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11/10/2012

KR'TNT ! ¤ 113. ELVIS PRESLEY.

 

KR'TNT ! ¤ 113

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

11 / 10 / 2012

 

 

ELVIS

 

UN PHENOMENE AMERICAIN

 

 

ALBERT GOLDMAN

 

 

( 528 pp. Robert Laffont. 1982 )

 

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Traduit de l’américain par Yvonne Baudry, Frédéric Develay et Michelle Garène. Trois traducteurs, c’est que le bouquin est une somme, grand format, petits caractères et un demi-millier de pages. Les petits frenchies n’ont pas hésité une demi-seconde : l’émotion soulevée par la disparition du King avait été en nos contrées nationales bien plus profonde que l’on aurait pu raisonnablement le prévoir, l’on s’est donc jeté sur cette biographie made in USA d’une telle ampleur qu’elle en semblait définitive.

 

 

En Amérique c’était un peu le même topo. Elvis était mort depuis à peine cinq années lorsque le livre est paru. Si vous le commencez par les deux dernières pages, à voir la liste des remerciements à toutes les personnes de l’entourage de Presley qui se sont pliées de bonne grâce aux joies de l’interview, vous ne pouvez que vous incliner devant le sérieux du projet.

 

 

ALBERT GOLDMAN

 

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Si vous tenez à rester sur une bonne impression ne vous aventurez pas plus loin. C’est qu’il y a un hic. Un sacré hic, même. Un léger détail si l’on préfère, que je vous résume en quelques mots : Albert Goldman n’aime pas Elvis Presley. Soyons conciliant : ne pourrait-on pas voir en ce manque d’empathie générale envers l’idole comme un signe, une espèce de garantie d’objectivité ? Il s’est écrit tant de niaiseries laudatives sur Elvis qu’un peu de dégonflage de la baudruche presleysienne ne saurait faire de mal.

 

 

Certainement. Mais c’est un peu comme le chapeau du magicien qui n’arrête pas de vomir des lapins blancs. Albert Goldman n’aime pas non plus le rock and roll. Un peu gênant quand on se penche sur la vie d’un des plus grands pionniers de cette musique. Si vous vous attendez à des aperçus fulgurants sur le topo vous risquez d’être déçu, Albert Goldman a des idées précises sur le genre de zique qui nous intéresse au plus haut point : courant musical régressif qui résulte d’un acoquinement de mauvais jazz avec de la pop idiote.

 

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Faisons-nous l’avocat du diable : après tout Elvis n’a pas enregistré que du rock and roll ! Mais là où Albert Goldman nous déçoit c’est lorsqu’il crache sans retenue son mépris sur ces pauvres rustres des collines dont Elvis n’est que le triste représentant. Albert Goldman n’aime pas les pauvres. Qu’un pauvre gars issu des franges les plus basses de la société américaine ait atteint en quelques mois une gloire irréfragable auprès de ses concitoyens et soit devenu l’icône mondiale de sa génération, insupporte le minuscule animalcule universitaire qu’est Albert Goldman.

 

 

Cas typique de jalousie et de ressentiment du médiocre de service face à un phénomène d’éblouissance absolue qui le dépasse, l’écrase et le maintient dans l’ombre de sa propre ineptie. Albert Goldman nous rassure très vite sur ses véritables buts : il n’a jamais voulu écrire la vie d’Elvis, il nous promet, en toutes lettres, d’anéantir le mythe Presley.

 

 

ANTI-PRESLEY

 

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Pauvre Elvis, accusé de tous ses crimes. Même de ceux qu’il n’a pas commis. Ainsi le touriste qui s’en vient à Tupelo, visiter la baraque de planches où Elvis naquit, a droit à une couche de peinture et à une machine à coudre qui ne sont pas d’origine. Pour la simple raison que Gladys était trop pauvre pour s’offrir une Singer et Vernon trop fainéant pour prendre le pinceau. Ces gens-là étaient de simples misérables, Elvis n’est pas né de la cuisse de Jupiter, acceptez la terrible évidence des faits cruels !

 

 

Au début des années soixante Elvis s’entiche d’ésotérisme. Lit et annote plusieurs dizaines d‘ouvrages spécialisés. Albert Goldman ne rate pas l’occasion de se moquer de cet autodidacte qui ingurgite un innommable fatras de bêtises. Ne pouvait-il pas comme tout le monde se bien conduire en choisissant une religion sérieuse comme le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme, voire le bouddhisme ?

 

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Alors qu’il génère un chiffre d’affaire de sept millions de dollars par an, Elvis claque son argent en bêtises. Ne dépense-t-il pas 16 000 billets verts en une seule nuit pour aller chercher en avion privé quelques centaines de sandwichs à l’autre bout du pays, juste pour un petit en-cas avec les copains ! Il a en plus la redoutable manie d’offrir des super bagnoles à ses petites copines, en fait il gaspille sans compter. Scandale des scandales, il mourra sans s’être constitué un portefeuilles d’actions ! Comment peut-on être si riche sans partager les valeurs fondamentales de l’accumulation capitalistique ? Millionnaire, Elvis se comporte comme un stupide prolo qui, pour une java ( pardon, un rock and roll ) d’enfer, laisse toute sa paye de la semaine sur le comptoir du premier troquet.

 

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Incompatibilité de classe entre Elvis et Albert. Désolé mais nous sommes du côté d’Elvis même si le personnage n’est pas souvent aussi flamboyant que sa légende le laisserait supposer, même si nous devons reconnaître que les flèches empoisonnées tirées par notre auteur ne sont pas toujours imméritées.

 

 

ELVIS, AVANT ELVIS

 

 

Comment Elvis est-il devenu Elvis ? L’on a mille fois raconté comment Gladys a chouchouté son fils unique ( puisque rescapé de son jumeau ) et préféré, mais il y a de par le monde des millions de mères qui adorent leur garçon sans que celui-ci devienne chanteur de renommée internationale pour autant. Comme quoi la psychanalyse à deux balles n’explique pas tout.

 

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Elvis ne fut pas un ado difficile. Pas la moindre trace de révolte chez lui. Se sape comme les blackos du coin, mais tous les jeunes de son milieu social font itou à la même époque. Franchement de mauvais goût, couleurs aussi criardes que celles qui accompagnent les livraisons de KR’TNT. Cherche à se démarquer des autres sans trop savoir qui il est lui-même. Un solitaire, timide et renfermé, qui fraye peu avec les élèves de sa classe. A confiance en sa bonne étoile mais se trompe sur le chemin qu’elle lui indique.

 

 

La musique n’est pas sa priorité. Rêve de devenir… acteur de cinéma. De James Dean à Humphrey Bogart le choix est vaste, secrètement il louche plutôt sur les latin lovers à la Rudolph Valentino… significativement plus tard il teindra ses cheveux blonds en noir aile de corbeau. L’aryienne blondeur des WASP ne le tente guère. L’on peut même dire qu’il a profité de son succès de chanteur pour forcer les portes des studios californiens.

 

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Y a perdu son âme. C’est une manière de voir communément partagée aujourd’hui quand on visionne l’impressionnante série de navets qu’il a tournés. Mais il y a aussi gagné sa popularité. Avant le ciné Elvis est un simple chanteur, voitures, maisons, jolies filles, mais tout cela n’aurait eu qu’un temps. Seuls les amateurs de rockabilly rechercheraient ses précieuses galettes de nos jours. Qui se soucie encore de Charlie Rich ? L’étoile filante que fut la carrière de Gene Vincent aux States est assez éloquente. Eddie Cochran qui possédait un physique bien plus avantageux que son ami de diable boiteux n’avait qu’un désir : obtenir un premier rôle dans un film à succès. Si la mort ne l’en avait empêché que serait devenue sa production discographique ? Vaut peut-être mieux ne pas y penser.

