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18/04/2013

KR'TNT ! ¤ 140. / JALLIES / HOWLIN JAWS / WHACKS / LESTER BANGS

 

KR'TNT ! ¤ 140

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

 

18 / 04 / 2013

 

 

JALLIES / HOWLIN JAWS / WHACKS ! / LESTER BANGS

 

 

AUBERGE DU PRINTEMPS / GUERARD / 12 – 04 – 2013 /

 

 

THE JALLIES

 

 

Pensais que c'était un truc qui n'arrivait que dans les vieux films genre Le Prince des Vampires, vous savez cette scène d'ouverture dans laquelle le jeune et naïf héros demande à l'autochtone le chemin le plus court pour atteindre la résidence du Comte Dracula, et le pauvre paysan appuyé sur sa fourche change de couleur, passe du bleu de peur au vert de trouille, se teinte du rouge honteux de la trahison ( une séquence très difficile à jouer pour les acteurs du noir et blanc ), puis à mots couverts met notre innocent damoiseau en garde contre l'horreur indicible qui l'attend.

 

 

Suis seul dans la teuf-teuf mobile à Mourrou – une des dernières zones géographiques de la Seine & Marne non encore répertoriée dans l'Atlas Universel - et les six habitants envers qui je m'enquiers de la localisation de Guérard – les deux communes se jouxtent – pâlissent ( je le vois très bien puisqu'il fait déjà sombre ) et perdent contenance. En deux cents mètres j'ai droit à six directions différentes... Puisqu'apparemment tous les chemins mènent à Guérard je fonce droit devant au premier carrefour. La teuf-teuf cahote, il est vrai que ça ressemble à une piste saharienne, heureusement que je longe une rivière, au moins je ne mourrai pas de soif.

 

 

Je brûle, un panneau Guérard ! Je rectifie : je rentre en zone tiède parce que pour les dix carrefours suivants je ploufe, Ploum Des Biches La Saint Sabot, La Cabagnaud Ploum Bêche, je prends, ainsi en a décidé le destin aléatoire de la comptine enfantine, ce petit chemin vicinal ( goudronné en 1923 ) et, n'est-ce pas un exemple magnifique, une irréfutable preuve scientifique, du légendaire flair du rocker en quête de concert : au bout de dix kilomètres, je déboule dans la rue principale de Guérard.

 

 

Si je me lance en solitaire dans si lointaines et hasardeuses contrées, vous l'avez deviné ce n'est pas par pure charité philanthropique, je suis comme ces chevaliers de la Table Ronde à la recherche du graal, et ce soir l'insigne objet de ma passion est à portée de ma main, sis à l'Auberge du Printemps, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, j'ai nommé... les Jallies !

 

 

L'AUBERGE DU PRINTEMPS

 

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Une seule auberge mais elle a fait mon printemps. Même que la pluie s'est arrêtée de tomber lorsque j'ai poussé la porte. J'ai la main dans la poche sur mon cran d'arrêt, avec un nom comme cela qui fleure le film de karaté l'on ne se méfie jamais assez. Je respire, derrière le bar le patron n'est pas en habit de samouraï, pas de sabre à la main mais un franc sourire sur les lèvres, l'est en train de disposer tout le long du comptoir des bols de biscuits d'apéritifs presque aussi grands que des soupières, ici l'on ne lésine pas avec le bien-être du client.

 

 

Ce n'est pas la quarantaine d'attablés sur ma gauche qui mastiquent consciencieusement leur pitance qui me contrediront. A voir leur mine réjouie et à humer les effluves qui s'échappent de la cuisine, l'on devine que c'est bon. Je reste au bar, un rocker en mission ne mange jamais, par contre le règlement n'interdit pas de boire. Dans la deuxième salle j'entraperçois Céline des Jallies qui dévore à pleines dents.

 

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Le repas tire à sa fin, le dessert sera servi entre les deux sets, il est temps pour les Jaillies de se préparer et de revêtir leur vêture d'apparat. Elles font cela discrètement à l'abri des regards inquisiteurs. Mais ici se passe une scène délicate totalement indépendante de la volonté de votre blog-rock favori, si nous la rapportons c'est qu'elle ne sera pas sans conséquence sur le déroulé du concert. Les personnes sensibles peuvent s'abstenir de lire ce paragraphe en entier. Eloignez tout de même les enfants. Votre épouse aussi si vous la soupçonnez d'être d'humeur folâtre. Paulo a laissé tomber son pantalon. Déambule sans pudeur dans son bermuda vert pomme. Tonnerre d'applaudissements dans la salle, nous sommes en pays de connaisseurs.

 

 

Comme par hasard le bar s'est rempli. Alors que les dîneurs nous paraissent être des villageois entre deux âges, pas spécialement entichés de rock'n'roll, qui s'offrent une agréable soirée récréative mensuelle, il l'est rentré tout un public nettement plus rock, attitudes, accoutrements, conversations, tout les trahit, Séverine - c'est l'épouse ô combien charmante du patron – s'active à la pompe à bière.

