27/03/2013
KR'TNT ! ¤ 137. LUCKY GAMBLERS / OL'BRY / HOWLIN JAWS / GHOST HIGHWAY
KR'TNT ! ¤ 137
KEEP ROCKIN' TIL NEXT TIME
A ROCK LIT PRODUCTION
LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM
28 / 03 / 2013
LUCKY GAMBLERS / OL'BRY / HOWLIN'JAWS / GHOST HIGHWAY |
RIP IT UP PARTY
LUCKY GAMBLERS / OL' BRY / HOWLIN' JAWS
GHOST HIGHWAY
SAMEDI 23 MARS / TOURNAN-EN-BRIE
Pour Jacques Fatras
parce que l'on a besoin de ses photos
et surtout de lui.
Dix jours que je me traîne à la maison de canapé en canapé. Je sens de l'approbation dans les yeux de ma chienne. Elle est persuadée que son exemple m'a converti à son mode de vie. Aurais-je donc abandonné la vie trépidante du rocker toujours par monts et par vaux pour les saines délices du cocker et du sybaritisme canin ?
Les pâles de l'hélicoptère vrombissent au-dessus de moi. Mais je suis déjà beaucoup plus haut. Je frappe à la porte du paradis des rockers, Gene and Eddie viennent m'ouvrir, ils m'accueillent à bras ouverts et me filent de grandes tapes dans le dos comme s'ils ne connaissaient que moi et m'attendaient pour commencer leur prochain concert. « Restez avec nous, Monsieur Damie Chad, ne fermez pas les yeux ! »
Aux urgences, le chef du service se penche sur moi avec appréhension : « Vous êtes un cas atypique, Monsieur Damie Chad, vous êtes mort durant trente-cinq minutes et les analyses sanguines sont formelles, vous possédez du sang d'alligator dans les veines ! » Je lui explique que tous les rockers ont une arrière-grand-mère qui vivait à la Nouvelle Orléans, et qu'un jour la vaurienne a fait des galipettes pornographiques avec un grand saurien aquatique dans le bayou. Pour appuyer mes dires je lui raconte que Lovecraft s'est inspiré de l'histoire de cette ancêtre mythique pour créer le Cycle de Cthulhu, qu'il devrait d'ailleurs se dépêcher de lire afin de parfaire sa cthulthure.
Du coup l'on me garde dans le service pour vérifications diverses. Je suis le chouchou des infirmières. Les plus âgées me beurrent les biscottes le matin, et les plus jeunes me prélèvent des litres et des litres d'hémoglobine. Quand elles me quittent, leurs lèvres palpitantes rehaussées d'un éclat purpural, j'ai l'impression que je viens de tourner une nouvelle scène de Twiligth 6. Bref faute de preuves l'on relâche au bout de huit jours l'énigme de la science médicale que je suis devenu.
De retour à la maison, suis quand même à plat comme une roue de bicyclette, je me vautre le ventre sur la chouette couette de ma couchette, le sofa me suffit, mes forces m'abandonnent, je sens que je m'étiole, slowly but surely comme disait Ray Charles. Il est 15 heures 15, ce samedi 23 mars 2013, gone, gone, gone, je suis à l'agonie... Je suis seul et désespéré, comme Johnny Hallyday en 1967 sur la scène du Musicorama, je broie du noir. Je peux le prouver, je suis en train de lire L'Odyssée de la Soul de Florent Mazzoleni.
Quinze heures trente, baston ! Y'a le téléphone sonne. Mister B est au bout du fil. Je lui affirme que le monde court à sa perte, que je suis à deux doigts de la tombe, et pire que tout qu'il n'y a plus de futur pour le rockab dans le rêve français puisque sur Rockarochy ils n'annoncent même pas un seul concert sur la région pour les six semaines qui viennent. Il me détrompe d'éléphant. Les Ghost Highway passent ce soir à Tournan-en-Brie. Je sens sa voix embarrassée « Justement, je venais voir si tu te sentais en forme, mais d'après ce que tu viens de me dire, je ne crois pas que ça va être possible... »
Etrange, des ailes de papillons me poussent instantanément dans le dos. Je volette au-dessus du canapé à la vitesse de la patrouille de France sur les Champs Elysée un quatorze juillet. Voilà pourquoi, quatre heures et vingt six minutes et douze secondes plus tard la teuf-teuf mobile fonce à toute allure dans la nuit.
