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17/02/2016

KR'TNT ! ¤ 269 : CHICKEN DIAMOND / NAKHT / BEAST / FALLEN EIGHT / LES ENNUIS COMMENCENT / MUTANTISME

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 269

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

18 / 02 / 2016

 


CHICKEN DIAMOND / NAKHT / BEAST

FALLEN EIGHT / LES ENNUIS COMMENCENT

MUTANTISME

 

06 / 02 / 2016

L'ABORDAGE / EVREUX ( 27 )

CHICKEN DIAMOND


CHICKEN DIAMOND IS THE GIRLS'BEST FRIEND

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— Quoi ? Y l’habite où ?

— Thionville...

— C’est où ça, Thionville ?

— Bah j’en sais rien. Jamais entendu parler d’ce bled.

— Mais où t’as chopé l’info ?

— Dans Dig It. Y font un reportage sur les one-man bands. Y disent que Chicken Diamond y l’est de Thionville.

— Avec le son qu’y l’a, j’aurais juré qu’y v’nait de Memphis, ou de l’Indiana comme Left Lane Crouiser.

— On a déjà eu l’même coup avec Petit Vodo. Y l’aurait pu faire illusion. Mais sur scène, comme y parlait en français, ça redev’nait d’la France profonde.

— Ouais, mais d’la bonne ! Son hommage à Skip James m’avait bien bluffé !

— T’as vu, les trois albums de Chicken Diamond, y sont sortis sur Beast, chez le petit mec de Rennes. Pas mal hein ?

— Tu l’as dit, bouffi ! Ce mec a bon goût ! Y ne sort que des bonnes galettes. Y suit des groupes comme Chicken Snake et Hipbone Slim, tu vois un peu l’délire ? Heureusement qu’y l’est là pour sortir les albums de Chicken Diamond ! Lui, on devrait le décorer pour services rendus à la nation ! Pour une fois qu’un petit label indépendant ne sort pas de la daube, y faut en profiter.

— T’as raison, le premier album de Chicken Diamond y l’est fantastique !

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— C’est une bombe, mec, Chicken y sonne comme Elmo Williams sur «Damn Old Sin» ! Y reprend les vieux accords démentoïdes du vieil Elmo avec un son bien âpre et y chante comme un voyou avec de la bave aux lèvres. Tu sais quoi ? Y remodernise le blues, comme RL Burnside l’avait fait en son temps. Y l’est d’ssus, monté sur le dos du blues, comme le lapin sur la lapine, pour la niquer, y l’a tout pigé, le blues y coule dans ses veines. En plus y l’a le génie du son ! Et derrière ça, t’as «Factory Smoke» ! Ah la claque ! Y joue ça au dégueulis sur un beat tribal de pédale de grosse caisse, c’est dingue comme y l’est bon, y freine, y remet de l’huile dans les vieux riffs rouillés et y repart ! T’as déjà vu ça ?

— Non.

— Et avec «Power Of The Ancient People», y bat tous les records de primitivisme ! Y sonne comme une tribu du Congo. Je te jure que ce mec est visité par les esprits, comme Wolf. Tiens puisqu’on parle de Wolf, t’as «Bones». Y prend ça au guttural de l’arrache maximaliste. Y l’est comme Freddy J IV de Left Lane Crouiser, y s’en va chercher le meilleur guttural des cavernes, car c’est là que se niche toute la sainte colère du blues. Mais le pire de tout ça, c’est sa version de «Sister Ray». Personne n’avait osé toucher à ça depuis le Velvet. Ben voilà, c’est fait. Chicken y tape sa reprise au tambourin et y réussit à exploser l’inexplosable. T’as vu comme y s’y colle ? Y n’en finit plus d’emboutir le vieux cul ridé de Lou Reed. Y le retapisse avec une hargne à peine concevable. Et en face B, y tape même dans les Cramps, avec sa reprise de «Teenage Werewolf». C’est un exploit sportif, mec. Y repasse les Cramps à la moulinette de Wolf, c’est comme si y l’embarquait les Cramps dans les bois, en pleine nuit, pour leur flanquer la trouille de leur vie. T’as qu’à voir... Et son solo à la fin de «Civilized» ! Du pur trash ! J’adore aussi son «Come Home», car c’est du groove de cro-magnon, une abomination caractérisée. On croirait entendre un gros black échappé de la taule d’Angola !

— T’as pas l’impression que les deux autres albums y sont moins denses ?

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— Ah non... Ce n’est pas vraiment ça. T’as des gros trucs sur «II», comme «Disappear» qu’y chante avec une voix de grognard tuberculeux sur un vieux coup de tatapoum. Y sort un riff un peu anglais et du liant avantageux. Y reste bien dans l’esprit de premier album. Ce mec a du talent, y l’est plein de vitalité, d’énergie et de jus. «Gold Rush», c’est pareil, y joue ça au riff borgne de bord du fleuve. Y gratte l’os du riff et y rajoute des paquets de viande, comme ça, sshhhblarf ! sshhhbliirf ! sshhhbluuurf ! C’est un sacré réinventeur du blues des cabanes. C’est ce genre de mec qu’y faut suivre à la trace. Y règne sur l’empire du riff, tu piges ?

— Ouais.

— Y l’est encore plus énervé quand y fait son «Spitting In Your Face», tu vois un peu le travail, ça veut dire qu’y va te cracher dans ta gueule d’abruti. Y rigole pas, le thionvillais. Y l’est capable de piquer des crises. Y lâche des morves infâmes de solo. Je te le dis, ce mec y doit être bon pour l’asile. Y doit bien aimer Wolf parce qu’y prend son «Leaving In The Morning» avec une sorte de volonté wolfienne. Si tu veux mon avis, y l’a un goût très prononcé pour le crépuscule et la menace. Y l’a tout bien pigé. On voit rarement ça chez les mecs qui font du blues aujourd’hui. La plupart, y se contentent de singer BB King ou Albert King ou Freddy King ou Earl King ou King Kong, tu vois un peu le désastre ? Si tu veux bâiller aux corneilles, t’as qu’à écouter les nouveaux virtuoses du blues. Là mon pote, tu vas te faire chier comme un rat mort, comme disait Choron. Alors que lui, Chicken, y joue le vrai blues, y l’est dans l’esprit du blues qui est celui de la modernité. Le dernier cut de «II» est dément. Avec «High Low Blues», y fait son Wolf agonisant et ça marche - Sometimes I feel so low/ Feels like a walking dead - C’est le blues le plus désespérant que j’ai jamais entendu. Encore plus désespérant que Robert Pete Williams.

