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11/04/2013

KR'TNT ! ¤ 139. / HISTOIRE DU ROCKABILLY / MAX DéCHARNé

 

KR'TNT ! ¤ 139

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

15 / 04 / 2013

 

 

WILD WILD PARTY

 

 

LA GLORIEUSE HISTOIRE

 

DU

 

ROCKABILLY

 

 

D'ELVIS AUX CRAMPS

 

 

MAX DECHARNE

 

 

( RIVAGE ROUGE / Février 2013 )

 

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A Rocket In My Pocket, telle est l'appellation anglaise originale. L'on a préféré un titre plus explicite pour le public français qui n'est pas censé réchauffer ses longues soirées d'hiver en dansant le rock'n'roll acrobatique sur le I Got A Rocket In My Pocket de Jimmy Lloyd. Pour la petite histoire c'est à ce même Jimmy Lloyd que les Ghost Highway ont emprunté leur reprise de When The Rio De Rosa Flows, il n'y a pas de doute nous nous trouvons en terrain connu.

 

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Remarquons qu'avec ce volume consacré au rockabilly la collection Rivage Rouge qui en est à sa seizième parution apporte un complément de poids aux deux précédents opus de Peter Guralnick Feel Like Going Home, Légendes Du Blues & Pionniers Du Rock et Lost Highway, Sur Les Routes Du Rockabilly, Du Blues & De La Country Music respectivement chroniqués dans nos livraisons 32 et 37 du 23 / 12 /10 et du 27 / 01 /11.

 

 

Tout un programme se démarque aussi du titre choisi par Max Décharné – avec un tel patronyme doit y avoir de l'ascendance française parmi les ancêtres – A Rocket In My Pocket fut aussi un des tous premiers rockabilly adoptés et adaptés par les Cramps. Certains se détournent et froncent des sourcils. A peine admettent-ils les Stray Cats, alors vous pensez les Cramps, ces adeptes d'un psyckobilly déjanté, vaudrait mieux ne pas en parler.

 

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MAX DéCHARNé

 

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Oui mais voilà Max Décharné n'a pas de ces préventions. L'a déboulé tout jeune dans la musique au début des années soixante-dix. L'a suivi les deux chemins. Celui de son temps et celui perdu du rock'n'roll que nous nommerons classique. S'est débrouillé comme il a pu dans sa ville de Portmouth, entre les pubs télés sur les compilations rock bon marché qui lui ont donné accès à Gene Vincent et à Wanda Jackson – une façon d'attraper le chat par la queue et de ne plus jamais le lâcher – les bandes de Teddy Boys pas toujours sympathiques et compréhensives, les feuilletons Happy Days, une inlassable curiosité pour les origines du rock... et la musique de son époque, le punk qui bouscule tout sur son passage.

 

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Max Décharné sera d'entrée dans les marges, et officiera dans la mouvance punk-garage, d'abord en tant que batteur avec les Gallon Drunk, puis en tant que chanteur en 1991, et dès 1994 avec son propre groupe les Flaming Stars. Pour situer quelque peu le courant musical il fut l'ami de Spider Tracy des Pogues. Rappelons que Shane MacGowan le leader des Pogues officia d'abord chez les Nipple Erectors, groupe punk qui dès 1978 greffera le punk de surgeons rockabilly... Tout ce qui entre fait ventre, serait-on tenté de dire. Derrière ce melting pot musical l'on retrouve le présentateur de radio John Peel qui durant quatre décennies sur Radio London puis sur Radio One se dépensa sans compter pour pousser sur le devant des ondes toute la musique qu'il aimait, du Punk au Death Metal en passant par toutes les déclinaisons marginales ou pop possibles. De David Bowie aux Sex Pistols, beaucoup lui doivent leur carrière. Comme par hasard le dernier passage en direct live sur l'antenne d'un groupe qu'il ait enregistré lors de de ses célèbres John Peel Sessions furent les Flaming Stars de Max Décharné...

 

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Lorsqu'il ne chante pas Max Décharné écrit. S'intéresse à ce que l'on pourrait appeler les cultures populaires. D'abord comme journaliste chez Mojo – une version française de ce mensuel rock tente de se faire une place en France depuis quelques mois – et Bizarre magazine qui s'intéresse à diverses cultures alternatives notamment aux pratiques sexuelles dites on ne sait pourquoi minoritaires. Mais il a aussi commis quelques livres d'imagination ou d'investigation dont le plus célèbre, très remarqué in the UK, Straight From The Fridge, A Dictionary Slang Hipster est consacré à l'argot londonien. Et bien sûr ce Rocket In My Pocket sur le Rockabilly qui nous interpelle particulièrement.

 

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RESTONS FRANCAIS !

 

 

Le terme rockabilly est arrivé en France au début des années 80, s'est imposé petit à petit pour finir par désigner au début de notre siècle ce mouvement de retour vers les pionniers et tout ce qui avait accompagné et précédé cette vague musicale aux Etats-Unis. Jusqu'alors l'on ne se posait pas trop de problème, Eddie Cochran était un chanteur de rock'n'roll, des formations aussi diverses que les Rolling Stones, Led Zeppelin ou Emerson Lake et Palmer étaient englobées sous l'étiquette attrape-tout rock'n'roll, jusqu'à Gene Vincent qui dans une interview radio vous rangeait sans état d'âme Otis Redding parmi les artistes de rock'n'roll.

 

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C'est au milieu des années 70 que l'on a commencé à y voir plus clair : en même temps qu'arrivait dans les bacs des magasins spécialisés des grandes villes de province la déferlante punk, le rayon des pionniers, jusque là maigrelet, a commencé à prendre des proportions inquiétantes : pour la première fois l'on pouvait tenir entre nos doigts hagards des galettes aux noms mythiques d'Al Ferrier ou de Charlie Feathers, et miracle incroyable, des dizaines de compilations desquelles on ne connaissait à notre grande honte que un ou deux noms et parfois, je l'avoue à mon immense confusion, saturées d'illustres inconnus.

 

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En 1986, Michel Rose a tenté de mettre de l'ordre dans tout cela en sortant son indispensable Encyclopédie de la Country et du Rockabilly. Fut le premier de par chez nous qui réussit à définir d'une manière assez précise des termes comme Hillbilly ou Western Swing dont les contours restaient pour la majorité des amateurs baignés d'une brume mythique mais imprécise.

 

 

A ROCKET IN MY POCKET

 

 

L'ouvrage de Max Décharné a toutes les chances de devenir dans les mois qui viennent le complément indispensable à l'Encyclopédie de Michel Rose. L'Angleterre reste une nation bien plus rock que la France, la proximité culturelle et économique avec les USA a donné accès aux loyaux sujets de Sa Majesté Britannique à une masse de documents sonores et écrits sans commune mesure avec ceux qui nous sont longtemps parvenus au compte-goutte. Dans Rocket In My Pocket Max Décharné se livre à une analyse de fond du phénomène Rockabilly.

 

 

HONNEUR AU ROI ET AUX MANANTS

 

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Rien de plus facile que de définir le rockabilly. Les tables de la loi sont gravées pour l'éternité dans la cire des cinq singles d'Elvis Presley paru chez Sun entre 1954 et 1955. En peu de mots tout est dit. L'on peut rajouter un strapontin pour Sam Phillips, Scotty More, Bill Black et même D. J. Fontana. Mais comme tout grand créateur Elvis n'a rien inventé ex-nihilo, a simplement mis en place, un peu hasard et beaucoup par nécessité instinctive, de multiples éléments épars qui n'attendaient que la main qui les réunît.

 

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Tout vient des péquenauds, des gars des collines, simples garçons de ferme à ne pas confondre avec les cow-boys des westerns. Entre l'image de soi-même que d'autres projettent sur des écrans et la réalité de votre salopette de travail, il y a comme un hiatus. Tout le monde n'accède pas au statut de Jesse James. Ce qui ne vous interdit pas d'être fier de vous, d'avoir le sang chaud, d'aimer l'alcool, les filles et la danse le samedi soir. Un petit côté rebelle, et une mentalité de campagnard attaché pour les plus veinards aux dix hectares familiaux avec le même sens aigu de la propriété qu'un possesseur d'hacienda.

 

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Les hillbillies n'ont pas bonne réputation. Beaucoup de formations country n'aiment guère les voir débouler dans leurs prestations. Le public est versatile, une bagarre qui éclate entre deux jeunes coqs et hop l'attention se détourne des musiciens. Mais il y a déjà une image, un embryon de mythologie et dès les années 1925 beaucoup de formations commencent à glisser le mot hillbilly dans les titres comme dans leur dénomination. Les maisons de disques poussent à la roue, elles ne ratent jamais les niches écologiques d'implantation économique. Le profit n'a pas d'odeur, y décèlerait-on des fragrances de crottin, de bouse et de sueur.

