvrent grand leur gueule tout autour. Hurlement de réprobation lorsqu'ils veulent s'arrêter. N'en peuvent plus, ne savent plus quoi faire. Rockin Rapphy sauve la sauce. Il entonne les premières mesures de What 'd I say et l'univers se remet à tanguer.

 

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Le public se charge des choeurs au micros, Jull ramone le riff que Rockin Raffy emplit se suie, Zio ne tient plus debout. C'est la contrebasse qui le soutient, dans la cohue indescriptible qui s'agite devant moi je ne vois plus Phil, je discerne seulement ses pelletées de plus en plus lourdes sur les toms. Extase généralisée. Tout le monde est à bout de souffle. Epuisé, exténué. Mais heureux. Ghost Highway est allé jusqu'au bout de lui-même...

 

 

RETOUR SUR TERRE

 

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L'on aura du mal à s'arracher. Retourner à la triste réalité du quotidien, non merci. L'alcool coule à flots et les disques de Ghost Highway se vendent comme des petits pains. Vite une dose de survie jusqu'au prochain concert.

 

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Dans la teuf-teuf mobile, Mister B. résume la situation : «  je ne regrette pas d'être venu, c'était encore plus rock'n'roll que la dernière fois ».

 

Damie Chad.

 

 

( Pour les images on a piqué les plus belles sur le site – qui vaut le détour - rockin.ricco.skyrock.com )

 

 

25/10/2012

KR'TNT ! ¤ 115. SPYKERS / HOT ROCKS / STARGAZERS

 

KR'TNT ! ¤ 115

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

25 / 10 / 2012

 

 

 

PUB ADK / ROISSY-EN-BRIE / 20 / 10 / 12

 

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SPYKERS / SPUNYBOYS /

 

HOT ROCKS / NELSON CARRERA

 

GHOST HIGHWAY / KEYTONES / STARGAZERS

 

 

L'on avait galéré comme des bêtes au mois de février pour trouver le Pub ADK caché en un endroit inimaginable et incertain. Nous invitons le KR'TNTreader qui aime à résumer les épisodes précédents avant de se lancer dans nos nouvelles aventures à se rapporter à notre livraison N° 85 DU 19 / 02 / 12. Cette fois-ci grâce à notre prodigieuse mémoire des lieux et des paysages la teuf-teuf mobile s'est garée toute seule comme une grande avec une heure d'avance sur le parking intérieur de la Ferme d'Ayau. Obnubilés de précision historique comme nous le sommes nous nous devons de préciser que nous nous étions munis d'un GPS performant. Quand on ne court pas après le progrès c'est lui qui nous rattrape.

 

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Cette fois c'était du sérieux, fallait réserver à l'avance car s'ils avaient repris le trio infernal de la première mouture, ils avaient doublé la mise allant jusqu'à faire venir de l'United Kingdom deux groupes mythiques, Keytones et Stargazers. Pas plutôt descendus l'on tombe sur Stéphane des Hoops qui nous annonce des bonne nouvelles, leur participation sur le volume 4 Frenc Rockabilly, l'enregistrement d'un CD, la refonte de leur site sur le net... M'est avis que l'on reparlera très bientôt des Hoops sur KRTNT !

 

 

Le pub ADK n'a pas changé. En six mois l'idée de repousser les murs ne les ont pas effleurés. Se sont contentés de sortir les banquettes et de les regrouper dehors sous un marabout. Vingt-cinq euros la place, le sandwich à quatre et la boisson à deux. L'on ne peut pas dire que l'arrivée de la gauche aura fait baisser les prix. L'est sûr que que si la droite s'était maintenue l'on n'aurait pas noté de différence non plus. C'est ce que l'on doit appeler la malédiction des rockers.

 

 

THE SPYKERS

 

 

Non pas non plus songé à enlevé le pilier en bois – dont on fait les cercueils - juste devant la scène. C'est dommage car il y a toujours un musicos qui échappe à votre oeil. Ce doit être un jeu. Mais où donc se trouve le batteur ? Risquez pas le trouver. Les Spykers n'en ont pas. C'est le gars qui est assis sur son caisson. Tape dessus comme une lavandière du Portugal avec ses deux grosses mains. S'en sort plutôt bien d'ailleurs. Alterne les rythmes et les sonorités.

 

 

Difficile de juger les Spykers. C'est qu'un chanteur sans son c'est un peu comme un sandwich sans saucisson. Manque un peu l'essentiel. La guitare et la basse ce ne serait pas trop mal, la rythmique – auquel s'accroche le préposé à la chansonnette - non plus. Font un peu dans le style country cowboy. L'on percevra un Brown Eyed Handsome Man prometteur mais ce sera à peu près tout. Et pourtant je suis devant au deuxième rang ! Les copains qui sont restés pochtroner au bar n'en ont pas entendu une miette. D'autant plus râlant que lorsqu'ils ont terminé depuis moins de trente secondes et que l'on demande Emile au micro l'on entend une voix tonitruante qui retentit dans tout l'édifice. M'est avis que l'on s'est endormi du côté de la console. Vaut mieux penser cela qu'à un sabotage délibéré... Perso, je me serais cassé de la scène dès la fin du deuxième morceau.

 

 

THE SPUNYBOY

 

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Eux sont pas du genre à la lâcher. La prenne d'assaut le couteau entre les dents comme un équipage de pirates qui s'emparent d'un galion espagnol chargé d'or. Sont venus avec l'envie délibérée de faire main basse sur le public. Le mettre dans leur poche et repartir avec. Que ceux qui les suivront essaient de leur survivre !

 

 

Ne sont que trois, mais décidés à rafler la grande rifle. Rémi et sa contrebasse. L'on ne présente plus. Ce n'est pas une banane qu'il arbore fièrement comme un étendard, mais deux régimes entiers séparés par le canal de Panama. Rassurez-vous l'indolence des rythmes sud-américains, ce n'est vraiment pas son truc. Lui c'est le versant rockabilly sauvage. Grabuge assuré. Genre gosse suractivé. Peut pas rester sagement à côté de son instrument comme tout le monde. Faut qu'il la manie comme une poële à frire le jour de la chandeleur ou une raquette de tennis dans le grand chelem. Grand sportif, spécialité omnisport : sa calebasse blanche lui sert de tout : de cheval d'arçon pour un numéro d'équilibre au milieu des spectateurs la jambe gauche décrivant une élégante arabesque vers le plafond tandis que de son pied foudroyant il s'entraîne pour une future compétition de savate. Revenu sur scène debout sur le plan latéral nous fait aussi la démonstration qu'il n'est pas mauvais en surf surtout par temps de grosse houle. N'a pas tenté le bobsleigh en rentrant carrément dedans mais l'on sent que le désir frénétique le titille. Mais à force de faire le singe dans les auto-tamponneuses je remarque que toutes les coutures de sa contrebasse sont comme rembourrées d'une gaine protectrice. Ce mec-là c'est un personnage de dessin animé à lui tout seul, une espèce de Woody Woodpecker halluciné car non seulement il tente à tout instant d'arracher le pédalier des cordes mais en plus il pousse à toute blinde la locomotive du rockab sur sa voix, vers l'enfer de l'urgence et les territoires Comanches interdits aux hommes blancs.