— Ah ouais !

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— J’aime bien la pochette de son troisième dixe. C’est un vieux bar à putes, tu sais comme dans la rue Saint-Denis. Qu’est-ce qu’on s’est bien poilé dans ces vieux rades. Heureusement qu’on avait de la thune, parce que les putes elles ont tout le temps soif !

— Ah t’as raison !

— Ces salopes nous mettaient sur la paille, mais on rigolait bien. Tu vois, je te disais que Chicken y sonnait comme Wolf sur certains cuts, et là, sur le troisième dixe, y sonne comme Beefheart sur un cut qui s’appelle «Cotton Field». Alors tu vas me dire que Beefheart y chantait comme Wolf, c’est pas tout à fait faux, mais c’est pas non plus exact. Beefheart y l’admirait Wolf, ça tout le monde le sait, mais y f’sait son truc à lui, avec un autre son. Tu t’rappelles de «Bat Chain Puller» ?

— Ouais.

— Ben c’est ce son-là. Chicken y reprend le son du Magic Band pour faire son cat cat oh catton fields et son bloody ca-catton, c’est exactement ce beat-là. Alors du coup, Chicken y devient un héros. Tu te rends compte, t’as un mec qui sonne comme Wolf et Beefheart, comme Elmo Williams et RL Burnside, qui reprend les Cramps et Sister Ray. Que veux-tu de plus ?

— Ah bah rien !

— Y tape même une version du «Maggie’s Farm» de Dylan ! Là, y frôle le génie. Y fait du dylanex des cavernes. Y l’est complètement enragé. Y bave. Ah la trogne ! Y dégage une drôle d’odeur. T’aimerais pas être sa femme. Au lit ça doit être terrible. Putain, qu’est-ce qu’il pue ! Pire que le clochard du Pont de Levallois, tu te rappelles, on pouvait pas dormir à côté tellement y puait. Mais y chante ça comme un dieu - Ain’t gonna work for Maggie’s farm no mooooooore ! Et son «Motorcycle» ! Mais c’est encore pire que du Motörhead ! Y joue dans la purée de l’échappement. Ce mec, je vais te dire, c’est un trogglodyte qui dynamite tout, les riffs et le beat, y touille tout ça dans son jus. C’est pas compliqué, j’aime tous les cuts de cet album, à commencer par «Undercover». Y bat ça à la sourde. Y tombe dans les abîmes de chaos, un peu comme les Chrome Cranks, mais lui y l’est tout seul, alors t’as qu’à voir. Y ressort aussi le coup du serpent avec «(Don’t Wanna Be A) Reptile». Y monte ça sur un riff régurgité. Y cherche toujours la niaque maximale. C’est lui le lion des cavernes, le Tounga des temps modernes, c’est un Chicken de choc, un diable en diamant, y joue le blues fatal, c’est un irrécupérable de basse-fosse, un violent quidam. Y l’enfonce toutes les portes ouvertes, mais quelle classe !

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Nos deux amis se retrouvent quelques mois plus tard.

— Ben dis toi, on t’a pas vu l’aut’ soir à l’Abordage ?

— Ah parce que c’est rouvert ?

— Ben oui pomme de terre ! Et tu sais qui c’est qu’on a vu à l’Abordage ?

— Ben non...

— Chicken Diamond !

— Ah bah dis donc !

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— Assis sur son tabouret, en première partie d’une soirée Beast.

— Ah bon ? Y avait qui comme groupes après lui ?

— Ah ça ma poule, me rappelle plus. Mais Chicken y m’a bien s’coué la paillasse, ah l’enfoiré ! C’est encore pire que sur ses dixes ! Tu verrais le son qu’y sort sur sa vieille pelle, c’est un garage-band à lui tout seul. Ah les autres, y z'ont encore des progrès à faire quand tu vois un lascar comme Chicken avec sa guitare. Y l’est complètement dans son délire de raw blues primitif, tu verrais la perfection de son tempo, ses cuisses sont toujours pile à l’heure sur le beat, c’est pas comme chez le pauv’ Hasil Adkins où y a toujours une sorte de décalage, lui c’est du trash-garage suisse, y l’est infernal de précision et de puissance. Y dégage autant qu’une locomotive à vapeur, et en plus y gueule tellement dans son micro qu’y l’envoie des tas de postillons voltiger dans la lumière des spots. C’est du psychédélisme de cabane. Chicken y fait pas dans la dentelle, y n’cherche pas à faire frétiller les érudits universitaires du blues de pacotille, non, y cherche plutôt à hypnotiser les serpents du désert, t’as pas idée comme y l’est balèze !

— Ah bah non...

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— Les gens n’ont pas encore bien pigé que Chicken c’est le descendant de Wolf. Mais ça viendra. En attendant, ce mec ne la ramène pas. Y l’est d’une humilité qui en impose. Y l’a du mal à chauffer la salle, mais sa musique est si bonne qu’y ne viendrait à l’idée de personne de lui faire un reproche. Y l’a deux grattes sur scène, l’électrique, une vieille demi-caisse, et une acoustique qui a elle aussi bien vécu. Figure-toi qu’y sort aussi un son terrible avec son acou. Comme quoi hein ?

— Ah bah oui !

— Et tu sais comment y l’a bouclé son set ?

— Non...

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— Avec deux coups de Trafalgar, poto ! D’abord une version démeeeeente de «Ghost On The Highway» du Gun Club ! On aurait dû se prosterner, car y cherchait forcément à communiquer avec le fantôme de Jeffrey Lee Pierce ! C’est la meilleure version qu’on a entendu depuis des lustres et des lustres ! Terrible ! Et y l’a enchaîné ça avec «Sister Ray». Alors là, on tombe dans l’au-delà du taillage de bavette, on frise le saint, on bascule dans le barbare sacré, on atteint les sommets du Kilimanjaro du culte. Là, on peut dire que Chiken y l’a défoncé les annales de la postérité, et la pauvre, je te garantis qu’aujourd’hui elle a encore du mal à marcher. Et tu sais quoi ?

— Non...

— Ben y vient d’sortir son quatrième album !

— Ah bon ?

