10/09/2014
KR'TNT ! ¤ 200 WANDA JACKSON / TOM CATS / SHERRY BB / SWINGING DICE / JAKE CALYPSO AND THE RED HOT / MARC AND THE WILD ONES / JALLIES / BOBBIE CLARKE / VINCE TAYLOR
KR'TNT ! ¤ 200
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
11 / 09 / 2014
WANDA JACKSON / TOM CATS / SHERRY BB / SWINGING DICE JAKE CALYPSO & THE RED HOT / MARC & THE WILD ONES JALLIES / BOBBIE CLARKE & VINCE TAYLOR |
BETHUNE RETRO / 30 & 31 AOÛT 2014
UN POISON NOMME WANDA
Wanda Jackson a traversé la légende du rockabilly comme une comète, avant de revenir comme tous les autres à la country, par simple réflexe de survie. Mais ce qu’on admire le plus chez Wanda, c’est peut-être sa relation avec l’Elvis de la grande époque. De 1955 à 1957, elle eut l’immense privilège de fréquenter Elvis et de tourner avec lui. Elle allait chez lui, ils s’enfermaient dans sa chambre et Elvis lui montrait sa collection de disques de blues. Ça impressionnait la petite Wanda. Elle voyait bien qu’Elvis s’inspirait de cette musique de nègres. En plus, il roulait des hanches devant elle et ouvrait largement sa chemise pour s’aérer la poitrine. Elle ne savait plus comment dissimuler son embarras. Il faisait une chaleur à crever dans cette chambre. Elvis lui disait de se mettre à l’aise. Mais elle ne comprenait pas. Elle ne savait encore rien de la vie. Quelle chaleur, dear Elvis ! Alors, elle lui demandait des verres d’eau. Il allait remplir le verre au robinet de la salle de bain et revenait en lui faisant des compliments. Il s’approchait d’elle et les murmurait à son oreille. Ça lui donnait le vertige. Quoi, chanter cette musique de nègres ? Mais j’en suis incapable, dear Elvis ! Alors Elvis la saisissait par les épaules et la secouait comme un cocotier pour lui dire : Mais si, honey bee, tu peux chanter le blues et shaker the chicken !
Elvis s’était montré assez persuasif et Wanda décida de tenter le coup. Elle avait un orchestre et à l’occasion de petits concerts dans les salles des fêtes locales, elle testa «Let’s Have A Party». Le pire c’est que les gens adoraient ça. Elle n’en revenait pas. C’était déjà une reprise d’un morceau d’Elvis figurant sur la bande originale du film «Loving You», mais elle poussait le bouchon un peu plus loin, en chantant comme une méchante garce, ce qui était sans précédent aux États-Unis. On peut dire que Wanda fut la première vaurienne de l’histoire du rock. Et les Américains n’étaient pas du tout préparés à ça. Une fille qui chante du rock de voyou ? Les garçons avaient déjà beaucoup de problèmes avec les ligues de moralité, alors une jeune fille non émancipée, on imagine le délire des ligues de mal-baisées.
Capitol la prit sous contrat, mais avec des pincettes. Quand elle sortait un single de rockab, on mettait de la country en face B. Lorsqu’elle vint jouer au Grand Ole Opry, on lui demanda de couvrir ses bras nus. Mademoiselle portait une robe sans manches. Vous imaginez le scandale, à Nashville, en 1957, au cœur du pays le plus réactionnaire du monde ?
Mais grâce à un producteur qui l’avait à la bonne chez Capitol, Wanda réussit à enregistrer quelques beaux classiques de rockab et notamment «Fujiyama Mama» qui fit un carton au Japon, un pays qui sortait de la guerre et qui avait pris deux bombes atomiques sur le coin de la gueule. Le plus drôle de cette histoire, c’est que dans les paroles de Fujiyama, Wanda promettait des ravages bien pires que ceux de Nagasaki et d’Hiroshima. Comme les Japonais n’avaient pas le même sens de l’humour, la chanson est passée comme une lettre à la poste. Certains vont même jusqu’à insinuer que les Japonais n’écoutaient même pas les paroles de Fujiyama.
Le premier album de Wanda édité par Capitol est d’un ennui mortel, sauf si apprécie la country bien sirupeuse. Elle tape dans deux ou trois classiques du rock comme «Long Tall Sally» ou «Money Honey», mais on préfère nettement les versions originales. Elle se prend trop pour Elvis et ça coince un peu. «Let’s Have A Party» et «I Wanna Waltz» sont les deux grosses pièces de cet album un peu mou du genou. Dans Waltz, elle casse un rockab bien slappé parce qu’elle préfère danser la valse.
«Right Or Wrong» qui paraît en 1961 est encore pire. Une véritable catastrophe. C’est de la country mielleuse et inepte. Déniché à Londres dans un second-hand shop pour un prix symbolique, l’album fut aussitôt revendu. Aujourd’hui encore, de malheureux collectionneurs vont aller se ruiner pour récupérer une copie propre sur Capitol.
La même année paraît «There’s A Party Goin’ On». Wanda chante du nez et fait sa mauvaise carne, comme si elle voulait semer le désordre dans un quartier résidentiel. Elle manque de crédibilité. On essaie de la faire passer pour un Eddie Cochran au féminin, mais ça ne marche pas. Sa version de «Kansas City» est bien trop pop. Petit conseil, écoutez plutôt la version de Little Richard. La moutarde lui monte au nez avec «Tongue Tied» et elle fait du Walt Disney avec «Tweedle Bee», une pièce de kitsch atroce et tellement ridicule qu’elle finit par capter l’attention. Le seul beau cut de l’album est «Sparkly Brown Eyes» qu’elle chante dans l’Amérique des années 50. Cette fois, elle maîtrise parfaitement sa glotte et livre une chanson inspirée.
