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13/06/2018

KR'TNT ! 378 : OBLIVIANS / SPUNYBOYS / UNBELIEVERZ / CRAHSBIRDS / JOKOKO / LOOSER DISCS

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

LIVRAISON 378

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

14 / 06 / 2018

OBLIVIANS / SPUNYBOYS /UNBELIEVERZ /

CRASHBIRDS / JOKOKO / LOOSER-DISCS

TEXTE + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/

Obliviande - Part Two

Revoir les Oblivians sur scène, c’est toujours intéressant, même s’il n’y a rien à en dire.

— T’as vu, c’était super !

Oui, la messe est dite depuis belle lurette. En gros, depuis 1998, quand Tim Warren s’extasiait à coups d’Holy fuck ! et d’Oooh Yasss ! dans son Big Daddy Catalog. Ce gros document fonctionnait comme une bible. On le consultait dès le réveil avec la première clope et une dernière fois le soir, avant d’éteindre la lumière. Tim Warren ne tarissait plus d’éloges sur les Oblivians, les Gories et toute la smala de gangs qu’il avait signé sur Crypt, mais il vantait aussi les mérites de l’exotica, du rockab, du cajun, de l’early r’n’b qu’on appelait le jump et d’une ribambelle de curiosités underground. Comme Lux Interior, il creusait inlassablement cette mine d’or qu’on appelle aussi la poubelle de l’industrie musicale américaine. Tous les deux parvenaient à déterrer des merveilles qui allaient en quelque sorte sauver le rock menacé de beaufisation par les services de marketing de l’industrie musicale. Le meilleur exemple de cette réaction à l’aplatissement généralisé, c’est l’arrivée d’Azil Hadkins dans les bacs des disquaires européens. Invendable, mais génial. Merci Lux ! Tim Warren et Lux Interior étaient convaincus d’une chose : le pur esprit rock reposait sur un principe de sauvagerie. À leurs yeux, le rock ne pouvait être ni dompté ni corrompu ni civilisé. Go fuck yourself ! Pour eux, le rock ne vend pas son cul. C’est dire si Lux et Tim avaient du courage pour oser exister face à un système aussi écrasant que le monde corporate. Un système qui avait réussi à désamorcer la bombe du rock’n’roll des fifties (Elvis envoyé faire son service en Allemagne, Jerry Lee coulé par des charognards de la presse anglaise, Little Richard rentré dans les ordres, Buddy Holly et Eddie Cochran enterrés, Chuck aussi, mais vivant, au trou, il ne restait plus que des mecs comme Bo et Fats qui ne représentaient aucun danger pour l’establishment). Ce même système réussira vingt ans plus tard à récupérer la vague punk anglaise pour en faire un commerce d’accessoires de mode, piétinant ostensiblement la valeur artistique d’un mouvement spontané. En gros, Steve Jones, Pete Shelley et Brian James subirent le même sort qu’Elvis, Chuck et Jerry Lee. Trop sauvages, trop beaux, trop libres pour être honnêtes. Il fallait que ça cesse d’une manière ou d’autre autre. Mais cette vague punk fit des petits comme elle put, de la même façon que la première vague de pionniers enfanta des revivals plus ou moins crédibles. Quel que soit le domaine musical, les kids font preuve d’une patience et d’une curiosité infinies. Et c’est précisément là où des gens comme Lux et Tim sont vitaux, car étant eux-mêmes acteurs dans leurs domaines respectifs, ils font autorité en matière de cap à suivre. Ils devinrent en quelque sorte les arbitres des élégances, dans un univers labyrinthique où il était facile de se perdre, tant sur le plan financier que culturel.

À une époque, lorsqu’on s’intéressait aux auteurs du XIXe, on écoutait religieusement les voix de Pascal Pia et d’Hubert Juin. Ils s’exprimaient comme des oracles, et montraient le chemin conduisant à certains trésors enfouis de la littérature de l’avant-siècle. En matière de culture rock, les journalistes du NME - Mick Farren et Nick Kent en particulier - ont longtemps occupé les postes d’oracles, jusqu’à l’arrivée des ouvrages (trop) richement documentés de Peter Guralnick (deux tomes définitifs sur Elvis, mais aussi des choses captivantes sur la Soul, la country et le blues, l’ouvrage le plus récent étant un pavé indispensable de mille pages sur Sam Phillips). Tous ces gens n’en finissaient plus d’indiquer la seule direction possible : l’underground. La caverne d’Ali-Baba, l’anti-téléramisme, le paradis des affamés d’oxygène, en clair, un vivier de centaines d’artistes passionnants à découvrir et très vite le sentiment qu’une vie ne peut suffire à tout explorer. Arghh !

Et quand les Oblivians débarquent sur scène, c’est toute cette culture qui remonte immédiatement à la surface. Ces trois mecs de Memphis incarnent la grandeur de l’underground américain à la perfection : pas de roadies, pas de costumes de scène, pas de rien. Deux guitares et une batterie. Greg Cartwright arrive le premier sur scène. Il a perdu un peu de poids. Il semble assez tendu et jette un coup d’œil furtif sur les trognes pétries d’admiration alignées au premier rang. Il branche sa guitare et une vieille pédale wha-wha. Rien d’autre. Pas de rack de pédales d’effets comme en ont les musiciens à la mode. Cartwright porte une chemise ouverte sur un T-shirt, et des mocassins basiques. Les moins chers du magasin. Quand plus tard, un mec du public lui dira «I love your shoes !», Cartwright répondra sèchement : «Comfortable stage wear !» Greg Cartwright n’est pas un communiquant. De l’autre côté, Eric Oblivian branche sa guitare et on voit enfin arriver l’une des plus grandes stars de l’underground américain, Jack Yarber, habillé lui aussi à la ville comme à la scène, casquette, polo et pantalon de survet de couleurs improbables, dans des tons grisâtres, comme s’il ne voulait pas qu’on le remarque. L’anti-rock star par excellence. Il s’installe à la batterie et va faire pendant la première partie de set ce qu’il fait depuis vingt ans : battre sec et net cette collection de hits trash-punk qui n’ont pas pris une seule ride. Et pouf, les trois vétérans de la scène garage de Memphis envoient leur vieille purée : «Feel Real Good» suivi de «Shut My Mouth». Très vite, Greg Cartwright monte sur ses grands chevaux et s’exacerbe, au point qu’on s’inquiète pour son équilibre physiologique. Dans les poussées de fièvre, il frise littéralement l’apoplexie, son cou se gonfle et il devient rouge comme une tomate, il faut le voir hurler ses vieux hits colériques. Il croit qu’il a toujours vingt ans et qu’il peut piquer des crises psychotiques comme au bon vieux temps. Mais il le fait avec une telle véracité épidermique qu’on ne peut que se prosterner devant l’expression d’une rage aussi exemplaire. Sa technique de guitare n’en finit plus d’impressionner, il double sa rythmique frénétique d’échappées belles, de petites tortillettes d’imprécations cavaleuses. Il joue tout à la stricte arrache, sans pitié pour les canards boiteux. Eric Oblivian et lui offrent un beau spectacle bien rôdé de deux bretteurs qui ferraillent au mieux des possibilités du genre. Ils sont vraiment les rois des ferrailleurs. Ils taillent leur son ventre à terre, dans une sorte d’osmose rouillée de carcasse abandonnée. Le plus drôle de toute cette histoire, c’est qu’Eric Oblivian et lui ont des allures de profs. Ils ressemblent plus à des profs d’histoire-géo qu’à des rockers. Ils sont parfaitement anti-punk et anti-déguisement. Tout leur crédo passe par le son. Par le raw du son. Pas plus raw to the bone que l’Oblivian Sound System. Vingt ans après leurs débuts, leur punch reste intact. Ils sortent un ramdam qui forcément ne peut pas plaire aux âmes sensibles, mais c’est fait pour ça. S’il est bien un groupe intègre sur cette terre, c’est les Oblivians. Ils partagent cet apanage avec leurs collègues les Gories. They don’t give a shit, comme le disent si élégamment les Anglo-saxons, ce qu’on pourrait traduire par : si ça ne te plaît pas, va voir ailleurs ! Mais leur raw a du style. Difficile d’expliquer la grandeur du garage-punk quand il est bon. Le garage-punk bien foutu est une sorte de synthèse cataclysmique. Les Oblivians fonctionnent comme des éponges qui régurgitent : ils ont pompé toute la légende de Memphis, depuis Meteor et Sun jusqu’aux Jesters et Mud Boy & The Neutrons, et ça ressort sous forme de giclées fumantes. Ils ont assez de talent pour calibrer ces poussées de fièvre et assez d’énergie pour les personnaliser. Eric, Greg et Jack puisent exactement au même endroit que Lux et Tim et ça ressort sous la forme de «Woke Up In A Police Car» et «Big Black Hole». Explosif. Emmené à train d’enfer, au tempo de la métempsychose du Memphis Psychosis with the Memphase Blues again. On pourrait penser que Memphis donne du crédit aux Oblivians, mais il faut raisonner à l’envers, quand on les voit jouer sur scène, ce sont les Oblivians qui donnent du crédit à Memphis, surtout quand Jack Yarber arrive au micro coiffé de sa casquette grise : il enveloppe sa SG bordeaux de tout son corps et se penche vers le micro pour emmener la deuxième partie du set dans l’un des plus fascinants firmaments de tous les temps. Il est l’une des dernières grandes incarnations du rock américain. Ce mec pue la classe à dix mille kilomètres à la ronde. Il chante et joue «Strong Come On» avec une élégance naturelle qui devrait servir de modèle à tous les apprentis sorciers. Il semble se fondre dans son oblivianité, il joue son rôle de chef de meute avec un flegme fascinant. Chaque seconde de ce spectacle nous conforte dans l’idée que le rock n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité bruyante et vivante, l’expression d’une forme de vie intelligente. Les Oblivians n’en finissent plus de labourer les terres de leur légende pour que germent des éclairs à n’en plus finir, pour que leur lumière éclaire encore un peu les ténèbres de notre vaste médiocrité. Rien n’est plus spectaculaire qu’un groupe sûr de lui. Oh bien sûr, les Oblivians ne rempliront jamais les stades, mais ils le savent depuis vingt ans et sans doute s’en félicitent-ils, car au fond à quoi sert de remplir un stade, sinon à devenir riche ? Et une fois qu’on est riche, à quoi sert d’acheter des voitures et des maisons ? Car une fois qu’on a acheté les voitures et les maisons, que fait-on ? On achète des œuvres d’art et on fait des voyages ? On se paye des putes de luxe ? Et après ? On fait quoi ?

Signé : Cazengler, Obladi, Oblah-blah

Oblivians. Le Petit Bain. Paris XIIIe. 28 mai 2018

 

FONTAINEBLEAU / 07 – 06 – 2018

LE GLASGOW

SPUNYBOYS

J'ai détruit la moitié de l'appartement – et l'autre ne valait pas mieux – le mois dernier quand j'ai appris que les Spuny étaient passés la veille au Glasgow sans que je le susse comme disait Colette en évoquant un individu qui se vantait d'avoir été son amant. Grâce à Sergio Kahz qui m'a prévenu, au lieu de passer le bulldozer sur les restes de ma malheureuse bicoque je puis en toute sérénité ce matin écrire ma kronic tout en me faisant cuire un œuf à la coque. Au hasard Balthazar, quelles sont les premières personnes que je rencontre dans l'antre à bière mousseuse ? Je vous le laisse deviner en mille et une nuits : Sergio Kazh – à qui vous écrirez une belle lettre de remerciement sans faute d'orthographe, si possible, pour les photos - Bryan Kazh sans sa contrebasse mais en la charmante compagnie de Daytona, et Maryse Lecoultre, vous avez reconnu la cellule germinative de la revue Rockabilly Generation – j'ai eu droit à la primeur de la couve du numéro 6, pas vous, mais le monde est rempli d'injustices. Terminons les élucubrations de Damie, voici les Spuny !

SPUNYBOYS

Beaucoup de monde. D'abord c'est les Spuny. Ensuite, le Glasgow ils l'écument régulièrement, le lieu où nous avons joué le plus de fois, se vantera Rémi. Enfin pas besoin d'établir des statistiques ni de se livrer à une enquête ministérielle, un scandale épouvantable, la sacro-sainte parité n'est pas respectée, ça crève les yeux, une majorité de filles qui squattent les premières places et n'en finissent d'onduler, telles les pommes tentatrices de l'éden qui se balançaient sur l'arbre de la connaissance du désir sous la brise que le Devil in person soufflait diaboliquement sur ces fruits merveilleusement juteux. C'est que Rémi vous a un de ces sourires ravageurs... Pour la musique je ferai vite : imaginez une tornade qui oscille entre la force 10 du Bop et la force 11 du ted-sound, avec fragrances hillibilly et saveurs jazz sur les soli de contrebasse, le tout agrémenté de pépites vocales à virulentes envolées Richardiennes, the man you could see on the sea, the man you could see on the sky. Pour monter si haut dans les cieux, Rémi triche un peu, l'a sa béquille. Sonore. C'est comme les oiseaux, l'en existent de plusieurs sortes, les migrateurs, les cuculiformes, les passereaux, lui fait partie des échassiers. L'a dû – ceci n'est qu'une hypothèse de travail hautement scientifique - être traumatisé dans son jeune âge par la lecture du le Baron Perché, d'Italo Calvino, qui refuse de descendre de son arbre, Rémi lui s'obstine à se percher à la moindre occasion sur sa big mama. S'y trouve bien, c'est son nirvana, son nanan de grand garçon, quand il ne se retient plus de faire un malheur il ne résiste pas, il grimpe dessus, s'installe aussi à l'aise sur ce perchoir instable que sur les larges banquettes-arrière des Cadillac, n'a pas le fromage du corbeau dans le bec, par contre l'en possède le ramage, un organe flexible et puissant, qu'il entrecoupe par de longs cris de dinosaurus erectus, dans le seul but nous assurent les paléontologues de paralyser leur proie, et peut-être même leur femelle – parfois il en descend, la prend sous son bras et s'en va se promener. La jette à terre, et entreprend de faire des pompes sur le plancher, une note, une pompe, une pompe une note, au niveau respiratoire la note devrait être salée, mais non continue de chanter comme si de rien n'était, se juche sur les tonneaux ( qui servent de table ) en jonglant entre les verres, et poussera même le vice suprême à jouer à la pyramide sucrière, un je monte la big sur sur la barrique, deux je monte sur la mama, trois miséricorde ! j'ai beau tirer sur les cordes et essayer de poursuivre mon ascension ma tête époussette déjà les toiles d'araignée du plafond. Vous l'avez compris un Rémi en pleine forme, qui vous pousse des hurlements de sauvages toutes les trois minutes, vous descend tout le répertoire rockab à la mitraillette lourde, sa banane, désormais méthanière, pointant comme le rocheux éperon de l'île d'Oléron.