FORTUNELLA
Ferme du Plateau ( à fromage de brie ), facile à trouver. Vous partez au hasard sur les grandes lignes rectilignes de la plaine briarde et néanmoins betteravière, et vous vous arrêtez au premier tournant. Pas plus difficile que cela pour se rendre à Tournan-en-Brie. La teuf-teuf mobile se gare toute seule dans l'immense cour du Centre Culturel.
Sur le mur au fond à droite un super graphe multicolore : « Kill The Rock'n'roll Stars », apparemment dans le coin l'on est des adeptes du Do It Yourself, des marges et des franc-tireurs, un truc qui n'est pas pour nous déplaire. Pièce d'accueil, remplie comme un oeuf dur mayonnaise d'ornithorynque, par grappes sur de gros canapés rouges, en bande autour d'un vieux juke box d'un bleu aussi puissant que les yeux de... ( chacun mettra le prénom féminin qui ranimera son coeur ).
File à gauche. Nous attendons patiemment notre tour. Sept euros pour quatre groupes, c'est donné. Je sais que je suis joli garçon, mais tout de même la caissière exagère, elle calligraphie sur mon poignet droit une marque de passage, un magnifique F majuscule. Me prendrait-elle pour une fille ? Elle m'explique que c'est l'initiale de Fortunella l'association organisatrice. Depuis 2003, z'ont ouvert deux studios de répète pas cher, organisent des concerts, et un festival début juillet nommé La Ferme Electrique. Ma virilité retrouvée, je respire.
Des applaudissements se faisant entendre je pénètre au plus vite dans la deuxième salle. Me retrouve au premier rang devant tout le monde. Apparemment la scène est sur ma droite, moi je regardais tout droit en direction du bar. Je tourne la tête et manque de tomber en syncope. Une planche de cinquante quatre centimètres et demi de large. Même pas de quoi poser un ampli. D'ailleurs ceux qui sont dessus chantent a capella. Ce sont trois membres des Ol' Bry qui font du Doo Wop. N'y a qu'à fermer les yeux et ajouter un pour s'imaginer voir le Golden Gate Quartet. Lorsqu'ils descendent de leur strapontin je me retourne comme tout le monde vers la gauche. Ouf ! longue salle, légèrement étroite mais avec au fond une véritable scène encombrée de matos. Plus des coulisses par derrière. Des têtes connues, mais beaucoup de jeunes gens, surtout des filles plus que jolies, qui s'en viennent de Paris trouver par ici, ce qu'elles n'ont pas là-bas.
THE LUCKY GAMBLERS
Passons aux choses sérieuses. Les Lucky Gamblers – faites vos jeux, rien ne va plus – montent sur scène. Sont trois. Chacun derrière son micro et sa guitare. A notre droite, François à la basse électrique, à gauche Arnaud, au centre Alexis, tous deux munis d'une sèche électrifiée. Pas de batteur. La roots route. Arborent un look de cowboy, chemises à petits carreaux mais ils ont remplacé le stetson par le borsalino. Avec leur grande silhouette dégingandée ils évoquent davantage la modernité macadam que les antiques grandes prairies. Question montures j'ai oublié de noter les lunettes d'Arnaud à faire pâlir d'envie Buddy Holly.
En plus pour des cowboys ils sont manifestement du côté des indiens puisqu'ils commencent leur set par Apache. Choisissent la difficulté. Vous me ferez le plaisir de ne pas confondre electrificated Hank Marvin avec electrik Hank Marvin. En plus ils ont apposé, comme ma grand-mère sur les pots de confiture, un couvercle sur la rosace de leur gratte, pour éviter un son trop métallique et maigrelet et tout effet indésirable de larsen. Vous pouvez faire la fine bouche, n'empêche que Géronimo et ses guerriers galopent sans faillir et à la fin du morceau ils disparaissent dans la poussière en entraînant une cavalcade de bravos admiratifs.