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— Y s’appelle, tiens-toi bien, «The Night Has A Thousand Eyes» ! C’est là d’ssus qu’on r’trouve la version de «Ghost On The Highway». Tu veux que j’t dise un truc ? C’est vraiment inspiré par les trous d’nez ! Y joue ça au blast, y l’arrache le foie de Jeffrey Lee et y l’explose le highway ! Y l’explose le Gun et le Club, tout te saute à la gueule, on dirait qu’y chante avec la voix pleine de terreur ! Fais gaffe si tu chopes le dixe, tu vas tomber d’ta chaise. Ça rue dans les brancards dès «Cursed Blood», y tape de tous ses pieds dans ses petites caisses de one-man band, on dirait qu’y sont dix, c’est une brute atroce et y chante à la glotte en sang, et comme un Screamin’ Jay tuberculeux, y s’en va dégueuler dans des cimetières, c’est au-delà du boogie-blues et du boogaloo, ce mec est complètement hanté par l’esprit de blues. Si t’écoutes «Castle In The Desert», tu verras des feux s’allumer au loin et tu verras le cut basculer dans une sorte de démence. Ouais poto, ça bat tout le stoner, avec sa brutalité, Chiken y met tout le rock par terre. Y gueule comme un crucifié, you’re fuckin’ me baby, y fait du guttural d’antho à Toto. Ce mec y l’a du génie, et tu sais qu’est-ce qu’y vient rajouter dans cette horreur ?

— Ben non...

— Un solo glou-glou. Et ça continue avec «Speed Demon», tu vas voir, y l’est complètement baisé ce mec, y chante tout au maximum de la barbarie d’Attila. Y va trop loin, c’est du Monster Magnet chanté par le Sonics. Tous les couvercles sautent. Et y s’en va gueuler des trucs du genre «Hey look at the sky» ! Attends, c’est pas fini !

— Mais j’ai rendez-vous chez l’merlan !

— Y a encore un truc fabuleux sur le dixe, c’est «Slow Wave Sleep». On dirait le blues de la fatalité. Y prend ça d’en haut, avec des coups de réverb, on dirait qu’y joue le beat dont on a toujours rêvé et y gueule just follow me down, alors tu parles qu’on le follow ! Et si t’aimes bien l’hypno, alors tu vas te pourlécher les babines avec «Could Have Done So Much Better». Y fait gicler son frichti, y malaxe bien ses ambiances, ce mec a du génie, y sort encore un cut complètement explosé de son et de hargne baveuse, on dirait même qu’y l’en tartine tous les murs de la piaule quand t’écoute ça !

— Wow c’est super. Mais là faut qu’j’y aille !

— Dac. Prends soin de toi, poto ! Et souviens-toi, You’e a ghost on the highway, Your gesture is meaningless !

— Ah bah oui !

Signé : Cazengler, Chicken rôti

Chicken Diamond. L’Abordage. Évreux (27). 6 février 2016

Chicken Diamond. Chicken Diamond. Beast Records 2011

Chicken Diamond. II. Beast Records 2012

Chicken Diamond. My Name Is Charlie Chicken Diamond. Beast Records 2014

Chicken Diamond. The Night Has A Thousand Eyes. Beast Records 2015

 
OPERATION FOUDRES

« Comment Damie la patrie est en danger et toi tu dors ! » Mon ami le Commissaire tire sans préavis les couvertures dévoilant au passage les attributs de ma virilité, qui ma foi quoique au repos n'en sont pas moins d'une taille impressionnante. Me lance mon perfecto et un magnum de sky : «  Tiens prends cet en-cas pour petit déjeuner et écoute les nouvelles : je quitte la police officielle, désormais je fais partie des Groupes Mobiles d'Interventions Sécuritaires, regarde – l'agite triomphalement une feuille de papier A4 – signée de la main même de notre premier ministre bien-aimé ! Pleins pouvoirs et réquisitions à volonté ! L'on ne peut pas rêver mieux ! Allez dépêche !»

Sur le trottoir je pousse un cri d'horreur. Une dizaine de sagouins virevoltent autour de la Teuf-Teuf ! «  T'as vu ! J'ai fait installer un obusier sur le toit – un vieux canon de char tigre récupéré sur les Allemands en 1945, le dernier cri de la technologie, et booster légèrement le moteur, tout cela pendant que Monsieur Damie Chad dormait dans son lit comme une pelure de pomme de terre au fond d'une poubelle ! Ne reste pas là les bras ballants, fous-toi au volant, c'est urgent ! »

« Z'on va z'où ? » Le Commissaire fulmine : «  Pas le temps de poser des questions. Tu enfiles la bretelle d'autoroute, oui celle-là, à contre-sens, accélère un peu, l'on est à peine à 180 km / h ! ». Le Commissaire semble heureux, il allume un gros cigare, et tapote le tableau de bord en chantonnant la Marseillaise. Au fond c'est un bon bougre, s'amuse à faire quelques ronds de fumée et me met au parfum : «  La France a besoin de toi, Damie, dans six heures faut un rapport, signé de ma main, – ultra-secret, confidentiel – en six exemplaires, sur le bureau du Premier Ministre. N'y a que toi pour me torcher le truc, en si peu de temps. Que veux-tu, je suis un homme d'Action moi, pas le temps de me dépatouiller avec la conjugaison du subjonctif imparfait. Mais qu'est-ce que c'est cet abruti ? »

Un bus scolaire nous ayant vu arriver à contre-sens a freiné un peu top brutalement. S'est mis en travers de la route et bloque la circulation. Le Commissaire monte dans la tourelle et tire deux obus droit au but sur le bus qui s'enflamme et se désintègre. Quinze secondes plus tard l'a repris sa place et m'explique : «  Vois-tu Damie, apparemment c'est un crime, une quarantaine de gamins rayés de la carte scolaire en un tour de main. Je ne vais pas te faire le chapelet des commentaires circonvolutifs des journaleux habituels qui ont pour mission de faire passer la pilule au gros peuple stupide : le soulagement des parents enfin débarrassés de leurs insupportables marmots, les économies réalisées par l'Etat pour leur éducation, non l'heure n'est plus aux jérémiades : le pays est en guerre Damie, quarante chiards éliminés d'un coup, mais si on laisse faire en quelques mois la France sera devenue la Syrie. Tu imagines les villes détruites, les écoles bombardées, les hôpitaux pris pour cible, les populations errantes sur la route, essayant vainement de gagner la Turquie. Un cauchemar, Damie. Tourne à gauche, ne t'inquiète pas pour la vieille dame sur le passage clouté, les enfants hériteront plus vite. Mais désormais avec l'Etat d'Urgence nous intervenons sans perdre de temps. Freine, on est arrivés. Non, non, pas de constat, le basané que tu viens d'écraser, mille chances contre une que ce soit un terroriste. Je suis certain qu'il préparait son coup. Tu vois, à peine sur les lieux de l'action, et déjà Les Ennuis Commencent.