Evidemment s'il peut se permettre ce genre d'acrobatie, c'est qu'à ses côtés ça assure grave. Guillaume, encore un excité. Pas du même genre. Dire qu'il fait ses coups en douce serait un mensonge, une contre-vérité historique, car il cogne ses peaux avec la force démesurée des sapeurs qui enfonçaient les pieux qui permirent de construire le pont salvateur dans l'eau glacée de la Bérézina. L'a d'ailleurs un peu le rôle de Napoléon dans le combo fou. C'est lui qui décide. Vous fracasse les œufs durs d'alligator à coups de masse sans préavis et les deux autres ont intérêt à s'aligner illico les coquelicots. Son truc à lui, c'est le coup qui tue. Un seul suffit. S'il en faut douze pour allumer le kaos, vous en compte douze, pas un de plus, pas un de moins, les bons comptes font les bons amis, et un bon ami est un ami mort. Pas le temps de ramasser les cadavres, sans préavis vous cingle une cymbale, à la manière d'un hussard qui taillade la croupe de sa monture afin de lancer la charge, mais ce que je préfère, c'est son air impérial lorsqu'il arrête tout brutalement – car chez Guillaume même le silence est brutal – j'adore le voir immobile, la baguette arrêtée net au milieu du tambour, me rappelle Tante Agathe quand elle plongeait sa cuillère de bois d'une façon définitive dans la casserole du civet, l'air de dire mes enfants je vous assure que ce sera bon, et ma foi je l'avoue le chat du voisin n'avait jamais meilleur goût. Et ploum, il relance la tambouirlle comme jamais. Déconstruit des murs de breaks, un furet de fureur, insaisissable, vous emplafonne l'ouïe par ici, et vous défonce l'Eustache déjà par là.

Eddie est à la guitare ce qu'est la catastrophe lorsqu'à l'autre bout du monde un innocent papillon bat doucement de l'aile, la gauche. L'a son style à lui. Pas le genre à vous pondre de longues phrases à la Damie Chad que personne n'y comprend plus rien au bout de trois lignes. S'il entrait chez les scouts – en fait je le verrais mieux chez les Comanches - ce serait facile de lui donner son surnom, ce serait vitriol incisif. C'est toujours celui qui en fait le moins qui produit le plus d'effets quand il se fout au boulot. Ce genre d'ouvriers de la onzième heure sont le cauchemar des DRH. Bref Eddie – et cet adverbe n'a jamais été précisé avec autant d'à-propos sémantique – il ne joue pas de la guitare. Il intervient. Style commandos qui vous détruisent les canons de Navarone avec de détonantes charges de plastic. Son truc à lui, ce n'est pas la plume chatouilleuse. L'est du genre grande glaciation subite. Vous égrène une dégelée de notes, comme çà, par surprise, juste pour le fun de vous faire souffrir, point trop n'en faut, dose minimale, sept secondes maximum, et vite il se pousse sur le côté, en arrière, car oui, il est comme ça, un gamin vicieux qui sait qu'il fait mal, qu'il ne devrait pas, mais plus fort que lui, animé par le démon du rock'n'roll faut qu'il s'avance, qu'il fanfaronne, que l'on ne voie que lui, une minuscule période temporelle, et puis le gars modeste qui se retire désespéré de vous avoir dérangé. Vous pensez qu'il regrette qu'il va vous rédiger un mot d'excuse, pas du tout le matou, un m'a tout vu qui remet le couvert, nouvelle fricassée de banderilles, vous laisse pantelant dans l'arène, ne vous inquiétez pas il reviendra. Chemise rose de tueur de la maffia, l'a la gâchette facile sur son stradivariock. Un virtuose.

Noche muy caliente, hay ! senoritas, hablo el langage de Don Quijote tambien, trente-cinq degré quatre dizièmes, sûr que vous pouvez poursuivre vos étuves au Glasgow, z'ont la camisole trempée de sueur et leur grimpant en guenilles qui leur colle aux parties, pas de quoi arrêter des rockers, pas de pitié, exunt les trois sets réglementaires, ce soir tout le monde l'aime chaud, quarante titres d'affilée, sans halte, ni étape. Rappels sur rappels. Tout le monde en veut encore, nos trois escogriffes et particulièrement tout le public féminin qui n'arrête pas de s'agiter, un pourcentage d'agglutination si hallucinant que vous en ressortez massé de partout, sérieuses concurrence pour les massages thaïlandais, peuvent aller se rhabiller, le Rockabilly Generation N° 4 s'écoule comme des doses de crack à la Porte-de-la-Chapelle, les Spunys sont en couverture, l'impression toutefois que la gent féminine préfère les boys en os et surtout en chair. Little Richard, prédicateur devant l'Eternel à ses heures perdues nous l'a répété à mainte reprises, dans ses heurts retrouvés, le rock'n'roll est un péché véniel. Que le Diable nous entende. Ite missa est.

Damie Chad.

08 / 06 / 2018MONTREUIL

L'ARMONY

UNBELIEVERS / CRASHBIRDS

Rendez-vous à L'Armony, wouah ! Le café fait peau neuve, le mur de la scène repeint à vif, rouge sang d'un côté, noir anthracite de l'autre, et la paroi de gauche recouverte d'une tapisserie matelassée de trois centimètres d'épaisseur, de quoi empêcher le bruit d'un rotor d'hélicoptère de franchir la cloison, la classe ! Quand j'arrive les Unbelieverz sont en train d'installer le matos, un spectacle en soi. Normalement faudrait traduire par ''non-croyants'', mais ''les incroyables'' correspondrait mieux. Pas des stressés de la touffe, le prennent à la cool, no speed, Delphine – she 's the one in her red bluejeans – aide de son mieux ces grands enfants qui s'amusent comme des gosses et qui n'en font qu'à leurs têtes. Sont avant tout intéressés par la découverte du nouveau millénaire, ces porte-verres ( de bière ) qui se fixent sur la tige du micro... ne les prenez pas non plus pour des shadocks, à eux cinq leurs parcours individuels résument l'histoire du rock français, Spermicide – virus extrêmement dangereux – Bad Losers, The Jones, Shitbones, The Sarah Connors, Pat Kebra qui permet par les lois de la sainte généalogie de remonter jusqu'à  Oberkampf, des gars qui ont déjà pas mal d'heures de vol à leur compas.

THE UNBELIEVERZ

A peine ont-ils enfourché les premières mesures de Pipeline, que le public se masse devant la scène, le combo joue sec et chaloupé, ce balancement primal issu du vieux blues qui depuis et durant trois-quarts de siècle a irrigué la veine cave du rock'n'roll des bas-fonds. La danse furibarde de l'éléphant qui écrase la tête des serpents venimeux qui lui barrent passage. La grande gueule devant, sous sa casquette et au micro, c'est Jex Spector, l'a laissé son harmonica à la maison, et l'air de rien la tête complaisamment appuyée sur son coude, personne ne s' apercevrait qu'il déchiffre les paroles des morceaux s'il n'avait pas les textes étalés sur le lutrin paroissial devant lui. L'envoie sans efforts de sa belle voix solide, sans se prendre au sérieux, distribuant quelques coups de pieds amicaux dans le derrière des guitaristes au moment des soli. On ne le voit pas, caché par ses camarades, mais il n'arrête pas de japper, le chacal du désert qui dénonce la caravane par ses rafales d'aboiements incessants. Rascal est à la batterie, une frappe qui ne s'alourdit jamais, rebondit sans cesse, l'éternelle jeunesse du battement primordial, fuite éperdue d'un tempo en accélération, se renouvelle sans cesse, refuse les conclusions épisodiques des breaks qui s'achèvent en fanfare grandiloquente, préfère mener la coure en tête, une pétarade crépitante incessante. Tir nourri de guitares par devant, JC Vivron (- nous jusqu'à demain, sans doute puisqu'il existe encore du rock'n'roll au bout de la nuit ), en retrait, discret mais une extraordinaire présence, les doigts qui crawlent sur le manche à croire qu'ils traversent le Channel poursuivis par un banc de requins affamés, un orfèvre, rapide mais d'une précision extrême, l'aime ça, cela se sent à la manière dont il assaille son instrument, l'a un pari à gagner contre lui-même à chaque minute, et il remporte la mise à chaque fois. Sera éblouissant sur les deux derniers titres I Wanna Be Free et I Got a Right des Stooges. Le rock sans malaise n'est qu'un cobra sans venin, manque l'essentiel, un côté sombre et malsain – face Lux folie douce et pile Interior névrose tourmentée – l'on a de la chance, z'en z'ont deux dans Unbelieverz, Thierry Jones à la guitare – le côté Brian des Stones – davantage enfermé en lui-même, joue en solitaire pour lui-même et Stephen Bacon, vous le sert en tranches sombres et empoisonnées, amer, sur une autre planète, peu paradisiaque, White Heat White Light et Strychnine pour ceux qui veulent empoisonner le chien du voisin. Neuf titres – pas très neufs puisque ce sont des reprises – mais bourrés d'énergie. De l'amphétamine rock sans reproche, sans surprise mais si bellement expédiés que le public en redemanderait, faudra se contenter des souvenirs de Up & Down et She Does It Right. Eux aussi. Le font très bien.

CRASHBIRDS

A ) Théoria :

Les cui-cui sont de retour à l'Armony, sacrée nichée. Pierre Lehoulier en corbeau noir, Delphine Viane en corps beau rouge. Les Bonnie and Clyde du dirty rock'n'blues. Tirent à vue sur tout ce qui bouge, et sur tout ce qui ne bouge pas, dans le seul but de n'oublier personne. Des bienfaiteurs de l'Humanité, qui ne les mérite pas. Mais sans doute est-il temps de méditer sur le premier terme de cette sainte trinité, de cette maudite trilogie. Dirty, parce que le monde est sale. Beaucoup ne s'en aperçoivent pas. Parce que when they awoke in the morning, ils prennent garde de fermer les yeux. Ne veulent pas voir les pensées qui grouillent en leurs têtes, que le petit déjeuner avalé ils se mettront en quête de Someone To Hate, qu'ils ont une déclaration de mort à faire leur meilleur ami, I Want To Kill You, qu'ils seront sans pitié, No Mercy. Le problème c'est que s'ils jetaient un regard au-dehors, ce serait encore pire, une vie désagréable les attend, Hard Job, dans lequel ils are Boring To Death, et s'ils essaient d'analyser froidement la situation, le constat est simple : ne sont ni plus ni moins que des European Slaves. Fatale vision. Ne vous reste qu'à prendre une corde et à vous pendre au premier réverbère qui passe dans la rue. Triste destin. Déjà vous strangulez , vous pendouillez sans force et l'agonie vous tressaute. Tenez bon, ils arrivent, Mister Blues et Miss Rock. Sont plus forts que vous, elle et lui se sont chacun munis de six cordes et alors que vous sentez le néant s'infiltrer en vous, ils vont vous requinquer fissa. Vous ne savez pas comment, toute l'histoire vous est contée par le menu ( apéro et café compris ) dans le paragraphe suivant.

B ) Praxis :

Pour voler à votre secours Pierre a chaussé ses bottes de sept lieues, nous ne sommes pas dans un conte de fées, aussi nous efforcerons-nous à une description plus réaliste, disons des charentaises phoniques, une espèce de pantoufle géante en bois qu'il piétine du pied droit sans s'arrêter. Martèle le rythme du blues, une espèce de menuet dessalé qui n'est pas sans évoquer en même temps la marche pesante et solennelle de la statue du Commandeur qui s'en vient vous prendre par la main pour vous emmener en enfer. Frappe du talon et vous met en communication directe avec la marche funèbre de votre futur enterrement. Beaucoup plus ensorcelant qu'il n'y paraît. Une cantate hypnagogique ensorcelante, les yeux fascinants de l'Alligator qui vous regardent longtemps, longtemps, avant de... Suspense intolérable, nous interrompons cette narration, pour vous laisser le temps de respirer.

Car l'antidote de cet instinct de mort est juste à côté. Delphine, le rock incarné au féminin. Sourire narquois et joie de vivre. Trille dans le micro. Vous réconcilie avec la vie dès qu'elle ouvre la bouche. Vous raconte des horreurs sans nom qui à peine sorties de ses lèvres se métamorphosent en tentations irrésistibles. Avec ses cheveux roux, sa salopette rouge, l'est une flamme vivace qui pétille de mille feux. Vous débite des tombereaux de cauchemars, d'une voix tranchante comme un sabre d'abordage, elle conte le carnage de vos illusions et vous buvez le sang qui gicle comme du petit lait sorti tout droit de la mamelle sacrée de la Grande Déesse. Une comédienne, lorsque Pierre annonce un nouveau morceau Stupidity et qu'il embraye une intro sautillante et goguenarde à souhait, elle sourit si bêtement que vous ne pouvez pas penser à l'incipit épigraphique du roman de Jean-Paul Toulet : ''Quelle est cette jeune personne, qui s'avance vers nous et dont les traits n'annoncent pas une vive intelligence ?''Mais la voici de nouveau altière comme une déesse.