Pour la suite, n'y vont pas par quatre chemins les Lucky Gamblers, on peut dire qu'ils ont mis toutes les chances de leurs côtés, ont enrôlé dans leur bande, the first desesperado, le justicier au colt le plus rapide et à la morale la plus intransigeante de tout l'Ouest. Hello, I'm Johnny Cash, pas besoin de plus ample présentation. Une de ses toutes premières créations chez Sun, Big River, juste le temps d'enseigner au saule de la rivière comment pleurer – the man in black n'a jamais été un rigolo - et les voix caverneuses des Gamblers rendent à merveille l'ambiance cashienne. Plus tard, sur Hurt, ils sauront reprendre les intonations désespérées mais sans concession d'Old Johnny qui chante encore, face à la camarde, assis au bord de sa tombe les jambes pendantes, retenant les longs sanglots qui n'ont pas fui. Belle interprétation de Folsom Prison Blues, qui frissonne le dos de l'auditoire et passe à la vitesse d'un détenu sur la chaise électrique.
Mais ne font pas que du Cash. Hotel Yorba des White Stripes qui prend aux tripes et plus discutables - selon moi – la reprise de On Nous Cache Tout de Dutronc, très bien orchestrée – comment se débrouillent-ils pour produire un si beau tintamarre avec si peu de matos – mais quelque part un peu à porte à faux avec l'esprit général du répertoire plus sombre. Question de contraste, peut-être.
N'ai vraiment tiqué que sur leur version de Rawhide qui s'est arrêtée sur celle des Blues Brothers, fallait remonter jusqu'à l'originale de Frankie Laine en 1958 qui a su la colorer d'un souffle épique de ballade romantique - que Marvin saura retrouver dans sa version d'Apache – et qui manque totalement à Steve Cropper et à ses complices. La fin, trop abrupte qui ferme si brutalement le morceau alors qu'il est un hymne aux grands espaces, est un véritable contresens à la philosophie mythique de l'univers du western.
Oui mais pour les douze autres titres, j'ai été comme le reste du public. Surpris. Conquis. Ravi. De la tête aux pieds. Envie de les revoir. Sont du coin, naviguent entre Lognes et Noisy. On les retrouvera donc. Avec plaisir. Lucky Gamblers. Impair passe, et gagnent. Le gros lot en plus. Belles voix et bons gratteux. Difficile de trouver mieux dans le genre rockabilly acoustique.
THE OL'BRY
L'air de rien Eddie tapote le micro, Rémy vérifie pour la sixième l'embouchure de son saxophone, Thierry caresse les flancs de sa double bass, Diego ( si je ne me trompe ) gratouille les cordes de sa guitare en prenant soin de couper le son, bref il y a comme un hic. Un immense vide par derrière. Le siège du batteur est aussi désertique qu'un porte-monnaie de smicard la veille de la paye. Mais le voici, qui traverse la scène en courant, porte un fagot de baguettes assez gros pour alimenter un resto chinois pendant trois mois. « Ladies and Gentlemen, the Ol' » Thierry tapote discrètement le bras d'Eddie dont la phrase de présentation reste en suspens. Le drumer s'est éclipsé dans les coulisses, l'en ressort illico avec sa caisse claire – les rires sarcastiques fusent dans la salle - qu'il se hâte de fixer sur le chevalet approprié. Se retourne vers nous et nous sourit. Surprise ce n'est pas Marcello mais Crash Boom Bang – Baptiste pour les intimes – des Howlin' Jaws qui s'y colle. Ce coup-ci sera le bon : « Ladies and Gentlemen, the Ol' Bry ! ».
The Ol' Bry, ce n'est pas tout à fait du rockabilly. Quoiqu'ils nous livreront une version de Rip It Up – vu le nom de la party, le morceau s'imposait – qui laissera tout le monde de cul. D'une propreté immaculée, d'une mise en place péremptoire. Un truc touché par la grâce dont on se souvient dix années plus tard. Les Ol' Bry, c'est du rockab, un peu avant, un peu pendant, un peu après, mais à toutes les périodes totalement décalés, un regard appuyé vers la musique noire d'une richesse infinie, le premier sein nourricier du rock'n'roll qu'un Elvis Presley ne s'est pas privé de téter goulument durant sa prime jeunesse.
Comme je me soucie des demoiselles je vais commencer par le bout de la fin, qui ne manquera pas de leur fournir quelque plaisir. The earlier sixties, pas plus haut que 1962, la saison des slows fondants. Style, My Girl. Si vous n'arrivez pas à emballer sur de telles fontaines de suavités c'est que vous êtes un véritable blaireau qui n'êtes jamais sorti de votre trou. Et encore moins pas prêt de rentrer dans celui de votre voisine. Du plaisir pur, des lingotières d'émotion, des cascades de sentiments, de la culotte mouillée par dizaines. Nous en délivreront trois ou quatre dans le genre durant le set, le velouté de la voix soul d'Eddie caresse l'auditoire dans un sens orgasmique. Le public n'est plus qu'un ramassis enchevêtré de corps qui tanguent dangereusement l'un vers l'autre. Musique des sphères célestes et lois impérieuses des attirances gravitationnelles.