 

 

THE JALLIES

 

 

Je vous avertis tout de suite, elles ont été mauvaises. Affreuses, atroces, à vomir. Je ne parle pas du concert, qui fut splendide mais de... N'anticipons pas. Les voici donc devant nous. Paulo lui essaie de se faire oublier comme il peut en se coinçant entre le mur et sa contrebasse. Et devant le trio de choc, belles, ravissantes, craquantes. A peine sont-elles sur scène que déjà elles ont conquis tous les coeurs. Vous les auriez vues que vous les auriez demandées en mariage, toutes les trois ensemble ( sinon rien ). Un bouquet de fleurs épanouies. Elles sourient et l'assistance devient euphorique.

 

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Vous dis pas quand elles commencent à chanter. En trois mesures elles emportent le morceau. Avoueront plus tard qu'elles manquent de répétitions, ça ne s'est pas senti. Fougue et swing, à l'arrache si elles veulent, mais quelle énergie, quelle vitalité, quelle joie ! Peut-être le meilleur concert que j'ai vu d'elles, et j'en ai chroniqué beaucoup et ils étaient tous bons. C'est la magie des Jallies, elles emballent tous les publics, des hordes de bikers fous aux citoyens landa, des rockers purs et durs à l'amateur de tout autre genre de musique. Elles ont le truc, le punch qui leur permet de jeter leur griffe sur tout ce qu'elles touchent et s'approprient.

 

 

En plus elles composent. Nous ont présenté de nouveaux morceaux qu'elles sont en train d'enregistrer. Un Swing des Hanches à vous faire installer une prothèse dans les deux mois qui suivent si vous parvenez à tenir le rythme. Il y a de tout dans ces titres mais ce qui en ressort avant tout c'est un son Jaillies, une manière d'entrecroiser les voix qui n'appartient qu'à elles. Jolies minois vous mettent en émoi mais grand talent est davantage étincelant. Vocalises jazz, je ne parle pas de ces ennuyeux exercices de style perfectionnistes qui ennuient tout le monde jusqu'à l'artiste qui donne l'impression de bailler dès qu'il ouvre la bouche, mais de cette flexibilité qui vous fait monter et redescendre les étages à la vitesse d'Eddie Cochran dans Twenty Flight Rock, du halètement à l'explosion, de la compression à la libération, pas un hasard si elles ont du Gene Vincent à leur répertoire, les coups de boutoir de Gallup et les reprises rythmiques des clapper boys. Sûrement pas du rockabilly originel, mais un original swingabilly dont elles sont en train de jeter les bases.

 

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De bleu et blanc vêtue, couleurs classiques, mais un corsage trop échancré pour un corps sage. Ady est comme la musique que j'aime, elle vient du blues, et elle y retourne dès qu'elle hurle dans le micro. Ne geint pas, ne se plaint pas, ça vient des tripes, colère rentrée d'un coup jetée et expectorée à la face du monde. Pas du tout l'esclave gémissante dans les champs de coton, mais la fureur de la guerrière libérée de ses chaînes qui assouvit sa vengeance.

 

 

Céline, ciel de sang dans sa robe amarante, beauté froide des amantes d'Edgar Poe, et braise de volcan à l'intérieur. S'amuse comme une folle avec un air de reine impassible. Intellectualise le monde pour mieux le mettre en désordre. Construit pour mieux détruire. Torche sans flamme qui allume tous les incendies. Elle détient les clés du scat qu'elle laisserait allègrement tomber dans les brisures du Dirigeable.

 

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Vaness, l'infante ultime, lutine et mutine, sourire de miel et voix de poivre. Fragilité d'angelot et demoiselle de fer. Voix rauque de rockeuse, douceur de biche apprivoisée et aboiements de chiennes d'Hécate celles qui mènent la chasse au carrefour de Robert Johnson. Candeur enfantine et tirs de barrage à la kalashnikov dès qu'elle entonne un refrain. Vous croyez qu'elle vous fait le coup du charme, en fait elle vous assassine.

 

 

Prenez les trois, la Guerrière, la Reine et l'Infante, mélangez et vous obtenez comme dirait Baudelaire la divinité diabolique de la Femme. Et je n'exagère pas. Je le répète ce soir elles ont été mauvaises. Pas par rapport à nous, les petites enjôleuses joyeuses, nous ont comblés. Mais le Julot, il en a pris pour son grade. Des méchantes, des perverses, des tarentules. Vaness a même proposé de l'abandonner au public sitôt la prestation terminée. Aux cris d'approbation jouissive de la gent féminine de l'assistance, j'ai pensé qu'il était en futur danger d'épuisement létal... Ca n'a pas eu l'air de lui déplaire. Avec ces trois harpies sur les bras, il est devenu stoïcien Julio, supporte tout avec une égalité d'âme parfaite. Il a définitivement compris qu'avec cette redoutable trinité à ses basques, le pire est toujours certain et à venir. Joue de la basse en philosophe. Faudra un jour le décorer pour son abnégation. Tout le monde a compati. Peut-être que sa petite déambulation en tenue légère a aidé mais au final il a remporté la plus grosse ovation et pourtant les trois princesses ont été acclamées comme les premiers astronautes américains revenus de la lune et paradant dans les rues de New York.