 

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Maintenant faut être clair. Ce n'est pas avec des chansons d'amour romantiques et de douces mélodies sirupeuses que vous allez satisfaire ce public un peu remuant. Faut que ça bouge un peu. Ni une ni deux, le musicien country s'en va piquer tout naturellement– l'on dit emprunter mais une fois prêté c'est comme si c'était donné - leur science du rythme aux pianistes noirs qui sont en train d'inventer le boogie woogie. Avec ce bémol, s'il est facile d'installer à domicile un piano dans le salon d'entrée d'un bordel, l'est plus difficile de courir les bals de campagne avec cet instrument sur le dos. C'est la mandoline ou la guitare qui ne pèsent rien qui seront chargées de marquer le rythme dans les formations country. Remarquons qu'à la même époque les chanteurs itinérants de blues font le même choix, ne se déplacent pas à toute vitesse de juke joint en juke joint sur leur piano à roulettes, marchent à pied la guitare sur le dos.

 

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Des noms commencent à se faire entendre. A la radio. Au début le phénomène nuit gravement à l'industrie phonographique. Les States ne sont pas encore rentrés dans le cycle d'une large consommation de masse, pourquoi payer le disque que l'on vous passe gratuitement sur les ondes ? Ce sont les mêmes artistes que l'on vous donne comme les grands fondateurs de la Country music, Jimmie Rodgers, le cheminot qui discute aussi avec les employés noirs de la compagnie, la Carter Family, le modèle majorité silencieuse de l'establishment blanc américain, Hank Williams, déjà borderline, la première rock'n'roll star avant l'invention du rock'n'roll, que l'on retrouve comme premiers ancêtres du rockabilly.

 

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Lorsque l'on aura dit que Johnny Cash se mariera avec June Carter, la plus belle rejetonne de la célèbre family, l'on comprendra pourquoi le plus grand artiste de la country music du vingtième siècle s'est retrouvé dans le même bateau qu'Elvis le rocker, chez Sun. N'étaient pas en train d'inventer le rock'n'roll – Bill Haley l'avait déjà fait en tournant autour d'une pendule - étaient en train, avec quelques autres, de poser les bases du rockabilly.

 

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CASES NOIRES / CASES BLANCHES

 

 

Faut pas croire que les noirs se sont laissés voler le boogie woogie sans rien dire. Z'ont repris l'oeuf qu'on leur avait dérobé et ont même emporté la paille qui l'entourait. L'ont choyé et n'ont pas tardé à faire sortir de l'ogive blanche un poussin aux ailes noires qu'ils se sont empêchés de baptiser Hillbily Boogie.

 

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Rien ne se vole, tout se transforme. A la tête de ses Texas Player, Bob Wills dans les années quarante louche d'un peu trop près sur les orchestres noirs de jazz, très vite son hillbilly s'accélère et se transforme en Hillbilly Swing que l'on qualifiera bientôt de Westernn Swing. Ce sont les groupes de Western Swing qui introduisent la contrebasse qui deviendra, jusqu'à nos jours encore, l'oriflamme congénital des combos de rockabilly.

 

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Très symboliquement certains prétendent que le passage du rockabilly au rock'n'roll est consommé quand Elvis quitte Sun pour RCA ou quand Gene Vincent en tournée avec les Blue Caps décidera d'abandonner la doublebass par trop encombrante pour une simple basse électrique qui se range plus aisément dans un coffre de voiture...

 

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Tout seul dans son coin Bill Monroe en 1946, s'en va inventer le Blue Grass. Il reprend le hillbilly noir très sautillant, mais le blanchit en mettant en avant les instruments traditionnels du folklore d'origine européenne, mandoline et violon – il manie les deux en virtuose sans égal - avec aussi cette arrière-pensée délétère : non au black hillbilly, colorons ce noir que nous ne saurions voir en bleu herbu du Kentucky...

 

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Sur son premier single Elvis adaptera Blue Moon of Kentucky de Bill Monroe mais son chant erratique n'est pas sans évoquer les plaintes des esclaves dans les champs de coton. Comme pour enfoncer le clou idéologique la face une, That's All Right Mama, est directement emprunté au répertoire d'Arthur Big Boy Crudup, blues man noir.

 

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Pour compléter la donne nous rajouterons qu'au tout début des années cinquante les artistes country comme Merle Travis et Tennessee Ernie Ford augmentent la dose de boogie dans leur country qui en devient plus appuyé, plus balancé. Les racines du rockabilly sont nombreuses. Elvis n'a pas tout inventé en un claquement de main, mais une chose est sûre c'est que déjà à dix-huit ans il avait beaucoup écouté et entendu et connaissait tout cela sur le bout des doigts. Ne lui restait plus qu'à réussir la synthèse.

 

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Elvis surprend tout le monde. C'est un ovni qui tombe de nulle part même s'il provient de partout à la fois. L'on cherchera un terme pour définir son nouveau style-étincelle qui met le feu à toute la plaine. Ce n'est pas le terme de rockabilly qui s'imposera de prime abord, les journalistes forgeront en un premier temps l'expression Western Bop...

 

 

SOLEIL COUCHANT

 

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Lorsque l'on étudie le catalogue Sun l'on ne peut être qu'effrayé. C'est comme les cafards. L'en sort de partout. D'où viennent-ils ? D'où sortent-ils ? L'éclosion d'Elvis dès 1954 libère la boîte à Pandore du rockabilly. Si par malheur l'on connaît un peu l'histoire de Sun, l'on se rend compte qu'il faut multiplier le chiffre par dix. Chaque chanteur, chaque musicien, chaque compositeur, est à lui tout seul l'arbre qui cache une forêt d'amis et de prétendants... Pas étonnant que Sam Phillips se laisse arracher si facilement Presley. L'interprète de Milkcow Blues est une vache à lait mais encore faut-il avoir les capacités de l'exploiter à un niveau national. Sun n'est qu'une petite compagnie régionale qui ne dispose ni des structures ni du personnel, ni des liquidités nécessaires.

 

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Phillips possède un fameux vivier à sa disposition. Elira d'abord Carl Perkins. L'on peut faire la fine bouche. Ce rustaud n'a pas la grâce de l'Hillbilly Cat. Les beaux garçons entraînent les filles aux concerts, leurs cris hystériques attirent les journalistes et les gamines savent faire les yeux doux à leur papa chéri pour qu'il se fende d'un billet à chaque sortie d'un nouveau 45 tours. Oui mais Carl Perkins possède d'autres atouts moins visibles mais qui peuvent rapporter autant et sinon plus de royalties. L'écrit ses propres morceaux, si vous montez une société d'édition par derrière vous pouvez récolter pas mal de fric... Même s'il s'avère que la star n'aspire pas trop de monde dans ses concerts, ce n'est pas très grave, vous lui confiez un crayon et un bureau et il continuera à pondre des titres pour les nouveaux poulains de l'entreprise. En plus un gars comme Carl est capable de mener des sessions d'enregistrement pour les copains...

 

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Les projets de Sam Phillips ne se concrétiseront pas. Un terrible accident de voiture coupe l'essor de la future carrière de Carl Perkins. Ne s'en relèvera physiquement que pour tomber sous la sévère dépendance de l'alcool. Carl ne remplacera pas le jeune premier de la classe. Restera l'éternel second, le Poulidor du rockabilly, the man behind Johnny Cash comme on se plaira à le dénommer. Ce coup de Trafalgar n'obère pas le moral de Sam Phillips. Peut-être même s'intègre-t-il à merveille dans ses plans secrets. Parfois le hasard fait bien les choses. Possède un sacré as de pique dans sa manche, le vieux Sam. A y réfléchir Elvis était trop gentil, trop poli, trop honnête. Le côté du paysous débarqué dans la grande ville qui essaie de ne pas trop se faire remarquer et qui sourit avec grâce et qui répond d'une manière des plus courtoises chaque fois qu'un journaliste lui pose une question. Un hillbilly cat endimanché en cherchant bien, son apparence ne correspond pas à l'image furibarde du rocker que véhicule sa musique. Tandis que l'ostrogoth là, le fou furieux, le crazy dingue qui déglingue son piano à tout bout de champ, en voici un capable de rendre les foules folles. S'appelle Jerry Lee Lewis.

 

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L'a du flair Sam Phillips. Sa bombe à retardement explose tout de suite. Ses singles atteignent le million d'exemplaires en un tour de main, ses shows sont des tornades épileptiques. Alors que le Colonel Parker couve son petit garçon sage en lui interdisant de sortir des frontières, Jerry Lee se prépare à devenir une star internationale. Les anglais feront exploser la fusée en pleine ascension. Ceux qui ne connaitraient pas l'histoire se rapporteront à notre précédente livraison 134 du 07 / 03 / 12.

 

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L'impact fut très dur pour la carrière de notre bien aimé Jerry Lou, mais j'ai surtout l'impression qu'elle a surtout démoli le moral de Sam Philips. L'on ne trouve pas un Jerry Lee Lewis chaque matin en se levant. C'est à partir de ce moment-là que Sam Phillips se désinvestit de l'aventure Sun. Peut faire semblant d'y croire encore, mais j'ai l'intime conviction qu'il n'y croit plus dès 1958. Quand en 1969 il vendra Sun à Shelby Singleton il y a déjà longtemps qu'il s'est désinvesti de l'aventure.