Ne riez pas. Regardez Pierre, ferme les yeux, ses doigts courent sur sa Gibson, l'est loin de nous, l'atteint à une espèce de transe extatique qui l'emmène on ne sait où, au plus profond des eaux saumâtres du bayou. Sa barbe pointue lui confère l'attitude d'un sage du désert près d'atteindre le nirvana. Sa guitare psalmodie une étrange mélopée venue d'ailleurs. Delphine scande un texte qui vous prend l'ampleur d'une épopée viking, vous ne vous appartenez plus, subjugués par une rythmique bourgeonnante d'inventions, vous êtes en partance, et tout s'arrête brusquement. Pierre se talque les mains et saupoudre le manche de sa guitare, Delphine change d'électro-acoustique, et Monsieur Lehoulier se vante de ne pas savoir jouer le morceau suivant. S'en tire comme un chef de guerre. Personne n'en avait douté un quart de seconde.

Miss Rock and Mister Blues, ce n'est pas Le Rose et le Vert de Stendhal, c'est le rouge et le noir de la double hélice de l'ADN de notre musique. Dès qu'elle se met en mouvement, elle réveille les monstres qui dorment au fond de nous. Les Crashbirds, ne sont que deux, formation à minima. Mais ils touchent à l'essentiel, à la rage et au désespoir, au tranchant de l'épée, au fil du rasoir, remontent vers la lumière du jour, mais le couple orphique se tourne l'un vers l'autre, ils se regardent et reviennent sur leurs pas, ils préfèrent nous emporter avec eux dans les souterrains stygiens, car les antres du dirty rock'n'blues sont notre demeure.

SURPRISE DU CHEF

Ne reste plus qu'à rentrer à la maison. Pas du tout, Farid de l'Armony tient à prolonger la soirée. Dedans rien de nouveau, mais dehors, au frais, sur le trottoir-terrasse la surprise nous attend, Farid régale son monde - assiettes, fourchettes, couteaux, serviettes papier – n'y a plus qu'à déguster un mirifique couscous – semoule, légume, sauce, poulet, une splendeur gastronomique, aussi délicieux qu'un troisième groupe de rock'n'roll. Merci Farid !

Damie Chad.

KRONIK ( 1 )

Mais ce n'est pas tout. Pierre Lehoulier n'a pas qu'un seul fibrome à son cerveau. La guitare, lobe droit – je n'insiste pas – mais aussi le dessin, lobe gauche. C'est lui qui crée les pochettes et les affiches de Crashbirds ( voir KR'TNT ! 351 du 07 / 12 / 2017 ) participe aussi au comic Kronik, ce qui explique durant le concert la présence d'un stand de la revue, tenu par Jojoko. Vous présenterai dans la prochaine livraison quelques numéros de Kronic, mais ce coup-ci ce sera deux fascicules signés de Jokoko.



JOKOKO

LE PETIT CHOKING VICTIM ILLUSTRé # 1

made by satan

( dIy prod. / 2016 )

Jokoko, un sale coco à éviter. Cette phrase pour détourner et protéger les âmes sensibles. Jokoko, le joker, dans votre poche, l'ultime carte, celle que vous sortez en dernier ressort lorsque la Mort vous a embringué dans une belote au comptoir et que c'est mal parti pour vos abattis. Pas de panique. Avec Jokoko l'activiste post-punk-destroy, vous êtes pénardos, vous vous en tirez frais comme une rose. Fanée, certes, mais l'on n'a rien sans rien. C'est que Jokoko, l'a de la matière noire graphiteuse dans le cerveau, ne vous dessine que des horreurs à pousser au suicide le proprio qui vient réclamer ses deux années de loyers impayés, et dont les yeux ont croisé au hasard cette mince plaquette nonchalamment ouverte sur la table.

Franc-jeu dès l'intro. Crayonné au théâtre disait Mallarmé, Jokoko, c'est direct sabordé dans le métro brinquebalant, difficile de trouver pire. L'artiste doit savoir se mettre en relation convulsive avec son sujet, imaginez le résultat quand vous partez d'une idée tangentielle. Evidemment ça craque. Dans les année 90, Choking Victim est déjà un joyeux mélange explosif instable à lui tout seul. Groupe post-punk de New York, des squatteurs fous, des ska-teurs pas doux, des violents durs au core à core, iconoclastes, tapant du pied dans la fourmilière du Dieu et du Diable, z'avaient déjà du mal à se supporter eux-mêmes, se sont atomisés le premier jour de l'enregistrement de leur premier album, No Gods / No Managers. Des anarchistes acharnés.

Pour ceux qui ne comprennent pas l'anglais et pour ceux qui l'intuitent, Jokoko vous fait l'explication de texte, pas de vains discours, un vers, une vignette – de celles qui ne sont pas remboursées par la Sécurité Sociale – un dessin en blanc et noir – Pour Balzac c'était Splendeur et Misère des Courtisanes, pour Jokoko, c'est bienfaits et méfaits du Krak. Un comic qui donne dans le comique, toutefois une comédie dans le style du théâtre de la Cruauté. Vous dégustez et tout de suite après, vous craquez, vous téléphonez à votre dealer. Ce n'est pas que Jokoko vous peint l'avenir en rose, c'est qu'il vaut tout de même mieux rire en enfer que vous ennuyer au paradis des existences aseptisées. Illustre ainsi : 500 Channels, Fuck Reality et In My grave. Ça tombe bien et c'est très grave.

Damie Chad.

JOKOKO

GLUBURP !

Entendu le titre on comprend que l'artiste dessine en yaourt. En yoglourt barbare. S'attaque à une représentation sacrée, celle du portrait de ses contemporains. Il se pourrait que son monde ne soit pas le vôtre. Ou alors c'est qu'il ne voit pas son environnement comme vous. Plus sûrement, vous avez oublié d'ajuster vos lorgnons. Commence par les trois fléaux de l'Humanité, l'alcool, le tabac et la merde – Antonin Artaud disait qu'il y en avait partout dès qu'il y avait de l'être vivant. Chez Jokoko, c'est plutôt les survivants. L'essaie de ne pas vous démoraliser, vous enveloppe la crotte dans un beau jeu de mots, on sent qu'il se donne du mal, mais non, l'a une vision très sombre. C'est peut-être pour cela qu'il emploie beaucoup de feutre écarlate. Alchimie égalitaire, l'œuvre au rouge terminal n'a guère engendré de notables améliorations quand on la compare à l'initiale œuvre au noir du départ. Une préférence nette pour les yeux globuleux qui sortent de la tête et les gueules ouvertes. Vous tend des messages subliminaux comme Le Brun avec ses portraits de Louis XIV sur fond de fleurs de lys, modernise un tantinet, seringues, os, zizi, molaires, préservatifs, que voulez-vous, il vit dans son siècle. Qui est aussi le vôtre. C'est fou d'ailleurs comme je vous reconnais. Un véritable moraliste Jokoko, vous peint à merveille, ne tournez pas les talons, vous ai identifiés. Tous. Vous n'avez pas dû le payer bien cher, car il n'a pas fait d'effort pour améliorer votre catastrophique laideur. Une typologie des plus précises de l'Homme Moderne. La bêtise satisfaite d'elle-même. Le repu qui pue. Le mieux ce sont les portraits de groupe, vous avez une chance de passer inaperçu, mais attention, plus vous vous agglutinez avec vos semblables, plus l'insipide et stupide obstination de l'espèce humaine à persister dans sa médiocrité vous saute aux yeux. Pas un pour sauver l'autre. L'équipe des bras cassés au complet. Jokoko n'a oublié personne. Jokoko est un créateur, l'a fondé le dégoûtart, celui qui vous sied à merveille. Ce sera mon dernier mot, it's just a joke ! It's just a Jokoko...

Damie Chad.

L'ANTIDISCOTHEQUE IDEALE

100 CHEFS D'OEUVRES

AUXQUELS VOUS AVEZ ECHAPPE

CHRISTOPHE CONTE

 

( GM Editions / 2015 )

 

Le style d'ouvrages difficiles à présenter par excellence. J'en lis souvent et ne me résous à ne les choniquer que rarement. L'exercice est difficile, regorgent d'informations qu'il est difficile de synthétiser. Et autant en emporte le vent. Une belle introduction de Bernard Lenoir ( France-Inter et les Inrockuptibles, autant dire deux fausses-pistes ) et c'est parti pour cent galettes étalées entre 1967 et 2015 qui n'ont pas rencontré le succès auquel leurs qualités intrinsèques les destinaient. La vie est parfois cruelle et injuste. Et le bureau des réclamations introuvable. Inutile de vous lamenter.

Le livre commence bien avec Johnny Rivers, aujourd'hui bien oublié mais qui fut un des grands inspirateurs du jeune Johnny Hallyday. C'est ensuite que le malaise s'installe. Pas pour tout le monde, j'en conviens, certains boiront du petit lait, mais en mon immodeste personne de rocker le doute s'installe. Christophe Conte aurait-il des goûts déplorables ? Il faut bien répondre oui. Remarquez c'est son droit. Il adule le rock mais il n'adore pas le roll. Mais le rock'n'roll c'est comme le poulet vaudou, ça ne se mange ni à moitié-cru ni à moitié cuit, simplement vivant, faut qu'il batte encore des ailes quand il vous passe dans l'œsophage.

Christophe Conte m'a irrésistiblement fait penser à ces ados qui dans les années 70 trouvaient pour seul argument à opposer à leurs parents et à leurs professeurs d'aimer le Pink Floyd parce que ça ressemblait à de la musique classique. Christophe Conte est trop intelligent pour se divertir d'une telle platitude, mais au fur et à mesure que vous avancez dans le bouquin, vous visualisez assez bien les lignes de force. L'est groupie des belles orchestrations, l'a l'âme de couteau émoussé profondément pop, pas rock. Le genre de gars qui préfère les Beatles aux Rolling Stones, la new wawe au punk, je ne parle pas de musique mais d'esprit. On pourrait le qualifier d'amateur prog-folk. J'ai enfin compris pourquoi je m'ennuyais tant quand par hasard lorsque je roulais de nuit mon auto-radio tombait sur son émission de France-Inter.

Deux moments forts dans le bouquin. Sa chronique de Ram, de Paul & Linda McCartney – pas tout à fait un génie méconnu – huit colonnes, double page centrale du couple apparemment pour lui primordial, repro grand format du disque, et attention nous refait le coup des pages roses du petit Larousse – l'a malheureusement choisi un gris pisseux – pour la reproduction d'une interview de 2001 – par un certain Christophe Conte – du second couteau des Fab Four qui revient sur ses états d'âme lors de l'enregistrement et de la sortie du trente-trois tours. Cela fait un peu ennuis de riche accablé par l'existence, j'aime beaucoup John mais qu'est-ce qu'il a été méchant avec moi...

Christophe Conte, qui porte des cols Daho, cite à tout bout de pages le génie merveilleux de Brian Wilson, une référence suprême pour lui, nous surprend donc lorsque pour évoquer les Beach Boys il consacre son plus long article à Dennis Wilson, profite de son évocation de Pacific Ocean Blue paru en 1977 pour nous raconter la saga de la famille Wilson avec un père pygmalion et terrible - preuve que Michael Jackson n'a pas tout inventé – un Brian un brin dérangé du brain et un Dennis qui finira par se suicider en se jetant dans son élément liquide préféré. C'est le meilleur morceau du bouquin.

Surtout que l'on arrive vers la fin et que l'on aborde la décennie 80, pas la plus prodigieuse du rock, et puis que voulez-vous, plus l'on se rapproche de notre présent, plus les artistes nous sont connus moins ils sont entourés de cette aura que confère tout passé mythique, les noms tournent encore dans les têtes que ce soit Specials, XTC, Columna Durruti, Ultravox, et P. J. Harvey dont je vous invite à admirer cette curieuse photographie pleine page sur laquelle elle ressemble à une étonnante Patti Glamour Smith...

Un livre oubliable. Même si Christophe Conte n'est pas exempt de traits de plume assassins et de formule qui font mouche. Pas tsé-tsé du tout. S'est tout de même rendu compte, Christophe que l'ensemble sonnait un peu maigre, alors vous fait un cadeau pour se faire pardonner, le CD de Dennis Wilson, le chef-d'œuvre auquel vous n'échapperez pas. Hélas ! Comme j'ai tout lu, j'ai tout écouté. Cet océan n'est pas ma tasse de thé. Cela vous a un insupportable côté Beatles. Certains assureront que c'est idéal pour caresser sa baby sur la plage. Comme ma fenêtre ne donne pas sur le Pacifique, j'ai essayé dans le bac à sable du jardin municipal. Mais elle n'a pas aimé. Moi non plus.

Damie Chad.

31/08/2016

KR'TNT ! ¤ 292 : OBLIVIANS / GENE VINCENT - JIM MORRISON / VINCE TAYLOR / EDGAR ALLAN POE / HOUSE OF STAIRS / 3 AM SYNDROME / WIRE / RED'S LYGTH

 

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 292

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

01 / 09 / 2016

OBLIVIANS / GENE VINCENT / JIM MORRISON /

VINCE TAYLOR / EDGAR ALLAN POE

HOUSE OF STAIRS / 3 AM SYNDROME / WIRE

RED'S LYGHT

BINIC FOLK BLUES FESTIVAL
( 22 ) - 30 juillet 2006

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OBLIVIANS


Obliviande

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Les trois frères Oblivian sont un peu les frères Dalton du garage américain. À l’époque de leur grandeur, personne n’osait les affronter à OK Coral. Leur principal atout était la polyvalence : Greg, Jack et Eric Oblivian savaient jouer à la fois de la batterie et de la guitare, composer et screamer, ce qui leur permettait d’alterner le lead et de varier les styles.
Comme les Stooges, Jimi Hendrix, le Velvet et les Gories, ils ont aussi commencé par enregistrer trois albums qui sont devenus des albums cultes chez les garagistes : Soul Food, Popular Favorites et Play 9 Songs With Mr Quintron, tout ça sur Crypt. Avec ces trois albums et ceux des Gories aussi parus sur Crypt, la messe est dite. Amen.
Et quelle messe !