 

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Pas longtemps que nous avions vu les Spunyboys à côté d'Auxerres. Voir notre chronique 99 de la dernière semaine de mai 2012. Je ne sais pas à quoi Eddie à passé ses vacances. J'ai l'impression qu'il a pris des cours d'accélération de guitare. Se débrouillait déjà mieux que bien. Mais là il est passé de la conduite vieux coucous au pilotage super-jet. Ne sort pas le grand cirque comme Rémi, ne quitte pas sa fender des yeux, reste tout près d'elle, mais qu'est-ce qu'il aligne sur le manche. Ne connaît plus la syncope, fonce droit devant sans regarder si quelqu'un ou un arbre traverse la route. Speed, speed, speed. Pas le temps de souffler. Court après le riff, le rattrape et le dépasse souvent. Dès le troisième morceau Mister B hurle dans mon oreille que le groupe joue un peu trop ted, un, deux, un, deux et ultra-rapide. Ce qui n'est pas faux. Mais c'est comme le paysage que vous matez de l'intérieur du train, au début vous percevez le bercement du shuffle, mais si vous êtes dans un TGV qui tente d'acquérir le ruban bleu de la célérité, au bout d'un moment vous ne voyez plus rien, les couleurs se fondent et se mélangent.

 

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Et je peux vous certifier que l'Eddie il aligne les poteaux électriques. Pouvez plus les compter, déferlent sur votre gueule et laissent la place au suivant. Pas le temps de perdre haleine. Pas d'arrêt buffet entre les morceaux. Un, deux, trois, et c'est arrivé. Apparemment personne dans le public ne souffre du mal des transports, tout le monde est debout en train de hurler sa joie dans les wagons et c'est parti comme en quatorze. Peux pas vous décrire comment Guillaume se démène à la batterie car ce maudit pilier central me le cache totalement. Heureusement qu'il n'arrête pas le son, car à ce que l'on entend doit pas être couché dans une chaise-longue à bronzer sous les sun-ligths. Un raffut sur les futs de tous les diables. Il est le boogie de sécurité, celui qui joint à coups de tampon les cavalcades de Rémi, mortelles galopées solitaires à cheval sur sa grande basse, et la charge héroïque du septième de cavalerie mené par Eddie. Doit bricoler dur, mais soude bien. Car quand chacun des deux solistes tire à hue et à dia, lui il fait la jonction et l'on se retrouve en présence d'un véritable groupe uni et indissociable.

 

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Par contre ils manquent de vocabulaire, n'ont jamais entendu parler des mots frein et stop. Vont tellement rapidement qu'ils nous offrent une parfaite application de la théorie de la relativité d'Einstein, plus ça va vite plus le temps se rétrécit. A peine une demi-heure qu'ils jouent – temps réglementaire imparti par l'orga - et il faudrait déjà ramener la loco à la gare. Rémi nous consulte du regard, sans préavis il tire sur le signal d'avertissement, l'on brûle le feu rouge et l'on s'offre une nouvelle course effrénée d'une demi-heure. Les autres groupes peuvent attendre. De toutes les manières, il ne sera pas facile de s'imposer après tant de fougue. La jeunesse n'a peur de rien. Elle a raison, surtout quand elle nous sert des plateaux repas de tels acabits avec boisson survitaminées au sang de dragon cracheur de flamme à volonté.

 

 

Puisent dans les reprises et dans leur propre répertoire. Nous bombardent de quelques grenades dégoupillées de leur futur – fin novembre- début décembre - deuxième CD pure dynamite.

 

 

Petit Papa Noël quand tu descendras du ciel

 

N'oublie pas de déposer dans mes souliers

 

Le Rockabilly Legacy des Spunyboys

 

Sinon je ne croirais plus jamais en toi

 

Et je ne pourrais pas jouer à la guerre nucléaire !

 

 

Sont sortis de scène comme ils ont joué, à toute vitesse, Guillaume se taillant la route parmi le public qui reprendrait bien un aller-retour, à grands coups de contrebasse. Z'ont mis tout le monde knock out. K.O. Debout. On n'a rien vu venir, mais on l'a senti passer.

 

 

HOT ROCKS

 

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A eux de relever le gant. L'on n'aimerait pas être à leur place. Réfugié derrière le bar, à la recherche de rafraîchissements, je les examine du coin de l'oeil. N'ont pas l'air inquiet. Semblent même être pressés de battre le fer tant qu'il est brûlant. Installent leur matos en un temps record. Sont sûrs d'eux. L'on sent que face à la jeunesse débridée ils vont opposer la carte de la maturité chevronnée. Les racines contre la modernité, le billy contre le rocka. L'expérience contre l'enthousiasme.

 

 

Les Spunyboys n'étaient qu'un tourbillon de spermatozoïdes vibrionnants dans les poches spermiques de leurs papas que les Hot Rocks écumaient les scènes françaises. Red Denis tapait déjà sur sa caisse claire dans les Sprites un groupe que l'on peut classer juste après le Rock and Roll Gang de Gilles Vignal qui accompagna Gene Vincent lors de sa tournée 1967 en France.

 

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Ont revêtus de leur tenue de gladiateur. Chemise rouge sang et veste blanche à zébrures noires. La réplique exacte de celle que portait Gene Vincent lors de la fameuse tournée en Australie avec Eddie Cochran et Little Richard. La tomberont vite, car il règne dans l'étroitesse de l'établissement une température qui doit avoisinaient les 45 ° à l'ombre. C'est Francis Gomez qui attaque du côté où on les attendait pas. Passe pas par la case Sun. Z'en auraient le droit eux qui ont joué avec D.J. Fontana. Non sort directement l'as de pique de chez Chess.

 

 

Gomez met la gomme d'entrée. Montagne de chair et voix tonitruante. La slap bass se fait toute petite dans ses mains. Une de ses caresses doit équivaloir à trois coups de boule sur le museau. Réincarnation de Willie Dixon. Nous voici projetés cinquante ans en arrière à Chicago. Les Hot Rocks jouent un autre film que celui interprété par les Spunyboys. Aux trois premiers accords, l'on réalise qu'ils ne vont pas jouer les figurants.

 

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( image empruntée sur michourock.centerblog.net )

 

 

Dès le second morceau c'est Alexis Mazzoleni qui se charge du chant. Je regrette un peu. Non pas que Mazzeloni soit moins bon, serait même plus technique que Gomez mais j'adore cette façon gomezienne de catapulter les mots, de les arracher un par un afin de vous les jeter à la figure comme autant de coups de poing sur le visage. Rentre dedans et ne permet pas à l'ennemi de s'échapper.

 

 

Faut avouer qu'Alexis Mazzoleni en impose davantage par sa guitare. Sacrée gâchette. Est capable de jouer tous les styles. Maîtrise toujours ce qu'il fait. Sur le manche il ne court pas après son ombre, il la précède. Mène la salle par le bout du nez. Les Spuny c'étaient des apprentis sorciers qui nous ont emportés dans les airs sur le balai impétueux de l'énergie. Les Hot Rocks, remettent les ampoules en place et revissent les boulons. Savoir-faire et maîtrise totale du sujet. Dommage qu'ils se contentent d'un set si court. L'on aurait aimé qu'ils doublent la mise. Veulent pas en profiter, il est prévu qu'ils accompagneront Nelson Carrera pour le set suivant qu'ils enchaînent sans le moindre entracte.

 

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NELSON CARRERA

 

 

Figure reposée, sourire aux lèvres, Nelson Carrera monte sur Scène. En février je l'avais trouvé un peu fatigué, manquant de pêche. Ses yeux pétillants démontrent qu'il n'en sera pas ainsi cette fois. Emmène avec lui Dominique Sorel, tout comme lui armé de sa rythmique, vieux complice du bon temps des Cool Cats. Trois guitares, autant dire que ça remue fort. Nelson se lance dans son répertoire, rock'n'roll mais avec un arrière goût country qui passe très bien. N'a pas fait trois morceaux qu'il rend hommage à Jerry Dixie l'un des pionniers du french rockabilly.

