17/10/2018
KR'TNT ! 389 : TY SEGALL / BONNEVILLES / FICTION ABOUT FICTION / HUGUES PANASSIé / ROCKAMBOLESQUES ( 4 )
KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 389
A ROCKLIT PRODUCTION
18 / 10 / 2018
TY SEGALL / BONNEVILLES FICTION ABOUT FICTION / HUGUES PANASSIE ROCKAMBOLESQUES ( 4 ) |
TEXTE + PHOTOS SUR : http://chroniquesdepourpre.hautetfort.com/
La chèvre de Monsieur Segall - Part One
Ty Segall est si complet, si prolixe, si polyvalent, si protéiforme, si aventureux, si imprévisible, si incontournable, si fantasque, si kaléidoscopique, si chatoyant, si désinhibé, si souple, si coureur, si variable, si papillonnant, si léger qu’il vaut bien un néologisme : la Segallité. Il relève à la fois de l’égalité, de l’étale au sens de la mer, du létal au sens de l’état et de la qualité au sens d’un complet en Prince de Galles bien coupé. Ty Segall est l’artiste varié et luxuriant par excellence. Il s’arrange toujours pour surprendre son auditoire. Il surgit là où personne ne l’attend. La grande force de ce Californien est de n’être pas prévisible. On attend du garage-punk et il plaque des accords de Sabbath. On attend du glam californien et il se lance dans des passes d’armes virtuoses avec son compère Emmett Kelly. Autant dire que sa prestation au Rush trompa toutes les attentes. Et les trompa même énormément.
On le vit arriver sur une grande scène, dans les conditions d’un festival en plein air. Des conditions qu’il faudrait presque qualifier d’estivales, avec le fleuve de part et d’autre de la presqu’île et le soleil de juin qui va avec. Égall à lui-même, Ty Segall paraissait sans âge, du type éternel adolescent, même pas bronzé, faisant ainsi mentir les lieux communs. Wouat ? Un Californien à la peau blanche ? Il n’avait de californien que le blond d’un tignasse fournie que fouillait doucement un vent léger. Ty Segall joue toutes les cartes en même temps : l’anti-frime, l’inclassabilité des choses, le sans-âge, le lutin des contes qui surgit là où personne ne l’attend, l’enfant de la balle, le chien perdu sans collier, l’ami d’on ne sait quelles bêtes, le romantique à la petite semaine, un personnage dans lequel on finit par se perdre et qui semble prendre un malin plaisir à échapper à nos sales manies d’entomologistes. Il ne s’en doute peut-être pas, mais c’est bien cet ensemble de choses qui le rend instantanément sympathique, ou à défaut, intriguant. Et bien sûr, sa musique va de pair. Pour une fois, l’habit fait le moine et notre homme ouvre encore l’éventail de tous les possibles en tapant dans le genre musical le plus riche de tous, que ce soit au plan historique ou musicologique : le rock des seventies. C’est en effet l’époque de la profusion, l’âge d’or de Fantasia chez les ploucs. Ce qu’on appelle aujourd’hui communément les seventies est la décennie qui vit grouiller le plus grand nombre de grands groupes, le plus grand nombre de grands albums et le plus grand nombre de superstars. Stones, Beatles, Sabbath, Who, Led Zep, Doors, CS&N, on ne savait plus où les mettre, ils s’entassaient comme des patates dans des sacs, les bacs des disquaires croulaient sous le poids de tonnes, les salons et les garages se remplissaient de gros tas de disques. Qui n’achetait pas de disques en 1972 ? Personne, ou presque. Il n’est pas de genre musical plus indiqué que le rock seventies si l’on souhaite brouiller les pistes. C’est dans cet insondable vivier que puisent les spéculateurs, car les disques rares de groupes inconnus grouillent autant que les asticots dans la charogne de Baudelaire. C’est aussi dans ce marigot que puise Segall le Ty chic, le vénérable ré-inventeur du rock qui pourrait bien finir par se faire accuser de toutes les tares sauf une : la prétention. Il joue son rock seventies en toute impunité, avec l’éclat d’une mine candide, comme s’il ne jouait que pour son plaisir, nous laissant le choix de suivre ou pas, revenant ainsi aux règles de base du spectacle : voici ce que j’ai à t’offrir, c’est à prendre ou à laisser et bien sûr, tout va dépendre du talent dont il dispose. Et comme il en regorge, le résultat ne se fait pas attendre. Attention, c’est un set difficile, aussi difficile qu’un parcours long et aventureux, chargé d’imbroglios et débouchant souvent sur des surprises qui donnent envie de continuer. Ce n’est pas gagné d’avance, et c’est là où il se montre très fort. Et bien sûr, tout repose sur le son. Ty Segall ramène essentiellement du son. C’est même une pluie de son qui tombe de son ciel. Pour parvenir à ce beau résultat, il s’entoure d’une grosse équipe : Emmett Kelly, comme on l’a vu, avec ses faux airs de chicano et sa niaque de jeu, ses tatouages ludiques et ses prouesses de Téléboy averti. Puis le vieux complice Mikal Cronin sur une basse Rickenbacker, qui fit partie du power-trio des précédentes tournées, virtuose lui aussi, mais il est vrai que pour taper dans ce registre, il vaut mieux savoir très bien jouer de son instrument, car on se trouve aux antipodes du jeu en trois accords qui a fini par épuiser et discréditer le garage. L’autre cheville ouvrière de cette affaire s’appelle Charles Mootharde, le batteur américain par excellence, un chevelu vêtu de blanc qui frappe ses fûts à bras raccourcis, un type qui ne s’en laisse pas compter, une brute du beat, le prototype du drummer que la délicatesse n’atteindra jamais et qui s’en fout, car il doit battre le beat pendant qu’il est chaud et pour ça, on peut lui faire confiance, il frappe et sur-frappe, il a la main lourde et