 

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L'EXPLOSION ROCKABILLY

 

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Le terme est ambigu. Peut désigner l'éternelle puissance irradiante de l'atome, sert aussi à exprimer l'idée d'éparpillement. Dès 1956, Sun n'est plus seul, RCA possède Elvis, Capitol déniche Gene Vincent, Liberty signe Eddie Cochran, Decca et sa filière Coral offrent deux contrats à Buddy Holly... Mais les majors ne sauront pas se débrouiller avec le rockabilly. Ces chanteurs nitroglycérines sont capables de faire sauter les institutions, l'on va s'employer à limiter leurs effets les plus nocifs, RCA poussera Elvis à tourner des films, Capitol se désintéressera de Vincent, Liberty tient Cochran au chaud en vue d'une évolution de carrière presleysienne, et Holly semble de lui-même se tourner vers des morceaux de moindre âpreté. L'on cache les moules originaux mais l'on recrée des flopées de clones aseptisés : Bobby Darin, Fabian, Dion... plus de cats, des minets aux griffes rognées.

 

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Depuis cinquante ans on tresse des couronnes de laurier à Sam Phillips, the man who Elvis Presley, the man who Carl Perkins, the man who Jerry Lee Lewis, the man who Johnny Cash, mais le même qui refusera Johnny Burnette et ne fera que peu de cas de Charlie Feathers que la plupart des connaisseurs classent au niveau du chant à égalité avec Elvis the Pelvis. Sun n'est plus la grande pourvoyeuse du rêve. Avoir enregistré chez Sun restera dans tous les esprits comme un certificat inaltérable d'authenticité rockabilly mais guère plus. J'ajouterai, mais c'est-là un avis personnel qui se discute – que la montée en puissance de Jack Clement comme producteur dans les années qui suivent n'est pas étrangère au déclin du label. Le cas typique du bon élève qui ne réussit pas ses examens.

 

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Faute de grives, l'on mange du merle. A Memphis lorsque l'on est déçu de Sun l'on atterrit chez Bihari. Lester de son prénom, l'est lesté d'un petit label qui s'appelle Meteor, c'est sur lui que se rabattra Charlie Feathers. Chacun dans son coin essaie de touver chaussure à son pied et micro à sa bouche. Sonny Fisher et Sleepy Labeef sur Starday, Eddie Bond dont Roll Call vient de nous apprendre la triste nouvelle de son décès ce triste 16 mars 2013 chez Mercury, Ronnie Self chez Columbia, mais nous sommes encore sur des labels prestigieux avec des artistes qui ont réussi à mener une carrière – souvent entrecoupée de grands vides mais dont le nom a réussi à surnager plus ou moins sereinement jusqu'à aujourd'hui.

 

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Mais ce n'est que la partie émergée au-dessus de l'océan de l'oubli de l'îlot rockabilly. Ne faut pas hésiter à plonger et à explorer les abysses. Dessous c'est tout un volumineux massif montagneux qui se cache. Ils sont des milliers qui descendent de leur collines éloignées ou qui s'échappent des quartiers populaires des villes. N'ont qu'un seul but, qu'une seule idée. Enregistrer ! Savent bien que personne ne les attend. Qu'à part leur grand-mère peu de gens se feront enterrer avec leur disque dans leur cercueil, mais ce n'est pas important, ils veulent de laisser une trace, si incertaine, si improbable soit-elle.

 

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Les labels éclosent comme des primevères au printemps. Leurs locaux ne sont guère plus vaste que la boîte postale qui affiche leur raison sociale. Un magnéto, un salon, une vieille grange, n'importe où pourvu que ça marche et qu'il y ait une prise électrique. Pas question d'overdubs et de multiples répétitions, l'on enregistre en direct live. Les techniciens ne sont pas au courant du dernier cri des nouveaux matériels, mais les musiciens et le chanteur suppléent par leur énergie à tous les manques. C'est ainsi que le rockabilly trouve son style, l'urgence. L'on chante comme si l'on n'avait plus que quinze minutes à vivre, l'on cogne sur les cordes comme si l'instrument allait s'auto-détruire dans les trois minutes suivantes.

 

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Une heure de sa vie dans laquelle il faut tout donner. L'occasion ne se représentera pas. Demain l'on se retrouvera au boulot à entasser des briques, a scier des planches, à distribuer de l'essence. Des occupations de merde dans laquelle vous vous engloutirez tout entier, sans que rien de vous ne dépasse. Alors l'on se hisse au plus haut de sa rage adulescente et l'on se surpasse. Au mieux on tirera à deux mille exemplaires. Avec un peu de chance vous deviendrez la gloire du patelin ou du pâté de maison. Pouvez crever heureux, vous avez toqué à la porte de l'Olympe et vous avez fait quelques pas dans le hall of fame.

 

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Aujourd'hui aux States les collectionneurs – beaucoup viennent d'Europe - sillonnent les brocantes ou fouillent les greniers des stations de radio qui se débarrassent des milliers de singles qui encombrent les locaux. Les érudits complètent des listes à rallonges. Chercheurs d'or qui recherchent la pépite perdue, le graal inconnu... Le pire c'est qu'il n'y a pas que les inconnus qui ont enregistré, maintes gloires – maintenant éteintes – de la country musique, à l'âge où le ventre commence à bedonner et les jambes à flageoler ont-elles aussi été touchées par le virus rockabilly. Même si on lorgnait vers la consécration Grand Ole Opry l'on n'hésite à s'enregistrer en douce un petit simple de rockab crémeux à souhait. C'est que l'on a de la bouteille et du métier et l'on montre à ces petits jeunes de quoi les vieux tontons sont capables. Pas trop fort, l'on cache la perle sur la dernière plage de la face B d'un trente-trois tours, parfois – ni vu ni connu, attention à ne pas déstabiliser le public – l'on prend un nom d'emprunt. Téméraires mais pas courageux !

 

 

Le rockabilly s'insinue partout, dans les émissions de radio, à la télévision, comme dans les films. Max Décharné décrit avec précision le fonctionnement des stations. Pécuniairement l'on vit sur les annonces publicitaires mais les micros sont ouverts à tout le monde. Même les gamins qui ont appris une chanson peuvent venir la débiter en direct. Ca fait plaisir aux parents et aux amis, mais les chercheurs de talents – les fameux talent-scouts – ont toujours une oreille dressée ver ce genre d'émission. Un gamin ça grandit, une voix mûrit avec l'âge, l'on ne compte pas les ados qui reviennent quelques années plus tard pousser leurs chansonnettes. Une multitude d'appelés mais un nombre infinitésimal d'élus. Toutefois le principe a du bon. Faut bien être meilleur que les concurrents potentiels. L'on s'applique et l'on travaille, insensiblement le niveau s'élève. Une des raisons de la suprématie de la musique populaire américaine réside en ce maillage de radio-crochets en perpétuels renouvellements sur l'ensemble du territoire. Le rockabilly n'est pas né du néant.

 

 

MORT ET RENAISSANCE

 

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En 1959, les institutions ont bien travaillé. Le rockabilly n'a pas été avalé par le système. L'a bien essayé, mais il a dû le recracher. Trop indigeste. Mais entre temps il avait eu le temps de fabriquer des ersatz de remplacement. Les deux derniers empêcheurs de tourner en rond Vincent et Cochran se sont exilés en Europe en attendant des jours meilleurs. Qui reviendront mais trop tard pour eux, ils seront morts avant. Quant aux derniers trappeurs qui résistent dans les collines comme Hasil Adkins, peuvent s'époumoner tant qu'ils veulent, sont si loin des médias que personne ne les entend.

 

 

Lorsque la vague anglaise se lève les premiers rockers ne sont pas convoqués à la distribution des médailles. Les Beatles ne se vantent pas de leur provenance et les Rolling Stones qui ne jurent que par le blues soulèvent une tempête de gémissements scandalisés «  Ces pauvres chanteurs noirs qui ont été pillés par les vilains rocker blancs ! ». Mauvaise passe...

 

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C'est l'Hillbilly Cat de service qui remet le service dès 1967 avec ses reprises de Big Boss Man et de Guitar Man. En 1968, dans son accoutrement de cuir noir – mi-Gene Vincent, mi-Vince Taylor, le King boute le feu aux poudres. Comme dira Eddy Mitchell quand il consentira enfin à surfer sur la vague revival : «  Tu sais il m'arrive des choses drôles / Les gens oublient puis redécouvrent le rock'n'roll ». En 1969, le festival de Toronto éveille bien des consciences aux Etats-Unis où Singleton qui vient de racheter Sun entreprend un travail de fond de réédition du catalogue.

 

 

Mais c'est d'Europe que viendra le réveil définitif, en Angleterre le festival de Wembley catalyse le mouvement Teddy qui sort de sa léthargie et entame une phase de conquête musicale avec des groupes comme les Flyin' Saucers et Crazy Cavan La France ne sera pas absente, la plupart des rescapés américains des fifties viennent donner des concerts à Paris. Des pointures comme Scotty Moore sont tout heureuses de s'apercevoir que leurs noms et leurs rôles et leurs oeuvres sont connues par un public fervent...

 

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Fin seventies, début eighties des groupes naissent un peu partout en Europe : Angleterre, France – notamment les TeenKats avec Zio à la basse, le même qui officie de nos jours dans Ghost Highway – Pays-Bas, Allemagne, Scandinavie... Le mouvement ne cesse de s'étendre en Hongrie, en Corée, au Japon, et juste retour des choses aux Etats-Unis qui essaient de reconquérir leur leadership.