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À l’époque, ces disques nous brûlaient les doigts. Trop de culte tue le culte. Le festin de Soul Food s’ouvre sur une horreur ultraïque baptisée «Viet Nam War Blues», a fuckin’ smokin’ beast, comme disait à l’époque Tim Warren, un truc aussi puissant et carnassier qu’un crocodile, bâtard, violent, vénéneux, on ne lui trouve aucune qualité. On plonge ensuite dans la pire insanité avec «Big Black Hole», chanté avec du trash plein la bouche, c’est à peine croyable, il faut l’entendre pour croire qu’un truc pareil puisse exister. Berk ! C’est screamé jusqu’à l’os du scream. Dans un concours de scream, Greg Oblivian aurait certainement battu Frank Black. Ils tapent aussi dans l’hypno du North Mississippi Hill Country blues pour «Never Change». Ils ne reculent devant aucun excès. De l’autre côté, on tombe sur ce fantastique classique garage qu’est «Blew My Cool», embarqué au riff sempiternellement effervescent. Voilà le garage désossé et ramené à l’essence du riff. Encore un petit shoot d’adrénaline avec «Bum A Ride», joué au dératé et sacrément agressif, ils tapent dans la hurlette de Memphis avec de jolies interjections orgasmiques. À l’époque, les critiques américains n’avaient qu’un seul mot en guise de commentaire : Gasp !

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On croit qu’ils vont se calmer avec Popular Favorites. Pas du tout. Ils trash-punkent dès l’allumage avec «Christina». À dégager ! Ils développent une sorte de démesure de l’excès, dans le son, dans le beat, dans le trash. Ils balaient tout. On attend qu’ils explosent. Ils dégagent la pire pulsion primitive qui se puisse concevoir ici bas. Ils shootent une fatale injection de sténo dans la stéréo. Atroce ! Ce disque sonne comme un assaut. Avec «Trouble», on réalise subitement qu’ils se trouvent dans un trip de destruction totale. Ils réinventent même le garage sans le faire exprès. Les choses empirent encore avec «The Leather», un cut rampant, horrible, qui passe sous la moquette, c’est le vrai primitif, celui qui donne le frisson, et comme dans les cauchemars, on ne parvient pas à s’enfuir. Alors t’en veux encore ? Tiens ! «Hey Mama Look At Sis» ! Ce Greg est un psychopathe ! Dans la chanson, il lui dit de regarder ce qu’elle fait. Ça devient insupportable. Il ne la lâche pas. Tiens, et ça, «Strong Come On» ! Du Jack qui se prend pour les Beatles à Hambourg. Mais ils préfèrent nettement la brutalité, avec «She’s A Hole», c’est du sans pitié, du claqué du beignet de riff. Et dans «Bad Man», ils explosent littéralement le désossé, c’est de la soudarderie qui dépasse toutes les bornes. Et ça continue comme ça jusqu’à la fin, avec des abominations comme «He’s Your Man», saturé de fuzz, ou encore «Pinstripe Willie», trash-punk de la dernière heure. Tout semble définitif sur cet album du non retour.

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Mais non, car le pire est à venir. Play 9 Songs With Mr Quintron est un disque parfait. Les 9 cuts sont d’épouvantables classiques du garage moderne. On sent même le vent du génie dans «Feel All Right», une vraie merveille de pulsatif définitif. C’est mouliné au riff insidieux, relancé aux raids de Memphis, à coups de I wanna know, et Mr Quintron nous nappe ça d’orgue il faut voir comme. Avec «I May Be Gone», ça hurle dans les coursives. Voilà un cut possédé par le diable. Si on s’intéresse à la démence pure, c’est cet album qu’il faut écouter. Nouvelle exaction avec «I Don’t Wanna Live Alone», battu et rebattu au riff de fuzz. Voilà la magie des Oblivians. Ils nous sortent le meilleur stomp de Memphis et Mr Quintron nous nappe ça d’orgue, comme s’il arrosait le stomp de crème anglaise un peu tiède. Ils tapent carrément dans l’exponentiel avec «Final Stretch» et Greg fait son numéro de hurlette des Hauts de Hurlevent. Tout est incroyablement dense et bon sur cet album. Et voilà «What’s The Matter Now», échantillon de Memphis punk explosé au coin du bois. Quelle énergie ! De vrais rebelles. Des invaincus ! Ces mecs sont tout simplement invincibles. Ils sont terrifiants de classe. Ils dépassent encore les bornes avec «Ride That Train». Et là on se dit que c’est trop. Trop de classe, trop d’énergie, trop de son, on voudrait leur dire d’arrêter, mais ils n’écoutent pas, ils explosent tous les standards de manière quasiment automatique. Ils pulsent jusqu’à l’aube et ils enchaînent avec un beat mortel de la mortadelle, «If Mother Know», le garage de la dernière chance, ils plombent le stomp du groove droit dans la grave, énorme et fatidique, pire que la rivière sans retour. Et Mr Quitron nous nappe ça impitoyablement. Ouf, on arrive au dernier cut, «Mary Lou», encore une abomination chantée d’autorité, ils crucifient le cercueil du garage qui va renaître sur la berge du Mississippi, ils sortent pour ça un beat buté et de la hurlette de dératé, et Mary Lou s’en va caramboler le firmament.

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Il y a encore deux ou trois choses des Oblivians que tout esprit déviant doit écouter. Par exemple ce Best Of The Worst (93-97), capable de hanter un château d’Écosse. On y trouve un «Indian In Me» joué sur le sentier de la guerre, avec sa dose de référence au National Indian Reservation. C’est aussi sauvage que du Link Wray. On trouve aussi l’effarant «Bald Headed Woman», pur jus de trash-garage joué à la vrille de fuzz dégueulasse. Ils poussent le trash comme grand-mère, d’un coup d’épaule dans les orties. Même chose avec ce fantastique «Don’t Haunt Me» joué à l’admirabilité des choses, ils pataugent dans l’épaisseur d’un garage noyé de distorse, hanté par des cris d’horreur et des solos égarés. On retrouve des exactions comme «Hey Ma Look At Sis» et une version de «Locomotion» joué à la clameur virulente. «The Losing Hand» est l’archétype du trash d’Obliviande, fracassé à l’extrême. On se croirait chez le boucher, dans la pièce du fond. On trouve aussi une cover du «Alone Again Or» de Love et un «Kick Your Ass» enfoncé à coups de talon dans le néant du trou du cul du monde, et d’autre horreurs qu’il vaut mieux éviter d’écouter si on est d’une nature délicate, comme «Mad Lover», «Blew My Cool» ou «Everybody But Me». C’est l’affreux Long Gone John qui sortait ces disques sur son label Sympathy. Ah la canaille !

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Il fit aussi paraître deux maxis, les fameuses Sympathy Sessions, avec des filles nues sur les pochettes. Ce n’est que du coup de génie à répétition, de l’overdose de garage fuzz trash joué à deux guitares invertébrées («Never Enough» et «Feel Real Good»), la beauté s’élève du chaos de distorse, il faut avoir vu ce spectacle au moins une fois dans sa vie. Ils font aussi du speed garage explosif et défonceur de rondelle des annales avec «Shut My Mouth». Le solo qui traverse le cut vaut pour une dégueulade de Memphis take.

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L’autre maxi s’appelle Six Of The Best, et dès «Clones», on tombe de la chaise, car c’est gratté au sec de la dépouille de Memphis. Ils savaient jouer de la guitare tuberculeuse. Ils rendaient aussi hommage aux racines du garage avec un «No Time» vitupéré et esquissaient l’avenir du garage moderne : gras et sale, saturé de crasse de son. «Memphis Creep» ? Laissez tomber, les gras. C’est au-delà du génie. Voilà un modèle de retenue et de tact trash absolument unique au monde. Sans commune mesure avec la mesure. C’est le garage du paradis des fosses à vidange. Ça continue avec l’infernal «Something For Nothing» et «Big Black Hole», pure tranche d’Obliviande fumante, jouée aux accords de gras double avec des wooohh dignes de Little Richard et un killer solo définitivement privé d’avenir.

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Les Oblivians se reformèrent en 1993 et enregistrèrent Desperation, un album indispensable pour trois raisons. Un, l’«I’ll be Gone» d’ouverture de bal, du garage pilonné et harcelé par des arsouilleries mélodiques dont est si friand l’ami Greg. «Call The Police» flirte aussi avec le génie, d’autant plus que Mr Quintron et Miss Pussycat sont invités à participer au festin. C’est d’ailleurs Mr Quintron qui chante. On atteint une nouvelle fois les sommets du Memphis garage, c’est soutenu au meilleur beat et bien nappé d’orgue. Mr Quintron chante comme un diable. En B, on trouve la troisième raison : «Little War Child». Voilà la patte de Jack, cette incroyable aptitude à composer des cuts qui sonnent comme des hymnes dès la première mesure. C’est une réalité à laquelle il va falloir s’habituer, les gars : Jack-O est l’un des grands songwriters des temps modernes. On tombe plus loin sur «Back Street Hangout», encore du Jack, du vrai bardé de classe, une danse de décibels décidément dodus au dedans du doute et c’est comme visité par un solo aérien.

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Il existe deux albums live des Oblivians, un Rock’n’Roll Holiday enregistré à Atlanta en 1994 et Barristers Ninetyfive paru en 2009. On s’en doute, c’est dans les deux cas du concentré d’insanité. Ils attaquent leur set d’Atlanta avec «Motorcycle Leather Boy» - Awite ! Let’s rock ! - Greg est complètement fou. C’est bizarre qu’on ne l’ait pas interné, à l’époque. Leur «Viet Nam War Blues» semble monté sur le riff de Death Party. «Love Killed My Brain» est l’un des hits planétaires des Oblivians. Greg le chante au gore de trash et «No Reason To Live» vaut pour un modèle d’insanité qui devrait servir de modèle dans toutes les facultés de médecine. Encore plus explosif, cette version de «Shut My Mouth» joué avec l’énergie du diable, il n’existe pas d’autre explication. Et on retrouve ces coucous inexorables que sont «Blew My Cool», «Shake Your Ass» et un «Nigger Rich» joué dans la pire des démesures, car gratté jusqu’à l’os du raw to the bone. Et ça se termine bien sûr dans la fournaise définitive avec «Never Change». Les Oblivians, ça ne pardonne pas.

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Avec Barrister, on retrouve grosso-modo les mêmes excès. Greg hurle son «Losing Hand» à la vieille ramasse d’obliviande carabinée, c’est tellement mal foutu qu’on s’en étrangle de bonheur. Ah si on aime la délinquance juvénile et le foutraque, c’est eux qu’il faut écouter. Leur version de «We’re The Doll Rods» dégueule littéralement de distorse. Et ils battent comme plâtre ce pauvre «Mystery Girl». Ils atteignent là une sorte d’apothéose sauvage, ils clapotent dans leur bouillasse binaire de boudin de sang royal archétypal. Inutile de commenter la version de «Viet Nam War Blues», ni celle de «Pill Popper» qui ouvre la B. Ils sont sans pitié pour les canards boiteux. Jack passe au micro et à la guitare pour «Strong Come On» et il tâte de l’apanage de garage sacré avec «Let Him Try», offrande suprême aux dieux du garage des temps anciens. C’est en effet une reprise des mighty Makers. Il enchaîne cette merveille avec une autre merveille, «Black September», un cut de power-pop signé Jack-O, emmenée à train d’enfer après un faux départ. C’est dans la veine du grand Jack, cet immense songsmith. Il finit avec l’effarant «Clones», dans l’obliviande hachée poussée dans le tourbillon par un phrasé frelon.

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Retour à Binic pour une belle tranche d’Obliviande saignante. Nos trois héros entrent dans l’ère de la reconnaissance puisque les voilà hissés en tête d’affiche. Cadre idéal pour ces figures de proue de l’underground américain, car ils jouent devant un public conquis d’avance, ce qui est généralement le cas dans les concerts gratuits. Les gens adorent tout ce qui est gratuit, même si la musique n’est pas d’un abord facile. Pour un néophyte ou un téléramiste, le trash-punk des Oblivians doit paraître un peu âpre. Mais c’est justement ce que cherchent les amateurs, la grosse âpreté, celle qui fait hocher la tête en rythme.

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Quelle joie que de revoir arriver Greg Cartwright sur scène, avec sa dégaine de prof de math, et Eric Oblivian, avec sa dégaine de magasinier chez Renault. Derrière eux, l’éternellement jeune Jack bat le beurre pendant la première moitié du set. Ils enfilent leurs hits comme des perles et on sent bien qu’avec l’âge, ils finissent par se calmer. Ça fait tout de même trente ans qu’ils jouent ces classiques insurrectionnels, ne l’oublions pas. Eric et Greg claquent bien leurs accords au beignet de crabe, mais ils semblent vaccinés contre la rage. Ils n’ont plus cette démesure qu’on trouve encore chez les Gories. Quand on suit Greg Cartwright à la trace et donc son parcours discographique avec Reigning Sound, on sait qu’il aspire à des choses plus paisibles, ce qui n’est absolument pas le cas de Mick Collins, si on reste dans le parallèle avec les Gories, ni de Jack Yarber, comme on le voit lorsqu’il arrive au micro et qu’il commence à taper dans ses vieux coucous défenestrateurs comme «Blew My Cool».

 

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Jack est le plus incorrigible des trois. Et on a vraiment l’impression de voir jouer une superstar. Il dégage ce type de rayonnement. C’est Jack qui relance cette prodigieuse locomotive, d’autant que derrière, son copain Greg tape comme un sourd sur les fûts. Chaque fois qu’on les voit jouer, on se dit qu’ils sont le groupe idéal, car en alternant les rôles, ils se débarrassent du problème que peut poser le leadership. Pas la moindre de frime non plus, chez ces gens-là. Ils ont tout bon.
Avant de former les Oblivians avec Eric Oblivian, Greg et Jack jouaient déjà dans les Compulsive Gamblers qu’il reformèrent après le split des Oblivians, en 1996. Un bon conseil, mettez le grappin sur les trois albums des Compulsive, car si vous appréciez le compulsif, vous serez compulsé comme il se doit.