( Quelques indiscrétions nous ayant permis de nous procurer, sur le bureau même du Premier Ministre, un des six exemplaires ultra-secrets de nos agents nationaux en mission, nous avons la fierté de le présenter à nos fidèles lecteurs, in-extenso et en avant-première, avant qu'il ne s'étale demain matin à la une de tous nos quotidiens. Toutefois afin de lever toutes les ambiguïtés sur les soi-disant douteuses accointances de notre chroniqueur avec les forces sécuritaires de la nation, le lecteur se rapportera aux livraisons 177 du 20 / 02 / 14 et 235 DU 14 / 05 / 15 )

 

13 / 02 / 2016

LES FOUDRES / PARIS ( 20° )

LES ENNUIS COMMENCENT

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Pluie et vent. Brrrr ! on s'engouffre dans les Foudres sans froufrou ! Patou et Eric – venus spécialement de Toulouse – il y a des gens qui courent après les Ennuis - bien au chaud derrière leur chope de bière rigolent comme des bossus quand je m'ébroue, je les foudroie du regard et en jette un autre circulaire sur les alentours. Première malédiction, le café est long et étroit comme le corridor secret qui mène à la tombe de Toutankhamon. Deuxième malédiction, aucun groupe de rock à l'horizon. Troisième malédiction, ne sont inquiets ni le patron, ni les garçons, sont de l'Aveyron. Sont même fiers d'eux, ont dégagé trois mètres carrés dans le recoin de la porte d'entrée en empilant tables et banquettes le long du mur.

Sourire aux lèvres et mine réjouie les Ennuis arrivent. Sont tout nu. Demoiselles ne regrettez pas votre absence, je signifie simplement que nous avons les musicos en chair et en os, mais pas encore le camion avec le matos. Qu'importe nous vivons un grand moment d'émotion : la moitié des consommateurs se lèvent pour venir les saluer, c'est l'heure exquise des bises et des retrouvailles comme au soir des épousailles.

C'est alors que les ennuis commencent : sont des gars consciencieux, ont vidé la camionnette et déposé tout leur barda dans l'espace dévolu au concert. C'est bien, mais il ne reste plus de place pour les musiciens. Le jeu des quinze cubes à ranger dans une boîte qui n'en contient que dix. Ne sont pas obtus du ciboulot, en dix minutes ils trouvent l'astuce. Ne reste plus qu'à jouer au tangram musical : si tu te mets là, le manche de ta guitare me cisaille le slibard. Parviennent à se caser, tous les quatre, une précision d'horlogers suisses. Reste encore à rajouter le portemanteau inondé d'imperméables qui cache la vue aux spectateurs massés le long du comptoir, aussi serrés que les brebis pantelantes du Grand Troupeau de Giono.

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C'est l'heure des décisions décisives. Celles qui transforment Austerlitz en victoire, seront brèves et efficaces. Pas de balance. Et la promesse qui n'engage que ceux qui y croient : on ne va pas jouer trop fort. C'est parti mon kiki, c'est bien ça mon kaka, et rien ne sera perdu mon kuku !


DOUCEMENT LES BASSES

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J'allais oublier de les présenter ! Commençons par celui qui n'est pas là. Le Gus Tattoo, avec son nom vous devinez que le gars est chamarré comme un arbre de Noël, de la plante des pieds au sommet du crâne. Vous ne pouvez pas ne pas le remarquer. Même son absence clignote. Les filles adoraient se selfier avec lui. L'en rajoutait des tonnes, en surplus de ses peintures de guerre indélébiles se promenait toujours accompagné de sa contrebasse grand format Louis XVIII, des fois que ces dames ne l'auraient pas remarqué. N'est plus là. Officiellement il a ouvert un échoppe de tatouage à Decazeville. Et pourquoi pas un magasin de frigidaires au pôle Sud ? Non, ils l'ont viré, étaient trop jaloux. Remarquez celui qu'ils ont pris, ils n'auraient pas dû. Un mec qui a toutes les qualités, belle gueule de rocker, belle dégaine de rocker, belle basse rouge de rocker, belle copine de rocker, et je ne parle pas du pompon, le plus beau des prénoms de rocker : Vinz. Y a vraiment des gars sur qui les fées se sont penchés sur leur berceau.

GUITAR MAN

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KLX est coincé entre le comptoir et un amoncellement de tables. C'est pour le protéger. Atomic Ben nous apprendra qu'il attend un bébé. Depuis pas longtemps, ça ne se voit pas encore. M'énerve, de temps en temps il caresse légèrement sa guitare, l'air de rien, bouge à peine la dernière phalange de son petit doigt et il vous libère des riffs d'acier barbelés à vous arracher les yeux. Genre Bruce Lee qui de deux seules manchettes vous empile une muraille de cadavres autour de lui.

BATMAN KID

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L'homme qui bat. Il n'est pas chauve mais il ne sourit pas. Il frappe. That's the Kid !Le garnement de la troupe. Mène le reste du troupeau à la baguette. Un, deux, trois c'est parti, vous a des breaks d'enfer, et vous mène au galop dans le coeur de la bataille, là où aboie la mitraille. L'a le tempo méticuleux, et puis ces finitudes surprenantes. Vous êtes encore au milieu du temps, qu'il a pris un raccourci et vous attend au tournant le sourire en coin. Pas le temps de dire fou ! Qu'il est déjà reparti.

ATOMIQUE BIEN

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Quand je pense que la moitié de la planète tremble de peur à l'idée des réactions atomiques dans les centrales nucléaires. Encore une fausse rumeur d'écologistes. Atomic Ben est la preuve vivante qu'il ne faut pas se fier aux racontars propagés par les ondes médiatiques. Ce qui est vrai dans l'histoire c'est qu'il vous désintègre en trois secondes. Incidemment il joue de la guitare – plutôt très bien d'ailleurs, mais ce n'est pas le principal – l'est le faire-valoir, le bonimenteur, un ton de crockquemitaine, le crockmentateur numéro un du rock. Allie le ton solennel des Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand au cruel persifflage de Voltaire. Un alliage contre-nature qui décape le cerveau en un tour de bouche.