 

 

Nous en causons assez dans nos livraisons pour ne pas nous répéter. Clin d'oeil de l'histoire dans un des derniers chapitres de son livre Max Décharné nous parle de son plaisir au printemps de 1981 d'avoir pu rencontrer les Stargazers... le même groupe dont nous avons rendu compte d'un concert dans notre cent quinzième livraison du 25 / 12 / 2012...

 

 

PUNKABILLY

 

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Un cat retombe toujours sur ses pattes. Max Décharné ne manque pas de trouver de nombreuses analogies entre le surgissement rockabilly originel et la naissance du punk. Deux mouvements de révolte et de rébellion qui explosent à vingt années de distance en des circonstances historiques totalement différentes : à l'orée du déploiement heureux d'années économiquement fastes en le monde occidental pour le rockabilly, au commencement d'une crise économique sans précédent en Europe pour le punk.

 

 

On peut décrire les deux phénomènes d'une manière différente, l'explosion rockabilly se produit dans les moments où le capitalisme triomphant se prépare à étendre sous sa forme impérialiste son talon de fer sur l'ensemble de la planète. Le déchaînement punk survient en ces instants où le libéralisme économique s'apprête à projeter sa domination financière sur l'ensemble du monde. Certes le rockabilly peut être entrevu comme l'expression festive d'une libération de jeunes gens qui se révoltent contre les lois restrictives d'une société patriarcales sexuellement coincée et qui pensent bénéficier de l'expansion industrielle sans précédent, et le punk tout au contraire comme l'expression d'une colère désespérée d'une jeunesse qui prend conscience de la noirceur de son avenir.

 

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Dans les deux cas nous avons affaire à une même crispation de révolte de jeunes – moins consciente chez les rockabilly fans, davantage politiquement réfléchie chez les punks – qui s'aperçoivent que la sauce à laquelle ils seront mangés lorsqu'ils rentreront dans le monde aliénant de l'exploitation - consommation sur leur épaule gauche, travail sur leur épaule droite - ne peut sur le long terme les satisfaire. Les deux mouvements sont porteurs d'une même essence proto-révolutionnaire.

 

 

Cette gémellité se retrouvera musicalement symbolisé par la naissance du punkabilly initiée par les Cramps aux Etats-Unis et largement plébiscitée en Europe. Le livre de Max Décharné ouvre des perspectives d'analyse séminales capables de faire progresser bien des consciences. Nous le recommandons vivement.

 

 

Dernière cerise sur le gâteau, un index des noms propres en fin de bouquin ce qui est la moindre des attentions, mais un deuxième index alphabétique qui recouvre tous les titres des morceaux cités. La Bible inespérée des amateurs de rockab.

 

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Mais les anglais ont eu plus de chance que nous : la sortie du livre a été accompagnée d'un disque chez Ace Records, même titre, A Rocket In My Pocket, et une pochette qui reprend l'imagerie de la couverture du livre, avec bien sûr à l'intérieur une solide compilation de pépites rockabilly...

 

 

Damie Chad.

 

 

 

VINTAGE GUITAR N° 11.

 

Avril-juin 2013.

 

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Le nouveau Vintage est arrivé. Johnny Cash en couverture. Un super argument de vente. Pas gratuit puisque il tient entre ses mains une Martin, une D 28, non ce n'est pas une locomotive en modèle réduit, mais la mère de toutes les Dreadnougths – c'est ainsi que les anglophones nommaient les cuirassés – comprendre une grosse guitare acoustique avec une bonne puissance de feu sonore. Question formes, si vous vous êtes un adepte des hanches échancrées vous risquez d'être déçu. Un peu dodue la demoiselle. Si vous voulez en savoir plus et que vous êtes fauché, lisez l'article et n'embêtez pas le peuple.

 

 

Par contre si vos économies sont substantielles, allez vous en payer une chez Chicago Music Exchange. Un peu loin, Illinois, dans la métropole du blues électrique, mais l'accueil est de qualité, mur de Les Paul, mur de Rickenbaker, box d'essayage, canapés de cuir et boissons chaudes, que du vintage authentique, de la rareté, de la pièce unique fabriquée pour Jimmy Hendrix... Le rêve à portée de la main, mais pas de tous les portefeuilles, le patron a des dents de requins, sait vendre sa camelote, mais je le sens mal, quand je pense que quand j'étais mineau l'on pouvait gagner des guitares électriques dans les baraques de loterie des fêtes foraines. M'inspiraient davantage confiance...

 

 

Rock Aroud The Clock, titre alléchant. Hélas ce n'est qu'un marchand de montres. De luxe, je vous rassure tout de suite, Place Vendôme, pour situer le chacal. Nous parle de sa collection de guitares. Vous savez, moi les richards qui collectionnent les guitares j'ai un peu l'impression qu'ils investissent sur la montée des prix. Préfère encore un petit jeune qui se déniche une Dan Electro à deux cents cinquante euros...

 

 

Et quand je lis l'édito de Christian Séguret qui renchérit sur l'incompréhension dont sont victimes les gros collectionneurs de guitares, je deviens comme le philosophe. Je ne me demande pas si l'oeuf sort de la poule ou l'inverse, mais si c'est la guitare qui fait le rocker ou le rocker qui fait la guitare.

 

 

J'ai l'impression qu'avec ce numéro Vintage Guitare a franchi la fine frontière qui délimite la passion fric de la passion guitare.


 

 

GUITAR PART. N° 223.

 

Octobre 2012.

 

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Dans la même poche plastique que Vintage Guitar. Offert avec le CD de démonstration. Les deux titres appartiennent au même consortium Groupe Express Roularta, l'on file un ancien numéro gratis, avec un peu de chance vous achèterez le numéro payant du mois en cours dans les kiosques. Sont pour la récupération des déchets. Ils transforment les invendus en pub. C'est que dans le groupe ils s'y entendent en économie, sont propriétaires de L'Expansion, de Mieux Vivre Votre Argent, de L'entreprise et de L'Express et de tout un tas d'autres revues, notamment musicales. C'est ce que l'on appelle une gamme de produits, piano, guitares, batterie, tapent même dans le classique.

 

 

Pas de chance ce mois-ci ils interviewent les blaireaux de Kiss ( beaucoup de bruit pour rien ) et de Muse ( qui ne m'inspire pas ). Attention, je ne dis pas que tous les numéros sont nuls, qu'ils ne sont pas faits par des amateurs éclairés. Voudrais pas gâcher votre lecture. Juste réfléchir sur les notions de dépendance et d'autonomie...

 

 

Damie Chad.

 

 

 

04/04/2013

KR'TNT ! ¤ 138. HOT CHICKENS / CENT CONTES ROCK /DARREL HIGHAM

 

KR'TNT ! ¤ 138

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

04 / 04 / 2013

 

 

HOT CHIKENS / 100 CONTES ROCK / DARREL HIGHAM

 

 

 

SALLE DES FÊTES / 30 – 03 - 13 / COURGIVAUX

 

 

HOT CHICKENS

 

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INTRO A LA MANIERE DE

 

PATRICK CAZENGLER

 

( voir article suivant )

 

 

Trois jours que j'arpente les rues de Séoul. Une par une, des quartiers les plus rupins aux zones les plus sordides. De mignonnettes asiatics girls m'adressent de charmants sourires mais je n'y prends garde, tout entier dévoué à ma mission : ramener pour nos lecteurs une photo de la statue équestre de Gene Vincent que les coréens n'auront pas manqué de dresser à notre idole nationale qui s'en est venue croiser dans leurs eaux territoriales sur un ravitailleur de la flotte américaine, en des temps troublés... Je dois déchanter. Je confirme l'ingratitude des peuples. Même pas une petite plaque discrète apposée sur un mur.

 

 

Tant pis, un rocker ne se laissant jamais abattre, je rentre dans ce qui me semble être un service de restauration rapide et passe commande : «  Hot Dog ! » - ce sont les seuls mots de coréen que je connaisse – et soupire d'aise lorsque une gentille hôtesse vient m'apporter un sandwich aussi large qu'une valise. Mais qu'elle est cette patte noire et velue qui dépasse de la tranche de pain ? Horreur ! celle de ma petite Salsa, ma chienne chérie, que selon leurs coutumes de mangeurs de chairs canines ces barbares se sont empressés de faire cuire. La colère me monte au nez, tel un ouragan engloutisseur de jonques sur la mer de Chine je saute dans la cuisine, m'empare d'un hachoir acéré et pris d'une fureur vengeresse - entonnant l'hymne rockabilly approprié pour la circonstance, le fameux No More Hot Dogs d'Hasil Adkins - je décapite sans faillir l'ensemble du personnel et de la clientèle de l'établissement.

 

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Les têtes volent de tous les côtés et roulent sous les tables, mon perfecto est rouge de sang ce qui ne fait qu'accroître ma rage inextinguible, le téléphone sonne, je décroche : «  Allo, no more Hot Dogs ! » La voix calme et posée de Mister B résonne à l'autre bout du monde «  Non pas les Hot Dogs, mais les Hot Chickens ! Ce soir à Courgivaux ! » J'ouvre les yeux, Salsa dort béatement sur le canapé à côté de moi. Je respire, ce n'était qu'un cauchemar. Les coréens doivent bien avoir élevé une statue équestre à Gene Vincent, du coup je me mets à siffloter la célèbre marche du poulet, the Chicken Walk, toujours d'Hasil Adkins.