 

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Dix minutes plus tard, ce coup-là Nelson Carrera invite son «  maître » à le rejoindre. C'est un tout petit monsieur timide dans un costume de professeur qui monte sur scène. On le devine gêné par tant d'honneur. L'aurait préféré rester incognito. Trop modeste. Nelson lui passe sa guitare et tout de suite c'est la métamorphose. Nous bombarde d'un rockabilly de derrière les fagots dont il a à peine claqué les derniers lyrics qu'il cherche à s'échapper. Interdit. La demande de rappel est si unanime qu'il se fend d'une deuxième interprétation, aussi nette et précise que la précédente, mais déjà il décroche sa bandoulière et regagne l'ombre protectrice de la salle plongée dans le noir. Nelson reprend le micro pour souligner l'apport de Jerry Dixie au rockabilly français dans les années 80. Rajoute son plus grand titre de gloire, avoir composé des paroles pour Johnny Caroll. Personne d'autre ne peut s'en vanter dans notre pays.

 

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Mais la générosité de Nelson ne s'arrête pas là : c'est au tour de Dominique Sorel, ex-Cool Cats de s'avancer et de nous montrer ce qu'il sait faire. Après quoi Nelson se réapproprie enfin la fin du set auquel il donne une couleur country plus soutenue. Il est bien connu que le country est une musique propice à la nostalgie. Carrera s'en tire comme un chef. Aisance et élégance ce qui n'exclut pas précision dans le tracé et un volonté incisive de trancher dans le vif des morceaux. Public subjugué et conquis, on le laisse repartir avec regret.

 

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GHOST HIGHWAY

 

 

Moment crucial pour Ghost Highway. On les attend au tournant. Si Hot Rots et Nelson Carrera ont pu revendiquer un intelligent retour aux sources qui les a exemptés d'être comparés d'un peu trop près avec la rage des Spunyboys, les Ghost Highway ne s'en tireront pas comme cela. Même si leur répertoire est adossé à une certaine remastérisation de classiques rockabilly, ils sont par la faute ( pardonnée ) de Mister Jull sur une pente trop électrifiée pour ne pas relever le défi.

 

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L'espace est réduit. La section rythmique est comme regroupée autour d'Arno. C'est lui qui mènera l'attaque avec Jull qui n'aura qu' à se concentrer sur son jeu. Dès les trois premiers morceaux les Ghost hausse le ton. Pas très fort mais l'interprétation est plus ramassée, resserrée sur elle-même, presque plus âpre. L'on n'attendra pas longtemps pour avoir la confirmation de ce que l'on pressent. L'orage éclate sur Burning Love. Ne me dites pas que vous savez ce que c'est que l'amour si vous n'êtes jamais parvenus avec votre partenaire à une telle incandescence. Mister Jull ne nous fera pas le coup de foudre. Trop prévisible. Nous emporte dans une puissante envolée d'un lyrisme extraordinaire. Pluie de sperme et de foutre aux alentours. Aux cris d'extase frénétique que pousse la foule, elle doit aimer cela.

 

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Quatrième titre et les Ghost ont déjà gagné, nous tiennent dans leurs mains comme le potier sa boule de glaise. Reste toujours le danger de s'arrêter en si bon chemin et de relâcher la pression. N'y comptez pas, de toutes les manières qu'ils voudraient qu'ils ne pourraient pas, maintenant c'est le public les porte. Leur public qui comprend qu'on ne peut les laisser se dépatouiller seuls au milieu du gué. Les titres défilent secs, un Hypnotyzed à paralyser un cobra et ce sont les fantômes de Country Heroes qui s'incrustent dans nos nerfs surmenés. Jamais entendu l'harmo d'Arno si déchirant, nous découpe le coeur à la scie sauteuse tandis que par-dessus Phil siffle la plainte du loup perdu dans la nuit en mal ardent de sa harde.

 

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Je n'aperçois Zio que par intermittences. Pas de jeu de scène. Légèrement penché et les mains qui slappent sans s'arrêter. Pas de démonstration, juste de petites mesures en réponse à la batterie, pas plus de cinq secondes de t'es-là-j'y-suis-aussi pour replonger aussitôt dans son oeuvre souterraine de basse forge. Construit le mur du son, Zio et n'a pas le temps de chantonner avec les petits oisiaux. Plus tard, je ne sais plus quand au juste, il y aura ces deux notes, deux pas trois, moelleuse et fondantes, chaudes, craquantes à croquer, comme une aisselle de jeunes femme énamourée, un instant de grâce hors du temps, au-delà de la folie ambiante, comme le nid de l'alcyon dans la tempête. Et puis le grondement du tonnerre des cordes sous-tensions reprendra toute sa puissance.

 

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Ont l'audace de jouer Please Don't Leave comme dernier morceau. On aime bien les Ghost mais va falloir qu'ils rattrapent cette faute d'ironie douteuse par un final d'apothéose. Ce qui est le plus terrible c'est que tous ceux qui n'étaient pas là ne pourront jamais imaginer le moment de paradis qu'ils auront perdu. C'est un meddley de Goin'up the country et de Johnny Law. Non pas un truc à la va-vite bâclée en deux minutes trente cinq de malheur. C'est un coup de vent, une bourrasque qui semble ne jamais vouloir fini qui dure qui dure et qui emporte tout sur son passage. Jull ne joue pas de la guitare, il s'en joue. Il transcende. Chaque corde lui obéit au doigt et à l'oeil. Derrière Phil est devenu totalement fou. Il ne frappe pas. Il cogne. Il démolit. Il détruit. Arno tisse une rythmique d'enfer, Zio tsumanise les ondes sonores, et sur ce chaos sonore Jull fait chanter sa guitare, note par note, riff par riff, comme le rire d'un Dieu qui se baigne dans la tempête. Ô le délire mes amis ! C'est un charivari indescriptible, Mister Jull enragé couché par terre et sa guitare qui ne s'arrête jamais comme la flamme du phare au milieu de l'océan en furie. Zio et Arnaud sont sur lui, tous trois soudés à leurs instruments, l'un soutenant l'autre, tels des piliers à moitié effondrés qui se souviennent que sans eux la voûte du ciel s'écrasera sur le monde. Un moment magique. Un tumulte digne des dieux de l'Olympe. Grandiose. Terrible ovation finale du public fanatisé.

 

 

THE KEYTONES

 

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C'est au tour des anglais. Les Keytones qui prennent leur temps. Ce qui nous permet de sortir prendre le frais et discuter. Mais professionnalisme oblige, je rentre pour ne pas rater le début du show. Un voisin enthousiaste me demande si je connais. Que nenni, je ne savais même pas qu'ils existaient. Au début je pensais même que ça s'écrivait Quettone et que donc c'étaient des gars de chez nous, du nord. Ce que l'ignorance vous ridiculise !

 

 

Heureusement mon voisin me met au parfum. Suit le groupe depuis les années 80. A l'époque le bassiste possédait des cheveux, maintenant il a une boule de billard parfaite. Ont changé de batteur dans l'intervalle mais ont gardé le même style de musique. Du rockab agrémenté de Doo Wap et de jazz. En mon fort intérieur j'émets quelques doutes. Le jump et le jive me fatiquent un peu. Attendons de voir.