c’est exactement le genre de mec qu’il faut pour endosser le rôle du bourrin de service dans ces longs morceaux atmosphériques aux climats changeants et bardés de ponts improbables qu’il est toujours difficile d’orchestrer, car chaque fois se pose le problème de la crédibilité, comme d’ailleurs en architecture. Ça tient, mais est-ce beau ? Et si c’est beau, est-ce que ça tiendra ? Plus ça sophistique et plus les équilibres se rétractent. Il faut savoir les solliciter pour bâtir les tours de Babel. Oui, car le rock seventies, c’est Babel. Ty Segall se lance là-dedans avec un culot ahurissant. Il le fait avec une telle liberté de ton qu’il finit par échapper à toutes les règles. Il semble même qu’il ait réussi à bâtir un univers sonore totalement conceptuel, qu’il ré-humanise à coups de screams et de bonds, car il adore sauter à pieds joints sur sa pédale d’effets. De toute évidence, cet homme prend un plaisir fou à jouer ses cuts de quinze minutes. Il semble vouloir aller là où personne n’ose plus aller, il semble posséder la technique qui lui permet d’explorer des mondes nouveaux tout en donnant un spectacle de rock. Il est assez professionnel pour se rappeler que des gens payent pour le voir jouer sur scène, mais il s’échappe à la première occasion, sachant que de toute façon les gens qui le connaissent l’admirent assez pour lui faire confiance et le suivre là où l’emmène sa fantaisie. Une chose est sûre, Ty Segall est le fruit d’une collection de disques. Son parcours et son attitude n’ont pas d’autre explication. Il est comme tant d’autres nourri d’influences et dispose d’une énergie qui lui permet de passer du statut passif de fan au statut d’acteur, et dans son cas, on peut même parler d’énergie surnaturelle, car d’année en année, il atteint progressivement le statut d’acteur majeur. Il arrive là où tous les chanteurs-guitaristes de rock rêvent d’aller : le stade où tout est possible, où rien ne peut freiner l’avancée, le stade où les disques succèdent aux disques mécaniquement et où le follow-up grossit et se stabilise, pas au stade des unes de magazine, car Ty Segall est encore un peu underground, mais pas loin, et d’ailleurs, on ne le lui souhaite pas, car il pourrait s’y brûler les ailes. Oh bien, sûr, ses compos ne marquent pas les mémoires au fer rouge, mais il redore à sa façon le blason d’un rock américain toujours menacé de conformisme. Il veille bien à asseoir la réputation d’un rock qui repose essentiellement sur la puissance du son. Quand il saute à pieds joints sur sa pédale d’effets, c’est sa façon de dire : j’écrase mon principal ennemi, la médiocrité.
Il jouait bien sûr des cuts de son nouvel album, Freedom’s Goblin considéré dans Uncut comme un classique, au même titre que le White Album. Ty Segall y joue wild card after wild card. Le critic d’Uncut dit même qu’au long des 19 cuts, Ty barely puts a foot wrong. Pas un seul faux pas. Eh oui, il a raison, Freedom’s Goblin somme comme un classique véridique. D’ailleurs, dans l’interview qu’il donne à Uncut, Ty dit que le White Album est son album favori. Il s’empresse d’ajouter qu’Electric Ladyland fait aussi partie de ses all-time faves. C’est vrai qu’on ne s’ennuie pas un seul instant, à l’écoute de Freedom. Ce double album semble visité par la grâce et même par la graisse, car un cut comme «She» rissole dans une belle friture de heavy rock - She said I was a bad boy - Une seule phrase pour ce petit chef-d’œuvre de gras-double, un peu dans l’esprit du «Why Don’t We Do It In The Road». Ty tire le meilleur du mythique heavy rock des seventies. Il nous gave de heavy riffing, ce son extraordinaire qui fit le charme du set au Rush. On trouve sur la C d’autres surprises comme «Talkin’ 3», admirable jam de fin de non recevoir jouée à l’énergie du free par un Mikal Cronin débridé qui revient saxer la couenne du Pretender dans «The Main Pretender». Ty n’explore plus les frontières, il les explose. Rien ne l’effraie, surtout pas l’aventure. On trouve un dernier spasme en D avec «5ft Tall», une pop gorgée de jus, littéralement imparable. Chez Ty tout rayonne de force - I remember you just fine/ You are five foot tall - Et bien sûr l’A et la B grouillent de puces, tiens, comme ce «Fanny Dog», nouvelle giclée d’heavyness à la sauce liverpoolienne, c’est-à-dire les Boo Radleys. Il nous fait ici le coup du superbe élan de rock moderne. Évidemment, ça sonne comme un hit. Voilà, c’est ce son-ci qui frappait tant au Rush. Mikal Cronin nous joue même les descentes de basse de Noel Redding dans «Hey Joe». Ty prend «Every 1’s A Winner» à la glotte liquide. Il revient à sa passion dévorante pour les Beatles du White Album, mais avec une énergie californienne. C’est comme on dit une bataille gagnée d’avance. Rien que du son et de l’idée, comme chez les Boo et Robert Pollard. Nouveau clin d’œil au White Album avec «When Mommy Kills You», tapé au fondu de chant et au very big sound. Avec l’«Alta» qui ouvre le bal de la B, Ty touille une pop de heavyness onctueuse - I would fight to save you/ I would give my life - Son romantisme ne tient que par la puissance des intentions. Il n’existe rien sur cette terre de plus beatlemaniaque que «Cry Cry Cry» et on plonge aussitôt après dans un heavy boogaloo intitulé «Shoot You Up». Ty y bat tous les records de Screamin’ Jay Hawkins car on claque des dents - Yeah these children aren’t children no more/ They’re the carnivores - Pur jus de George A. Romero. Quand on dit que Ty crée son monde, ce n’est une pas une parole en l’air.