KILLIN' SET

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Débutent par un instrumental à la Tchaïkoski – celui qui vous casse les noisettes – mais en plus rock. Suivi d'un petit Elvis, juste pour vous montrer qu'ils ont le vice dans la peau. En plus ils ont le son. Le bon. Celui du rock. Un quart de lourdeur stonienne, un quart de strato appachienne, un quart de déjante crampique et un quart des ennuis qui ne s'arrêtent jamais. Rockez à feu violent, rollez au wok, dégustez chaud, brûlant. Ensuite ce sont les sept merveilles du monde, que dis-je les soixante-quatre positions soniques du Kama-Sutra rock, deux Stones, dont un Under My Thumb à vous casser le pied, a Soviet Bomb qui n'a rien d'un pétard mouillé, un Come On si farci que l'on hésite pour savoir s'il penche vers Keith ou du côté de Chuck, un plagiat revendiqué haut et fort de la Belle Saison des Dogs, puis plus tard une reprise en hommage à Dominique Laboubée, toute la nostalgie du rock livrée clef en main en trois minutes... un Don't Tell Me Your troubles ( voir chronique nouveau disque à la prochaine livraison ) de Don Gibson... Attention, les titres ce n'est rien, les reprises comme les originaux, tout dépend de la manière dont on les distribue. Pour deux personnes aux oreilles fragiles qui s'enfuient précipitamment, l'en est rentré une cinquantaine d'autres. S'agglutinent dans le corridor de la mort, mais à leurs trognes illuminées, ne semblent pas traumatisés par leur sort. C'est que Les Ennuis Commencent, c'est le sortilège, avec quatre fois rien – j'exagère, car ce sont de sacrés lascars, ils vous redonnent vie au rock and roll, vous le ressuscitent en trois riffs et quatre battements, plus le vocal de Ben, appuyé de passion et d'ironie, l'authenticité et le détachement si étroitement emmêlés qu'il retisse la toile de nos imaginaires déchirés. Du beau monde dans l'assistance, Jezebel, Jean-Emile Hanona le premier batteur de Trust, très discret. Plus des inconnus à l'attitude trop rock pour être des anonymes. Un public à l'unisson du groupe qui crée une atmosphère de complicité quasi-palpable. L'on remonte très loin dans le temps, à cette époque où le rock se célébrait dans les marges irradiantes. Encore trois morceaux – merci patron ! - et il est temps de mettre un terme à ces deux heures d'incandescence. Avec les passants arrêtés en pleine rue, scotchés devant les larges baies du café, souriant sous la pluie battante.


S'en suivront deux heures de discussion et de ripailles le long du comptoir...


CONCLUSION

En apparence un groupe de factieux qu'il conviendrait d'éliminer au plus vite. Cependant une évolution est en vue : le sieur Atomic Ben, 48 dust my broom au compteur ( c'est ainsi, sous cette appellation étrangère, que les rockers désignent ce que nous nommons beaucoup plus prosaïquement « balais » ) a déclaré, certes au milieu de propos fort équivoques, à la salle réjouie, que l'âge venant « il se sentait de plus en plus de droite ». Nous ne savons s'il s'agissait d'ironie. Toutefois, l'approbation populaire au gouvernement est actuellement si faible que nous avons décidé de comptabiliser ces paroles comme les marques d'un soutien indéfectible à votre action.


En d'autres termes : tout Valls bien ! Les Ennuis Commencent.


Commissaire Labavure.

Responsable des

Groupes Mobiles d'Interventions Sécuritaires

 
( Les photos sont de Pat et Eric )

 


L'EMPREINTE / SAVIGNY-LE-TEMPLE

NAKHT / BEAST

FALLEN EIGHT

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L'Empreinte de Savigny. Architecture d'un goût douteux, façade de grosses plaques colorées vertes, oranges, rouges, bleues. Le concepteur a dû penser que ça faisait jeune, et la municipalité que ce n'était pas trop cher. Par contre ils l'ont nichée à deux cents mètres du RER, excellente idée pour ceux qui ne possèdent pas de sémillante teuf-teuf mobile toujours prête à courir les routes dès que le mot magique rock and roll est prononcé. Ne boudons pas notre plaisir : trois bons groupes pour zéro centimes d'euro, difficile de trouver moins cher sur le marché. Comme par hasard – à croire que, contrairement aux lois sacro-saintes du libéralisme ambiant, c'est l'offre qui crée la demande - toute une jeunesse se presse devant l'établissement pour l'ouverture des portes à vingt heures tapantes.

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Petite déconvenue, nous n'avons pas droit à la grande salle, nous y avons vu ( rappelez-vous KR'TNT ! 243 du 08 / 07 / 15 ) au mois de mai dernier Barabbas et Klaustrophobia. D'ailleurs, avant qu'il ne soit trop tard je déconseille vivement aux lecteurs claustrophobes de s'abstenir de poursuivre la lecture de cette kronic. Toute la soirée, la densité au mètre carré sera égale à celle d'un trou noir intergalactique qui aurait été compressé par César. Compacté, mais vibrionnant.


NAKHT

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Nous avions assisté à leur première apparition publique le 11 octobre 2014 ( voir KR'TNT ! 205 ), à Chartrettes, nous avaient impressionnés, ils avaient gagné le tremplin, et pourtant ils n'étaient pas confrontés à des demi-portions... Les voici donc, deux ans après. J'avoue que cela me taraudait de les revoir. Ne sont plus que cinq, l'un des deux chanteurs, Thug n'est plus là. Sur le moment, je regrette, mais mes inquiétudes se révèleront vite vaines. A la première seconde.

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C'est cela Nakht. La puissance paralysante en action. Une force venue d'ailleurs. Le monolithe de 2001 Odyssée de l'Espace qui se pose parmi nous. La terre tremble sur ses assises et le monde entre en maelström. Deux guitares, Chris et Alexis, une basse, Clément, une batterie, Damien, ne font pas de la musique. Produisent de la matière. Du sable sonore, friable et irritant. Une pâte granuleuse sèche et brûlante. Prenez-la dans dans la main et elle s'écoule imperturbablement comme le sablier de la mort. Elle est le désert en fusion, et les lointains inaccessibles. Pas de mélodie, pas de rythme, simplement le feu qui dévore et la flamme qui consume. Et là-dessus Danny pose sa voix. Mettez le pied sur la queue du serpent et vous entendrez. L'organe bifide d'un mutant, un reptile qui dresse sa tête sur la pierre des pyramides, une reptation étrangère à notre galaxie, une fissure en mouvement qui dévoile des abîmes sans fond.