 

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Vite vu. De superbes musiciens. Connaissent leur table d'harmonie. Chantent juste. En choeur et chacun à son tour. Marient leurs voix. Font des wap-wap- bidou, et des bidou-bidou à n'en plus finir. Me hérissent vite le poil. D'accord, ils font d'abord un rockabilly parfait. Rien à reprocher tant au niveau du chant que du son. Mais après il faut se fader trois interminables laïus d'onomatopées bidon. Un petit rockabilly pour retenir le public et re-hop trois langoustines jazzizantes. Au bout de la neuvième roucoulade, suis sorti rejoindre Mumu et Billy pour discuter le coup.

 

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Mumu revient de Belgique, a vu le concert de Crazy Cavan, qu'elle a trouvé émouvant. Beaucoup fatigué le Cavan, mais s'est assis au milieu des gosses de huit-dix piges qui connaissaient ses chansons par coeur, et a chanté avec eux. Les rockers sont de grands sentimentaux. Très fleur bleue. Quand il lui a signé le billet de son concert à l'Olympia, il a regardé la date, 1980 ! « Oh ! Its a long time ago ! » a-t-il déclaré avec mélancolie.

 

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Mister B. nous avertit de la fin du succès. Les Keytones ont fini de japper, le Cavan s'enfuit loin de notre espace. Les avis sont partagés, un groupe de jeunes a beaucoup aimé, pour les autres c'est assez mitigé. Ce qui est sûr c'est que la salle a perdu la moitié de ses occupants.

 

 

LES STARGAZERS

 

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Mettent encore plus de temps à s'installer, c'est qu'ils sont nombreux : un organiste, un saxo, une guitare, un contrebassiste un drummer et un soliste. Faut les caser tous les cinq ! Encore un groupe mythique de la renaissance rockabilly en Angleterre dans les années 80. Beaucoup sont venus spécialement pour approcher les idoles de leur tendre adolescence.

 

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Avec leur veste noire et leurs noeuds pap, on les prendrait pour des néo-sixties pro-Shadows. Ont débuté en même temps que Crazy Cavan, mais du rock ils ne sont jamais allés beaucoup plus loin que Bill Haley. Ont plutôt remonté vers Louis Prima et le boogie-woogie. En 1980, c'était vraisemblablement nouveau pour beaucoup mais aujourd'hui avec toutes les rééditions l'on a accès beaucoup plus facilement aux originaux et il faut avouer que l'original est souvent meilleur que la copie.

 

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N'avaient pas la grande forme. Y mettaient du coeur mais parfois ça sonnait davantage comme un groupe de baloche, malgré le soliste éminemment sympathique... Ne restait plus qu'une vingtaine de personnes devant l'orchestre quand ils ont terminé...

 

 

IN THE TEUF-TEUF MOBILE

 

 

Dans la voiture l'on échange les impressions. L'on tombe d'accord. L'aurait fallu deux concerts. Mettre les deux derniers bands dans une autre programmation et laissé plus d'espace aux quatre premiers. Par contre c'était rempli serré comme le porte-feuille d'actions d'un PDG de multinationale. Z'ont même refusé du monde. Les habitués qui forment la moitié de l'auditoire et puis des gens très divers, jeunes ou couples qui viennent là, aux concerts rockabilly, parce que c'est un des rares endroits festifs où il se passe encore quelque chose.

 

 

Je range la voiture devant la maison. Cinq heures trente. Avais démarré à 17 h 15 tapantes. C'est ce que j'appelle une journée à moitié bien remplie.

 

 

Damie Chad.

 

 

URGENT, CA PRESSE !

 

 

MUSIC. N° 4.

 

La Bande Son des Sociétés.

 

Octobre – Décembre 2012.

 

 

Plusieurs fois que j'aperçois ce nouveau magazine sur les étagères du kiosque à journaux. La couverture ne m'avait jusqu' à lors, point trop engagé : un mélange de ringardise et de modernité douteuses. Mais ce coup-ci, comme il n'y a rien de bien intéressant sur le présentoir je me laisse tenter par le titre à l'extrême droite de la couverture : Virée à Memphis avec les fans d'Elvis.

 

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L'est pas tout seul le garnement de Tupelo, Hendrix, James Brown, Bob Dylan et Archie Shep l'accompagnent. L'on ne peut pas dire que chez Music l'on mégote sur le plateau des stars. Ne manque que Mickael Jackson et tout le monde aurait été content. C'était pourtant une occasion souveraine pour l'afficher, sans passer pour des ratisse-large, vu qu'en tout gros ils ont écrit : La Bande-Son du Black-Power. Comme il y avait aussi à l'affiche, Martin Luther King et Obama, se sont peut-être dits qu'il ne fallait pas exagérer.

 

 

Mais quel est ce vieux beau en pleine page couleur ? Comment donc une rockstar que je ne connaîtrais pas ? Peut-être Charlie Watts avec dix-sept liftings de plus et une nouvelle coupe de cheveux ? Que non ! Je déraille ! C'est Jean-Louis Servan-Schreiber ! Mais que vient-il faire dans les parages ? La première question de l'interview illumine ma lanterne : «  Pourquoi vous êtes-vous lancé dans l'Aventure Radio-Classique en 1982 ? ». Je ne peux m'empêcher de chantonner Roll Over Beethoven de Chuck Berry, mais réfrénant mes natives tendances anarcho-culturelles destructrices je me plonge dans la lecture de l'entretien. Ne vais pas vous le résumer parce que l'on n'y apprend strictement rien. A part que Radio-Classique se voit depuis une dizaine d'années contrainte de repasser sempiternellement les mêmes tubes qui ont la cote auprès des auditeurs pour garder son panel d'annonceurs publicitaires... Ce sur quoi je leur souhaite intérieurement de disparaître tous, et les publicistes et la station, de telle manière que, la bande FM nettoyée de ses scories, l'on puisse entendre quelques radio-pirates rock'n'rolliennes...

 

 

Mais que vient faire ce vieux plumeau desséché de Servan-Schreiber dans Music ne manqueront pas de se demander les âmes naïves ? La question est mal posée. Il est chez lui. Music n'est pas un champignon hallucinogène surgi de nulle part. Derrière Jean-Louis Servan-Schreiber se cache un empire de presse à multiples tentacules. Chacun d'eux un peu indépendants, mais en sous-main tout cela se ramifie en un chemin sinueux qui part de L'Express, passe par L'Expansion, batifole dans les magazines Psychologies et Clés... Quand on fouille un peu l'on ne tarde pas à tomber sur le nom de François Lagardère... Que des gens de droite ! A vernis culturel. En apparence ouverts et affables. Se permettent même d'être impitoyable avec l'idole sarkoziste Johnny Hallyday, qu'ils couvrent de sarcasmes. Nous feraient prendre des vessies pour des lanternes, et leur gauchitude affectée pour de dangereuses options révolutionnaires. En réalité des éponges à fric. Pas des conservateurs rétrogrades. Beaucoup plus dangereux, des modernistes-libéraux. Qui avancent masqués.