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Bluff City et Crystal Gazing Luck Amazing sont leurs deux albums enregistrés en studio et dès Bluff, on sent le trio accompli, à l’immense majorité. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Bluff City est le surnom de Memphis, de la même façon que Brum City est le surnom de Birmingham. On trouve une grosse pièce de stonesy sur Bluff, «I Call You Mine». En gros, ça sonne comme «The Last Time» gratté par les Who. Greg brame ça dans la Brum de Bluff. Quelle persévérance dans la latence ! On retrouve en B le fameux «Don’t Haunt Me» joué au heavy groove des familles. On retrouve l’énergie de l’Obliviande dans «X Ray Eyes», pour cette fois une petite pointe d’excellence de la consistance. C’est en plus superbement soloté et avenant en diable. On les sent sans peur et sans reproche, libres comme l’air, bercés par les alizés et avides de bon temps. Il faut aussi écouter «Mystery Girl», rudement bien secoué du bocal et réveillé en sursaut par des clameurs soniques, des petits retours de manivelle et une belle dose de ramasse à la clé de sol.

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Crystal Gazing est encore plus énervé. On le voit bien, dès le premier cut, «The Way I Feel About You», riffé à l’Obliviande et chanté à la tendance mélodique. Tout y est : l’impatience, les échappées, les départs de feux et l’ébullition. Deux autres merveilles illuminent l’A : «Negative Jerk», garage punk emmené à train d’enfer, et «Stop And Think Over», magnifique hit de power pop incroyablement lumineuse, une vraie perle rare, bien portée par son élégante bassline. C’est à la fois inspiré, brillant, élancé et sans faille. On est à Memphis, ne l’oublions pas. La B vaut aussi le détour avec des choses comme «I’m That Guy», monté sur les accords de «Gloria». Personne n’ira leur faire des reproches. Ils ont le droit de pomper Gloria. Ils tapent aussi dans un vieux hit de Nolan Strong composé par Miss Deborah Brown, la patronne de Fortune Records, «(I Want To Be Your) Your Happiness». Ils jouent à l’Obliviande caractérisée, ils en sortent une version incroyablement musclée. Cut idéal pour des esprits aussi libres que ceux de Jack et de Greg, et puis on se régale de ce petit départ en solo. Ils sont parfaits. Encore un hit de Jack avec «Rock’n’Roll Nurse», lancinant et vaillant à la fois, slow & hypnotic comme dirait Long Gone Jone.

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Live And Deadly - Memphis/Chicago vaut le détour, car ça saute à la gorge dès «Your Happiness», reprise du cut de Deborah Brown. Jack et Greg en font un hit ensorcelant. Ils shootent toute leur énergie dans le cul ridé de cette vieille pépite de soul. Rien que pour cette reprise, l’album vaut d’être rapatrié. Attention, ce n’est pas fini. Ils nous font du Question Mark & the Mysterians avec «I’m That Guy». C’est nappé d’orgue, avec de la tension garage - In my room/ All alone - et la montée de fièvre qui va avec - Baby I’m that guy on about - et ils oh-yeatent comme des brutes. Avec «Stop And Think Over It», Greg revient à sa chère power pop. Il laisse échapper des floppées de notes multicolores. Voilà une pop de rêve digne des Nerves. On reste dans l’énormité avec un «Two Wrongs Don’t Make A Right» terriblement alerte, bardé de nappes d’orgue et de gros accords dylanesques. Si ce n’est pas du génie, alors qu’est-ce que c’est ? On voit encore l’immensité du talent cartwrightien s’étendre à perte de vue avec «I Don’t Want To Laugh At You». On sent que Greg a bouffé du Dylan et de la soul. Ça lui ressort par tous les pores de la peau. Il en deviendrait presque visionnaire.
Et si on mettait le nez dans les albums solo de Jack ? Il faut bien dire que Jack-O ne chôme pas depuis 1997. Son palmarès est franchement éblouissant. Dans l’underground, il reste une star et ceux qui le connaissent pour l’avoir vu jouer soit avec les Oblivians à la Maroquinerie, soit avec les Knaughty Knights au Point Éphémère ou avec les Cool Jerks à l’Espace B, oui tous ceux là savent qu’il l’avoir à l’œîl. Partons du principe suivant : sur chaque album solo de Jack-O se niche un hit planétaire.

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Il a commencé sa «carrière» solo par deux maxis, American Slang et So Low. L’«American Slang» qui donne son titre au premier maxi sonne comme un hymne. Jack-O chante perché, comme s’il reprenait un hit des Dictators. C’est même gonflé par des guitares à la Johnny Thunders. Quel jus ! Scott Bomar joue une belle partie de basse sur «Hustler» et on retrouve le foutraque typique du Memphis Sound. En B, ils tapent un «Got The Funky Blues» au beat tribal à la Captain Beefheart et Jack s’amuse bien avec «Out Of Tune», un groove bien gras et bien râblé.

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Sur So Low, on trouve un «Shake It Off» gratté à la sauvage par Greg. Ils sortent là un vrai son primitif, un incroyable désossé de la désaille. Toute la science ancestrale est exacte au rendez-vous. Ils tapent ensuite une belle reprise des Dolls, «Trash» et Jack finit l’A avec un fantastique «Let Me Be Your Chauffeur». En B, on retrouve un léger parfum de Magic Band dans «You Made Me Crazy», très dada dans l’esprit et saxé à la basse du néant.

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À partir de là, Jack-O va embarquer avec lui une fière équipe, The Tennessee Tearjerkers et enregistrer de solides albums, comme ce Don’t Throw Your Love Away paru en 2001. Il y rend un fantastique hommage à Dylan avec un cut intitulé «Still Got It Bad», un balladif de poids nappé d’orgue Hammond. Il ne faut surtout pas prendre Jack-O pour un amateur ou un bricoleur du dimanche. Ce mec navigue dans la cour des grands, en compagnie de gens comme Frank Black ou Robert Pollard. L’«Ain’t Got No Money» qui ouvre le bal de l’A est tout simplement claqué au riff royal de Memphis et brouté aux nappes d’orgue. C’est nettement au dessus de la moyenne. «Dope Sniffin’ Dog» relève de l’énormité garagiste, car c’est alarmé du cortex avec des yeah de baryton à la Iggy. Voilà le garage dont Jack-O a le secret, un garage à fort parfum stoogien dans la façon de ramper sur les braises en poussant des yeah miséricordieux. Il revient à sa passion dylanesque en B avec un «Flash Cube» extraordinaire d’élégance. Encore un cut puissant et inspiré. Il tâte plus loin du solide romp de rock avec «Fire» et le farcit de dégelées de guitare fratricides. Ces gens-là savent brûler Rome.

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Il continue de faire du Dylanex sur Jack-O Is The Flipside Kid. Le cut se trouve en B et s’appelle «Black Boot». Jack-O sonne tout bêtement comme le grand Bob de l’âge d’or. Mark Sultan l’accompagne à la batterie. On a aussi un coup de génie avec le cut qui donne son titre à l’album : «Flip Side Kid». Il s’agit là d’un rock à vocation de stonesy, mais orienté vers Memphis. On assiste là à l’explosion d’une véritable clameur d’envergure brutale. Jack-O tire ça à la force du poignet et place un solo d’antho à Toto. On retrouve aussi sur cet album des gens comme Jimbo Mathus et Harlan T. Bobo. Les autres hits sont en B, notamment ce «I Live For Today», battu par Mark Sultan. Jack-O y pétrit sa pop flamboyante et rend une nouvelle fois hommage à Bob Dylan. Il reprend aussi le fameux «The Man Who Loved Cough Dancing» de Mr. Jeffrey Evans et en fait une version instro superbe. Jack-O retrouve plus loin son cher débraillé foutraque avec «Night Owl», espèce d’apothéose de good time music et boucle avec une stoogerie de haut rang, «I Want You» joué au reptilien, nappé d’orgue et chanté dans la torpeur d’une profonde inquiétude paranoïaque.

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Encore un énorme album avec The Disco Outlaw. Il l’attaque avec «Ditch Road», un fantastique cut de pop rock du Tennessee. Jack-O est un auteur classique qui sait monter des coups fumants. Son cut est imparable, éclairé par le jeu du guitariste John Paul Keith et soutenu par la belle bassline d’Harlan T. Bobo. Tous les morceaux de cet album sont fouillés, chargés de son, bien construits, On goûte la succulence de l’effarance avec «Against The Wall» qui sonne comme un classique avec des vieux relents de «Drop Out Boogie». «Make Your Mind Up» sonne comme un hit pop planétaire. Voilà de quoi notre héros se montre capable. C’est digne des meilleurs jukes et troussé à la hussarde. Il prend ensuite «Sweet Thang» à l’hypno de Memphis, et ça trépide, avec une grâce infernale. Quelle énergie et quelle puissance dévastatrice ! En B, John Paul Keith embarque «Scratchy» dans la clameur d’un solo incendiaire. Ils nous explosent ce vieux classique des sixties. Et ça va se terminer avec «Stop Stalling» bien soutenu à l’orgue et «Walk Of Shame», un nouvel hymne pop. Ce mec n’enregistre que des disques condamnés à l’île déserte.

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Encore un maxi avec Saturday Night Part 2 et au moins quatre raisons de le rapatrier. Un, «Mad Love Pt 2», pur jus de garage de Memphis, rythmé au foutoir de grosse caisse et John Paul Keith joue un solo à l’insidieuse. Deux, «Milkshake Baby» qui ouvre la B avec un riffing sauvage et dévoyé, ambiance Cubist Blues, c’est-à-dire groove urbain avec des faux airs d’Alan Vega. S’ensuit la troisième raison, «Make Your Mind Pt 2», joué à la dépouille, à la fois classieux et classique. Et quatre, «Against The Wall Pt 2», toujours dans l’insidieuse, avec ce vieux relent beefhartien et joué au gras double.

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Les Tearjerkers entrent dans la légende en 1999 avec l’album Bad Mood Rising. Explosion d’énergie dès «White Lie Black Eye». Ça dégouline de jus. Scott Bomar joue de la basse. Retour à la power-pop de sang royal avec «Stupid Cupid». Ça sent bon le Big Star Sound et la complexité pharaonique de la belle pop américaine. En B, il faut absolument écouter «Head Of The Class Clowns», qui sonne bien dès la première mesure. Voilà le génie garage de Jack Yarber. Il enchaîne ça avec un autre cut brillant, «Earthquake Date», du garage punk dératé monté au riff sur-puissant.

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On frôle un peu l’overdose avec tous ces disques, et pourtant on y revient. Tiens ! Voilà Rat City paru en 2011 sur Fat Possum. Ce n’est pas compliqué, on y trouve deux hits, à commencer par celui qui donne son titre à l’album, qui est lancé comme une locomotive et Jack-O se montre une fois de plus imparable et lumineux. Quand on voyait ce mec traîner à l’espace B le jour du concert des Cool Jerks, on n’était pas loin de penser qu’il avait au pire une allure de rock star et au mieux le charisme d’un messie. John Paul Keith joue lead dans «Mass Confusion», monté sur un beau beat funky. Ça pulse comme au temps de l’âge d’or du swamp funk. L’autre hit du disque c’est bien sûr «Kidnapper», doté d’un fort parfum de country rock et finement nappé d’orgue. On y retrouve tout l’allant du rock du Tennessee.

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Jack-O se produit maintenant avec une nouvelle formation, Jack Oblivian & The Sheiks, et un premier album intitulé Live. Quatre bombes sur cet album, à commencer par le retour du vieil «American Slang» tiré de son premier mini-album solo. Fabuleux classique de power-pop. Imparable et juteux. Jack Yarber reste avec le temps désarmant de fraîcheur et d’aisance. Avec une telle entrée en matière, la partie est gagnée d’avance. Il ressort aussi l’infernal «Black Boots» digne des grands hits de Bob Dylan. Il éclate ça au ramalama d’accords magiques. Il ressort aussi ses vieux hits, «Night Owl» et «Flash Cube». En B, on retrouve l’excellent «Little War Child», belle tranche de power-pop universaliste. Avec Jack-O, ça joue avec le feu, ça lève le vent, ça file droit au cœur et ça mène au but. Il finit en beauté avec son vieux «Strong Come On» de l’époque des Oblivians.

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Jack Oblivian & The Sheiks viennent d’enregistrer un nouvel album, The Lone Ranger Of Love. Eh oui, encore un album surprenant et si dense ! Trois merveilles caractérisées s’y nichent, à commencer par l’infernal «Hey Killer», une pop à la Jack-O pleine d’allant. Il faut l’entendre emmener ça fièrement à l’assaut des hit-parades ! Même chose avec «Downtown», pur Jack-O jive, écœurant de classe garage. On se noie dans une sauce d’obédience obliviande. D’autres gros cuts avec «Blind Love», dégringolade d’exception qui brille dans la nuit comme une idée géniale, et «Boy In A Bubble» qui marque un retour au garage. En B, attention au morceau titre, car il sonne un peu comme «Teenage Head» et un petit serpent de solo gras l’enfile en douce. On se régalera aussi des deux parties de «La Charra» grattée au gratin de menace dauphinoise, c’est joué au harcèlement apache, à petites touches infectueuses. Par contre, avec «Run Like The Wind», Jack tape un groove salubre émaillé de piano à la Aladdin Sane, dans une ambiance digne de Soon Over Babaluma. C’est à la fois exceptionnel et surprenant.