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Le venin de la folie s'est instillé dans les âmes. Space rolls dévastateurs, des colonies de fourmi noires comme attisées par une haine écarlate s'enlacent les unes aux autres, se dénouent, s'encastrent et rebondissent contre les murs, sans fin. Nakht libère les énergies rouges des sangs résiduels qui d'habitude stagnent dans les vaisseaux de notre corps. L'aboiement d'Anubis réveillent les morts. Les zombies que nous sommes se projettent en une spirale involutive qui nous ramène à l'état primordial, grouillement collectif du foetus germinatif originel. Nous sommes le cri, le vent, la tempête, et atteignons à l'insouciance des dieux immortels.

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Nakht s'égosille et invoque les forces telluriques des cauchemars. C'est la voix du prédicant qui soulève les éléments et déclenche les catastrophes. Cinq guerriers mais un seul être, un golem de nuisance, un insecte gigantesque, un scarabée monstrueux aux élytres de roches, aux antennes d'orichalque, un crissement gigantesque qui vous emplit de terreur et de joie. L'indicible est de retour, nous ne possédons pas de mots pour décrire cette pluie fécale, cette excrémentation cérébrale surgie du néant qui s'impose et nous engloutit en sa mouvance phonique. Nakht c'est l'horreur absolue et sa face cachée, l'extase hébétante. Nakht vous permet d'atteindre à la sensation d'éternité. Musique même pas inhumaine. D'une temporalité interdite aux frêles êtres humains que nous sommes.

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Nakht acte fractal. Ca n'akhtrrive pas qu'aux autres, suffit de les voir en concert pour en être persuadé.


BEAST

Groupe local. Tous issus de Seine & Marne. J'espère qu'aucun décideur local ne récupèrera l'idée et ne s'en serve de bande-son pour inciter les Entreprises à venir s'installer dans notre département. J'imagine les vues de la Forêt de Fontainebleau avec les rugissements de Beast par-dessus. Vont nous prendre pour les dernières tribus sauvages de l'ère paléolithique, nous cataloguerons d'aurignaciens inférieurs. Plus tout à fait des bêtes, mais pas encore des hommes modernes...

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Après Nakht, l'on ne pouvait pas mettre du 36 fillette. Alors on a libéré la bête, the Beast. Rien qu'à la balance l'on comprend que ça va être du gros cœur de taureau saignant qui bat encore soixante-douze heures après avoir été arraché de la poitrine de l'animal vivant. Pour que le public ne s'impatiente pas, laissent fulgurer comme par négligence, quelques demi-accords de guitare. Trois secondes au maximum, genre rhinocéros échappé du cirque qui déboule dans la messe du dimanche matin.

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Beast c'est du hard, hardcore banlieue, pour être précis, tenue de scène style équipement de footballeur, casquette de rappeur pour Cédric le chanteur. Admirez les biceps de Rémi le guitariste, assez larges pour y repeindre le plafond de la Chapelle Sixtine, s'est modestement contenté d'un tatouage monstrueux. N'ont pas de drum-machine, proposent mieux, un drum-Maxime, grand blond, cheveux longs, les toms très bas, pour le moment, fait ses exercices d'assouplissements, pivote sur lui-même, baguettes en main. On le sent pressé de commencer.

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C'est parti sous une monstrueuse ovation. Z'avez un peu l'impression que le mur du son vient de s'écraser sur vous. Mais au micro Cédric prend les travaux de déblaiement en mains. C'est quoi cet amalgame d'être humains en mouvements, fini de jouer aux autos-tamponneuses, c'était bon pour les années soixante, nouvelle attraction, amusons-nous au punching-bulldozers, rien ne vaut l'action de groupes, la saine émulation d'équipes qui se fracassent les unes sur les autres, ce qui n'exclut pas les fantaisies particulières comme les adeptes du trapèze volant sur la fragile tubulure qui supporte les ligths...

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Cédric sirène de requin enroué, pas l'inoffensive roussette des restaurants de bord de mer, le squale des profondeurs, le tueur des eaux froides, le glouton des surfers, les dents de la mort. Subite. Beast ne fait pas dans la dentelle, rideaux de sons, basse de Robin plus noire que la vie, guitare de Rémi road-movie à la tronçonneuse sanglante et Maxime qui forge l'épée du désastre sur ses cymbales. Je ne citerai que le titre des derniers morceaux – car toute parole peut être retenue contre vous – Like A Blood, Supporters, 77 HC ( vous ne risquez pas de confondre avec HEC ).

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Tout en force et rien en douceur. Car qui aime bien châtie bien. Public maso qui en redemande. Est-ce un concert ? Non, monsieur le Préfet, c'est une folie collective. L'Empreinte de Savigny-Le-Temple transformée en deliriumdrome. L'on soupçonne une épidémie due à un énorme moustique que nos spécialistes dénomment Beast. Aucun antidote répertorié pour annihiler les effets de sa morsure. - Mais alors nous sommes foutus ? - Jusqu'au trou du cul, Monsieur le Préfet, sauf votre respect, bien entendu.

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FALLEN EIGHT

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Je n'aime guère me livrer à des actes de dénonciation, mais quand c'est trop, c'est trop. Je donne donc le nom du coupable. Fallen Eight, c'est eux qui ont tout manigancé. Z'ont même donné un nom de code : The Fallen Eight : Release Party, juste pour fêter la sortie de leur premier CD, Rise & Grow, auraient pu faire leur tambouille avec leurs copines dans leurs deux pièces cuisine sans embêter le peuple, mais non, ils ont invité deux groupes de tueurs ( ils appellent cela des amis ) et rassemblé plus de deux cents fans dans une pièce qui peut au grand maximum en accueillir une soixantaine.

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Fallen Eight, vu le 02 octobre 2015 ( KR'TNT ! 250 ) aux Dix-huit Marches. ( Qui doivent fermer, en effet l'escalier politiquement incorrect est une passe impossible à franchir pour les handicapés. Interdiction logique, que j'approuve, car elle nous force donc à éliminer tous les riches actionnaires de la planète puisque les pauvres chômeurs sont incapables d'atteindre leur niveau de vie. ) Avaient ouvert la soirée et nous avaient délivré un métal furieux mais néanmoins mélodique, une incitation aux régressions internes dans le réservoir cauchemardesque de notre psyché brisée.