 

 

OUI, MON COLON !

 

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C’est le moment d’introduire le fameux colonel. L’âme damnée d’Elvis. Encore un que Goldman ne peut pas piffrer. Difficilement défendable. Mais il analyse très bien ce qui a réuni les deux twin towers du business. A sa manière le Colonel Parker est un outlaw qui vit sur le fil du rasoir. Venu de l’autre pays du fromage, rentré illégalement aux USA il n’est ni plus ni moins qu’un sans-papier qui a réussi, mais qui a tout intérêt à ce que l’administration ne vienne pas mettre son nez dans ses… papiers. Respecte les règlements, n’a pas de fausse comptabilité, et paie ses impôts au centime près. Ce qui ne l’empêche pas de prendre une part exorbitante dans les bénéfices de son association avec Elvis. Cinquante, cinquante, mais les frais pour le chanteur et les décisions pour l’imprésario.

 

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On l’a présenté comme un requin, mais il est surtout un crocodile débonnaire. Dur en affaires mais des plus conciliants sur la signature des contrats. Ne mise pas sur le long terme. Pourvu qu’il ait assez de liquide à verser sur les tables des casinos notre homme est heureux. Encore un qui solde tous ses avoirs et qui ne boursicote pas. L’aurait pu gagner dix fois plus, mais il s’en fout, comme il n’a pas d’enfants il n’a aucun héritier pour lequel il serait important de mettre de l’argent de côté. Le Colonel Parker aime le fric pire qu'un avare, mais c’est pour le dépenser au casino le jeu. Sachez apprécier les nuances. Un flambeur qui n’a besoin que d’allumettes.

 

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Feu de paille et illusion. Parker ne sort pas d’une prestigieuse école de commerce. Son job c’est la foire, le parc d’attraction, le cirque. Un parfait émule de Barnum. N’y a pas fait fortune mais a appris à faire cracher les imbéciles heureux au bassinet. Dès qu’il a pu mettre la main sur sa poulette presleysienne aux œufs d‘or, n’a pas tenté de la transformer en autruche. S’est contenté de ce qu’il avait et de ce qu’il savait faire. L’a cassé la baraque avec, mais ne s’est pas risqué au trapèze volant. Celui qui ramasse le fric et les morceaux, c’est le Monsieur Loyal qui reste au bas de la piste, celui qui bonimente et qui embobine son monde.

 

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Certes c’est Parker qui a tendu les filets de protection autour d’Elvis. Mais il est facile de charger la mule. RCA n’a pas plus su se débrouiller avec Elvis que Capitol avec Gene. Hormis les toutes premières séances sur lesquelles l’hillbilly cat menait la danse, très vite on corseta sa créativité avec une équipe de ringards qui s’y connaissait plus en variétoche grand public qu’en pure rock and roll. A la fin Elvis se contentait de poser sa voix en quatrième vitesse sur des bandes pré-enregistrées qui étaient par la suite arrangées sans que le King daignât y jeter ne serait-ce qu’une oreille distraite. Fallut le sursaut du milieu des années soixante pour que Presley redescendît dans l’arène avec la réussite que l’on sait.

 

 

ROCK’N’ROLL

 

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Comment et pourquoi Presley a-t-il inventé le rock and roll ? Réponse obligatoire : en entrant dans le studio Sun. L’on peut chipoter : c’était dans l’air, la preuve c’est Sam Philips qui lui file l’adresse de ses musiciens de séance. Et le miracle a lieu. Le feu de la plaine n’attendait que l’étincelle. Ne cherchez pas à enlever sa couronne au roi. Avant Elvis, il y eut Bill Haley - et d’autres ne serait-ce que sur les disques Sun déjà sortis - mais Bill Haley procède d’autre chose - je ne vais pas dire de Tin Pan Alley pour la beauté du jeu de mot, mais il y a quelques brins de cela : Bill Haley c’est de la musique de danse, survitaminée à l’énergie atomique, mais l’on reste encore dans l’entertainement, le produit nouveau et révolutionnaire, mais ciblé. Sans étude de marché mais l’oreille encore aux aguets des dancings, du divertissement de masse.

 

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L’on a déjà décrit à satiété les techniques d’enregistrement de Sam Philips, la fameuse réverb obtenue à partir de deux magnétos décalés d’une fraction de seconde. Obtention d’un écho phénoménal. Mais écho de quoi ? Suffit de savoir entendre : la tristesse mélancolique de tous les paumés de l’Ouest sauvage dans Blue Moon, que ce soit la plainte nostalgique de l’Indien qui voit son monde annihilé par l’homme blanc, ou les derniers desesperados de l’ultime horde sauvage vaincus par la modernité d’une civilisation déjà technologique. Mais aussi l’angoisse de ce Mystery Train qui fonce dans la nuit des déclassés à la recherche des portes du paradis perdu à jamais, ou la joie tonitruante de l’adolescence triomphante et iconoclaste dans That’s alright Mama… mais où Elvis a-t-il eu connaissance de tout cela ? N’y a que Rimbaud au même âge qui a eu une telle intuition. A la différence près qu’Arthur a été beaucoup plus conscient de la valeur innovante de sa production que le jeune Elvis.

 

 

RACINES NOIRES

 

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Elvis a résolu la quadrature du cercle. Un blanc qui chantait comme un noir. N’est pas allé traîner le soir dans les bordels et les tripots Beale Street. Ce n’est pas parce qu’il résidait à Memphis que l’on - flic et famille - aurait laissé un jeune blanc s’encanailler la nuit dans l’artère du mal. Encore une fois, il a fait comme tous les ados à la peau blanchâtre de son époque, a branché la radio sur les fréquences noires. Un pot - pour ne pas dire une peau - terrible, les disk jokeys qui sévissent sur W.D.I.A ne sont pas n’importe qui : B. B. King et Rufus Thomas. Ecriront à eux deux toute une partie de l’histoire du blues et du rhythm and blues, passent en majorité les artistes noirs mais n’hésitent pas à programmer des morceaux bien balancés joués par les blancs.

 

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Qui font la tronche. Pas les chanteurs, les propriétaires d’émetteurs que la jeunesse a désertés. L’on sait que l’argent n’a pas d’odeur, mais il n’a apparemment pas non plus de couleur. Pour récupérer leur public naturel qui leur échappait, les radios blanches se voient contraintes, la mort dans l’âme - comprenez dans le portefeuille - à programmer des artistes de couleur. W. H. B. Q. remporte la mise avec Dewey Phillips qui dès la nuit venue glapit au micro tel un alligator en rut et ne passe que des faces de chanteurs noirs. Fera une exception pour une galette spéciale que lui apporte Sam Phillips qui jusqu’à lors n’avait enregistré que des noirs… inutile de raconter la suite.