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Jack monta les Cool Jerks avec David Boyer des Neckbones et ils enregistrèrent l’excellent Cleaned A Lot Of Plates In Memphis en 2002. On sent chez David Boyer une forte influence des Dolls et des Stones. «Not The Only Girl In Town» sent bon le vieux boogie des Dolls. C’est très inspiré. Ce mec semble totalement fasciné. On pourrait dire la même chose de «Who You Running To», car ça sonne comme un hit des Stones de la grande poque. On sent que David Boyer peaufine ses préférences. Avec «Why Can I», Jack et David passent directement au coup de génie. Ce démon de Jack Yarber ravage tout. Et il vrille la charpente du cut à coup de solo insidieux. Jack est vraiment le roi de la bravado. Encore de l’énormité à gogo avec «Got Damned Again» et un «Certified Fool» embarqué au riff diabolo. Voilà comme sonne le rock échevelé de Memphis, puissant et définitif. Tout l’album est bon. Trop bon. Jack pulvérise «Let’s Go And Rock» et nous fait même friser l’overdose avec «Friend Of A Loner» qui sonne tout simplement comme un hymne.

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N’oublions pas l’épisode South Filthy, conglomérat de notables puisqu’on y trouve Monsieur Jeffrey Evans, Walter Daniels et bien sûr Jack Yarber. Trois album, même quatre, si on ajoute l’excellent Melissa’s Garage Revisisted paru en 1999. Leur boogie sent le fauve, on le voit tout de suite avec «It Don’t Take Too Much». Ils semblent possédés par le diable, mais un diable particulier, celui du Tennessee. Le «Rocking In The Graveyard» qui suit semble lui aussi ravagé par des guerres intestines, et c’est monté sur un beat rebondi et noyé dans le gras double. Nos amis les franc-tireurs s’amusent à créer du garage ténébreux, chargé de maladies et très insécurisé. Ils font une surprenante reprise de Marty Robbins, avec «Don’t Worry», bien congestionnée par un solo de déglingue affreusement malsaine. Ces rebs sont très indisciplinés. Dans «The Darker The Berry», la voix de Jeffrey Evans est couverte par une fuzz acariâtre. Ils tapent plus loin dans Lowell Fulson avec un «Bending Like A Willow Tree» assez furieux. Sacré disque. Aucune concession.

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Le premier album de South Filthy s’appelle You Can Name It Yo Mammy If You Wanna. Sur la pochette, on voit une pute noire. Image très impressionnante. Les cuts sont à l’image de la pochette, marginalisés d’office. Justement ils attaquent avec un «Bad Girl» foutraque que Walter Daniels vient hanter à coups d’harmo. Quelle santé ! Monsieur Jeffrey Evans renoue avec le génie dès «Hot Dog», joué à la stand-up. C’est du pur rockab de Memphis. Puis il tape dans Wolf avec «Somebody In My Home». Là on ne rigole plus. Jeffrey Evans fait tout le boulot et il wahaoooute à la lune. Il chante du nez et recrée le temps d’un cut l’illusion de la légende de Wolf. Et comme si de rien n’était, il passe à la country magique, celle de Memphis qui ne doit rien à celle de Nashville. Il faut écouter ce «Sandra Lynn’s Blues» pour bien comprendre la différence. Jim Dickinson en parlait d’ailleurs très bien - I’m gonna marry her some day/ Some day - Encore une énormité avec «LA Country Jail» du boogie rock à tomber de sa chaise. C’est crédité Jeffery Lee Pierce et John Schooley y joue de la slide. Notre collectif intrépide reste dans l’excellence du boogie avec «First Train Away From You», une compo signée Jack. Si on aime les tours de magie, alors il faut écouter «Spyder Blues» de Monsieur Jeffrey Evans, un authentique blues de cabane - It’s called spyder blues/ Cripplin’ around my window before the sun - Rien de plus inspiré.

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Jack retrouve ses amis Monsieur Jeffrey Evans, Jimbo Mathus, Walter Daniels et tous les autres sur Crackin’ Up, un album bardé de reprises superbes, dont un Wolf qui s’appelle «You Can’t Put Me Out» - I’m so down/ You can’t put me out whoooo-ouuuhhhh - pure énormité. On trouve aussi un fabuleux «Ran Out Of Run» qui sonne comme un classique dylanesque. Monsieur Jeffrey Evans y raconte ses mémoires. Encore du dylanesque avec «Original Mixed-Up Kid» qui est en réalité une reprise de Ian Hunter - Pour la petite histoire rappelons que Guy Stevens voulait monter un groupe qui sonnât à la fois comme Dylan et les Stones, et ce fut Mott The Hoople - Et donc Hunter se mit à pomper Dylan pour composer. Le hit de cet album se niche aussi en B. Il s’agit de «Ol Brush Arbor», un balladif folkah de Monsieur Jeffrey Evans qui tourne à l’enchantement. Et Eugene Chadbourne vient jouer du banjo sur «Flaming Star» - When I see the flaming star/ I know the time has come - Jack prend le micro pour «C’mon Let’s Monkey» et il mène la danse, comme il sait si bien le faire.

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Tiens, encore un sacré disque ! Undertaking Daddy est sorti sur Beast en 2009, oui, sur ce petit label rennais qui fait maintenant tout le boulot. Si vous aimez le boogie foutraque à la sauce de Memphis, alors il faut écouter «The House On Old Lonesome Road», emmené par Monsieur Jeffrey Evans au pas de charge. Voilà du vieux boogie de bois sec tartiné à coups d’harmo. C’est d’ailleurs le seul morceau de l’album sur lequel joue Jack. Ils font ensuite une reprise du cut de Bo que préfère Keef, «Bring It To Jerome». Monsieur Jeffrey Evans en fait du Wolf ! Ils finissant l’A avec deux autres boogies de haute volée de bois vert dont un «Dimples» sacrément secoué du cocotier. Monsieur Jeffrey Evans attaque la B avec un coup de rockab de Memphis, «Watching The 710 Roll By», une espèce de modèle du genre, histoire de rappeler que tout a commencé dans cette bonne ville du Tennessee.

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Pendant ce temps, Greg Cartwright n’est pas resté inactif. Il jouait dans des groupes comme des Detroit Cobras et en produisait d’autres comme Mr Airplane Man. Avant de monter de Reigning Sound, Greg s’est amusé à enregistrer un album complètement foireux, «Head Shop». On avait commandé ce disque directement chez Long Gone John, en Californie. Ah la tête qu’on a tiré quand on a écouté ça !

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Et puis avec Coco des Ettes, il a monté en 2010 les Parting Gifts et enregistré un album qui nous console de toutes nos peines, Strychnine Dandelion. C’est encore un album de l’île déserte, car les hits y pullulent. Ils chantent à deux «Bound To Let Me Down» et ça donne un cut qui pourrait très bien figurer sur l’Album Blanc des Beatles, avec sa belle ambiance rondouillette. Une merveille. C’est la pop de rêve que Greg n’avait peut-être pas réussi à sortir avec les Detroit Cobras. Notons au passage qu’on retrouve les deux Black Keys sur cet album. «Starring» sonne comme un hit. C’est un hommage magistral à baby’s in black - And yesterday ain’t coming back/ It’s time to start to think about that - Il enchaîne avec un «Don’t Stop» très punky et infesté de killer solos. Greg les étale dans la poussière, les deux bras en croix. Une vraie furie ! On trouve trois hits monstrueux enchaînés en B : «Don’t Hurt Me Now», chanté au grégorien de haut rang et joué très sixties à l’encorbellement licencieux qui telle la liane enserre la colonne du temple d’Amon. Justement voilà «Hanna», encore du grand art grégorien. Sa pop a quelque chose de profondément infectueux, il faut bien le reconnaître. Elle finit toujours par nous avoir - That’s how it’s gonna stay ! - Et le festival se poursuit avec «I Don’t Wanna Be Like This», une fantastique échappée belle de pop visionnaire. Goûtez donc la puissance du refrain, c’est joué à grands coups de reins, ça jute dans l’énormité et voilà encore un hit intemporel ! Il faut aussi écouter le cut qui donne son titre à l’album, car il dérouterait n’importe quel cargo. Et le «This House Ain’t A Home» qui referme la marche est lui aussi de qualité supérieure.

Signé : Cazengler, obli terré


Oblivians. Binic Folk Blues Festival (22). 30 juillet 2016
Oblivians. Soul Food. Crypt Records 1995
Oblivians. Popular Favorites. Crypt Records 1996
Oblivians. Rock’n’Roll Holiday. Negro Records 1996
Oblivians. Play 9 Songs With Mr Quintron. Crypt Records 1997
Oblivians. Barristers Ninetyfive. In The Red Recordings 2009
Oblivians. Desperation. In The Red Recordings 2013

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Oblivians. Never Enough. Sympathy For The Record Industry 1994
Oblivians. Six Of The Best. Sympathy For The Record Industry 1995

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Oblivians. Sympathy Sessions. Sympathy For The Record Industry 1996
Oblivians. Best Of The Worst (93-97). Sympathy For The Record Industry 2000
Jack Oblivian. American Slang. Sympathy For The Record Industry 1997
Jack Oblivian. So Low. Sympathy For The Record Industry 1998
Greg Oblivian & The Tip Tops. Head Shop. Sympathy For The Record Industry 1998
Compulsive Gamblers. Bluff City. Sympathy For The Record Industry 1999
Tearjerkers. Bad Mood Rising. Sympathy For The Record Industry 1999
Walter Daniels, Oblivians & Monsieur Jeffrey Evans. Melissas’s Garage Revisited. SFTRI 1999
Compulsive Gamblers. Crystal Gazing Luck Amazing. Sympathy For The Record Industry 2000
Compulsive Gamblers. Live And Deadly - Memphis/Chicago. Sympathy For The Record Industry 2003
Jack-O & The Tearjerkers. Don’t Throw Your Love Away. Sympathy For The Record Industry 2001
Cool Jerks. Cleaned A Lot Of Plates In Memphis. Sympathy For The Record Industry 2002
South Filthy. You Can Name it Yo Mammy If You Wanna. Sympathy For The Record Industry 2002
South Filthy. Crackin’ Up. Rockin’ Bones 2005
South Filthy. Undertaking Daddy. Beast Records 2009
Jack-O & the Tennessee Tearjerkers. Jack-O Is The Flipside Kid. Sympathy For The Record Industry 2006
Jack-O & the Tennessee Tearjerkers. The Disco Outlaw. Goner Records 2009
Jack Oblivian. Saturday Night Part 2. Big Legal Mess records 2009
Parting Gifts. Strychnine Dandelion. In The Red Recordings 2010
Jack Oblivian. Rat City. Big Legal Mess records 2011
Jack Oblivian & The Sheiks. Live. Red Lounge Records 2014
Jack Oblivian & The Sheiks. The Lone Ranger Of Love. Mony Records 2016

LES ANGES NOIRS

I
JIM MORRISON
ET LE DIABLE BOITEUX

MICHEL EMBARECK


( L'Archipel / Août 2016 )

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Tout se perd dans ce bas monde. Parfois les perles les plus belles gisent au fond de la mangeoire des pourceaux. C'est dans Les Echos - torchon économique à la solde du libéralisme - que j'ai appris la sortie de Jim Morrrison et Le Diable Boiteux. Et de Michel Embareck, par-dessus le marché ! Un gars que je connais depuis toujours. Je n'exagère pas, l'est né un an après moi, le jeunot. L'a ses lettres de noblesse, publie dans la Noire de Gallimard des polars plus sombres que l'encre des rotatives les plus désespérées, et l'a écrit en sa jeunesse dans un des meilleurs french canards rock, logiquement vous avez reconnu le mensuel Best. Cela vous classe un homme. Ce qui ne l'empêche pas, comme tout un chacun de se poser des questions. Attention amis rockers, le titre est trompeur, le bandeau de couverture - beau portrait du Roi Lézard sur fond de rosaces psychédéliques - aussi. Pour le diable boiteux, faut être un peu initié, référence au titre d'un reportage de Bonjour Les Amis sur... Gene Vincent.

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L'est parfois des problèmes qui vous turlupinent durant des années. Pour Michel Embareck, une de ses obsessions réside en l'étrange amitié qui unit de 1968 à 1971 Gene Vincent et Jim Morrison. Quoi de plus normal que deux chanteurs de rock aiment à se rencontrer autour d'un verre ? Avec Jim et Gene, nous ajouterons plusieurs tournées. J'apporte mon témoignage personnel. L'annonce de cette fréquentation me sembla en ces époques couler de source. Expression ô combien malheureuse pour ces deux alcooliques pas du tout anonymes. Fus simplement déçu que Jim n'ait pas été présent sur la cire de I'm Back I'm Proud ( 1969 ) comme l'annonce qui avait fuité le laissait espérer. Cela eût permis de relancer la carrière de Gene. L'on parla de clauses de contrats chez Elektra incompatibles. N'en suis point sûr, Gene fut le prince noir des occasions perdues.

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L'est un point de vue d'Embareck qui m'embarrasse. Assure que Jim et Gene étaient de la même génération. Aristote selon qui l'écart qui sépare deux générations est de quatorze ans et demi - le temps d'être en état érectif et menstruel de procréation - lui donne raison puisque Gene naquit en 1935 et Jim en 1943. N'empêche que chacun s'inscrit dans une époque différente. Gene est un pionnier du rock et Jim Morrison un épigone. Le livre s'ouvre d'ailleurs sur une scène très symbolique, le show d'Elvis à la TV sur NBC en 1968, que visionne Jim en compagnie de sa mère horrifiée - point par Presley, par son rejeton - une autre manière de tuer le père. Phantasmatiquement parlant le paternel n'est pas le géniteur. Le rôle du backdoorman - l'amant qui passe par la porte de service - pour Jim ce n'est pas Elvis, mais Gene Vincent. La vie est un miroir. Le reflet que vous entrevoyez n'est pas toujours ce que l'on croit voir. Le roman nous offre la même scène avec un triomino équivalent, Elvis sur l'écran, maman Craddock plus aimante, et le fiston Gene, beaucoup plus sympathique envers le personnage du Pelvis, car exempt de ressentiment, n'est pas jaloux de la carrière du King, l'a simplement été plus malin, l'a su tirer son épingle du jeu, avant que la partie ne devienne trop dangereuse.