 

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ROAD TO COURGIVAUX

 

 

Avec Mister B, l'on déplie la mappemonde, un bled paumé qui se doit trouver quelque part entre la pampa argentine et les contreforts du Kurdistan, maugréons-nous. Pas du tout, comme le pastis, ça baigne dans le cinquante-un et, incroyable mais vrai, à vingt-quatre kilomètres de Provins. Les philosophes ont raison, l'on cherche le bonheur au bout du monde alors qu'il est tout près de chez nous. Du coup nous inventons le célèbre adage «  A Courgivaux j'y vais et j'y cours ! » que la commune ferait bien de graver en lettres d'or sur le fronton de la mairie... Courgivaux, c'est comme le Sahara, avec des maisons et de l'herbe, mais pas âme qui vive dans les rues après huit heures du soir. Ah ! la quiétude de la France profonde ! La teuf-teuf mobile se range toute seule en bout de file, trois motos et quatre voitures alignées sur le même trottoir, ce doit être ici.

 

 

BALEINE ET SIRENES

 

 

Nous sommes parmi les premiers arrivants, mais notre exemple sut être contagieux. Ca ne cessera pas d'affluer de toute la soirée. Exceptionnelle, puisqu'il s'agit de fêter l'anniversaire de Baleine le président des bikers de Courbouvin. Club de bikers hyper sympas et accueillants, qui ont invité les Hot Chickens pour apporter une note musicale aux festivités. En plus le bar est stratégiquement située avant la salle de concert ! Les Dieux du rock sont avec nous.

 

 

Je suis curieux de voir les Hot Chikens, une formation mythique du french rockabilly, formée en 1999, un millier de concerts dans la soute et une solide réputation de groupe de scène. Parfois les Hot Chikens s'évadent d'eux mêmes et réapparaissent sous une autre forme. Ainsi avais-je pu admirer Jake Calypso – un country rockabilly classique mais super bien envoyé à Disney, le lecteur se rapportera à notre cent-neuvième livraison du 13 / 09 / 2012, que j'avais beaucoup apprécié. Par contre la démonstration d'Hervé Loison sous le nom de Wild Boogie Combo lors du cinquième Rockers Kulture ( cf N° 130 du 02 / 02 / 2013 )m'avait paru oiseuse et surfaite.

 

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Les Hot Chickens en salopette et survêt sont en train de régler la sono. Nous avons droit à deux départs de Say Mama qui nous laissent sur notre faim. Les Hot Chikens aussi car après cela ils descendent de scène et s'installent carrément sur une table abondamment servie à cet usage... Prennent leur temps, ô combien d'hectolitres de bière furent englouties en cette longue attente ! Entrée gratuite, mais ne vous inquiétez pas, l'orga a dû rentrer dans ses frais. Ce qui n'est que justice.

 

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Pendant ce temps ça discute dans tous les coins. Au milieu aussi. Nous itou, avec Thierry Credaro venu en voisin qui nous met l'eau à la bouche en nous parlant de son prochain projet d'enregistrement... N'ayant reçu aucune expresse autorisation je n'en divulguerai pas un mot de plus. Ni de la future production des Ghost Highway, une tuerie sur laquelle Mister B apporte des informations ultra-secrètes... Si vous voulez en savoir plus, l'on fait comme d'habitude, tout dépendra de vos chèques.

 

 

WILD SET

 

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Mais les aiguilles ont tourné sur la pendule du rock'n'roll et les Hot Chickens entrent en scène. Hervé Loison dans un blouson bleu qu'il enlèvera très vite pour se retrouver en tunique cramoisie, Thierry Sellier, derrière sa batterie arbore une chemise western avec broderie sur les pectoraux et Christophe Gillet – aucun gilet sur lui, très strict en tenue noire. Réglons tout de suite le cas de ce dernier. Un guitariste hors-pair. Un maestro. Avec un tel compère à vos côtés vous pouvez être sûr de vous. Vous suit dans vos moindres désirs et si par hasard vous étiez en manque d'inspiration ou un peu perdu, ne vous inquiétez pas, en bon sherpa il vous ramènera sur le bon chemin tout en vous précédant. Ses doigts qui courent sur le manche vous filent le tournis. Attentif comme pas un à ses camarades, et vous passe des accords par dizaines comme si c'était d'une facilité enfantine. Ne joue pas non plus sur un vulgaire bout de bois mais sur une Gretsch 1954 blanche et noire, un outil ronronnant pour bien entendant.

 

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L'a intérêt à assurer parce que sur sa droite Hervé Loison laisse en lui le naturel sauvage de l'homme pré-civilisationnel reprendre le dessus au triple galop. Me disais qu'il devait être un musicien sentimental qui préfère rafistoler sa contrebasse avec de larges bandes de scotch noir plutôt que de s'en séparer. Erreur sous toute la ligne. Pas le genre à la caresser langoureusement pour lui témoigner son amour. Serait plutôt dans le rapport sado-sado. La projette en l'air, la jette à terre, s'y couche dessus, la bourre de coups de poing, lui marche sur le manche sans préavis, tire ses cordes comme un forcené. Aucun respect pour l'outil de jubilation qui le fait vivre. Je plains sa maman. Déjà tout petit il devait être un brise-fer. Avez-vous déjà vu une brute torturer un micro ? Vous l'étire comme un élastique, vous le rapetisse à grands coups de patates, le fait voler à coups de doube-bass, en tord la tête dans tous les sens et en rejette le pied sur les panards du public. L'invraisemblable c'est que malgré ces longues séries de sévices répétés le pauvre microphone continue à fonctionner, comme si de rien n'était.

 

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Je vous prie de m'excuser, j'ai oublié de mettre le son. Car Hervé Loison ne se contente pas d'être le premier contrebassiste que je rencontre qui milite à mort contre l'existence de sa basse. En plus il chante. Non Loison n'est pas comme l'oiseau qui pépie perché sur sa ligne mélodique. Mais vraiment pas du tout. Il crie, il hurle, il rugit, il imite le bruit des voitures, il yodèle à tort de travers comme un Hank Williams ou un Jimmie Rodgers qui ne sauraient plus s'arrêter, il siffle comme Eddie Cochran mais un peu n'importe quand et à tout bout de chant, et autre citation cochranesque il s'amuse à imiter la grosse voix des comiques américains.

 

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Vous comprenez maintenant tout ce que j'ai dit sur Christophe Gillet. C'est que quand Loison se lance dans un morceau, nul sur terre ne peut savoir comment ça va se continuer. A chaque fois, c'est l'aventure, amateurs de coups tordus et de fourbes bifurcations, vous touchez le nirvana du chaos. Le plus terrible c'est qu'ils s'en sortent à chaque fois sans dommage. Retombent sur leurs pieds à la fin du morceau mais après un minimum de douze sauts périlleux. Même que parfois l'on dirait que ça énerve un peu Hervé de s'en tirer systématiquement sain et sauf. Peut-être est-ce la faute de Thierry Sellier qui, l'air débonnaire du gars qui a tout vu, tout vécu, vous arrive toujours à temps sur les contretemps quoi qu'il survienne d'imprévu, quoi que le second membre de la team rythmique entreprenne. Alors Loison en profite pour poser le sommet de son crâne sur la scène, se colle le dos sur la grosse caisse, lève les jambes et vous réalise un poirier impeccable. En profite pour tirer la langue et même pour souffler dans son harmonica.

 

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Harmonica pas caca d'ailleurs car il a du souffle et sa contrebasse rejetée d'un grand coup de pied-je-m'en-foutiste vers les coulisses, le sieur Loison vous balance des stridences à la Sonny Boy Williamson, le Un et le Deux réunis. Un phénomène de foire, pas si éloigné que cela des medecine shows du début du siècle – pas le nôtre, le précédent. Très rock'n'roll, mais en grattant un peu l'on n'est pas loin des improvisations des premiers chanteurs de blues. Qui faisaient durer les morceaux, ajustaient les paroles à l'arrache sur des canevas éculés, mélangeaient sans états d'âme les lignes de guitare, mais vous captivaient l'auditoire durant des heures. Ainsi entre les deux sets l'on s'est amusé à remettre en ordre le salmigondis des classiques du rock passés à la moulinette de la dé-construction. Inutile de dire que sans une seule clope allumée, les Hot Chikens font un tabac.

 

 

DEUXIEME SET

 

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Plus court, plus calme. Moins rockabilly, la contrebasse est abandonnée à terre comme un vieux cercueil de bois abîmé jeté aux orties. Hervé Loison est à la gratte. Ambiance sixties. Surfin Rock. Duel amical de guitares. Christophe Gillet apporte la preuve de son incroyable dextérité. En plus ils ne sont pas bons que sur les morceaux rapides, nous servent un slow-rock qui arrache une bordée d'applaudissement à la salle. Parfois la difficulté se cache là où on ne l'attend pas. Hervé Loison demande une chaise. L'on tremble, l'on imagine un flip-flap arrière les yeux bandés au-dessus de la contrebasse enflammée. Mais non, il fait comme tout le monde et se contente de s'asseoir. Deux quarts d'heure de blues avec le pied qui bat la mesure et l'harmonica qui vous déchire les tripes. Ensuite ce sera quelques country à la Jake Calypso, manière de reprendre souffle. Car le set se termine sur la promesse d'une troisième partie tumultueuse.