 

 

PLUS PRES DE TOI MON DIEU

 

 

Il s’en est fallu de peu que ça se passe autrement. Elvis écoute du blues à la radio, du rural, de l’urbain, du chicagoan et même du rhythm and blues, mais ce n’est pas ce qu’il préfère. Si vous pariez sur le country, vous avez perdu. Elvis ne louche pas vers le Great Ole Opry. Ce qu’il aime, ce sont les groupes de gospel noir. Joué par des blancs. A seize ans, Elvis devient un aficionado des sings, ces concerts de quatuors qui font fureur à Memphis. Imaginez les jeux de voix, ces entremêlement de timbres de baryton et de ténor, ces reprises de basse, ces accélérations fulgurantes, ces ralentissements hypnotiques… Où croyez-vous qu’Elvis a appris à chanter, à placer sa voix, à minauder ses couplets, à gronder comme l’orage, à planer comme l’oiseau dans le vent ? Il adorera les Blackwoods et idolâtrera Jake Hess le soliste des Statemen… Comme il n’est pas bête, il ira écouter les originaux les groupes noirs comme les Soul Tirers , les Harmonizing Four, les Swan Silverstones et les chanteuses comme Clara Ward et Rosetta Tharpe. Sam Cook, Little Richard, Ray Charles et Bobby Blue Bland auront les mêmes modèles.

 

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Le jour où l’on propose à Elvis de rentrer dans les Blackwoods, il vient juste de signer chez Sam Phillips… le rock and roll l’a échappé belle ! N’empêche que dans les racines de la musique du diable l’on a un peu trop tendance à passer sous silence l’influence des chants religieux.

 

 

LA SAINTE TRINITE : SEX

 

 

A tout seigneur tout honneur. Après sa sainteté rock and roll nous nous intéresserons à Little Elvis. C’est ainsi que le King surnommait affectueusement son appendice caudal. L’on a attribué à Elvis des centaines de maîtresse. C’est bien connu, l’on ne prête qu’aux riches. Albert Goldman est atterré. La sexualité du King lui reste - si j’ose dire - en travers de la gorge. Chaude.

 

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Pourtant Elvis est un enfant sage. L’a dû profiter des premières tournées pour se dessaler mais de retour à la maison à Memphis, le King n’a pas le profil du tombeur de ces dames. Les femmes l’attirent peu. Comprenez moi, en bon puritain méthodiste et en parfait gentleman du Sud il professe un goût immodéré pour les jeunes vierges. N’est pas ce que l’on peut appeler un queutard fou. Ses plus belles soirées il les passe dans sa chambre avec trois copines de quatorze ans ( ne m’importunez pas avec de la moraline pédophiphobe bien pensante, peux vous refiler l’adresse de ma grand-mère si vous préférez ) à blablater sans fin jusqu’au petit matin entre quelques petits bécots de rien du tout. Elles sont raccompagnées en voiture chez elles à l’aube, en tout bien, tout honneur.

 

 

Vous parle pas du déchaînement d'Albert Goldman. Surtout qu’à Los Angeles, lors du tournage de ses films, le King et ses boys organisent des parties fines un peu plus croustillantes avec de jeunes demoiselles majeures ( rassurez-vous ! ). Elvis a les moyens de vivre ses phantasmes. En général il adore que ses fiancées gardent leur culotte pendant ses ébats. Goldman qui s’étrangle d’indignation nous sort - à défaut de son phallus - la grosse artillerie freudienne : toutes des salopes sauf ma mère que j’essaie tout de même de baiser en les utilisant comme des clones de substitution. Lui viendrait pas à l’idée que toute sexualité est à vivre entre deux terribles points de tension : le désir du besoin de l’autre et le dégoût de la perte de soi.

 

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Ce qui est sûr et qui remet les pendules du voyeurisme à l’heure c’est que les deux dernières fiancées officielles d’Elvis, Linda Thompson qui resta cinq ans avec lui, et Ginger Alden qui le découvrit mort, témoignèrent de par leur dire et leur comportement que l’homme Elvis malgré ses énormes faiblesses avait su les subjuguer.

 

 

LA SAINTE TRINITE : DRUGS

 

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Enfant, Elvis souffrait déjà d’insomnies. L’on imagine la suite avec la pression accumulée, la fatigue et le surmenage… Le King ne se considèrera jamais comme un drogué. Juste un malade. Qui ingurgite des centaines de pilules par semaine. Avale des doses que peu de junkies professionnels seraient capables de supporter. Son entourage s’émeut, jusqu’à la parution quelques mois avant sa mort du célèbre Elvis, What Happened ? de deux de ses gardes du corps vexés d‘avoir été renvoyés un peu trop cavalièrement, la fameuse maffia de Memphis.

 

 

Préfère ne pas vous causer du plaisir que prend Goldman à insister sur cet aspect des dernières années de Presley. Elvis le bouffi, Elvis le bouffon, de l’acharnement thérapeutique. Aucune compassion. De la jubilation à le décrire à l’état de loque humaine, à salir une image tout en se faisant de l’argent dessus.

 

 

LA SAINTE TRINITE : ROCK’N’ROLL

 

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Albert Goldman ne s’en est pas aperçu, mais il joue le rôle de Tata Léone que vous avez fait poser au bas de la Grande Pyramide, lors de vos dernières vacances en Egypte, afin que vos amis puissent se faire une idée de la hauteur du monument. Plus notre père la morale gesticule au pied de la statue dans l’espoir d’attirer notre attention sur les boursoufflures de l’artiste, plus il met en évidence la démesure du personnage d’Elvis. Voulait nous effrayer en nous montrant un monstre, mais il nous permet d’entrevoir la beauté d’une créature chimérique issue de tous les rêves que nous n’avons jamais osés transposer dans la réalité. Ô insensé, qui crois que nous ne sommes pas Elvis ! Elvis est un mythe, un être collectif, qui nous appartient et nous dépasse de toutes nos minuscules immensités assemblées. Quand Albert Golman, lance sa petite crotte puante, il ne fait qu’agrandir la statue qui l’écrase.

 

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Elvis est mort sur son trône. Sur les chiottes. Le plus grand pied de nez qu’il ait pu faire à la postérité. Rappel ultime de l’infinie solitude de tout être humain. Un geste sacrément rock and roll quand on y pense.

 

 

Damie Chad

 

 

PS : nous avons laissé certains aspects de la vie d’Elvis dans l’ombre sciemment, notamment tout ce qui touche à l’incorporation et à Prescilla puisque nous aborderons ces thèmes à l’occasion de futures lectures. De même nous n’avons soufflé mot de certaines analyses du personnage du jeune Presley opérées par Albert Goldman, nous les commenterons lorsque nous reparlerons du mouvement punk.

 

 

 

 

 

LE KING ET MOI. PIERRE EFRATAS.

 

Lefrancq. 1997.

 

 

Patronné par Radio Nostalgie. A première vue c'est beaucoup moins partial qu' Albert Goldman. Mais l'on peut se poser des questions. C'est un livre de commande. Pierre Efratas est surtout connu pour ses ouvrages de fantasy. Belge d'origine il est très attaché au terroir normand. Son succès le plus connu reste à ce jour la biographie romancée de Rollon, duc de Normandie. Comme la dure profession d'écrivain ne nourrit pas toujours son homme ( au demeurant sympathique ) il a dû de temps en temps pour boucler des fins de mois, que l'on imagine difficiles, se charger de traductions et de compilations plus ou moins hâtives.