 

 

Suffit de lire l'article sur la bande-son du black power pour comprendre leur tactique. Présentent les limites de l'acton non-violente de Martin Luther King. Embrayent sur les émeutes de Watts, vous citent les noms des principaux leaders des Black Panthers, poussent quelques larmes de crocodile sur la déconfiture du mouvement, mais retrouvent le sourire grâce à Obama. N'en dressent pas un portrait de super-héros. Le premier président noir a déçu son électorat. C'est triste, mais il vaut mieux que son challenger. CQFD, pourvu qu'il soit réélu. Cela nous enlèverait une sacrée épine du talon. Couperait l'herbe sous les pieds de toute révolte montante. Avec le ras-le-bol généralisé il ne faudrait pas qu'un crouton mormon attise sans le faire exprès le feu qui couve sous la cendre.

 

 

Ces gens-là prennent leur précaution. Instillent de bons sentiments à leur lectorat. Music c'est une resucée des Inrockruptibles. Mais ces derniers affiliés à la banque Lazarre jouent la carte socialiste. Music est positionné beaucoup plus au centre-droit – vous me direz que la différence n'est pas bien grande ! - une droite décomplexée qui affirme qu'elle aime le rock, le rhythm and blues, le blues, le jazz, le funk et toutes les musiques du monde. Pas raciste pour deux sous avec les musiciens noirs et africains. Sympa, mais qui surtout ne remettent jamais en cause les mécanismes de l'exploitation et des peuples et des pauvres, et des noirs.

 

 

Vous m'avez compris : Music pue de la gueule. Méfiez-vous de ceux qui sponsorisent vos révoltes. A ce jeu-là vous serez toujours perdants. Vous enferment dans une cage dorée ( ou en fer blanc ). Vous serviront tout ce que vous aimez sur un plateau, pourvu que payiez vos consommations.

 

 

Damie Chad.

 

JUKEBOX. N° 311.

 

Novembre 2012.

 

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Sympa, mais pas folichon. A part l'article de Tony Marlow sur Bo Diddley, très bien documenté, même si on regrette qu'il n'ait pas commenté d'une manière beaucoup plus technique le jeu de guitare de Bo, ce qui s'était révélé passionnant lorsqu'il s'était penché en juillet dernier sur Chuck Berry. Insiste tout de même sur l'apport fondamental de Bo à la constitution de ce nouvel idiome : le rock'n'roll, et la proximité de cette musique avec le blues de Muddy Waters.

 

 

Le fan du early french rock trouvera sans problème ses rubriques habituelles. Notamment les news et les chroniques de disques finales signées par Jean-William Thoury. L'on fait un peu trop souvent appel à votre porte-monnaie pour vous proposer des rééditions de morceaux ultra-rares, voire inédits. Toutefois avec Johnny, Eddy et Sylvie en couverture, la revue donne l'impression de tourner en rond.

 

 

Quant au fac-similé du N° 98 de Disco-Revue il vaudrait mieux l'oublier. Vide sidéral. Ca, une revue rock, laissez-moi rire ! La couve étale la gueule de gosse de riche de Frank Alamo. Interview désolante, ce jeune bourgeois qui habite encore chez ses parents ne savait que parler d'argent. Peut-être qu'il a réussi à emporter tout son fric dans sa tombe. C'est tout le mal que nous pouvons lui souhaiter.

 

 

C'est Laurent qui bat le Tambour pour Sylvie : quarante et un albums réédités format vinyl replica. Uniquement les enregistrements RCA Victor dont le mythique Sylvie à Nashville avec les musiciens d'Elvis. Quoique personnellement j'aurais un petit faible pour sa version de I'm Watchin' de Paul Anka, en anglais s'il vous plaît. En 1963 Vartan était la seule chanteuse française capable d'interpréter de tels morceaux.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

18/10/2012

KR'TNT ! ¤ 114. IWW / GOMMARD / REBEL VOICES

 

KR'TNT ! ¤ 114

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

18 / 10 / 2012

 

 

 

WOBBLIES & HOBOS

 

JOYCE KORNBLUH

 

LES INDUSTRIAL WORKERS OF THE WORLD

 

 

AGITATEURS ITINERANTS AUX ETATS-UNIS. 1905-19I9

 

 

( L’INSOMNIAQUE / Février 2O12 )

 

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Toujours à la recherche des racines mythiques du rock ’n’ roll. Pour situer par rapport à de précédentes livraisons nous rappellerons que Woody Guthrie est né en 1915, à peu près au moment où l’histoire racontée par ce livre s’achève. Bien que le bouquin soit livré avec un CD de 21 chansons, dont nous reparlerons à la fin de cet article, son sujet est avant tout d’ordre politique. Il est sûr qu’avec L’Insomniaque ( 43 rue de Stalingrad / 93 000 Montreuil / 01 48 59 65 42 / insomiaquediteur.org ) comme maison d’éditions, l’on ne peut s’attendre à une littérature à l’eau de rose, plutôt du rouge sang et du noir anarchie.

 

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L’on ne fait pas de la musique uniquement avec des instruments et des notes. Ce serait trop facile. Faut encore dépendre d’une culture à laquelle on se rattache au moins phantasmatiquement. Les images d’Epinal que véhiculent le rock sont bien connues. Derrière chaque accord de guitare se cache un lonesome cowboy ( qui fume une cigarette lorsqu’il a réussi à se faire sponsoriser, ce qui arrive de plus en plus souvent dans le rock actuel ) qui croise au coin d’une rue un vieux et pauvre noir aveugle qui pleure en soufflant dans un harmonica. Cœur rebelle et âme perdue. Pas mieux comme casting. N’ont pour toute richesse que leur solitude et leur désespoir. Mais les ont gagnés de haute lutte.

 

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Quand on y réfléchit, ce n’est ni plus ni moins que le mythe du oneself made man. Revu et corrigé certes, de façon à le rendre acceptable aux adolescents qui à leur âge détestent ressembler à leurs pères. Beaucoup de nos louveteaux changeront d’avis en cours de route, mais ceci est une autre histoire.

 

 

JOUONS COLLECTIF

 

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Wooblies & Hobos, c’est une autre facette d’un même combat. Mais là il ne s’agit pas de se perdre dans les labyrinthes d’une métaphysique individuelle. Les Wobblies sont des syndicalistes. J’entrevois votre déception. Je vous rassure tout de suite, rien à voir avec nos modernes CFDT à la française. Quoiqu’il nous faille pousser notre petit cocorico national. L’ Industrial Workers of the Wolrd s’inspira, entre autres sources, de notre première CGT, celle de Pelloutier d’obédience anarcho-syndicaliste.

 

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Nos IWW ne sont pas des sociaux-démocrates qui cherchent à améliorer le sort des ouvriers. Leur programme est clair comme de l’eau de roche : détruire le capitalisme. N’ont retenu de Marx que la notion de la lutte des classes en tant que moteur de l’Histoire, avec l’intention d’en quadrupler la puissance en l’alimentant avec du pur kérosène cent pour cent action directe. Contrairement à ce que cette dernière expression montée en épingle terroriste par nos médias démocrates laisserait entendre, leur but n’était pas de former de petits groupes armés décidés à suppléer l’inertie des masses par des attentats divers à l’encontre des symboles du capitalisme triomphant. Privilégiaient avant tout l’action de masse. L’IWW fut avant tout un noyau de militants qui, partout où l’occasion se présentait, esseyaient d'insuffler le principe de la grève générale.

 

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L’IWW comprit très vite que les plus grandes capacités de révolte se trouvaient, non pas comme beaucoup de marxistes commençaient à le penser dans une classe ouvrière déjà organisée, mais dans les couches les plus démunies des travailleurs. Non pas ceux qui étaient embauchés sur postes fixes - avec toutes les variables d’ajustement productif que cela supposait - mais les travailleurs saisonniers, qui se déplaçaient d’états en états, pour trouver du taf là où il se présentait.