S’il faut conserver un album de Wanda, c’est bien «Rockin’ With Wanda», paru en 1962, soit quelques années après la bataille. C’est là que se nichent tous ses gros hits rockab comme «Fujiyama Mama» (vrai bop au féminin, elle glousse comme une dinde et derrière ça slappe dans la profondeur - son de rêve et pulsion rockab bien ronde) et «Honey Bop» (bop à l’état pur, elle tape dans la modernité du bop d’alors, slap fabuleux, elle chante pointu et sort une version énorme). On trouve aussi d’autres belles choses sur cet album, comme par exemple «Cool Love». Roy Clark y balance un killer solo émancipé aux clap-hands. On sent dans ce cut une certaine grandeur intestine. Elle swingue «Hot Dog ! That Made Him Mad» à la vie à la mort. Elle pitche son rockab à point. Encore une pure merveille avec «Baby Loves Him» qu’elle embarque avec une belle ferveur et encore une fois, Roy Clark vient troubler les esprits avec un killer solo. Cut magnifique et ravageur que ce «Mean Mean Man», tellement rauchy dans la démesure qu’elle s’arrache tout.
En général, les compiles qui lui sont consacrées sont bien foutues et les pochettes tapent à l’œil. Alors, autant y aller directement. «Only Rock’n’Roll» et «Rockin’ Party» sont sorties longtemps après la bataille, mais elles permettent de retrouver le chanté du nez de «Let’s Have A Party», le petit boogie ravageur de «Mean Mean Man», l’excellent «Fujiyama Mama» farci de hoquets et l’admirable «Honey Bop» boppé jusqu’à l’os du genou, bien senti et joué minimaliste. Elle ose aussi taper dans des classiques intouchables comme «Kansas City», «Honey Don’t», «Whole Lotta Shakin’ Going On» et «Rip It Up», mais elle aurait mieux fait de s’abstenir. Même avec sa voix de nez pincé, ça ne passe pas. On remarque au passage l’excellent travail de Roy Clark dans «Savin’ Me Love», et voilà, on peut dire qu’on a fait le tour.
Wanda retourne ensuite à sa chère country, puis elle se convertit au christianisme pour enregistrer du gospel. Pas facile de rester une légende. C’est probablement le métier le plus difficile de tous. Surtout quand on vit aussi longtemps. Elle atteint aujourd’hui l’âge canonique de 77 ans, mais il n’est pas question pour elle de partir en retraite. Oh no no no !
Elle fit en 2003 un retour rockab fracassant avec «Heart Trouble», un album très intéressant sur lequel s’étaient invités Lux et Ivy des Cramps. Ils firent avec elle des belles versions explosives de «Funnel Of Love» et de «Riot In Cellar Block #9», deux véritables coups de maître. Pour Lux, c’était une façon de rendre hommage à l’une de ses idoles. Dave Alvin des Blasters jouait avec un son énorme sur «Woman Walk At The Door» et «Rockabilly Fever». Wanda tenait bien les rênes de sa monture car ça swinguait furieusement. Par contre, on n’était pas très content de voir l’autre Elvis - le Costello - taper l’incruste pour faire son pauvre petit numéro de m’as-tu-vu opportuniste. Wanda nous refit aussi une belle version de son vieux «Mean Mean Man» avec Larry Taylor de Canned Heat à la basse et Randy Jacobs à la guitare. Un pur régal.
Un autre album du grand retour parut en 2010 : «The Party Ain’t Over». Wanda avait 73 ans. Après Costello, elle se mit à fricoter avec Jack White. Quand on lit les crédits sur la pochette, la première chose qu’on remarque, c’est qu’il met son nom partout : Jack White III. C’est tout juste s’il n’a pas mis sa photo sur la pochette (comme il a osé le faire sur la pochette intérieure d’un album live de Jerry Lee enregistré à Nashville pour son label). Alors on écoute cet album avec la plus extrême méfiance. Et paf, ça commence avec «Rip It Up», il arrive avec sa guitare et gâche tout. Il est incapable de la moindre modestie. À la limite, le seul bon morceau de l’album, c’est «Rhum And Coca Cola» car White n’y est pas. Sur certains morceaux, Wanda chante comme une vieille sorcière de Walt Disney. Sur «Nervous Breakdown», elle se prend carrément pour Eddie Cochran. Elle redevient la délinquante des bas-fonds de l’Oklahoma. La mémé se prend pour la voyoute du coin de la rue et ça devient extraordinaire de concentration vocale. Elle retrouve l’esprit d’Eddie et White qui n’a jamais rien compris à rien vient jouer un solo de guitare seventies qui n’a rien à voir avec l’esprit du morceau. C’est d’une prétention insupportable. Il ruine cette reprise magistrale. L’horreur totale. Le pire de tout, c’est qu’avec ce disque, il a essayé de faire passer Wanda pour une chanteuse à la mode. Et là, on atteint les tréfonds de l’abomination. Car Wanda Jackson n’a pas besoin de White pour être une star.