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Tout est question de trajectoire. Gene aborde la courbe descendante de sa course folle avec le diable - pas le cornu, cette partie noire que chacun porte en dedans de soi - et Jim sur sa lancée zénithale, est un des phares les plus illustres du mouvement hippie. Mais les apparences sont trompeuses. Tout échec comporte son point nodal de réussite symbolique et toute brillance un coeur d'ombre qui ne demande qu'à battre de plus en plus fort. Tout les sépare, Jim est le fils d'un amiral, en cheville avec la CIA pour les coups fourrés, rempli de principes, Gene est le rejeton d'un petit épicier bourré du matin au soir. Famille bourgeoise pour l'un et prolétarienne pour l'autre. Jim peut se permettre les caprices d'une rockstar et Gene cachetonne pour survivre. Mais à chacun ses failles.

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Chez Gene, l'est grosse comme une maison. S'aperçoit dès le premier coup d'oeil. Sa blessure à la jambe, son atèle, ses os broyés. Insupportable douleur physique, alcool et morphine sont ses deux médicaments préférés. Mais il y a des fêlures plus insidieuses, le sentiment de s'être fait avoir par sa maison de disques, par ses managers, par les avocats, et encore plus ce relent de culpabilité qu'éprouvent ceux qui rejettent la faute de leur situation sur eux-même, leur inexpérience, leur naïveté, leur jeunesse...

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Chez Jim, ne faut pas chercher bien loin la poutre qui vous crève les yeux. Un enfant instable, un mytho, s'invente des vies parallèles car la sienne ne lui appartient pas. L'est reconnu comme un des plus grands chanteurs de son époque, cela lui fait comme à Gene Vincent une belle jambe. Veut bien chanter si ça vous procure du plaisir et si ça rapporte la liberté qu'offre le pognon. Lui se voit plutôt en cinéaste ou en poëte. Embareck le rembarre sec, question ciné ne connaît pas grand chose, quant à ses écrits sont du genre illisible cafouilleux. Se fait même aider par un prof de fac pour les améliorer. Heureusement qu'Embareck n'a pas été critique littéraire, serait à l'heure actuelle l'homme le plus haï de l'hexagone !

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L'on a dressé le portrait de nos deux héros. L'en existe un troisième, un chargé de liaison, joue le rôle de la boîte à lettres des récits d'espionnage, mais nous n'en causerons point, l'est fictif. Une composition d'écrivain, un truc chiadé à mort, qui pue le blues. Fantôche parce que " Entre la vérité et le mensonge existe une zone libre appelée roman". L'épigraphe du bouquin n'est pas une seconde citation d'Aristote, provient de Victor Boudreaux. Moins connu que le stagyrite, je vous l'accorde, mais qui exerce une profession fort honorable, celle d'un privé aux méthodes expéditives qui sévit dans les romans de Michel Embareck. Grattez l'écorce de l'arbre, dessous vous trouverez ce même bois qui part en fumée dès que l'on approche une allumette pour y voir plus clair. L'est vrai que l'on n'y zieute que du bleu. Du blues, car le rock en sort et y retourne. Du blues de blancs. De nègres blancs. De petits blancs. Ne faut pas exagérer non plus. Ne mélangeons pas les torchons noirs de misère avec les serviettes amidonnées aux traces séminalement suspectes. Pour Jim ce sera taches de poésie blues, et balafres de bluesy ballades pour Gene.

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Pour l'histoire, ne comptez pas sur moi pour vous la raconter. Parce que vous la connaissez déjà... Alice Cooper, Toronto, John Lennon... Parce que ce livre doit impérativement faire partie de votre bibliothèque. Pour vous donner l'alcool à la bouche, je vous dirai que c'est une espèce de road-movie. En territoire d'Amérique, le pays mythique où l'on n'arrive jamais. L'est vrai que les stations - christiques et à essence - ne manquent pas. Bar à babord. Bar à Tribord. Particulièrement réussie, émouvante et sardonique, la partie qui traite des pérégrinations de Vincent de par chez nous, et morceau de bravoure, l'hommage rendu à ce dernier carré de fans français qui portèrent l'ultime carrière de Gene à bout de bras. Notons au passage combien le fantôme de Gene Vincent s'inscrit de plus en plus profondément dans les soubassements opératifs de l'imaginaire littéraire national.

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Evidemment, les héros meurent. On le savait avant de commencer la lecture, mais ces scènes finales font toujours aussi mal. Embareck, de la race des polaroïdes, lève le voile pour mieux recouvrir le mystère des choses définitives. En trois mots : sex, drugs and rock'n'roll. Ce Michel Embareck, nous ne serions point offusqués si après un tel livre il signait le prochain : Michel Embarock.


II
LES ANNEES VINCE TAYLOR

DE JACQUES BARSAMIAN


( Jukebox N° 331 / Septembre 2016 )

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Pas tout à fait un article, une interview de Jacques Barsamian par le regretté Bernard Boyat. Parle de Vince Taylor mais aussi de lui-même. Non qu'il ait la grosse tête, mais sa vie fut si proche de celle de Vince qu'il est impossible de séparer les deux moitiés de la poire empoisonnée. Espérons au passage qu'il soit déjà venu à Jacques Barsamian l'idée opportune d'écrire la saga de son existence consubstantiellement mêlée à l'histoire du rock français, depuis ses origines, avant même qu'il ne commence, car il était déjà présent en Angleterre avant que les étincelles de la musique du diable ne traversassent le Chanel.
Barsamian témoigne du passage surprise de Vince Taylor au Musicorama d'Europe 1 du 7 novembre 1961. Fut subjugué par la beauté de sa prestation. Mais ce n'est qu'en 1966 que par un concours de circonstances - travaillait alors à Disco Revue - il se retrouva à chercher des engagements pour Vince puis à endosser le rôle ingrat du manager. Pas une sinécure. Nous sommes loin des années flamboyantes de Vince. Les braises lysurgiques ont cramé le cerveau de Vince. Rien ne sera plus jamais pareil à la légende dorée des débuts. Barsamian arrêtera les frais en avril 1968. Raconte donc ces trois années de folie à essayer de remettre sur pied la carrière de Vince, notamment la fameuse tournée de L'épopée du Rock.

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Barsamian parle sans acrimonies, nettement, mais avec pudeur. L'étoile noire avait perdu de sa splendeur. Sa course était erratique. Capable de tout. Et même de sursauts prodigieux. Le temps d'un concert, tout redevenait comme avant, les incertitudes étaient abolies, Vince était de nouveau le grand Vince Taylor. Mais le soufflet retombait aussi vite qu'il avait monté. Vince se mure en lui-même. Assis sans bouger dans sa chambre. Perdu et inaccessible. Parfois le rocker était aux abonnés accents, mais l'homme de chair restait là comme en attente d'une impossible résurrection.
Certains n'ont pas hésité de parler de déchéance. Plutôt un volcan endormi. Semble inoffensif. Mais Vince était de ceux qui avaient chaussé les sandales d'Empédocle. On le croyait paumé, l'était en train d'explorer les coulées de lave intérieures. Parfois il ressortait de son étrange cauchemar. Sa parole, comme à côté du réel, était incompréhensible car elle portait les scories du futur, mais qui aurait pu s'en rendre compte ? Son existence répondit à la seule question essentielle : qu' y-a-t-il au bout du rock'n'roll ? Répondit de la seule manière adéquate à ce no future interrogatif : érigea son existence en un silence nietzschéen. Une vie de rocker par-delà le rock'n'roll.


III
EDGAR ALLAN POE

LETTRES D'AMOUR A HELEN

( PRESENTEES ET TRADUITES
PAR CECIL GEORGES-BAZILE
et LAURENCE PICCININ )

( Editions Dilecta / Mai 2006 )

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Le premier de tous les rockers américains. Par ordre chronologique. Par importance. Avec Edgar Allan Poe, le romantisme européen prend une autre tournure. Finies les plaintes élégiaques, désormais ce sera une implication existentielle, exunt les grandes révoltes sociales, le rêve replie ses ailes et s'enferme en lui-même, terminés les châteaux écossais peuplés de fantômes revanchards, tout se joue dans la citadelle intérieure assaillie par des monstres engendrés par d'atroces phénomènes auto-immunes... Edgar Poe plume le volatile des représentations extérieures jusqu'à l'os.
Ces lettres d'Edgar Poe ne sont pas inédites. Sont abondamment citées dans les biographies, mais ici resserrées en leur unicité, elles apparaissent en leur froissement êtral. Il faut l'avouer, le lecteur français a pris l'habitude de passer un peu vite sur les dernières tentatives amoureuses du poëte. Des scories désagréables, quelle femelle aurait pu rivaliser avec la virginale Virginie ? Aucune. La réponse est ferme et inébranlable. Généralement du bout des lèvres, l'on conçoit que le poëte ait pu penser à la nécessité d'une sécurité matérielle indispensable à l'émergence des dernières grandes oeuvres. Le coucou - oiseau de mauvais augure - ne pond-il pas ses oeufs dans les nids étrangers ?

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Nous aurions dû être plus attentif. Mallarmé nous y avait engagé, n'avait-il pas entretenu une correspondance avec Sarah Helen Whitman, lors de sa traduction des poèmes du Sphinx ? Ne lui avait-il pas adressé son sonnet hommagial ? Non, Sarah Helen Witman ne fut pas une groupie exacerbée par sa future ménopause. Un bas-bleu comme les désignait si dédaigneusement Barbey d'Aurevilly. Son oeuvre fut un maillon essentiel du développement de la poésie américaine. Quand l'on voit le peu d'estime dans laquelle en Amérique est tenue depuis toujours l'oeuvre de Poe, relégué parmi les écrivains de troisième zone, l'admiration obstinée et combattive qu'elle porta au créateur du Corbeau fut peut-être ce qui le sauva de l'oubli littéraire.
Ce sont bien deux sincérités qui se rencontrent. Deux aérolithes venus de deux mondes différents. Sarah fut comme un havre de paix entrevue depuis le milieu tempétueux de l'ouragan, le corbeau cyclonéen aurait aimé s'y muer en paisible alcyon, mais ce fut à peine une halte. Le temps de faire sa déclaration dans un cimetière et de repartir vers de sinistres rivages. Sous les imprécations funestes d'une famille qui ne voyait que d'un mauvais oeil cette alliance de la colombe avec cet échassier décharné échappé par miracle du massacre du lac de Stymphale. Ramier voyageur par trop agité, messager de la fin, porteur des messages du Gouffre et de l'Obscur.

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Pour Poe le terminus létal était proche. Tout le restant de sa vie - elle mourut à soixante-quinze ans - Sarah Helen Witman, resta fidèle à l'esprit de Poe. Jamais elle ne dérogea à son admiration native pour le poëte. Elle, qui ne fut qu'un rêve, sut rester à l'intérieur des portes de corne et d'ivoire virgiliennes de ce domaine d'Arnheim dont beaucoup auraient aimé à ce que le portail promothéen demeurât aussi introuvable et interdit que les portes du jardin perdu.
Ces lettres d'Edgar Allan Poe ne sont pas déchirantes. Déchirées.


Damie Chad.


FOIX ( 09 ) / 15 - 07 - 2016
L’ACHIL' CAFE

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HOUSE OF STAIRS / 3 AM SYNDROME

WIRE

De retour à l’Achil' Café qui continue imperturbablement ses programmations rock hebdomadaires. Un volontariat digne d’admiration dans ce village de La Barre qui jouxte la cité fluxéenne davantage connue pour les trois tours de son château que pour ses groupes de rock and roll. En tout cas devrait y avoir des centaines de lieux rock hexagonaux qui piqueraient une jaunisse de jalousie s’ils avaient la possibilité de comparer la surface de leurs locaux à celle de ce lieu privilégié. Chez l’Achil' Café tout est plus vaste, la terrasse, l’intérieur, et la scène à laquelle vous serez dans l’impossibilité d’appliquer l’épithète d’exigüe. Service sympathiquement discret, et six euros pour trois groupes l’on ne peut pas dire que l’on détrousse le rocker.

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HOUSE OF STAIRS

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Zénitude et plénitude. L’on s’agite autour d’elle, musiciens et techniciens de l’Achil'. Reste devant son micro, silencieuse, un sourire placide sur ses lèvres d’enfant sage. Terrienne, les jambes campées sur le sol, l’émane une étrange force de son imposante stature. Quand tout sera OK, nous dira en toute simplicité bonjour, comme si elle saluait une connaissance croisée dans la rue. Sont prêts, Pierrot derrière ses caisses, Sam à la basse sur sa droite, Nico sur sa gauche en sandwich entre sa collection de guitares et son acoustique exposée sur son piédestal. Elle, Elo, n’a que sa voix. Ne croyez pas que je l’ai oublié, l’occupe tout l’avant de l’aile droite de la scène. C’est que voyez-vous un claviériste dans un groupe, ça vous détermine le son autant qu’un kimono habille un judoka. Après ce n’est qu’une question de style. Et ici, ce sera les grandes orgues.
Au début vous ne comprenez pas où vous êtes tombé. N’y a que le dôme de sa voix qui surplombe la pâte sonore telle la coupole de Sainte-Sophie, l’antique Byzance. Majestuoso. Inutile de vous débattre, vous êtes englué dedans, et vous n’en ressortirez qu’à la toute fin du set. Faut comprendre comment ça marche. Méchamment intuité. Un tutti, pas frutti mais savamment orchestré, y en a toujours un des cinq qui prend le commandement, vous êtes piégé au moment où il se retire, les deux oreilles orientées sur le soliste ont besoin de trente secondes pour piger que ce n’est plus lui qui joue, qu’un autre a pris sa place, exactement sur la même tessiture. Bluffant. Il ne court pas le furet musical, il avance lentement mais passe tour à tour de guitare en basse ou d’orgue en voix sans que jamais vous ne parveniez à saisir les lignes de fuite. Faut de sacrés musicos pour réussir ce tour de passe-passe. A la basse Sam nous dégringole de ces tourmentes de swing rampant à vous renverser tandis que Nico nous pique de ces pizzacati à vous fricasser les tympans. Ou alors il se penche sans s’en saisir sur son acoustique, comme un chirurgien sur le ventre de son patient ouvert, lui secoue violemment les tripes pour lui apprendre à ne pas demander son reste. A grands coups de pelles, Pierrot entasse les contreforts, pose la chape sur laquelle les autres édifient.
La musique est en vous. S’impose à votre cortex et phagocyte votre hypothalamus. Une gradation incessante, neuf morceaux déployés comme autant de mouvements oratorioïques pour employer un adjectif aussi chatoyant que leur cheminement. Mais à chaque fois, plus fort, plus violent. Plus incisif. Les applaudissements qui suivent chaque titre seront eux aussi à chaque station plus chaleureux et frénétiques. Mais il est temps de revenir à elle, Elo. La clef de voûte. Quelle aisance ! Vous ne parlerez pas de chant, mais d’intervention phonique. Très courtes, ou s’inscrivant dans une assez longue durée. Lentes ou rythmées. Ballades ou courses schizoïdes. Qu’importe, vous êtes surpris par l’ampleur, la netteté et la plasticité de de cette voix. Le recueillement c’est après, lorsque par sa seule rétention vous entendez le silence. Vous réalisez alors votre manque. S’est retirée comme la mer. Debout près de son micro, tranquille, laissant ses acolytes battre le fer rouge de son absence, respectant son tour comme dans la salle d’attente du docteur, revenant à point nommé pour illuminer de sa présence la secrète architecture des compositions, The Light, Black Bones, After Show / Broken, The Silent Words…

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Non ce n’est pas du métal mélodique, plutôt de la mélodie rock and rollisée. Avec intelligence, ce qui est rare. Ce qui est sûr que nous sommes tous entrés dans la maison des spirales à la Piranèse. Et que personne n’a eu peur. Méfiez-vous toutefois, le chant des sirènes signale souvent l’imminence d’un futur naufrage. A vos risques et périls. Mais qui hésiterait une seconde pour embarquer vers les délices de Cythère ?