Heureusement qu'ils nous assènent par la suite quelques volées de bois vert à la rock'n'roll pour nous remettre sur le bon chemin. Mais ils nous emmènent aussi ailleurs. Dans le mid tempo des arrangements surprenants et les entrelacements de rythmes qui flirtent avec le Doo- Wop et le vieux rhythm & blues des familles. Ah ! Ce sax de Rémy pas du tout aphone qui appuie partout où ça fait mal. Souligne les pointes de vitesse lorsque le morceau semble filer droit vers le mur et marque les brisures impromptues de tonitruants coups de klaxon à vous couper le souffle.
Le dernier tiers du set sera encore meilleur. Peut-être parce qu'il correspond mieux au feeling de Crash Boom Bang. Que voulez-vous un batteur de rock ça vous cloue ses tripes sur la caisse claire. Un poing c'est tout. Les nuances calypso, les soupçons de pseudos rythmiques cha-cha, les intonations sourdes du mambo, les cats ils ne pratiquent pas beaucoup. Baptiste il porte de préférence le perfecto, pas le marcel. Question de genre. Alors quand Eddie s'énerve, qu'il arrête le velouté falsetto et qu'il fonce comme un madurle dans des rocks endiablés, Crack Boum boum Hug il cogne comme un sauvage et comme Thierry n'est pas particulièrement manchot sur sa basse, ça déboule de tous les azimuts, un torrent dévastateur qui emporte tout sur son passage. La salle chavire d'excitation. Ouragan d'applaudissements ininterrompus durant les dernières minutes du show. Les Ol' Bry nous laissent brisés et lessivés. Vous savez cette impression de baisser les bras et de s'abandonner à la fatigue quand l'on a baisé comme des fous. Bref, les Ol' Bry furent brillantissimes.
HOWLIN JAWS
Plus de six mois que nous n'avions point vu les Howlin Jaws. Devrait y avoir un codicille à la Déclaration des Droits de l'Homme qui interdisent de tels manquements à l'esthétique rock'n'roll. Car voyez-vous les Howlin' Jaws c'est tout ce que l'on aime dans le rock, de tout jeunes gens aux dents aussi longues que la corne des narvals qui passent leur temps à mordre tout ce qui passe à leur portée. Souvenez-vous de leur passage à l'Olympia en première partie d'Imelda May, ils avaient foncé dans le tas à la vitesse de Moby Dick se jetant sur le navire du capitaine Achab. Nous avaient pulvérisés et coupé les jambes. C'était au joli mois de mai de l'année dernière ( voir notre quatre-vingt dix-huitième chronique ) et ils avaient remis l'abordage quinze jours plus tard au Cirque Electrique ( cf notre cent-unième livraison ), style le couteau entre les dents dans les haubans, à l'abordage pas de quartier. Une tuerie, boucher de Batignolles qui vous hache menu, menu, menu, minou, car c'est ainsi que l'on fait du bon mou pour les Cats.
Oui mais tout cela, c'était l'année dernière. Va falloir oublier, de l'histoire ancienne. Faut remettre les pendules à l'heure, et lorsqu'ils débutent il n'est pas très loin de minuit, l'instant fatidique et criminel, celui où tous les Cats sont plus noirs que leur ombre, et plus féroces que les tigres blancs de la jungle birmane altérés de sang. Ont commencé fair-play en nous laissant trois minutes de répit. Le temps pour Baptiste d'éprouver sur le rebord de sa caisse claire la solidité de ses baguettes avec l'oeil méchant du bûcheron canadien qui évalue le séquoïa qu'il s'apprête à couper en deux, le temps pour Djivan d'envoyer de grande claques sur l'autocollant Sun de sa contrebasse noire et luisante comme un capot de Cadillac la figure barrée par un sourire de carnassier à la caïman, quant à Eddie il a l'air ( mauvais ) de menacer d'une sacrée rouste sa Gretsch orange qui ne moufte pas.