Heureusement, Wanda a choisi en 2012 une autre équipe pour enregistrer «Unfinished Business», et là, on renoue avec le très haut de gamme. Son énorme et beat rentre-dedans sur «Tore Down». On voit bien qu’elle tient son rang de reine du rockab avec «The Graveyard Shift», un cut admirable à bien des égards et elle nous balance ensuite une belle version de «It’s All Over Now». C’est vraiment bien appuyé, tapé au beat, joué à la nashvillaise avec un jeu sobre, purement américain. Avec «Two Hands», elle fait slapper sa country et nous fait cadeau d’une grosse pétite avec «Old Weakness (Coming On Strong)», un fantastique groove de la frontière, claqué à la note de solo. On sent la Telecaster en bois et Wanda la reine du saloon chante pour les trappeurs et les apothicaires itinérants. Elle chante un peu du nez et appuie sa surenchère - Ooooh weakness ! - Véritable pièce de juke d’antho à Toto. Avec «Down Past The Bottom», elle pourrait en remontrer à Jerry Lee. La mémère tient bon la rampe. Et elle finit avec un très beau «California Stars». C’est avec «Rockin’ With Wanda» son meilleur album. Allez-y les yeux fermés.
Alors évidemment, on s’était tous rendus à Béthune pour l’acclamer. Mais les choses ne se déroulèrent pas du tout comme prévu. Pour une fois, le soleil brillait. Une véritable fournaise. Et comme le soleil brillait, la place du beffroi devint très vite impraticable à cause de l’immense foule qui venait assister au défilé des voitures de collection. Wanda devait jouer à 17 heures et une véritable marée humaine rendit très vite toute progression impossible. Nous fûmes repoussés vers la porte d’un restaurant et contraints de nous y installer. Que peut-on faire d’autre que de siffler des bières et du vin, et de tuer le temps en racontant des conneries à table ? Tout espoir de pouvoir regagner la grande scène s’était volatilisé. On voyait des corps entassés sur trois ou quatre mètres de hauteur à travers la vitrine du restaurant qui par miracle résistait encore à la pression de cette marée humaine. En comparaison, Woodstock c’était de la rigolade. On entendait les pétarades des bikers et les vroarrrrrs des dragsters se mêler aux hurlements des badauds piétinés et aux sirènes des voitures de police et des ambulances. Un vieux réflexe aristocratique nous commandait de boire pour ignorer le chaos.
Signé : Cazengler, le Wandale
Wanda Jackson. Béthune Rétro. 30 & 31 août 2014
Wanda Jackson. Wanda Jackson. Capitol Records 1958
Wanda Jackson. Right Or Wrong. Capitol Records 1961
Wanda Jackson. There’s A Party Goin’ On. Capitol Records 1961
Wanda Jackson. Rockin’ With Wanda. Starline 1962
Wanda Jackson. Only Rock’n’Roll. Capitol Records 1978
Wanda Jackson. Rockin’ Party. Combo Records 1993
Wanda Jackson. Heart Trouble CMH Records 2003
Wanda Jackson. The Party Ain’t Over. Third Man Records 2010
Wanda Jackson. Unfinished Business. Sugar Hill Records 2012
TOURNEFEUILLE ( 31 ) / AMERICAN DAYS
LE PHARE / 22 – 23 AOÛT 2014
SHERRY BB / TOM CATS
JAKE CALYPSO AND THE RED HOTS
SWINGING DICE / MARC AND THE WILD ONES
Ne changez pas de page, vous venez de tourner la bonne feuille. La dernière fois que je suis allé à Tournefeuille je me souviens de champs s'étendant à perte de vue. Je n'ai pas une conscience écologique bien élevée mais je dois reconnaître qu'ils ont arraché les brins d'herbes pour les remplacer par d'infinies constructions de ciment... Le charmant village s'est transformé en un indistinct quartier suburbain de la mégalopole toulousaine. Si j'en crois le flyer que me tend ma copine Patou, ils auraient même construit un phare. A cent cinquante kilomètres de la mer cela me semble étrange. Mais tout s'éclaire lorsque nous touchons au but. Le Phare ainsi dénommé est une salle de spectacles des plus parallélépipédiques et des moins turgescentes, ouf merci, avec le crachin fluide qui menace et le petit vent frais qui cingle par intermittence, se retrouver à l'abri ( point côtier ) s'annonce comme un parfait privilège.
Rien que le prix d'entrée nous réchauffe le coeur, trois euros pour deux soirs, c'est à ne pas y croire, mais une fois la voiture stationnée sur le vaste parking, nous mesurons l'ampleur du désastre. La scène est dressée à l'extérieur en plein courant d'air. Toutefois il en faut plus pour abattre un rocker. C'est vrai qu'il n'y a pas grand monde, que la collection de voitures vintages se réduit à six véhicules et se termine en maigrichonne queue, pas de poisson vorace, mais d'Aronde bonasse, heureusement la baraque à frites est accueillante, la bière est fraîche, le café brûlant, les stands de disques regorgent de trésors et les filles lorgnent déjà du côté des marabouts à vêtements. Un public différent de celui qui hante les similaires festivités de la région parisienne : moins de cuirs, davantage de jeunes. Un maximum de clubs de danse.
TOM CATS
Depuis le temps que j'aperçois leur nom sur Rockarocky suis enfin heureux de les voir de près. Passent systématiquement dans toutes les villes ou villages situés en-dessous de la Loire. Aussi ai-je décidé que puisque les Tom Cats ne venaient pas à moi, j'irai à eux. Manière d'examiner la portée de ces sudistes matous. Kit minimal de survie : guitare, basse et batterie. Economie des moyens. Plus grande devra être l'énergie déployée. Vont nous faire oublier la pluie. A coups de standards. A coups de pionniers. Rien de surprenant mais de la belle ouvrage. Convaincants et Tomvaincats.