 

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Je ne saurais dire s'il aime Presley. J'ai l'impression – mais peut-être me trompé-je – que le King n'est pas au centre de ses préoccupations. L'a fait comme il a pu pour bicher le bouquin : tout un tas de citations, bien mis en évidence pour tirer à la ligne : une bio officielle fournie par Graceland, une liste des films en très grosses lettres, une discographie de tous les morceaux enregistrés par Elvis, classés par ordre alphabétiques – c'eût été plus intéressant selon la chronologie des sessions – des réflexions sur les destins croisés de John Kennedy et de James Dean, une longue étude sociologique sur l'état de la jeunesse américaine après la Second World War, une autre un peu moins habituelle sur la corrélation que l'on se doit d'établir entre le succès mondial du roi du rock et la puissance économique dominatrice des Etats-Unis de 1954 à 1974.

 

 

Pas de quoi remplir le bouquin, même en rajoutant un petit dico sur les idées recues. Une idée normande pompée sur le célèbre dictionnaire de l'ermite du Croiset, mais n'est pas Flaubert qui veut et au bout de trois pages, notre auteur n'a strictement plus rien à dire. Comme il n'est pas tout à fait idiot, il a tout de même compris que puisqu'il était incapable de terminer le travail, autant le refiler à un autre. Et même si possible à plusieurs autres ! Lumineuse étincelle en son cerveau fatigué : il se transforme en journaliste et ira recueillir les paroles des spécialistes – en divers domaines – d'Elvis. Je suis comme Johnny prêt à mettre ma main au feu, je doute qu'il ait été présent à toutes les interviewes. L'éditeur a dû envoyer des stagiaires, ou alors le téléphone a dû beaucoup servir...

 

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Le livre sent la frite. Comprenez qu'il vise un peu un public belge, plus flamand que francophone, pour nous pauvres petits français, les célébrités interrogées dans leur grande majorité ne nous sont guère connues. Ou alors on fait semblant de ne pas habiter le même pays, par exemple lorque Francis Lalane déclare qu'il se sent prêt à jouer le rôle d'Elvis dans une comédie musicale.

 

 

Si vous vous attendiez à des révélations trépitandes, vous serez déçus. Que de banalités échangées. Vide intersidéral des relations humaines. L'on se contente de phrases mille fois répétées. Le dictionnaire des idées reçues il se trouve dans tous ces commentaires maintes fois ressassés ! Parfois l'interwiew tourne court. Avec les questions en gras et les blancs pour les mettre en valeur, on parvient à étirer la sauce, mais quelle indigence !

 

 

Saluons Dick Rivers, fidèle au King et qui n'en démord pas. Nous apprend qu'avec les Chats il refusait d'interpréter la moindre chanson du hillbilly Cat. Trop sacré pour lui. Revient sur sa rencontre en 1969 lorsqu'il commet l'imper de ne pas refiler à Elvis sa ceinture que celui-ci avait trouvé belle... Johnny et Eddy n'ont pas pris la peine de répondre aux demandes d'Efratas, sentaient venir le coup fourré !

 

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Par contre la contribution des deux fans transis, Françoise Gheysen et Jacques Thil, qui ont rencontré Elvis à Las Vegas est plus que passionnante. Jacques Thil n'hésite pas à donner vingt-trois clichés personnels du King pris à Las Vegas en 1973. De ces premières kodachromes des années soixante-dix qui au bout de vingt ans ont commencé à perdre leurs couleurs, bonjour la camelote, mais Elvis y est magnifique, pas du tout star, sans frime très simple, fragile même.

 

 

Le livre comporte d'autres documents, des photos, des lettres du Colonel adressées à des fan clubs européens, un long passage sur l'Elvis Presley Internationnal Appreciation Society... De tout ce fatras se dégage tout de même un portrait assez émouvant de l'artiste. Pas obligatoirement le rocker, car ceux qui ont vécu le surgissement d'Elvis en 54- 56 sont très rares en Europe. De même la période 57-58 nous est parvenue avec deux ans de retard quand Elvis était déjà sous les drapeaux en Allemagne. Elvis touchera et trouvera un nouveau public à partir du NBC show. Les blousons noirs de la grande époque se sont évaporés ou se focalisent sur Gene Vincent. Elvis touche un peu à tout, country, variété et retour à ses premières amours : le gospel. C'est cet Elvis-là dont ils ont suivi la carrière que la plupart des protagonistes du livre préfèrent évoquer. Le côté rebelle, ils l'abordent doucement, jamais plus violent que Love me tender. Peut-être ont-ils raison, Elvis s'est – on peut l'imaginer - senti plus à l'aise dans une musique en accord avec ses inquiétudes spirituelles.

 

 

Près de quinze ans se sont écoulés depuis la parution de ce livre qui n'ont fait que confirmer ce que Pierre Efratas tente de théoriser : le mystère de la longévité du mythe d'Elvis. Car le Roi règne encore.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

CONCERT ROCK AU CAMAC

 

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Il y a des jours où le destin vous en veut. Samedi 6 octobre : c'était écrit au feutre rouge sur l'agenda : pas de concert, soirée familiale. Mais voici qu'au moment du dessert une voix chère s'élève : «  Si tu pouvais m'emmener au Camac ce soir, ce serait bien. Je dois y rencontrer une artiste péruvienne. » . Pour le Camac vous aurez la gentillesse de vous reporter sur notre livraison 78 du 22 / 12 / 11 consacré à Frank Ténot. Moi les artistes contempourris et leurs oeuvres d'art souvent très peu performantes je m'en méfie, ce n'est pas mon verre de Téquila, en plus le Pérou je n'ai rien contre, mais je n'ai rien pour non plus. J'ai regardé la fenêtre avec la pluie qui giflait méchamment les carreaux, c'est alors qu'est venu l'argument massue : «  En plus ce soir, il y a un groupe de rock qui joue gratuitement ! ».

 

 

Exactement le genre de promesse à laquelle je ne saurais résister. C'est comme si vous racontiez au grand méchant loup de Tex Avery que le petit chaperon rouge se promène dans les bois en monokini. Bref quinze minutes ne s'étaient pas écoulées que la teuf-teuf mobile fonçait à travers des trombes d'eau diluviennes, dans un noir d'encre que les phares ne parvenaient pas à percer... Cent quatre-vingt-dix sept secondes plus tard nous pénétrions dans le charmant village – son jardin botanique fermé, sa centrale nucléaire en activité ouverte - de Marnay, et stoppions pile-poil face à l'entrée du Centre d'Art Content pour rien.

 

 

Mauvaise nouvelle, vu la pluie mouillante, le concert n'aura pas lieu dans la cour de l'ancienne ferme rénovée en Centre d'Art Comptant pour rien, mais dans une salle au premier étage, deux fois grandes comme ma chambre à coucher. Mais pour contenir trente personnes frigorifiées serrées comme un plant de radis elle se révèlera amplement suffisante. Pas le genre de truc à me faire peur. Moi je suis prêt à regarder un groupe de rock dans une semi-boîte de sardines, si nécessaire.

 

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L'on attend les musiciens. Micros, guitares, batterie, mes yeux tombent sur le nom du groupe, mon cerveau n'a même pas le temps de décoder l'information que les applaudissements polis fusent autour de moi. Mais oui bon dieu, c'est bien vrai, ce sont eux ! Par les mille pompons de Fantômette, le piège aux dents d'acier tranchantes et empoisonnées se referme sur moi. Mais oui, ce sont bien eux, deux filles et trois garçons ! Mais non, ce n'est pas le Club des Cinq puisqu'il n'y a pas de chien – c'est dommage d'ailleurs, on aurait préféré – vous avez reconnu, vous avez deviné, le groupe régional ( attention c'est chez les voisins de Champagne-Ardennes, sans être chauvin en Ile de France l'on a mille fois mieux ) qui monte, in persons – Triveni !