One, two, three, et c'est parti. Trois maroufles sur la double-bass et Djivan entonne Walk By My Side. Tout un programme. L'on ne saute pas d'un set des Hawlin en cours de route. Accrochez-vous, vomissez par la portière, faites votre dernière prière, mais l'on n'arrête pas le convoi de la mort sûre. Ce qui saute aux oreilles dès les trois premières démesures c'est qu'en neuf mois les Jaws ont mûri. Comme une grenade qui éparpille ses grains de mitraille au plus profond de vos entrailles. Djivan ne bougonne plus son anglais comme un bouledogue furieux, l'étire et l'étripe dans tous les sens, le rend élastique et sensuel. La rage du lion qui déchire sa proie royale. Pareil pour le jeu de corde, avant il fonçait droit devant lui, maintenant il défonce par-devant et sur les côtés et il emporte le tout de l'autre côté du long fleuve tumultueux de la vie sauvage.
Je ne sais pas ce qu' Eddie a trafiqué depuis notre dernière rencontre. Suis toutefois prêt à parier qu'il ne s'est pas inscrit pour suivre un régime zen macrobiotique. Avant il jouait de la guitare. Comme tout le monde. Enfin presque, et un peu mieux. L'on sentait qu'il réfléchissait, qu'il se posait des problèmes, qu'il essayait de les résoudre avec les moyens du bord. C'était avant. Maintenant il est devenu un guitariste. Un Guitariste Rock, ce qui est beaucoup mieux que les asperges à l'eau bénite d'un Alexandre Lagoya, je vous le jure. J'espère que vous avez intuité les majuscules. Révérence oblige.
Eddie ne se barre plus vers les barrés au haut du manche, par ici la sortie. Frappe la bête au ventre. La pique méchant, technique fly-pickin', un doigt pour chaque corde et ne craignez rien pour la sixième elle n'est pas inscrite au chômage. Ce n'est plus du jeu, c'est de la science. Qui ne serait rien sans la conscience aiguë de la rage à ne pas contenir et de l'énergie électrique à transmuter en énergie atomique. Ce n'est plus du plaisir à le regarder, c'est de la jouissance à essayer de courir des yeux plus vite que ses mains tumultueuses qui sont partout à la fois.
Je ne devrais pas vous parler du résultat d'ensemble. Je vais vous rendre malade de jalousie, mais tant pis pour vous vous n'aviez qu'à y être. Ce soir les Howlin Jaws nous ont fait un remake de la guerre des étoiles. Mais en direct. Ont pulvérisé le rockabilly, l'ont traîné dans tous les coins, l'ont rendu maboul du côté psycho, l'ont ardé dans les flammes du hard, l'ont planqué dans les soubresauts du punk, l'ont étonné dans les plans stoners, lui en ont fait voir toutes les sombres couleurs de l'arc-en-enfer, et le tout sans jamais se départir des règles intangibles des péquenots originels du Sud profond.
Un Honey Don't qui a époustouflé tout le monde. Si le grand Carl Perkins avait pu voir, l'aurait été le premier surpris de cette fidélité germinative. Les Howlin Jaws repoussent les cloisons mais n'abattent pas la maison. Bâtissent directement sur les fondations. Et puis cette folie communicative sur Midnigth Train, Electric Mind, et Danger, je n'ai plus de mots pour évoquer cet anaconda électrique qui nous a enserrés dans ces anneaux de feu.
J'en oublie Baptiste derrière sa batterie. L'a pulsé et déroulé sans défaillir un tapis roulant de bombes au phosphores, Djivan y a tissé avec les fils de sa doublebass des motifs d'une netteté éblouissante tandis que sa voix découpait au laser des lyrics d'acier tranchants. N'ayons pas peur de l'affirmer, les Howlin Jaws ont remporté le troisième set à grands coups de roquettes dévastatrices.
GHOST HIGWAY
Les fantômes sont là, en chair et en os. Mettent la dernière main à leurs préparatifs. Sauf Phil qui s'amuse comme un petit fou, l'a déniché dans les coulisses tout un tas de costumes féminins avec lesquels il s'en vient parader. Un véritable défilé de mode. Entre nous soit dit, l'on ne voudrait pas le vexer, vaudrait mieux qu'il reste batteur que de s'inscrire comme mannequin chez Coco Chanel. La jupe 1950 à larges plis ne lui sied point. Depuis qu'il a accompagné Wanda Jackson au Portugal, il a parfois envie de l'imiter. Faudrait que ses compères lui soufflent que tout le monde le préfère en jeans.