Gretsch ardoise, costume anthracite et chemise blanche, pour la lead guitar et le chanteur. Tête rasée, gilet fauve, pantalon daim, pour Fred contrebassiste, tous deux tapent dans le chic anglais, la britannique impeccabilité, le batteur Pat déjà plus roots avec sa chemise country rouge et noire, ses avant-bras chamarrés de tatoos flamboyants. Enchaînent les tubes les uns après les autres, imperturbables, mais voici qu'ils nous promettent une surprise, et s'écartent l'un de l'autre pour laisser place à...
SHERRY BB
la cerise sur le gâteau, l'effeuilleuse rockabilly, la pin up dévergondée, qui n'hésite pas à nous dévoiler les appâts d'une chair sculpturale. Chacun et chacune n'en pense pas moins mais regarde à qui-mieux-mieux. Hypocrite lecteur comme disait Baudelaire dont la très chère était nue et n'avait gardé que ses bijoux. Les féministes pourront toujours s'élever contre cette consumération sensuelle de la femme considérée comme un des beaux arts, il y aura toujours des voyeurs pour relire les fleurs ( vénéneuses ) du mâle. Se dépouille de ses colifichets, nous aguiche d'un cygne d'ailes d'artificielles plumes, remue un cul charnu comme l'autruche qui l'exhausse en se cachant la tête dans le sol, dévoile en nous souriant la plastique redondante de ses seins globés, agrémentés en leur mignard téton d'un pompon à glands, tel que l'on en trouve dans les lits à baldaquins relégués au fond des secrètes alcôves de nos concupiscences réprimées, rut contenu de femelle emmitouflé dans un corps de femme. Chic et kitch. Choc et toc. Offrande voilée d'un sexe que l'on exhibe sans le montrer. Tout se passe dans la tête. Mens insane in corpore sano. Sherry BB est l'exact reflet que projette le miroir impuissant de notre âme. Arabesque des formes sinuantes, grotesque des efforts désirants. Dé-cul-palbilisez-vous. Le rock et la drogue du sexe ont toujours fait bon ménage. A trois. Sherry BB, le femme-tasme par excellence.
TOM CATS
Dernière note de l'instrumental et Sherry BB s'évanouit dans l'escalier nous laissant seuls avec les Tom Cats. Enchaînent aussitôt en vieux briscards habitués à de telles festives efflorescences. L'en faut plus pour les émouvoir. Nous resservent leur rock marmoréen sculpté aux scuds des classiques ( Vincent, Cochran, Feathers et toute la bande... ). Pat envoie à fond les caisses et Fred use de sa contrebasse comme d'une guitare, en a plein les bras mais n'oublie pas de swinguer avec la précision d'un métronome endiablé. Je n'ai pas le prénom du chanteur mais lui possède un répertoire inépuisable. Voix plastique et infatigable qui se plie à toutes les inflexions exigées, du rififi dans les rifs qui défilent comme à la parade. S'en sort joliment bien. Je rappelle qu'il n'est pas à la rythmique – cette fonction est assurée par Fred - mais à la lead. Un jeu précis qui ne se perd pas en bavardages inutiles. Néo-rockabilly ? Rappelons que les TomCats furent le premier nom des matous efflanqués de Setzer, si vous voulez, mais avec le plateau de la balance qui oscille un tantinet davantage du côté billy que rockab, à mon humble oreille. Z'en tout cas le public en redemande et l'orga enchantée leur proposera de prolonger le rappel. Ce dont personne ne se plaindra. Nous les tom-catalaguerons comme une belle découverte.
JAKE CALYPSO AND THE RED HOTS
Jake Calypso and The Red Hots, ce n'est pas comme dans En Attendant Les Barbares de Constantin Cavafy, l'on est sûr que la horde sauvage va débouler et que même l'on n'aura pas longtemps à attendre. L'on profite des derniers réglages de sono pour zieuter le petit nouveau, Guillaume, tout jeune, tout beau, sous sa casquette plate à la Blue Caps, pour le moment il se tient tranquille à côté de sa contrebasse. Non, c'est déjà parti, Patrick aux drums vient de siffler le coup d'envoi et déjà Christophe envoie un riff - à faire barrir un éléphant de colère – entre les poteaux du camp adverse. Ne cherchez pas Hervé Loison, l'est en train de se faire refiler en douce une timbale de Jack Daniel, qu'il pause précautionneusement sur l'ampli le plus proche de lui avant de s'emparer du micro. Avec sa guitare en bandoulière, sa veste et ses cheveux tirés en arrière, l'a tout l'air d'un gentleman-farmer qui va vous interpréter une doucereuse ballade de folkleux foireux à faire pleurer les grand-mères.