 

 

Je m'attendais pas à les revoir sitôt – pire que la malédiction du chacal de Béthune - le KR'TNTreader se rafraîchira la mémoire en parcourant le compte-rendu du festival de la Saulsotte du 01 / 09 / 12 paru dans notre 110 ° livraison du 20 septembre... Sont pourtant comme moi les zigues pâteux de Triveni, pas très contents. N'ont pas joué une note qu'ils commencent à se plaindre. Figurez-vous qu'en début d'après-midi, la foule du centre commercial Edouard Lesombre de Romilly, se contentait d'écouter le début des chansons et de partir faire leur courses sans attendre la fin des morceaux. Ont même poussé le vice jusqu'à ne pas les applaudir...

 

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Nos petits-bourgeois n'en reviennent pas. Comme le peuple est mal élevé et dépourvu de toute sensibilité artistique ! Sont sûrs qu'ils vont rencontrer ici un public choisi, de véritables esthètes capables d'apprécier à sa juste valeur leur indéniable talent. Et vlan ! Ils reprennent à l'identique leur répertoire de La Saulsotte. Dans ce petit espace, avec un son réduit, Triveni sonne comme ( pas du tout metallic ) KYO, plus gentille ma fille estimera que ça ressemble à du Louise Attaque. C'est sûr que lorsque l'on écoute Louise Attaque on est sûr qu'un autre rock est possible, mais du côté de Triveni ça n'attaque pas beaucoup. Variété-Folk, si vous tenez à une étiquette. Vers la fin vont quand même essayer de nous démontrer qu'ils peuvent sonner aussi méchants qu'un groupe de rock. Simon le guitariste nous joue son petit guitar-héros, je touche les grosses cordes du haut pour avoir du son, je touche les deux fines cordes du bas pour créer un contraste, je retouche les deux grosses cordes du haut, admirez comme je suis un virtuose, manque de peau ou de do, le voici qu'il se plante misérablement, obligé de tout arrêter – « vous voyez que ce n'est pas du play-back ! » – hélas oui, c'est justement là le problème – et il reprend courageusement son interprétation se contentant de grattouiller sans jamais les quitter, les deux cordes du milieu... Z'évidemment z'ont plu au public, manifestement étranger au monde du rock... Faut pas trop en demander aux bobos...

 

 

L'est plus que temps de rentrer à la maison. Il eût été plus malin de rester au chaud à écouter un petit Vince Taylor de derrière les fagots !

 

 

Damie Chad.

 

 

 

 

 

04/10/2012

KR'TNT ! ¤ 112. MIKE SANCHEZ. KENNY WAYNE. MR BOOGIE WOOGIE

 

KR'TNT ! ¤ 112

 

KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME

 

A ROCK LIT PRODUCTION

 

04 / 10 / 2012

 

 

 

SALON ROCK 'N' BOOGIE

 

 

PARC DES EXPOSITIONS / CERGY PONTOISE / 29 / 09 / 2012

 

 

ROCKIN' RAFFI / MR BOOGIE WOOGIE

 

 

KENNY BLUE BOSS WAYNE / MIKE SANCHEZ

 

 

 

PREMIER SALON DU ROCK'N'ROLL

 

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Un sous-titre alléchant. Organisé par wkproduction les mêmes qui font venir des milliers de visiteurs au Salon Country Western au même endroit. Sur le prospectus ils promettent plein de stands, de quoi parfaire sa panoplie de rocker de la tête au pied. L'on ne pouvait pas rater cela. Même la Teuf-Teuf Mobile a compris qu'elle se devait d'y être. A parcouru les cent trente kilomètres en un temps record, a même fait le coup de sortir pile au bon endroit à deux cents mètres du Parc des Expos. Pour la Nuit du Boogie, c'est Billy qui m'accompagne de la boutique Billy Style Elvis Presley. Pour vous faire prendre en photo, il n'y a pas mieux. Un look à la Elvis, mais aucune servile imitation cadavérique, à vous couper le souffle. En plus pendant le trajet, tout comme le Hillbilly Cat, il dédaigne la moindre goutte d'alcool ne carburant qu'au jus d'orange.

 

 

Accueil sympa, un lot de voitures d'époque ( 50 – 60 ) garées sur le paddock, cinq euros l'entrée, une cafet pas chère, et pour les plus fortunés une autre qui vous sert le café à deux euros cinquante dans un gobelet en plastique sous prétexte que vous ne vous asseyez point pour déguster leur plateau de frites à dix-sept euros, avec tasse en porcelaine pour l'arabica. Le genre de philosophie différentielle que je supporte difficilement. Ne dois pas être le seul car les tables vides sont légion...

 

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Pas un max de stands. L'orga a emménagé de vastes allées, sans doute attendait-elle plus de monde. Je ne crois pas que sur toute la journée le chiffre d'un millier de personnes ait été atteint. Ce sont là supputations toutes personnelles. Première déception, pas un seul vendeur de disques présents. L'est sûr qu'avec le Cidics ( Concvention Internationale des Disques de Collection ) qui se déroule aux mêmes dates à la Porte Champerret, les boutiques n'ont pas dû hésité une seconde. A repenser pour la deuxième édition, un salon du rock'n'roll sans prestigieuses galettes, c'est un peu comme une bouteille d'eau ( chacun peut changer la nature du contenu selon ses propres goûts ) sans eau.

 

 

Boutiques de fringues principalement. C'est simple, vous rentrez en slip et vous ressortez déguisé en Daniel Boone, ou en James Dean, ou en Johnny Cash, ou en tout ce que vous voulez. Comme je n'ai pas le gringue de la fringue, j'ai surtout zieuté le trucker de la boutique Western Bike, un magnifique Camion Kenworth, du genre que vous admirez dans le film Le Convoi de Sam Peckinpah. Une des plus insidieuses fables anarchistes made in USA. Mais le mastodonte transformé en supérette de bottes western y perd toute sa poésie. Question Santiags, il y a toujours des culs de pied aux culs du merchandising qui se perdent...

 

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Le seul stand qui m'ait plu, c'est DOM S-D pour Dominique Saraï Desseigne du Graphic Rock Art comme il écrit sur sa carte de présentation ci-dessus. L'on a déjà diffusé de ses images sur KR'TNT sans savoir qu'elles étaient de lui, l'affiche du film Violent Days de Lucie Chaufour par exemple. Pour en savoir plus allez faire un tour sur son site www.domsd.com, vous ne pouvez pas être déçu par un gars qui travaille par exemple autour d'Iggy l'Iguane, Little Bob et MC 5. Son site est en construction mais n'omettez pas de visiter la galerie de ses oeuvres personnelles, comme la superbe évocation de Gene Vincent dans Rock This Way et le poème graphique Défense d'Afficher. Un véritable artiste rock'n'roll, comme il en existe trop peu.

 

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ROCKIN' RAFFI

 

 

Dix-sept heures quarante cinq tapantes, le concert commence. Mouvement de foule vers le plateau. Rockin'Raffi sur son piano mécanique Roland entame La Nuit du Boogie Woogie par quelques boogies enflammés. Rien de surprenant. A part la taille du pianiste. Celle de son âge. Ni longue perche, ni petit Poucet. Celle tout à fait normale d'un enfant de dix ans. Qui joue. Pas avec sa play ( ce qui me plaît ), mais du boogie. Et il ne se défend pas mal du tout.