Ca y est. On a réussi à remettre Phil derrière ses toms, je ne le verrai plus de toute la soirée car je suis tout devant accoudé sur les retours ( photos faisant foi ) et la silhouette d'Arno plantée au milieu de la scène me le cachera totalement. Me tordrai toutefois le cou pour le voir siffler le dernier refrain sur Country Heroes. Tout le monde l'attend au Tournan. Encore une fois – avec sa casquette bleue sur le chef - il s'en tire comme un chef à tel point que toute une partie du public soufflera avec lui. La classe !
Sont en train d'enregistrer leur nouveau disque les Ghost, aussi ce soir ils nous apportent la primeur d'un de leur nouveau morceau Female Hercules paru en 1954, une reprise des Carlisles, un groupe de jump jive, centré autour de la personnalité de Bill Carlisle, qui fit au milieu des années cinquante les joies de la programmation du Grand Ole Opry. Fouillent pas que les effets féminins dans les armoires les Ghost, revisitent avec soin tout ce qui touche de près ou de loin à l'héritage rockabilly. En donnent une version beaucoup moins sautillante que l'originale dans laquelle Mister Jull en sorcier des cordes opère l'indispensable transmutation du old country en solid rockabilly.
Arno s'amuse comme un fou. Chaque fois que Jull plaque des accords resplendissants, sa guitare sèche en main il vous prend des poses de rock star dignes d'un groupe de hardos, levant au ciel sa rythmique comme un gladiateur qui vient de trancher la tête de son ennemi. Manque absolu de sérieux. L'a mis lui aussi un cache sur sa rosace ce qui ne l'empêchera pas de casser une corde vers la fin du set. Partira en coulisse chercher sa guitare noire à la Johnny Cash.
Les Ghost ne nous délivreront que vingt malheureux petits morceaux. Une pitié, nous quitteront sur un Johnny Law d'anthologie tout en nous laissant sur notre faim. L'on est comme les enfants gâtés qui ne doutons de rien, plus c'est bon, plus il faut que ça soit long. L'on aurait bien repris une dizaine de cuillerées de ce sirop râpeux et magique. J'ai compté sur mes doigts mais Zio ne nous a régalés que d'un seul et unique solo sur sa contrebasse, certes le mieux du mieux, mais un petit deuxième nous aurait fait tellement plaisir !
De toutes les manières on les reverra bientôt ! Un concert des Ghost Highway ça ne se rate pas. Mais comment font-ils pour nous éblouir à chaque fois.
RETOUR A LA MAISON
Bonne ambiance, l'on retrouve les copains, Fred et Thierry Credaro – m'apprend que sa fille Emilie joue pas très loin de là – puis Mumu et Billy et bien d'autres. Je ne sors pas beaucoup pour discuter et tirer la clope devant les portes, déjà qu'à l'intérieur il règne une température spartiate !
Dans la teuf-teuf mobile avec Mister B l'on tire le bilan de la soirée, quatre superbes concerts, les Lucky Gamblers au goût prononcé de revenez-y et plus qu'attachants, les Ol' Bry appétissants, les Howlin Jaws aux morsures de vampire, fracassants, et les Ghost Highway toujours devant.
Deux heures du matin, je rentre à la maison en pleine forme, comme quoi le docteur Mitchell avait raison :
Je téléphone à mon confrère Schmall
Il en rigole
Il me dit qu'il y a un remède à tout
Même à une pneumonie rock
Et à une boogie woogie toux
Tiens, je vous délivre une dernière ordonnance : écoutez plutôt l'original de Huey Piano Smith avec les Clowns, vous n'aurez pas de mal avec la transcription amerloque, pour une fois les ricains avaient fait un effort :
Rockin' Pneumonia and Boogie-woogie Flu
Damie Chad.
PS : toutes les photos ont été fauchées sur les facebooks des artistes.
23:54 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
juste un petit lien pour accéder à l'album photo entier:
https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10151347314253848.1073741828.292964498847&type=1
Écrit par : ZOOMPHOTO | 28/03/2013
Merci pour ce petit feedback, très bon concert
Écrit par : thierry | 29/03/2013
Les commentaires sont fermés.