 

 

HOBOS

 

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L’amateur de rock se retrouve en pays de connaissance. A déjà entendu parlé des hobos de la grande crise. Mais ce n’était que la deuxième vague, celle chantée et magnifiée par Guthrie et Dylan. Z’avaient déjà eu des précurseurs. Ne faisaient que suivre une tradition de misère déjà bien établie. Peux pas vous certifier que c’était pire avant ou après le crack boursier, aurais tendance à penser q’en n’importe quelles circonstances les pauvretés se valent.

 

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Les IWW sont partout. Dans les filatures, dans les mines, sur les coupes des bois, dans les ranchs, dans les rues, partout où les travailleurs corvéables à merci décident de se révolter contre les minables salaires et les sordides logements qui leur sont très chèrement alloués.

 

 

Sont aussi dans les campements sauvages des Hobos, c’est là où l’on fait cuire la marmite collective, que l’on distribue les brochures séditieuses, et que l’on chante de nombreux hymnes de lutte qui irrigueront toute la musique populaire américaine. Sont aussi sur les trains, la carte rouge de l’IWW vous assure un voyage à moindre frais, chauffeurs de locomotives et employés du train ont très vite compris que les Wooblies n’aiment ni les jaunes ni les toutous serviles qui lèchent la main de leurs maître.

 

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DE L’AUTRE CÔTE

 

 

Rien ne met plus en rogne un patron que d’être confronté à une grève sauvage de longue durée qui vous oblige à augmenter le salaire journalier. Que d’argent perdu pour des bons à rien ! Heureusement l’Amérique est bien le pays de la liberté… d’exploiter son prochain en paix. Là-dessus tout le monde est d’accord. Les Eglises, la Presse, la Police, la Justice. Unanimité sans faille. Un bon travailleur est un travailleur qui travaille pour presque rien, sans se plaindre. Ne doit pas non plus oublier de dire merci.

 

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Pour les meneurs, pour les militants, pour tous ceux qui osent manifester leur désaccord, il existe des remèdes radicaux : la prison, le passage à tabac, le lynchage, les listes noires, les manches de pioche, les Colts et les Remingtons. Un véritable western : les shérifs et les détectives de l’agence Pinkerton sont en première ligne. Pour les coups durs et les ratonades l’on fait appel aux milices et jusqu’aux étudiants enchantés de délaisser leurs versions latines pour aller faire le coup de feu sur les prolos.

 

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Les patrons n’avaient pas lu Marx, mais la lutte des classes ils l’avaient dans le sang. Les IWW menèrent de grandes grèves, mais le mouvement fut couvert d’opprobre par la presse et les politiciens de tous bords. Quand en 1917 les USA se lancent dans la grande guerre - celle qui fut déclenchée en Europe pour se débarrasser d’une génération socialisante particulièrement virulente - tout mouvement de revendication qui met en péril la sacro-sainte production est considéré comme un acte de trahison au profit de l’Allemagne…

 

 

LA FIN DES IWW

 

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Comme la plupart des organisations ouvrières européennes les IWW ne purent officiellement appeler ses adhérents à refuser la conscription. La politique de l’Union Sacrée poussée à son paroxysme interdit toute position divergente. Les IWW y perdirent un peu de leur âme. Mais la répression n’avait pas chômé, de grands procès d’audience nationale avaient eu raison des militants et des responsables les plus en vue. Injustes et très lourdes condamnations à la clef.

 

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Mais en 1917, le mouvement ouvrier international s’engage sur d’autres voies. En Russie le Parti Communiste s’empare du pouvoir d’état. Efficace, mais en contradiction avec l’idéologie des IWW qui par ses luttes tendaient - dans l’absolu - à créer des formes d’organisation directe qui avaient pour but de se substituer à la coquille peu à peu vidée de toute efficience révolutionnaire du pouvoir étatique centralisateur et dominateur.

 

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La création du Parti Communiste Américain qui tenta de noyauter les IWW dans le but d’en faire une courroie de transmission de la future prise du pouvoir marque le début d‘une nouvelle ère… Plus tard l’on sait comment le maccarthisme mettra fin à de telles prétentions… De toutes les manières la mécanisation et l’automatisation qui se mettent en place nécessitent une autre organisation de la main d’œuvre. Plus besoin de saisonniers quand une moissonneuse-batteuse abat le boulot de trois cents bonhommes… Dans les usines les effets du taylorisme permettent de surmultiplier la production. Les USA prennent le chemin du développement de la société de consommation. C’est en elle que naîtra après la deuxième guerre mondiale, le rock ’n’ roll. Comme beaucoup de monde, il a un peu oublié les évènements qui ont précédé sa venue. Mais les braises de l’IWW ne se sont jamais éteintes. L’esprit de révolte a survécu. Tant bien que mal. Mais il ne demande qu’à être ranimé.

 

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REBEL VOICES

 

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Plus que temps de passer au CD :

 

 

JOHN HANDCOX. PETE SEEGER. CISCO HOUSTON. SON HOUSE. BLIND BAKE. SLEEPY JOHN ESTES. BLIND WILLIE McTELL. BUKKA WHITE. PAUL ROBESON. SCHUTZ & KIK. HARRY «  HAYWIRE MAC » McCLINTOCK. SAM JOHNSON. JOSH WHITE & MILLARD LAMPELL. + GOMMARD.

 

 

Des grands noms, et de moins connus comme ce Gommard qui se taille la part du lion puisqu'il interprète à lui tout seul six des vingt-et-un morceaux du disque. Les ai déjà vus en concert à Montreuil, voici deux ans, dans un petit bar sympa, Ô 2 Villes. S'appelaient alors le Gommard Blues Band. Depuis ont apparemment laissé tomber la fin de la dénomination. Ne croyez pas qu'ils s'appellent Gommard parce qu'ils jouent en mettant toute la gomme rock'n'roll. Même si c'est ce qu'ils ont l'habitude de faire. Non, Gommar était le nom du chien d'Eric, le batteur, mort – c'est le chien qui est mort pas Eric – c'est tout de suite beaucoup plus bluesy.

 

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N'ont pas inventé le rock'n'roll mais en perpétuent l'esprit. Déjanté et rebelle. Ne se retrouvent pas par hasard sur le disque, sont de toutes les fêtes militantes sur Paris et sa banlieue. Un bon concert ce dimanche après-midi-là à Montreuil, ambiance habitués, poivrots de passage et jeunesse allumée. Me souvient plus trop des morceaux qu'ils ont affûtés, sauf un superbe I Put a Spell On You de Screamin Jay Hauwkins – qui finit sa vie sur Paris – magnifiquement chanté par Kick, qui fit partie d'un groupe mythique des années 80, les Lucrate Milk.

 

 

D'ailleurs rien de mieux pour vous faire une idée que d'écouter leurs plages sur le CD, Rebel House :

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Question insidieusement frontale : Which side are you on ? Très rhythm and blues, le blues en filigrane et le rythme par devant, martelé par la voix. N'avez pas intérêt à choisir le mauvais côté l'on sent que le Gommard pourrait se mettre en colère, si au début ils se la jouent sympathique vers la fin ça commence à balancer salement et le Gommard vous fusille des yeux d'un air très inquiétant. Feriez mieux de filer avant qu'ils ne vous rattrapent car l'on sent que ça pourrait faire mal.