 

 

Le baby killer n'a les doigts dans ses poches. Fait bondir tout ce qu'il touche. L'est presque célèbre. Un concert au Balajo avec Rocking Malek, passage TV, un max de vidéos sur You Tube. Chante aussi. Juste, mais il faudra attendre la mue pour que la voix s'encrasse et s'enroue un peu. Suis toujours un peu mal à l'aise avec les mini-virtuoses. Combien de petits Mozarts n'a-t-on pas assassiné ( snif ! Snif ! ) à vouloir les faire grandir trop vite. Réaliser ses rêves d'enfants en étant encore un gamin n'est peut-être pas un cadeau. Souvenons-nous pour rester dans le domaine du rockabilly de Larry Collins qui se tapait des duos de guitares avec Joe Maphis et qui par la suite fut incapable de mener une carrière digne de ce nom...

 

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En attendant force est de reconnaître que notre apprenti autodidacte se débrouille mieux que bien. Un parfait petit Jerry Lee, ne reste plus qu'à attendre qu'il grandisse pour apprendre à tuer le maître. Avec d'autres armes que des Great Balls On Fire. Mais ne soyons pas pessimistes. Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années.

 

 

MISTER BOOGIE WOOGIE

 

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L'avons déjà chroniqué dans notre soixante-deuxième livraison du first september 2011. Nous avait prodigieusement ennuyé au festival de blues de Sem. Mais l'avait été accompagné par Nico Wayne Toussaint et son orchestre qui avaient su sertir ses performances pianistiques d'un enrobage de Rhythm and Blues plus que charpenté qui avait fait passer le médicament. Le voici ce soir sans son écrin musical, l'huître seule sans perle pour briller, et sans coquille pour la protéger. Est seulement accompagné d'un batteur et d'un bassiste électrique. Qui feront ce qu'ils pourront pour le tirer du guêpier.

 

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C'est que le boogie-woogie, c'est super mais tout de même un peu monotone. J'ai toujours pensé que ça ressemblait à du Bach ( home ! ), beaucoup plus enlevé, mais quelque part aussi répétitif. Faut être sacrément doué pour les variations. Et ce soir Mr Boogie Woogie manque d'imagination. Faut dire à sa décharge que sous la coupole aplatie du hall le son est un magma infâme dans lequel l'ouïe dit non. Dans des conditions si désastreuses faut avouer qu'il ne s'en sort pas si mal. Nous sort les classiques d'Hank Williams et de Fats Domino. Ne chante pas aussi bien qu'il joue mais cela l'oblige à s'appliquer et cet effort humanise sa prestation l'empêchant de devenir trop mécanique. Sous son chapeau haut de forme rouge, son litron de rouge et les gouttes de sueur qui coule sur son visage livide Mr Boogie Woogie ressemble un peu à un clown blanc triste. Mais un numéro de cirque qui captive les enfants. Rockin'Raffi viendra lui donner un coup de mains sur un tempo spécialement enlevé.

 

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KENNY WAYNE

 

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Entracte, le temps d'engloutir d'un sandwich je reviens vers la scène. Le rock'n'roll est-il une musique de petits blancs ? Toujours est-il que le noir placide qui traverse le public en train de discuter aurait du mal à vouloir passer inaperçu. C'est le seul de l'assemblée présente. Il disparaît backstage. Chat échaudé craignant l'eau froide je m'installe tout devant, contre les barrières. J'aurais ainsi l'immense privillège d'être parmi les rares à entendre distinctement le piano durant les deux premiers morceaux.

 

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L'orchestre prend place, un contrebassiste, un guitariste, un saxophoniste, et un batteur. Enfin Kenny Wayne. Tunique rouge flashante, veste de feu aux zébrures cramoisies, la cinquantaine apaisée, une légère corpulence, tout son corps respire la maîtrise de soi et semble habité d'un came Olympien. La sagacité légendaire du KR'TNTreader n'aura pas manqué de reconnaître le quidam de tout à l'heure qui passait l'air de rien.

 

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S'est assis au piano, nous dit bonsoir – l'on s'apercevra que c'est à peu près tout le français qu'il connaît - lève la main sur le clavier, se ravise, se retourne vers le micro pour féliciter Mr Boogie Woogie de son set, et tout de suite après c'est la splendeur. Suis bien placé pour le voir, s'est contenté d'abaisser deux doigts sur deux touches, mais le son qu'il en obtient est d'une tout autre résonance que tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant. Little White Men, allez vous rhabiller, ici c'est de l'original, zéro pour cent d'imitation, directly from the New Orleans, air de fête et indolence bluesy garantis plus un swing à vous couper les jambes.

 

 

Un régal. Avec un arrière-fond jazzy, un presque rien, un effluve qu'il faut savoir reconnaître mais entêtant dès qu'on l'a saisi dans les narines. Une pulsation sourde mais qui colle à la peau. Du boogie à train d'enfer sur le piano, mais la tradition jazz n'est pas loin, très vite chaque instrument a droit à son moment de gloire, chacun nous soule de son solo empli de soul. De gauche à droite et puis pour ne pas faire de jaloux de droite à gauche. C'est déroulé comme du papier à musique. Une manière aussi de rompre l'interminable pompe à rythme du woogie qui ne s'arrête jamais. Méchamment bons les musicos, mais j'en parlerai après.

 

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N'a pas volé son surnom de Patron du Blues, Kenny Blues Boss Wayne, les deux plus beaux moments du concerts seront ses deux blues. Seulement deux, mais de dix minutes chacun. Le serpent déroule ses anneaux lentement. Un blues d'au-delà des tripes, lent et majestueux, aux ondulations miroitantes et scintillantes. Une corde qui s'enroule autour de votre cou et que l'on serre, que l'on serre, que l'on serre, sans arrêt. Si sournoisement, si insidieusement, que vous ne vous en apercevez même pas.

 

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C'est lorsque vous êtes presque mort que Kenny s'exclame : «  mais non je rigolai, vous avez de la wayne d'être avec moi, remettez-vous je vous emmène au bal. ! » Et il s'empare de Hammond 44 melodion qu'il avait caché sur le buffet. C'est un mini clavier de piano avec un cordon d'embouchure dans lequel vous soufflez comme dans un cotillon, vous pianotez et vous en sortez une sonorité qui allie au velouté du piano le bruit métallique de l'harmonica. Et Kenny Wayne s'en va déambuler sur la scène et s'amuser dans le public. Franc succès, surtout que l'orchestre continue à balancer salement une rifflette d'enfer. Merci Mr Kenny Wayne de ce grand momment.

 

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Je le rajoute en post-scriptum Blue Boss a appelé Rockin'Raffi pour un petit duo sympathique, tous deux côte à côte comme des grands et Raffi qui lui ressort le plan qu'il a piqué tout à l'heure avec Mr Boogie Woogie. Apprend vite la jeune pousse, bon signe.