Signé : Cazengler, Ty crayon
Ty Segall. Rush Festival. Rouen (76). 3 juin 2018
Ty Segall. Freedom’s Goblin. Drag City 2018
Le Triumph des Bonnevilles
Deux choses à savoir sur ce duo d’Irlandais : ils ne tirent pas leur nom de groupe des motos, mais plutôt d’une vieille tradition de courses de dragsters organisées sur un lac salé en Utah. La deuxième chose, comme le précisait le batteur Chris McMullan, est qu’on ne prononce pas leur nom à la française, mais à l’irlandaise : thi boné/villahs. Le mot doit swinguer. Comme bamalama bamaloo, baby. Et si vous papotez un peu avec lui, il vous révélera des tas d’autres petits secrets intéressants. Si on lui demande pourquoi la roue n’est pas carrée, il ne saura pas quoi répondre, mais il fera la lumière sur leur contrat avec Alive, le label californien de Patrick Boissel. Comment diable en sont-ils arrivés là ? Pas compliqué : les Bonnevilles tournaient avec James Leg qui leur conseilla d’entrer en contact avec Alive et ça tilta. Deux albums sont déjà parus et les Bonnevilles tournaient en France pour la promo du deuxième, Dirty Photographs.
Sacrément bel album. Acheté aussitôt après le concert. Album très hendrixien. Le morceau titre et «Panakromatik» renvoient directement à l’ami Jimi, et de la meilleure façon qui soit. Andrew McGibbon va chercher l’Hendrix des débuts, à la bonne franquette de l’épaisseur. Ça donne un «Dirty Photographs» assez réjouissant et même très impactant. Même chose avec «Panakromatik». Bizarrement, quand on les voit sur scène, l’aspect hendrixien ne transparaît pas aussi nettement. Mais sur disk, ça frappe et ça réjouit. Cette façon qu’a Andrew McGibbon de riffer son blues est typique d’Hendrix. Le cut qui suit s’appelle «Fever Of The New Zealot» et sonne lui aussi comme un hit hendrixien digne d’Electric Ladyland. Assez inspiré, admirable heavy groove secoué de grimpées adéquates dignes de celles orchestrées par l’équipe de surdoués qui jouait à New York en 1968 autour de l’ami Jimi (Jack Casady, Dave Mason, Steve Winwood et Mitch Mitchell). Andrew McGibbon ressort tous les bons réflexes. L’autre point fort de l’album s’appelle «Don’t Curse The Darkness», un blues poignant de beauté intrinsèque, digne des grandes heures de Spooky Tooth : même impact et même science de la beauté formelle. On sent chez eux un goût prononcé pour le son des seventies, c’est en tous les cas ce que vient confirmer «The Good Bastards», en ouverture du bal de B. Ils ont une façon réjouissante de gueuler we are/ The good bastards. On note chez eux une grande aisance à dérouler. Oh bien sûr, ils retombent dans les clichés du son guitar/drums, comme dans «By My Side» ou «Long Runs The Fox», mais ils filent bon train, comme leurs collègues les Left Lane Cruisers. Ils finissent cet excellent album avec un «Robo Godo» une fois encore très hendrixien. C’est une excellente sortie de route, bardée de son et du meilleur.
On avait repéré les Bonnevilles grâce à des chroniques pour le moins laconiques dans Vive Le Rock. Mais la curiosité s’arrêtait là, car il semblait qu’en matière de duos guitare/batterie, la messe était dite depuis un bon bail. Pas souvent d’une façon intéressante, d’ailleurs. Par on ne sait quelle ironie du sort, la plupart des duos montés sur ce modèle avaient réussi à se faire une place au soleil et à jouir des bienfaits du mainstream, ouvrant par là la porte à toutes sortes d’abus et décrédibilisant la formule qui du coup devint suspecte. Ce rock supposé rester pauvre et underground devint le fleuron du rock commercial et on en tartina abondamment les couvertures des magazines. Berk.
Alors faut-il sauter sur les albums des Bonnevilles ? Le conseil qu’on pourrait donner serait de commencer plutôt par juger la bête sur pieds, c’est-à-dire sur scène. Ça passe ou ça casse. Et comme le hasard fait souvent bien les choses, voilà qu’ils sont programmés dans une cave, en bas de la rue, et pour seulement six euros, ce qui est un cadeau, vu le pedigree d’un groupe dont la notoriété grossit à vue d’œil. Attention, ces deux mecs de Belfast n’ont rien de charismatique. On pourrait les qualifier de bruns passe-partout. Aucun sex-appeal. Leur look extrêmement austère évoque celui des pasteurs. Ils portent des chemises blanches et pantalons noirs, et se cravatent de noir. Aucune trace de luxure chez eux, pas le moindre signe de corruption des mœurs. Dieu veille sur leur rock. Ils sentent bon l’éthique originelle du blues et la pauvreté des moyens. Cette absence totale de frime nous soulage franchement la conscience. Ouf, enfin un groupe de mecs normaux. Le set n’en sera que plus difficile, car on sait qu’un spectacle de rock repose généralement sur le flattage des bas instincts, et un manque total de sex-appeal peut avoir quelque chose de suicidaire. On comprend donc que tout va reposer sur le son et la qualité des compos. Et pour encore corser l’affaire, ça ne vole jamais très haut dans ce genre de duos. Leur set se présente donc comme le parcours du combattant. Une heure de très grande austérité peut avoir des conséquences terribles sur un public clairsemé d’avance. Mais heureusement, une petite moitié des gens va réussir à tenir le coup jusqu’au bout. Oui, car ces deux Irlandais vont réussir à arracher leur victoire au prix d’efforts spectaculaires. Ils peinent à tenir la distance, ça se sent souvent, les cuts ploient parfois sous le joug de l’insignifiance, mais ce diable d’Andrew McGibbon finit par redresser la situation et par créer vers la fin du set un sacré mayem d’apex, comme on dit en Irlande. Et c’est là qu’il emporte la partie, avec notamment un cut ultra-atmosphérique rescapé des débuts, «10,000». C’est précisément à ce genre d’exploit qu’on reconnaît les grands artistes. Andrew McGibbon ne triche pas. On sent le feu sacré en lui. Les Bonnevilles sont condamnés à l’underground, mais les gens qui iront les voir jouer passeront vraiment un bon moment. Que peut-on attendre de plus d’un groupe de rock ?