 

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C'est qu'elles nous ont gâtés, une soirée de rires et de rythme, avec cette complicité établie en trois minutes avec le public ravi. Vous fais pas la set-list, vous la rechercherez dans les livraisons précédentes. Ce qui compte est indescriptible, c'est l'ambiance, cette osmose entre les spectateurs et les musicos, naturelle, sans vulgarité de la part des premiers et sans compromission de la part des seconds.

 

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FIN DE SOIREE

 

 

Faut que j'en parle dès que je suis arrivé j'ai maté la table de mixage. Aussi grosse qu'un paquebot de croisière de luxe. Avec équaliseur sur tablette informatique de poche. Facile d'avoir les détails, un groupe de copains, un combo de rock, une association Rock Motors, des services de pro que ma copine retrouvera dès le lendemain au Salon du Livre de Provins dont ils ont assuré l'espace sonore des spectacles.

 

 

Plein de gens sympa et créatifs dont nous aurons à reparler. L'Auberge du Printemps organise une soirée de cet acabit tous les mois, je sens que nous y retournerons. Petite info : le 14 juin, ce sont les Spykers qui s'y collent. Rockabillyband. Bien entendu.

 

 

Un dernier scrupule : les Jallies sont-elles si mauvaises que cela alors que Céline et Vaness m'ont offert leur part de gâteau après le concert ? Perfidie féminine ou recherche d'une rédemption humaine ? A vous de méditer. Moi en tout cas je ne raterai pas les Jallies quand elles repasseront dans le coin. Elles seront le 11 mai à Appoigny, avec Ghost Highway. Difficile de trouver mieux d'autant plus qu'il y aura aussi Chris Almodoa et The Atomics.

 

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Damie Chad.

 

( Pour les photos l'on a piqué sur leur facebook des documents ultra-secrets qui les montre en train d'enregistrer leur prochain et premier disque )

 

 

Q. G. QUARTIER GENERAL / OBERKAMPF

 

/ PARIS / 13 – 04 – 13 /

 

 

HOWLIN JAWS / WHACKS !

 

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Changement total. Finies les campagnes perdues, la teuf-teuf mobile est toute fière d'arpenter le goudron de la capitale. Une fois la maserati au paddock il suffit de prendre le métro et de descendre à la station indiquée. Malgré les jérémiades des écolos il n'y a pas que du mauvais dans l'urbanisation. Je vous avertis tout de même, chers lecteurs, l'on reste sur la même planète mais l'on change de continent. Le rock est multiforme.

 

 

QUARTIER GENERAL

 

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Je remonte le boulevard les yeux sur les numéros de façade. Plus besoin de poursuivre le décompte, à cinquante mètres une cohorte de cuirs noirs stationne sur le trottoir. Presque que des garçons, des chevelus, des hirsutes, des cheveux courts, pas de bananes artistiquement ouvragées, pratiquement tous entre vingt et vingt-cinq ans. Une faune bien différente des concerts rockab habituels. Ne font pas la queue pour entrer – c'est gratuit - discutent, fument la clope prennent le frais et l'humidité car il pleuvote par intermittences.

 

 

La porte est grand ouverte. Bar en face de l'entrée – l'on ne sert pratiquement que de la bière – pas de tables, il n'en reste que quelques unes le long des murs. Le local est en L, le Q. G étant en coin de rue, une situation recherchée pour les cafés citadins et parisiens qui ne pouvaient s'offrir de larges terrasses. Parquet sous les semelles mais on n'est pas chez la marquise de Pompadour, les jours de gloire de l'établissement doivent dater. Un peu crado pour tout dire, l'endroit idéal pour écouter du rock.

 

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Les Howlin sont en train de faire la balance. Pas évident, les lieux s'y prêtent mal. Sont secondés par de bien jeunes gens qui s'avèrent être les Whacks ! Une petite heure de tâtonnements et les festivités peuvent commencer.

 

 

HOWLIN'JAWS

 

 

Au premier rebondissement de contrebasse la salle se remplit comme par miracle. Du même coup le public s'est rajeuni et féminisé. Ne nous laissons pas distraire – nous sommes ici pour les Howlin ! Si on l'avait oublié, Eddie nous le rappelle de quelques accords appuyés lancés au hasard. 1, 2, 3, c'est parti, non Djivan arrête tout et présente le déroulé du concert, d'abord les Howlin, puis les Whacks, encore les Howlin, et les deux groupes ensemble pour finir. Nous souhaite et nous promet une bonne soirée. Très sympa ce cassage de la hiérarchie habituelle, les moins cotés d'abord, les plus reconnus en fin de partie. Un petit parfum anarchisant pas du tout déplaisant.