 

Un traditionnel : Halleluyah I'M a Bun, rythmique d'enfer par derrière, beau travail de Kick, ça ressemble aux morceaux les plus rugueux d'un John Fogerty, le fond musical plus blues que chez Creedence, mais j'ai remis le morceau six fois de suite.

 

Lancés comme ils sont, n'hésitent pas à s'attaquer à un monument, le Sixteen Tons de Merle Travis, je ne sais comment il s'y prend Kick mais il silicose si bien sa voix que l'on pense qu'il va cracher ses poumons devant nous, avec le band derrière qui expectore toute sa colère.

 

Joe Hill, The Rebell Girl. Une histoire d'amour peut-être. Mais surtout de haine à l'encontre des patrons, une joie et une fierté communicative. Ce coup-ci ça sonnerait plutôt comme le Boss.

 

Big Boss Man, celle-là tout le monde l'a faite. L'a même servi à Presley pour se réveiller sur la fin de sa période navets. Ce coup-ci ils nous la font style Gommard, clébard qui aboie furieusement et qui n'est pas prêt de lâcher la jambe du patron qu'il vient de mordre. Du blues, mais ils ont accéléré le band. Harmonica, pickin' poingtilleux et cri final.

 

Big Rock Candy Mountain, un dernier morceau plus festif, une rythmique sautillante, un violon de secours et rame la galère vers la montagne de sucre candy. Un arrière-fond de New Orleans, faut bien cela pour que le hobo poursuive sa route, sa bouteille et ses illusions perdues.

 

 

C'était le Gommard, une sacrée réussite, ont su se fondre dans l'ensemble du disque car leurs morceaux sont dispersés, tout en restant eux-mêmes.

 

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Sinon c'est John Handcox qui ouvre le bal avec There is Things happening in this land. N'a enregistré qu'une poignée de chansons, fut surtout un militant politique. L'on dit en note qu'il enregistré cette chanson en 1937 ( Bibliothèque du Congrès ) quelques temps après avoir échappé à un lynchage. Magnifique partition de guitare slide. Vous retrouvez encore Handcox sur le dernier titre : Going to roll that union on, comme un cri de ralliement, mais ce coup-ci il a oublié la guitare à la maison. C'est dommage.

 

Raggedy, encore un morceau de John Handcox mais cette fois-ci repris par Pete Seeger, très roots, juste une voix et un banjo par derrière. Manque peut-être sur la plupart des lyrics une inflexion nasillarde que plus tard Dylan n'omettra jamais de poser sur de tels morceaux. Cet hymne au syndicat ressemble parfois à une réclame.

 

Cisco Houston, entonne The tramp, c'est le pote à Woodie Guthrie, chante un peu comme lui, ont d'ailleurs tous les deux chanté ensemble avec Pete Seeger. Militance culturelle et fondateurs du folk. Encore un morceau de Joe Hill.

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Attention, c'est du sérieux Son House dans Country farm House, nous reculons d'une génération. Dans le delta, aux sources du blues, a joué avec Charley Patton et Robert Johnson. Si vous avez mieux comme carte de visite, téléphonez moi. Le blues est avant tout une musique de colère. Ne l'oubliez jamais.

 

Blind Blake. Pas Early Morning Blues son morceau le plus connu mais Georgia Bound. Guitare ragtime pour chanter la nostalgie de l'état de Georgie, pas vraiment ce qu'il y a de mieux pour un traîne-misère noir, mais le blues est né dans le Sud et d'une manière ou d'une autre il y retourne toujours.

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Sleepy John Estes encore un que la misère a poursuivi de chantier en chantier. Une guitare maigrelette mais une voix plaintive qui appuie là où ça fait mal. Sur votre bonne conscience. Elvis et Eddie Cochran l'ont repris, plus tard la petite-bourgeoisie européenne leur emboîtera le pas. L'a droit à deux chansons Hobo Jungle Blues et Special Agent. Pas de police, mais le ferroviaire qui débusquait les passagers clandestins dans les trains et qui ne valait pas plus que l'autre.

 

L'harmonica imitait pas mal du tout le sifflet du train chez Sleepy John Estes, mais chez Blind Willie McTell c'est la guitare qui donne cette impression de rythme infini et tressauté très caractéristique du wagon qui cahote sur les rails. Travelin' Man, au bout de trois écoutes vous vous prenez pour un hobo sur le toit d'un convoi. Suffit de fermer les yeux.

 

Special Streamline de Bukka White, a tout connu, le pénitencier, le blues et la boxe. Autre titre de gloire, cousin de B.B. King c'est lui qui l'hébergera à Memphis quand le futur roi du blues viendra tenter sa chance en jouant sur les trottoirs.

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Joe Hill

 

I Dreammed I saw Joe Hill Last Night par Paul Robeson. Voix funèbre et hommagiale. Sûr qu'il ne pouvait le voir qu'en rêve. Joe Hill fut le chanteur des IWW, il nous reste les morceaux qu'il a composés. N'a pas eu le temps d'en enregistrer un seul, a été condamné à mort pour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Mais que ne ferait-on pas pour se débarrasser d'un meneur ! Joe Hill devint une figure mythique pour tous les folkleux américains. Un personnage peut-être plus grand que sa légende. Un combattant.

 

Si vous voulez vous en assurer, écouter The preacher and the Slave écrit par Joe Hill et chanté par Harry McClintock, le rôle des églises mis à nu comme jamais. Dans une très courte interview introductive Harry raconte comment il a connu Joe Hill. Membre des IWW et l'auteur de Big Rock Candy Mountain ici reprise par le Gommard.

 

Sam Johnson interprete pratiquement a cappella We done Quit, une chanson de mineurs qui se mettent en grève, très beau. Emotionnant.

 

The popular Wobbly chanté par Schutz & Kik, moitié ballade cow-boy avec yoddel de rigueur plus un harmonica très blues. Un mariage de la carpe et du lapin, drôlement heureux. Par contre le gars qui se fait arrêter dans la chanson se retrouve beaucoup moins chanceux.

 

Nous terminerons avec l'hymne antimilitariste de Millard Lampell & Josh White. Ressemble à une scie leur Billy Boy, mais au niveau des paroles c'est une tronçonneuse qui tranche dans le vif de l'idéologie mortifère du capital.

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Une anthologie de combat à posséder. Ca tire vers le folk, ça caresse de très loin le country, mais l'ossature en est le blues. Très belle porte d'entrée pour le Gommard.

 

 

Damie Chad.

 

 

PS : écrit cet été. Au moment de lancer sur KR'TNT je trouve sur le Net, sur le site Indymediaparis, l'article suivant :

 

 

RENCONTRE PUBLIQUVEC UN CAMARADE AMERICAIN DES IWW

 

 

Samedi 6 octobre ( 2012 ), une rencontre publique était organisée avec Erik Forman, un camarade américain membre des IWW (Industrial Workers of the World - organisation syndicaliste révolutionnaire à caractère international), à l’initiative de SUD Commerces et Services ile-de-France , du scial-RP CNT, des CSR et d’Autre Futur.

 

Employé de la chaîne de cafés Starbucks dans une grande ville du Midwest, notre camarade Erik effectue une tournée en Europe et en Afrique du Nord, à la rencontre des syndicalistes révolutionnaires pour échanger des expériences et nouer les indispensables contacts entre travailleurs confrontés à la même exploitation capitaliste.