Si on veut écouter «10,000», le plus simple est de rapatrier la compile Alive qui rassemble les meilleurs cuts des deux premiers albums. Elle s’appelle Listen For Tone. Andrew McGibbon embarque son cut à train d’enfer - Goin’ to the river/ Goin’ to the river/ To die - Admirable ! Explosif ! Cette façon qu’il a de descendre son die, il le coupe en deux, di/aille, c’est d’un effet ravissant. On assiste là à une fabuleuse explosion de fin de non-recevoir, oui, il s’agit bien d’un hit, et quelle façon de scier le chant de Maldoror ! L’autre merveille de cette compile se trouve aussi en B et s’appelle «Hell». Andrew McGibbon s’y prend pour Alvin Lee à l’âge d’or de Ten Years After. Bien vu Andrew ! Belle tension, le beat rampe sous le boisseau - Hey go down in hell - Pas d’explosion finale comme dans «Help Me», mais prestation superbe. On note que dès qu’il sort de l’ornière du trash-blues, Andrew McGibbon redevient captivant. Par exemple avec cet «Asylum Seekers Of Love» qui rue un peu dans les brancards. C’est assez libre de ton et encore une fois bien senti. Ils chantent à deux et Chris McMullan renvoie bien l’ascenseur. Du coup, le cut prend une certaine allure. Par contre, on s’ennuie un peu en A, car les Bonnevilles s’engluent dans ce son trash-blues blanc qu’on connaît tous par cœur. Ils n’inventent ni le beurre, ni le fil à couper le beurre. Autant écouter Hound Dog Taylor.
L’autre album paru sur Alive n’est pas indispensable. Dommage car le titre sonne bien : Arrow Pierce My Heart. Belle pochette aussi, avec un Andrew McGibbon dans le feu de l’action. Mais comme on l’a dit, en matière de trash-blues blanc, la messe est dite depuis longtemps. Sur cet album tout est très bien senti, chanté à la vie à la mort, mais à part «No Law In Lurgan», rien ne vient vraiment frapper l’imagination. On sent chez eux une authentique volonté d’en découdre, mais la normalité reprend souvent le dessus. Rien n’est plus difficile que de créer la sensation à deux. C’est donc «No Law In Lurgan» qui sauve l’A, avec son riff seventies digne des Groundhogs, rock heavy as hell of God fire. Le gras double d’Andrew McGibbon vaut bien tous les gras doubles de l’âge d’or du gras double. Ils tentent de sauver la B avec le dernier cut, «Learning To Cope», qui sonne comme un réveil en fanfare, emmené fièrement au turbin et chanté à la niaque de Belfast, celle des vieux punks d’avant les punks.
Signé : Cazengler, bonnevide
Bonnevilles. Le Trois Pièces. Rouen (76). 5 septembre 2018
Bonnevilles. Arrow Pierce My Heart. Alive Naturalsound Records 2016
Bonnevilles. Dirty Photographs. Alive Naturalsound Records 2018
Bonnevilles. Listen For Tone. Alive Naturalsound Records 2017
FICTION ABOUT FICTION
Sont cinq : Sofiane travaille les soubassementS, Charbel cuisine la batterie, Martin accompagne sa guitare, Emilien chante et officie aux claviers. Diane est la cheville originaire. Elle leade la guitare, mais c'est elle qui profile les morceaux. Elle les pose hors de ses rêves et les compose. Les autres l'aident à parturienter. L'est spécialement douée en graphisme alors elle se charge de tous les aspects visuels. Elle se réclame d'une esthétique post-punk-gothique-psyché.
I DON'T CARE
Vidéo-clip. Pas la peine de crier Clip ! Clip ! Clip ! Hourra ! Raconte une sale histoire. La vôtre. C'est bien fait pour vous. La nôtre. C'est déjà plus embêtant. D'abord il y a la musique. Ça ressemble à ces marches funèbres funèbres jouées à l'harmonium dans les églises pour les enterrements à petit budget. Avec un truc en plus, narquoisement insupportable. Nietzsche dirait que c'est de la musique qui cligne de l'oeil. Non seulement l'on vous enterre mais en plus on se moque de vous. Pire une mélodie obsédante. Une vrille insatiable dans votre cervelle. Vous rentre dans une oreille, ne sort pas de l'autre côté, tout doux et fascinant. Un serpent qui déplie ses anneaux sans hâte et qui ne se presse pas pour vous piquer. Suprême consolation, en attendant vous pouvez regardeR les images. Elles sont de Diane Abermas. Une drôle de chasseresse. L'a le trait qui vous touche au coeur. Des dessins. Animés. En fait, l'ensemble sonne plutôt croque-mort croquignol. Sourire cruel, sans la chair et sans l'âme.
De quoi ça parle ? Au début de rien. Des arbres, un peu baobabs, au tronc noueux. Force et puissance. Se pressent les uns sur les autres. Z'avez même l'impression que certains possèdent des seins et d'autres des bras baladeurs qui enlacent les copains. On dirait qu'ils s'aiment. Tiens de la couleur. Normal, les super-héros entrent en scène. Sortent de la gueule d'un volcan. Pas tout à fait. De la bouche d'ombre du sombre Hadès. Des antres de la mort. Des vomissures du Styx. Pas vraiment bien en plénitude charnelle. Réduits au minimum. Des squelettes plus ou moins démantibulés. Si vous êtes étonnés de cette représentation – censée vous figurer - c'est que vous n'avez pas lu Heidegger. Nous a pourtant prévenus. L'homme est un être-pour-la-mort. C'est triste, mais c'est comme ça. L'on n'y peut rien. Pourtant dans l'ensemble nous sommes de braves gens, prêts à offrir au premier venu ce que nous avons. Or nous sommes des êtres qui n'avons que la mort en rayon. Pas méchants, la preuve les squelettes arborent une face rieuse. D'un autre côté se prennent un peu trop au sérieux dès qu'ils ouvrent les mandibules pour échanger de doctes pensées. Maintenant faut bien manger. Alors quand un joyeux phacochère erre dans la nature, l'est tout mignonitou, il trotte de toutes ses patotes, crac ! on le bouffe. Ne reste plus que les os. Ceci n'est pas un conte pour les véganophiles. L'on a la peau du ventre bien tendue – je voulais dire le creux du bassin prolifique – alors l'on fait des petits. Nous sommes une race qui proliférons du bidon. Voilà, c'est tout, on disparaît de l'image. Enfin presque. Parce que les temps préhistoriques sont loin, et que nous sommes entrés dans l'époque de notre puissance absolue. Nous sommes des titans malins. Le boulot ce sont les machines qui le font pour nous. Un bulldozer vous détruit une forêt en cinq minutes. Les usines poussent comme des champignons, c'est merveilleux. Des grues et des briques s'emparent du paysage. Du ciment et du bitume partout. Pépé Heidegger nous avait avertis, à la fin de l'âge métaphysique la technique arraisonnera la nature, l'arasera aussi. Nous ne sommes plus – depuis l'éternité - que des cadavres ambulants qui pérorons sans fin. Un seul espoir peut-être, ce phacochère qui passe en gambadant entre deux images sinistres. Est-ce un rêve, une survivance, un regret, cochez la case qui correspond à votre état d'esprit. Un beau faire-part de décès. Adressé à l'humanité entière. Mais peut-être arrive-t-il trop tard.