 

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Mais les promesses n'engageant que ceux qui les croient le public entend juger sur pièce. Preuves à l'appui. Elles ne se font pas longtemps attendre. Tonitruantes, Eddie déchaîne l'apocalypse, à peine croyable l'on croirait qu'ils sont deux à se refiler les plans chaque fois que l'un est à bout de course, mais non il est le seul guitariste du groupe. L'a tout compris de la guitare rock, un riff n'a pas fini de résonner que l'on sort déjà le suivant, pas de temps mort, pas de rétro-dégradation rythmique où l'on repose les doigts et où l'on réfléchit quinze secondes ce que l'on va bien pouvoir sortir au prochain service.

 

 

Djivan au four et au moulin, à la contrebasse et au chant. Ne fait pas l'un et puis l'autre, ne diminue jamais d'intensité sur les cordes quand il est au micro. Eddie peut cartonner en toute confiance, laminage basse d'un côté et estampage batterie par derrière. C'est que Baptiste-le-chanceux abat ses baguettes comme des rafales de mitraillettes. Ponctue et sépare les différentes séquences du morceau. Très vite l'on passe aux Sixteen Tons de Merle Travis. L'instant de vérité, la reprise d'une vieilloterie pré-rockab. Ca passe ou ça casse.

 

 

Ca casse. La baraque. L'ambiance monte d'un ton - non de soixante ! - les Howlin ont trouvé le passage de la lampe de mineur à l'éclairage au néon, l'érection électrique sur les fondations du rockab, l'on respecte la grammaire mais l'on modernise le vocabulaire. Produisent un rock d'autant plus aptes à toutes les échappées que sûr de ses assises. Ne peuvent pas se perdre. Aux sourires satisfaits qui s'échangent dans le public il est sûr qu'ils remportent un premier succès d'estime. Ces gars-là se débrouillent bien, c'est indubitable.

 

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Du respect individuel le public va vite passer à l'enthousiasme collectif, car Eddie fait pleuvoir un déluge d'acier, les morceaux s'allongent et deviennent surprenants, à chaque virage d'adrénaline rock l'on entend des cris d'approbation, la salle tangue comme un bateau ivre. Ouragan en vue, mais Djivan lève le bras et annonce le dernier titre. N'en n'ont pas fait dix et l'on fuit devant la tempête... Le sourire carnassier de Djivan nous rassure. Place aux Whacks, n'ayons pas peur tout à l'heure l'on foncera droit dans la tourmente.

 

 

THE WHACKS

 

 

Sont jeunes. Si ça vous fait rire c'est que vous êtes trop vieux pour le rock and roll. Ce n'est pas de leur faute, et c'est un compliment. Les voici face à nous, noirs de blousons, noirs de cheveux, noirs de blues. Car ils puisent là, dans la profondeur originelle. La différence est flagrante dès les premières notes d'avec les Jaws qui ont revisité le rockab.

 

 

Batteur au fond, Khentin a raison de porter son T-Shirt Serial Drummer car il frappe fort, sans défaillir. Guitariste sur votre droite, bassiste sur votre gauche. Surprise au centre, un chanteur qui ne fait que chanter. Même s'il poussera la coquetterie à faire semblant de gratter une pseudo rythmique sur un morceau. Je dirais mieux, un chanteur qui sait chanter. L'attitude, le balancement du corps, la position du micro, l'a tout cela d'instinct. Inspiré. Fun is boring, en grosses lettres blanches sur son blouson. Signe d'intelligence. Se dénomme Teddy Jungle.

 

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Ne seront pas aidés par le son, surtout Teddy dont le micro sera pratiquement inaudible au bout de trois morceaux. Dommage mais pas rédhibitoire. Le rock est avant tout selon un mode d'être et pas une sono de trente mille watts. Et le groupe nous a refilé trente mille whacks d'énergie pure. Ils ont des titres serpents, ceux qui vous enserrent doucement et vicieusement pour vous étouffer à petits feux, et d'autres du genre aspics et mambas qui ne pardonnent pas. Un rock reptilien, qui se détend, siffle et pique à la vitesse d'une lanière de fouets, ou alors menaçant et fascinant, qui vous ingurgite petit à petit. Comme pour nous prévenir du danger, de temps en temps ils nous offrent quelques mesures de jungle beat à la Bo Diddley avant de chavirer dans une orgie électrique déjantée.

 

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Lou Mowgly Jungle est à la guitare. Lourde tâche. Lance les riffs et lance le signal de la charge. S'en tire assez bien pour susciter les premiers pogos dans le public. Ce sont les enfants perdus de la génération after-punk, ce rock garage de plus en plus déglingué à chaque décennie mais qui tient le coup envers et contre tout. La dernière ligne de crête du combat rock. Le jour où cessera ce bouillonnement adolescent, le rock sera mort.