INTERLUDE


Tiens encore une fille. Le programmateur serait-il un farouche partisan de la parité ? Entre le groupe qui remballe, les régisseurs, et le combo qui s’installe, l’on ne sait plus qui est qui. Le mystère sera dénoué en un quart d’heure. Nul besoin de se rendre à Stokholm pour connaître les secrets de 3 AM Syndrome.

3 AM SYNDROME

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Parfait pour jouer au triomino. Le salaire de base du rock and roll, basse, batterie, guitare. Assez de monde pour faire un boucan de tous les diables. Avec une arme aussi absolue, la galaxie est à vos genoux. Donc une fille. Aurore, nocturne. De noir vêtue, cheveux roux mi-long et peau laiteuse, le bras gauche aussi coloré qu’une bande dessinée de Druillet, une basse de laque noire entre ses mains, un petit air de prêtresse vaudou, pas méchante, mais l’a du chien. De l’enfer. Pour le sourire, l’humour et l’entertainment, vous vous adresserez au guitariste, Joris. Le monsieur jovial du groupe. Demoiselle Aurore, gavial glacial concentré sur son instrument. Vous n’imaginerez jamais le bruit qu’elle peut émettre à elle toute seule. Grande tonitruance. Remarquez que si elle veut se faire entendre, elle n’a pas intérêt à s’endormir dans son étui. Car le plus dangereux, c’est Olivier le batteur. Un fou à lier. De l’énergie à revendre. Se sert de tout le kit. Donne envie que l’on lance une souscription pour qu’il ait au moins vingt-cinq toms à sa disposition. Plus il en aura, plus il en abusera. Y a des batteurs qui marquent le rythme. Doit être un autodidacte. N’a jamais appris que ça existait. Lui il manie les marteaux de Thor et les enclumes d’Héphaïstos. L’a tout un répertoire : l’orage, la tempête, le déferlement, la grêle tueuse, le tourniquet de Sardanapale - un truc qui vous rend tout pâle - la carapace qui se carapate, la trombe furieuse, et autres joyeuses duretés dont je vous épargnerai la liste infinie. Bref, c’est un batteur. Tout simplement. Mais un vrai. Face à ce déchaînement continu tout guitar héros qui se respecte n’est pas là pour jouer au yoyo avec les cordes à étendre le linge de sa maman. Joris vous assène des riffs au marteau-piqueur et des licks à la tronçonneuse. Faut que ça rugisse, et que ça surgisse de la cuisse de Jupiter tonnant. Je résume : deux garçons qui se se toisent du regard, plus vite que moi, plus fort que moi, tu ne pourras pas. Vous certifie qu‘ils peuvent sans difficulté.

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Et notre damoiselle rousse, croyez-vous qu’elle a la frousse ? Que nenni bonnes gens. S’en prend au micro. Qui ne lui a rien fait. Tant pis, elle y glapit dessus comme une hyène en furie. Le bouscule et lui hurle de ces promesses de mort si épouvantables que vous avez envie de vous tirer au plus vite une balle dans la tête. Point de précipitation, elle a plus d’une corde à son arc vocal. Vous prend un minois de petite fille sage qui quémande un tour de manège à son papa préféré. Vous ne sauriez résister, mais la lueur bleuâtre d’un projo passe sur sa face et la voici transformée en Cruella sans cœur et sans pitié. La caravagienne tête de Méduse hérissée de serpents est encore plus avenante, vous éructe de son gosier de ces sons métalliques réfractaires à toute égoïne. Nous fait le coup de la reprise de Blondie. Bye bye la blondeur des rêves. Vous la troque à la tignasse noire, mèches dark et toupet gothique, imaginez une Evanescence qui aurait avalé le stock de speed des douze pharmacies du quartier. Mais agitée en-dedans, parce que d’extérieur s’applique sur sa basse sans le moindre zeste d’énervement. Tout dans la voix.
On joue du rock and roll. C’est ainsi qu’ils s’étaient présentés en début de set. Ont splendidement tenu leurs promesses de déjantés durant la moitié du concert. Z’ensuite, se sont laissés piégés par leur propre violence, sont passés au rock and funk, bien calibré certes, mais dans l’accumulation répétitive des saccades rythmiques ils ont oublié la folie meurtrière du rock and roll et commis l‘irréparable crime de la désagrégation quantique de l‘énergie. Dommage. Nous les reverrons tout de même avec plaisir.

INTERLUDE


Minuit moins dix. Zut Cendrillon m’attend. Ô Damie tu me récupères devant le ciné à minuit, ce serait si gentil ! Je fonce comme un madurle au volant de la teuf-teuf durant le changement de matos. N’ayez crainte, entre temps la princesse au petit pois ( dans le cerveau ) a changé de programmation et de ciné ! Bref quand nous revenons, Wire entame son deuxième morceau. Elle s’assoit en se bouchant les oreilles Ô Damie quel changement d’ambiance, comment peux-tu supporter une telle horreur !

WIRE

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Elle a raison un rocky horror show. Autant dire que j’adore. Sont quatre, le batteur derrière et les guitares en première ligne. Tactique d’attaque ultra-simpliste mais ô combien efficace. Une horde de broncos en plein galop dans l’horizon sans fin des grandes plaines. Pleines d’électricité. Le chanteur, Eric envoie les lyrics, juste ce qu’il faut, mais ce n’est pas ce qui les intéresse vraiment. Eux ce sont les grandes chevauchées électriques à la poursuite du rock and roll perdu qui les motivent. Se marrent entre les morceaux. De vieux briscards qui se lancent des défis avant la charge héroïque. Un galop de drummin’- Patrick insatiable aussi effréné que les huit sabots fous de Sleipnir, un bassiste qui se prend pour un guitariste soliste, et quasiment deux leads, Eric et Phillipe, qui entrecroisent le torrent bondissant de leurs descentes éblouissantes. Quand ils sont lancés, le combo vous prend des allures de Poupées de New York qui ne chipotent pas des heures à admirer leur rouge à lèvres devant la glace de leur salle de bain. Let me go, Evil Mind, Like a Schizo, No Justice, les morceaux se suivent et se ressemblent comme des gouttes de nitroglycérine. Genre de gars qui ne regardent que les scènes d’action dans les westerns les plus sanglants. Pas de temps à perdre, le rock and roll n’attend pas. Lui courent derrière et parfois même le dépassent. Wire vire en tête.

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Moins de monde que pour les deux groupes précédents. L’on a dû évacuer les âmes sensibles, les vieillards, les femmelettes et les enfants de moins de douze ans. Saines précautions, tout le monde ne supporte pas les doses de rock and roll à haut-voltage. Les Wire  pourraient vous occasionner des lésions cérébrales irrémédiables. Oui, c’est juste du rock and roll, mais l’on aime ça. Esprits fragiles s’abstenir. Rock and rolliser tue.


Damie Chad.

FOIX ( 09 ) / 12 - 08 - 2016
L’ACHIL' CAFE

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THE RED’S LYGHT

L’est des lumières rouges qui s’allument dans votre cerveau et qui malgré les années refusent de s’éteindre. Les avais vues en août 2011 ( voir KR’TNT ! 62 du 01 / 09 / 2O11 ). Cinq ans déjà, durant lesquels elles se sont obstinées à donner des concerts à des dates où je n’étais pas, à un ou deux jours près, en Ariège. Mais enfin ce soir, elles passent à l’Achil' Café, un rendez-vous à ne pas manquer, c’est qu’elles m’avaient séduites ces quatre jeunes filles, le groupe phare de ce mini festival de village, la plus inexpérimentée des quatre formations présentes, mais la plus définitivement rock and roll. Etaient habitées par la décisive innocence expérimentale de l’adolescence.

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Ne m’échapperont pas. Tiennent la caisse. Se sont partagées les tâches, une qui annonce le prix, une qui rend la monnaie, une qui vous tamponne l’avant-bras et une qui vous passe un bracelet fluo autour du poignet. Jamais fans de rock and roll n’auront connu lors d’un concert un accueil aussi charmant. Précisent qu’elles seront sur scène d’ici une petite demi-heure.

ALERTE ROUGE


N’ont pas menti. Sont exactes au rendez-vous. Elles ont grandi. Ne sont plus des lycéennes mais gardent toujours cette fraîche beauté qui leur va si bien. Toutes gracieuses dans leur short noir et leur t-shirt rouge. Ont même teint leur main d’une substance censée se colorer en rouge sous la lumière des projecteurs. Trois sur scène, Cécile au fond derrière sa batterie, LN au longs cheveux blonds à la basse sur sa gauche, Lauriane guitar lead à sa droite abondante crinière brune qui ruisselle sur son dos à sa gauche. Audrey les rejoint dès le commencement des hostilités pour s’emparer du micro. Que sont-elles devenues depuis tout ce temps ? N’aurai besoin que de trois minutes pour être rassuré. Ont évolué dans le bon sens. Toujours rock and roll.
Céline, un visage décidé et une poigne de fer. N’allez pas lui marcher sur les pieds, elle sait taper, rapide et varié. Un drummin’ raisonné, sans perte de temps, utilise toute sa batterie, frappe avec ses baguettes et avec sa tête. De l’instinctif intellectualisé, sait ce qu’elle veut faire et ne se trompe jamais de chemin. Si elle était le petit chaperon rouge, le loup aurait du souci à se faire.
Laurianne est du même bois apollinien. Vous ne savez jamais comment elle va réagir, mais dès qu’elle touche ses cordes, vous ne pouvez qu’être d’accord avec elle. Fait attention à ne pas se répéter. Chaque cas mérite sa propre solution. Propose la meilleure. Droit au but. La facilité et l’à peu près ne l’intéressent guère. Précise et adroite, un jeu intelligent et économe. Dans l’histoire de Guillaume Tell elle serait la flèche qui pulvérise la pomme. Vous vise en plein cœur.
LN  inscrit sa longue silhouette dans la légende des bassistes enfermés dans leur tour d’ivoire. Joue comme en-dedans d’elle-même. A peine quelques sourires. Mais qui trahissent son attention. Paraît loin de nous, mais très près de ses camarades. Ne les laisse pas en rade. D’ailleurs elles ne s’inquiètent point pour elle, sont sûres qu’elle assure. Dans le poème de Leconte de Lisle, elle est le rêve que l’animal sauvage jamais n’achève.
Audrey est le reflet inversé des trois autres. La grande communicante. Elle chante et elle parle. L’interface agissante. Naturelle et ouverte au monde. Elle est le bateleur et le fou du roi ou pour être exact la fofolle de ces trois reines penchées sur le rouet de leur instrument. Amuse la galerie, dans la belle au bois dormant, elle est l’instant merveilleux d’après le baiser de vie quand le palais s’éveille et bruit de mille cris de joie.
Ne la prenez pas pour la folle de service, dès qu’elle arrête de parler elle se révèle telle qu’en elle-même le chant la change. L’est plus qu’au point. C’est elle qui démontre l’extraordinaire cohésion du groupe. Elles ont bossé comme des madurles. Tout tombe pile à point pour un public qui manifeste sans attendre son plaisir en applaudissant à chaque performance. Sont des malines, n’ont pas construit leurs morceaux à la diable, les ont intuités, des pièces de haute précision, remplies de chausse-trappes rythmiques, qui vous ménagent feintes traîtrises et heureuses surprises, mises en valeur par la voix claire et haute d’Audrey. Un vocal ensoleillé, qui sait moduler et crier, l’en fait ce qu’elle veut et ce qui est le plus fascinant ce sont ses arrêts impromptus qui vous laissent sur votre faim tout en vous rassasiant pleinement.

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Un set performatif, n’ont pas inventé le rock and roll mais elles le perpétuent avec aisance et élégance. Rappel obligatoire pour nos quatre jeunes filles. Dommage qu’il y ait un groupe derrière. Le public les regrettera. Je suis content de moi. Ne m’étais pas trompé, voici cinq ans. Ont encore un énorme potentiel. Très proches des girls bands américains.


Damie Chad.

P.S. : pour le groupe d’amateurs de variétoche qui a suivi, je serai gentil en omettant de citer leur nom.