Soyons optimiste, la musique fait passer le tout, un peu comme le poison fait passer la mort dans votre corps. Salut les squelettes !
Z'ont encore deux morceaux sur leur soundcloud.com/dianeaberdam , car ils amassent de l'électricité pour STORM leur prochain album :
AND NO ONE SAY
Un superposement. De pistes. Surtout pas un entremêlement. Deux destins parallèles qui n'ont pas besoin de se croiser. Dans la même direction, mais chacun dans sa solitude. Musicale et vocales. Avec cette particularité que la voix prend le dessus sur la musique. Un récitatif qui devient clameur. Et la musique recouvre le tout comme une marche funèbre. Un peu comme les cloches dans le poème d'Edgar Poe mais qui nous parviendraient en sourdine, étouffées par les instruments qui leur donnent naissance. Une cortège de nonnes sanglantes qui psalmodie, mais qui a bien conscience d'œuvrer dans le crépuscule de sa propre croyance. Le prêtre crie à se rompre les cordes vocales mais la divinité demeure impassible. Demeure impossible. Personne ne le dit. Car tuer l'illusoire de l'espoir est un délit. Une seule consolation, la guitare foutrement rock qui chante comme l'on verse du sel sur les plaies de l'âme. Nappes finales d'orgues pour recouvrir et emballer le tout. Si le paquet vous est envoyé par poste restante il est inutile d'aller le chercher. Il vous ferait trop mal. Délicieusement pervers.
TROPHY
Très différent. Tout trophée est signe de victoire même si le sang a dû couler pour son obtention. Emballements joyeux sur fond d'arabesques ethniques. Une voix libérée, qui donne des à-coups de soleil. La musique se contorsionne par derrière, retourne un soupçon dans l'amertume des jours perdus, mais non, le matin se lève, le triomphe est au bout du chemin, il suffit d'avancer et de prendre de l'assurance, l'en devient presque allègre, des bulles d'air qui éclosent à la surface des marais. Impression de renaissance. Fermez les yeux. Et regardez à l'intérieur de vous. Le dedans est à l'image du dehors. Les heures de grande équivalence débutent.
Trois morceaux et déjà un style. Fiction about Fiction est un projet à suivre. Le nom du groupe donne à rêver. Un miroir qui reflète un autre miroir. Une distanciation entre le dire et sa profération. Ce décalage qui institue la réalité du monde en une simple image. Une parmi tant d'autres. Entre le réel et son reflet la distance n'est pas si grande qu'on le croit. Nous marchons dans le palais des glaces des illusions perdues. Ce qui est transparent est parfois une barrière. La musique est un brouillard qui s'interpose entre le rêve et ce qui est censé exister. Vertige. Peut-être sommes-nous seuls. Et rien ni personne n'existe. Fiction about fiction, nous conduit derrière le miroir. Instant solennel. L'envers du décor est-il à la mesure de notre rôle.
Damie Chad.
P.S : pour l'oeuvre graphique de Diane Aberdam, reportez-vous à : dianeaberdam.tumblr.com
DISCOGRAPHIE CRITIQUE
DES MEILLEURS DISQUES DE JAZZ
1920 – 1951
HUGUES PANASSIE
( Editions Correa – 1951 )
L'ai trouvé je ne sais plus où, enfin si, chez un mec sympa qui m'a à la bonne parce que lui demande depuis des années s'il n'a pas rentré de vieux Gene Vincent. Inutile de me torturer je ne vous refilerai pas l'adresse. De toutes les manières j'ai droit de préemption absolue. Que voulez-vous le monde est rempli d'injustices et de passe-droits inqualifiables. L'ai pris par acquis de conscience. Je n'aime pas particulièrement le jazz... En plus la liste des disques enregistrés avant la deuxième moitié du siècle dernier, allez un peu les retrouver. Ce sont-là passion de collectionneurs ruineuses. Ou alors du bouffe-temps à farfouiller dans des cartons moisis ravagés d'humidité en d'incertaines brocantes. En fait j'aime bien Hugues Panassié, surtout sa mauvaise foi, le mec s'est accroché à son rêve mythique du jazz jusqu'au bout, l'a défendu bec et ongles. J'en connais d'autres qui agissent de même avec le rock'n'roll... Entre jusquauboutistes on se comprend toujours.
Dans son intro, Panassié se montre tel qu'il est : mauvais joueur. Se défend de toute exhaustivité. Ne cite que ceux qu'il aime. Et que ce qu'il aime. Entendez la différence. Ne s'intéresse qu'au premier choix. La seconde catégorie il n'y touche pas. Les meilleurs musiciens ont commis de mauvais disques, tant pis pour eux, grand mal leur fasse, lui Panassié n'est pas là pour inciter les amateurs à se procurer de la mauvaise bidoche. Vous n'aurez droit qu'au haut du panier. Fût-il de crabes ! En plus, il exagère, ne vous donne que les meilleurs enregistrements, mais certains sont soulignés, ceux-là sont la béatitude de la bestitude incarnée. Si vous ne les avez pas, faites quelque chose, supprimez-vous au plus vite, vous n'avez aucun droit à rester sur cette terre. L'en rajoute un peu, certains artistes sont merveilleux en public, mais leurs résultats discographiques ne sont pas à la hauteur, n'auront pas leur carton d'invitation.