 

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A la basse, Jimmy est plus concentré en lui-même, moins ouvert sur la foule hurlante, à fond dans la musique, suit les lignes et n'en embrouille aucune, de même Kenthin cogne pour lui, fournit le fond sonore mais pas le service après vente, étrange cette section rythmique légèrement autiste, tandis que le lead singer et le lead guitar se chargent de la communication avec les fans enthousiasmés. A peine les ai-je entendus jouer que j'ai pensé aux Stones des tout débuts, je doute que ce soit-là leur influence mais à l'analyse le fonctionnement du groupe n'en est pas si éloigné.

 

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Prestation un peu désordonnée, des temps trop morts entre certains morceaux, mais tout cela n'est que défaut mineur. Le combo rocke bien, balance juste, le courant passe et la fièvre monte. La foule ondule et se presse. Les Whacks ont frappé un grand coup, et comme le fan de base est par définition un être masochiste, l'assemblée entière en redemande... Un groupe à suivre.

 

 

HOWLIN JAWS

 

 

Le retour. Plus vite, plus fort. Tout électrique. Mais pas le confort. C'est que ça remue salement. La guitare d'Eddie crépite, à jets continus, Djivan sort le grand jeu et Baptiste tape si fort que de temps en temps il est nécessaire de repousser le kit de la batterie vers son siège. Ca pogote à mort. Sans brutalité mais comme des lames de fond qui viennent de l'arrière et que les premiers rangs essaient d'endiguer avant qu'elles ne s'écrasent sur le matos et les musicos.

 

 

Ca hurle et ça trépigne de partout. Lorsque Djivan annonce Memphis Train il est le premier surpris de l'ovation qui est réservée au nom de Rufus Thomas. Suis sûr que la moitié d'entre vous n'en a jamais entendu parler lance-t-il à la foule qui exulte. Une ambiance de fous. Des frelons enfermés dans une bouteille et qui zigzaguent dans tous les sens. La salle reprend les refrains en choeur, à croire que l'on a bûché la set-list à la maison.

 

 

Ce n'est plus un concert mais une ivresse collective. On ne pourra pas dire j'ai apprécié ce concert puisque chacun des assistants a été un atome du concert, échange d'énergies entre les musicos et le public. Alcool, sueur, rythmes, bruits, musique, tout se mêle et vous transporte plus haut. Par les vitres l'on entrevoit les passants qui s'arrêtent frappés de stupeur et dévorés de curiosité devant ce maelström hystérique. Imperturbable Djivan joue à char perché sur et avec sa contrebasse.

 

 

Les Jaws sont les maîtres du sabbat et n'arrêtent pas d'alimenter l'incendie. Djivan, le grand ordonnateur rappelle les Whacks.

 

 

FINAL : JAWS + WHACKS

 

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Les deux jungle-whacks plus Jimmy ont rejoint le haut du cocotier. Apothéose ! Le délire est dans la salle, un des trois micros ne résistera pas à la pression, perd son pied tandis que nous prenons le nôtre. Tumulte indescriptible, tout le monde chante et hurle tandis qu'Eddie introduit le riff de Cadillac. Le fantôme de Vince Taylor plane sur le feu grégeois de cet hymne souverain du rock'n'roll.

 

 

Une dernière poussée de fièvre due à un rappel de Berry-Berry et le concert triomphal se termine. Descente dans l'obscurité de notre triste monde ! Pourquoi a-t-il continué sa terne existence alors que nous étions dans l'empyrée-rock ?

 

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Unique consolation, les Howlin Jaws seront à Paris le 30 avril.

 

 

Damie Chad.

 

( Nous avons pris les photos sur leur facebook, certaines sont de Sue Rynski, un must dans la photographie rock voir wwwsuerynski.com . D'autres sont de Adèle Colonna Césari, voir sur son facebook sa série Blank Generation )

 

 

LESTER BANGS

 

 

PSYCHOTIC REACTIONS

 

&

 

AUTRES CARBURATEURS FLINGUES

 

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Suis un peu fainéant. Comme tout le monde, peut-être même un peu moins. N'êtes pas obligés de me croire. Voici plusieurs années que je me dis qu'il faut que je lise du Lester Bangs. Comment moi qui batifole sur mon blog roll toutes les semaines, à part quelques citations par ci par là récoltées sur le net, je ne connais fichtrement rien du prince des rock critics ! Un trou béant dans ma culture, une véritable fosse philipinesque que je me suis empressé de combler lorsque j'ai vu que les éditions Tristram proposait tout un volume de ses articles dans sa collection de poche intitulée Souple. Comprenez que la couverture n'est pas rigide.

 

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Ne regardez pas le copyright, la première édition remonte à 1996 ! Suis pas en avance ! Enfin un peu quand même, si. Comme la plupart des textes recueillis dans le bouquin ont d'abord été publiés dans le magazine CREEM et que durant des années les meilleurs scripteurs de Rock & Folk tétaient chaque mois leur part de crème fraîche directement à la source même, j'ai fait partie de cette génération de lecteurs qui ont suivi les aventures du rock américain avec un très léger différé de quelques semaines... Un exemple : comme CREEM créchait à Detroit City, nous petites grenouilles nationales, avons été aux premières loges pour être au courant des tribulations des groupes locaux du coin comme The Stooges ou le MC 5...