Pas même le temps de raccompagner les mémés à l'hospice, c'est trop tard, le Hot Rod est en flammes, l'étable est en feu, et Jake Calypso totalement inconscient de la gravité de la situation profite de l'occasion pour pousser la tyrolienne, imiter le caquètement des poules affolées et parfaire le grognement du porc monté sur sa truie et au comble de la jouissance. C'est un peu les animaux de la ferme en folie, la grande jakerie de la basse-cour de derrière les fagots. L'en rajoute avec des rasades de tagadas sans tsoin-tsoin qu'il balance dans son micro comme s'il agitait un drapeau pirate. Vous plaque quatre ou cinq morceaux du même acabit et puis décide de jouer le mec sérieux. Un slow, annonce-t-il, sans doute veut-il nous faire comprendre qu'il est un mec hyper cool qui sait moduler les progressions. Autant vous rassurer tout de suite, c'est raté. Totalement, ou alors c'est un slow qui échappe à tout contrôle, un slow de pénétration ardente lorsque votre cavalière, collée à vous, debout et dument embrochée ne peut plus retenir ses frémissements extatiques de son arrière train. Parce qu'au train appuyé où le Hot Rod dégomme ses arpèges, ça coule à fslowt bouillonnant de torrent. Toujours aussi pince sans rire, c'est maintenant la minute d'émotion pure, en quelques mots Jake Calypso évoque sa visite du studio Sun, mais là encore il n'a pas su se tenir. L'a enregistré une reprise du King – l'était pas encore le roi mais l'allait le devenir rapidement – et plank il nous jette une reprise de That's All Right Mama, à vous en faire retourner l'Elvis dans sa tombe. Un peu comme si vous essayez de faire tenir un alligator vivant dans un cercueil.
Mais il est temps de relâcher la bête, pas encore dans le public, car il y a des barrières de protection, mais dans le no man's land encagé par une orga par trop précautionneuse. Par étape. D'abord il s'agenouille sur la scène ( du meurtre ), puis s'y couche, et se penche dangereusement allongeant son torse au-dessus du vide. Une dernière reptation ventrale et le voici affalé sur la grille métallique, le public se rue sur l'idole, l'encourage, le congratule, le touche, le palpe, le caresse, l'exhorte de la voix, plus près de toi mon dieu comme l'orchestre du Titanic, un brouillamini de deux cents personnes hurlantes qui le soutiennent moralement, et physiquement puisque l'on lui glisse une fiasque de whisky entre les lèvres et les filles ne se gênent pas pour l'embrasser.
Mais monsieur Hervé Loison, ne mange pas de ce pain là, remonte sur scène et en homme responsable, en grand prêtre du rock and roll, qui se préoccupe de la santé physique de ses ouailles – je tiens à alerter les âmes sensibles que tout ce qui va suivre risque de choquer certains enfants de plus de soixante-dix ans – il nous invite puisque la pluie recommence à tomber à nous mettre à l'abri et à le rejoindre sur scène. On ne se le fait pas dire deux fois, et une trentaine de personnes – j'en suis – prennent d'assaut la malheureuse tribune.
Diabolique pandémonium ! Le Hot Rod pris d'assaut, plie mais ne rompt pas. Accélèrent le rythme. Folie générale. Ça danse, ça tangue, ça se trémousse, ça crie, ça rocke et ça rolle dans tous les coins, dans tous les sens. Christophe Gillet reçoit du renfort, lunettes à la buddy et cheveux noirs qui dépassent sous son chapeau un nouveau guitariste branche son jack, Vickor Huganet in person, si j'ai bien perçu dans le tumulte la présentation de Jake Calypso ce serait le jour de son anniversaire, mais Jake est reparti en bas dans la foule, il a abandonné le micro – dont je m'empare pour hurler tel un loup fou possédé par le diable des carrefours sous la lune – a droit à une nouvelle et longue goulée de whisky, ce qui lui donne la force de faire le poirier sur la barrière avant d'être enlevé par la foule en délire qui lui fait visiter le pays avant de le ramener à bon port. Un dernier morceau pour la route, mais comme elle promet d'être longue, Calypso nous gâte de quelques phénoménales provendes avant de nous laisser, brisés, moulus, tels des fétus de pailles qu'un tsunami rock n'a pas réussi à disperser. Merci aux Hot Rod qui furent merveilleux et au grand Jake qui nous a entraîné dans un calypso rock démoniaque.
DEUXIEME SOIREE
L'on nous a changé la couleur du bracelet et nous sommes rentrés dans l'arène. L'a fait soleil toute la journée. Samedi soir, la différence saute aux yeux. Beaucoup de monde, des motos de bikers à la pelle – je suis reconnu par deux membres du Club 931 de Chavin ( voir KR'TNT ! 173 du 18 / 01 / 14 pour le compte-rendu de cette soirée mémorable ) - la collection de voitures s'est intensément agrandie, et l'American Days porte désormais bien son nom. Patou qui ne s'est pas toujours remise de la tornade Calypso photographie plein pot. Mais il est temps de retrouver les Swinging Dice, retrouver, car la veille ce fut une agréable surprise de tomber parmi les spectateurs sur Mathieu et Fabien qui officient aussi dans les Subway Cowboys et de les rencontrer à nouveau l'après-midi au centre ville chez un disquaire devant une ruineuse collection de vinyls de blues. Un rêve, en delta plane.
SWINGING DICE
Sont sur scène, Fabien à la guitare sur notre gauche, à droite Pierre assis devant son Roland, Julien au fond à la batterie, et chose rare pour une contrebasse Mathieu au centre. Les dés qui swinguent ne sont pas un groupe rockab mais une formation swing. La meilleure définition du swing – cela peut paraître étonnant – a été donné à Paul Valéry par Albert Einstein lors d'une conversation privée comme le rapporte le poète d'Insinuant 2.
Pour bien faire entendre sa théorie de la relativité le physicien décrivait la nature comme un morceau de caoutchouc sur lequel l'on s'acharnerait à volonté, l'étirant, le compressant, selon tous les azimuts de la boussole, et en plus vers le haut et vers le bas. Qu'importe la forme que vous lui infligeriez, dans toutes les positions imaginables et inimaginables le morceau de caoutchouc malgré tous ses avatars garderait tout de même sa nature de morceau de caoutchouc.