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Dès qu'ils ont posé les pieds sur scène, l'ambiance difficilement descriptible jusqu'à lors, est devenue totalement... indescriptible. Sont attendus comme les sept plaies sur l'Egypte. Tout le concert ne sera qu'une immense et énorme clameur poussée par le public, du début à la fin. Doivent être beaux car toutes les filles se bousculent pour squatter les places devant.

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Passer après la destructivité de Nakht et la bestialité de Beast est une véritable gageure. Possèdent leur huit de pique. Un chanteur, Clem, look androgyne, fine moustache blonde, chemise à gros carreaux rouges et noirs, une voix à cracher du verre et à graver des arabesques sur les verres en cristal de Tante Agathe, une élégance et un charisme innés, une présence folle, attire les yeux de toute l'assistance, une gestuelle de félin, ne reste pas en place, tout à l'heure au milieu de la foule vociférante, debout sur une caisse, vocal imperturbable mais le sourire complice en coin de lèvres. A l'opposé tout au fond, vous trouverez JP, souvent cachés par les guitares, mais il abat, sur ses caisses, un boulot phénoménal. Infatigable, terminera torse nu, ruisselant de sueur, tel un antique athlète grec oint d'huile luisante se préparant pour la pancrace. Florian et sa barbe de sapeur est à la basse. Elément décisif du groupe, à chaque fin de séquence il frappe du pied sur la scène et Fallen Eight repart de plus belle, tel un léopard qui se jette sur sa proie. Et puis Medy et Florian tissent des mélodies d'acier aux guitares. Le secret de Fallen Eight réside en ces tricotées de cordes savamment maîtrisées, ne perdent jamais le nord, chargent à mort, mais en groupe, compacts.

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Ce soir Fallen Eight nous emporte dans un tourbillon de phantasmes oniriques, voyage aux pays où l'on n'arrive jamais, avec escale à Cythère et croisière sur la nef des fous. Last One, Worst Nighmare, Reborn, les titres parlent d'eux-mêmes. Les deux guitaristes sont emportés sur les mains des fans et se perdent au fond de la salle, hystérie collective, faudra deux rappels, deux Final Shots cataleptiques pour que les morts-vivants déchaînés que nous sommes acceptent de rentrer dans le cercueil de leur train-train habituel.

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MORE

Non je l'ai pas oublié, s'appelle Athur, Clem lui a passé le micro sur un morceau. Encore un hurleur du fond des bois vampiriques, possède aussi un groupe : From A Broken Stereo, l'ai mis en zone rouge, dans le collimateur, faudra provoquer l'occasion d'un concert pour entendre le prince Arthur de plus près.

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Vingt-trois heures quarante, la teuf-teuf démarre, quelle soirée, quelle pêche, quel enthousiasme, quelle jeunesse ! Il y a soixante ans que cela dure, le rock and roll a la vie dure !

Damie Chad.


P. S. : On en reparlera la semaine prochaine, j'ai ramené le CD de Nakht et celui de Fallen Eight. Deux groupes à suivre.

Les photos sont sur les FB des artistes, elles sont signées Alek Garbowski qui couvre Beast ( is the best ) et les copains.


MUTANTISME : PATCH 1.2


NIKOLA AKILEUS / ZAÄK ARANDI / ARCHILUX / NICOLAS BAUDOIUN / BEURKLAID / VOLODYMYR /BILYK / SERGE CASSINI / PATRICE CAZELLES / ALEXIS CHOPLAIN / g.cl4renko / COLLECTIS M.A. / FRANCK OSLO DEAUVILLE / MARINE DEBILLY / SEBASTIAN DICENAIRE / JME GUGGINO / MARC HERNANDEZ / HYPSIS / LESALA / LWO / MERYL MARCHETTI / AURELIEN MARION / NORA NEKO / OXYJENNY / SEE REAL / MATHIAS RICHARD / OLIVIER DE SAGAZAN / XAVIER SERRANO / CHRISTOPHE SIEBERT / YANNICK TORLINI / ANNABELLE VERHAEGHE / OLIVIER WARZAVSKA
( CAMERAS ANIMALES / Février 2016 )

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Caméras Animales. Tout un programme. C'est comme si vous regardez le monde depuis l'œil d'un varan. Question de perspectives. Le maître d'œuvre de cette maison d'éditions s'appelle Mathias Richard, écrivain, poète, performeur. Plusieurs cordes emmêlées à son arc car parfois chez les êtres humains – espèce en voie de disparition – la création s'auto-produit réseaunablement. D'où le saut qualitatif qui s'opéra en 2011, lorsque parut Le Manifeste Mutantiste ( 1. 1. ). Cinq ans plus tard, voici donc ce Mutantisme : patch 1. 2.

Faut le dire, ces derniers temps la poésie et la littérature ronronnaient. Je ne parle pas de cette hypertrophie éditoriale d'écrits massifiés destinés au grand public, mais de cette auto-consécration thurifériale et mortifère de leur passé. Je n'en donnerai que deux exemples : la débauche célébrative en 1991 du centenaire de la mort de Rimbaud et tout présentement les cérémonies en l'honneur des cent ans de la naissance de Dada. Les temps ont changé : fut une époque où seuls les moutons de Panurge avaient droit à l'honorable couronne de lauriers marquant l'appartenance au cheptel des bêtes d'abattoir, aujourd'hui l'allégeance du citoyen au Système a atteint à un tel degré d'épuisement que l'on récupère avant tout... les irrécupérables.