 

 

BANDE DE CREEMINALS

 

 

N'y a pas eu que des manchots de la Remington chez CREEM, dès le début une équipe de fines plumes s'est agglomérée au magazine, nous ne citerons que ceux qui nous intéressent : Patti Smith – à l'époque elle ne gâgatisait pas sous les fenêtres du pape, la vieillesse est une catastrophe ambulante pour certains – Richard Meltzer qui participa à l'élaboration théorique du Blue Öyster Cult – je fais partie de la secte – Nick Toshes – nous le retrouverons dans une de nos prochaines livraisons – Greil Marcus ( voir KR'TNT 136 du 21 / 03 / 13 ) qui préfaça et réunit les articles de ces Psychotic Reactions. En 1986, mais Lester Bangs n'était déjà plus là depuis quatre ans, victime au mois d'avril 1982, d'une absorption de produits divers...

 

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Une bande de joyeux allumés dans laquelle Lester Bangs ne déparait pas. Etrangement le magazine qui portait le nom d'un des tout premiers super-groupes britanniques - s'orthographiait Cream dans le land de sa très gracieuse majesté, ne donna pas dans l'admiration béate des grands Hartistes de la rock music. S'intéressèrent très vite à tous les artistes borderline qui ne bénéficiaient pas de la lumière des projecteurs. Certains d'entre eux rejoignirent le troupeau des rock-stars lorsque la célébrité fut venue. Mais ceci est une autre histoire. La légende raconte que le mensuel fut les premier à utiliser l'expression punk rock dès l'année 1971. L'on ne s'étonnera pas d'apprendre que CREEM aida beaucoup à imposer le mouvement punk...

 

 

LESTERATURE

 

 

 

Lester Bangs, le démiurge du bonzo rock, ainsi le surnomme-t-on. Les règles de la littérature bonzo, telles qu'elles ont été édictées par leur inventeur, l'écrivain-journaliste Hunter S. Thomson ( présent aussi dans la collection Souple de chez Tristram ), sont faciles à suivre, car elles flattent en fait votre égo : quoi que vous écriviez, parlez d'abord et avant tout de votre petite personne. Que votre Insupportable Moi prenne la parole et la garde aussi longtemps que possible. Qu'il soit clair que si vous racontez que vous êtes en train de baiser votre meuf tout en écoutant le Blue Öyster, soyez sûr que le lectorat accrochera davantage sur la partie cul que sur la monographie du Cult. Même qu'agissant ainsi, vous pénètrerez plus profondément le Cult dans le cerveau du lecteur que votre pine dans l'entre-fessier de votre copine. Je sens que le sujet commence à vous intéresser.

 

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Après de tels préliminaires il ne reste plus qu'à bouquiner. Etymologiquement ce dernier verbe désigne l'empressement du chaud lapin à honorer sa lapine. Mais revenons à nos volatiles de basse-cour puisque le premier article du volume est consacré aux Yardbirds. Vingt pages pleines sur les Yardbirds ! Un des groupes mythiques du rock'n'roll, le monde vous paraît d'un coup plus beau que d'habitude. Ah ! Ce Lester est un big Bangs à lui tout seul. Déjà vous faites le voeu de fleurir sa tombe tous les mercredis matins pour le remercier de vous apprendre tout ce que vous aviez envie de connaître depuis si longtemps sur ces oiseaux de bonheur.

 

 

Ne vous pressez pas. Au moins pas plus que Bangs, parce que Lester, les Yardbirds ça le taraude un minimum mais pas plus que ça. Vous avez droit à une confidence : les Yards ont été magnifiques durant leurs deux premières années, mais comme le groupe s'est formé en 1963 et que l'article date de 1971, vous tracerez entre ces deux repères la courbe exponentielle du désintérêt de l'auteur pour son sujet...

 

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Lorsque vous parvenez au bout du texte, faut vous rendre à l'évidence, les zoziaux se sont envolés de la cage. Depuis longtemps. L'ont-ils seulement visitée ? Et Lester que fait-il pendant tout ce temps ? Il baille aux corneilles ? Non, il bosse comme le chameau dans le désert. Vous raconte tout un tas de trucs dont vous n'avez rien à... Oui, mais voilà, vous suivez toujours, et vous n'en perdez pas une miette.

 

 

Bangs vous balance ces idées philosophiques sur le rock'n'roll. N'aime pas les grosses meules à la Led Zeppe. Des guignols. Rien de vrai là-dedans. Des arrache-frics qui en veulent à vos économies de fans transis. Aucun respect pour ces perruches dressées. Leur préfère des inconnus qui crachent de l'électricité à haut-débit. Rarement plus de trois disques à la suite. Porte de sévères et expéditifs jugements. Ouf, ce n'était pas lui qui à l'époque était censé vous envoyer aux couloirs de la mort. Vous aurait dépeuplé le rock américain plus les cinquante-deux Etats en trois semaines.