 

 

SURPRISE !

 

 

Que se passe-t-il la lumière ne se rallume pas ! Un groupe informel de rockers et Sirènes se livre à une mystérieuse opération autour d'une table au milieu de la salle. L'on allume des bougies, non ce n'est pas une panne d'électricité mais un énorme gâteau d'anniversaire pour les soixante chandelles de Baleine. Viendra les souffler sans faillir et en plus il a les bras remplis de bouteilles de champagne. Par Toutatis, les bikers de Courbouvin savent vivre. Pour le fraisier chers lecteurs, je m'excuse mais j'ai mangé votre part. Miam ! Miam !

 

 

TROISIEME SET

 

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Sen souviendra longtemps de son anniversaire Baleine. Les Hot Chikens ont sorti le grand jeu. Deux ou trois morceaux rapidement emmenés et le final. Whole Lotta Shakin' Goin' On de Jerry Lee Lewis. Public mis à contribution, Eric est sommé de se charger de la contrebasse. L'est déjà monté sur le premier set et il s'en est tiré comme un chef, puis c'est autour des Sirènes de venir s'exhiber dans l'aquarium de la scène. Ca n'a pas l'air de les rebuter, pendant que Loison débite les couplets à cent kilomètres à l'heure nous avons droit à des chevauchements de contrebasse très suggestifs.

 

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Mais voilà que la folie du berseker nordique s'empare d'Hervé, du haut de l'estrade il se jette dans la foule qui le réceptionne sur le bout des doigts et le ramène sur la scène, où illico il se saisit d'une Dan Electro et commence à la frapper sur le sol. Vole en éclats. Mais ce n'est que le début, maintenant il s'attaque au corps délabré d'une vieille contrebasse qu'il fracasse et démantibule à grands coups de manche de Dan Electro. Un instant de folie partagée par tout le monde. Distribution des morceaux de carcasse à tous les fétichistes, le set sur se termine sur un dernier Whole Lotta Baby Shake, Shake, Shake It To Me ! D'apothéose.

 

 

FIN

 

 

L'on a du mal à se séparer. On reste encore à discuter. Les musicos doivent apposer leurs signatures sur les bleus débris victimaires de la double-basse offerte en holocauste. Hervé Loison est très entouré. Répond avec simplicité et gentillesse. Ne se prend pas aux sérieux. Vit le rock comme un exutoire, en apprécie et en accentue l'aspect fun bordel. C'est sûr que pour des puristes – mais je n'en fais pas parti - l'on était plus près d'Asil Hadkins et des Cramps que de Johnny Horton. Ce qui n'est pas pour déplaire vu les réactions chaleureuses du public. Les Hot Chikens diffusent un rock festif et joyeux. A mon goût personnel, il me manque un peu de tension existentielle, mais cette soirée restera mémorable. Risque même de devenir légendaire dans la chaude saga des Hot Chickens.

 

 

Damie Chad.

 

 

P. S. : pour Asil Hadkins, vous reparlerai un de ces jours du bonhomme.

 

 

 

CENT CONTES ROCK

 

VOLUME # 1

 

 

PATRICK CAZENGLER

 

 

( camion blanc / Août 2011 )

 

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ETATS D'ÂME 1

 

 

Faut pas me la faire. Comme tout un chacun j'ai deux ou trois trucs auxquels je tiens. D'habitude je suis un mec tranquille à vivre. Mais prêt à sortir le fusil de chasse à canon scié dès que vous mettez le pied sur mes platebandes ultimes ou sacrée. Il est des choses qu'il vaut mieux ne pas toucher. Un peu comme ces imbéciles qui s'arrêtent pour caresser du regard la moto d'un Hell's Angel sans avoir pris la précaution le matin en se levant de se commander un cercueil capitonné. Perso, la mécanique je m'en tape un peu. Pouvez venir vous agenouiller devant ma teuf-teuf mobile et vous prendre à côté en photo avec, si ça vous chante.

 

 

Non, moi ce qui me chatouille grave c'est les gars qui de près ou de loin commencent à tourner tel un vol lourd de vautours sur mes plaines intérieures aux alentours de Villiers de L'Isle-Adam et d'Edgar Poe. Alors, l'année dernière quand je suis rentré de vacances et que je me suis rencardé sur le site de Camion Blanc – l'éditeur qui véhicule le rock – pour voir les parutions estivales, j'ai tiqué méchant.

 

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Soyons franc, les cinq premières secondes je n'ai pas réagi. J'ai cru – mais dans la vie il ne faut jamais croire, il faut savoir – qu'il s'agissait du bouquin publié quelques mois auparavant Les Nouvelles du Rock, le résultat du premier concours ouvert aux lecteurs qui avaient envie de jouer à l'écrivain. Chacun a le droit de rêver après tout. Mais non, ce n'était pas du tout un tremplin rock réservé aux amateurs ( voire aux apprentis sorciers ) d'écritures gothiques. C'était bien un gus tout seul qui s'appelait Cazengler Patrick, qui s'adjugeait le droit outrecuidant de publier des contes, tels Edgar Poe et Villiers de L'Isle Adam.

 

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Il y avait deux trucs qui m'énervaient profondément. Premièrement le chiffre Cent et deuxièmement la mention Volume 1. Ca sentait la combine et ça puait l'arnaque. Cent contes, mais il se prenait pour qui ce Cazengler à dézinguer, murmurai-je en ouvrant ma boîte à chevrotines. S'imagine qu'on va gober le dinosaure, et pourquoi pas les mille et une nuits aussi tant qu'il y est ! L'a dû péniblement torcher une vingtaine d'historiettes et il nous en promet la suite dans les volumes deux à cinq qui ne viendront jamais.

 

 

ETATS D'ÂME 2

 

 

Au bout de quelques jours j'ai levé le pied. Devait se terrer dans un trou à rat le Cazengler, j'ai regardé partout, mais ne l'ai pas trouvé. J'ai posé le tromblon sur le siège de la teuf-teuf mobile au cas où. Mais rien ne s'est présenté. Mais comme rien n'est plus vicieux qu'un rocker tous les soirs avant de me coucher je suis allé faire un tour sur le site de Camion Blanc – l'éditeur qui véhiculait ma haine – un vieux truc de pistard, si le gibier est passé par ici, il repassera par là, un de ces jours. La grande patience du chasseur de primes. A part que moi, je rase gratis.

 

 

L'adage n'a pas menti. L'a montré son oreille le 23 novembre suivant. Pas exactement là où je l'attendais. Mais c'était bien lui. Patrick Cazengler. Pas à se tromper, le blaireau sortait de son terrier. Ca m'en a toutefois bouché un coin, l'était pas seul mais en compagnie de Mik Farren et de Gene Vincent. Jugez du peu ! Fraye pas qu'avec des cloches de plongée. J'étais un peu chamboulé, un gars qui traduit un livre sur Gene Vincent ne peut, selon le code pointilleux du rocker, être tout à fait mauvais. Doit y avoir au moins un pour cent de bon dans son cerveau ravagé par les termites à fromage.

 

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En plus, faut reconnaître que le Cazengler se dépatouillait plutôt bien, du style, une plume alerte et incisive. Le kr'tntreader se rapportera à notre cent-vingt-deuxième livraison du 13 / 12 /12 pour s'assurer de tout le bien que j'en dis. Tout comme Rodrigue partagé entre l'honneur de son père et l'amour de Chimène j'étais écartelé entre ma dévotion pour Edgar Poe et ma fascination pour Gene Vincent. Tel Alexandre devant les imbroglios du noeud gordien je décidai de trancher dans le vif et de tirer l'affaire au clair en me procurant le bouquin incriminé. Pour ne pas dire criminel.

 

 

ETAT D'ÂME 3

 

 

Sourire du libraire. J'ai votre commande. Et patatrac, tout à trac il me tend un colis aussi lourd que l'Empire State Building. Un pavé. Que dis-je, une barricade de Mai 68 sur le boulevard Saint-Michel. Et la jeune vendeuse blonde et bouclée qui en rajoute : « Oh! Monsieur Damie Chad, la couverture l'on dirait une bouteille Jack Daniels, mais de cinq litres au moins ! ». Je ne vous parle pas de son sourire complice du genre «  Chez vous on ne doit pas téter que du petit lait, Monsieur Damie Chad ! ». Mais je m'égare.

 

 

Arrivé dans la teuf-teuf mobile, avant de démarrer, je vérifie, 817 pages au total, et cent contes soigneusement rangés côte à côte comme des boîtes de petits pois sur une étagère. J'ai même l'étrange impression que le Cazengler se moque de ma poire, dans le genre les bons contes font les bons amis, car l'en a rajouté un cent-unième tout au bout... Imbécile que j'ai été, j'aurais évité de barjoter si seulement j'avais eu la précaution de zieuter le nombre de folios, ils l'indiquent toujours à côté du prix, chez Camion Blanc – l'éditeur qui véhicule mon dépit.