L'est sympa, n'oublie pas de citer l'ensemble des musiciens ayant participé aux sessions, ce qui à l'époque n'apparaissait pas toujours sur les pochettes. Rassurez-vous, aujourd'hui non plus. L'a fait des recherches, des recoupements, l'a interrogé les musiciens – l'est déçu par leur manque de mémoire – au final, se fie à son oreille, vous reconnaît son gazier à sa manière de dérouler un solo, ou à sa soupape de charleston inimitable. Ne vous ennuie pas, vous file un petit topo sur les compagnies de disques : Blue Star, Brunswick, Columbia, Commodore, Decca, Gennett, Harmony, H.M.V., Master-Variety, Musicraft, Okeh, Parlophone, Polydor, Swing, Vocalion, chères aussi aux amateurs de Blues, de rock et de country... L'on aurait aimé qu'il ajoutât quelques précisions sur les petits labels, mais en ce bas monde nul n'est parfait.
Y a encore des index qui vous permettent de vous y retrouver facilement, ainsi question blues – parce que moi si je ne suis pas un fadurle de jazz j'adore le blues - pour Big Bill Broonzy – dont il avoue ne pas connaître tous les enregistrements - il n'oublie pas de citer Please Believe me et Why did you do that to me parus chez Hub sous le nom de Don Byas Quartet avec le sus-nommé Don Byas au saxo ténor, Kenny Watts au piano, John Levy à la basse, Slick Jones à la batterie.
De Rosetta Crawford Panassié privillégie quatre faces, mais quand vous allez écouter vous la claseriez plutôt parmi les chanteuses de jazz, c'est que Tommy Ladnier et Milton Mezzrow lui volent un peu la vedette, l'on a l'impression qu'elle les accompagne plus qu'ils ne l'accompagnent... Wynonie Harris dont il souligne les remarquables parties de saxo ténor par Ilinois Jacquet sur Wynonie's blues ( Apollo ), n'oublions pas que certains amateurs tiennent Wynonie pour l'inventeur du rock'n'roll, avant Bill Haley...
Les deux suivants sont sans contexte des figures du blues : Bessie Jackson – plus connue sous son nom de Lucille Bogan dont vient de sortir chez Camion Blanc, une biographie dont nous parlerons d'ici peu, Blind Lemmon Jefferson, notre cicerone le qualifie l'un des plus grands chanteurs de blues – n'a pas tort - mais n'avoue ne connaître que quatre galettes, de 1925 et 1à26, chez Paramount, nos ancêtres n'avaient pas la chance de surfer sur le net...
Cousin Joe, aussi appelé Pleasant Joe, on le connaît moins, Panassié le cite en tant que chanteur tout en notifiant qu'il a la manie ( exaltante ) de ne pas chevroter ses fins de lyrics mais au contraire de donner du gosier façon de pousser la mémé dans les orties, l'a été aussi pianiste, l'a joué avec Dave Bartholomew le producteur de Fats Domino, nous sommes tout près de Little Richard, l'avait commencé avec Sidney Bechett et Milton Mezzrow pour ne citer que des cadors à qui Kr'tnt a consacré un chronique...
Lonnie Johnson, attention vous le trouvez là où ne l'attendez pas, tient les solos sur I'm not rough, Hotter thant that et Savoy blues de Louis Armstrong, et sur Hot and Buttered et Misty Morning de Duke Ellington, vous l'entendez seul sur Playing with the Strings, Stoompin' 'em Along, Blues in G et Away down in the Alley Blues, sur Okeh 1928... Maintenant on peut le dire l'a un peu le blues élastique Panassié, c'est sa passion du swing qui déborde et lui fait ranger Louis Jordan parmi les bluesmen... Lips Page fut surtout un trompettiste de jazz, Panassié apprécie fort son vocal j'avoue que je ne connaissais pas, suis allé vérifier sur You tube, Panassié a raison l'a un beau phrasé, trompette cool mais la voix qui en jette un max, une découverte.
Ma Rainey, la plus grande chanteuse de blues après Bessie, qu'elle soit accompagnée par Tomy Ladnier, Louis Armstrong, Fletcher Henderson ou par des inconnus c'est toujours la reine, suivie de près par l'impératrice Bessie Smith, Hughes sort le grand jeu, nous cite plus de cent cinquante titres – pour la petite histoire sa disco n'arrive pas à deux cents - l'a mis tout ce qu'il avait, l'a raclé les fonds de tiroirs, l'a raison des filles comme Bessie l'on n'en fait plus, écoutez n'importe quoi d'elle et vous serez conquis, ad vitam aeternam... Voici une autre princesse du blues, Georgia White, a enregistré avec Jimmy Noone et Lonnie Johson, ne dédaignait pas les paroles à double sens, a accompagné Big Bill Broonzy au piano, a fini dans les clubs de Chicago, Panassié ne retient que quatre titres Jazzin' Babies Blues, Papa Pleaser, Late Hour Blues, Panama Limited Blues qui ne sont pas cités de nos jours dans les notules qui lui sont consacrées,
Après les ironiques délicatesses des modulations enchanteresses de la féminité, Panassié nous présente beaucoup plus couillu Big Joe Turner fort en muscle et en voix, blues shouter de poids qui se joue des dentelles d'Art Tatum comme du souffle de Bill Coleman, Eddie Vinson chef d'orchestre et saxophoniste de prédilection, mais qui sut donner de la voix sur des morceaux comme Too Many Women Blues et Old Maid Boogie Nous terminons avec Rubberleg Williams l'avait des jambes en caoutchouc qui firent de lui un prince de la danse et du vaudeville, mais l'était loin d'être un simple amuseur public, a magnifiquement servi au chant des calibres du genre Dizzie Gillepsie, Charlie Parker et Miles Davis.