 

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Le problème n'est pas de savoir s'il a tort ou raison. Certes un peu jusqu'au boutiste, et de mauvaise foi parfois. L'a ses haines et ses chouchous. S'en vante. Manie son stylo comme une baguette magique. Peut dire ce qui lui chante, à chaque paragraphe il vous enchante. La beauté du style. Vous voici happé par le mouvement de l'écriture. Ne vous lâche plus une fois qu'il s'est saisi de votre attention. Me méfie de ce genre de grande-gueules mais il emporte le morceau avec dextérité. Un écrivain, un vrai. Un de ceux qui vous décrivent le parapluie de sa belle-mère sur quinze pages et vous entrez en transe extatique. Des longueurs, des passages à vide, mais vous suivez toujours. Plus loin que l'enfer si nécessaire.

 

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Etrangement la prose de Lester Bangs n'est pas sans rappeler celle de Céline. Mais ne vous méprenez pas, pas du tout par l'aspect le plus radical de l'écriture de Fernand, pléthore de points de suspensions, phrases découpées au plus près des soubresauts aléatoires de la pensée, retranscription esthétisante du monologue intérieur. La broderie des velours céliniens vise à donner l'impression d'une diction populaire, Lester Bangs se contente d'être simple et direct. Dit ce qu'il pense comme il le pense. Volonté américaine d'une efficience quasi-congénitale, mythique bien sûr. Il semblerait que Lester n'ait jamais lu les poètes de la Beat Génération. Ne pratique pas le cut up, refuse le slash comme les avalanches anaphoriques. Le chantre de l'électricité à haute tension n'est pas un adepte du phrasé électrique. Très classique dans sa forme, à tel point que soupçonnant Jean-Paul Mourlon le traducteur d'avoir émondé le style supposé de notre rocker épileptique, suis allé faire un tour dans les textes originaux. Ben non, l'anglais de notre littérateur respecte la syntaxe habituelle de la langue anglaise. Point de débordement, point de transgression.

 

 

Mais ce flot continu qui vous emporte en un jet continu et puissant. N'avait pas de mal à rédiger des articles de vingt pages pépé-Lester, une fois lancé pouvait continuer, doubler, tripler, quadrupler la mise sans efforts. Risquons le tout pour le tout, suis prêt à parier que Bangs prenait plus de plaisir à aligner des mots qu'à nous entretenir de ses passions rock. Parle de rock'n'roll parce qu'il vit dedans, c'est son décor, son vécu, mais aussi un thème circonstanciel imposé, non par la nécessité de son écriture, mais par l'ici et maintenant implantatoire de son existence aléatoire.

 

 

GOÛTS ET COULEURS

 

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Lester Bangs aura contribué à définir les préférences musicales de toute une génération. Inutile de l'ériger en prophète. Le coq Bangs est sorti de l'ovoïde Stoogien, et non le contraire, même si Iggy doit un peu de sa célébrité aux articles de Bangs. Ce n'est pas la poule qui a obligatoirement pondu l'oeuf pour lequel elle cocorique. Bangs est le fils de son époque. A simplement fait partie de cette minorité de fans qui se sont toujours méfiés des errements du rock. Ne crie pas au génie en écoutant le Pink Floyd, résout le cas de cette prétention culturelle à ce qu'elle est : de la merde. Celui qui s'éloigne du rock ne fait aucunement progresser la musique dont il provient, opère un acte délictueux de haute-trahison. Ethique, car il commet le plus irrémédiable des forfaits, l'auto-renoncement à être soi-même.

 

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L'on s'est gaussé de Bangs, de son parti-pris de n'aimer que le rock le plus primaire, le plus violent, le plus brutal. Du côté des ados qui refusent de grandir. Le bruit contre l'harmonie. La fureur contre la vie. Et ce n'est pas toujours facile à défendre. Lester aime les guitares sursaturées, les larsens suraiguës, les pédales wha-wha à fond le plancher, la zique qui déferle comme un tsunami, qui vous entre par effraction dans l'oreille gauche, vous lobotomise le cerveau et ressort en hurlant par les narines emportant en même vos dernières volontés dans le caniveau des civilisations mortes. Ainsi ce bonzo souvenir.

 

 

BONZO BONZO

 

 

J'avais téléphoné au copain pour m'assurer que ses parents étaient en vacances. C'est que j'emmenais de la nitroglycérine sans élément de stabilisation. Comme c'était le premier soleil de printemps, l'on s'est mis à la fenêtre pour profiter des rayons bienfaisants de l'astre nourricier. Le voisin vaquait à des occupations beaucoup plus terre à terre, après ces trente derniers jours de pluie il binait son jardin avec allégresse.