L'en est de même pour le swing. Prenez quatre musiciens et jetez-leur une quelconque phrase – par exemple une intro de Nat King Cole - musicale entre les pattes, le premier qui s'en empare se dépêche de vous l'exposer en long et en large, mais rien ne sert d'être égoïste, pour ne pas ennuyer le spectateur l'on se dépêche de refiler le morceau aux copains – c'est là toute la différence entre le swing et le jazz dans lequel le virtuose essaie de faire joujou le plus longtemps possible avec la bestiole – et très logiquement que de la théorie de la relativité restreinte l'on passe à celle de la patate chaude, elle vous brûle les mains vous déployez des trésors d'ingéniosité pour la garder entre vos paumes mais très vite, vous vous en débarrassez en faveur du premier quidam à votre portée qui entreprend son petit jonglage personnel avant de la refiler à un autre larron... Et ainsi de suite. L'ovale du rugby dont l'équipe fait avancer la ligne mélodique en le ramenant en arrière par une passe rythmique du meilleur aloi.
N'empêche que Valéry qui s'y connaissait en rythmiques syllabiques – si vous ne croyez pas allez chatouiller de près l'horloge atomique d'un simple alexandrin – ne put s'empêcher d'objurguer au grand Kolossal Professor, qu'il fallait tout de même s'inquiéter de la nature du dit morceau de caoutchouc avant de le livrer aux derniers outrages d'une distorsion aléatoire. Ce que vous-mêmes, chers lecteurs n'avez pas manqué de remarquer lorsque je vous donnai la composition des Swingind Dice. Je vois vos sourcils en point d'interrogation. Comment un orchestre de swing sans section de cuivres ? N'est-ce pas une imposture ? Glenn Miller sans trompettes n'est-ce pas une starlette sans maillot de bain ? Et Louis Jordan sans trombones , un baiser sans moustaches ? L'est vrai que depuis Beethoven le piano est capable de remplacer à lui tout seul tout un orchestre, l'existe bien le piano-boogie, le piano-rag, le piano-jazz, et le piano swing, mais imagine-t-on la chevauchée des Walkiries sans la rutilance du pupitre wagnérien des cuivres !
Faudra vous y faire les amis. Car les Swinging Dice ont laissé la fanfare à la maison. Et le pire c'est que l'on n'a pas le temps de s'ennuyer. Suffit de suivre. C'est aussi rapide et dévastateur que Woody Woodpeker. Les Swinging Dice ça se regarde autant que ça s'écoute. Pierre deux fois plus que les autres car il chante en même temps qu'il malmène son clavier. Attention, les copains appuient souvent de la voix ses effets, tous ensemble ou un par un, car l'un entraîne l'autre. Mécanique de précision, comme ces chaînes de morceaux de sucre dont la chute de l'un entraîne la chute de l'autre et cela à l'infini. Une balle de ping pong qui rebondit dans une partie de deux équipes de double. Mais ici, ça ne tombe jamais à côté et chaque point est marqué conjointement par l'ensemble des joueurs.
Esprit de groupe, ce qui n'empêche pas les mini-challenge, Fab qui répond à l'unisson d'un quart de seconde de retard au dernier battement de Julien sur sa caisse claire, et pendant que les deux autres s'activent, Julien en rajoute toujours un que Fab reprend comme d'un revers de raquette. Genre de musique par excellence où vous ne pouvez pas vous cacher dans le nombre, c'est chacun son tour et l'idée consiste à se surpasser et à pousser l'autre toujours plus loin. Le conduire jusqu'à plus soif, jusqu'au moment crucial où le voici acculé dans le tunnel du solo en même temps obligatoire et libératoire. Se pourrissent la vie pour mieux nous gâter, Pierre debout qui trucide l'ivoire ( plastifiée ) de ses touches, Julien qui balaie ses toms à leur donner une maladie de peau, Mathieu impérial qui nous délivre de ses soli genre charge héroïque au Pont d'Arcole, ses mains rebondissent sur les cordes de la contrebasse qu'il étire comme s'il devait s'adonner au saut à l'élastique, et Fabien qui se joue de sa guitare avec tant d'aisance que l'on se dit que c'est un instrument que l'on doit maîtriser en trois jours, sans beaucoup de peine.
De parfaits musicos. En plus ils sont malins. Parce que en définitive rien n'est plus ennuyant que le swing. La perfection, on finit par s'en lasser. Alors ils ont bien le swing mais ils ont pris garde d'ajouter les six double faces des dés de la chance et du destin. Donc un coup ils zinguent dans le swing pur, mais après ils sont prêts à toutes les compromissions, les voici qui beuglent dans le boogie, qui frôlent le stroll, qui hoquètent dans le rock, qui s'enrôlent dans le roll, qui maçonnent dans le madison, qui dropent dans le bop, qui surprennent à contre-pied la flopée de danseurs qui ravis de l'aubaine essaient de s'adapter à ces incessants changements de tempo. Jouent, des classiques à la Caldonia ou des compos personnelles ( très belles ), à un, à deux, à trois, à quatre, chacun leur tour et le désordre, jamais la même combinaison, avec la voix de Pierre ou en pur instrumental, un récital mosaïque ou chaque petit fragment s'en vient se ranger à l'endroit désigné d'avance dans ce semble-t-il le plus grand désordre.
Des maîtres. Spectateurs sur les rotules, clubs de danses épuisés, nous quittent sous les applaudissements d'un dernier rappel.