 

 

 

 

MIKE SANCHEZ

 

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Reviens avec mon deuxième sandwich. Ca bouge sur la scène. A l'extrême-droite il y a un agent secret en manche de chemise de la CIA style watergate puisqu'il est en train de poser un micro presque à ras du plancher. Vous l'identifiez facilement à ses bretelles. Un harnais pour très gros calibre. Un grand sec à petite barbiche pousse le précédent batteur de son siège et prend sa place. L'on pressent le nerveux qui n'en laisse pas passer une. Les trois autres on les connaît, étaient déjà avec Kenny Wayne, un bassiste affûté, un sax sensas, et le guitariste qui a remisé sa grosse mèmère jazzique toute ronde, pour une petite torpedo électrique. Y a comme qui dirait du guitar hero dans l'air. Pas bêtes, vous avez tous reconnu le Drew Davies Rhythm Combo. Des fines gachettes du jump que depuis trois ans l'on retrouve dans tous les mauvais coups. Une équipe de tueurs. Que seuls les meilleurs peuvent se permettre d'embaucher.

 

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Font justement partie de la garde rapprochée de Mike Sanchez quand il vient en France, c'est que Mike Sanchez est un caïd qui ne s'embarrasse pas de petite bière. A traficoté avec Clapton, Jeff Beck et Bill Wyman, a même ouvert pour Led Zeppelin. Une grosse pointure pour résumer. Imelda May qui fit partie de son orchestre durant quatre ans lorsqu'elle s'appelait encore Mary Clabby a déclaré que c'est avec lui qu'elle avait appris le métier... La scène se vide. Le temps d'annoncer Mike Sanchez au micro. Ne le cherchez pas, c'est le géant aux yeux bleus perçants qui est resté collé contre le rideau. Ne s'est pas assis au piano qu'il fait signe de monter le son sur le retour. Sur tous les retours. Ordre d'une simplicité absolue, toutes les manettes vers le haut, dans le rouge.

 

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Et après ? Vous fout deux claques sur le clavier, deux coups à assommer deux boeufs d'une seule main et vous voici emportés dans un tourbillon. Mardi-Gras à la Nouvelle-Orléans. Mais à l'instant précis où Katrina se déchaîne et fond sur la ville. Hurricane tous azimuts. Martellement incessant du piano qui se bouffe des bouffes comme le boufon du roi. Le gars de la Cia, c'est pas un virtuose du gros calibre. Je peux vous donner son nom c'est Jean-Marc, tient un espèce d'énorme lance-missile à ogive nucléaire. Va pas s'arrêter une seconde de vous bazarder des dum-dums sax baryton à vous stopper une charge d'éléphants. Quel souffle ! une détonation de fond incessante, musique d'ambiance pour bataille de chars d'assaut. Drew Davie nous en pète quelques explosions de jalousie. Avec son petit ténor, il joue son cador. Barrit comme Dumbo, vrombit comme un hélicoptère, glapit comme une renarde à qui l'on vient de tuer ses petits, pisse sa colère, se roule par terre, le sax accroché à sa bouche, n'en démord pas de nous mordre à coups de chorus rageurs et ravageurs.

 

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Me demandez pas ce que Simon trafique sur ses caisses. Pas le temps de le regarder mais il assure sans faillir un roulement de tintamarre indispensable aux crises de délirium tremens que pique régulièrement Fabien sur sa guitare. Vibrato funk, personne ne descend car tout le monde est déjà mort. Quant à Thibaut profite d'être tout seul sur la gauche de la scène pour étriper sa contrebasse. Il tire sur les cordes comme sur un boyau de chat écorché. Au grondement de colère qu'elle éructe ça ne doit pas trop lui plaire.

 

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Inutile de porter plainte à la société protectrices des instruments de musique. Certes ils sont coupables mais le responsable c'est Sanchez, assis au bord de son piano. Suffit qu'il lève la main pour que tout s'arrête, la rebaisse et la folie reprend le dessus. Du Fats Domino ? Si vous voulez, mais Mike il abat les vingt-huit tablettes d'une seule de ses grosses paluches. Les blanches et les noires il ne connaît pas. Ecrabouille tout sur son passage. Rouge sang.

 

 

Impérial Mike Sanchez. Pas le genre de chef à se cacher derrière ses soldats. Fonce en tête, l'oriflamme déployé, une voix à réveiller les morts des cimetières, un boogie à faire dérailler les dernières locomotives à vapeur encore en service. Avec lui le son ne se perd pas, il se transforme en cataclysme.

 

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Nous laisse exsangues. Laminés. Concassés. Si vous vouliez savoir la différence intrinsèque entre la pulsation pâmoisante du jazz et le requin-drôle du rock'n'roll, suffisait d'assister aux sets de Kenny Wayne et de Mike Sanchez ce samedi soir 29 septembre 2012. D'un côté vicieuse mélancolie et bonne volonté humaniste, de l'autre sauvagerie festive et spasmes auto-destructifs.

 

 

Qui a dit que le rock était une musique vintage ?

 

 

THE LAST WORDS

 

 

 

Nous n'avions que la permission de minuit. Le hall ferme ses portes. Turky – toujours un choix de disques intelligent qui dénote une profonde connaissance de la musique populaire américaine – lance ses quatre derniers morceaux. Sur la piste je rejoins Billy, a trouvé le temps de faire danser les plus belles gerces du coin et de se payer le resto chinois de l'autre côté de l'avenue.

 

 

Devant la grille d'entrée. C'est le moment des adieux... et des retrouvailles. C'est à croire que toute la bande du Golf-Drouot, celle des mercredis après-midis des années 78 -81, s'est donnée rendez-vous. Emotions et embrassades. Remémoration des amis perdus. La vie prend parfois l'apparence d'une allée de cimetière.

 

 

Séparons-nous. Jusqu'à la prochaine fois. Rock'n'roll will never die. C'est bien connu.

 

 

Damie Chad.

 

 

PS : on n'était pas présent le dimanche trente pour Hot Gang et Be Bop Creek. On le regrette.

 

 

 

KROCKROCKDISC

 

 

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MIKE SANCHEZ and THE BEAT FROM PALOORAVILLE.

 

2010.

 

 

 

HIP BOOTS. THE QUESTION. BABES AND BUICKS. LET'S BE FRIENDS. DRIFTWOOD. ISABELLA. FOUND WHAT I'M LOOKING FOR. IT'S TIME TO ROCK. EVERYBODY'S GOT A BUICK. I'M WISE ( SLIPPIN' & SLIDIN' ). GOT YOU ON MY MIND. CRAWFISH. SHIVER AND SHARE. PRETTY LEGS. SCREAM AND HOWL. PARTY TIME.

 

 

MIKE SANCHEZ ( piano, vocal ). ANDERS LEWEN ( guitare ). URBE HED ( basse ). MARCUS ANDERSSON ( drums ) TOBBE ELIASSON ( Sax ). JACOB NORGREN ( Sax ). JOHAN SVENSSON ( drums ).