Si l'on tente de dresser un bilan, l'on se dit que le blues de Panassié est bien près du jazz, lui manque l'authenticité du delta... Mais à l'époque, devait pas y avoir grand monde en notre pays qui en connaissait autant que lui...
Dernière notation : le livre n'est pas mince, dépasse les 370 pages... Les amateurs de rock parviendront à survivre facilement si le bouquin ne leur tombe pas sous la main... Par contre les amateurs de jazz ne manqueront pas de se mettre à sa recherche. Un document historique irremplaçable pour l'accueil de leur musique en douce France...
Damie Chad.
ROCKAMBOLESQUES
FEUILLETON HEBDOMADAIRE
( … le lecteur y découvrira les héros des précédentes Chroniques Vulveuses
prêts à tout afin d'assurer la survie du rock'n'roll
en butte à de sombres menaces... )
EPISODE 4 : URGENCES SOINS
( Vivace Vivace )
LA LETTRE VOLEE
Le chef n'a pas l'air surpris du résultat de ma mission. Il me regarde et sourit. Il prend le temps d'examiner la cendre de son Coronado, adopte un air contrit, appelle Cruchette, et condescend enfin à prendre la parole :
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Sans doute ai-je été par trop imprécis pour répondre à votre question, mais vous êtes parti si vite... Je ne vous ai pas demandé de ramener la corbeille à papier de la charmante Crocodile, mais votre poubelle à vous, j'avoue avoir été un peu elliptique, ce n'est pas votre poubelle que j'aimerais à examiner, mais plus exactement son contenu. Opération délicate qui demande un spécialiste chevronné d'un niveau bien supérieur à vous ! Je suis sûr que Cruchette a compris sans besoin d'explications !
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Bien sûr Chef, je n'ai jamais osé en toucher deux mots à Monsieur Damie, mais sa teuf-teuf, c'est une véritable poubelle comme vous dites Chef, parce que moi je trouve que c'est plutôt une déchetterie ! Je m'en charge Chef, je prends mon balai, ma pelle en acier suédois super-fin capable de ramasser des grains de poussière de trois microns et un sac poubelle de cent litres, et j'y vais tout de suite.
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Chef, je ne vous comprends pas, nous recherchons l'assassin et surtout son mobile, pas les quelques papiers qui traînent sur le plancher de ma teuf-teuf !
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Tenez Agent Chad, pendant que j'allume un nouveau Coronado, remémorez-vous ces pages d'Edgar Poe, La Lettre Volée, les services secrets de sa très Gracieuse Majesté qui recherchent dans un appartement, une lettre très compromettante pour l'honneur de la Couronne, les plus fins limiers fouillent de fond en comble le logis sans résultat, et Dupin, le fameux détective déductif, la retrouve en quinze secondes sur le bureau du maître-chanteur, conclusion : inutile de chercher au bout du monde ce qui est sous vos yeux. Mais je vous en prie agent Chad, reprenez la rédaction de vos Mémoires en attendant le retour de Cruchette !
LA PISTE !
Cruchette est revenue toute fière, sur le bureau du Chef elle a scrupuleusement aligné douze bocaux de nutella vide, six boites de nougatine moisie, dix-sept os à moelle ( une puanteur ) de Molossa, deux cent quatorze emballages de fraises tagadas, une collection de blagues de carambars, un nombre incalculables de trognons de pommes en voie de décomposition avancée et une montagne de biscuits à chien à moitié grignotés...
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Voilà Chef, par précaution j'ai laissé le balai et le seau dans la teuf-teuf, je pense que ce sera utile à Monsieur Damie !
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Vous êtes une véritable mère pour cet escogriffe, Cruchette, il ne le mérite pas, mais vous n'auriez rien oublié, par hasard !
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Ah si, une K7, toute pourrave dans le vide-poche de la portière ! Tenez la-voilà !
LES DESAXEES
C'était le nom du groupe. L'écoute s'avéra fabuleuse. Trois jeunes filles qui ne savaient ni jouer, ni chanter. Le premier groupe punk français, décréta le chef. Je vous épargne le potin de tous les diables, les paroles suffiront à vous faire une idée : Que feras-tu quand tu seras grande : quand je serais grande je serais terroriste ! Et toi que feras-tu quand tu seras grande : moi quand je serai grande je serai pédophile ! Et toi que feras-tu quand tu seras grande : moi quand je serai grande je serai eine nazie kamareden !, plus loin on atteignait la haute poésie : Quand je remue / Mon Petit cul / C'est que ta bite / Molle l'habite...
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Chef, il y a une adresse à l'intérieur du boîtier : Claudine Laporte, 12 allées des Jardins. 77 160 Provins. Je connais, c'est rupin comme rue, je peux vous y conduire!
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On y va illico, répondit le Chef, j'allumerai un Coronado dans la Teuf-teuf.
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On a sonné à la porte de la belle villa. Une dame a traversé la vaste pelouse et nous a ouvert la grille.
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Nous voudrions parler, à Mlle Claudine Laporte, s'il vous plaît.
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Elle fait son stage de pédiatrie à l'Hôpital Mondor...
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Elle est si jeune que cela, l'interrompit Cruchette
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Non, elle a vingt trois ans, elle est étudiante en médecine, vous êtes la deuxième groupe de trois personnes à la demander aujourd'hui !
HÔPITAL MONDOR
Le Chef avait pris les opérations en mains.
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Agent Chad, roulez sur la bande blanche, jamais à moins de cent quatre-vingt kilomètres, n'ayez crainte, avec mon colt je crève les pneus à toutes les voitures qui font mine de ne pas céder le passage.