MARC AND THE WILD ONES
Nous viennent de Germanie. Ne connaissent que très peu de mots français et l'anglais avec l'accent germanique change un peu de profil. Marc chanteur et guitare rythmique se charge de la communication. Pas facile et un peu longuet. Mais Stephan est impatient de jouer. Sort deux explosives pétarades de sa guitare pour hâter le processus et enfin n'y tenant plus il lance le riff du premier morceau. Heureuse initiative, car en quinze secondes le groupe est à son top niveau. D'emblée dans les limites supérieures. Presque trop bien. Car par la suite, l'on n'assistera à aucune progression. Du premier au dernier morceau l'on aura droit au même calibrage.
Etait-il vraiment impératif de préciser dès la fin du premier titre que les CD sont en vente au bas de la scène ? Intermède inutile et frustrant. Des voix s'élèvent pour demander de la musique. Moments de flottements d'autant plus pénibles que dès qu'ils redémarrent, sans effort apparent, tout baigne dans l'huile. Un rockab puissant, un peu à la Wild Goners, mais à mon goût un peu trop froid et distant. Des pros, qui ne se plantent jamais et qui filent droit sans demander notre reste. Tout est en place, voilure sous le vent et au maximum. Clipper filant grand largue vers le pays du soleil levant et pas le moindre brick pirate menaçant à l'horizon des Sargasses, si vous sentez mes rétentions.
Trois musicos qui assurent, Stepfan aux drums, Andy à la double bass and René à la lead guitar. Quand la guitare de Marc a un petit problème de fixation et qu'il la délaisse au profit de maracas, l'on ne sent pas vraiment la différence. D'autant plus qu'il assure méchant au chant. Incisif et tranchant comme un fer de hallebarde. L'ensemble est plus agréable qu'attachant. On admire mais on ne soupire pas. Vaincus mais pas convaincus. Surtout que le set n'est pas très long et le rappel vite réduit à la portion congrue d'un instrumental. Pour un final de festival, c'est un peu trop brutal. Presque déprimant.
THE END
C'est la fin. Encore un léger chouïa. L'orga appelle sur scène la trentaine de volontaires qui ont collaboré à la préparation et au déroulement de ces deux jours de festivités. Les présente tous nommément et les fait applaudir. Félicitations de penser aux petites mains, indispensables, qui ont permis la cinquième édition de cet American Days. En plus ils promettent de recommencer l'année prochaine.
Va encore falloir squatter l'appart de l'amie Patou et d'Eric !
Damie Chad
( Photos refusées par la machine ! )
JALLIES
06 – 09 – 2014 / MONTEREAU FAULT YONNE
Annoncé pratiquement du jour au lendemain, en plein samedi après-midi, à 16 h 30, l'heure exacte où les rockers ouvrent avec difficulté un oeil brumeux noyé d'alcool et de fatigue, c'est un scandale, oui mais ce sont les Jallies, alors la teuf-teuf file sur Montereau sans demander son reste, et trouve son aire de stationnement à soixante-dix mètres de la Place de la Poste. Suprême récompense des Dieux et divine apparition, la première personne que j'aperçois c'est Vanessa, pas possible, mais elle a grandi pendant les vacances, me ferai tout à l'heure la même remarque pour Céline et Leslie avant de réaliser qu'elles ont toutes les trois glissé leurs mignons petits pétons dans de gros sabots-espadrilles à hauts talons de cordes.
Place rectangulaire, pas très grande, mais plantée de platanes, avec le soleil et l'affluence l'on se croirait dans une petite ville du sud en pleine période estivale. Semaine des Arts de Montereau, tous les peintres du dimanche se sont donné rendez-vous aux quatre coins de la ville pour peindre les endroits les plus pittoresques de la la cité, et la Place de la Poste, envahie de stands d'artistes et de crêpes, est le lieu de convergence de cette manifestation picturale. Et musicale. Une amène chanteuse chargée de l'animation interprète sans trop se prendre au sérieux des airs populaires, large répertoire d'Edith Piaf à Joe Dassin... Ambiance sympathique, se sont même souvenus au dernier moment qu'ils pouvaient eux-aussi support their local rockabilly artists, et ils ont donc au dernier moment pensé à inviter les Jallies...
CONCERT
Concert de rentrée. Le premier depuis deux mois de vacances. Pratiquement improvisé. Sans répétition. A l'arrache. Devant un public qui n'attend pas les larmes aux yeux la dernière réédition de Charlie Feathers, si vous voyez ce que je veux dire. Oui, mais dès les premières notes de la balance, réduite au strict minimum, tout le monde se presse devant la scène sans demander son reste. Que voulez-vous trois beaux brins de fille, c'est plus glamour que la mauvaise herbe de rockers en perfectos usés. Formation conventionnelle, les deux garons relégués au fond, Thomas avec sa guitare rouge, Julien avec sa contrebasse, et les trois bimbos bibelots devant qui attirent les regards et les yeux.
En tout cas ce sont les oreilles qui en prennent plein les tympans. Le son est fabuleux, d'une netteté exceptionnelle, sont pratiquement dans un des coins de la place et les façades des maisons font office de parfait mur de réverbération. Un truc me sidère, Vaness n'a pas encore touché à sa caisse claire que l'on entend un claquement sec qui n'en finit pas de marquer le rythme d'une manière souveraine. Evidemment ce ne peut être une boîte à rythmes, incongrue, et qui serait incapable de produire ce bruit net de branche cassée. Cela ne peut être engendré que par la contrebasse de Julien, m'expliquera plus tard qu'il a changé de cordage, sans doute je veux bien l'accroire, mais cette violence et ce feu dévorant proviennent surtout de ses doigts, de sa chair et de son esprit, car la musique n'est que la résultante de nos états d'âme.