C'est que voyez-vous le monde a changé. En trente ans, la civilisation a mis des bottes de sept lieues. Pour nous pauvres mortels il ne s'agit pas de se répandre en jérémiades. Ce n'est pas que c'était mieux avant. Ce n'est pas que ce sera pire demain. C'est exactement maintenant qu'il faut nous rendre compte qu'il ne suffit pas de changer de fusil d'épaule. C'est notre épaule qu'il nous est nécessaire de métamorphoser. Nous faut muter. Le monde n'est pas en crise, il est en train de se transformer, l'est comme les atomes de Leucippe et de Démocrite. Court plus vite que nous et nous avons intérêt à piquer un bon sprint si l'on veut rattraper le retard que l'on a pris. La passe est difficile. L'accélération est foudroyante et nous ne sommes pas habitués à supporter un tel rythme. Etrangement pour une fois le danger ne vient pas de nos congénères. Jusqu'à maintenant c'était pépère : l'on s'étripait mutuellement joyeusement. Aujourd'hui nous sommes confrontés à une nouvelle race d'envahisseurs. Nous avons joué aux apprentis sorciers et nous avons perdu. Heidegger nous avait avertis : la bombe atomique a été déclenchée par le poème de Parménide. L'était loin de compte le grand Martin, l'existe encore pire que le neutron qui se désarticule. Ce sont de petites bêtes inoffensives, vous ne sursautez même pas lorsque leurs noms résonnent à vos oreilles : machinisme, robotique, informatique, cybernétique, ordinateurs. Pour le moment sont encore dociles. Mille fois plus que votre chien qui aboie pour sa promenade. Mais elles sont comme le dieu de la bible : elles vous fabriquent à leur ressemblance, elles vous modélisent. C'est un défi. Qui ne vous est pas claironné dans les oreilles. Mais qui agit comme le chaos rampant de Lovecraft, s'insinuent partout, ne se sont pas encore emparées de la citadelle de votre cerveau, mais s'infiltrent habilement, souterrainement dans vos habitus, dans vos comportements, vous déprogramment petit à petit de votre humanité et vous reprogramment à leur façon. Une invasion comportementale qui tend à vous modifier.

Z'avez intérêt à vous manier le brain storming si vous désirez ne point être englués dans la toile de l'araignée. N'espérez pas rester ce que vous êtes. L'antique Humanitas est périmée. Deux solutions, ou les machines vous changent ou c'est vous qui changez les machines. Mais pour ce faire, bougez-vous, en autre termes construisez-vous une nouvelle nature : abandonnez le rêve de la créature éternelle, encore un peu perfectible, mais pas très loin de sa réalisation totale. Rien ne sert de détruire la machine, elles ont déjà concassé l'Homme même si vous ne vous en êtes pas aperçu.

Ou vous n'êtes plus, ou vous êtes des apprentis mutants. Ou les poubelles de l'Histoire ou la radieuse aurore. Pas d'alternative. Devant un tableau si réalisto-pessimiste, je vous sens inquiets. Vous voudriez bien tenter la grande mutation, mais vous ne savez comment faire. La solution est à portée de votre main : dans Mutantisme : patch 1. 2. Bonne lecture.

L'existe deux sorte de machines. Celle qui vous permet de battre les oeufs, c'est un mixer, juste un exemple parmi des milliers d'appareils plus ou moins sophistiqués. Et celle qui a présidé à leur conception intellectuelle. C'est le langage. L'est unique. Peut aussi se décliner sous forme de sons ( plus ou moins mélodieux ), de pictogrammes ( plus ou moins élaborés ) de volumes objectaux ( plus ou moins difformes ). Mais le langage c'est avant tout les mots qui véhiculent la pensée. Le problème c'est que depuis des millénaires nous avions totalement apprivoisé le langage. S'est mis à notre service, nous a aidé en tout et même à fignoler notre environnement machinique, qui est en train doucement mais sûrement de prendre le pas sur nous, c'est-à-dire de devenir le maître du langage. Un peu comme si ce chien amadoué à force de caresses et de croquettes, qui dort sur le canapé, commençait à régner en maître dans notre appartement.

Les mots d'ordre du mutantisme sont clairs : il nous reprendre barre sur le langage, sous toutes ses formes, écritures, musicales, picturales, et même machiniques. Ce volume riche d'une trentaine de contributions nous enseigne les rudiments d'une stratégie qui se veut opératoire. Les premiers mutants, les éveilleurs, opèreront par la force des choses dans la sphère artistique. Ne pas détruire les machines, mais pervertir leur fonctionnement. Telle est la stratégie. Ce n'est pas la machine qu'il faut changer, mais notre rapport au langage, l'utiliser autrement afin que la machine soit infestée par notre nouvelle manière de penser. Agir comme un virus, car il s'agit de faire en sorte que ce soient les machines qui produisent selon nos nouveaux schèmes de penser, tout en participant à la création de notre nouvelle pensée. Nous mutons, mais la machine aussi doit suivre notre mutation.

Tout ce qui précède pour le niveau théorique. Reste à nous pencher sur les mises en pratiques concrètes. C'est-là que vous vous apercevez du retard accumulé. Les mutantistes proposent beaucoup, mais les dadaïstes, les lettristes, les bruitistes, les situationnistes et tous les autristes ont déjà défriché le chemin, ont établi les principes d'une autre circulation du sens. N'est plus question d'exposer, de dire, de démontrer, mais de créer les courts-circuits qui font émerger le sens par l'interruption même du sens. Notons que nous sommes dans des propositions qui recoupent quelque peu les propositions des Appelistes groupés autour de la revue Tiqqun. Ce qui est assez logique puisque Tiqqun procède en partie de la démarche situationniste.

Certes le rocker de base peut se sentir un peu perdu et se demander où toute cette intellectualité le mènera. La lecture de notre Kronic de Lipstick Traces de Greil Marcus ( in KR'TNT ! 136 DU 21 / 03 / 2012 ) qui retrace la généalogie secrète qui court de Dada aux Sex Pistols ne pourra qu'aider à faire comprendre que souvent l'apparition d'un phénomène quelconque est acté par de multiples et insoupçonnables influences... D'autres part, l'invasion de l'électropop dans le monde du rock ne pourra que générer des réflexions instructives. Le Système possède des capacités de récupération phénoménales même si ce Patch 1. 2 tout attentionné à vous aiguiller vers despropositions destructionnelles ne s'attarde guère sur le phagocytage sans cesse possible des modes de rébellion anti-Système.

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Ce livre est urticant. Vous pousse dans vos retranchements, il s'attache davantage à contourner le Système qu'à le détruire. Ce qui ne nous rend pas plus fort, nous tuera un jour ou l'autre. Ce Mutantisme : patch 1.2 ne serait-il pas l'annonce de notre prochaine disparition ? A lire et à méditer. Et à mettre en oeuvre.

Damie Chad.

( PS : Photo de Mathias Richard, nous ne pouvons que conseiller aux lecteurs curieux d'explorer les sites net du mutantisme et de ses signataires )

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