 

 

Mais à la réflexion je me rassérène de coeur : après tout n'importe quel crétin peut écrire cent contes à dormir debout aussi insipides que le Code Civil. Suis certain que je vais me plonger dans les eaux glacées d'une Bérézina littéraire. Ce Cazengler l'a intérêt à assurer. Les premiers instants me donnent raison. Le bouquin ne tient pas en place. Illisible. Trop mastoc. J'ai beau essayé à moi tout seul – deux fois plus dur qu'à deux - les soixante quinze poses du kamasutra sur le divan, le livre s'échappe toujours de mes mains. A peine ouvert qu'il se referme, je finis comme un moine bénédictin sagement assis sur une chaise les coudes sur la table de la cuisine. Pas très rock'n'roll, tout cela Mister Cazengler.

 

 

IMAGES

 

 

Première surprise, c'est rempli d'images. Nous prendrait-on pour des enfants sages ? Une par conte. Pleine page. Ligne claire et symphonie de gris. Des mises en scènes. Moi qui ne suis point spécialement physionomiste, je reconnais la plupart des artistes représentés. Des ressemblances qui cherchent davantage à vous arracher un sourire complice qu'à caricaturer. Me met en chasse du nom de l'illustrateur, le copyright est crédité à Patrick Cazengler. Possède au moins deux cordes à sa guitare. Ce n'est pas encore les cinq de l'open tuning mais ça s'y rapproche. Le cas Zengler est peut-être plus costaud qu'il n'y paraîtrait.

 

 

Pour ma part j'aurais utilisé des gravures sur bois avec des noirs sombres comme la mort et des blancs fantomatiques. J'aurais négocié avec l'éditeur quelques taches taches de rouges hémoglobine pour traduire la noirceur sanglante du rock'n'roll phantasmatique qui corrode les circuits malades de mon esprit sulfureux. Mais trêve de bavardages narcissique, plongeons-nous dans le texte !

 

 

CENT CONTES ROCK

 

 

Dès les premiers contes l'on comprend que le ton employé est à l'image des illustrations. Les corbeaux d'Edgar Poe et Villiers de L'Isle Adan s'envolent de mes épaules à la fin de la quatrième histoire pour aller jeter leurs sortilèges et croasser leurs noirs blasphèmes aux ombres des siècles épars dans le futur, un peu plus loin. N'ont rien à faire sur ces rivages heureux. Patrick Cazengler est plus près du rire moqueur d'Aristophane que des drames fatalistes d'Eschyle. J'avoue que quelque part ( mais où exactement ? ) je suis soulagé. Voici un gentleman qui ne tente pas de rivaliser avec les maîtres de l'interrègne de l'Abominable.

 

 

Je pige tout de suite le pourquoi de la couverture. A peine en avez-vous bu une gorgée au goulot de ce sky mirifique que vous ressentez le désir immédiat de vous en jeter une autre rasade derrière les amygdales. Coule comme de l'eau de source, mais c'est bien du feu liquide que vous avalez. Au bout de trente pages vous ne vous rendez conte de plus rien. Vous surfez sur la crête d'une vague qui grossit de plus en plus et qui vous emporte de plus en plus vite. Euphorique. Suis complètement saoul, aussi gris que les dessins, et encore plus noir que la couverture.

 

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Mais ce n'est pas tout. Faut que je renseigne tout de même les lecteurs et il est temps de mettre un peu d'ordre dans mes idées. C'est que Patrick Cazengler est fâché avec la chronologie passe du coq au canard sans prévenir : de Screaming Lord Sutch au Captain Beefheart, de Procol Harum à Third World War – choix judicieux, je possède le premier trente-trois – traverse allègrement l'Atlantique – un coup en Amérique, un coup chez les Tommies – rarement la Manche – le rock français ne l'inspire guère à part Ronnie Bird et Les Cowboys from Outerspace – tiens, quelqu'un qui a pris la peine d'écouter nos Marseillais, jusqu'à lors je n'avais entendu parler d'eux que par Rock & Folk dans la misérabiliste section auto-production française, un truc encore plus bas de gamme que le Champagne de Bolivie ou le Camembert de Mauritanie.

 

 

UNE CONTRE-HISTOIRE DU ROCK'N'ROLL

 

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Vous n'êtes pas obligé d'être toujours d'accord avec lui. Moi, un mec qui prétend que le I'm Back And I'm Proud de Gene Vincent est raté et que les deux premiers trente-trois des Animals sont inutiles à la survie de l'Humanité, j'ai plutôt envie de lui décocher une fatwa rock'n'roll jusqu'à la soixante-dix-septième génération. Au dernier moment je ne l'ai pas fait. Ce n'est pas l'envie qui me manquait, mais c'est que ce Patrick Cazengler, il mérite le respect des rockers.

 

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En connaît un bout sur la question. Ne parle pas les oreilles vides. Sait de quoi qu'il cause. J'ai même appris deux ou trois bricoles. Et encore quand je dis ça, je suis modeste. M'en a carrément rempli un wagon. A même attisé mes regrets sur des mecs que j'ai toujours snobés comme cela, pour rien, par principe. C'est qu'il ne parle pas que du premier choix et des cadors qui débitent par millions d'exemplaires. Aurait même tendance à les éviter. Est plus attentif aux deuxièmes couteaux.

 

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C'est que voyez-vous les inconnus qui vous vendent trois cent mille trente centimètres du jour au lendemain, c'est comme le gros lot du loto, ça n'arrive qu'aux autres et aux producteurs, rarement aux petits gars du fin-fond de l'Arizona. Pour une histoire merveilleuse qui fait rêver, il y en a des milliers d'autres beaucoup plus ternes. Et puis il ne faut pas se faire d'illusion, la Jim Jones Revue ce n'est pas Bing Crosby. Il y a des musiques qui ne font pas l'unanimité, c'est le moins que l'on puisse dire. Et parmi celles-ci, le rock'n'roll n'est pas la zique des plus prisées par les foules sentimentales. Entendons-nous sur le mot rock'n'roll, je ne parle pas des merveilleuses sucreries pop à la Little Sister d'Elvis, une bonne tranche de pain d'épices au goûter n'a jamais fait de mal à personne, mais de la purée de pois au gros sel que vous envoie la guitare de Johnny Thunders par exemple...

 

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C'est que le rocker n'a d'autre cause perdue que le rock'n'roll. Qu'il se cache sous une banane impeccable ou derrière des cheveux longs crasseux, l'on retrouve toujours le même type d'individu. L'outlaw sans foi ni loi prêt à vous envoyer un riff en béton armé dans les dents dès que vous avez le dos tourné. Un teigneux qui ricane bêtement de vos chicots éparpillés sur le sol. J'admets que parfois vous pouvez commettre une erreur, ce jeune homme élégant si bien cravaté vous inspire confiance, ce n'est qu'un voyou qui trompe son monde. Un mod de la dernière mode que vous maudirez vite quand vous réaliserez son attirance trompeuse. Ne vous méprenez pas : entre le bling-bling bourgeois et le glam glam classieux, c'est toute la différence que vous retrouvez entre le style BC / BG à la parisienne coincée du fessier et l'esthétique C.B.G.B. new-yorkaise.

 

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Patrick Cazengler a choisi son camp. En bout de piste dans le désert, quand même les crotales ne se donnent plus la peine de tourner la tête lorsque vous leur marcher sur la queue, d'habitude pourtant très chatouilleuse. Bien sûr qu'il y a des stars qui passent, à la vitesse des étoiles filantes, mais juste avant qu'elles ne s'écrasent lamentablement au plus profond des abysses comme Brian Jones, ou alors comme Bob Dylan qui se met à causer du passé oublié de l'univers et de lointains espaces parcourus par des cow-boys solitaires et dangereux dont personne ne connaît le nom. Le rock par le petit bout de la lorgnette. Oui mais c'est une longue-vue de capitaine pirate et dès qu'un muchacho espagnol croise dans les parages l'on comprend vite que ça va canarder à coups de pièces de huit. C'est dans les vieilles pétoires que l'on fait parler les poudres noires les plus dévastatrices.

 

 

Patrick Cazengler a remisé la cadillac rose aux pare-chocs en or du rock'n'roll dans le garage. Longtemps qu'elle a perdu son lustre, mais démarre au demi-quart de tour dès qu'il s'agit de partir pour une virée improbable dans le territoire des derniers Mescaléros. Amplis sur le siège arrière, guitares et grosse caisses sur la banquette avant, et les copines à la chatte ouverte sur le toit brûlant. C'est ainsi que la vie devient excitante surtout si l'on y rajoute des smarties de toutes les couleurs dans les vide-poches, et de l'alcool de contrebande dans le réservoir.

 

 

Un véritable livre d'éducation pour notre saine jeunesse. Devrait être distribué dès l'entrée en sixième, à la place du dictionnaire. Tout ce qu'il ne faut pas dire aux adolescents sur la nocivité motrice du rock'n'roll est minutieusement décrit et restitué. En plus, pour ceux qui ne comprennent pas vite – je ne parle pas des cancres au fond près du radiateur, eux ils ont tout de suite pigé rien qu'en regardant la couverture - Cazengler a prévu en fin de bouquin une discographie pour chaque conte et quelques légendes pour les dessins. Difficile d'être plus précis.