Vingt cinq minutes plus tard la teuf-teuf nous laissait sur le parking de la pédiatrie. Nous suivîmes les consignes du Chef, Cruchette devant, en brise-lame, le balai et le seau à la main, derrière le Chef, en protection, le Coronado laissant échapper de gros panaches de fumées noires, Molossa suivait, la queue frétillante, et moi qui assurai les arrières, le Glock à la ceinture caché par le perfecto. La traversée du hall se fit sans encombre, lorsque le vigile s'interposa pour arrêter Molossa, deux bambins couverts de pansements se précipitèrent pour la caresser, ce devait être un bon père de famille, il n'eut pas le courage de leur causer du chagrin, car il sourit et tourna le dos... Ce fut dans l'ascenseur que cela se gâta. L'était bondé et une jeune femme enceinte se mit à tousser.
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Vous pourriez éteindre votre cigare Monsieur, d'ailleurs c'est interdit, en tant que représentant de la ligue anti-cancer, je tiens à vous avertir que fumer nuit gravement à la santé, et je vous conseille de descendre immédiatement car...
Le quidam n'eut pas le temps d'achever. Le colt lui explosa la tête, Molossa se précipita sur la cervelle qui était tombé sur la moquette.
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Je connais des façons plus rapide de mourir que par la tabac. Je tiens à avertir l'assistance que je tiens pour ennemi personnel toute personne – le Chef jeta un regard froid sur les visiteurs terrorisés - qui ferait partie de la ligue anti-tabac. Sachez que je ne plaisante jamais. Qu'il soit bien entendu que si l'un de vous touche son portable ou ose parler à quiconque de ce regrettable incident, il est déjà mort. A bon entendeur salut ! Nous descendons ici ! Nous vous souhaitons une bonne journée.
Sans doute nous virent-ils partir sans regret. Service pédiatrie, c'était écrit en gros sur la porte. Nous suivîmes le couloir. Des infirmières voulurent nous arrêter, mais l'un d'elle surgit fort opinément et s'interposa :
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Laissez, c'est pour les enfants, c'est le cirque ! Il y en a déjà un dans la salle de jeu avec la stagiaire, au bout du couloir, vous tournez à gauche, vous passez les portes battantes, et vous continuez jusqu'à la salle de jeu, attention, quand vous passez devant les bureaux, le nouveau chef de service arrivé ce matin est particulièrement de mauvaise humeur.
On s'est un peu perdu dans les couloirs, on a tourné et retourné, les renseignements que l'on quémanda étaient contradictoires, mais enfin nous avisâmes la pancarte : Direction du Service. Nous suivîmes les conseils de prudence qui nous avaient été prodigués, nous marchions sur la pointe des pieds, quand Molossa, poussa un Wouaf retentissant ! Une porte s'ouvrit, Cruchette se trouva nez à nez avec une espèce de géant qui lui barra le chemin de ses deux bras !
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Un chien dans cet établissement, je ne le permettrai jamais ! Je vais l'abattre tout de suite ! D'ailleurs vous aussi !
A notre grande surprise il ouvrit sa grande blouse blanche et en sortit un fusil à canon scié, n'eut même pas le temps d'appuyer sur la gâchette, Cruchette fut plus rapide, de sa pelle en acier suédois elle lui trancha la tête qui roula à terre, le Chef l'a réexpédia d'un coup de pied dans le bureau ouvert tandis que j'y jetai le corps que je tirai par les pieds.
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Vous vous rendez compte il voulait tuer un petit chien innocent qui ne lui avait rien fait, c'est bien fait pour lui, Papa m'a toujours dit que l'on devait arrêter les méchants par tous les moyens possibles.
Cinquante mètres plus loin, nous arrivâmes devant la salle de jeu. Le Chef entrouvrit la porte. Une quinzaine d'enfants étaient assis face à nous. Au milieu d'eux une jeune fille. Vraisemblablement Claudine Laporte. Tous avaient les yeux rivés sur l'illusionniste, un grand chapeau pointu de magicien couronnait sa tête. Il nous tournait le dos, nous ne voyions pas ce qu'il faisait, mais des yeux attentifs suivaient tous ces mouvements. Il y eut des applaudissements.
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Mes enfants, voici le dernier tour !
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Non, non, encore !
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C'est le dernier et le plus difficile, et j'ai besoin de vous, quand je vous le dirai vous fermerez les yeux et vous compterez doucement jusqu'à trente et vous verrez la surprise de votre vie. Mademoiselle Claudine, j'ai besoin de vous, mettez ce bandeau devant vos yeux, étendez-vous par terre, là oui, sur le sol, devant moi, regardez-moi bien les enfants, lorsque vous rouvrirez les yeux, elle sera toujours devant vous, par terre, mais transformez en papillon, ne trichez pas, fermez les yeux , allez on compte, un, deux, trois, quatre,
Aucun des petits n'osaient tricher. Cinq, six, le gars sortit un fin couteau de sa botte, sept, huit, il leva son poignard, neuf, dix, il n'eut pas le temps de le planter entre les omoplates, le Chef avait bondit, se saisit de sa main, souleva son corps de l'autre, le fit tournoyer pendant que je m'empressai d'ouvrir une fenêtre, les enfants qui avaient entendu un peu de bruit, écarquillèrent les mirettes, juste à temps pour apercevoir le magicien s'envoler par la fenêtre ( du quinzième étage ).
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On applaudit bien fort, m'écriais-je, quel tour réussi, quelle surprise, ce n'est pas Claudine qui a été transformée en papillon, mais le magicien qui s'est envolé !
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Bravo! Bravo !
Claudine enleva son bandeau, elle n'avait rien vu et surtout rien compris, si ce n'est qu'il s'était déroulé quelque chose de très insolite, elle se demandait ce que nous faisions dans la pièce, mais les rires et l'excitation des enfants la rassurèrent. Nous l'accompagnâmes quand elle ramena les gaminos à leur chambre. Elle se tourna vers nous, mais elle n'eut pas le temps de poser la question qui lui brûlait les lèvres. Elle se contenta de pâlir affreusement lorsque je lui fourrais la cassette sous les yeux.
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Je crois qu'il faut qu'on parle ! dit le Chef
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Crocodile est donc morte pour ça ! Et elle éclata en sanglots.
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Non Claudine, pour le rock'n'roll !
( A suivre. )
10:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ty segall, bonnevilles, fiction about fiction, hugues panassié, rockambolesque ( 4 )
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