Devant les filles gazouillent. Chant de retrouvailles gonflé de joie et d'énergie. Céline exulte, foulard blanc autour du cou, noué à la cow-boy, ce qui conjugué à son jean bleu lui donne une coupe punchy incroyable, en trois secondes elle installe les Jallies au meilleur de leur forme d'où elles ne redescendront plus de tout le set. Leslie – ce n'est pas pour rien que nous sommes chez les peintres, vous ne pouvez pas imaginer l'accord parfait de sa chevelure rousse avec le vert de son T-shirt de dessous, du grand art et en plus je la soupçonne d'avoir réalisé cela sans y réfléchir, d'instinct synesthétique – nous envoie coup sur coup un be Bop A Lula et un These Boots are made for Walkin' de derrière les fagots, à vous couper le souffle, avec Jérôme qui est instamment prié de se saisir de sa trompette pour un aboiement de solo sur Lula qui fit l'unanimité. Quant à Vanessa, touffeur blonde dans ses atours rouges et noirs, elle irradie, son chant rauque et harmonieux à la fois – elle donne l'impression de posséder un double jeu de cordes vocales dont elle se servirait en même temps – vous subjugue.
Ne croyez pas que j'oublie les garçons, la contrebasse de Julien qui crépite comme un incendie de forêt et Thomas, qui joue plus ramassé que d'habitude, moins expansif mais qui fournit le floconné sonore de notes rondes comme des galets et bruissantes comme la mer sur laquelle les trois mouettes rieuses prennent appui pour s'envoler. Avec Jérôme en renfort à la trompette ils vont nous donner une interprétation magistrale de Johnny Got A Boom-Boom d'Imelda May à vous couper le souffle. Un truc à vous impacter le cerveau pour le reste de votre vie. Et Leslie qui caracole là-dessus comme si elle était à la tête d'une charge de cosaques. Le public ne s'y trompera pas qui applaudira à tout rompre. Avec en prime un Train Kept A Rollin dévastateur.
N'y aura pas de rappel parce que le timing de l'après-midi est chargé. Vaness résume l'opinion générale, on en aurait repris sans problème deux heures de plus. Trop court, et trop bon. Un set bourré d'énergie pure, brut de décoffrage, une super barre chocolatée vitaminée au kérosène.. La saison s'annonce chaude.
Les Jallies impérieuses et impériales.
Damie Chad
( Photo sans rapport avec le concert )
BOBBIE CLARKE
A l'origine cette chronique devait être une toute petite notule corrective. Chroniquant le livre Vie et Mort de Vince Taylor de Fabrice Gaignault ( voir KR'TNT ! 188 du 08 – 05 – 2014 ) j'avais rappelé l'existence de l'ouvrage précédemment paru de Jean-Michel Esperet Le Dernier Come-Back de Vince Taylor ( voir KR'TNT ! 142 du 02 / 05 / 2013 ) que dans le feu de l'action j'avais par une stupide homophonie renommé le Dernier Combat de Vince Taylor. Donc acte. J'invite les fans et les admirateurs à se procurer ces deux livres, le plus vite possible.
Faut rajouter le Numéro Zéro de The Observatory du mois de juin 1993 édité par le Vince Taylor Infocentre dont le directeur n'est autre que... Jean-Michel Esperet et que vous pouvez dévorer in extenso sur le site www.rollcallblog.blogspot.com. Vous devriez même vous connecter tous les matins, dès l'aube, avant même le premier café et la première cigarette sur ce site irremplaçable. Documents et archives rares, introuvables ou inédites, dernières nouvelles des artistes de la musique que nous aimons : blues, pionniers, rockabilly, country... Des jours et des jours de lectures passionnantes, plus une foultitude de liens précieux...
Sur ce numéro de The Observatory, la carrière de Vince est analysée avec une très grande précision, étape par étape avec nombreux documents iconographiques et coupures de presses à l'appui. Mais la deuxième partie est encore plus passionnante : les interviewes et les témoignages d'artistes et de musiciens qui ont été amenés à côtoyer de son vivant, ou plus tard fantasmatiquement, cet être humain au destin d'exception et aux multiples facettes que fut Brian Maurice Holden.
Mais dès que l'on parle de Vince Taylor, l'ange du désastre commence à abattre ses cartes d'une manière par trop incroyable. D'abord l'as de coeur sur la couverture du dernier Jukebox ( numéro 333 ) avec Vince Taylor en couverture, la célèbre photo avec les chaînes, et en rouge et noir le titre Bobbie Clarke Raconte. Sa carrière, avant, pendant et après ses apparitions aux côtés de Vince Taylor. Des propos recueillis par Jacques Barsamian. En son temps Bobbie Clarke fut une vedette à part entière, Jeff Beck lui proposa même de faire partie du mythique Jeff Beck Group. Se décida trop tard...
L'as de pique pour Bobby Woodman. Beaucoup plus connu sous le nom de... Bobbie Clarke, le fabuleux batteur de Vince Taylor, celui - le seul – du moins en notre doux pays si peu rockophile, qui était capable au début des années soixante, de se servir de deux grosses caisses en même temps. Le 29 août 2014. Jean-Michel Esperet m'expédie par mail la triste nouvelle alors que je rentre à la maison avec Jukebox sous le bras. Cela s'appelle souffler le chaud et le froid. La fournaise et l'hiémal polaire.
Faudra dans les semaines qui viennent que KR'TNT ! rende hommage à Bobbie Clarke.
Damie Chad
21:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
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