 

 

L'ART ET LA MANIERE

 

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Mais je cause, je cause - la cause du rock'n'roll a tendance à me rendre lyrique – et vous aimeriez des précisions moins métaphoriques. Puisqu'il faut vous mettre les points sur le mi, je situerai la problématique esthétique entre Iggy Pop et Jeffrey Lee Pierce, salement électrique et haut voltage. Vais vous parler de ma soeur de sang. Jusqu'alors ce n'était qu'une copine sans plus, mais lorsque dans son appartement je suis rentré dans les cabinets, et que j'ai vu que les murs en étaient entièrement tapissés des billets des concerts de rock auxquels elle avait assisté, j'ai oublié la raison première de ma présence en ces lieux de glauques aisances et j'ai commencé à décrypter. La garce, la vérole, la chicaneuse, elle ne s'en vantait pas, mais elle avait vu Jeffrey Lee Pierce en live, à Paris, dans les années 80, et elle ne m'en avait rien dit ! Depuis elle s'est enfuie au Mexique mais je garde - bientôt dix ans - comme une relique précieuse dans ma salle à manger son canapé mauve qu'elle m'a laissé. Elle y a posé son cul dessus – on appelle cela un objet culte – elle qui a vu Jeffrey Lee Pierce. C'est cela le rock'n'roll. Evidemment si vous ne connaissez pas Jeffrey Lee Pierce, vous ne pouvez pas comprendre.

 

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Ne vous inquiétez pas Cazengler il connaît Jeffrey Lee Pierce, lui ! Et il l'évoque plutôt bien. A sa manière. Un peu désinvolte, un peu farceuse – en le sens où Edgar Poe affublait certains de ses contes de l'épithète « grotesque », ou alors comme la seconde partie de la dédicace de ses Contes Cruels de Villiers de L'Isle Adam à ses lecteurs , «  aux railleurs ». C'est qu'il est sûr que le rock déraille souvent.

 

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Ce n'est pas une histoire du rock qui se réfugie derrière l'exactitude scientifique des dates et des évènements rapportés par au moins douze témoins homologués. Cazengler Patrick nous épate par ses séquences guignolesques. Prend une anecdote, la tire un peu par les cheveux du rire, mais pour mieux cacher la blessure souvent profonde qu'il va nous révéler, la brosse très légèrement en caricature, exagère nettement pour la lotion capillaire finale, et c'est déjà fini. Passe pas de pommade. Vous laisse souvent le crâne à cru, car sous ses airs engageants et son sourire narquois, il scalpe beaucoup plus souvent qu'il ne peigne. Grotesque et cruel. Voici que les corbeaux du désespoir et du bizarre viennent se percher sur son buste pallide. Holà les volatiles, faudrait pas exagérer ! Nos malingres autruchons du malheur et du mal-être ne peuvent s'empêcher de rire aux éclats comme des augures romains dès que se croisent leurs regards.

 

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Et vous, vous êtes comme eux à vous gondoler comme une tôle goudronnée. Attention mine de rien ça taille, profond. Et puis il y en a partout. Un véritable feu d'artifice. Toutes les trois lignes, le Cazengler vous déniche une métaphore sémaphore de derrière les fagots, ce pourrait être vite redondant de se remettre cent fois sur l'ouvrage, mais non, il s'amuse comme un fou, virevolte sur les jeux de mots et rebondit sur les expressions à rebrousse-moustache. Extrême jubilation de l'idiome pour le vocable idoine. Un travail d'orfèvre. Un amoureux de la belle langue françoise. Du style à déguster à petites gorgées appréciatives. Fines nuances à discerner et capiteux arômes à savourer. Mais à avaler aussi à longues lampées. Autant pour les fines gueules que pour les grands gousiers.

 

 

Rock littéraire écrit par un fan transi. Faut lire les trois dernières pages autobiographiques cazenglériennes. Une histoire mille fois entendue. Les premiers disques des pionniers achetés, l'envolée sur le british beat et le délire punk, tout le monde connaît. Qu'il ait eu la chance – un vocable bateau pour conjurer la malédiction de l'âge - de prendre le train au départ ou de monter à la toute-dernière station du mois dernier, l'amateur ne s'y trompera pas : nous sommes en présence d'un livre profondément original – et par son projet, et par ses modalités d'écriture – un chef d'oeuvre - suis sûr que les anglais et les ricains n'ont pas été capables d'en pondre un du même acabit - qui à chaque page transpire d'authenticité rock. A lire d'urgence.

 

 

Damie Chad.

 

 

PS : C'est bien beau tout ça, mais le volume 2 c'est pour quand ? Faut que je retourne d'urgence à la librairie, moi.

 

PS 2 : mon conte préféré : le quarantième rugissant sur Johnny Cash.

 

 

DARREL HIGHAM

 

Comme vous êtes gentils, l'on vous offre un petit supplément extrait du LIVERPOOL ECHO du 29 mars 2013. Un article signé de JADE WRIGHT, vous ne la connaissez pas ? Nous non plus. Sûr qu'elle a du goût puisque le gars qu'elle interviewe est une grosse pointure de la guitare rockabilly actuel - vous possédez ses disques dans votre collection - j'ai nommé DARREL HIGHAM. Un grand merci à notre talentueux traducteur MISTER TOMER.

 

 

The Kat Men est composé du batteur des Stray Cats Slim Jim Phantom, du guitariste de Rockabilly Darrel Higham et du bassiste Al Gare. The Kat Men font la promesse d'apporter leur mixture de pop contemporaine au Eric's à Liverpool le vendredi 17 mai, je suis donc allée intercepter Darrel pour l'interview musique de l'ECHO de cette semaine.

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Parlez-nous de votre concert de Liverpool. À quoi peut-on s'attendre ?

 

J'espère à une soirée sympa de bon vieux rock'n'roll / rockabilly avec quelques surprises pour faire bonne mesure.

 

Quelle chanson avez-vous dans le tête aujourd'hui ?

 

Roy Hamilton – ''Crazy Feeling''.

 

Qu'écoutez-vous aujourd'hui ?

 

J'écoute des disques... la seule façon authentique d'écouter de la musique ! Il y a un obscur 45t de Tommy Lam sur ma platine, intitulé ''Speed Limit''.

 

Quel a été le premier album que vous avez acheté ?

 

Eddie Cochran – l'album ''The 15th Anniversary''

 

Quel musicien admirez-vous le plus ? Et pourquoi ?

 

Eddie Cochran. Il a été le meilleur chanteur / compositeur / guitariste / producteur de toute l'ère du rock'n'roll. C'est mon humble opinion. Et je veux encore être lui quand je serai grand.

 

Quels sont votre trois albums préférés de tous les temps ?

 

''Singin' To My Baby'' d'Eddie Cochran. ''Golden Records Vol. 1'' d'Elvis Presley et ''Greatest'' de Gene Vincent.

 

Parlez-nous d'un groupe génial dont nous n'aurions pas entendu parler...

 

Un groupe de Liverpool qui s'appelle Furious... Du vrai rock'n'roll de teddy boys. Nous les trouvons fantastiques.

 

Vous a-t-on déjà dit que vous ressembliez à quelqu'un de connu ?

 

Jamais

 

Si vous débarquiez dans un karaoké, que chanteriez-vous ?

 

''Somethin' Else'' d'Eddie Cochran. Je connais les paroles.

 

Quelle chanson voudriez-vous que l'on passe lors de votre enterrement ?

 

''Peace In The Valley'' d'Elvis Presley. Je veux que les gens pleurent, pas qu'ils rigolent !

 

Quel a été votre plus grand moment de solitude ?

 

Il y en a eu pas mal...

 

Quelle est la possession que vous chérissez le plus ?

 

Ce n'est pas vraiment une possession, mais ma fille de sept mois est tout pour moi. Et une photo dédicacée d'Eddie Cochran.

 

Vous êtes-vous déjà cherché sur Google ?

 

Je suis heureux de faire ce que j'ai envie de faire, donc je ne ressens pas le besoin de savoir si les gens apprécient ce que je fais ou pas.

 

Quelle est la chose la plus drôle vous concernant que vous ayez lue ou entendue ?

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Une critique d'un concert d'Imelda May qui parlait de son groupe comme d'une bande de teddy boys dans la quarantaine. Ce n'était pas vraiment drôle, c'était la vérité.

 

Thé ou café ?

 

Café.

 

Facebook ou Twitter ?

 

Je me moque de l'un comme de l'autre, pour être honnête.

 

John, Paul, George ou Ringo ?

 

Carl Perkins.

 

Liverpool ou Everton ?

 

Les deux clubs sont fantastiques !

 

Fermez les yeux. Si j'étais votre génie, quels seraient vos trois vœux ?

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J'aimerais que ma fille ait une longue et heureuse vie pleine de succès. J'aimerais jouer de la guitare comme Chet Atkins, s'il vous plait. Je pourrais avoir un Ford Zodiac décapotable modèle 1958, s'il te plait ? Le premier vœu me rendrait le plus heureux...

 

 

( Toutes les images ont été prises sur le net ou le facebook des artistes. Les photos des Hot Chickens ne correspondent pas au concert de Courgivaux. )