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A l’intention d’un public varié, pas toujours au fait de la réalité sociale et économique américaine, Erik a commencé par nous dresser un rapide tableau de la situation des travailleurs aux États-Unis. Soulignant l’écroulement du « rêve américain », qui aurait trouvé son plus grand accomplissement entre la fin de la Deuxième guerre mondiale et le début des années 70, il signale d’emblée que ce fameux « rêve » tenait déjà du mythe tant il laissait de côté une partie importante de la population, notamment les Afro-Américains et les travailleurs immigrés. Cela dit, pour une fraction notable de la classe ouvrière, cette période s’est traduite par une incontestable élévation du niveau de vie et par une certaine participation aux « fruits de la croissance » comme disent les économistes bourgeois. Cette période voyait aussi les syndicats institutionnels participer pleinement au jeu capitaliste, fût-ce en s’opposant parfois au patronat pour défendre la part du salaire dans la répartition de la plus-value. Mais dès le début des années 70, avec le premier choc pétrolier et ensuite avec les restructurations du capital connues sous le nom d’ultra-libéralisme ou de mondialisation, les conditions du rapport entre travail et capital se sont modifiées. D’une part l’emploi industriel a reculé au profit des services, et d’autre part le patronat ne s’est plus senti tenu de répartir les bénéfices de façon un peu moins inégalitaire. Au début des années 90, les IWW, qui avaient pratiquement disparu de la scène syndicale sous les coups de la répression étatique et patronale, renaissaient de leurs cendres, notamment dans le secteur des services.

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Erik nous a ainsi décrit les conditions de travail dans le café Starbucks d’un des plus grands centres commerciaux du monde, le Mall of America de Minneapolis. Cet homme encore jeune fait l’amer constat que si les bâtiments du Mall, constamment entretenus, semblent connaître une éternelle jeunesse, soulignée par l’incessant renouvellement des marchandises, les travailleurs, eux, vieillissent prématurément du fait des cadences infernales, de l’épuisement consécutif aux tâches ingrates et répétitives, alors même que les patrons attendent toujours de leurs employés le sourire commercial de rigueur. Dans le secteur de la restauration rapide, nous explique-t-il, les salaires varient de 7,25 à 9 voire plus rarement 10 dollars de l’heure. La couverture maladie est soit inexistante soit insuffisante, le sous-emploi chronique, le harcèlement et les licenciements monnaie courante. … / … pour la suite allez-voir vous-mêmes sur Indymediaparis à la date du 7 octobre 2012

 

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Comme quoi, rien n'est jamais perdu...

 

 

 

URGENT CA PRESSE !

 

 

VINTAGE GUITARE N° 9.

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Octobre-Décembre 2012.

 

 

Savent attirer le rocker chez Vintage. Après Bo Diddley, Eddie Cochran, et Elvis Presley, voici Chuck Berry en couverture. A l'intérieur en prime l'on trouve Roy Orbison et sa ES-335, une Gibson Semi-Solid, un nouveau guitar-concept arrivé sur notre planète en 1958, chez Gibson. Vous n'avez pas fini l'article que déjà vous êtes triste, encore trois mois à attendre pour la deuxième partie de l'article. Espérons qu'ils changeront la teinte, non pas celle des guitares mais du fond des pages impaires car un caractère pas très foncé sur une ardoise anthracite soutenue, ça rappelle un peu trop le gris éléphant avec ses défenses d'y voir.

 

 

Vous n'aurez pas le même problème avec la collection des jazzmasters de Ron O' Keefe, nuances bleues et nuages rouges les guitares se détachent à la perfection sur leur arrière-plan auburn, ici tout n'est que jeu d'observation, elles se ressemblent toutes, à quelques détails près. Un régal des yeux.

 

 

Ne faut jamais croire les copains. Tous ceux qui sont passés par Montluçon m'ont dressé des portraits désastreux de la cité du cardinal, une ville où il n'y aurait strictement rien à voir. N'ont pas dû pousser les portes du Musée des Musiques Populaires, z'ont pas que de vieilles vielles à roue, ont aussi tout un département guitare électrique avec amplis et collections de disques. Une destination à ne pas rater lors de vos prochaines vacances.

 

 

Savais qu'ils fabriquaient des motos, des ordinateurs et des écrans TV, mais j'ignorais qu'en plus dès les années 60 ils s'étaient mis aux guitares. Japonais, peuple industrieux ! Du coup chez Vintage Guitar ils vous montrent photos à l'appui comment vous pouvez leur refaire une beauté. Si vous avez une âme de bricolo du dimanche, ne vous gênez pas, vous acquerrez une japonaise – non ce n'est pas un encouragement à la traite des jaunes – pour deux cents euros, ensuite c'est à vous de nous montrer ce que vous savez faire.

 

 

En tout cas chez Vintage Guitar, ils vous en mettent plein la vue, je ne parle pas des doubles pages consacrées aux modèles de rêve – elles auraient plutôt tendance à vous rendre jaloux – mais de la somme d'articles qu'il vous reste encore à lire : une monographie sur Les Martin OM, un récapitulatif grunge, un topo sur les Harmony in the UK ( avec les Stones et les Small Faces ), les questions-réponses des lecteurs et les petites actualités...

 

 

Quand on lit Vintage Guitar, l'on se dit que la mer des guitares n'est pas encore près de s'assécher. Chaque fois que vous tournez la page c'est l'horizon de vos connaissances qui recule et s'agrandit. La revue de Marc Seguret ne nous déçoit pas. C'est que le rédac-chef n'est pas une moitié de caisse claire. Même les amerloques le connaissent ( ça vous interloque ? ), a été professeur de guitare à l'Université de Memphis. S'y entend un tout petit peu, et sait surtout faire partager sa passion et sa curiosité

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GUITAR PART. N° 217.

 

Avril 20012.

 

 

Ce qu'il y a de bien avec Vintage Guitar, c'est que lorsque vous avez fini il reste encore une deuxième revue à lire. Offerte gratuitement ! Cette fois-ci, Guitar Part qui sonne résolument français. Un pionnier du rock hexagonal qui fête ses cinquante ans de carrière, Dick Rivers qui parle de Big Jim Sullivan. L'alter ego de Jimmy Page dans les studios londoniens avant que ce dernier ne forme Led Zeppelin. Big Jim Sullivan qui vient de décéder au tout début de ce mois, le deux exactement. Big Jim Sullivan qui se trouvait sur le même vol que Gene Vincent - pratiquement quarante et un an jour pour jour – vers les States où le Screamin Kid devait rendre l'âme, le douze octobre 1971...

 

 

Grande interview de Nono le guitariste de Trust. Retour sur quarante ans de carrière, le Golf ( Drouot, celui qui assure ) où ado il va voir jouer Variations, le premier electric french groupe, la formation en 1977 de Trust, la saga antisociale, la séparation en 85, la première guitare de Johnny durant sept ans, les reformations de Trust, les premières parties de AC/DC, d'Iron Maiden, d'Iggy Pop... bref une vie de rocker bien remplie, sur laquelle beaucoup ont craché... le grand problème du rock français c'est que le public n'est jamais au rendez-vous au bon moment pour pousser en avant...

 

 

De même Gojira à qui les américains s'intéressent davantage que le showbiz de par chez nous, en retard de tros ou quatre guerres... La deuxième partie de la revue est consacrée au nouveau matos mis sur le marché... plus des partoches pour jouer dans le style rock que vous désirez... si vous êtes dubitatifs vous visionnez le CD de démonstration qui va avec. Vaut peut-être mieux relire l'histoire de Black Sabbath racontée par Tony Iommi, un groupe de classe internationale. Normal, ils n'étaient pas français !

 

 

Damie Chad.