 

 

Sacré bordel en ouverture, verres trinquées et femelles éméchées. L'ambiance s'annonce chaude. Rires et piaillements divers. El maestro se fait attendre. Prenez le temps d'enfiler un demi-flacon de bourbon. Party Time, le CD commence par la fin, beaux chorus de sax, une voix à la Fats Domino mais survitaminée, avec une guitare qui s'amuse à imiter la scie sauteuse. Petit slow bien chaloupé avec sous-entendu graveleux, I got you on my mind. Appuie un peu trop sur les you pour être honnête. Je vous avais dit de ne pas y croire, pêche aux crabes sur le morceau suivant, percu inquiétante et sirène ondulante qui double la voix. Petite ballade dans les bois. Attention bois flotté. Ca change tout dans les bayous. Deux petits suppléments en prime, croisière en piano-pédalo dans les marais. Avec un sax qui susurre des galipettes dans l'oreille, et la voix de Mike qui se fait trop coquine pour l'honneur des demoiselles. Posez pas de question, Sanchez y répond à votre place, ça somme un peu comme sur les disques de Little Richard, je parle de la prise de son. Attention le piano s'énerve en acrobatie swing. L'on rentre dans le vif du sujet. Commence à s'énerver le gros Mike, tout le monde à une Buick sauf lui. Vous ferez mieux de dégager si vous ne voulez pas qu'un solo de sax vous roule sur les pieds. Attention, ça filoche dur. Finit par pousser des hurlements de joie quand il a pu vous chopper sur le passage clouté. Un petit air jazzy-jump pour vous prouver qu'il peut porter le costar cravate aussi bien qu'un autre, mais ça se détériore vers la fin, finit par chanter comme un rocker. Et c'est reparti pour une ballade en voitures, remplies de filles, les jupes au vent qui laissent voir les culottes... Je ne vous fais pas de dessin, ça balance en douceur, juste ce qu'il faut pour ne pas fatiguer les amortisseurs, et ces coups répétés de sex, pardon de sax. Tant qu'on y est un petit aperçu sur les jolies jambes des danseuses, ça ne peut pas faire de mal, surtout qu'il y en a qui se promènent en red blue-jeans, ah les crazy legs ! Sans être fétichiste l'on s'attarde sur les boots, tapenades endiablées Mike en oublie de chanter. Preuve que ça tangue sérieusement, et le sax qui aboie comme un chien fou de joie devant son os à moelle. N'en est pas resté muet pour longtemps Mister Sanchez, entame la conversation avec la belle Isabella, lui promet qu'il can rock et qu'il can roll, doit s'y mettre car c'est aux sax de couvrir les bruits, a l'air sacrément de bonne humeur quand il revient après son petit tour. Du coup nous en chantonne une autre tout aussi frétillante, let's the four wind blow, I like the way you walk, vous voyez le satyre qui s'annonce. Ca n'a pas dû lui déplaire à la jeune miss puisqu'elle vient nous affirmer qu'elle a trouvé ce qu'elle cherchait. En tout cas il semble méchamment content de la déclaration de Lily Mae, en pousse des rugissements de joie, that's my baby clame-t-il aux alentours. Je vous fais grâce des borborygmes qui accompagnent ses proclamations. Mais trêve de plaisanterie, c'est le temps du rock, petit instrumental bien balancé pour se secouer les genoux. Ca lui a vraiment fait du bien à Mike Sanchez nous répète à plusieurs fois qu'il feel so good qu'on en est presque jaloux. Deux petits arpèges de blues, une trompette qui aboie et l'on se dirige vers une minauderie taquine de voix de vieux matou qui se met à miauler. L'on termine sur un classique de Little Richard, ça glisse et ça zippe tout en douceur. Tout en sagesse. C'est Lily Mae qui aura les derniers mots. Frissons et secousses. Faut pas lui en promettre mais le programme a l'air d'agréer à Mike Sanchez qui se hâte de lui proposer de faire ami-ami. Rappel avec cuivre pour résumer le programme, Babes and Buicks.

 

 

Ce doit être son credo : l'a déjà enregistré Women and Cadillacs en 2008. Nous lui proposons Meuf et Teuf-teuf pour 2012.

 

 

Moins à l'emporte-pièce que le tour de chant. Fats mais pas obligatoirement furieux. Très agréable. Quelque part entre Little Richard et Domino, une manière de chanter un peu comme les rockers blancs voire comme Frankie Laine, plus un relent de Wison Pickett. Un gumbo très original. Comme vous n'en mangerez jamais ailleurs.

 

 

Damie Chad.

 

 

 

REVUE DES REVUES

 

 

ROCK'N'FOLK N° 542.f25.jpg

 

OCTOBRE 2012.

 

 

 

Le rock se meurt la queue. Après le L. A. Woman des Doors, le Nevermind de Nirvana, c'est au tour des Sex Pistols de fêter l'âge canonique – qui est aussi le temps de l'andropause – du brulôt Nevermind the Bollocks. La totale, les prises alternatives, le remix, la photo, le 33 et le CD et le livret dans le packagin. Ca pue la récupération commerciale, le punk serait-il mort ?

 

 

 

Non il survit encore. Musicalement non. C'est terminé. Nous sommes à l'heure de la guimauve-pop. Patrick Eudeline vous enfonce le clou dans les gencives au cas où vous l'auriez oublié. Mais reste plein d'optimisme. Là-bas, très loin, des minettes encagoulées – fraise des bois, bleu nuage et jaune banane – s'en sont allées semées le souk dans une église. Ca s'est passé en Russie, pays où le communisme n'a pas dû être particulièrement virulent puisqu'après être resté quatre-vingt ans au pouvoir ils n'ont même pas réussi à éradiquer le christianisme de la tête du moujik de base. Bref les Orthodoxes ont porté plainte et le Président Poutine s'est fâché tout rouge. Enfin presque. Du moins pas le rouge que l'on aime. Bref trois petites minettes toutes mignonnettes condamnées à deux ans de camp ( plutôt de concentration que de vacances ). Rock'n'Folk nous sort la plus belle couve de l'année tous magazines-rock confondus. Avec interview en prison.

 

 

Faudra me prévenir quand la chasse au Daho sera ouverte. Voici que les BB Brunes ont cédé au bronchiteux asthmatique. Une victime de plus dans le rock français qui ne se relèvera jamais de la variétrockche des années 80. Mieux vaut ne pas lire la suite. Avant de rejeter le magazine, découpez l'article de Christian Casoni sur Robert Lee Burnside.

 

 

SOUL BAG. N° 208.f26.jpg

 

Octobre-Novembre-Décembre 2012.

 

 

 

Shemekia Copeland en reine du blues sur la couverture avec interview géante à l'intérieur. Une fille sympa qui ne s'y croit pas. Pas folle la guêpe, ne revendique rien sauf le fait d'être une chanteuse de blues. A ceux qui lui reprochent qu'elle n'est pas une puriste, elle répond que dans l'Amérique d'Obama la condition de vie des noirs n'est plus celle des champs de coton du delta. Se verrait plutôt dans la suite de Ma Rainey ou de Bessie Smith. Intelligente remarque. Ajoute même que le problème s'est déplacé ou peut-être simplement éclairci : ce n'est plus les pauvres noirs victimes des riches blancs, mais les pauvres dominés par les riches. Question de classe devant la couleur. L'on n'a pas envie de la contredire. S'insurge même contre la mode du blues. Que chacun y aille de sa goualante la gêne, beaucoup trop se refont ainsi une virginité sociale à moindre frais. Ce qui n'empêche pas que moi d'instinct je la classerais dans les chanteuses de rhythm and blues et non de blues. Pourtant faut reconnaître qu'elle sait argumenter.

 

 

L'on retrouve – tout comme dans Blues Magazine – Robert Cray en couverture. Quarante ans de métier et le sentiment de décrire les choses plus que de se battre pour les bousculer. A l'impression de faire beaucoup en se déclarant pour Obama. Certes quand on compare à la bêtise d'un Mitt Ronney, il n'y a pas photo. Mais tout cela me donne l'impression d'un blues qui a les pantoufles au chaud. Embourgeoisé dans sa tête. Même s'il s'en défend.

 

 

Un numéro qui fait réfléchir. Ne pose pas directement les questions mais donne assez de matière pour qu'elles puissent surgir dans votre tête.

 

 

Damie Chad.