 

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Nous on s'attendait à ce qui allait suivre lorsque le bras de la chaîne s'abaisserait dans le sillon de la face A. On avait lu les critiques et les avertissements. Notre valeureux jardinier, non. N'avait jamais pensé de toute sa vie qu'un tel truc pût exister. L'est resté pétrifié la bêche en l'air, aussi rigide qu'une statue. A dû penser que l'on avait déclenché le feu nucléaire, que c'était la fin, que ces salauds de russes bazardaient leur arsenal sur le pays. Au bout de deux minutes lorsqu'il s'est aperçu qu'il était encore vivant, n'a pas demandé son reste, pressant le manche de son outil sur son coeur, il s'est dépêché de filer rejoindre ses pénates sans se retourner.

 

 

Pouvez refaire l'expérience chez vous si vous pensez que j'exagère. Suffit de vous procurer le Metal Machine Music de Lou Reed et de tester sur les passants qui déambulent dans votre rue.

 

 

LOU REED

 

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Un disque difficilement défendable. Je vous déconseille de le mettre en musique d'ambiance la première fois que vous emmenez une nouvelle copine dans votre chambre. Va s'enfuir toute nue dans la rue, tout droit vers le commissariat pour vous accuser de viol de conscience. Lester a usé la sienne jusqu'à la corde, ( pas sa conscience, sa galette vinylique ! ) Vous n'êtes donc plus étonné d'apprendre qu'il est mort jeune, à trente-sept ans. Il est des abus qui ne pardonnent pas.

 

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Toute une partie du livre est consacrée à Lou Reed. Bien plus que Bowie il est le parfait représentant du rock des années soixante-dix. Incontournable. L'iceberg meurtrier qui prend en chasse le Titanic. Et les fans qui se regroupent sur le pont pour chanter une dernière fois Walk On The Wild Side avant de couler dans les tréfonds de l'oublieuse mémoire océanique. Le chef de choeur, celui qui mène la chorale funèbre, c'est Lester Bangs le super-fan en communication téléphonique directe avec son dieu. Même que parfois Lou consent à le laisser venir auprès de lui. Les relations ne sont pas tendres. Ont tous les deux un problème identique à gérer. Comment peut-on avoir été Lou Reed et continuer à être Lou Reed ? Comment survivre à son propre mythe lorsque l'on est le seul rescapé qui soit arrivé à sortir vivant du souterrain de velours ?

 

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La question se pose autrement. Comment accepter Sally Can't Dance après Berlin, comment commettre Coney Island Baby après Metal Machine Music ? Les rock-critics de service doivent ramer dur pour fournir des explications au bas-peuple des fans. Un grand écart inexplicable. Difficile de faire admettre que cette grosse bouse puante est un étron divin. Même Lou Reed n'y parvient pas. Lester avale les couleuvres et les recrache tour à tour. Mauvaise conscience. Les deux hommes jouent à qui gagne perd. Echecs sur tous les plans.

 

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J'ai la solution du problème. Rock'n'Roll Animal et Lou Reed Live – une des pochettes les plus inutiles du rock – deux chef d'oeuvre. Lou Reed n'a jamais été meilleur que ce soir du 21 décembre 1973, bien supérieur à tout ce qu'il a fait avec le Velvet Underground, que l'on mythifie un peu trop d'après moi. Steve Hunter et Dick Wagner lui tissent un brocard de guitares hurlantes sur lequel le Lou enfin sorti du bois pose sa voix de velours.

 

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SEX DRUGS & ROCK'N'ROLL

 

 

Lester Bangs est le chantre de la trinité infernale. Rock violent mais sexe mou. Non je ne l'accuse pas d'impuissance. Mais deux cas de figure sont à étudier : soit il est avec une copine, et il évacue ( il évacul ) la problématique en deux lignes de sous-entendus du genre je m'emmerde assez pour ne pas en rajouter, soit il se lance en d'improbables rencontres avec des female partners tellement perdues dans leurs problèmes psychiques qu'elles en oublient qu'elles ont un sexe... Lui même d'ailleurs semble trouver plus de jouissance à boire trois gorgées de sirop antitoussif que de conclure... Le dernier texte, Extraits de Maggie May, apporte confirmation à nos dire. Cette nouvelle à caractère initiatique et phantasmatico-autobiographique démontre que Lester n'est dupe ni de l'amour ni du sexe.

 

 

C'est que la vie est insupportable. Besoin d'excitants pour la rendre vivable. Plutôt de produits assommants qui tissent un rideau protecteur entre vous et le réel. Mais en fait le seul anesthésique que supporte Lester Bangs ce n'est ni le sexe, ni la drogue, ni le rock'n'roll – je les classe selon son ordre de plus grande satisfaction obtenue – mais l'écriture. Qui lui est vitale. L'est mort jeune au début des années 80 – calamiteuses et désertificatrices pour le rock – au moment où il s'est rendu compte qu'il entrait dans l'âge adulte – puisqu'il avait déjà tout dit, que commençait pour lui l'ère des ruminations interminables, et que son époque prenait fin.

 

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Ne pas se survivre comme Lou Reed, ne pas devenir un vieillard pathétique. Le grand écrivain tire sa révérence. Deux cuillerées de sirop de trop. Entre sa mort et vous il a réussi à tisser un écran protecteur. Son oeuvre.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

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